LE ROLE DE LA
COMPLIANCE
ANTI-CORRUPTION
UNIVERSITE DE VERSAILLES SAINT QUENTIN EN
YVELINES
Sous la direction de :
Marie-Emma BOURSIER, Directrice du Master professionnel de
droit pénal de l'entreprise Alexandra SERINET, Directrice du Master
professionnel de droit pénal de l'entreprise Nathalie GOUACHE,
Vice-President Legal & Regional Compliance Officer TECHNIP
LE ROLE
DE
LA COMPLIANCE
ANTI-CORRUPTION
Mes remerciements vont à Mme Gouache, Vice-President Legal
& Regional Compliance Officer de la société Technip, pour la
confiance qu'elle m'a accordée et sans laquelle la rédaction de
ce mémoire aurait été impossible.
Je tenais également à remercier les juristes du
département Compliance de la société Technip, M. Baup, Mme
Seguineau et Mme de Rocca Serra, pour le partage de leur expérience et
leurs critiques qui m'ont été précieuses.
Je voulais aussi remercier les enseignants et intervenants du
Master 2 de Droit Pénal de l'Entreprise de l'Université de
Versailles Saint Quentin en Yvelines pour la transmission de leur savoir.
Je remercie enfin Pierre et Julie pour leur aide tout au long de
l'élaboration de ce travail.
SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE LA COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION SUR LA
SCENE MONDIALE
CHAPITRE PREMIER LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA COMPLIANCE
ANTI-CORRUPTION 20
SECTION I. L'ÉVOLUTION DE LA COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION
: UN PHÉNOMÈNE RÉCENT 20
SECTION II. L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUE DE LA LUTTE CONTRE LA
CORRUPTION 24
Sous-Section 1. L'environnement juridique « Hard Law
» de la lutte contre la Corruption 25
Sous-Section 2. La « Soft Law » dans la lutte
contre la Corruption 30
SECTION III. LES FINALITÉS AFFICHÉES DE LA LUTTE
CONTRE LA CORRUPTION 32
CHAPITRE DEUXIEME LA DIMENSION NORMATIVE DE LA COMPLIANCE
ANTI-CORRUPTION 35
SECTION I. LE DÉLIT DE CORRUPTION TEL QUE PRÉVU PAR
LES TEXTES 35
Sous-Section I. La notion de Corruption 35
Sous-Section II. Les différentes formes sous
lesquelles se présente la Corruption 39
SECTION II. L'APPLICATION PRATIQUE DES NORMES ANTI-CORRUPTION
41
Sous-Section I. Les caractères généraux
et incertitudes de la Compliance d'entreprise tels qu'imposés
par les régulateurs mondiaux 42
Sous-Section II. L'omnipotence de la régulation
étatsunienne 44
SECTION
III. LA PRÉDOMINANCE DES ETATS-UNIS
RÉVÉLATRICE D'UNE POLITIQUE DE CONCURRENCE NORMATIVE 47
SECONDE PARTIE LES DEFIS DE LA COMPLIANCE
ANTI-CORRUPTION A L'ECHELLE DE L'ENTREPRISE
CHAPITRE TROISIEME LA DIMENSION ORGANISATIONNELLE DE LA
COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION ... 54
SECTION I. LE TRIPTYQUE DE LA COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION :
PRÉVENIR, AGIR, RÉAGIR 54
Sous-Section I. Les moyens de prévention mis en place
par la Compliance 54
Sous-Section II. Les moyens d'action et de contrôle au
bénéfice de la Compliance 58
Sous-Section III. La réaction de la Compliance
à la découverte d'un acte de Corruption 61
SECTION II. LES RISQUES DE NON COMPLIANCE 63
Sous-Section I. La Compliance d'entreprise en tant que
protection de l'entreprise 63
Sous-Section II. La Compliance d'entreprise dans le calcul
des sanctions et l'importance de la
coopération 69
CHAPITRE QUATRIEME LA DIMENSION FONCTIONNELLE DE LA
COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION 74
SECTION I. LA NOTION DE « CULTURE DE LA COMPLIANCE »
74
Sous-Section I. Les inconvénients d'une Compliance
inadaptée 74
Sous-Section II. La mise en place de la « Culture
Compliance » 76
Sous-Section III. Les avantages de la Compliance 79
SECTION II. L'AVENIR DE LA COMPLIANCE, DISCIPLINE DU JURISTE
PÉNALISTE 81
Sous-Section I. La Compliance, une fonction à part
entière 81
Sous-Section II. La Compliance, une matière en devenir
83
CONCLUSION 90
SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 94
ANNEXES 96
LISTE DES ABREVIATIONS UTILISEES
AC : Agent de Compliance
ACP : Autorité de contrôle
prudentiel
AMF : Autorité des Marchés
Financiers
C.cass : Cour de Cassation
CCI : Chambre de Commerce Internationale
DOJ : Department of Justice
DPA : Deferred Prosecution Agreement
EU : Etats-Unis d'Amérique
FCPA : Foreign Corrupt Practices Act
FMI : Fonds Monétaire International
GIACC : Global Infrastructure Anti-Corruption
Centre
GOC : Guide d'Organisation des Condamnations
de la Commission Fédérale des Peines
GRECO : Groupe d'Etats du Conseil de l'Europe
contre la corruption
JO : Journal Officiel
LAB : lutte anti-blanchiment d'argent
NPA : Non-Prosecution Agreement
OCDE : Organisation de coopération et
de développement économiques
ONU : Organisation des Nations unies
PACI : Partnering Against Corruption
Initiative
SCPC : Service central de prévention
de la corruption
SEC : Securities and Exchange Comission
SFO : Serious Fraud Office
TI : Transparence Internationale
Tracfin : Traitement du Renseignement et
Action contre les Circuits FINanciers
clandestins
UE : Union Européenne
UKBA : United-Kingdom Bribery Act
10
11
«La "loi de la nature", une superstition. Si vous
parlez avec tant d'enthousiasme de la conformité aux lois qui existent
dans la nature, il faut que vous admettiez soit que, par une obéissance
librement consentie et soumise à elle-même, les choses naturelles
suivent leurs lois -- en quel cas vous admirez donc la moralité de la
nature -- ; soit que vous évoquiez l'idée d'un mécanicien
créateur qui a fabriqué la pendule la plus ingénieuse en y
plaçant, en guise d'ornements, les êtres vivants. -- La
nécessité dans la nature devient plus humaine par l'expression
« conformité aux lois », c'est le dernier refuge de la
rêverie mythologique »
Humain trop humain, Nietzsche
La Loi, dans son acception juridique, n'est pas sans se
rapprocher de la vision de la « loi de la nature » de Nietzsche, en
ce que celle-ci ne peut exister, dépasser le stade de «
rêverie », que si certains constats sont faits. Ainsi, si l'on parle
de la loi des hommes, soit l'on conçoit que celle-ci est
respectée de par la simple moralité des personnes
concernées par elle - ce qui n'est pas sans une certaine
naïveté - ; soit l'on fait appel à un mécanisme
supérieur - les hommes se contenteront des institutions
concernées - capable et responsable seul du respect de cette loi, au
risque de ne pas tenir compte de ceux qui se doivent de la respecter.
Mais ce qui ne s'envisage pas concernant la nature, c'est un
état intermédiaire, où les sujets soumis à la loi
et le « mécanicien créateur » interagissent, avec des
objectifs différents, mais dans un but commun : la « Compliance
» aux lois.
Si le terme de « Conformité » est une
traduction acceptable de « Compliance », lorsqu'il s'agit du respect
de la loi, celui-ci ne prend, en revanche, pas compte de la
réalité de ce qu'est la Compliance dans sa globalité ;
c'est-à-dire, un ensemble de comportements, d'actions et de
raisonnements de la part de l'entreprise, dans un but qui ne se limite pas
à la seule mise en conformité de celle-ci aux lois, mais qui
s'analyserait comme la recherche d'un degré de conformité
acceptable pour l'entreprise.
En cela, le terme de Compliance peut être conçu
comme une notion intermédiaire aux traductions de « conformisme, de
complaisance, d'obséquiosité, voire de complicité
»1, et peut-il être rajouté, de «
coopération ».
En raison de cette complexité, le recours au terme de
Compliance sera privilégié.
La Compliance d'entreprise de façon
générale, peut être conçue comme le volet juridique
de la gestion d'une entreprise. Etant considéré que le
non-respect des normes en jeu est sanctionné par des mesures
pénales, il est même fortement envisageable de qualifier ce volet
juridique de droit pénal de l'entreprise ; dont la connaissance et
l'appropriation par l'entreprise s'affiche toujours plus comme un enjeu de
bonne gouvernance2.
1 D.DANET, Misère de la corporate governance, Revue
Internationale de Droit Economique, 2008, pages. 407-433.
2 M.E. BOURSIER, « La gestion du risque pénal
dans l'entreprise : enjeux d'efficacité économique » LPA 15
novembre 2008 n°185, p.6
12
Ainsi, la Compliance d'entreprise, en tant que partie
intégrante d'une entité économique, se doit de concilier
deux impératifs : le respect par l'entreprise des normes auxquelles
celle-ci est soumise et la réalité économique de cette
entité.
Cette tâche qui n'est pas aisée en raison de ces
forces, sinon opposées, du moins divergentes, doit elle-même se
placer dans une position a priori ambivalente. En effet, la fonction de
Compliance apparaît de prime abord comme celle d'une police, d'un
contrôleur, voire d'un sanctionnateur pour les employés (au sens
le plus large qui soit), mais faisant elle-même partie - la plupart du
temps - de la même entreprise. Son rôle en devient d'autant plus
périlleux lorsque l'on introduit l'hypothèse d'une action
à l'encontre de personnes elles-mêmes hiérarchiquement
supérieures aux membres du service chargé de la Compliance.
C'est en tenant compte de ces contraintes et enjeux que la
Compliance contre la Corruption doit trouver son rôle en entreprise ;
contraintes et enjeux d'autant plus intenses que la lutte mondiale contre la
Corruption a trouvé un formidable essor ces quelques dernières
années et que la crise économique, dans le même temps,
force les entreprises à une gestion sans faille - quand cela suffit.
Car si le droit pénal des affaires est peut-être
le domaine du droit pénal le plus nécessiteux d'une certaine
dépénalisation3, force est de constater que la
tendance n'est pas à cela et que s'établit, sous l'impulsion du
droit international et du droit communautaire un renforcement de la lutte
contre la délinquance économique internationale4. La
lutte contre la Corruption n'y fait pas exception et fait même figure
d'étendard pour une grande partie des institutions mondiales. Elle n'est
d'ailleurs pas sans rappeler celle qui a pu s'élaborer contre le
blanchiment d'argent, quelques années auparavant.
Cependant, la lutte contre la Corruption, berceau du
développement de la Compliance d'entreprise dans certains secteurs
d'activité ciblés5, n'est pas celle de la lutte contre
le blanchiment d'argent (« LAB »).
Tout d'abord la lutte contre la Corruption ne se concentre pas
sur le secteur financier. Son champ d'application est bien plus large, puisque
toutes les entreprises d'envergure internationale sont concernées, ce
qui en fait un sujet de préoccupation actuel (ou en devenir) pour des
sociétés qui ne seraient pas aussi familières et sensibles
à la Compliance que les organismes bancaires.
Ensuite, la lutte contre la Corruption est plus récente
que la LAB. De par ce fait, celle-ci est également plus jeune, plus
immature ! Elle évolue vite et s'intensifie tant en termes de normes que
de jurisprudence. Le risque pour une entreprise de ne pas se saisir à
temps les enjeux de cette problématique l'exposerait à se voir
largement et parfois irrémédiablement dépassée par
les effets de la lutte contre la Corruption. La nécessité d'une
mise en place de moyens de Compliance s'en fait d'autant plus importante et
nécessaire.
3 La dépénalisation de la vie des affaires,
« Rapport COULON », Groupe de travail présidé par J.M.
COULON, janvier 2008.
4 M.E. BOURSIER, Direction de la Chronique de droit
pénal de l'entreprise, LPA, 27 octobre 2008, n°215,
p.3.
5 Rapport HUGHES HUBBART & REEDS, FCPA Alert Summer
2012.
13
Enfin, si la lutte contre la Corruption est encore
bourgeonnante, même pour les entreprises les plus en avance dans le
domaine, tel est également le cas au niveau institutionnel. Dans un
combat affiché par les plus hautes instances mondiales comme
étant au niveau que ceux contre le blanchiment d'argent ou du droit de
la concurrence6 (auquel le droit de la corruption, si on peut
l'appeler ainsi, est intimement lié), aucune juridiction
équivalente à l'Autorité des Marchés Financiers
(« AMF ») ou à l'Autorité de la
Concurrence n'existe en France, par exemple.
Ainsi la notion de « Rôle » de la Compliance
anti-Corruption, toute « ajuridique » qu'elle puisse paraître,
permet une analyse globale des problématiques de ce sujet - mais ne
prétendant, bien évidemment, à aucune
exhaustivité.
Un Rôle s'inscrit avant tout dans un contexte, un cadre
fixé par d'autres, un scenario. Sans cet élément
supérieur, il est impossible de cerner toutes les forces qui s'exercent
sur celui qui a le Rôle en question.
Mais avoir un Rôle, c'est également interagir avec
d'autres acteurs.
D'abord des acteurs avec un Rôle plus important, dont le
but supérieur s'inscrit à une plus grande échelle, avec ce
que cela implique par rapport à leur influence sur les autres
acteurs...
Mais aussi d'autres acteurs de même envergure mais
poursuivant un autre but, propre aux qualités de ces acteurs. Les
Rôles devront alors se conjuguer les uns avec les autres, par souci de
cohérence et pour la réalisation d'une entreprise commune.
Enfin, un Rôle est détenu par un acteur. Cet
acteur, bien que devant se conformer au scenario, a tout de même la
liberté d'innover, voire d'improviser... tant qu'il respecte les
instructions qu'on lui donne. Cet acteur n'a d'intérêt que s'il
apporte quelque chose ; soit aux autres acteurs, dans leur entreprise conjointe
; soit au scenario dans son entièreté.
S'interroger sur le Rôle de la Compliance
anti-corruption, c'est donc chercher à comprendre, comment, au travers
de l'évolution du contexte institutionnel et normatif mondial et des
pressions diverses qui en découlent, la Compliance anti-Corruption
trouve sa place au sein de l'entreprise, elle-même productrice de ses
propres contraintes.
C'est en observant et en décryptant l'environnement de
la Compliance anti-corruption sur la scène mondiale (Première
Partie), qu'il sera possible d'établir les défis actuels et en
devenir de la Compliance anti-Corruption à
l'échelle de l'entreprise (Seconde Partie).
6 GAFI, Rapport : «Specific Risk Factors in Laundering
the Proceeds of Corruption», Juin 2012.
14
PREMIERE PARTIE
LA COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION
SUR LA SCENE MONDIALE
15
16
17
La Compliance anti-Corruption, en tant que composante de la
gestion d'une entreprise, se doit de respecter et faire respecter les
règles qui régissent les actions de cette entreprise.
Avant même d'appréhender le contenu des
règles auxquelles l'entreprise doit se conformer (toujours dans le sens
de « Compliance »), il est nécessaire de cerner quelles
entités sont productrices de telles normes et ainsi pouvoir en saisir la
portée et en comprendre les finalités.
Discerner l'enjeu de la Compliance dans la lutte contre la
corruption demande donc de savoir « qui » émet ces
règles (Chapitre premier), avant même de s'atteler à
l'analyse desdites règles (Chapitre deuxième).
18
.
19
20
CHAPITRE PREMIER
LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA
COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION
L'environnement institutionnel de la lutte contre la
corruption est un pan fondamental de cette lutte. En conséquence, une
analyse de la Compliance anti-Corruption se doit de commencer par un
exposé de ce cadre.
En effet, c'est en étudiant à l'échelle
mondiale la mise en place de la lutte contre la Corruption (Section I), puis en
mettant en lumière les agents institutionnels majeurs qui se sont saisi
de cet enjeu supra-économique (Section II), que pourront se dessiner
nettement les finalités - affichées, mais aussi celles
peut-être moins avouables - poursuivies par ce système qui sert de
référentiel à la Compliance d'entreprise en matière
de Corruption (Section III).
Section I. L'évolution de la Compliance
anticorruption : un phénomène récent
Si la pénalisation des actes de Corruption ne date pas
d'hier, puisque le droit romain les sanctionnait déjà dans
l'antiquité7, force est de constater que la lutte effective,
ne serait-ce qu'à l'échelon national, semble ne pas toujours
avoir eu l'engouement qu'on lui voit ces dernières années. Cela
peut paraître paradoxal, dans la mesure où, même avant notre
ère, cette infraction était considérée comme un
crime particulièrement grave (faisant partie des crimes politiques et
sanctionnables par la mort de l'auteur).
En effet, la lutte contre la Corruption a réellement
commencé dans la fin des années 1970, ou tout du moins, sa
rédaction... Car ce n'est finalement que depuis la fin des années
2000 que la lutte s'est réellement concrétisée (§1),
à l'échelle mondiale (§2), dans un mouvement brusque,
persistant et croissant, qui n'est pas sans rappeler celui d'autres domaines de
la gestion d'entreprise (§3).
§1. Contexte historique récent
Les institutions responsables de la lutte contre la corruption
doivent être comprises au sens large. C'est-à-dire que sont
concernés non seulement les autorités gouvernementales
émettrices de normes, mais également les textes cadres ainsi
produits, voire les organisations de toutes natures, en charge de les faire
respecter. Le terme « respecter »
7 « Traité élémentaire de droit
criminel », A. NORMAND, 1896
21
inclus le contrôle de leur application, les sanctions en
cas d'irrespect ou encore la collaboration pour en permettre une application la
plus performante possible.
En ce sens, les premiers textes fondamentaux apparaissent
à la fin des années 1970, mais avec une effectivité
très relative.
Ainsi, le texte majeur de la lutte contre la corruption qu'est le
« FCPA »8 est introduit en 1977. On peut
également noter un autre instrument moins fondamental que sont les
Règles de la Chambre de Commerce Internationale « CCI
» pour combattre la Corruption, apparues en 1977. Leur force
contraignante n'est cependant sans commune mesure avec le FCPA.
Concernant le FCPA, son manque d'effectivité sur la
scène mondiale s'explique par le fait que le texte n'ait
été initialement prévu que pour les citoyens
américains. Ainsi, le FCPA n'a réellement pris de l'ampleur
qu'à partir de 1998, avec l'implantation par amendement des dispositions
de la « Convention OCDE » 9 , entraînant la
possibilité pour les Etats-Unis de poursuivre les personnes (physiques
et morales) étrangères. Cet amendement a, par ailleurs,
été rendu possible suite à un schéma bien
particulier.
Ainsi, en 1988, le « Congrès » des Etats-Unis,
considérant que les entreprises américaines étaient
défavorisées par rapport aux entreprises du reste du monde - non
seulement du fait de l'application restreinte du FCPA, mais également du
fait de la possibilité dans de nombreux pays économiquement
importants de déduire fiscalement les dépenses de corruption -
enjoint à la branche exécutive de l'OCDE d'obtenir des Etats
partenaires (mais surtout concurrents) des Etats-Unis une législation
similaire au FCPA. Chose que fera l'OCDE en 1997, par l'adoption d'un nouvel
instrument juridique10.
Si la Convention OCDE fut si peu efficiente au départ,
malgré des mécanismes très poussés sous forme de
rapports de suivi de l'application de sa Convention, la faute appartient
surtout aux Etats membres de l'OCDE - les conventions internationales ne
s'appliquant pas directement aux entreprises.
De 1998 à 2008, la lutte contre la corruption à
l'échelle mondiale s'est peu à peu mise en place, notamment avec
la Convention de l'Organisation des Nations Unies (« ONU
») de Mérida11, ratifiée aujourd'hui par
161 parties à travers le monde (y compris la France et l'Union
Européenne (« UE »)12. Celle-ci
est d'importance car elle s'affiche comme le premier instrument international
juridiquement contraignant de lutte contre la corruption.
8 Foreign Corrupt Practices Act of 1977, 15 U.S.C. §
78dd-1, 18 janvier 1977
Il est difficile de dire lequel du FCPA, de la Convention OCDE ou
de la Convention ONU a eu la plus forte résonnance (même s'il sera
développé plus tard que le FCPA, instrument juridique national, a
eu une importance au moins comparable à celle desdites Conventions
multiétatiques). Cependant, force est de constater que les instruments
juridiques se sont multipliés, au point que le terme d' « inflation
législative» n'a rien d'exagéré.
9 Convention sur la lutte contre la corruption d'agents
publics étrangers dans les transactions commerciales internationales,
adoptée par la Conférence de négociations de l'OCDE, 21
novembre 1977
10 Recommandation révisée sur la lutte
contre la corruption dans les transactions commerciales internationales,
adoptée par le Conseil de l'OCDE, 23 mai 1997.
11 Convention ONU contre la corruption adopté par
la Résolution de l'Assemblée générale des Nations
unies 58/4 31, octobre 2003, entrée en vigueur le 14 décembre
2005.
12 Statut au 12 juillet 2012 :
http://www.unodc.org/unodc/en/treaties/CAC/signatories.html.
22
§2. Une prise de conscience concrète du
problème de la corruption par les différents acteurs
mondiaux
Si les trois piliers normatifs que sont le FCPA, la Convention
OCDE et la Convention ONU s'affichent comme les véritables instigateurs
de la lutte effective contre la corruption, le mouvement ainsi initié a
trouvé des échos aux niveaux locaux (via le droit pénal
interne des Etats), régionaux (au travers de conventions «
continentales ») et mondial (grâce aux organisations
gouvernementales et non gouvernementales).
Il est d'ailleurs important de noter que cette lutte se fait
au travers des mécanismes propres à toute lutte pénale. Se
sont ainsi développés : les textes prévoyants les
infractions, ceux permettant le contrôle du respect de ces textes (les
moyens d'enquête) et surtout ceux permettant de sanctionner les actes de
Corruption.
C'est ainsi qu'en plus des textes pénaux de chaque Etat
engagé dans la lutte contre la Corruption, s'est
développée une coopération des divers organes en charge de
cette lutte contre la Corruption. Cette coopération que l'on peut
qualifier d'« informelle », dans la mesure où de tels
mécanismes de coopération ne sont pas réellement
prévus par les textes, se fait au travers par des communications
d'informations entre les différentes institutions - entraînant par
ailleurs un non-respect total de la règle « non bis in idem
» pour les entreprises opérant dans plusieurs
Etats.13
Enfin, concernant le pan le plus symbolique de la
répression pénale, les sanctions en matière de Corruption
se sont multipliées, tant en termes de nombres que de montants. Ainsi,
il est à noter que les dix amendes prononcées sur le fondement du
FCPA pour des faits de corruption ont toutes été
prononcées entre décembre 2008 et août
2012.14
L'affaire la plus symbolique est sans nul doute celle de
SIEMENS qui totalise à ce jour plus de 1,6 milliards de dollars
d'amendes pénales et civiles prononcées par les juridictions
américaines, allemandes et nigériennes. Cette affaire est
symbolique à la fois par l'amende record prononcée par les
autorités américaines (800 millions de dollars), mais
également par la coopération entre les autorités, puisque
SIEMENS avait été condamné pour la même affaire
à 760 millions de dollars par les tribunaux allemands.
13 F. FRANCHI, « la lutte contre la corruption »,
Cahiers de droit de l'entreprise n°4, juillet 2010
14
http://www.fcpablog.com/blog/2008/12/16/final-settlements-for-siemens.html
Si l'actualité de la lutte contre la corruption a donc
été marquée par une sévérité
grandissante jusque 2008, puis par une certaine stabilité
depuis15, il faut toutefois noter un certain manque de structuration
dans cette lutte. Cette désorganisation ne se retrouve pas dans d'autres
domaines de la gouvernance d'entreprise et/ou du droit pénal des
affaires. Ces domaines peuvent ainsi être regardés comme ayant
tracé un sillage que la lutte contre la corruption pourrait bien suivre
dans les années à venir.
15 Concernant le FCPA, en 2011 50 sociétés
ont payé un total de 508,6 millions de dollars. En 2010, 23
sociétés et 1,8 milliards de dollars. En 2009, 11
sociétés et 644 millions de dollars. En 2008, 11
sociétés et 890 millions de dollars), contre seulement. 34
sociétés et une amende record de 44 millions de dollars entre
2003 et 2007. Voir Annexe 1.
23
§3. Les grandes lignes de l'avenir de cette lutte
Si la lutte contre la Corruption est un sujet de
préoccupation actuel des entreprises internationales et de leur service
de Compliance, d'autres domaines de droit pénal des affaires ont pu la
précéder.
On peut notamment citer la LAB, mais aussi le droit de la
concurrence ou encore la matière large communément
désignée par le sigle « QHSE »
(Qualité Hygiène Sécurité Environnement). Ces
domaines ont comme point commun d'avoir entraîné récemment
des condamnations pour des entreprises internationales de la part de diverses
autorités dans le monde.
Ces matières très vastes, mais proches de la
Compliance anti-corruption, tant dans les objectifs affichés par les
institutions mondiales que dans les enjeux économiques pour les
entreprises, permettent d'avoir une vision d'une certaine portée sur ce
que sera l'avenir de la lutte contre la Corruption (et donc d'un
intérêt prépondérant pour les services de Compliance
anti-Corruption).
Si l'étude de ces domaines passionnants demande un
développement bien supérieur à celui qui lui sera
accordé dans cet écrit, des caractéristiques majeures de
la structure de la lutte contre les infractions sont cependant suffisamment
fortes pour pouvoir être présentées ici.
La première remarque à faire, concernant la
lutte contre la Corruption, c'est de noter l'absence de régulateur
dédié à sa lutte, que ce soit au niveau régional,
mais aussi local.
Ainsi, en France, il existe l'Autorité de la
Concurrence, « juridiction » dédiée aux conflits du
droit de la concurrence. En matière de LAB, il est également
intéressant de noter le travail de l'AMF dans la régulation des
entreprises financières, directement concernées. L'AMF disposant,
par ailleurs, de pouvoirs très importants, tant en ce qui concerne la
production de régulation (de par la publication de son règlement
général), que les pouvoirs d'enquête et les pouvoirs de
sanction.
