4. Recommandations
4.1. Recommandations par rapport à la loi-cadre
bancaire
? Comptes courants/d'épargne et
d'investissement :
En l'absence d'une règlementation adaptée, les
dépôts reçus des clients par les BI peuvent
révéler certains problèmes. En effet, le principal
problème est lié à la méconnaissance de la nature
de ces comptes. Par exemple certains titulaires des comptes d'investissement
n'accepteraient pas que la banque leur annonce que les
projets financés par leurs dépôts ont été
investis à perte. D'autres détenteurs de comptes
courants/d'épargne eux, ne comprendraient pas que la banque ne verse pas
de rémunérations dans leur compte comme don. Cette
méconnaissance peut prêter à confusion et constituer une
source de litiges entre la banque et les clients. De ce fait, la loi-cadre doit
prévoir explicitement des textes pour pallier ces insuffisances. Ainsi
certaines dispositions doivent être prises :
· La qualification des régimes des
dépôts doit être déterminée (IFAAS, 2012) :
quels sont les comptes rémunérés ou non ? la banque
islamique à-t-elle l'obligation de verser des dons dans les comptes
ordinaires ? toutes ces dispositions doivent être prévues dans la
loi-cadre bancaire pour éviter tout litige entre la banque et les
clients ;
· La méthode utilisée pour allouer les
coûts de même que celle d'allocation des ressources doit être
prédéterminée dans la loi-cadre et non laissée
à la libre appréciation de la banque islamique qui aura tendance
à privilégier celle qui l'avantage ;
La Banque Centrale pourra donc se référer aux
normes de l'IFSB pour déterminer le régime des comptes
courants/d'épargne et des comptes d'investissement.
? Gestion de la liquidité et problème
du refinancement
La problématique de la gestion de liquidité des
banques islamiques se pose avec acuité.
Remédier à cette difficulté est d'une
importance capitale dans le processus d'implantation de la finance islamique
dans la zone UEMOA. Il en va en effet de la « survie » des banques
islamiques. Pour cela, la première étape de ce processus
consisterait pour les autorités compétentes à reconnaitre
et autoriser l'émission et l'acquisition des titres financiers
islamiques (Sukuk) pour permettre aux banques islamiques de faire face
aux problèmes liés à la gestion de la liquidité.
Ensuite, la Banque Centrale peut s'inspirer de l'exemple des Banques Centrales
de
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la Malaisie, du Bahreïn et du Soudan qui ont mis en
place des instruments de gestion de liquidité efficaces des BI. En
effet, ces dernières ont apporté certaines innovations dont :
· En 2008, La Banque Centrale de Bahreïn (BCB) a
lancé un nouvel instrument financier islamique permettant
l'amélioration de la liquidité à court-terme. En effet, ce
produit, l'Islamic Sukuk Liquidity Instrument
(ISLI) est conçu pour permettre aux IFI et aux banques
conventionnelles d'avoir accès à une liquidité à
court terme contre des Sukuks Ijarah souverains. le but de la
stratégie de la BCB est de créer un marché Sukuk
plus profond et plus liquide, ce qui devrait stimuler et promouvoir un
marché financier islamique plus actif ;
· En juin 2009, La Banque Centrale de Malaisie ou Bank
NEGARA a procédé à la mise en place de la plateforme de
Trading (échange) des Commodity Based Murabaha (CBM).
Le Trading des CBM est un instrument efficace de gestion de
liquidité très utilisé en Malaisie qui utilise l'huile de
palme comme actif sous-jacent aux opérations de Murabaha de
maturité court terme. Cette technique est très pratique dans le
cadre de la politique monétaire des banques centrales car elle permet
d'absorber ou d'injecter de la liquidité selon les besoins. Dans une
situation de surliquidité des banques islamiques, la Banque Centrale
joue le rôle de donneur d'ordre en achetant à crédit
auprès des banques en excès de liquidité de l'huile de
palme. Puis, la Bank NEGARA revend les produits au comptant
légèrement en deca de sa valeur d'acquisition. Elle arrive ainsi
à capter la surliquidité des banques islamiques.
Courtier A
Courtier B
3
1
BC Malaisie
BI A
2
Figure II.4 : Absorption de liquidité au moyen
du CBM :
1. La BI A (en surliquidité) achète cash pour la
BC de l'huile de palme auprès d'un courtier A
2. La BI A vend l'huile de palme à crédit à
la BC au prix d'achat + marge bénéficiaire
3. La BC revend l'huile sur le marché des matières
premières à un courtier B
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Courtier A
Courtier B
3
1
BC Malaisie
BI B
2
Figure II.5 : Injection de liquidité au moyen
du CBM :
1. La BC achète cash pour la BI B (non liquide) de
l'huile de palme auprès d'un courtier A
2. La BC vend l'huile de palme à crédit à
la BI B au prix d'achat + marge bénéficiaire
3. La BI B revend l'huile sur le marché des
matières premières à un courtier B au comptant
Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive des techniques
utilisées pour gérer la liquidité des banques islamiques.
En plus de celles-ci des réflexions peuvent être menées
pour trouver d'autres respectant les principes de la Gharia.
? Règles de gouvernance :
La gouvernance des banques islamiques est différente de
celle des banques conventionnelles. En effet, l'objectif premier des banques
islamiques est de promouvoir l'activité bancaire conformément aux
principes de la Gharia. Cette attitude s'impose à l'ensemble du
personnel de la banque islamique et guide la gouvernance interne de
l'établissement. C'est dans ce contexte que l'IFSB définit le
système de Gharia gouvernance comme : « un ensemble de
dispositions institutionnelles et organisationnelles à travers lequel
les IFI assurent qu'il y a un contrôle indépendant efficace de la
conformité à la Gharia, grâce à l'émission de
pertinentes Gharia déclarations, la diffusion d'informations et un audit
interne de Gharia » (IFSB, 2009, p. 2). Cette définition
laisse apparaitre trois éléments essentiels de la gouvernance
islamique :
· Mise en place d'un dispositif institutionnel et
organisationnel ;
· Un contrôle indépendant efficace ;
· Une Gharia déclaration (diffusion
d'information).
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En résumé, la loi-cadre bancaire doit rendre
obligatoire la présence d'un Gharia board dans toute
institution de type islamique dont le rôle sera de veiller à la
conformité des produits offerts par la banque à la
Gharia. La Banque Centrale doit-elle même se doter d'un tel
comité pour contrôler les décisions rendues par les
comités des différentes IFI.
D'autre part, les règles de gouvernance
déjà existantes doivent être étendues aux banques
islamiques. Ainsi, la Banque Centrale doit également rendre obligatoire
pour les banques islamiques :
· L'article 45 relatif à la limitation des
prêts aux personnes intervenant dans la gestion de la banque. Cette
limitation doit s'étendre aux financements Murabaha,
Ijarah...etc., accordés aux mêmes personnes
concernées travaillant dans les banques islamiques ;
· L'exigence d'une certaine expérience en
matière bancaire et financière islamique pour pouvoir postuler
aux postes prévus par l'article 25 dans les banques islamiques ;
· L'obligation d'informer la clientèle des
barèmes, des conditions minimales et maximales qui leur sont
applicables. De même cette disposition doit mettre l'accent sur
l'obligation d'informer les déposants, et en particulier ceux titulaires
des comptes d'investissement sur la nature de leurs comptes. Etc.
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