B. Les Drapeaux Rouges
Ces facteurs, souvent appelés « Drapeaux Rouges
»80 par les observateurs, sont des critères objectifs
dont la détection entraînera automatiquement le
déclenchement d'un processus de due diligence.
Parmi ces « drapeaux rouges », on peut notamment citer
:
· Le fait que l'exécution du contrat se situe sur
un territoire à risque (la carte de l'indice de Corruption mondiale de
TI est une bonne base pour effectuer une cartographie géographique des
risques) ;
· Le fait que le partenaire ait déjà
été condamné pour des faits de Corruption par le
passé ;
79 Concernant les fusions-acquisitions, il a
été notamment jugé qu'une entreprise était
responsable des faits de corruption auxquels s'était adonnée
l'entreprise ainsi absorbée, lorsque les mesures de dues diligences
suffisantes n'ont pas été prises pour permettre, notamment de
révéler les faits postérieurement à
l'opération de fusion-acquisition. Voir Etats-Unis contre SYNCOR, EU
contre TITAN, et les Avis du DOJ n°08-02, 03-01 et 0402.
80 « Red Flag » en anglais.
·
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Le fait que le partenaire est actuellement sous investigations
d'une autorité en charge de la lutte contre la Corruption ;
· Le fait que le partenaire soit une entreprise d'Etat ou
un membre suffisamment connu du gouvernement pour que cela se détecte
sans due diligence ;
· Le secteur d'activité particulièrement
à risque dans lequel s'inscrirait le contrat (le secteur
pétrolier ou le secteur pharmaceutique sont par exemple des secteurs
où le risque de Corruption est important) ;
· Lorsque l'on passe par un intermédiaire, une
commission particulièrement élevée par rapport à ce
qu'est censé effectuer cette personne, etc.
La liste des Drapeaux Rouges que détermine
l'entreprise peut, bien entendu, s'allonger autant qu'elle le juge
nécessaire. Ceux-ci doivent simplement être suffisamment larges
pour être détectés par une vérification très
sommaire (notamment de la part des personnes chargées de la
période précédent la signature du contrat).
Les dues diligences ainsi déclenchées auront
pour but de rechercher des informations venant corroborer ou infirmer les
craintes que soulève naturellement un Drapeau Rouge. Mais ce n'est pas
tout.
Pour en comprendre l'importance, il est intéressant de
présenter les deux outils principaux de la due diligence.
C. Les outils de due diligence
Les due diligences se présentent sous deux formes
principales : les questionnaires de due diligence et les vérifications
des renseignements par internet (appelés aussi communément «
vérifications de réputation »)
Les questionnaires de due diligence reprennent le principe
connu en LAB des questionnaires « Know Your Custommer »81.
Il s'agit de questionnaires envoyés aux partenaires dans lesquels il
leur est demandé de répondre à plusieurs questions. Les
réponses à ces questions servent alors à l'émetteur
des questionnaires (et plus précisément à son service de
Compliance) pour déterminer le niveau de risque que présente ce
partenaire. Les renseignements ainsi demandés vont donc être
relatifs aux risques de Corruption.
Tout naturellement, bon nombre de ces questions vont d'abord
porter sur d'éventuelles poursuites à l'encontre de la personne
sur le fondement des lois anti-Corruption.
Mais puisqu'il s'agit aussi pour le service de Compliance de
déterminer le niveau de risque que présente ce partenaire, il va
aussi être question d'analyser tous les éléments qui
pourraient relier ce partenaire à d'autres auteurs de Corruption. En
effet, la notion de Corruption est très extensive. Si des faits de
Corruption sont avérés dans le schéma contractuel en
question, la responsabilité de l'entreprise pourra être
engagée ; à moins que celle-ci ne prouve qu'elle avait mis en
place toutes les procédures nécessaires pour s'assurer qu'aucun
fait de Corruption ne serait commis. Cela commence par une obligation,
81 Notamment imposés au travers des « programmes
d'identification des clients » par le « Bank Secrecy Act » de
1970 et le « USA PATRIOT Act » de 2002, aux Etats-Unis.
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pour l'entreprise, de rechercher les facteurs de risques de
Corruption, pour prendre les mesures adéquates le cas
échéant.
Les renseignements demandés vont donc aussi porter sur
d'éventuels co-contractants, sur les personnes exerçant une
influence sur le partenaire ou encore sur les mesures prises par ce partenaire,
au sein de sa propre structure, pour lutter contre la Corruption.
Une fois tous les renseignements demandés obtenus, et
le que le niveau de risque que présente le partenaire
déterminé au vu des réponses apportées à ce
questionnaire, la décision sera alors prise de nouer ou non des
relations d'affaires avec ce partenaire. Si la décision est de
contracter, le niveau de risque ainsi déterminé servira à
fixer d'autres garde-fous pour l'entreprise.
Mais les informations ainsi collectées seront aussi
confrontées au deuxième outil de la Compliance dans la
procédure de due diligence : la « vérification de
réputation».
Cette vérification consiste en une simple (mais
minutieuse) recherche d'informations relatives au partenaire, sur internet. Cet
outil servira à la fois à déterminer le niveau de risque
que présente le partenaire, par rapport aux renseignements ainsi
collectés, mais également à vérifier la bonne foi
dans les réponses qu'a fourni le partenaire dans le questionnaire de due
diligence. Il est évident que si des discordances sont
détectées, cela n'ira pas dans le sens d'une diminution du niveau
de risque et que des explications seront nécessaires de la part du
partenaire.
Enfin, si la procédure de due diligence est
primordiale, la prévention contre la Corruption se fait aussi via
d'autres mécanismes.
§2. Les autres dispositifs de prévention de la
corruption en entreprise
Les autres dispositifs de prévention des risques de
Corruption sont des dispositifs plus familiers des services juridiques «
classiques » de toute entreprise.
Ainsi, la mise en place d'une Compliance efficace passe
forcément par un travail de veille juridique. Cette veille consistera
surtout, dans le domaine récent de la lutte contre la Corruption
à analyser les jurisprudences. Celles-ci sont en effet riches
d'enseignements sur l'évolution à long terme de la lutte contre
la Corruption.
Cette veille juridique a également cela d'original, du
fait de la jeunesse de la matière, de porter sur les mesures prises par
les autres entreprises du même secteur pour lutter contre la Corruption.
Un travail facilité par le fait que les grandes lignes des politiques de
Compliance des entreprises sont souvent un moyen de soigner leur image et sont
donc publiques et facilement trouvables sur internet.
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Cette veille juridique servira bien entendu à mettre
à jour les procédures internes à l'entreprise pour lutter
contre la Corruption. Lesdites procédures étant d'ailleurs
élaborées en coopération avec d'autres services de
l'entreprise, ce qui constitue une des étapes importantes du
développement d'une culture juridique (qui sera l'objet d'une section de
ce mémoire).
Enfin, la Compliance comporte également un volet
contractuel. La Compliance passe par l'élaboration de clauses de
Compliance insérées dans les contrats. Elle se fait aussi par le
biais de la signature de déclarations de conformité des
partenaires avec les lois anti-Corruption.
Les clauses de Compliance peuvent être par ailleurs
très importantes. Ainsi, certains contrats types proposés sur
internet proposent la rupture pure et simple du contrat en cas de faits de
Corruption de la part du partenaire, sans aucun dédommagement. D'autres
clauses de Compliance prévoient quant à elle un droit d'audit sur
tous les documents jugés nécessaires par l'entreprise.
Sous-Section II. Les moyens d'action et de
contrôle au bénéfice de la Compliance
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