En matière de Corruption, rien de tout cela n'existe,
puisque ce sont les juridictions pénales classiques qui sont
compétentes en la matière, avec des pouvoirs qui n'ont rien
d'exorbitants.
Par ailleurs, en ce qui concerne la LAB, l'organisme qu'est
« Tracfin » (Traitement du Renseignement et Action
contre les Circuits FINanciers clandestins) permet non seulement aux sujets du
droit pénal financier limitativement désignés de remplir
au mieux leurs obligations (notamment la déclaration de
soupçon16), mais en plus, cette plateforme permet aux
entreprises de demander des conseils dans l'application des obligations qui
leurs incombent dans ce cadre.
En matière de Corruption, rien de tel n'est
prévu en France, ni plus que dans de nombreux pays17 :
- Ni autorité de régulation particulière
;
16 Article L.561-15 du CMF
17 Rapport de l'OCDE pour 2011
24
- Ni organisme gouvernemental de supervision ;
- Ni procédure déclarative particulière en
cas de soupçons de corruption.
Ni l'Autorité de contrôle prudentiel («
ACP »), ni l'AMF, ni l'Autorité de la concurrence
ne sont dotées de prérogatives particulières en
matière de lutte contre la corruption. Bien que les profits issus de la
corruption puissent être sanctionnés lorsqu'ils sont l'objet d'un
blanchiment d'argent ou servent à déséquilibrer le libre
marché de la concurrence, cela apparaît comme difficilement
satisfaisant, puisque la corruption a déjà eu lieu en amont. Or,
la création d'une telle autorité est une demande de la part de
l'ONU18.
Il est également envisageable de voir les conventions
de coopération se multiplier. De telles conventions existent
déjà, mais en nombre insuffisant, et n'engageant pas tous les
acteurs économiques majeurs19.
Enfin, les sanctions contre les individus tendent à se
développer de plus en plus. Cela apparaît comme un argument de
poids, puisqu'il véhicule l'idée que les personnes physiques ne
peuvent plus se « cacher » derrière les personnes morales.
Cependant, la question reste fortement débattue au sein des
observateurs, et les questions quant à l'efficacité de cette
lutte continuent de se poser.
Toujours est-il que le mouvement de lutte contre la corruption
a dépassé la simple rencontre des volontés individuelles
des Etats, ce qui est forcément positif. Le recul dira si cela se
traduira dans les faits et notamment au-delà du FCPA.
Section II. L'environnement juridique de la lutte contre
la Corruption
La lutte contre la Corruption étant une
préoccupation mondiale, de nombreux acteurs normatifs se sont
emparés de cette thématique. Du point de vue normatif, la
Corruption présente une certaine particularité en ce qu'il existe
des règles qui, de fait, s'appliquent à l'échelle
mondiale.
18 Articles 5 et 6 de la Convention ONU contre la
corruption
Cependant, cette singularité n'est pas due à une
organisation concertée à l'échelle mondiale, loin s'en
faut. En réalité, seules quelques institutions assument ce
rôle (Sous-Section I), alors même que leur dimension est parfois
loin d'être mondiale. Cette impression nébuleuse est par ailleurs
tout aussi présente au niveau inférieur de l'environnement
normatif que constitue la « Soft Law » (Sous-Section II).
19 Le Réseau anticorruption pour l'Europe orientale
et l'Asie centrale (« ACN ») ne couvre qu'une vingtaine d'Etat
membres, par exemple.
25
Sous-Section 1. L'environnement juridique « Hard Law
» de la lutte contre la Corruption
§1. Présentation de la Hard Law
Le terme de « Hard Law » se définit surtout
par opposition à la « Soft Law », qui est un ensemble
d'instruments quasi-répressifs.
La « Hard Law » est donc la « Loi » au
sens large, avec tout ce que cela implique en matière de droit
pénal. Ainsi, les organes chargés de la lutte contre la
Corruption sont clairement définis, tout comme les sanctions encourues
en cas d'irrespect des règles, à la détermination du
quantum des sanctions près. Les compétences de ces
autorités sont clairement définies et des règles de
procédures s'imposent à elles.
Par ailleurs, la Loi trouve sa légitimité dans
ses organes émetteurs, ceux-ci étant gouvernementaux et
détenant leur pouvoir de la Loi, voire de la Constitution (ou des
équivalents de chaque Etat).
La Hard Law reste la référence absolue
lorsqu'il s'agit d'établir un programme de Compliance en entreprise, en
ce qu'il s'agit de normes « sûres », dont la portée est
connue et dont la concrétisation est observable et compréhensible
au regard de la jurisprudence.
Aujourd'hui, de par les efforts précités, la
plupart des Etats sont dotés de Lois anticorruption. Celles-ci
étant nombreuses, ne seront développées que les plus
symboliques au niveau mondial.
§2. Les caractéristiques des normes
étatiques au travers de l'exemple français
Les normes étatiques diffèrent, bien
évidemment, les unes des autres. Cependant, celles-ci poursuivant le
même objectif, de nombreuses similitudes dans l'architecture du
dispositif anti-corruption sont à noter.
L'exemple du dispositif français, à travers un
panorama des caractéristiques majeures soulignées par le rapport
de suivi de l'OCDE20, permet d'avoir un certain aperçu de ce
que peut être la lutte contre la Corruption dans un Etat qui n'est pas
encore impliqué au niveau d'autres pays tels que les Etats-Unis
d'Amérique et leur FCPA, ou le Royaume-Uni et son « UKBA
» (United-Kingdom Bribery Act)21.
L'exemple français est d'autant plus intéressant
que la France est une puissance économique importante, et qu'elle est
particulièrement active dans d'autres matières intéressant
la Compliance, tels que le droit de la concurrence et la LAB. Mais
l'évolution du dispositif français contre la Corruption
mérite également une analyse, puisque celle-ci est à
l'image de ce que l'on peut voir dans la plupart des Etats.
20 Rapport sur l'application de la Convention sur la lutte
contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions
commerciales internationales et de la recommandation de 1997 sur la lutte
contre la corruption dans les transactions commerciales internationales, phases
1 et 2.
21 UK Bribery Act 2010, entré en vigueur le 1er
juillet 2011.
26
Le premier élément important est le fait que
cette évolution soit récente et donc encore en cours. Ainsi, le
rapport OCDE nous indique que la France a développé un nouvel
arsenal législatif à partir de 200022. Auparavant,
deux caractéristiques similaires à d'autres droits
anti-corruption étaient à noter.
Premièrement, la déductibilité fiscale de
pots-de-vin, pour les sociétés qui en avaient fait usage, a
été interdite. Cette évolution est notamment
consécutive à la Convention OCDE, sous l'impulsion des
Etats-Unis.
Secondement, la corruption d'agents publics a
été étendue aux agents publics étrangers, alors
qu'auparavant, le code pénal23 n'incriminait que la
corruption active et passive de personnes françaises dépositaires
de l'autorité publique.
Cet élargissement des personnes concernées par
des actes constitutifs de l'infraction de corruption est caractéristique
de l'évolution la lutte contre la Corruption au sein d'un Etat. Il est
à noter que cette transformation est actuellement en train de se faire
à l'échelle mondiale.
Ainsi, la loi indienne, par exemple, n'incrimine que les actes
de corruption des agents publics indiens. Elle n'incrimine ni la corruption de
personnes indiennes qui n'ont pas cette qualité, ni les agents publics
étrangers. Cette situation est vouée au changement24.
Ce changement apparaît toutefois très difficile dans cet Etat
comme dans de nombreux autres, comme en témoigne le report
perpétuel de l'adoption de ce projet de loi par la Chambre basse du
Parlement indien.
Un autre pan de l'adoption par les Etats des obligations
qu'ils ont en vertu des Conventions internationales dont ils sont signataires
est la multiplication des normes anticorruption.
Ainsi, en France, peut être citée la loi de
199325 qui a institué, entre autres, le SCPC. Doivent
également être citées toutes les adoptions de Conventions
internationales : la Convention OCDE du 17 décembre 1997, entrée
en vigueur en France le 29 septembre 2000 ; les Conventions de Strasbourg des
27 janvier 1999, 15 mai 2003 et 4 novembre 1999, adoptées en
200826 ; ou encore la Convention des Nations unies contre la
corruption du 31 octobre 2003 (dite « de Mérida
») entrée en vigueur en France le 14 décembre
2005
Toutes ces lois renforcent la lutte contre la Corruption en
France (en tout cas dans le discours). Il est d'ailleurs notable - puisque cet
aspect se retrouve dans d'autres législations - que ces lois directement
inscrites dans la lutte contre la Corruption mettent également
22 Loi n°2000-595, relative à la lutte contre
la corruption, modifiant le code pénal et le code de procédure
pénale, 30 juin 2000.
23 Articles 433-1 et 432-11 du code pénal.
24 Projet de loi, Jan Lokpal Bill 2011.
25 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993
relative à la préve ntion de la corruption et à la
transparence de la vie économique et des procédures
publiques.
26 Convention de Lutte contre la corruption active et
passive d'agents étrangers publics nationaux et étrangers, 27
janvier 1999, décret n°2008-67, publié au JO le 6 juillet
2008, p. 10865 ; Convention de Lutte contre la corruption active et passive
d'arbitres nationaux ou étrangers et de jurés nationaux ou
étrangers, 15 mai 2003, décret n°2008-672, publié au
JO le 6 juillet 2008, p. 10867 ; Convention de Réparation civile du
préjudice subi du fait d'un ace de corruption, 4 novembre 1999,
décret n°2008-673, publié au JO le 6 juillet 2008, p. 10
873.
27
l'accent sur les différentes formes sous lesquelles se
présente la Corruption (trafic d'influence, blanchiment du produit de la
corruption, infractions comptables)27.
Ainsi, le champ d'application de la lutte contre la Corruption
s'élargit à la fois par la qualité des personnes qui
peuvent être impliquées dans des actes de Corruption, mais
également par un nombre d'actes infractionnels de plus en plus
élevé.
Enfin, le dernier point important à souligner dans
l'évolution de la lutte contre la corruption est la mise en oeuvre de la
responsabilité des personnes morales. Même si la Corruption
pouvait, dès 1994, entraîner la responsabilité de personnes
morales, celle-ci est maintenant possible en France dans le cadre global de
l'article 121-2 du code pénal, depuis 200428 (sauf rares
exceptions).
Cette évolution qui intéresse directement la
Compliance au sein des entreprises est aussi un élément en
développement dans certains Etats. Elle est capitale dans la lutte
contre la Corruption. Celle-ci est d'ailleurs très récente chez
certains de nos voisins, comme l'Espagne29.
Toutefois, si cette lutte semble avoir trouvé son
élan « sur le papier », il n'en reste pas moins que son
effectivité est critiquable.
Premièrement, en ce qui concerne les sanctions
effectivement prononcées en matière de Corruption. Entre 1990 et
2004, sur 3600 condamnations prononcées annuellement, seules 100 l'ont
été pour des faits de corruption. Par ailleurs, si les sanctions
prévues par le code pénal en cas de corruption sont
élevées (150.000€ et jusqu'à dix ans d'emprisonnement
pour les personnes physiques), les peines effectivement prononcées par
les tribunaux aboutissent presque uniquement à des peines d'amende assez
modérées et à des peines de prison avec sursis partiel ou
total30. La Corruption ne fait ainsi pas exception en matière
de droit pénal des affaires puisque les peines de prison
prononcées y sont quasi-inexistantes.
Ensuite, la lutte contre la corruption se heurte à des
problèmes d'ordre procéduraux. Si ceux-ci sont différents
pour chaque Etat engagé dans la lutte contre la Corruption, ils n'en
restent pas moins présents avec leurs caractéristiques propres
dans un grand nombre d'Etat.
En France, les deux obstacles majeurs de cette nature sont
d'abord un délai très court de prescription de la Corruption
(trois ans), pour une infraction appartenant à ce que l'on nomme la
délinquance astucieuse. Cet obstacle a pour conséquence que les
faits de corruption soient plus souvent poursuivis sur le fondement de l'abus
de biens sociaux ou de blanchiment dont la prescription est repoussée
à la découverte des faits. L'autre obstacle de taille pour la
poursuite de la Corruption est la preuve du « pacte de Corruption ».
Un obstacle qui est, là encore, contourné par l'incrimination des
faits en question sur le fondement d'une autre infraction proche de la
Corruption.
27 M.E. Boursier Chronique de droit pénal de
l'entreprise N°2, LPA, 27 octobre 2008.
28 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation
de la justice aux évolutions de la criminalité, dite «
Perben II».
29 La réforme du Code pénal espagnol,
entrée en vigueur le 23 décembre 2010, introduit pour la
première fois la responsabilité pénale des personnes
morales, notamment des entreprises.
30 Cf. référence 22 ci-dessus.
28
Enfin, la dernière critique que l'on peut faire
à la France en matière de Corruption, comme à beaucoup
d'Etats, c'est un manque de volonté politique et donc un manque de
moyens pour les organes en charge de cette lutte.
La figure de proue de ce constat reste le SCPC, dont les
travaux semblent plus se concentrer sur le manque de moyens de l'institution
(tant financiers que procéduraux, puisqu'il ne dispose d'aucun pouvoir
d'enquête) et le rôle qu'elle pourrait avoir si la situation venait
à changer, que sur la lutte contre la Corruption. Cette citation
tirée du dernier rapport du SPCP en est une bonne illustration : «
Force est de constater que la loi du 29 janvier 1993, qui a
créé le SCPC, limitée d'emblée par sa censure par
le Conseil constitutionnel ci-dessus évoquée, et jamais
réécrite, n'est plus adaptée aux besoins actuels de la
société française ni aux standards internationaux [...J.
Par ailleurs, la situation matérielle du SCPC, tant en effectifs qu'en
capacité budgétaire [...J doit être revue afin de permettre
la poursuite de ses activités et a fortiori leur extension. »
31.
Lorsque la poursuite même des activités de
l'organe chargé de la lutte contre la Corruption est remise en cause par
ses membres, il ne fait pas de doute que la situation est clairement
insatisfaisante et donc très en dessous des modèles en la
matière.
§3. La Banque Mondiale, le FCPA et le UKBA comme
institutions chargées de la lutte contre la Corruption à
l'échelle mondiale
Si l'échec de la France dans la lutte effective contre
la corruption est un constat qui est également valable pour la grande
majorité des Etats, il n'en reste pas moins que la Loi contre la
Corruption est bien effective dans le monde.
Ainsi, le FCPA, l'UKBA et la Banque Mondiale, loin de pouvoir
corriger la situation à l'échelle de chacun des autres Etats,
s'affichent-t-ils comme de véritables régulateurs, voire
superviseurs de la lutte contre la Corruption à l'échelle
mondiale. Comme c'est à cette dimension qu'opèrent les
entreprises internationales, ce sont donc ces règles qui vont servir de
références principales aux services de Compliance.
S'il ne s'agit pas, pour le FCPA et l'UBKA d'institutions au
sens d'« institutions politiques » tels que les tribunaux ;
l'importance de ces textes est telle qu'elle dépasse celle du simple
texte de loi pénale d'un Etat.
Le FCPA dont une rapide description de son évolution a
déjà été développée est l'instrument
qui permet aux juridictions civile (Security Exchange Commission - «
SEC ») et criminelle (Department of Justice - «
DOJ ») de sanctionner les entreprises dans le cadre de la
lutte contre la Corruption. Grâce à une compétence
juridictionnelle extrêmement large, un rôle précurseur et
des sanctions exemplaires, cet instrument juridique est considéré
comme la référence en matière de lutte contre la
Corruption. Le FCPA est donc logiquement repris par tous les services de
Compliance anti-corruption pour fixer le cadre de leur action.
Le FCPA n'a pas une importance qui se limite aux Etats-Unis,
grâce à des critères de juridiction très larges
(développés plus loin dans cet écrit). Si les Etats-Unis
peuvent se permettre de se déclarer compétents pour des faits qui
se sont déroulés loin des Etats-Unis,
31 Rapport du SCPC pour l'année 2010 au premier
ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice et des
libertés.
29
c'est aussi grâce à la puissance
économique que représente ce pays. En effet, s'il était
éventuellement possible de contester la compétence du FCPA
auprès d'autres autorités, voire de nier sa compétence,
cela reviendrait à s'exposer à des mesures de la part des
Etats-Unis qui pourraient être bien plus dommageables que les lourdes
sanctions du DOJ et de la SEC.
L'UKBA, est, quant à lui, un instrument beaucoup plus
récent que le FCPA, puisqu'il date de 2010 et n'est entré en
vigueur que le 1er juillet 2011. Il s'érige lui aussi comme
une norme mondiale du fait de prévisions larges, tant au niveau de la
compétence des tribunaux chargés de sanctionner les infractions
à cette loi, que les infractions elles-mêmes. On notera à
ce propos la Section 7 de l'UKBA qui met en place une infraction très
large d' « échec à la prévention de la Corruption de
la part d'une entreprise ». Cette infraction préoccupe d'autant
plus les services de Compliance que les critères de compétence
des tribunaux sont spécialement élargis pour cette
infraction.32
L'UKBA est une préoccupation supplémentaire pour
les entreprises concernées par la lutte contre la Corruption. De part
une compétence et des infractions assez largement définies et un
certain manque de recul sur une loi qui a à peine un an, il y a fort
à parier que son appréhension sera un des principaux enjeux pour
la Compliance anti-Corruption.
Enfin, la Banque Mondiale, qui est une institution au sens
structurel du terme, peut être considérée comme faisant
partie des émetteurs de « Hard Law ». Ainsi, si celle-ci a,
comme les institutions classées dans la « Soft Law » (voir
Sous-Section 2 ci-après), son lot de prévisions anti-corruption.
Sa légitimité est par ailleurs certaine, à la fois de par
son impact économique, les circonstances de sa mise en place, mais aussi
et surtout, son pouvoir de sanction réel.
Ainsi, dans un domaine du droit extrêmement
régalien, où les institutions (pénales) internationales
ont des pouvoirs extrêmement limités et uniquement pour les
infractions les plus graves, la Banque Mondiale, sans être une
juridiction pénale, a un pouvoir sanctionnateur réel.
32 Section 7(3) et Section 12(5) de l'UKBA.
Celui-ci se traduit sous la forme d'une « liste noire
»33 d'entreprises et d'individus. Figurent sur cette liste des
personnes qui ont fait l'objet d'enquêtes de la part de la Banque
Mondiale, pour des faits de corruption, et ont été reconnues
« coupables » de malversations dans ce cadre. Ces entreprises ne
peuvent plus prétendre aux appels d'offres de la Banque Mondiale pendant
une certaine durée fixée par la Banque. Dans certains cas, la
Banque Mondiale peut même annuler des prêts qu'elle a consentis
dans le cadre de ses appels d'offre. Ce fut récemment le cas pour l'une
des plus grandes entreprises canadiennes, SNC-LAVALIN. Celle-ci s'est vu
annuler un prêt de 1,2 milliards de dollars, après la
découverte, par la banque mondiale, de preuves de Corruption de la part
de cette entreprise, lors de la construction du pont de Padma au
Bengladesh34.
33 World Bank Listing of Ineligible Firms &
Individuals, Fraud and Corruption.
http://web.worldbank.org/external/default/main?theSitePK=84266&contentMDK=64069844&menuPK=116730&pa
gePK=64148989&piPK=64148984
34 Déclaration de la Banque Mondiale, 29 juin 2012
:
http://www.worldbank.org/en/news/2012/06/29/world-bank-statement-padma-bridge
30
Il s'agit donc d'un double pouvoir de sanction de la Banque
Mondiale : à la fois une sanction économique directe, de par
l'exclusion des entreprises de marchés importants, voire d'annulation de
prêt ; mais aussi sanction indirecte, de par l'inscription de la personne
concernée sur cette liste publique.
Par ailleurs, s'il est assez paradoxal de voir une
organisation mondiale disposer d'un pouvoir répressif de cette
envergure, il est peut-être encore plus paradoxal d'observer que la lutte
contre la Corruption implique un nombre élevé d'acteurs qui n'ont
pas ce pouvoir, mais qui n'en énoncent pas moins des règles dont
la portée n'est pas certaine.
Sous-Section 2. La « Soft Law » dans la lutte
contre la Corruption
§1. Présentation de la Soft Law
La « Soft Law », ou « droit mou » est
constituée en matière de Corruption par un nombre d'institutions
étonnamment important. Ce nombre est surprenant dans la mesure où
il s'agit à la fois du domaine très régalien du droit
pénal où les organisations internationales ont de la
difficulté à trouver un rôle effectif, mais
également du fait que bon nombre de ces institutions ne sont même
pas gouvernementales !
La « Soft Law » dans le domaine de la lutte contre
la Corruption est émise par toutes sortes d'institutions. Certaines sont
gouvernementales, d'autres ne le sont pas mais sont dotées d'une
certaine notoriété. Enfin, d'autres émetteurs dont la
légitimité n'est pas certaine s'érigent aussi en tant que
producteurs de codes de conduites, de guides et autres chartes. Par ailleurs,
les entreprises elles-mêmes, qui publient leurs codes éthiques
(pour des raisons de communication qui seront développées
après) sont pour leurs clients, voire leurs concurrents, de bons
indicateurs quasi-normatifs.
La « Soft Law » a d'autant plus d'importance pour la
Compliance que celle-ci ne poursuit pas, comme il l'a été dit, un
but de conformité fidèle et aveugle à la loi. Dans cette
mesure, ces instruments qui n'ont pas comme vocation principale de faire
respecter le droit sont intéressants, notamment de par leurs approches
souvent plus pragmatiques que la Loi.
§2. Les principaux organismes émetteurs de
Soft Law
Il est difficile de présenter quelques organes
émetteurs de « Soft Law » sans en faire un inventaire, ni une
description trop succincte.
Les organes qu'il faut citer en premier sont ceux qui sont
gouvernementaux (les plus intéressants étant
intergouvernementaux). Ceux-ci n'ont pas vocation à s'adresser
directement aux entreprises. Le droit pénal reste en effet très
régalien et les organisations internationales n'ont pas vocation ni
à imposer des Lois, ni à sanctionner directement les
entreprises.
31
Les institutions majeures sont surtout l'OCDE, l'ONU, le FMI,
le Conseil de l'Europe (qui est plus présent dans la lutte contre la
Corruption que l'Union Européenne) ou encore ses équivalents
non-européens.
La « Soft Law » émise par ces institutions
reste une référence sûre pour les entreprises. Ces
institutions sont légitimes et les textes ainsi émis ont vocation
à « devenir de la Loi » un jour (par le mécanisme de
transposition, par exemple). Par ailleurs, ces institutions ont les moyens
d'une lutte efficace, que ce soit de par leur importance politique, ou bien
grâce à la mise en place d'organes tels que le «
GRECO »35.
Vient ensuite la « Soft Law » qui n'est pas
gouvernementale, mais qui, de par l'importance des membres qui composent son
institution, a une certaine légitimité. On peut par exemple citer
la CCI ou Transparence Internationale (« TI »), qui
sont de bonnes références en matière de lutte contre la
Corruption, pour les services de Compliance.
Transparence Internationale émet notamment une carte
mondiale de la Corruption36 ainsi qu'un classement des Etats selon
leur indice de Corruption37. Ces outils servent notamment de
référence pour les services de Compliance, au moment
d'établir des procédures proportionnées à leurs
zones d'activités. Cet organisme émet également beaucoup
de rapports intéressant directement les entreprises38.
Enfin, viennent des émetteurs de « Soft Law »
qui ne sont ni gouvernementaux, ni avec une légitimité bien
définie. On peut, par exemple, citer le « GIACC
» (Global Infrastructure Anti Corruption Centre), qui est une
organisation indépendante à but non lucratif. Ou encore «
ACET » (Global Anti-Corruption Education & Training
Project) qui regroupe plusieurs associations de lutte contre la Corruption,
dans le but d'établir un programme de formation contre la Corruption
(avec notamment un film, une présentation PowerPoint et un guide
d'apprentissage). On peut encore énoncer TRACE, autre organisation
indépendante à but non lucratif émettant des guides pour
lutter contre la Corruption ou encore une certification pour les entreprises,
accréditant d'un bon respect des normes anti-Corruption...
Plusieurs niveaux de « Soft Law », existent donc.
Certains ont une légitimité qui n'est plus à prouver. Pour
d'autres, comme GIACC, ACET ou TRACE (qui font partie, au demeurant, des plus
sérieuses institutions de ce niveau), il est difficile de savoir quel
crédit leur donner et à quel point il est possible de s'y fier.
C'est là que se pose la question de la place ambigüe de la «
Soft Law ».
§3. La place ambigüe de la Soft Law
Si on peut accorder à la « Soft Law » un
certain nombre d'avantages, celle-ci présente aussi beaucoup
d'inconvénients.
35 GRECO : « GRoupe d'Etats contre la COrruption »,
créé en 1999, chargé du suivi de la lutte contre la
Corruption dans les 45 Etats européens et les Etats-Unis.
36 Cf. Annexe 2
38 Notamment, « Transparency in Corporate Reporting:
Assessing the World's Largest Companies », rapport sur les 500 plus
grandes entreprises mondiales, 10 juillet 2012.
37
http://www.transparence-france.org/e_upload/pdf/classement_ipc_2011.pdf
32
Le premier avantage, c'est qu'elle permet, dans un domaine
très jeune, mais où le droit à l'erreur n'est pas
économiquement permis, d'avoir des bases autres que la Loi, qui poursuit
un objectif très clair mais aussi très « étatique
» ; avec tout ce que cela implique de distance avec la
réalité des affaires.
En cela, la « Soft Law » non gouvernementale
répond au besoin de repère pour les entreprises. Il s'agit d'un
repère, non seulement pour poser les bases d'une politique de
Compliance, mais également pour suivre l'évolution du droit de la
Corruption.
Les organismes tels que GIACC ont aussi le gros avantage
d'être totalement gratuits. Ce qui n'est pas une mince qualité au
regard du caractère complet de leurs travaux.
La « Soft Law » permet donc d'apporter des
interprétations de la Loi, voire de la compléter.39
Cependant, certains inconvénients de taille sont à noter.
Tout d'abord, la multitude de ces « règles »
entretient un certain flou dans l'ordonnancement de cette « Soft Law
». Difficile, en effet, de déterminer qui de l'OCDE, de l'ONU ou du
Conseil de l'Europe aurait le plus de « valeur » en cas de divergence
d'opinion. Dans cette hypothèse, il reviendrait à la Compliance
de s'assurer d'appliquer la notion la plus sévère, pour
éviter un maximum de risques.
Ensuite, se pose la question de savoir ce
qu'entraînerait le non-respect d'une norme de « Soft Law ». A
priori rien, puisque ces institutions n'ont pas de pouvoir de sanction. Dans ce
cas, il convient de se demander quelle est la légitimité de ces
normes. Qui de l'entreprise qui se serait fondée sur une norme de «
Soft Law », mais n'aurait pas répondu aux contraintes de la Loi ?
Pourrait-elle utiliser cet argument comme défense ?
Enfin, se pose également la question des
finalités réellement poursuivies par ces organisations
privées, dans une sphère qui reste tout de même
économique et dont les enjeux financiers sont extrêmement
importants.
Section III. Les Finalités affichées de la
lutte contre la Corruption
La lutte contre la Corruption a évidemment comme
rôle affiché d'éradiquer la Corruption. Mais quelles sont
les raisons de cette lutte ? Pourquoi la Corruption est-elle nuisible pour ces
institutions ? Quels sont les intérêts défendus, entre les
discours et la réalité de cette lutte ?
Il convient donc de s'intéresser au rôle que ces
institutions veulent donner à la lutte contre la Corruption
(Sous-section 1), avant de s'interroger sur la pertinence de faire peser un si
grand poids sur les entreprises (Sous-section 2).
39 C. ROQUILLY & C. COLLARD, « De la
conformité réglementaire à la performance : pour une
approche multidimensionnelle du risque juridique », Septembre
2009.
33
§1. Une finalité très
idéologique
Les raisons affichées au niveau mondial de la lutte
contre la Corruption sont - et c'est aussi le rôle des organisations
internationales - parfois très idéologiques.
L'ONU énonce ainsi que « la corruption est un
mal insidieux dont les effets sont aussi multiples que
délétères. Elle sape la démocratie et l'état
de droit, entraîne des violations des droits de l'homme, fausse le jeu
des marchés, nuit à la qualité de vie et crée un
terrain propice à la criminalité organisée, au terrorisme
et à d'autres phénomènes qui menacent l'humanité
»41. Cette déclaration place donc la Corruption en
tant qu'infraction majeure à l'échelle du monde, pratiquement au
niveau des crimes contre l'humanité. Mais il n'est pas prévu que
la corruption fasse partie des attributions des tribunaux pénaux
internationaux pour le moment.
Plus prosaïquement, l'ONU déclare également
que « ce sont les plus pauvres qui en pâtissent le plus, car,
là où il sévit, les ressources qui devraient être
consacrées au développement sont détournées, les
gouvernements ont moins de moyens pour assurer les services de base,
l'inégalité et l'injustice gagnent et les investisseurs et
donateurs étrangers se découragent. La corruption est une des
grandes causes de mauvais résultats économiques ; c'est aussi un
obstacle de taille au développement et à l'atténuation de
la pauvreté » 40.
La Convention OCDE, quant à elle, énonce des
objectifs qui semblent tout de même plus proches de la
réalité des entreprises, dont le rôle n'est pas - du moins,
en principe - de réduire la pauvreté à l'échelle
mondiale. Ainsi sont mis en avant le fait qu'il s'agit d'un «
phénomène répandu dans les transactions commerciales
internationales [...] qui suscite de graves préoccupations
morales et politiques, affecte la bonne gestion des affaires publiques et le
développement économique et fausse les conditions internationales
de concurrence.» 41. Ce rapprochement des grandes valeurs
morales et des préoccupations des sociétés commerciales
est déjà plus intéressant.
Le rôle donné à la lutte contre la
Corruption par l'OCDE a beau paraître moins proéminent, celui-ci
apparaît néanmoins plus à la portée des
entreprises.
Le UKBA fait honneur au pragmatisme anglais fait lui aussi
état du principe d'une « libre concurrence juste
».42
C'est en effet en intéressant les entreprises sur les
avantages de la lutte contre la Corruption autant qu'en les sanctionnant
sévèrement en cas de non-respect que les institutions ont le plus
de chance d'intéresser les sociétés dans cette
démarche. Le rôle de cette lutte (et donc d'un service de
Compliance) leur paraîtra d'autant plus important s'il peut leur
permettre de gagner de l'argent !
Ces mentions ne sont pas sans entraîner une
réflexion sur les bénéfices qu'une entreprise pourra
tirer, à long terme, si elle venait à s'engager dans la lutte
contre la Corruption. Mais le vrai souci qui semble se poser est une question
de proportions, d'échelle et de la capacité qu'a une entreprise,
à son niveau, pour lutter contre la Corruption.
40 Cf. supra 11, Convention ONU, « Avant-Propos
».
41 Préambule de la Convention OCDE.
42 UKBA, Section 9, « Guidance», 2010.
34
§2. La délégation aux entreprises d'un
rôle étatique
L'OCDE et l'ONU, en tant qu'institutions internationales ne
peuvent qu'inciter les Etats à la mise en place d'une lutte efficace
contre la Corruption. En effet, le pouvoir normatif n'appartient qu'aux Etats.
Cette affirmation est d'autant plus vraie dans le domaine du droit pénal
qui est très régalien.
Le droit pénal est en effet, de par sa nature
particulière en son importance dans la gestion des normes sociales, le
monopole de l'Etat. Ce dernier est, en principe, seul compétent pour
sanctionner les personnes (morales et physiques).
Cependant, devant l'échec des Etats dans la lutte
contre la Corruption qui est pénale par nature, force est de constater
que le rôle de l'éradication de la Corruption est principalement
dévolu aux entreprises (et surtout les entreprises internationales).
C'est un volet de la Compliance non négligeable,
puisqu'elle se doit d'édicter des normes internes à l'entreprise
à même de sanctionner les individus qui la composent. In fine, les
régulateurs effectifs que sont les juridictions compétentes pour
faire appliquer le FCPA et l'UKBA se concentrent sur les personnes morales.
Charge appartient alors aux entreprises de tout mettre en oeuvre à leur
échelle pour éviter les faits de corruption.
Cette charge qui consiste pour l'entreprise en la mise en
place des procédures de prévention, de sanctions (disciplinaires)
et un contrôle régulier (enquêtes internes) est en
réalité celle qui devrait appartenir aux pouvoirs publics.
Les régulateurs n'ont alors qu'on rôle plus
aisé de vérification de la mise en place effective de tels
mécanismes. Les obligations posées par la Section 7 de l'UKBA et
la loi Sarbanes-Oxley43 en sont les parfaites illustrations.
Ces deux lois sanctionnent les entreprises lorsque celles-ci
ne peuvent pas prouver la mise en place de mécanismes suffisants pour
lutter contre la Corruption en leur sein.
Le rôle de la Compliance devient ainsi celui d'un
régulateur à sa propre échelle et les régulateurs
étatiques n'ont plus qu'à vérifier que le rôle
censé leur appartenir a bien été rempli par les
sociétés.
Au-delà de la contrainte économique que cela
représente et qui est un des enjeux de la mise en place d'un service de
Compliance anti-Corruption efficace, il est légitime de se demander si
la finalité d'une entreprise est bien celle-ci. En effet, la raison
d'être d'une société réside plus dans son objet
social que dans le contrôle du respect des normes sociales !
Quoi qu'il en soit, cette dimension du respect des normes
pénales par l'entreprise est la raison d'être des services de
Compliance qui se doivent d'être irréprochables sur leur
connaissance desdites normes, afin de mettre en place un service efficace mais
défendant avant tout les intérêts d'une entreprise sans qui
elles n'auraient pas d'existence.
43 Loi du 31 juillet 2002 (Pub. L. No. 107-204, 116 Stat.
745) dite Sarbanes-Oxley Act.
35
CHAPITRE DEUXIEME
LA DIMENSION NORMATIVE DE LA
COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION
La Compliance ne peut établir son rôle qu'en
connaissant le mieux possible son environnement juridique. En matière de
Corruption, de par la jeunesse de la lutte, et donc de la présence d'une
incertitude marquée, il convient de se demander ce que recoupe
réellement la notion de Corruption (Section I). Puis dans un
deuxième temps, il est nécessaire de savoir où se situe
cette lutte face aux incertitudes de la matière et qui en sont les
acteurs institutionnels (Section II). Enfin, pour assumer au mieux son
rôle, un service de Compliance se doit de cerner les véritables
objectifs poursuivis par ces acteurs (Section III), afin de s'adapter au mieux
à ceux-ci.
Section I. Le délit de Corruption tel que
prévu par les textes
La Corruption doit être cernée dans tous ses
aspects par un service de Compliance, afin que celui-ci puisse tracer les
limites de son rôle. Cette notion est large (Sous-Section I) et peut se
présenter sous différentes formes pour l'entreprise (Sous-Section
II).
Sous-Section I. La notion de Corruption
§1. Les caractères généraux de
la Corruption
Toutes les Lois et « Soft Law » ont chacune leur
définition de la Corruption. Bien entendu, les définitions se
recoupent et il est donc possible d'en dégager des caractères
communs, voire de tenter d'en donner une définition de
synthèse.
Si une telle définition devait être
trouvée, notamment pour l'appréhension par un service de
Compliance de son champ d'action, il faudrait que celle-ci soit la plus large
possible, pour ne pas exclure indument une prévision et donc s'exposer
à un risque de non-Compliance.
Pour pouvoir être comprise du plus grand nombre,
notamment pour sensibiliser les membres de l'entreprise, la définition
de la Corruption que choisira un service de Compliance doit être
définie dans des termes simples.
Ainsi une définition de la corruption au sens le plus
large pourrait-elle être celle-ci : la corruption est l'acceptation ou la
proposition d'un avantage indu, en vue d'obtenir une contrepartie.
36
Toutefois, la notion de Corruption est assez complexe,
notamment en ce qu'elle regroupe d'autres comportements. Par ailleurs, si une
définition générique de la Corruption devait être
donnée dans le cadre du droit de l'entreprise, celle-ci devrait faire
apparaître certains caractères propres à la lutte contre la
Corruption. Le concept déterminant d'agent public devrait notamment
être décrit, sans toutefois écarter le fait que la
conception d'une Corruption centrée sur un agent public est en voie
d'évolution.
Prenant compte de ces contraintes et réalités
propres à la forme que prend la Corruption à travers la lutte
menée contre elle, la définition suivante apparaît comme
adaptée : « la corruption est un acte par lequel on cherche
à obtenir un avantage indu pour soi, pour autrui, pour son entreprise en
cherchant à obtenir d'un agent public ou d'un agent privé qu'il
ne respecte pas ses obligations légales ou
professionnelles.»44. Cette définition a le
mérite de donner une définition simple mais complète de la
Corruption, en faisant apparaitre les particularismes de la lutte contre la
Corruption et en n'excluant pas la tentative (elle aussi punie au titre de la
Corruption).
En effet, la définition de Corruption telle
qu'appréhendée par un service de Compliance se doit d'être
absolument complète, au risque d'occulter les prévisions de
certains textes contraignants qui s'appliquent à elle.
Cela s'illustre bien avec les notions de Corruption «
passive » et « active ». La Corruption « active », qui
est l'infraction commise par la personne qui promet ou verse le pot-de-vin, est
prévue dans tous les textes anti-Corruption. En revanche, ce n'est pas
le cas de la Corruption « passive ». Cette notion renvoyant à
l'infraction commise par la personne qui accepte le pot-de-vin est ainsi
expressément exclue de la Convention OCDE.45
La Compliance d'une entreprise à dimension
internationale, dans son optique de protection de l'entreprise contre les
risques pénaux, devra donc prévoir une définition de la
Corruption à la fois « passive » et « active ». Dans
le cas contraire, celle-ci se verrait exposée à un risque de
sanction de la part des institutions qui considèrent la Corruption
« passive » comme une infraction.
Cette réflexion de la Compliance doit ainsi être
faite pour tous les aspects de la Corruption ; d'où l'importance de bien
analyser toutes les composantes de la Corruption.
Cet exercice est d'autant plus difficile que les lois sont
nombreuses à l'échelle des Etats, et viennent se cumuler aux
règles à portée internationale. Il s'agira pour la
Compliance de rechercher en permanence la règle qui est la plus
complète, qui englobe le plus de comportements différents, voire
de cumuler des règles qui se complètent (non dans leur
effectivité, mais dans leurs prévisions, l'entreprise
étant susceptible d'être sanctionnée par toutes les
juridictions compétentes).
Ce cas de figure se présente également pour la
responsabilité des personnes morales et physiques. Outre le fait que
certains Etats ne prévoient pas de responsabilité des personnes
morales (auquel cas, la Compliance ne se basera évidemment pas
uniquement sur cette loi, puisque les textes à portée
internationale la prévoit), le déclenchement des
responsabilités
45 Convention OCDE, commentaires relatifs à la
Convention, Généralités.
44 C. CUTAJAR, « la lutte contre la corruption »,
Cahiers de droit de l'entreprise n°4, juillet 2010.
37
de ces personnes se fait différemment selon que l'on
soit sous l'empire de telle ou telle norme.
Dans ce cas, il ne sera plus question de notions dichotomiques
- auquel cas il suffirait alors à la Compliance de choisir la notion la
plus large - mais d'interpréter les différentes normes pour
établir un dispositif le plus complet possible. La conception
française de responsabilité directe, ou indirecte, et
d'infractions volontaires ou involontaires permettant de déclencher ou
non la responsabilité de l'entreprise devra par exemple être
écartée au profit d'une règle plus simple : s'il y a des
faits de Corruption, alors l'entreprise est en danger, peu importe qui les
commet, et s'ils étaient commis volontairement ou non.
La Compliance devra éviter la Corruption dans
l'entreprise (selon des schémas qui seront développés plus
tard), tout « simplement » !
Encore faut-il savoir ce que regroupe cette notion de
Corruption.
§2. Les infractions connexes à la Corruption
L'emploi d'une majuscule à « Corruption » se
justifie par le fait que cette notion, en plus d'être conçue
différemment selon les systèmes légaux, regroupe des
comportements qui dépassent la définition de la corruption telle
qu'on peut la connaître en France.
Se dégage ainsi, à travers l'analyse des
différentes normes, notes explicatives et autres guides de ces normes et
des décisions de justice, tout un ensemble de comportements
associés à la Corruption.
Ceux-ci sont parfois directement considérés
comme un acte de corruption. C'est le cas de l' « extorsion » par
exemple. L'extorsion est le fait de demander un pot-de-vin (peu importe sa
forme), non pas pour obtenir un service de la part de la personne à qui
on le demande, mais pour que celle-ci évite un désagrément
(comme le fait de ne plus récupérer son passeport). L'extorsion
est parfois accompagnée de violence.
C'est également le cas de la « tromperie »
qui regroupe les notions françaises d'escroquerie et de
faux46. Ce terme désigne une action par laquelle le
corrupteur va demander au corrompu un pot-de-vin, que celui-ci justifiera par
l'emploi de moyens trompeurs.47
C'est encore le cas de la notion parfois difficile à
cerner de « trafic d'influence »48, qui peut aussi
être conçue comme de la Corruption indirecte, selon le cadre de la
norme dans lequel on se situe.
Un autre pan très important du droit du commerce
international est intimement lié à la Corruption : il s'agit du
droit de la concurrence.
46 Article 313-1 du code pénal et articles 4411
à 441-6 du code pénal.
47 Définition du GIACC, anti-corruption training
manual, 2011.
48 Article 433-2 du code pénal
38
Ainsi, la Corruption intervient en relation avec les deux
aspects majeurs de ce droit que sont les ententes et les positions
dominantes.
La Corruption existe dans les ententes de deux façons,
au travers de deux comportements (développés dans la Sous-Section
2 ci-après) : le « Loser's Fee » (qui ne trouve pas de
traduction convenable en français) qui fait partie des ententes sur les
prix et le « Bid Rigging » (difficilement traductible) qui constitue
la manipulation de soumissions d'offres de marchés.
L'abus de position dominante, quant à lui, est
constitué très simplement par une Corruption « active »
de la part de l'opérateur en position dominante, qui demandera à
ses partenaires un pot-de-vin pour que ce partenaire puisse
bénéficier de ses services ou décrocher un marché
auprès de la personne en position dominante.
Enfin, d'autres comportements sont associés indirectement
à la Corruption.
Il s'agit premièrement d'une autre grande
préoccupation de la Compliance (mais financière, cette fois-ci) :
le blanchiment d'argent. Le blanchiment est lié à la corruption
de deux manières. Il est lié à la fois par la
nécessité de « blanchir » le pot-de-vin ; et par la
nécessité de blanchir le produit de ce qui a été
obtenu via le pot-de-vin.
Cette infraction de conséquence est liée
à la Corruption puisque celle-ci va permettre de sanctionner, a
posteriori, la commission des faits de Corruption.
Le deuxième type d'infractions liées à la
Corruption est le groupe des détournements de fonds. Cette notion
correspond en France aux abus de biens sociaux ou autres abus de
confiance.49
Cette infraction est aussi indirectement liée à
la Corruption car le transfert même des biens ou valeurs utilisés
comme pot-de-vin est illégal. En France, il s'agit de la qualification
sous laquelle sont le plus souvent sanctionnés les actes de Corruption,
du fait d'une plus grande facilité de preuve et de règles de
prescription plus larges (le délit étant dans les faits,
imprescriptible) 50.
Le dernier type d'infractions auxquelles est liée la
Corruption est la catégorie les infractions fiscales et autres
infractions en rapport avec la tenue régulière des comptes de
l'entreprise. En effet, la Corruption sera souvent déduite par
l'entreprise de son résultat fiscal, en tant que « charge »,
ce qui est désormais strictement interdit. Il y a aussi le cas où
celle-ci ne sera pas inscrite pour ce qu'elle est réellement dans les
comptes de l'entreprise, voire pas écrite du tout.
49 Articles L241-3-4°et L242-6-3°du code de commerc
e et article 314-1 du code pénal.
Si la Corruption regroupe de multiples comportements dont la
Compliance devra se soucier, il est également intéressant
d'analyser quand et sous quelles formes ces comportements apparaissent en
entreprise. Cette démarche permettra ainsi la mise en place de
procédures spécifiques pour anticiper ces situations
critiques.
50 Phase 2 du rapport de suivi de l'OCDE sur l'application
par la France de la Convention OCDE, 2004.
39
Sous-Section II. Les différentes formes sous
lesquelles se présente la Corruption
Si la Corruption peut se présenter sous des formes
multiples en entreprise, il est un secteur particulièrement sensible et
illustrateur des différentes manifestations de la Corruption auxquelles
est confronté une entreprise : le projet.
Un projet peut se segmenter grossièrement en trois
étapes : la phase précédent un contrat, la phase
d'exécution de ce contrat et la phase de résolution du
contrat.
§1. Les risques de Corruption pendant la phase
préalable au contrat
Cette phase qui précède le contrat est importante
pour deux raisons.
Premièrement, le niveau de risque de Corruption de
cette phase va souvent pouvoir être déterminé à
partir de critères objectifs, tels que le secteur d'activité dans
lequel s'inscrit le contrat, ou encore la région géographique
où celui-ci devra s'exécuter, ou enfin la qualité du
potentiel co-contractant. Cela permet, en somme, de fixer l'importance qu'aura
la Compliance sur le projet en question.
La Corruption va surtout se manifester lors de la phase
cruciale de passation d'un marché. En conséquence, c'est à
cette occasion que vont se retrouver les infractions relatives au droit de la
concurrence.
La Corruption la plus aisée à concevoir est
celle de l'opérateur qui propose le contrat de passation du
marché en question. Que ce soit de l'initiative de cette personne ou de
celui qui prétend se voir attribué le marché, le risque de
Corruption est ici d'autant plus élevé que les sommes en jeu sont
les plus conséquentes de la vie des affaires.
Outre cette Corruption « basique », la Corruption
peut également être faite via un intermédiaire, souvent
investi de pouvoirs ou d'une influence particulièrement haute. C'est
dans cette hypothèse que la notion d' « agents
publics » prend toute son importance.
Mais la Corruption peut aussi avoir lieu de façon moins
évidente, au travers du droit de la concurrence. Outre la corruption
dans le cadre d'une position dominante (la Corruption constituera alors
l'abus), les deux notions que sont le « Loser's Fee » et le «
Bid Rigging » sont essentielles. Elles sont, en effet, la cause de
nombreuses condamnations pour Corruption et violation du droit de la
concurrence.51 52
Le « Loser's Fee » est une entente par laquelle
plusieurs prétendants à un contrat vont conclure un accord pour
que celui qui remporte le contrat donne une compensation financière
à celui qui ne l'a pas remporté. Par cet acte de Corruption
anticipé, chacune des parties gonfle artificiellement le prix de son
offre pour inclure le montant de la commission occulte qu'elle paiera à
son concurrent.
51 Ce fut le cas, par exemple, pour les affaire Innospec
(sanctionné à payer une amende cumulée de 40 millions de
dollars, par les autorités américaines et britanniques, en 2010)
ou encore Bridgestone (28 millions $, 2011).
52 Notamment, le «Sherman Act» américain
du 2 juillet 1890 et le « Clayton Antitrust Act » du 15 octobre
1914.
40
Le « Bid Rigging » quant à lui, est un appel
d'offres qui est en réalité truqué par une entente
préalable sur les prix (obtenue aux moyens de Corruption) entre celui
qui fait l'appel d'offre, et un de ceux qui proposeront une offre. Cette
entente est prohibée dans de nombreux pays.
Si les risques sont importants avant la conclusion du contrat,
ils le sont également pendant son exécution.
§2. Les risques de Corruption pendant
l'exécution du contrat
Pendant la phase d'exécution du contrat, des
conséquences de pactes de Corruption passés peuvent se
concrétiser. Mais la Corruption peut aussi naître au cours de
l'exécution du contrat.
Ainsi, plusieurs pactes de Corruption prévoient-ils
que des personnes désignées participent à
l'exécution du contrat.53 Outre des emplois fictifs, cela
pose également de véritables soucis au niveau de la
qualité de la prestation fournie par l'entreprise, du fait de
l'incompétence des personnes en cause. S'ajoute alors aux risques de
sanctions de l'entreprise pour Corruption une atteinte à l'image de
celle-ci - sans même qu'elle soit condamnée, au demeurant.
Mais la Corruption peut aussi se traduire par un travail de
réparation excessif. Il s'agit d'un schéma dans lequel un pacte
de Corruption est conclu entre une entreprise chargée de la maintenance
du matériel utilisé pour l'exécution du contrat et des
personnes extérieures à l'entreprise, mais présentes pour
l'exécution du contrat. Ce pacte de Corruption va consister à
faire appel superficiellement à cette entreprise pour réparer un
matériel qui n'est pas défectueux en échange de
pots-de-vin. Ces pots-de-vin sont alors payés à la personne
faisant appel aux services de cette entreprise de maintenance.
La Corruption va également apparaître lors de
l'obtention de permis et d'autorisations diverses nécessaire à
l'exécution du contrat ou encore pour prolonger artificiellement la
durée d'exécution du contrat initialement prévue.
§3. Les risques de Corruption lors de la
résolution du contrat
Pendant la phase de résolution du contrat, la
Corruption va surtout être externe à l'entreprise, mais celle-ci
en subira directement les effets.
De tels pactes de Corruption vont avoir pour objectifs
d'obtenir de la part de témoins ou d'experts corrompus des
déclarations permettant d'obtenir des dommages-intérêts
suite à de fausses plaintes (généralement de la part des
autorités publiques en cas d'agents publics corrompus, ou encore de
petits sous-traitants).
53 Ce sont notamment des indices utilisés dans deux
affaires SNC-LAVALIN, en cours d'investigations, où du personnel
incompétent a été employé pour construire un
aéroport à Benghazi (Libye) - aujourd'hui inutilisable ; ou
encore pour rénover des centrales hydroélectriques dans l'Etat du
Kerala (Inde), dont l'état s'est détérioré par
rapport à ce qu'étaient les centrales avant l'exécution du
contrat de rénovation.
41
§4. Les situations de Corruption hors contrat
Si la Corruption peut apparaître à n'importe quel
moment de la vie d'une entreprise internationale dès lors qu'il y a des
avantages potentiels, il existe des situations originales mais pourtant
fréquentes dans une entreprise, dans lesquelles le risque de Corruption
est élevé.
On peut ainsi citer deux grands thèmes souvent
abordés par la « Soft Law »54 que sont les «
Gift and Hospitality » (cadeaux et hospitalité) et les situations
philanthropiques (charité et donations).
La situation de « cadeau et hospitalité » se
rencontre fréquemment dans le monde des affaires. Il ne s'agit
d'ailleurs pas forcément de Corruption. Ce sont des situations
où, même sans la moindre intention corruptive, un client va
remercier un partenaire, pour entretenir de bonnes relations commerciales. Or,
comme la Corruption est constituée même si la remise du pot-de-vin
est postérieure à l'obtention de l'avantage indu, le risque de
sanction existe bel et bien.55
Le FCPA fixe ainsi, dans ses Avis56, une limite de
250$, au-delà de laquelle les précautions particulières
doivent être prises par les services de Compliance, pour contrôler
la légitimité de tels dons ; cela consiste notamment à
vérifier que le don n'est pas disproportionné par rapport au
service rendu par la personne qui le reçoit.
Les activités philanthropiques, quant à elles,
servent à améliorer l'image de l'entreprise dans les pays
où elle opère et qui sont souvent pauvres concernant les
entreprises impliquée dans la lutte contre la Corruption. Ces donations
sont parfois faites en raison d'obligations légales de participer au
développement des Etats où les entreprises effectuent leurs
contrats.
Ces activités sont donc à risque, dans la mesure
où elles peuvent servir à reverser des commissions occultes
à des agents publics, via des organismes de développement
fictifs.
Section II. L'application pratique des normes
anti-Corruption
Dans le cadre d'une lutte relativement
déstructurée au niveau institutionnel mondial, un certain nombre
de notions intéressant directement la Corruption apparaissent
également comme floues (Sous-Section I). Cependant, un service de
Compliance a tout de même la possibilité de se
référer à une norme mondiale (de fait) : le FCPA
(Sous-Section II).
54 Voir notamment les Etudes de Cas 4 et 8 du Guide de
l'UKBA.
55 Voir Control Component, Inc. contre DOJ, 22 juillet 2009
ou encore UTSTARCOM, INC. contre DOJ, 31 décembre 2009 ; incluant des
voyages à Disneyland, Hawaï, Las Vegas, ou encore 10 000€ de
vin français.
56 Opinion Releases (81-01, 81-02 and 82-01).
42
Sous-Section I. Les incertitudes des
caractéristiques de la Corruption
§1. La notion d'Agent Public
A notion d' « agent publics » est importante
à saisir, car elle est historiquement à la base de la lutte
contre la Corruption.
En effet, le FCPA, principal instrument de la lutte contre la
Corruption se concentre sur la Corruption d'agents publics, et uniquement elle.
Il en est de même pour les Conventions ONU et OCDE.
La notion d'agent public est définie très
largement. Si on fait une synthèse des textes susmentionnés, on
peut dire qu'il s'agit de toute personne exerçant une fonction au sein
d'un gouvernement, d'un département, d'une agence ou toute autre
entité concourant à une activité gouvernementale ; ou
disposant d'un mandat électif de quelque niveau que ce soit (local,
régional, national) ; ou agissant pour le compte, ou sous les ordres des
personnes susmentionnées.
Cette notion est très large et comprend tant les
personnes physiques que morales. De plus, la notion d'« entité
concourant à »57 pose un certain flou sur les contours
de la notion d'agent public. La demande d'une définition claire de ce
terme est une préoccupation majeure des observateurs de la lutte contre
la Corruption, aujourd'hui.
Cette notion est d'autant plus vaste qu'elle englobe
également les entreprises dans lesquelles un Etat (ou une «
émanation » de l'Etat) détient, même partiellement,
des parts. Actuellement, il est difficile de dire à partir de quel seuil
une société est considérée comme un « agent
public ». Le plus petit chiffre retenu jusqu'à présent par
la jurisprudence américaine fait état de 33% de parts
détenues par l'Etat.
Une liste d'entités reconnues comme agents publics
permet de mettre en perspective l'étendue de cette notion : compagnies
aériennes, banques, usines chimiques, instituts d'ingénierie,
hôpitaux, comités de surveillance de construction d'hôtel,
sociétés de transports en commun, chantiers navals,
universités, aciéries, sociétés de
télécommunications...
Devant cette incertitude, la Compliance doit tout de
même se positionner. Lorsqu'une notion apparait comme floue, il convient
d'en adopter la conception la plus large possible, afin de faire entrer dans
les prévisions du service tous les risques liés à cette
notion.
Par ailleurs, il faut noter que l'UKBA ne fait pas uniquement
référence à la Corruption d'« agent publics ».
Celle-ci ne constitue qu'une des infractions prévues par ce
texte58 puisque l'UKBA condamne également la Corruption de
n'importe quelle personne59.
57 « Instrumentality » en anglais.
58 Section 6 de l'UKBA.
59 Section 1 de l'UKBA.
43
Cet état de fait est d'autant plus intéressant
pour la Compliance d'entreprise qu'elle permet d'adopter une conception
étendue de la Corruption, et de légitimer ainsi des règles
plus contraignantes pour l'entreprise.
Ceci ayant été dit, il faut relever que la
tendance de la lutte contre la Corruption se détache progressivement de
la notion d' « agents publics ».
Cet éloignement se fait d'abord par l'admission
toujours plus large de l' « agent public »60. En effet, le
risque que prendrait un service de Compliance d'exclure des prévisions
de l'article une entité qui aurait un lien quelconque avec un Etat
apparaît comme immense. De plus, la notion est également
abandonnée par la lutte contre la Corruption en elle-même, comme
l'illustre l'UKBA.
Il apparait pertinent de dire aujourd'hui que cette notion d'
« agent public » sert plus d'indicateur de risque de Corruption dans
une transaction, que de véritable cadre limitatif de la lutte contre la
Corruption. C'est sans doute le lot de toutes les notions qui ne sont pas
clairement définies : pour se prémunir des risques de non
Compliance, il vaut mieux aller au-delà des prévisions du texte
qu'en deçà.
§2. La notion de paiements de
facilitation
La notion de « paiements de facilitation
»61 est également une notion en perte de vitesse, pour
les mêmes raisons que celle d' « agents publics ».
Les paiements de facilitation ont d'abord été
prévus par le FCPA en tant qu'actes ne tombant pas sous le coup de la
Corruption (et donc de défense devant les tribunaux). Ils sont
définis comme étant des payements qui accélèrent
les actes gouvernementaux normaux, routiniers. Concrètement, le FCPA ne
sanctionne pas ces paiements faits dans le simple but d'accélérer
des procédures menant à l'établissement d'actes «
normaux » et légalement établis.
Cette notion est aujourd'hui en voie de disparaître pour
des raisons d'harmonisation avec l'OCDE qui ne prévoit pas d'exception
pour les paiements de facilitation (tout comme l'UKBA). Cette notion
était par ailleurs à la fois très incertaine et
très strictement appréciée, au point que la SEC a pu
déclarer explicitement dans l'affaire NOBLE que le personnel de la
société « n'a[vait] pas compris la notion de payements de
facilité ».62
Dans cette mesure, un service de Compliance ne peut que
proscrire les payements de facilitation dans son entreprise, au risque de
s'exposer à des sanctions quasi certaines.
60 Tous les moyens fondés sur une contestation de
la portée du terme d' « agent public », soulevés devant
le DOJ et la SEC ont été rejetés à ce jour ! Voir
les affaires : Etats-Unis contre ESQUENAZI, E.U. contre NGUYEN, E.U. contre
CARSON, ou encore E.U. contre AGUILAR.
« facilitating » ou « facilitation »
« payments » en anglais.
61
62 Etats-Unis contre NOBLE Corporation, 4 novembre
2010.
44
§3. Une responsabilité «
en cascade »
Le dernier caractère primordial de la lutte contre la
Corruption, à absolument prendre en considération dans
l'établissement d'un programme de Compliance, est la
responsabilité « en cascade » extrêmement poussée
en la matière.
Nous sommes très loin de la conception française
de responsabilité directe ou indirecte, voire de l'obligation
d'élément moral pour la Corruption (si tant est que
l'élément moral soit toujours primordial en droit pénal
des affaires).
En effet, le FCPA (comme d'autres institutions en la
matière) sanctionne la Corruption lorsqu'elle est faite directement, ou
par le biais d'un intermédiaire. La notion d'intermédiaire est
également large et surtout très fréquente dans les
relations d'affaires. Ainsi, nombreux sont les agents, les coentreprises, les
fusions ou autres relations d'affaires particulières où une
entreprise est confronté à des intermédiaires.
De ce fait, l'entreprise sera responsable s'il est
prouvé qu'elle savait qu'au moins une partie de l'argent (ou autres
biens ou valeurs) qu'elle a fourni à un intermédiaire allait
servir à des faits de Corruption.
En réalité, le poids qui pèse sur
l'entreprise est bien plus lourd que ça. En effet, que ce soit le FCPA
qui considère que l'élément moral est constitué
dès lors que le tribunal prouve une ignorance
délibérée, ou un « détournement du regard
» ; ou que ce soit la Section 7 de l'UKBA qui sanctionne le fait de ne pas
avoir réussi à prévenir la Corruption de n'importe quel
intermédiaire aussi éloigné soit-il dans la chaîne
des intermédiaires, dans les deux cas, il s'agit d'un renversement de la
charge de la preuve très important.63
Ce renversement de la charge de la preuve est également
une des raisons principales de l'importance d'établir un service de
Compliance anti-Corruption au sein des entreprises internationales. Celles-ci
sont en effet presque toujours soumises à la compétence des
autorités du FCPA qui est omniprésent dans le monde.
Sous-Section II. L'omnipotence de la régulation
étatsunienne
§1. Les raisons de l'importance mondiale du droit
des Etats-Unis en matière de lutte contre la Corruption au sein des
entreprises
Le droit des Etats-Unis, en plus d'avoir été le
fondateur de la lutte contre la Corruption moderne, continue (et depuis 2007,
encore plus que jamais) à s'afficher comme un droit mondial concernant
toutes les entreprises internationales.
Si le FCPA a autant d'importance, c'est avant tout parce qu'il
s'applique presque partout.
63 Des intermédiaires sont notamment responsables dans
les affaires les plus importantes : SIEMENS, AB VOLVO, TECHNIP, BAES,
SNAMPROGETTI pour les principales.
45
Loin des règles de territorialité
françaises, la compétence territoriale des autorités du
FCPA est extrêmement importante. Cela peut paraître paradoxal au
premier abord, puisque la loi était en principe prévue uniquement
pour les entreprises américaines.
Les autorités du FCPA sont donc compétentes pour
traiter de toutes les entreprises américaines, ou enregistrées
aux Etats-Unis. Elles sont également compétentes si l'un des
actes constitutifs de l'infraction de Corruption a eu lieu sur le territoire
américain. Mais ça ne s'arrête pas là du tout.
Ces autorités sont également compétentes
pour traiter des affaires de Corruption impliquant des entreprises
cotées sur les marchés financiers américaines.
Mais le DOJ et la SEC sont également compétents
pour traiter de toutes les affaires dans lesquelles des transferts de fonds ont
été effectués via des comptes situés aux Etats-Unis
; mais également des comptes situés à l'étranger,
mais détenus par des banques américaines64.
Et cette compétence est encore plus large que cela,
puisqu'il a été considéré dans l'affaire MAGYAR
TELEKOM65 que la SEC était compétente du fait que des
mails qui avaient été envoyés par de employés de
MAGYAR TELEKOM (en lien avec l'affaire de Corruption) avaient transigés
sur des serveurs informatiques situés aux Etats-Unis !
Par ailleurs, le FCPA s'applique aussi aux entreprises qui
auraient des parts dans une entreprise pour laquelle les autorités
américaines se sont déclarées compétentes sur la
base des critères décrits ci-dessus66.
Très concrètement, le FCPA a donc vocation
à s'appliquer à tous les grands groupes de sociétés
internationaux, partout dans le monde. De par le jeu des transferts d'argent,
des mails et des filiales, il apparaît effectivement très probable
que dans chaque affaire de Corruption suffisamment importante, au moins une des
personnes concernées par le schéma infractionnel tombe sous la
juridiction du DOJ ou de la SEC.
Enfin, si le FCPA a tant d'impact, c'est aussi dû aux
montants exceptionnels des sanctions prononcées par le DOJ ou la SEC et
la publication de celles-ci.
§2. Le traitement des conflits par les
autorités américaine : rapidité et
exemplarité
Les sanctions de la SEC et du DOJ n'auraient certainement pas
un poids si lourd dans la lutte contre la Corruption à l'échelle
mondiale si les sanctions prononcées n'étaient pas si
importantes.
Les raisons pour lesquelles les amendes prononcées par
les autorités américaines sont élevées sont
notamment dues à la politique suivie par les procureurs
américains.67 En effet,
64 Cette règle de compétence
territoriale a été utilisée dans les affaires SIEMENS en
décembre 2008 et HALLIBURTON/KBR en février 2009, qui sont les
deux plus grosses condamnations prononcées à ce jour.
65 MAGYAR TELEKOM contre SEC, 29 décembre
2011.
66 DEUTSCHE TELEKOM contre E.U., 29 décembre
2011.
67 J. MARTIN, R.D. MCCONNEL & C.A. SIMON « Plan
now or pay later : the role of compliance in criminal cases ».
46
depuis 1989 et le THORNBURGH Memo68, la politique
de la sanction par l'exemple a toujours été
privilégiée. L'instruction a ainsi été
donnée de ne poursuivre que les affaires les plus sérieuses, dont
les infractions sont les plus faciles à prouver et concernant les
comportements les plus graves (ou pour lesquels les sommes en jeu sont les plus
importantes).
Cette politique n'a vraiment pris tout son sens que ces
dernières années, avec des amendes record pour des actes de
Corruption69. Ainsi, en 2011, la SEC et le DOJ ont infligé un
total de 1,8 milliard de dollars d'amendes et autres pénalités,
pour seulement 24 décisions rendues ! La moyenne des sommes ainsi
collectées est donc de près de 80 millions de dollars par
affaire70.
Autant dire qu'il ne s'agit plus pour les entreprises de peser
dresser un bilan coûts/bénéfices avant d'envisager une
Corruption qui serait au finale bénéfique. D'autant plus qu'il
faut ajouter à ces amendes directes, des dommages économiques
indirects (qui seront développés après), au moins aussi
importants.
Cette action dans le cadre du FCPA a un autre avantage de
taille qui est la rapidité avec laquelle celle-ci traite ses affaires.
Ainsi, il ne se passe pas plus de cinq ans entre le début des
investigations et la décision ayant force de chose jugée.
Cette rapidité de traitement des affaires de Corruption
peut s'expliquer par la mise en place de nouveaux outils d'investigations dans
les affaires à dimension économique71 (tels que les
écoutes téléphoniques ou les agents sous couverture). Mais
elle est également due à l'accent mis sur la coopération
des entreprises avec les autorités américaines pour voir leurs
amendes diminuer.
Les résolutions à l'amiable entre les
entreprises et le DOJ ou la SEC portent le nom
d' « Accord » 72. Ces accords se sont
multipliés ces dernières années. Ainsi, en 2011, 82% des
affaires de Corruption passées devant le DOJ se sont résolus par
ces Accords.
De tels accords présentent un avantage pour les deux
parties. Pour le DOJ ou la SEC, cela permet de clore plus rapidement les
dossiers, sans avoir à prouver totalement que les faits de Corruption
soient avérés. Pour l'entreprise, cela permet de diminuer les
coûts procéduraux, mais également de diminuer leur amende.
Enfin, l'entreprise n'est pas condamnée à proprement parler,
puisqu'il s'agit d'un accord. Les communiqués de presse des
autorités américaines stipulent expressément, à cet
effet, que l'entreprise a signé l'accord « sans reconnaître
ni nier sa culpabilité ». Cela permet donc également de
diminuer l'impact sur l'image et la réputation de l'entreprise.
68 Mémorandum du Ministre de la justice R.THORNBURGH
aux Procureurs fédéraux, 13 mars 1989.
Mais de tels Accords « avantageux » pour les
entreprises se méritent. Pour les obtenir, il faudra faire preuve d'une
collaboration totale avec les autorités américaines. Les
entreprises
69 Cf. Annexe 3 : classement des dix amendes les plus
élevées infligées par les autorités
américaines, FCPA
Blog.
70 M. KOEHLER, 2011 FCPA review: Scrutiny, Reform, and
Individual Prosecutions Are Key Issues, Bloomberg BNA, White Collar Crime
Report.
71 C.ODOM, «Undercover Agents, Wiretaps
Becoming the Norm in White-Collar Cases, Experts Say», 7 octobre 2011.
72 DPA : deferred prosecution agreement et NPA :
Non-Prosecution Agreement
47
ont très bien compris le message, puisqu'en 2011, 98%
des affaires « jugées » par le DOJ et la SEC étaient
issues de « dénonciations volontaires »73 de la
part des entreprises.
Enfin, les Etats-Unis ont mis en place, via le Dodd-Frank Act
de 201074, un système de récompense des
dénonciateurs de faits de Corruption. Ce mécanisme toutefois
encadré75 prévoit la possibilité de
rémunérer, à hauteur de 30% des sommes obtenues par la
SEC, les personnes dénonçant les faits de Corruption dont ils ont
connaissance !
La seule façon pour l'entreprise de lutter contre ces
dénonciation, voire de les rendre inopérantes, est
expressément prévu par le texte. Il s'agit de la mise en place
d'un système de Compliance anti-Corruption efficace.
Toutefois, si la politique des Etats-Unis se
révèle extrêmement dissuasive tant pas les sommes
récoltés que par son effet dissuasif, celle-ci n'est pas sans
poser quelques interrogations, eu égard notamment à ses effets au
long terme et aux finalités réelles de cette lutte.
Section III. La prédominance des Etats-Unis
révélatrice d'une politique de concurrence normative
La lutte contre la Corruption telle que menée par les
Etats-Unis poursuit des objectifs autres que les institutions internationales.
Toutefois, cette logique empreinte de pragmatisme connaît des limites.
§1. Une volonté idéologique de
façade
Le FCPA affiche des objectifs très honorables. Tout
d'abord, sa création a été consécutive à des
investigations de la SEC lors desquelles 400 compagnies américaines
avouaient s'adonner à des actes de Corruption76. L'objectif
premier était donc très clair : lutter contre la Corruption dans
les entreprises américaines, en vue de restaurer la confiance du public
et l'intégrité du monde des affaires sur le marché
américain.
Par ailleurs, le DOJ n'a de cesse de rappeler que la
Corruption fait de nombreuses victimes et, s'inscrivant dans l'esprit de l'OCDE
et de l'ONU, d'annoncer la poursuite
« Self disclosure » en anglais.
73
74 Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection
Act, 21 juillet 2010, inséré dans le FCPA, prévoit
expressément, dans sa Section 922 un programme de dénonciation
à la SEC, des faits de Corruption.
75 L'information doit être volontairement
dénoncée à la SEC (1), non encore connue par elle (2),
elle doit mener à une décision en faveur de la SEC (3), pour un
montant d'au moins 1 million de dollars (4).
« FCPA Lay Person's Guide », disponible sur le site
du gouvernement américain:
http://www.justice.gov/criminal/fraud/fcpa/docs/lay-persons-guide.pdf.
76
48
d'objectifs nobles, tels que la lutte contre la
pauvreté, le combat pour l'égalité des acteurs
économiques ou encore « une vie meilleure à tous les
habitants de la planète »77.
De fait, les Etats-Unis se sont érigés depuis
maintenant plusieurs années comme le régulateur à
l'échelle mondiale de la lutte contre la Corruption. Mais
derrière cette antienne, la réalité est également
que les sommes en jeu sont véritablement impressionnantes.
Des sommes qui, d'ailleurs, ne reviennent pas aux victimes de
la Corruption qui semblent pourtant si nombreuses, mais bien à l'Etat
américain. Il pourrait paraître légitime, voire logique que
l'argent obtenu de cette manière soit reversé directement
à des organisations en charges du développement économique
mondial, tels que l'OCDE, la Banque Mondiale, ou encore le FMI.
Mais ce n'est pas le cas.
De façon pragmatique, la politique de lutte contre la
Corruption telle que menée par les Etats-Unis rapporte beaucoup d'argent
à l'Etat américain. Un argent qui n'est certes pas gagné
indument, et même honorablement, mais qui n'en reste pas moins
conservé par les Etats-Unis.
Mais là où les questions peuvent se poser, c'est
lorsque l'on compare le but originel du FCPA, qui est la lutte contre la
Corruption dans les entreprises américaines et les condamnations
effectives des autorités américaines.
Ainsi, en 2011, 90% des affaires jugées par ces
institutions concernaient des personnes étrangères aux
Etats-Unis78 !
Les Etats-Unis semblent avoir été les premiers
à se rendre compte des enjeux financiers colossaux et des
bénéfices que peut tirer un Etat de cette lutte. Le Royaume-Uni,
et son UKBA semblent également avoir pris la mesure des montants en jeu,
au point qu'il est possible de parler de concurrence normative.
En effet, l'UKBA prévoit également une
compétence territoriale extrêmement large. Ainsi, concernant
l'infraction de la Section 7 (selon laquelle il y a infraction en cas de
défaut de prévention suffisante de faits de Corruption de la part
de n'importe quelle personne associée à une entreprise, si ces
faits permettent à ladite entreprise d'obtenir un avantage quelconque),
la compétence territoriale du Royaume-Uni (et donc du Serious Fraud
Office, « SFO ») est établie ; quelle que
soit le lieu où l'infraction a été commise (tant qu'elle
implique une entreprise liée au Royaume-Uni, même
indirectement).
Là encore, les personnes concernées par ces
prévisions sont légions parmi les entreprises internationales.
De plus, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni a mis en place
un système de « prime à la dénonciation ». Si ce
système peut poser des interrogations quant à la loyauté
des employés qui choisiraient de dénoncer leur propre entreprise,
celui-ci s'affiche surtout
77 Déclaration A.GURRIA, Secrétaire
Général de l'OCDE, Rapport Annuel du groupe de travail de l'OCDE
sur la corruption, 2010
78 M. KOEHLER, 2011 FCPA review: Scrutiny, Reform, and
Individual Prosecutions Are Key Issues, Bloomberg BNA, White Collar Crime
Report.
49
comme un bon moyen, pour la SEC comme le SFO, de se
déclarer compétents pour traiter d'affaires
particulièrement rémunératrices en cas de poursuites
concluantes.
Enfin, au-delà des questionnements relatifs à la
finalité réelle de ces lois majeures (mais étatiques) du
domaine de la lutte contre la Corruption, se posent d'autres interrogations
quant à leur effet géopolitique et économique.
§2. Les limites géopolitiques à cette
politique
Outre l'importance économique des Etats-Unis, voire du
Royaume-Uni dans une moindre mesure, la légitimité d'une
autorité étatique qui s'établit comme régulateur
mondial n'est pas sans poser des questions.
Tout d'abord, il apparait aujourd'hui difficile de contester
cette régulation mondiale.
La première raison est que malgré un rôle
qui semble dépasser leurs attributions, le FCPA et l'UKBA ont au moins
le mérite d'être effectifs ; ce qui n'est pas une maigre
qualité lorsque l'on regarde le panorama général de la
lutte contre la Corruption.
Dans l'état actuel de cette lutte qui se veut mondiale,
ces deux institutions apparaissent bien esseulées et leur contester leur
compétence reviendrait à briser l'élan que prend
réellement la lutte contre la Corruption dans tous les Etats.
Ensuite, de par l'importance toute particulière des
Etats-Unis, un refus pur et simple de se soumettre aux règles
pénales (et civiles, mais pouvant être considérée
comme pénales) entraînerait des conséquences
économiques que ne peuvent se permettre aucune entreprise (occidentale,
tout du moins).
Mais cette légitimité pourrait connaître
des limites réelles dans les années à venir. Quid des
entreprises asiatiques, et notamment celles qui sont en partie détenues
par des Etats surpuissants économiquement ? Que se passerait-il si
demain, les entreprises pouvant se passer du marché américain
décidaient de faire fi des normes anti-Corruption ? Les effets seraient
dévastateurs, tant la Corruption pourrait reprendre de l'ampleur.
Non seulement la Corruption et tous les effets associés
trouveraient un nouveau souffle, mais en plus, les entreprises soumises de fait
aux droits américain et anglais se retrouveraient dans une situation
concurrentielle intenable, ne pouvant absolument pas rivaliser avec des
entreprises libre de pratiquer les actes de Corruption !
Il est donc plus que souhaitable que la sensibilisation des
institutions internationales (OCDE et ONU en tête) permette à la
lutte contre la Corruption de devenir efficiente partout dans le monde, et
surtout dans les pays dont la surpuissance économique est montante.
Enfin, il est aussi très important de se placer du
point de vue des entreprises si l'on venait à assister à une
course à la norme pénale anti-corruption la plus efficace et la
plus rentable. Cette problématique est d'autant plus importante que la
règle « non bis in idem » n'est pas respectée à
l'échelle internationale.
La réponse la plus simple reste de dire que les
entreprises n'ont qu'à respecter les Lois parfaitement, et qu'elles
seront donc ainsi épargnées. Cependant, il apparaît tout
à fait intenable économiquement pour une entreprise de lutter
totalement contre tous les risques pénaux auxquels celle-ci s'expose (et
a fortiori aux risque de Corruption).
Une entreprise ne peut pas consacrer une part
disproportionnée de son budget à remplir un rôle qui
devrait impartir aux Etats, à leurs polices et à leurs
juridictions !
C'est là que la Compliance anti-Corruption en entreprise
trouve sa raison d'être.
Non seulement du fait qu'un tel service permet de mieux
appréhender une problématique toute juridique de la part d'une
entité qui est avant tout économique ; mais aussi du fait que ces
Lois anti-Corruption, aussi contraignantes et impressionnantes soient-elles,
ont spécialement prévu un seul moyen pour ces
entreprises d'éviter les sanctions : la mise en place d'une Compliance
anti-Corruption efficace.
Ceci est valable à travers plusieurs aspects qui font
l'objet de la deuxième partie de ce mémoire, où il s'agira
de voir comment, à partir de la mise en place d'un dispositif
imposé, l'entreprise peut tirer des avantages de sa Compliance
anti-Corruption.
50
51
SECONDE PARTIE
LES DEFIS DE LA COMPLIANCE ANTI-
CORRUPTION A L'ECHELLE DE
L'ENTREPRISE
52
53
54
CHAPITRE TROISIEME
LA DIMENSION ORGANISATIONNELLE DE LA
COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION
Lorsque le service chargé de la Compliance a
déterminé avec précision le cadre dans lequel la
Compliance s'inscrit, et donc les forces qui s'exercent sur l'entreprise en
raison de la lutte contre la Corruption, celle-ci peut alors décider des
mécanismes à mettre effectivement en place (Section I) pour
pouvoir gérer au mieux les risques propres à l'entreprise
(Section II).
Section I. Le triptyque de la Compliance anticorruption :
prévenir, agir, réagir
Les entreprises se sont vues confié le rôle de
régulateur de la lutte contre la Corruption au sein de leur entreprise
(et même au-delà). Dans ce contexte, celles-ci se doivent de
mettre en place une Compliance complète dont le rôle sera à
la fois de prévenir les faits de Corruption (Sous-Section I), de
contrôler l'application des mécanismes de prévention
(Sous-Section II) et de réagir à l'apparition des faits en
question (Sous-Section III).
Sous-Section I. Les moyens de prévention mis en
place par la Compliance
§1. La Due Diligence
A. La notion de due diligence
Le rôle premier d'un juriste, dans l'ordonnancement de
ses fonctions, est la prévention. Cette prévention permet
d'anticiper les risques et d'avoir des procédures adaptées
lorsque l'évènement anticipé se produit.
Dans la Compliance en matière de Corruption, la
prévention prend notamment une forme particulière,
expressément prévue par les textes, qui est le mécanisme
de « due diligence ».
La due diligence est un concept qui consiste, pour le service
de Compliance d'une entreprise, à procéder à des mesures
de vérification, d'enquête et de recherches d'informations. Les
dues diligences ont notamment lieu lors de plusieurs étapes
présentant un risque particulier pour l'entreprise. La finalité
du dispositif sera alors de rechercher des informations relatives aux facteurs
de risques, afin de voir si, au travers des renseignements ainsi
collectés, la crainte d'une probabilité élevée de
risque se confirme.
55
Par ailleurs, une fois que la due diligence a permis de cerner
l'intensité du risque qui se présente pour l'entreprise, le
service pourra prendre d'autres mesures en conséquence, afin soit de
diminuer le risque au maximum, soit d'éviter ce risque.
Plus concrètement, la due diligence va surtout
apparaître comme nécessaire pour l'entreprise lorsque celle-ci est
confrontée à des éléments extérieurs
à elle. Les premières cibles de dues diligences sont, bien
évidemment, les tierces parties. Elles représentent un risque
d'autant plus grand en raison de la responsabilité en cascade
précédemment évoquée.
Lorsque la société est confrontée
à des tierces parties, celle-ci devra non seulement rechercher les
risques que présente cette entité, mais également pouvoir
prouver qu'elle a bien mené toutes les vérifications
imposée par les textes. Il est ainsi important d'avoir une
procédure bien définie et de garder des traces écrites de
l'exécution des dues diligences.
L'intérêt (voire l'obligation) de mener une due
diligence apparaît notamment lorsque de l'entreprise envisage de nouer
des relations contractuelles très fortes avec un partenaire. Ce genre de
relations contractuelles prend notamment la forme de contrats de
sous-traitance, mais aussi de coentreprises, de consortiums, de fusion ou
d'acquisitions79.
Plus généralement, tous les flux financiers
pourraient théoriquement être sujets à des dues
diligences.
Néanmoins, cela apparaitrait fort contraignant pour les
entreprises, en termes de coûts, mais aussi de temps. C'est la raison
pour laquelle le déclenchement d'une procédure de due diligence
est souvent conditionnée par la présence de facteurs de risques
prédéterminés et larges (pour que les dues diligences
soient toujours effectuées quand un risque suffisant est
envisageable).
B. Les Drapeaux Rouges
Ces facteurs, souvent appelés « Drapeaux Rouges
»80 par les observateurs, sont des critères objectifs
dont la détection entraînera automatiquement le
déclenchement d'un processus de due diligence.
Parmi ces « drapeaux rouges », on peut notamment citer
:
· Le fait que l'exécution du contrat se situe sur
un territoire à risque (la carte de l'indice de Corruption mondiale de
TI est une bonne base pour effectuer une cartographie géographique des
risques) ;
· Le fait que le partenaire ait déjà
été condamné pour des faits de Corruption par le
passé ;
79 Concernant les fusions-acquisitions, il a
été notamment jugé qu'une entreprise était
responsable des faits de corruption auxquels s'était adonnée
l'entreprise ainsi absorbée, lorsque les mesures de dues diligences
suffisantes n'ont pas été prises pour permettre, notamment de
révéler les faits postérieurement à
l'opération de fusion-acquisition. Voir Etats-Unis contre SYNCOR, EU
contre TITAN, et les Avis du DOJ n°08-02, 03-01 et 0402.
80 « Red Flag » en anglais.
·
56
Le fait que le partenaire est actuellement sous investigations
d'une autorité en charge de la lutte contre la Corruption ;
· Le fait que le partenaire soit une entreprise d'Etat ou
un membre suffisamment connu du gouvernement pour que cela se détecte
sans due diligence ;
· Le secteur d'activité particulièrement
à risque dans lequel s'inscrirait le contrat (le secteur
pétrolier ou le secteur pharmaceutique sont par exemple des secteurs
où le risque de Corruption est important) ;
· Lorsque l'on passe par un intermédiaire, une
commission particulièrement élevée par rapport à ce
qu'est censé effectuer cette personne, etc.
La liste des Drapeaux Rouges que détermine
l'entreprise peut, bien entendu, s'allonger autant qu'elle le juge
nécessaire. Ceux-ci doivent simplement être suffisamment larges
pour être détectés par une vérification très
sommaire (notamment de la part des personnes chargées de la
période précédant la signature du contrat).
Les dues diligences ainsi déclenchées auront
pour but de rechercher des informations venant corroborer ou infirmer les
craintes que soulève naturellement un Drapeau Rouge. Mais ce n'est pas
tout.
Pour en comprendre l'importance, il est intéressant de
présenter les deux outils principaux de la due diligence.
C. Les outils de due diligence
Les due diligences se présentent sous deux formes
principales : les questionnaires de due diligence et les vérifications
des renseignements par internet (appelés aussi communément «
vérifications de réputation »)
Les questionnaires de due diligence reprennent le principe
connu en LAB des questionnaires « Know Your Custommer »81.
Il s'agit de questionnaires envoyés aux partenaires dans lesquels il
leur est demandé de répondre à plusieurs questions. Les
réponses à ces questions servent alors à l'émetteur
des questionnaires (et plus précisément à son service de
Compliance) pour déterminer le niveau de risque que présente ce
partenaire. Les renseignements ainsi demandés vont donc être
relatifs aux risques de Corruption.
Tout naturellement, bon nombre de ces questions vont d'abord
porter sur d'éventuelles poursuites à l'encontre de la personne
sur le fondement des lois anti-Corruption.
Mais puisqu'il s'agit aussi pour le service de Compliance de
déterminer le niveau de risque que présente ce partenaire, il va
aussi être question d'analyser tous les éléments qui
pourraient relier ce partenaire à d'autres auteurs de Corruption. En
effet, la notion de Corruption est très extensive. Si des faits de
Corruption sont avérés dans le schéma contractuel en
question, la responsabilité de l'entreprise pourra être
engagée ; à moins que celle-ci ne prouve qu'elle avait mis en
place toutes les procédures nécessaires pour s'assurer qu'aucun
fait de Corruption ne serait commis. Cela commence par une obligation,
81 Notamment imposés au travers des « programmes
d'identification des clients » par le « Bank Secrecy Act » de
1970 et le « USA PATRIOT Act » de 2002, aux Etats-Unis.
57
pour l'entreprise, de rechercher les facteurs de risques de
Corruption, pour prendre les mesures adéquates le cas
échéant.
Les renseignements demandés vont donc aussi porter sur
d'éventuels co-contractants, sur les personnes exerçant une
influence sur le partenaire ou encore sur les mesures prises par ce partenaire,
au sein de sa propre structure, pour lutter contre la Corruption.
Une fois tous les renseignements demandés obtenus, et
le que le niveau de risque que présente le partenaire
déterminé au vu des réponses apportées à ce
questionnaire, la décision sera alors prise de nouer ou non des
relations d'affaires avec ce partenaire. Si la décision est de
contracter, le niveau de risque ainsi déterminé servira à
fixer d'autres garde-fous pour l'entreprise.
Mais les informations ainsi collectées seront aussi
confrontées au deuxième outil de la Compliance dans la
procédure de due diligence : la « vérification de
réputation».
Cette vérification consiste en une simple (mais
minutieuse) recherche d'informations relatives au partenaire, sur internet. Cet
outil servira à la fois à déterminer le niveau de risque
que présente le partenaire, par rapport aux renseignements ainsi
collectés, mais également à vérifier la bonne foi
dans les réponses qu'a fourni le partenaire dans le questionnaire de due
diligence. Il est évident que si des discordances sont
détectées, cela n'ira pas dans le sens d'une diminution du niveau
de risque et que des explications seront nécessaires de la part du
partenaire.
Enfin, si la procédure de due diligence est
primordiale, la prévention contre la Corruption se fait aussi via
d'autres mécanismes.
§2. Les autres dispositifs de prévention de la
corruption en entreprise
Les autres dispositifs de prévention des risques de
Corruption sont des dispositifs plus familiers des services juridiques «
classiques » de toute entreprise.
Ainsi, la mise en place d'une Compliance efficace passe
forcément par un travail de veille juridique. Cette veille consistera
surtout, dans le domaine récent de la lutte contre la Corruption
à analyser les jurisprudences. Celles-ci sont en effet riches
d'enseignements sur l'évolution à long terme de la lutte contre
la Corruption.
Cette veille juridique a également cela d'original, du
fait de la jeunesse de la matière, de porter sur les mesures prises par
les autres entreprises du même secteur pour lutter contre la Corruption.
Un travail facilité par le fait que les grandes lignes des politiques de
Compliance des entreprises sont souvent un moyen de soigner leur image et sont
donc publiques et facilement trouvables sur internet.
58
Cette veille juridique servira bien entendu à mettre
à jour les procédures internes à l'entreprise pour lutter
contre la Corruption. Lesdites procédures étant d'ailleurs
élaborées en coopération avec d'autres services de
l'entreprise, ce qui constitue une des étapes importantes du
développement d'une culture juridique (qui sera l'objet d'une section de
ce mémoire).
Enfin, la Compliance comporte également un volet
contractuel. La Compliance passe par l'élaboration de clauses de
Compliance insérées dans les contrats. Elle se fait aussi par le
biais de la signature de déclarations de conformité des
partenaires avec les lois anti-Corruption.
Les clauses de Compliance peuvent être par ailleurs
très importantes. Ainsi, certains contrats types proposés sur
internet proposent la rupture pure et simple du contrat en cas de faits de
Corruption de la part du partenaire, sans aucun dédommagement. D'autres
clauses de Compliance prévoient quant à elle un droit d'audit sur
tous les documents jugés nécessaires par l'entreprise.
Sous-Section II. Les moyens d'action et de
contrôle au bénéfice de la Compliance
§1. Les diverses procédures de
détection de la Corruption
Si la phase de prévention constitue un volet
très important d'un service de Compliance, les personnes qui le
composent doivent également avoir un rôle permanent de
contrôle.
Ce contrôle va s'illustrer à travers deux types
de procédures : celles impliquant une action du personnel de
l'entreprise (autre que celui de la Compliance) ; et celles d'audit.
L'implication des membres de l'entreprise dans la Compliance
est essentielle. Mais au-delà du volet de la « culture de
Compliance » d'entreprise qui sera développée plus loin dans
ce mémoire, il est nécessaire de répartir la charge
induite par les obligations de Compliance sur l'ensemble des acteurs de
l'entreprise. Il s'agit là tant d'une question de moyens humains que de
possibilité matérielle.
En effet, il apparaît impossible pour une entreprise de
créer un service de Compliance disproportionné capable de suivre
tous les faits susceptibles de non Compliance. L'exemple de la procédure
mise en place dans le cadre du domaine des cadeaux et de l'hospitalité
(« C&H ») permet de mieux cerner les contours de
cette affirmation.
La procédure C&H est une procédure servant,
non pas à interdire aux employés de recevoir des cadeaux dans le
cadre de leurs relations d'affaires, mais à contrôler suffisamment
ce type de démarches, afin d'en écarter tout soupçon de
Corruption.
59
La procédure préconisée par les
institutions et une procédure déclarative, par paliers de
montants. Ainsi, pour chaque palier franchi, la procédure de
contrôle devient plus importante.
Un exemple simple permet de comprendre de quoi il s'agit.
Les autorités de lutte contre la Corruption
considèrent que l'obligation déclarative n'est pas
nécessaire en dessous d'un certain seuil. Prenons comme seuil 50$. En
dessous de ce seuil, aucune déclaration n'est à faire de la part
de celui qui reçoit ou offre le C&H. Par contre, les Etats-Unis
considèrent qu'au-dessus de 250$, les paiements sont suspects, car la
somme est importante.
Deux paliers sont donc définis : 50$ et 250$.
En dessous de 50$, aucune déclaration n'est requise.
Par contre, entre 50$ et 250$, il faut faire une déclaration. Mais comme
ces sommes ne sont pas non plus excessivement hautes (ce montant peut
être rapidement atteint par le paiement d'un repas au restaurant à
un client, par exemple), une procédure lourde n'est pas
nécessaire, car elle serait trop contraignante et emporterait donc des
effets négatifs qui seront décrits plus tard dans ce devoir. On
peut alors penser à un formulaire très simple à remplir de
la part des salariés, qu'ils devront remettre à leur
supérieur hiérarchique direct.
Enfin, pour les C&H dépassant 250$, comme le
risque de Corruption est conséquent, on peut prévoir la
nécessité d'une autorisation pour le salarié, lui
permettant d'accepter ce G&H. La délivrance de l'autorisation devra
appartenir à un responsable particulièrement haut dans la
hiérarchie (le chef d'un département d'activité par
exemple). Par ailleurs, le formulaire prévu pour les C&H d'une
valeur comprise entre 50$ et 250$ continue de devoir être rempli.
Enfin, tous les formulaires devront être remis à
un membre de la Compliance, puisque le rôle de la Compliance
anti-Corruption est justement la gestion de ce domaine.
Ce schéma permet de comprendre très simplement
pourquoi les salariés doivent être impliqués dans la
démarche : le seul moyen de contrôler directement les C&H
serait d'avoir en permanence un membre de l'équipe de Compliance aux
côtés du salarié contrôlant ses moindres faits et
gestes.
C'est non seulement financièrement impossible, mais
également socialement intenable pour le salarié.
L'autre type de procédures de contrôle «
continu » est la procédure d'audit. L'audit consiste simplement
à demander des pièces (expressément prévues par les
procédures de l'entreprise) concernant un secteur donné. Ce peut
être une personne en particulier qui est concernée, mais ce sera
vraisemblablement un département d'activité, un secteur
géographique, ou encore un projet donné qui sera ainsi
vérifié.
Le contrôle peut être soit interne, et donc
réalisé par la Compliance ; ou bien externe, dans un souci
d'indépendance. Ce deuxième cas sera souvent utilisé en
cas de soupçons graves de Corruption, pour que l'entreprise prouve sa
bonne foi au régulateur. Dans ce cas, il sera effectué par des
cabinets d'avocats spécialisés (et le coût
économique sera donc plus important pour l'entreprise).
60
Il existe également un mécanisme reposant
totalement sur les membres de l'entreprise : la dénonciation.
§2. La « dénonciation »
La dénonciation82 est un mécanisme
qui s'adresse à une personne qui considère être
témoin (voire acteur) d'un acte contraire aux règles de
l'entreprise. Dans le cade du sujet de ce mémoire, il s'agit donc de
situations de Corruption, ou que le dénonciateur considère comme
telles.
Il faut noter que la dénonciation est très peu
utilisée en France. Ceci s'explique notamment par des raisons
historiques liées à la déportation pendant la seconde
guerre mondiale83. Les pays de culture anglo-saxonne ont moins de
mal à en faire usage.
Ces mécanismes de dénonciation sont
imposés par le FCPA et l'UKBA. Plus encore, ces deux normes ont
instauré leur propre mécanisme de dénonciation
rémunérée. Et parmi les mesures de Compliance permettant
de faire échec à ce type de dénonciation, la mise en place
au sein de l'entreprise d'un dispositif de dénonciation efficace est
expressément prévue par les textes.
La dénonciation peut se faire de différentes
manières. Cela peut se traduire par une assistance
téléphonique84 et un numéro d'urgence
associé, par exemple. Cette « hotline » pouvant d'ailleurs
être interne à l'entreprise ou bien sous-traitée, puisque
des services se spécialisent dans ce domaine. L'alerte peut aussi se
faire sous forme de formulaires disponibles sur le réseau intranet de
l'entreprise, ou bien une boîte mail prévue à cet effet.
Toutefois, ce système n'est pas sans poser des
interrogations. D'un côté, la préservation de l'anonymat du
dénonciateur est un enjeu important pour éviter
d'éventuelles représailles. De l'autre côté, les
dénonciations calomnieuses peuvent se transformer en un problème
encore plus grand.85
La solution la plus rationnelle semble être l'absence
d'anonymat, mais doublée d'un accès extrêmement restreint
aux signalements de Corruption. Un rôle que l'on peut confier à la
Compliance. Reste l'hypothèse où l'auteur de la Corruption est un
membre chargé de la Compliance. Gageons que cela reste une
hypothèse d'école !
« whistle-blowing » en anglais.
82
84
83 Rapport OCDE sur l'application par la France de sa
convention contre la Corruption. Cf. supra.
« hotline » en anglais
85 Cf. la fausse affaire d'espionnage chez RENAULT, qui
était en fait le fruit d'une dénonciation calomnieuse.
61
Sous-Section III. La réaction de la Compliance
à la découverte d'un acte de Corruption
§1. La réaction interne à
l'entreprise
Ce troisième pan « chronologique » de la
Compliance est sans nul doute le plus redouté
mais aussi celui où se concrétise tout le travail
de la Compliance effectué en amont.
Ainsi, si les procédures mises en place étaient
efficaces, le dommage subit par la société en sera réduit
d'autant.
A l'inverse, si la procédure n'était pas
convenable, ou pas efficacement appliquée, la sanction pour l'entreprise
peut être très lourde ; même dans le cas où il
s'agirait d'un comportement isolé d'un de ses salariés.
Par ailleurs, l'issue du conflit aura également une
importance sur le long terme.
D'abord, il est nécessaire, dès la
découverte de faits de Corruption, de prendre les mesures
adéquates pour les faire cesser. Cette mention pourrait paraître
superflue si l'actualité juridique en matière de Corruption en
entreprise ne venait à rappeler que certaines entreprises
préfèrent tenter une tactique de dissimulation.
Ainsi, l'affaire WAL-MART (qui n'est pas encore jugée)
semble-t-elle être la meilleure illustration de ce qu'il ne faut pas
faire en cas de découverte de faits de Corruption. Selon les
allégations du New-York Times, basées sur le témoignage
d'anciens employés de Wal-Mart, cette entreprise aurait
préféré cacher des faits de Corruption pourtant
évidents, que de les révéler aux régulateurs.
Une réaction d'autant plus surprenante que des
procédures de Compliance étaient prévues pour lutter
contre la Corruption dans l'entreprise et que cela aurait constitué un
bon moyen de défense pour WAL-MART.
Il faut rajouter que l'affaire WAL-MART n'était pas
sans précédent. Ainsi, l'affaire TYSON86 avait
déjà démontré qu'il était non seulement
impossible de cacher des faits de Corruption sur le long terme, mais que tenter
de les dissimuler était un élément au moins aussi grave
que les faits de Corruption en eux-mêmes.
Lorsque les faits ont cessés, la procédure mise
en place va permettre à l'entreprise d'analyser comment et pourquoi les
faits de Corruption ont eu lieu. Cela permettra notamment à l'entreprise
de se dédouaner d'une partie de sa responsabilité, si elle arrive
à démontrer que le salarié a agi en violation des
procédures mises en place. Cela lui permettra également de
modifier sa procédure, si elle n'avait pas été
efficace.
86 Affaire UE contre TYSON FOODS, INC. 10 février
2010.
62
Enfin, la dernière phase interne à l'entreprise
est celle de la sanction des individus responsables des actes de Corruption.
Cette sanction qui ne peut être que disciplinaire (puisque `elle est
décidée par l'entreprise) est d'une importance capitale.
La première raison est qu'une absence de sanction
serait un très mauvais signal donné à l'ensemble des
membres de la société ; et ce, de deux façons. D'abord,
cela montrerait que l'entreprise n'est pas engagée dans la lutte contre
la Corruption, et donc une certaine solidarité de sa part avec les
auteurs de tels comportements. Ensuite, cela enlèverait (peut-être
à tort) la crainte des employés d'être punis
individuellement, ceux-ci étant en quelque sorte « couverts »
par la responsabilité de l'entreprise.
La deuxième raison pour laquelle cette sanction est
importante, c'est qu'elle donne un signal fort au personnel de l'entreprise :
s'ils ne jouent pas le jeu de la Compliance, alors ils seront
sanctionnés par l'entreprise, quand bien même ceux-ci ne
pourraient pas l'être par les autorités régulatrices. Cela
permet de placer la Compliance et la défense des valeurs qu'elle
véhicule au coeur de la vie de l'entreprise.
Enfin, la sanction des auteurs de Corruption par leur
entreprise est un des facteurs pris en compte par les autorités
régulatrices de façon positive. Cela a pour effet
d'atténuer la sanction prononcée contre l'entreprise en
question.
Si l'entreprise doit réagir en interne, elle doit
également savoir assumer les conséquences de la Corruption et
préparer sa communication avec l'extérieur.
§2. La réaction de l'entreprise avec ses
interlocuteurs
Il y a deux réactions que l'entreprise doit adopter de
façon automatique en cas de découverte de faits de Corruption.
La première est de communiquer la découverte de
ces faits ou des suppositions de Corruption aux régulateurs
compétents. Plus cette révélation est rapide, plus cela
aura une influence positive dans l'appréciation de l'affaire par les
autorités.
Une communication suffisamment prompte est même un
facteur prédéterminé de diminution de la sanction pour des
faits de Corruption, dans le FCPA. Et cette réduction est de taille !
La communication des faits par un communiqué aux
institutions en charge de la lutte contre la Corruption permet également
d'éviter que des personnes intéressées par les
récompenses des dénonciations rémunérées
prévues par le FCPA ou l'UKBA n'en profitent. En effet, la communication
aux autorités des faits connus par l'entreprise aura souvent pour
conséquence de rendre la divulgation superflue, et donc non
rétribuée.
La seconde réaction que doit adopter l'entreprise est
une communication publique, par voie de presse. Le site internet de
l'entreprise est un support de choix, puisque l'information
63
sera disponible aux personnes les plus directement
intéressées par l'entreprise. En plus, l'information sera
relayée par la presse spécialisée, et notamment la presse
des marchés financiers.
Car ce sont bien les investisseurs qui sont les cibles
premières d'une telle communication. Le fait de cacher des informations
si importantes sur l'entreprise qu'une éventuelle future condamnation
pour Corruption constitue un excellent motif de poursuites civiles de la part
des actionnaires.
Enfin, cela permet de contrôler l'information
relevée. L'entreprise pourra ainsi avancer d'éventuels faits
justificatifs, et surtout exprimer sa bonne foi. La révélation de
soupçons de Corruption a toujours une meilleure image lorsqu'elle est
émise par l'entreprise elle-même, plutôt qu'un tiers.
Section II. Les risques de non Compliance
Les risques sont, pour la Compliance, un
élément essentiel. Il s'agit là l'une de ses principales
préoccupations, si ce n'est la principale.
Pour une entreprise, un « risque » est une
situation qui est potentiellement dommageable économiquement. Par
ailleurs, le préjudice financier peut être soit direct, soit
indirect. Les risques doivent donc être anticipés quant à
leur existence, mais aussi quant à leurs effets87.
La Compliance d'entreprise, dans le cade de la lutte contre
la Corruption sert non seulement à protéger l'entreprise contre
les risques (Sous-Section I) ; mais son utilité va également
au-delà, puisque lorsque le risque se réalise malgré tout,
la Compliance va encore trouver un rôle économiquement favorable,
dans le calcul de la sanction pénale (Sous-Section II).
Sous-Section I. La Compliance d'entreprise en tant que
protection de l'entreprise
Les risques de perte économiques peuvent être
soit directs, c'est-à-dire que la concrétisation de
l'évènement défavorable induite dans la notion de risque
entraîne une perte financière immédiate pour l'entreprise ;
soit indirects, c'est-à-dire que la perte financière de
l'entreprise ne résulte pas immédiatement de la
réalisation du dommage, mais en découle in fine.
87 J.P. DOM, « Le gouvernement d'entreprise, technique
d'anticipation des risques », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires
n°24, 14 juin 2012, p. 1387.
64
§1. Les risques directs : les poursuites
légales
Le premier risque que la Compliance doit chercher à
éviter est la condamnation pour des faits de Corruption. Ainsi,
l'essence même du mot Compliance découle de cette conception de
respect des normes par l'entreprise.
Le risque de condamnation est celui qu'il est le plus
impératif d'éviter. Sa réalisation conditionne la
réalisation des autres risques que la Compliance vise aussi à
éviter. En matière de Corruption, il est également
financièrement très important.
Les sanctions peuvent être de différentes
natures. Aux Etats-Unis, celles-ci sont à la fois civiles (en cas de
condamnation par la SEC) et pénales (lorsque le DOJ se saisit de
l'affaire) ; et elles se cumulent. Les sanctions pourraient également
être administratives. En réalité, cela a peu d'importance.
Ce qui est intéressant, ce sont les sanctions en elles-mêmes, le
détail de leurs caractéristiques, plus que leur nature
juridique.
La sanction la plus évidente est l'amende. Qu'elle
soit pénale ou civile, prononcée sous la forme de
dommages-intérêts, de frais de procédure ou de toute
nature, l'amende est la perte économique la plus directe et la plus
concrète qui soit pour l'entreprise.
C'est également la sanction pénale, clairement
chiffrée et publiée, qui est la sanction la plus marquante.
Cette sanction ne comprend d'ailleurs pas que des amendes
pour l'entreprise. Ainsi, tout un arsenal de mesures complémentaires est
envisageable. Le droit français prévoit notamment pour la
Corruption :
· l'interdiction d'exercer directement ou indirectement
une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales dans l'exercice
ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise,
pour une durée de cinq ans ;
· un placement sous surveillance judiciaire pour une
durée de cinq ans au plus ;
· une peine de fermeture, pour une durée de cinq
ans au plus, des établissements ou de un ou plusieurs des
établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits
incriminés88 ;
· l'interdiction de faire appel public à
l'épargne89 ;
· la confiscation de la chose qui en est le produit de
la Corruption, à l'exception des choses susceptibles de
restitution90.
Cette dernière a d'ailleurs le vent en poupe au niveau
international.91
88 Article 445-4, 2° du Code pénal.
89 Article 445-3, 2° du Code pénal.
90 Article 445-3 du Code pénal.
Si ces mesures sont rarement prononcées au niveau
français, les régulateurs américains, eux, font pleine
application des mesures complémentaires mises à leur
disposition.
91 Cf. Loi n°2010-768 du 9 juillet 2010 visant
à permettre l'exécution transfrontalière des confiscations
en matière pénale. Mais également le document de travail
des services de la Commission européenne accompagnant la proposition de
directive du Parlement européen et du Conseil européen concernant
le gel et la confiscation des produits du crime dans l'Union européenne,
12 mars 2012.
65
Une des mesures les plus marquantes est certainement
l'obligation de monitorat92. Cette obligation imposée
à la suite d'une condamnation par le DOJ, la SEC, l'UKBA ou la Banque
Mondiale consiste en la nomination (imposée à l'entreprise) d'un
observateur de la Compliance de l'entreprise. Ce moniteur est
généralement un juriste spécialement compétent en
la matière, dont le rôle sera d'observer le comportement de
l'entreprise, et d'en faire des rapports réguliers aux autorités.
Son rôle consiste également à coopérer avec
l'entreprise, pour permettre à celle-ci de faire évoluer sa
politique de Compliance. Pour mener à bien sa mission, celui-ci est
nommé une durée de plusieurs années. Cette durée
est fixée par le jugement ou l'Accord clôturant les poursuites.
Entre 2004 et 2010, près de 40% des affaires de
Corruption jugées sur le fondement du FCPA par le DOJ se sont conclues
par un monitorat93. Il est d'ailleurs intéressant de noter
que les autorités américaines font évoluer cette
obligation, ce qui laisse à supposer que celle-ci tend à devenir
systématique. Ainsi, le DOJ a-t-il permis à plusieurs entreprises
de choisir elles-mêmes leur moniteur94. Le monitorat a
également pu se décliner sous d'autres formes, tels que des
examens périodiques95, ou encore la nomination d'un «
consultant Compliance », dont les rapports ne sont pas faits au DOJ, mais
au conseil d'administration de l'entreprise96.
Ce dispositif de monitorat a également vocation
à se développer partout où la lutte contre la Corruption
est efficace. La Banque Mondiale a ainsi récemment imposé un
monitorat à ALSTOM97.
Mais outre les préjudices directs causés par la
perte financière immédiate d'une amende ou les peines
complémentaires comme le monitorat, un défaut de la Compliance
d'une entreprise lui cause également d'autres dommages, indirects. Ces
dommages - que la Compliance s'efforce de contenir au stade de risques - bien
que difficilement chiffrables, n'en sont pas moins coûteux
économiquement pour l'entreprise.
§2. Les risques économiques indirects
Les risques économiques indirects sont des risques dont
la réalisation dépendra de la celle des risques patrimoniaux
directs. Ceux-ci sont de plusieurs ordres : commerciaux, réputationnels
ou judiciaires.
A. Les risques commerciaux
Les risques dits « commerciaux » sont ceux qui ont
un lien direct avec les relations d'affaires avec les partenaires
commerciaux.
« monitorship en anglais ».
92
93 F.J. WARIN, M.S. DIAMANT, V.S. ROOT, «somebody's
watching me: Fcpa monitorships and how they can work better»,
2011.
94 Voir notamment les affaires E.U. contre ALCATEL-LUCENT,
27 décembre 2010 ; et E.U. contre TECHNIP, 28 juin 2010, dans lesquels
un moniteur français a pu être choisi par ces entreprises.
95 Voir l'affaire JOHNSON & JOHNSON contre E.U., 8 avril
2011.
96 Voir les affaires MARUBENI contre E.U, 17 janvier 2012 ;
et JGC contre E.U., 6 avril 2011.
97 Voir le placement sur liste noir d'ALSTOM NETWORK
SCHWEIZ AG par la Banque Mondiale, février 2012.
66
Le premier de ces risques est celui de résiliation des
contrats. En effet, comme il a été vu précédemment,
certaines clauses contractuelles mises en place dans le cadre de la Compliance
prévoient que la découverte de faits de Corruption puisse
entraîner la rupture du contrat, aux torts exclusifs de la partie
concernée par les poursuites.
Vient également le risque de se voir refusé un
contrat sur le fondement d'un comportement antérieur, lié
à la Corruption. Certaines entreprises, ne souhaitant pas voir leur nom
associé à des scandales de Corruption passés, peuvent
refuser catégoriquement de contracter avec les sociétés
qui auraient été condamnées pour Corruption.
Il arrive aussi que la condamnation pour Corruption
entraîne une restructuration de l'entreprise. Celle-ci peut concerner
plusieurs secteurs.
D'abord, le DOJ ou la SEC peuvent obliger l'entreprise
à créer un service de Compliance, ou à le restructurer si
celui existait déjà mais n'était pas
suffisant98. Cela constitue un coût certain, à la fois
en termes de temps, d'embauches et de moyens financiers, dans la mesure
où il s'agit de reprendre à zéro tout le processus menant
à la mise en place d'un service de Compliance efficient.
Mais la restructuration de l'entreprise peut également
consister en des licenciements des auteurs des actes de Corruption, qui devront
être compensés par de nouveaux recrutements. Dans des secteurs
où le personnel doit être très spécialisé et
donc rare (et cher), cela constitue un coût non négligeable. Ces
nouvelles embauches ont, par ailleurs, leurs inconvénients propres, en
termes de formation et donc de temps.
Enfin, une branche de l'activité qui aurait
été particulièrement touchée par une affaire de
Corruption pourrait bien avoir à disparaître. Cette situation
extrême n'est pas à exclure, dans l'affaire WAL-MART notamment. Il
est en effet envisageable que, devant l'ampleur des faits de Corruption, tous
les permis d'établissement des supermarchés soient remis en
cause, entraînant une disparition de la présence de WAL-MART au
Mexique.
B. Les risques d'atteinte à la réputation de
l'entreprise
Les risques pouvant indirectement entraîner une perte
économique pour l'entreprise concernent également la
réputation de l'entreprise. Si celle-ci n'est pas aussi clairement
chiffrable que la perte patrimoniale que constitue une amende, elle n'en est
pas moins redoutable.
La réputation de l'entreprise est un enjeu
énorme pour toutes les entreprises, et la Corruption peut gravement
l'affecter, du fait du caractère pernicieux de cette infraction.
Les effets d'une perte d'image de l'entreprise se manifestent
sous plusieurs formes.
Le premier ne concerne pas toutes les sociétés.
Il s'agit de l'image renvoyée à l'opinion publique. Les effets de
cette nature seront d'autant plus importants que la vente du produit de
l'entreprise est proche des particuliers. Par exemple, une entreprise
d'extraction pétrolière
98 Voir E.U. contre JGC, 6 avril 2011, §8.
67
ne sera que faiblement concernée, alors que ce peut
être désastreux pour une entreprise de grande distribution.
La deuxième conséquence d'une atteinte à
la réputation de l'entreprise est sûrement la plus importante
financièrement. Elle l'est d'autant plus dans la période de crise
économique actuelle. Ce risque est celui de la perte de confiance des
investisseurs.
Les affaires de Corruption, lorsqu'elles deviennent publiques,
entraînent immédiatement une chute du cours de l'action des
entreprises cotées sur les marchés financiers99.
Au-delà des actions boursières, dans un climat où la
confiance des investisseurs est une préoccupation économique
mondiale, une affaire de Corruption constitue un risque d'une telle importance
qu'aucune société ne peut se le permettre.
Par ailleurs, le risque relatif à l'image de la
société concerne aussi les prêts de toutes natures, dont
ceux des organisations pour le développement (l'exemple de SNC LAVALIN
et de la Banque Mondiale le confirme amplement).
Enfin, parmi les effets qu'entraîne la mauvaise image
d'une société, une difficulté accrue pour recruter des
personnes qualifiée peut être énoncée. Ces personnes
peuvent refuser un recrutement, pour préserver leur propre image,
notamment en ce qui concerne les dirigeants pour qui la réputation est
essentielle. Mais il est également imaginable que des personnes refusent
d'être recrutées pour des questions morales.
C. Les risques de « poursuites » en
chaîne
Si tous les risques indirects sont la conséquence de
poursuites judiciaires, ceux dont il est question ici sont des risques
judiciaires se déclenchant à partir des poursuites initiales. De
fait, chacune de ces poursuites peut découler d'une quelconque des
autres poursuites précédemment engagées.
La première poursuite qui peut être citée
est celle engagée par les actionnaires, sur le fondement du droit civil,
pour mauvaise gestion de l'entreprise. Ce type de poursuites est
fréquent aux Etats-Unis100, il est donc naturel qu'il en soit
engagées en matière de Corruption.
Les deuxièmes poursuites qui peuvent être
intentées contre une entreprise reconnue responsable de faits de
Corruption sont les poursuites civiles. Les partenaires peuvent ainsi demander
des indemnisations à un partenaire, lorsque la condamnation de ce
dernier pour Corruption lui a causé un préjudice. Cela arrive
notamment dans le cadre de contrats communs à deux entreprises,
lorsqu'en raison des faits de Corruption, l'une des deux entreprises se trouve
dans l'incapacité de continuer à remplir ses obligations.
99 L'action de WAL-MART et celle de sa filière
mexicaine ont ainsi perdu respectivement 5% et 12% de leur valeur, le jour de
la révélation de l'affaire par le New York Times.
100 Voir PRIDE INTERNATIONAL INC. contre E.U., 4 novembre
2010 ; et la plainte associée :
http://www.courthousenews.com/2009/10/19/Pride.pdf.
68
Les concurrents peuvent, eux aussi, intenter des actions sur
le fondement du droit civil de la concurrence, en considérant que
l'utilisation des pots-de-vin constitue un acte de compétition
déloyale101.
Les dernières poursuites auxquelles sont
exposées les entreprises qui auraient déjà
été condamnées pour Corruption son des poursuites
équivalentes dans d'autres Etats du monde. La règle « non
bis in idem » n'est en effet pas appliquée à
l'échelle mondiale dans la lutte contre la Corruption.
Ce risque, découlant directement d'un risque identique
- puisqu'il s'agit des poursuites pour les mêmes faits, mais par une
autre juridiction - apparaît aujourd'hui comme le plus important pour la
Compliance. De par l'évolution de la lutte contre la Corruption, ce
risque est appelé à s'amplifier, au point qu'il est possible de
se demander s'il existe une quelconque limite au montant que peut payer une
entreprise qui serait poursuivie pour Corruption.
En effet, outre tous les risques dérivés d'une
poursuite initiale pour Corruption qui viennent d'être exposés, le
risque de condamnations (ou de résolution amiable) « en
chaîne » ne trouve aujourd'hui aucune limite raisonnable.
La logique juridique voudrait que la règle de «
non bis in idem » entraîne l'arrêt de toute possibilité
de poursuites ultérieures dès qu'une décision a acquis
l'autorité de la force jugée. Mais en l'absence du respect de ce
principe, aucune limite ne semble apparaître avant que toutes les
juridictions qui se déclarent compétentes n'aient mené
leurs poursuites à terme.
La plus importante affaire de Corruption qu'est l'affaire
SIEMENS102 en est une illustration marquante. En décembre
2008, SIEMENS est condamné simultanément par les autorités
américaines et allemandes à respectivement environ 800 millions
de dollars et 760 millions de dollars, pour violation des lois anti-Corruption
de chacun des pays. Mais ces condamnations ne concernent pas des faits de
Corruption sur un contrat déterminé, ou un seul pays. En
réalité, ce sont 4,283 payements illégaux, dans 332
projets qui sont concernés103 !
Mais les poursuites ne se sont pas arrêtées
à ces 1600 millions de dollars. Le 22 novembre 2010, SIEMENS a dû
payer 45 millions de dollars au gouvernement Nigérian. Les faits
pouvaient pourtant être considérés comme déjà
jugés, puisque SIEMENS avait été condamné pour des
actes de Corruption « autour du monde »104. SIEMENS et ses
filiales ont ainsi été poursuivis sur presque tous les
continents.
Si toutes les autorités de tous les pays
concernés par les faits de Corruption pour lesquels Siemens a
déjà été condamné (soit, au minimum :
Argentine, Bangladesh, Chine, Irak, Israël, Mexique, Nigeria, Russie,
Venezuela et Vietnam) décident consécutivement de poursuivre
Siemens pour les mêmes faits, l'amende de Siemens finira par se compter
en dizaine de milliards de dollars.
101 Voir E.U. contre INNOSPEC INC, 17 mars 2010. Affaire
dans laquelle la société NEWMARKET CORP a porté plainte
contre INNOSPEC INC pour concurrence déloyale et obtenu 45 millions de
dollars de compensation. Ces 45 millions de dollars se sont ajoutés aux
37 millions de dollars réclamés par la SEC, le DOJ et le
SFO.
102 SIEMENS contre E.U., 12 décembre 2008.
103 Selon la plainte de la SEC.
http://www.sec.gov/litigation/complaints/2008/comp20829.pdf.
104 Voir note 102 supra.
69
Il y a donc là non seulement une anomalie juridique
(qui semble impossible à corriger, du fait du statut très
régalien du droit pénal), mais surtout un risque
vraisemblablement illimité pour les entreprises. L'intérêt
d'avoir une Compliance anti-Corruption efficace au sein d'une entreprise s'en
retrouve donc démultiplié.
Par ailleurs, si la Compliance sert à éviter les
risques de Corruption, elle sert également à diminuer leur impact
lorsque ceux-ci surviennent.
Sous-Section II. La Compliance d'entreprise dans le
calcul des sanctions et l'importance de la coopération
§1. Le calcul des sanctions par le DOJ
Le calcul des sanctions par le DOJ est basé sur des
critères clairement définis. Ces critères ont
été mis en place pour remédier à un aléa
juridique trop grand. En 1999, le Ministre adjoint de la Justice
américaine, Eric HOLDER, met en place un Guide105 (HOLDER
Memo) dans le but de réduire les différences de sanctions entre
deux jugements.
Le HOLDER Memo recommande aux procureurs et aux juges de se baser
sur huit critères pour déterminer le niveau de la sanction : la
nature et la gravité de l'infraction (1), la
généralisation de ce type d'infractions dans l'entreprise (2), le
passif juridique de cette entreprise concernant ce type d'infractions (3), la
révélation rapide et volontaire des faits ainsi que la
coopération de l'entreprise avec les enquêteurs (4), l'existence
et l'effectivité d'un programme de Compliance (5), les efforts de la
société pour remédier à la situation
infractionnelle (6), les conséquences collatérales (telles que
des dommages
disproportionnés aux actionnaires ou aux employés
non concernés par l'infraction) (7) et la possibilité d'utiliser
des dispositifs non pénaux (8).
Ainsi, quatre de ces huit facteurs concernent directement la
Compliance. Les critères 1, 5 et 6 concernent l'action de la Compliance
au sens large ; le critère 4 quant à lui concerne
spécialement la coopération de l'entreprise avec le
régulateur.
Ces facteurs, dont la moitié concerne donc directement la
Compliance, sont essentiels pour la conclusion des Accords
évoqués précédemment dans ce mémoire (DPA ou
de NPA).
Un exemple DPA permet d'ailleurs d'avoir une certaine idée
de la façon dont est déterminé le montant d'une
sanction106.
Ce calcul en quatre étapes permet à une entreprise
dont la Compliance est forte, de réduire la sanction prononcée de
30%, en comparaison d'une entreprise qui n'aurait pas de service de Compliance
efficace107. Cette prise en compte de la Compliance se fait à
la fois
105 Mémorandum « régissant les accusations
criminelles contre les sociétés », E.HOLDER, Ministre
Adjoint de la Justice des Etats-Unis, 16 juin 1999.
106 Cf. Annexe 4, DPA, ABB Ltd contre E.U., Sections 6 et 7,
29 septembre 2010.
107 J.W. YOCKEY, « FCPA Settlement, internal strife, and
the «Culture of Compliance« », mars 2012.
70
au niveau de la Compliance dans son ensemble, et au niveau de la
coopération de l'entreprise, elle-même rendue possible par une
Compliance effective.
§2. La diminution des sanctions grâce
à une Compliance efficace
La Compliance anti-Corruption, en plus de diminuer la
probabilité de risques pénaux liés à cette
infraction au sein de l'entreprise, permet de diminuer l'impact de ces
risques.
Cette disposition est explicitement prévue depuis la
révision de la politique de condamnation des autorités
américaine, en 2010. Cette modification a redéfini ce
qu'était une « Compliance efficace108 ».
Selon l'article 8.5(f)(3)(A)-(C) du Guide d'Organisation des
Condamnations de la Commission Fédérale des Peines («
GOC »)109, une Compliance est efficace lorsque
la personne chargée de la Compliance rapporte directement aux organes
directeurs de l'entreprise (tel que le conseil d'administration). La Compliance
remplit également les exigences du GOC lorsque celle-ci est à
même de détecter les comportements infractionnels. Ces
comportements doivent par ailleurs être volontairement rapportés
aux autorités régulatrices pour que la Compliance soit efficace.
Enfin, la Compliance ne peut pas être efficace si les personnes en charge
de la Compliance ont participé à des faits de Corruption ou ont
« fermé les yeux »110 dessus. Ces quatre
critères ont par ailleurs été précisés par
des notes explicatives ou bien au cours des Accords avec les autorités
américaines.
Concernant le rapport des responsables de la Compliance aux
organes administrateurs de l'entreprise, il a par exemple été
indiqué que celui-ci devait être non seulement direct (sans
intermédiaire), mais aussi annuel (au minimum)111.
La note d'application n°11 accompagnant l'article 8 .5
précise en plus que pour que la Compliance soit efficace, il faut que
celle-ci soit la prérogative d'une personne spécifiquement
assignée à cet effet.
Si aucun texte ne le prévoit expressément, une
Compliance efficace permet également une meilleure coopération de
la part de l'entreprise.
§3. La coopération de l'entreprise avec le
régulateur
La coopération de l'entreprise avec les régulateurs
ne concerne pas uniquement la Compliance, puisque tous les membres de
l'entreprise peuvent être amenés à coopérer avec les
agents des régulateurs.
« Effective Compliance » en anglais.
108
109 Federal Sentencing Commission's Organizational Sentencing
Guidelines.
110 Selon les termes mêmes du GOC.
111 Voir affaire E.U. contre TIDEWATER MARINE
INTERNATIONAL, INC, dans laquelle le DPA a imposé la révision des
règles de Compliance qui prévoyaient un report du responsable de
Compliance au comité d'audit. 4 novembre 2010.
71
En revanche, la Compliance y est directement impliquée,
puisque pour pouvoir coopérer
avec les régulateurs, il faut que des mécanismes
suffisants pour fournir les éléments demandés par les
régulateurs aient été mis en place.
Un des pans les plus importants de la coopération de
l'entreprise est l'identification des employés coupables des faits de
Corruption. Cet aspect de la coopération de l'entreprise s'est
particulièrement révélé dans l'affaire
ABB112. Dans le DPA qui a mis fin aux poursuites du DOJ contre ABB,
la coopération de l'entreprise a été qualifiée d'
« extraordinaire ». Une des raisons clés pour lesquelles le
DOJ a été si élogieux sur la coopération d'ABB
vient du fait que l'assistance fournie aux enquêteurs a permis
l'identification des individus responsables des faits de Corruption.
Au-delà de l'identification de ces personnes, ce sont surtout les
preuves apportées par ABB qui ont obligé ses agents à
plaider coupable, et ont ainsi permis au DOJ de concrétiser leurs
poursuites113.
La coopération, au-delà de permettre la conclusion
des Accords avec les autorités, permet de diminuer la sanction ainsi
prononcée. Ainsi, le GOC indique-t-il que l'amende infligée
à une entreprise doit être réduite lorsque l'entreprise a
« reporté les infractions aux autorités gouvernementales
appropriées, pleinement coopéré pendant les
investigations, ou clairement reconnu et accepté la
responsabilité de son comportement criminel »114.
La politique de condamnation du DOJ et de la SEC permet
également de dresser les contours d'une coopération
efficace115. Celle-ci consiste d'abord à divulguer rapidement
et volontairement les faits de Corruption. Cette divulgation doit
évidemment être complète et suffisamment précise. Le
DOJ et la SEC ne considèrent pas uniquement la divulgation des faits
à leurs services, mais également au public, et aux «
régulateurs internes à
l'entreprise ».
La coopération consiste aussi dans l'aide apportée
aux enquêteurs des autorités de régulation. Cette aide se
traduit non seulement par la soumission de l'entreprise aux demandes
procédurales des enquêteurs, mais également par
l'identification des faits dont il est question, la transmission des preuves de
tels faits. Tout cela, dans le but de permettre une condamnation rapide.
Si la Compliance anti-Corruption a pour objet en aval de
préserver l'intégrité économique de l'entreprise,
elle constitue en amont un facteur de sa valorisation116. La Compliance
d'entreprise doit, pour être optimale, dépasser son statut d'
« obligation légale », à l'instar d'autres services
entourant l'activité principale de l'entreprise. Cette
considération entraîne deux conséquences. D'abord, la
Compliance doit s'adapter à son environnement autant que
112 U.E. contre ABB Ltd, 29 septembre 2009.
113 Voir 107, supra.
114 U.S Sentencing Guidelines Manual, Section 8.5(g)(1),
2009.
115 Notamment au travers du U.S. Attorney's Manual de 2008 et
du Report of Investigations Pursuant to Section 21(a) of the Securities
Exchange Act de 1934, et du Report of Investigation Pursuant to Section 21(a)
of the Securities Exchange Act of 1934 and Commission Statement on the
Relationship of Cooperation to Agency Enforcement Decisions, du 23 octobre
2011.
116 M.E.BOURSIER, « Avant-propos » LPA, 20 novembre
2008 n°233, p. 3.
l'entreprise doit s'adapter à elle. Ensuite, une
Compliance doit rechercher des apports autres que la simple gestion des
risques.
72
73
74
CHAPITRE QUATRIEME
LA DIMENSION FONCTIONNELLE DE LA
COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION
La Compliance a un rôle soumis aux contraintes
imposées par la lutte contre la corruption à l'échelle
mondiale. Ces contraintes entraînent des obligations pour l'entreprise,
que celle-ci fait reposer sur le service de Compliance. Au vu de ce constat, la
question de pose de savoir comment la Compliance doit se manifester au sein de
l'entreprise, afin d'être intégrée à elle et non se
mettre dans une position de porte-à-faux vis-à-vis des autres
services.
Cette question trouve sa réponse dans le concept de
culture de Compliance (Section I), mais ne doit jamais cesser de chercher
à évoluer dans le sens de l'entreprise (Section II).
Section I. La notion de « culture de la Compliance
»
Malgré le rôle que semblent parfois vouloir lui
donner les autorités en charge de la lutte contre la Corruption, la
Compliance reste avant tout un des organes de l'entreprise. Si celui-ci
apparaît de plus en plus vital, il ne faut pas pour autant le laisser
dégénérer. En effet, si l'un des rôles de la
Compliance réside dans la gestion des risques, le premier de ceux-ci
reste d'avoir une Compliance handicapante.
La question se pose dès lors de savoir comment la
Compliance doit se mettre en place au sein de l'entreprise, malgré sa
dimension ambivalente.
Avant de voir quels avantages peuvent être tirés
d'une Compliance efficace (Sous-Section II), et comment celle-ci se met en
place (Sous-Section III), il faut donc s'intéresser au risque lié
à une Compliance inadaptée (Sous-Section I).
Sous-Section I. Les inconvénients d'une Compliance
inadaptée
La Compliance sous ses différentes émanations
(création du service, charge de travail supplémentaire pour les
acteurs de l'entreprise, élaboration de procédures...)
entraîne un certain coût financier. Par ailleurs, en tant que
composante de l'entreprise, celle-ci poursuit le même but ultime que tous
les autres services de cette entreprise, à savoir une certaine
viabilité économique. Ces deux considérations sont une
préoccupation majeure de la Compliance.
La Compliance a aussi vocation à interagir avec tous
les services d'une entreprise puisque les risques que celle-ci combat peuvent
apparaître à tous les niveaux et au sein de
75
toutes les activités d'une entité
économique. Bien évidemment, certains services sont plus
sensibles à l'apparition des risques que d'autres. Cette affirmation est
d'autant plus vraie si on se concentre sur la Compliance anti-Corruption. En
effet, bien que cette infraction puisse potentiellement concerner n'importe
quel membre de la société, les caractéristiques de la
lutte contre la Corruption font que l'activité de la Compliance sera
principalement tournée vers les départements les plus
sensibles117.
Outre les risques liés aux poursuites qui ont
déjà fait l'objet d'un développement, le premier risque
d'une Compliance inefficace est un risque général d'atteinte
à la performance économique de l'entreprise118.
Ce risque revêt plusieurs aspects.
Le premier de ceux-ci serait de confondre Compliance et
conformité absolue de l'entreprise avec toutes les lois. Il
apparaît impossible pour n'importe quelle entreprise d'envergure
internationale d'anticiper et d'avoir le contrôle du comportement de tous
ses membres. Si les Lois et le pouvoir étatique représenté
au travers d'elles n'y parviennent pas, il semble tout à fait illusoire
que l'entreprise puisse mieux faire.
La performance de l'entreprise peut également
être altérée par une Compliance trop encombrante. Si
l'établissement d'une Compliance passe par l'élaboration de
procédures strictes, celles-ci ne doivent pas pour autant
scléroser l'activité de de l'entreprise, notamment en imposant
des processus « administratifs » démesurément
chronophages.
Une Compliance trop pesante entraînera deux types de
comportements nuisibles. Si les membres de l'entreprise soumis aux
règles de Compliance suivent régulièrement des
procédures trop longues par rapport à leur activité
propre, cela entrainera immanquablement une perte de productivité de
leur attribution première. L'autre possibilité est la naissance
de comportements d'évitement et de camouflage de la
non-conformité119.
Il est important de noter que le contournement des
règles de la Compliance n'est pas un moindre risque. En effet, cela peut
engendrer deux phénomènes délétères : le
mimétisme et la contagion.
Le phénomène de mimétisme est celui par
lequel un membre de l'entreprises, voyant un collègue mal faire et ne
pas être puni, va reproduire son comportement. Il est par ailleurs plus
fort lorsque le manquement vient d'une personne d'un haut niveau
hiérarchique120.
Le phénomène de mimétisme va créer
une « bulle anti-Compliance » au sein d'un service, d'un
département ou encore d'un secteur géographique ; dont il est
difficile de ne pas faire partie lorsque l'on est membre de la structure en
question.
117 Notamment ceux concernés par des relations
commerciales avec des partenaires extérieurs.
118 C. ROQUILLY & C. COLLARD, « De la
conformité réglementaire à la performance : pour une
approche multidimensionnelle du risque juridique », Septembre
2009.
119 Voir 117, supra.
120 S.A.HOLMES, M.LANGFORD, O.J.WELCH et S.T.WELCH, «
Associations between internal controls and organizational citizenship
behavior», Journal of Managerial Issues, 2002.
76
Lorsque cette bulle « éclate », si une
personne du service vient à en intégrer un autre, par exemple,
cela va entraîner le second phénomène, de contagion.
Celui-ci se traduit par une perte de confiance généralisée
des employés de l'entreprise dans les procédures Compliance.
Puis, si cette culture de non-Compliance continue de
proliférer au sein de l'entreprise, d'autres procédures que
celles du domaine de la Compliance pourront être affectées ; ce
qui entraînera à terme une remise en cause de la gestion
même de l'entreprise par ses dirigeants.
Il existe également un risque supplémentaire
dans la mise en place d'une Compliance trop importante résidant dans
l'ineffectivité même du service de Compliance. En effet,
l'élaboration d'une politique et de procédures de Compliance peut
apparaître impossible à contrôler si les moyens (humains et
financiers) du service de Compliance ne sont pas suffisants. Dans ce cas, il
sera question de Compliance dite de façade, aussi appelée
cosmétique ou « de papier »121. Une telle
Compliance est considérée comme un manque de Compliance par les
autorités de régulation de la Corruption.
Il faut donc adapter la Compliance aux caractéristiques
de l'entreprise. Mieux, la Compliance doit être ajustée aux
particularités de chacune des sous-entités qui composent
l'entreprise. Autrement dit, il faut que des règles de Compliance
propres à chaque sous-structure de l'entreprise soient
établies.
Cependant, il faut garder à l'esprit une volonté
de cohérence. Il s'agira toujours de rechercher l'harmonisation de la
Compliance à l'échelle du groupe « entreprise » ; en
même temps que la proportionnalité des obligations
découlant de la spécificité de chaque sous-ensemble. Or,
le seul moyen raisonnable de remplir cet objectif est d'impliquer tous les
individus de l'entreprise dans une démarche commune basée sur des
valeurs.
C'est ce qui est appelée la « Culture » de la
Compliance.
Sous-Section II. La mise en place de la « Culture
Compliance »
§1. La notion de Culture Compliance
Au-delà de la notion de « culture de
conformité » exprimé par les représentants du
FCPA122, se rapportant à la seule vision d'une Compliance
efficace dans son respect des
121 « Paper procedure » en anglais, traduisant
l'idée de règles de Compliance n'existant que « sur le
papier ».
122 Voir P.AULINO, « Authorities Seen Casting Wide
Net in Effort to Stem Bribery, Corruption », White Collar Crime report,
2011; citant C.E.CAIN, Assistant du Directeur de l'unité FCPA de la SEC
et la « culture of compliance »
77
Lois, la « Culture » Compliance est un concept de
sensibilisation de tous les membres d'une entreprise à la lutte contre
la Corruption123.
La Compliance anti-Corruption doit être l'affaire de
tous les acteurs de l'entreprise et pas uniquement du service juridique ; et ce
pour deux raisons majeures. La première vient des contraintes
matérielles évidentes dans la mise en oeuvre des
mécanismes de Compliance. A moins d'avoir un Agent de la
Compliance124 (« AC ») en permanence
derrière chaque employé - ce qui est financièrement
impossible -, une partie au moins du processus de la Compliance doit être
dévolue à des « non-juristes ». La seconde raison pour
laquelle il ne serait pas pertinent de confiner la Compliance au seul service
juridique est qu'il s'agit d'un sujet qui n'est pas que juridique (bien que
l'étant en majorité).
La Compliance fait ainsi appelle à un certain nombre de
valeurs morales. Ces valeurs, sont notamment celles inculquées par les
institutions à l'origine de la lutte contre la Corruption. Mais elles
sont également les valeurs de l'entreprise, acquises par toutes sortes
de biais (volonté des membres fondateurs, historique et évolution
de l'entreprise, volonté des dirigeants, passif pénal...). Ce
sont toutes ces valeurs qui constituent le socle d'une « Culture »
Compliance.
La « Culture » Compliance reste un concept assez
abstrait en ce qu'il s'agit d'un état d'esprit censé concerner
tous les acteurs de l'entreprise. Elle dépasse en cela les notions de
« procédure » de Compliance, ou encore de « politique
» de Compliance. Néanmoins, celle-ci a besoin de se
concrétiser pour dépasser le simple état de « valeurs
» et avoir une véritable influence sur l'activité de
l'entreprise.
C'est ainsi que la matérialisation de la « Culture
» Compliance va d'abord se réaliser au travers des codes
éthiques.
§2. Les Codes éthique et anti-Corruption
Les codes éthiques sont en développement depuis
les années 1980 et sont en pleine croissance125.
Ceux-ci se manifestent sous différentes appellations
(codes, chartes, principes ; étiques, déontologiques, de bonne
conduite, etc.). Selon l'étude de C. ROQUILLY126, les codes
de conduites peuvent être de trois types : une déclaration de
bonnes intentions, un outil pédagogique ou encore « substantiels
» (énonçant les comportements interdits).
En définitive, la « Culture » Compliance est
la résultante de ces trois types de prévisions. Il s'agit
à la fois :
123 Ce qui est valable pour la lutte contre la Corruption
l'est par ailleurs pour d'autres sujets d'éthique, tels que
l'environnement, la sécurité, ou la Compliance prise de
façon générale.
« Compliance officer » en anglais.
124
125 C. ROQUILLY, « Analyse des codes éthiques des
sociétés du CAC 40. - Un vecteur d'intégration de la norme
juridique par les acteurs de l'entreprise », Cahiers de droit de
l'entreprise n°5, 2011.
126 Voir note 124, supra.
78
- d'énoncer les « bonnes intentions », les
valeurs socles de l'entreprise. Cela permet à
toutes les personnes concernées par le code de savoir
clairement ce que sont les valeurs de l'entreprise et de fixer ainsi le cadre
de la « Culture » Compliance127 ;
- d'en dégager un certain nombre de comportements
prohibés. Cela permet une prise de conscience de l'existence de la
règlementation, du fait que celle-ci soit doté d'un certain sens
et qu'il est nécessaire que l'entreprise adopte un certain comportement
face à cette donnée externe 128;
- d'avoir une approche pédagogique. Cela permet de
mettre en perspective les valeurs
de l'entreprise par rapport aux obligations qui incombent aux
membres de l'entreprise.
Les codes de conduite ne s'adressent donc pas uniquement aux
salariés. Ceux-ci s'adressent aux « parties prenantes »,
définies par la norme ISO 26000 comme « l'individu ou groupe ayant
intérêt dans les décisions ou activités d'une
organisation »129. Concernant la Corruption, les parties
prenantes seront donc : les salariés, les partenaires commerciaux et les
investisseurs.
Ainsi, le code de conduite, outre la traduction écrite
de la « Culture » Compliance, est aussi un moyen clair d'expliquer
les raisons de l'existence de procédures spécifiques aux
partenaires (telles que les due diligences). Le code peut aussi servir de
vitrine pour les investisseurs soucieux de financer une entreprise viable en
termes de respect des lois et véhiculant certaines valeurs.
Si le fait que le code de conduite permette une transcription
concrète de la « Culture » Compliance et est un outil de sa
promotion au sein de l'entreprise, celui-ci ne suffit pas à rendre la
« Culture » Compliance effective.
§3. Les dispositifs de la mise en place de la «
Culture » Compliance
Si la « Culture » Compliance a pour vecteur
principal les codes éthiques, il est néanmoins nécessaire
de concrétiser encore plus cette notion, pour rendre la « Culture
» Compliance applicable opérationnellement.
Ce versant de la Compliance, qui adopte ici un rôle
pédagogique, passe par des échanges entre les personnes en charge
de la Compliance et les personnes dont l'activité est autre.
Ces échanges prennent souvent la forme de formations.
Ces formations sont le meilleur moyen de diffusion de la « Culture »
Compliance. Au cours de ces rencontres entres les acteurs directs de la
Compliance et les autres acteurs, également concernés par cette
problématique mais dont l'activité principale est autre,
plusieurs objectifs sont poursuivis.
127 Voir J.Y. TROCHON, « les risques juridiques
liés à la mise en place d'une démarche éthique dans
l'entreprise », Cahiers de droit de l'entreprise n°4, juillet
2012.
128 Voir C. ROQUILLY & C. COLLARD, note 40 supra.
129 Voir F.VERDUN, « les risques juridiques
liés à la mise en place d'une démarche éthique dans
l'entreprise », Cahiers de droit de l'entreprise n°4, juillet 20
12.
79
Le premier est de « dédiaboliser » la
Compliance. Une contrainte est toujours moins bien perçue - et donc les
gens moins enclin à la respecter - lorsque celle-ci apparaît comme
illégitime. En ce sens, l'objectif des formations va d'abord consister
en une phase de sensibilisation à la lutte contre la Corruption. Il
s'agira alors de développer certains des différents points
abordés jusqu'alors dans ce mémoire : les objectifs que poursuit
cette lutte à l'échelle mondiale, les contraintes qui en
découlent pour l'entreprise, puis ce en quoi consiste la Compliance dans
leur entreprise matériellement et enfin, les valeurs promues.
L'objectif suivant sera de rapprocher la Compliance de
l'individu. Bien entendu, la mise en avant de la sanction individuelle (autant
disciplinaire que juridictionnelle) aura un rôle dissuasif. Mais ce n'est
pas là le seul aspect de la Compliance à cette échelle. La
Compliance doit en effet se baser sur un système volontariste,
coopératif, ce qui demande une volonté personnelle des acteurs
pour être réellement efficiente. La seule peur d'une sanction ne
suffit pas toujours, et elle n'est certainement pas le meilleur moyen de
fédérer les gens.
La Compliance doit donc se baser sur une volonté de
collaboration entre la fonction de Compliance et les autres fonctions de
l'entreprise. Cela se traduit notamment par l'apport de réponses aux
questions de personnes qui ne sont pas issues de formations juridiques. Ces
questions sont d'autant plus intéressantes, par ailleurs, en ce qu'elles
permettent un regard extérieur sur la Compliance ; et donc d'adapter les
procédures le cas échéant.
La Compliance nécessite la coopération des
divers acteurs pour permettre l'implantation de cette coopération «
interservices ». Cette collaboration ne peut s'installer de façon
durable qu'en présence d'une « Culture » Compliance forte.
Mais la Compliance doit conserver son aspect indépendant, au risque d'en
perdre son caractère contraignant aux yeux de certains. Ainsi, plus le
niveau hiérarchique de la fonction de Compliance est
élevé, plus celle-ci sera susceptible d'avoir un effet positif
sur la volonté de coopération130.
Enfin, la coopération des acteurs nécessaires
à l'effectivité d'une Compliance pourra être
facilitée en leur expliquant les avantages que celle-ci peut
entraîner.
Sous-Section III. Les avantages de la
Compliance
§1. L'optimisation des processus
Si la mise en place de la Compliance représente un
coût, il faut d'abord la concevoir comme un
investissement.131
Dès lors que la Compliance de l'entreprise est
efficace, qu'elle ne rencontre donc pas les écueils d'une Compliance
inadaptée à l'entreprise, il est alors possible de la concevoir
comme créatrice d'avantages autres que la gestion du risque de
poursuites légales.
130 M.DELMAS et A.KELLER, « strategic free riding in
voluntary programs : The case of the US EPA Wastewise program», Policy
Sciences, 2005.
131 R. SAINTE FARE GARNOT, « la conformité
réglementaire et les programmes de Compliance », Cahiers de droit
de l'entreprise n°2, mars 2010.
80
La Compliance a d'abord un avantage qui est le reflet du
risque d'atteinte à l'image de l'entreprise.
En effet, au-delà d'éviter la dégradation
de l'image de l'entreprise provoquée par des poursuites judiciaires, la
Compliance peut être un atout pour la réputation de l'entreprise.
Développer une Compliance et surtout véhiculer cette image
d'entreprise « Compliant » est d'autant plus important après
une condamnation pour des faits de Corruption, afin de réinstaller la
confiance des partenaires de l'entreprise.
Optimiser sa Compliance permet également à une
entreprise d'accélérer les procédures de Compliance, de
les rendre à la fois moins gourmandes en ressources et plus
adaptées à l'entité qui y est soumise. Cela pourra par
exemple se traduire par une rationalisation du déclenchement des
procédures de due diligence. Cela peut aussi s'illustrer dans une
négociation accélérée des clauses de Compliance au
sein des contrats.
Avoir une Compliance efficace et reconnue comme telle aura
aussi un impact vis-à-vis des assureurs, en diminuant là aussi
des coûts qui ne sont pas directement liés à la lutte
contre la Corruption.
Toujours concernant la diminution des coûts «
externes », une Compliance suffisamment forte et développée
permettra une diminution maximale liée à l'internalisation du
processus de Compliance dans son entièreté (en ne confiant pas
les divers rôles de la Compliance à des acteurs externes,
notamment en ce qui concerne la formation, les vérifications de
réputation par internet, etc.).
Enfin, les avantages de la Compliance anti-Corruption se
retrouvent dans une catégorie à part entière liée
à son rôle sur le marché concurrentiel.
§2. Un avantage concurrentiel
Optimiser sa Compliance revient non seulement à
l'affiner pour qu'elle corresponde le mieux possible aux
caractéristiques de son entreprise, mais également à
chercher des avantages dans une Compliance « plus complète »
que la loi.
Cela peut paraître paradoxal, dans la mesure où
il apparaît qu'être en conformité totale avec les Lois
déjà en place est impossible. Cependant, dépasser les
exigences légales, dans certaines régions où la lutte
contre la Corruption est faible, peut permettre sur le long terme d'influencer
le législateur. Celui-ci pourrait en effet être incité,
face à la démonstration d'une entreprise viable «
malgré » une Compliance forte, de faire évoluer les normes
de son Etat dans le sens d'une éradication de la Corruption.
Le législateur peut aussi être influencé
d'une autre manière. De la même façon que les Etats-Unis
ont étendu leur législation au monde entier, un Etat qui verrait
ses entreprises défavorisées du fait de leur respect des valeurs
honorables que sont celles de la lutte contre la Corruption, pourrait envisager
des mesures visant à réduire l'écart entre « ses
» entreprises et les entreprises concurrentes, en prenant les mesures
légales nécessaires.
81
Dans ces deux situations, l'entreprise qui aura entrepris le
développement d'une Compliance anti-Corruption mieux
développée aura un avantage concurrentiel de taille par rapport
à ses concurrents.
Le premier avantage est celui dit du « first mover
»132. C'est-à-dire l'avantage procuré par
l'entreprise leader dans le domaine qui se retrouve en position
ultra-avantageuse, du fait que celle-ci s'assure une réputation
inégalée pendant plusieurs années.
Mais au-delà de l'avantage réputationnel, les
efforts économiques produits par les concurrents seront également
très importants, du fait qu'une mesure mise en place volontairement est
moins contraignante que si elle avait été imposée. Par
ailleurs, la Compliance anti-Corruption étant en constante
évolution, l'avantage gagné au départ sur les concurrents
peut ne pas être comblé pendant des années si l'entreprise
pilote continue d'améliorer sa Compliance.
Enfin, si ces perspectives sont très dépendantes
du choix imprévisible du législateur, cela constituera
néanmoins une marge de manoeuvre pour l'entreprise, face à une
interprétation parfois incertaine des textes. Cela constituera
également un avantage concurrentiel en termes de recrutements, puisque
l'entreprise pourra attirer des profils rares dans le domaine de la lutte
contre la Compliance anti-Corruption, qui ne seront ainsi plus aussi
disponibles pour ses concurrents. Ceci est notamment vrai pour les juristes.
Section II. L'avenir de la Compliance, discipline du
juriste pénaliste
Le terme « Compliance » est une notion large.
Celle-ci peut désigner la matière même, ou bien le service
en charge de ce sujet. En réalité, matière et sujets ont
vocation à se confondre, dans le sens où il apparaît
très clairement que la Compliance doit appartenir à un
département spécialisé (Sous-Section I). Par ailleurs,
cette notion est en voie d'évolution, et c'est en s'intéressant
à l'avenir de la Compliance que son rôle aura enfin
été défini dans son entièreté (Sous-Section
II).
Sous-Section I. La Compliance, une fonction à part
entière
Deux conceptions de la fonction de Compliance
s'opposent133.
Il est tout d'abord possible d'imaginer la Compliance en tant
que préoccupation de tous dans l'entreprise et n'étant donc pas
l'attribution d'un service particulier. La « Culture »
132 Voir M.E.PORTER et C. VAN DER LINDE, « Towards a
new conception of the environmenta-competitiveness relationship », Journal
of Economic perspectives, 1995 ; Voir aussi Y. BEN YOUSSEF, K.JEBSI et
G.GROLLEAU, « l'utilisation stratégique des instances de
normalisation environnementale », Revue Internationale de Droit
Economique, 2005.
133 Voir C. ROQUILLY & C. COLLARD, note 40 supra.
82
Compliance se suffisant à elle-même en somme.
Mais cette conception souffre plusieurs limites.
La première limite imaginable est un défaut
organisationnel. Ainsi, si les procédures de Compliance ne sont pas
centralisées cela paraît difficilement applicable à une
entreprise de dimension internationale. En effet, en cas de mouvement de
salariés dans l'entreprise, ceux-ci devront à chaque fois se
réhabituer aux nouvelles pratiques de Compliance propres au nouveau
service. Et comme il a été expliqué dans ce
mémoire, certaines régions nécessitent une Compliance
particulièrement contraignante du fait d'un risque de Corruption plus
élevé.
La seconde limite est tout à fait insurmontable en
matière de Corruption. Le FCPA impose ainsi l'établissement d'un
Responsable de Compliance faisant le lien entre les dirigeants et le reste des
personnes concernées par la Compliance anti-Corruption. Etant
donné la charge de travail conséquente que cela
représente, il est inconcevable que cette fonction de « Chef »
de la Corruption ne soit qu'une attribution annexe à une personne qui
aurait par ailleurs d'autres responsabilités importantes (puisqu'il a
également été remarqué que la mise en place de la
Compliance devait se faire à partir d'un haut niveau
hiérarchique). La Compliance anti-Corruption doit donc être
l'affaire d'un service dédié à cette
problématique.
De plus, la Compliance anti-Corruption ne constitue pas une
matière appartenant à un secteur professionnel unique. Si
l'aspect juridique est certainement le plus important, la Compliance demande
également de faire appel à des notions de management ; ou encore
d'avoir des connaissances propres au domaine d'activité de l'entreprise.
Ce cumul de prérogatives a pour conséquence une
impossibilité de concevoir la Compliance comme une fonction annexe d'une
autre fonction, d'autant plus si celle-ci n'est pas juridique.
Par ailleurs, puisqu'il est question d'éventuelles
fonctions annexes, il faut noter que la lutte contre la Corruption reste avant
tout une problématique juridique. En effet, les règles (au sens
général) sur lesquelles s'appuie cette lutte sont des Lois. Ce
sont plus précisément des Lois avec un attribut sanctionnateur.
Au même titre qu'il apparaîtrait incongru de confier la gestion du
système informatique d'une entreprise au service juridique,
déléguer la Compliance anti-Corruption à des personnes
dont le métier appartient au secteur de l'ingénierie ou du design
ne semble pas pertinent.
Si ce raisonnement est poussé un peu plus loin, il est
possible d'envisager la Compliance anti-Corruption comme une matière de
prédilection des juristes de droit pénal des affaires. En effet,
même si les sanctions prononcées sont officiellement de nature
différentes (civiles, pénales ou administratives), de par les
valeurs protégées par la lutte contre la Corruption et la
procédure accusatoire employée aujourd'hui par les
autorités effectivement en charge de la lutte contre la Corruption, il
est possible de leur attribuer un caractère pénal.
L'appropriation de cette fonction par les juristes du droit
pénal des affaires apparaît d'autant plus légitime au
regard de l'évolution que devrait prendre la Compliance anti-Corruption
dans les années à venir.
83
Sous-Section II. La Compliance, une matière en
devenir
§1. L'avenir de la Compliance au regard de
l'évolution des sujets de préoccupation
internationaux
La lutte contre la Corruption a vocation à devenir
d'une importance comparable à celle de la lutte contre le blanchiment
d'argent. La volonté affichée à l'échelle mondiale
tend en effet à se concrétiser de plus en plus, initiée
par la puissance d'un FCPA extrêmement efficace et effectif. Pour des
raisons à la fois financières et morales, les Etats sont tous
amenés à progresser dans la lutte contre la Corruption.
Au niveau de l'environnement mondial de la Compliance, la
tendance est déjà au rapprochement avec le droit de la
concurrence, comme l'ont montré certaines décisions
récentes des autorités américaines134. Ces deux
matières sont en effet proches sur plusieurs points, notamment en ce que
la Corruption peut induire une atteinte au droit de la concurrence. Elles ont
également en commun d'être sur une voie ascendante en termes de
préoccupations internationale, et d'avoir une forte composante
pénale.
La Corruption souffre également de l'absence d'une
institution référentielle réellement identifiable,
à la fois sur la scène française et sur la scène
européenne. La situation européenne est d'ailleurs beaucoup trop
en recul par rapport à l'état du droit anticorruption
américain135. Les Etats ne semblent pas assez engagés
dans cette lutte et pourraient avoir à le regretter
économiquement s'ils ne se donnent pas les moyens de rivaliser avec les
Etats-Unis. Le Royaume-Uni l'a déjà compris, comme l'illustre
l'UKBA. Mais la France, en revanche, apparaît encore loin des exigences
de l'ONU ou de l'OCDE136.
L'exemple de la lutte en matière de corruption est une
bonne indication de ce que pourrait devenir le métier d'agent de
Compliance en entreprise. En effet, le métier d'agent de Compliance
existe déjà depuis quelques années au sein des organismes
financiers, du fait de la règlementation spécifique à la
LAB.
En prenant cette règlementation comme
référentiel, il est notamment envisageable de créer une
institution équivalente à l'AMF, compétente pour les faits
de Corruption. Cette création ne serait même pas
nécessaire, par ailleurs, si le SCPC était transformé en
autorité administrative indépendante. Cela permettrait de doter
ce service de pouvoirs d'enquête administrative tels que des
possibilités de saisine, des pouvoirs de communication et
d'enquête, ou encore un pouvoir de suivi137.
134 Voir E.U. contre INNOSPEC INC, 17 mars 2010 et E.U.
contre BRIDGESTONE, 15 septembre 2011.
135 Rapport TI, « money, politics, power : corruption
risks in Europe », 6 juin 2012
136 Voir le rapport OCDE à venir,
s'inquiétant de la rareté des enquêtes et des sanctions en
matière de lutte contre la corruption des fonctionnaires
étrangers par des entreprises françaises. Il est important de
noter, par exemple, le chiffre édifiant de 3 condamnations seulement, en
12 ans, pour corruption d'agents publics
étrangers.
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/l-ocde-epingle-la-france-dans-la-lutte-contre-la- corruption_1153773.html.
137 Ce qui est notamment le cas de l'équivalent
espagnol du SCPC, l'OAC (Office Antifraude de Catalogne). Voir le Rapport du
SCPC pour l'année 2010 au premier ministre et au garde des sceaux,
ministre de la justice et des libertés.
84
L'absence d'une telle autorité pose plusieurs soucis.
D'abord, l'effectivité de la lutte contre la Corruption est restreinte.
Ensuite, les entreprises désireuses d'incrémenter leur dispositif
de Compliance n'ont pas d'interlocuteur étatique (tel que Tracfin), et
sont donc obligées de se tourner vers d'autres organismes, dont la
légitimité n'est pas officielle. Enfin, l'absence d'agence
anticorruption dans plusieurs Etats européens empêche la
création d'un comité européen de lutte contre la
corruption, à l'instar du « Committee of European Securities
Regulators » regroupant les autorités de marché des pays
membres de l'Union Européenne telles que l'AMF.
La création d'un tel organisme pourrait
également entrainer une « officialisation » des agents de
Compliance anti-corruption, telle qu'il en existe pour les agents
anti-corruption. Cette « officialisation » qui se traduit sous la
forme d'une certification AMF138, permettrait à la fois de
rendre compte d'une réelle volonté politique de lutte contre la
Corruption, mais également d'assurer aux entreprises la
compétence des personnes qu'elles recrutent au sein de leurs services de
conformité.
Outre la création d'un corps de métier, la
rationalisation institutionnelle de la lutte contre la corruption permettrait
également la mise en place de procédures claires, à
l'image de celles en place pour les obligations de soupçons et de
vigilances incombant aux organismes financiers139. Cela permettrait
aux entreprises de mieux délimiter le cadre de leurs procédures
internes, réduisant ainsi leurs coûts et rendant plus
prévisibles les risques encourus. Cela permettrait encore une
coopération de cet organisme avec les autorités
étrangères, ce qui aurait l'avantage d'éviter un risque de
condamnations en chaîne dont il est impossible de prévoir la
fin.
La création d'une autorité administrative
indépendante permettrait, en plus, de suppléer les tribunaux dans
leur lutte contre la Corruption (qui est aujourd'hui quasiment ineffective). La
création d'un règlement général comme celui de
l'AMF serait aussi une évolution envisageable.
Par ailleurs, le Service central de prévention de la
corruption (« SCPC »), aujourd'hui relativement
discret, pourrait se voir reconnaître le statut d'autorité
administrative indépendante, à l'instar de l'AMF.140
Il serait ainsi possible de reproduire le schéma déjà en
place pour les domaines pénaux susmentionnés.
§2. L'Intelligence Compliance
L'Intelligence Compliance est le fait d'utiliser la Compliance
dans des buts détournés de son objectif principal. A cet
égard, l'utilisation de la Compliance dans une optique concurrentielle
déjà décrite appartient à ce domaine.
Outre les effets induits sur la compétitivité
qu'a la Compliance et qui ont fait l'objet d'un développement
précédent dans ce mémoire, la Compliance peut jouer un
rôle encore plus développé en matière de
concurrence.
138 Article 313-7 et suivants du règlement
général de l'AMF.
139 Articles L. 561-5-I et L. 561-15-I CMF du Code
monétaire et financier.
140 P. MONTIGNY, « la lutte contre la corruption »,
Cahiers de droit de l'entreprise n°4, juillet 2010.
85
L'intelligence Compliance pourrait, par exemple, être
utilisée par les sociétés détenues par l'Etat, dans
les pays où le gouvernement est facilement influençable, pour
verrouiller le marché et donc porter atteinte à la concurrence.
Cela pourrait s'illustrer tout simplement par la mise en place préalable
de règles de Compliance strictes à l'intérieur d'une
entreprise d'Etat, suivies par la création d'une norme calquée
sur ces exigences en matière de Compliance.
La Compliance pourrait également être
utilisée par des gouvernements détenant des entreprises fortes,
ayant déjà un quasi-monopole de droit dans les secteurs
concernés par la Corruption, comme en Angola, au Ghana, en Guinée
Equatoriale, ou encore en Chine. Le mécanisme envisagé pourrait
être la création d'une obligation de transmission de
renseignements aux entreprises voulant opérer sur leur territoire, sous
couvert de Compliance, afin de récupérer des informations
clés.
Toujours dans le cadre de l'espionnage industriel,
l'intelligence économique est une préoccupation majeure des
entreprises commerciales. Par ailleurs, le recueil d'informations sous couvert
de due diligence est un point à ne pas négliger.
En effet, ce processus a déjà une importance en
ce qu'il peut déterminer, à terme, la réalisation d'un
contrat ou son abandon. La crainte peut alors naître, chez un partenaire,
de se voir refuser un contrat, en raison de son refus de transmettre des
informations dans le cadre de la due diligence. Le danger peut également
venir de la légitimité que la due diligence reçoit de la
part des autorités en charge de sa lutte. En effet, là encore, la
crainte d'apparaître comme réfractaire à la lutte contre la
Corruption, en refusant de fournir des informations demandées dans le
cadre de la due diligence, peut exister. Dans ces deux situations, l'entreprise
peut alors commettre l'erreur de transmettre des informations confidentielles
avec une portée concurrentielle.
La Compliance de l'entreprise est alors d'autant plus
importante qu'elle connaît le droit anticorruption. Elle pourra alors
savoir ce qui relève de la due diligence normale, et ce qui a vocation
à dépasser cet objectif. La Compliance permettra, en plus, de
communiquer en toute intelligence entre services respectifs de chaque
entreprise ; en étant capable de motiver ses négociations avec
des arguments solides.
Enfin, l'environnement mondial de la lutte contre la
Corruption fournit un outil potentiellement dévastateur en
matière de concurrence. En effet, de par la mise en place des
dénonciations rémunérées, une entreprise
concurrente pourrait profiter de ces mécanismes, afin de dénoncer
un concurrent.
L'intérêt est triple : d'abord évincer un
concurrent d'un marché (que ce soit avant la conclusion d'un contrat ou
pendant, puisque les décisions des autorités dans le domaine de
la Compliance peuvent décider de la résolution du contrat) ;
ensuite lui infliger une perte économique très importante
(à la fois à cause de la réalisation des risques directs
et indirects développés précédemment) ; et enfin,
récupérer une part de l'amende, puisque les mécanismes de
dénonciation le prévoient.
86
Cela suppose de remplir les conditions de la
dénonciation imposées par l'UKBA ou le FCPA. Mais cela
n'apparaît pas du tout insurmontable141, quand de telles
sommes sont en jeu.
Là encore, le seul moyen de se prémunir contre
ce genre de comportements est la mise en place d'un service de Compliance
efficace, puisque c'est la seule limite existante à la fois
légalement et factuellement pour lutter contre ce risque.
Enfin, la clause d'audit en matière de Compliance
apparaît comme une arme d'intelligence économique sans
réelle limite. Ce type de clause est en plus appuyé par des
décisions importantes prononcées dans le cadre du
FCPA142. Ces clauses prévoient la possibilité, pour
une partie au contrat, de se faire communiquer toutes les pièces qu'elle
juge nécessaires, en cas de soupçons d'infractions à la
législation contre la Corruption.
Il n'existe aujourd'hui aucun contrôle réel de ce
type de clauses, et le seul moyen de s'en prémunir est d'avoir une
Compliance suffisamment forte pour qu'aucun fait de Corruption ne se produise
dans le cadre de ces contrats.
§3. La Compliance d'entreprise ayant vocation
à s'élargir d'autres thématiques
L'avenir de la Compliance réside non seulement dans
l'évolution de la lutte contre la Corruption ou dans les applications
détournées que l'on pourrait en faire, mais également dans
l'élargissement de son champ de compétences.
Ainsi, le droit pénal de la concurrence s'est-il
déjà fortement rapproché de la problématique du
droit de la Corruption. Ce rapprochement est également renforcé
par le fait que le droit de la Corruption est de plus en plus présent en
matière de fusions et acquisitions143. Ces deux
problématiques pourraient donc, dans les prochaines années, faire
partie des missions de la Compliance.
La Compliance anti-Corruption est également proche de
la lutte contre le blanchiment d'argent. Elle en est proche car la lutte contre
la Corruption semble épouser les formes de la LAB. Elle en est
également proche du fait que l'infraction de blanchiment d'argent permet
de sanctionner l'utilisation de l'argent issue de la Corruption, a posteriori.
Par ailleurs, il est fort probable que les organismes financiers soient
frappés de plein fouet par une série de sanctions contre leur
secteur d'activité, dans le cadre de la lutte contre la
Corruption144. Plus encore, ceux-ci pourraient être poursuivis
pour recel de Corruption. D'un autre côté, les
141 Voir Z.FARDON & E.SWIBEL, « The Dodd-Frank
Act's Whistleblower Bounty Provision - A Primer »,
2011.
142 Voir E.U. contre PANALPINA, 4 novembre 2010 ; et E.U.
contre RAE SYSTEMS INC., 10 novembre 2010.
143 Voir E.U. contre BIZJET INTERNATIONAL SALES AND
SUPPORT, INC., 2012 et E.U. contre LUFTHANSA TECHNIK AG, 2012. Dans ces
affaires, le DOJ impose aux entreprises de dénoncer tous les faits de
corruption commis par la société absorbée, dont ils
auraient connaissance après l'opération de fusion ou
acquisition.
144 De grands groupes financiers sont actuellement sous
investigations de la part des autorités du FCPA, tels que THE GOLDMAN
SACHS GROUP INC ou ALLIANZ SE.
87
entreprises non financières sont également
exposées aux risques de blanchiment d'argent145.
Un rapprochement de ces deux matières, Compliance
anti-Corruption et Compliance anti-Blanchiment d'argent, est donc tout à
fait envisageable. Le mécanisme de due diligence est, par exemple,
quasiment le même pour les deux types d'entreprises ayant à
connaître ces problématiques.
De façon plus générale, la Compliance
pourrait avoir vocation à élargir son champ de compétence
à tout le droit pénal des affaires.
Le droit de la concurrence est déjà
considéré par les services de Compliance comme une
problématique de demain. Des matières telles que l'abus de biens
sociaux, l'abus de confiance, l'escroquerie ou encore le vol sont très
proches de la Corruption (que ce soit dans les éléments
constitutifs et dans les moyens à mettre en place pour les
anticiper).
Plus encore, la vocation pédagogique de la Compliance
à sensibiliser les acteurs de tous niveaux hiérarchiques dans la
société aurait tout à fait sa place dans des
matières telles que le droit boursier (délits et manquements
d'initié, de diffusion d'informations fausses ou trompeuses, voire de
manipulation de cours) ; le droit pénal des sociétés
(majoration des apports en nature, les infractions lors de la liquidation des
filiales comme la banqueroute et les infractions satellites) ou encore le droit
de la consommation (publicités trompeuses). Ces sujets de droit
pénal ont des spécificités qui se retrouvent dans
l'infraction de Corruption (notamment en ce qui concerne les délais de
prescription particuliers, la responsabilité prépondérante
de la personne morale, mais aussi et surtout le fait qu'ils soient de la
compétence de tribunaux spécifiques, comme le pôle
financier du parquet de Paris).
Il est même envisageable que la Compliance devienne,
dans les années à venir, le service juridique responsable de la
gestion de tous les risques pénaux auxquels est exposée une
entreprise (au sens large, en incluant donc les sanctions civiles sur des
fondements pénaux). En effet, le triptyque
prévenir/agir/réagir, propre à la Compliance trouve une
application de choix pour la gestion des potentielles infractions dont
l'entreprise pourrait être l'auteur ou la victime.
De plus, le positionnement de la Compliance, en tant que
service interne à l'entreprise, mais dont le rôle est aussi de
contrôler les comportements des acteurs de l'entreprise, est tout
à fait particulier. Ce rôle est nécessairement tenu par les
services en charge du respect, par les membres de l'entreprise, de contraintes
externes dont la nature diffère de celle de l'activité de
l'entreprise. Et ces contraintes sont essentiellement des normes
pénales, puisque la nature même du droit pénal est
d'assurer le respect, par des sanctions, d'intérêts
supérieurs à l'entreprise.
De cette façon, une entreprise a tout
intérêt à confier à son service de Compliance toutes
les problématiques de ce type146, et donc du droit
pénal de l'entreprise. Le savoir-faire développé à
la fois dans l'élaboration de procédures adaptées à
l'entreprise ; mais
145 Elles ne peuvent cependant pas faire de
déclarations de soupçons à Tracfin, ni lui demander des
renseignements.
146 En plus du droit pénal des affaires classiques,
le droit pénal de la presse, le droit pénal de l'environnement ou
encore le droit pénal du travail sont autant de matières tout
à fait indiquées pour les missions d'un service de
Compliance.
également la transmission des valeurs aux autres
acteurs de l'entreprise ; et enfin le statut sanctionnateur de la Compliance
sont autant de raisons de confier à ce service un nombre de missions
liées au droit pénal les plus importantes possibles.
88
89
90
CONCLUSION
La Compliance d'entreprise en matière de Corruption se
doit de concilier deux objectifs.
Le premier est celui qui lui est imposé par les
instruments normatifs à dimension nationale ou supranationale. Cet
objectif, utilise l'argument de la défense de valeurs morales, telles
que la lutte contre la pauvreté, un environnement économique
mondial plus sain, une libre concurrence juste, pour justifier une lutte qui,
lorsqu'elle est effective, semble défendre des intérêts
propres à ceux qui la mette en place.
Se faisant, le rôle de la lutte contre la Corruption
revient en définitive à l'entreprise, qui se voit imposées
des obligations normalement dévolues aux systèmes juridiques
étatiques. Les Etats en question se contentent alors de vérifier
la bonne application par les entreprises de cette obligation de gestion de la
Corruption à petite échelle. Cet état de fait permet
d'ailleurs d'expliquer le faible nombre de condamnations de personnes physiques
pour des faits de Corruption. Ces condamnations, quand elles ont eu lieu, ont
en plus été consécutives à une coopération
de l'entreprise avec les autorités judiciaires (entendez par là
que les entreprises ont fait un travail d'enquête suffisant, à la
place des autorités, pour permettre à celles-ci de
procéder à une condamnation déjà toute faite).
Les conséquences de cette lutte si particulière
n'en sont pas moins bénéfiques à l'échelle
mondiale. En effet, la prise de conscience des Etats semble actée ; en
tout cas l'est-elle pour les Etats les plus avertis, tels que le Royaume-Uni.
Mais si ces résultats semblent probants, puisqu'ils entraînent la
mise en place dans les entreprises concernées de service de Compliance,
il n'en reste pas moins que si la lutte devait continuer vers une
agrégation de lois fortement contraignantes et la continuité de
l'irrespect du principe de non bis in idem, la situation deviendrait
réellement insupportable pour les entreprises. Même celles
capables de mettre en place une Compliance performante dans l'entreprise.
Car la deuxième contrainte reposant sur la Compliance
est là : celle-ci doit avant tout protéger l'entreprise. La
Compliance anti-Corruption se doit donc de faire une analyse approfondie de
toutes les normes s'imposant à elle, dans tous ses secteurs
d'activité et dans toutes les zones géographiques où elle
opère.
Mais cette analyse ne doit pas servir uniquement à
connaître toutes les règles en matière de Corruption et
à les faire appliquer à la lettre à son entreprise. Ce
n'est pas le rôle de l'entreprise que de faire appliquer les lois. Son
rôle peut être de les respecter, mais même dans cette
conception, il ne s'agit pas là de l'objectif premier d'une entreprise.
La raison d'être d'une entreprise est son objet social. Et son objectif
est de le réaliser en étant économiquement viable.
Ainsi, la seule relation qu'a une entreprise avec la
règlementation en matière de Corruption, c'est de mettre en place
les mesures nécessaires pour que sur le long terme celle-ci se retrouve
avec un bilan économique positif. Bien entendu, ce bilan ne se cantonne
pas à retrancher du montant des bénéfices
réalisés grâce à la Corruption l'amende qu'elle
devra payer au final. En effet, le coût de non-Compliance aux
règles en matière de
91
Corruption va bien au-delà. L'image d'une entreprise
internationale est peut-être son bien le plus précieux. Une
atteinte à cette réputation a des conséquences souvent
bien plus désastreuses que l'amende que l'entreprise devra payer.
Même lorsque celle-ci se chiffre en milliards de dollars.
Non, le bilan que doit faire l'entreprise est celui entre,
d'un côté, le coût de la mise en place d'une Compliance
efficace et les risques qu'elle choisit de prendre en connaissance de cause
(grâce à la Compliance) ; et d'un autre côté, les
avantages retirés par cette Compliance efficace (et permettant donc
d'aller au-delà des raisons premières de sa création), et
l'argent obtenu dans le cadre du contrat pour lequel le risque a
été mesuré.
La mise en place d'une Compliance démesurément
couteuse ne remplirait ainsi pas les objectifs à court terme de
l'entreprise, puisqu'elle perdrait de l'argent dans un bilan
coût/avantage. Mais en plus, elle ne remplirait pas les objectifs
à long terme de la lutte contre la Corruption à l'échelle
mondiale. En effet, ce n'est pas en faisant péricliter son entreprise,
ou plus probablement, en provoquant des phénomènes
d'évitement de la Compliance au sein de l'entreprise que la
sphère économique ira mieux.
En réalité, la Compliance n'est pas qu'une
question financière. A commencer par le fait que celle-ci ne peut
prospérer uniquement en opposition à une peur de sanction de la
part du législateur. Cela ne fonctionne pas pour n'importe quel crime de
droit commun et n'a pas de raison de fonctionner convenablement pour la
Corruption, d'autant plus que les Etats « sous-traitent » cette lutte
aux entreprises.
A l'échelle de l'entreprise, si la Compliance peut
trouver sa place et assumer son rôle, cela ne peut se faire qu'au travers
d'échanges avec les autres acteurs de l'entreprise. A l'échelle
du monde, la lutte contre la Corruption ne pourrait pas être
acceptée par les différents opérateurs si elle
n'était pas justifiée par des valeurs morales.
Car en effet, ce qui permet, au final, de permettre la
conjugaison entre les pressions internationales, d'un côté, et les
contraintes de l'entreprise, de l'autre, ce sont ces valeurs ; qui semblent
pourtant si idéalistes.
A moins que l'économie de marché n'ait fait
disparaître tout cela ; et qu'il ne s'agisse que du dernier refuge de la
rêverie mythologique...
92
93
94
Principales sources et
références
bibliographiques
Cahiers de droit de l'entreprise, Lexis Nexis
FCPA Blog : http://www.fcpablog.com/
FCPA Professor (Mike KOEHLER) : http://www.fcpaprofessor.com/
FCPA SETTLEMENT, INTERNAL STRIFE, AND THE « CULTURE OF
COMPLIANCE », J.W. YOCKEY
La Semaine juridique Enterprise et Affaires, Lexis Nexis Les
Petites Affiches, Lextenso
PLAN NOW OR PAY LATER : THE ROLE OF COMPLIANCE IN CRIMINAL,
CASES, J. MARTIN, R.D. MACCONNELL & C.A SIMON.
Site officiel de l'OCDE :
www.oecd.org/fr/
Site officiel de l'ONU :
www.un.org/fr/
Site officiel de la SEC : www.sec.gov/
Site officiel du DOJ:
www.justice.gouv.fr
Site officiel du gouvernement français :
www.gouvernement.fr/
Légifrance : www.legifrance.gouv.fr/
Site officiel de Transparence Internationale :
www.transparency.org/
De la conformité règlementaire à la
performance : pour une approche multidimensionnelle du risque juridique, C.
ROQUILLY & C. COLLARD.
Droit pénal des affaires 2012, éditions Lamy.
Site officiel du GIACC : www.giaccentre.org/
Site officiel de l'Union européenne :
europa.eu/index_fr.htm
95
ANNEXES
96
97
Annexe 1. Nombre de condamnations par la SEC et le DOJ de
2003 à 2007
|
2007
|
|
2006
|
|
2005
|
|
2004
|
|
2003
|
DOJ
|
|
SEC
|
DOJ
|
|
SEC
|
DOJ
|
|
SEC
|
DOJ
|
|
SEC
|
DOJ
|
|
SEC
|
18
|
20
|
7
|
8
|
7
|
5
|
2
|
3
|
2
|
0
|
98
99
Annexe 2. Indicateur mondial de la Corruption selon
Transparence Internationale
Annexe 3. Classement des dix amendes les plus
élevées infligées par les autorités
américaine au 3 aout 2012
1. SIEMENS (Allemagne): 800
millions de dollars en 2008. 2. KBR / HALLIBURTON
(Etats-Unis): 579 millions de dollars en
2009. 3. BAE (Royaume-Uni): 400
millions de dollars en 2010. 4. SNAMPROGETTI NETHERLANDS
B.V. / ENI S.P.A (Pays-Bas/Italie): 365 millions de dollars
en 2010. 5. TECHNIP S.A. (France): 338
millions de dollars en 2010. 6. JGC CORPORATION
(Japon): 218,8 millions de dollars en 2011. 7.
DAIMLER AG (Allemagne): 185 millions de dollars en
2010. 8. ALCATEL-LUCENT (France): 137
millions de dollars en 2010. 9. MAGYAR TELEKOM / DEUTSCHE
TELEKOM (Hongrie/Allemagne): 95 millions de dollars en
2011. 10. PANALPINA (Suisse): 81,8
millions de dollars en 2010.
Source : R.L. CASSIN, FCPA Blog.
http://www.fcpablog.com/blog/2012/8/3/who-will-crack-the-top-ten.html.
100
Annexe 4. Exemple de calcul d'une amende dans le
cadre du DPA entre ABB Ltd et le DOJ (en
anglais)
101
102
responsibility fpr its criminal conduc:t. - 3
TOTAL 5
e, L'alohltionuifine Range
Base Fine $28,5O0,000
Multipliers 1.0 (min)! 2.0 (max)
Nine Range $28,500,00 ($57,000,000
7, The Fraud Section and ABB Ltd agree that an application of
the Sentencing Guidelines to determine the applicable fine range For ABB Ltd
- Jordan yields the following arralysis:
a.
Guideline Manual '1 he 2009 USSO are applicable.
b. RaOtfse Elnsed uport USSG §
2Bl.l, the total offense level is 23, calculated as followsï
(a)(1) Base Offense Level 7
(h)(l) Specific Offense Characteristic (> $4013,0Û0
in profits, § 2B1,1
comment. (n. 3(B))). + 14
(b)(9B) Specific Offense Characteristic
A substantial part of a fraudulent scheme
was committed from ouEside the U.S. +2
TOTAL 23
e. Bre Fine Based upon USW 8c2.4(a)(1) and (rl), the
base fine is $1,600,000 (fine corresponding, to the Base Offense level of23
as provided in Offense Level Table).
104
Table des matières
SOMMAIRE 7
LISTE DES ABREVIATIONS UTILISEES 8
CHAPITRE PREMIER LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA COMPLIANCE
ANTI-CORRUPTION 20
SECTION I. L'ÉVOLUTION DE LA COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION :
UN PHÉNOMÈNE RÉCENT 20
§1. Contexte historique récent 20
§2. Une prise de conscience concrète du
problème de la corruption par les différents acteurs mondiaux
22
§3. Les grandes lignes de l'avenir de cette lutte 23
SECTION II. L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUE DE LA LUTTE CONTRE LA
CORRUPTION 24
Sous-Section 1. L'environnement juridique « Hard Law
» de la lutte contre la Corruption 25
§1. Présentation de la Hard Law 25
§2. Les caractéristiques des normes étatiques
au travers de l'exemple français 25
§3. La Banque Mondiale, le FCPA et le UKBA comme
institutions chargées de la lutte contre la Corruption à
l'échelle mondiale 28
Sous-Section 2. La « Soft Law » dans la lutte
contre la Corruption 30
§1. Présentation de la Soft Law 30
§2. Les principaux organismes émetteurs de Soft Law
30
§3. La place ambigüe de la Soft Law 31
SECTION III. LES FINALITÉS AFFICHÉES DE LA LUTTE
CONTRE LA CORRUPTION 32
§1. Une finalité très idéologique
33
§2. La délégation aux entreprises d'un
rôle étatique 34
CHAPITRE DEUXIEME LA DIMENSION NORMATIVE DE LA COMPLIANCE
ANTI-CORRUPTION 35
SECTION I. LE DÉLIT DE CORRUPTION TEL QUE PRÉVU PAR
LES TEXTES 35
Sous-Section I. La notion de Corruption 35
§1. Les caractères généraux de la
Corruption 35
§2. Les infractions connexes à la Corruption 37
Sous-Section II. Les différentes formes sous
lesquelles se présente la Corruption 39
§1. Les risques de Corruption pendant la phase
préalable au contrat 39
§2. Les risques de Corruption pendant l'exécution du
contrat 40
§3. Les risques de Corruption lors de la résolution
du contrat 40
§4. Les situations de Corruption hors contrat 41
SECTION II. L'APPLICATION PRATIQUE DES NORMES ANTI-CORRUPTION
41
Sous-Section I. Les incertitudes des caractéristiques
de la Corruption 42
§1. La notion d'Agent Public 42
§2. La notion de paiements de facilitation 43
§3. Une responsabilité « en cascade »
44
Sous-Section II. L'omnipotence de la régulation
étatsunienne 44
§1. Les raisons de l'importance mondiale du droit des
Etats-Unis en matière de lutte contre la Corruption au
sein des entreprises 44
§2. Le traitement des conflits par les autorités
américaine : rapidité et exemplarité 45
SECTION
III. LA PRÉDOMINANCE DES ETATS-UNIS
RÉVÉLATRICE D'UNE POLITIQUE DE CONCURRENCE NORMATIVE 47
§1. Une volonté idéologique de façade
47
§2. Les limites géopolitiques à cette
politique 49
CHAPITRE TROISIEME LA DIMENSION ORGANISATIONNELLE DE LA
COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION ... 54
SECTION I. LE TRIPTYQUE DE LA COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION :
PRÉVENIR, AGIR, RÉAGIR 54
105
Sous-Section I. Les moyens de prévention mis en place
par la Compliance 54
§1. La Due Diligence 54
A. La notion de due diligence 54
B. Les Drapeaux Rouges 55
C. Les outils de due diligence 56
§2. Les autres dispositifs de prévention de la
corruption en entreprise 57
Sous-Section II. Les moyens d'action et de contrôle au
bénéfice de la Compliance 58
§1. Les diverses procédures de détection de
la Corruption 58
§2. La « dénonciation » 60
Sous-Section III. La réaction de la Compliance
à la découverte d'un acte de Corruption 61
§1. La réaction interne à l'entreprise 61
§2. La réaction de l'entreprise avec ses
interlocuteurs 62
SECTION II. LES RISQUES DE NON COMPLIANCE 63
Sous-Section I. La Compliance d'entreprise en tant que
protection de l'entreprise 63
§1. Les risques directs : les poursuites légales
64
§2. Les risques économiques indirects 65
A. Les risques commerciaux 65
B. Les risques d'atteinte à la réputation de
l'entreprise 66
C. Les risques de « poursuites » en chaîne
67 Sous-Section II. La Compliance d'entreprise dans le calcul des
sanctions et l'importance de la
coopération 69
§1. Le calcul des sanctions par le DOJ 69
§2. La diminution des sanctions grâce à une
Compliance efficace 70
§3. La coopération de l'entreprise avec le
régulateur 70
CHAPITRE QUATRIEME LA DIMENSION FONCTIONNELLE DE LA
COMPLIANCE ANTI-CORRUPTION 74
SECTION I. LA NOTION DE « CULTURE DE LA COMPLIANCE »
74
Sous-Section I. Les inconvénients d'une Compliance
inadaptée 74
Sous-Section II. La mise en place de la « Culture
Compliance » 76
§1. La notion de Culture Compliance 76
§2. Les Codes éthique et anti-Corruption 77
§3. Les dispositifs de la mise en place de la «
Culture » Compliance 78
Sous-Section III. Les avantages de la Compliance 79
§1. L'optimisation des processus 79
§2. Un avantage concurrentiel 80
SECTION II. L'AVENIR DE LA COMPLIANCE, DISCIPLINE DU JURISTE
PÉNALISTE 81
Sous-Section I. La Compliance, une fonction à part
entière 81
Sous-Section II. La Compliance, une matière en devenir
83
§1. L'avenir de la Compliance au regard de
l'évolution des sujets de préoccupation internationaux 83
§2. L'Intelligence Compliance 84
§3. La Compliance d'entreprise ayant vocation à
s'élargir d'autres thématiques 86
CONCLUSION 90
PRINCIPALES SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
94
ANNEXES 96
ANNEXE 1. NOMBRE DE CONDAMNATIONS PAR LA SEC ET LE DOJ DE 2003
À 2007 98
ANNEXE 2. INDICATEUR MONDIAL DE LA CORRUPTION SELON TRANSPARENCE
INTERNATIONALE 99
ANNEXE 3. CLASSEMENT DES DIX AMENDES LES PLUS
ÉLEVÉES INFLIGÉES PAR LES AUTORITÉS
AMÉRICAINE AU 3 AOUT 2012
100 Source : R.L. CASSIN, FCPA Blog.
http://www.fcpablog.com/blog/2012/8/3/who-will-crack-the-top-ten.html.
100
ANNEXE 4. EXEMPLE DE CALCUL D'UNE AMENDE DANS LE CADRE
DU DPA ENTRE ABB LTD ET LE DOJ (EN ANGLAIS) 101
106
107
108
109
|