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L'intéret national dans le processus d'intégration régionale en Afrique

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par Yanic KENHOUNG
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master 2014
  

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II- L'adoption du NEPAD comme une attitude altruiste des chefs d'État africain

Le NEPAD est issu de trois initiatives parallèles. Pendant que l'ancien Président Sud Africain Thabo MBEKI conduisait le Partenariat du Millénium pour le Programme de Redressement de l'Afrique ou Millenium Partnership for African Recovery Program (MAP), révélé au Forum Economique Mondial de Davos en Janvier 2001, le chef de l'État sénégalais Abdoulaye Wade proposait le plan Omega, présenté au Sommet de la Francophonie au Cameroun, en Janvier 2001. Le plan de MBEKI était axé sur la gouvernance politique et économique au niveau continental et au besoin de redéfinir les relations entre l'Afrique et les partenaires au développement pendant que son homologue WADE insistait sur l'augmentation de l'aide au développement, les infrastructures, l'agriculture, la santé et l'éducation. La fusion des plans MAP et Omega a donné naissance à la Nouvelle Initiative Africaine (NIA), devenue, le 23 octobre 2001, le NEPAD. La fusion de ces deux initiatives en un plan unique donna naissance à « la Nouvelle Initiative Africaine » (NIA), qui sera plus tard baptisée « Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique » (NEPAD), traduction de l'appellation anglaise New Partnership for African Developpment.

Bien que similaires, ces initiatives comportaient aussi des différences reflétant les priorités régionales et autres de leurs concepteurs, il fallait des compromis pour fusionner ces trois propositions en une seule initiative227. Le NEPAD traduit donc ces compromis dynamiques qui ont permis d'aboutir à une seule initiative228. Le Sommet des Chefs d'État de Lusaka adopta la Nouvelle Initiative Africaine et élargit la direction politique à dix autres Chefs d'État, à raison de deux par région229. Les pays fondateurs du NEPAD sont l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Egypte le Nigéria et le Sénégal. Ces derniers présentent ce partenariat international au développement comme une « promesse faite par des dirigeants africains, fondée sur une vision commune ainsi qu'une conviction ferme et partagée [qui vise à] éradiquer la pauvreté, placer leurs pays,

227 Ibid.

228 Moustapha KASSE, « Le NEPAD dévoyé ou l'éclipse d'une grande espérance », disponible en ligne sur www.mkassé.com.

229 UA, Nouveau Partenariat Pour le Développement de l'Afrique (NEPAD), octobre 2001, p. 62.

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individuellement et collectivement, sur la voie d'une croissance et d'un développement durable tout en participant activement à l'économie et à la vie politique mondiale230 ». Pour parvenir à la réalisation de ces objectifs à l'horizon 2015, le NEPAD propose une stratégie «inédite» dans trois grands domaines : l'économie, le social et la politique à travers plusieurs initiatives visant toutes une bonne gouvernance. Pour distinguer ce programme des anciennes initiatives, une espèce d'agence de surveillance inspirée du modèle du mécanisme de contrôle de l'organisation de coopération et de développement/Comité d'aide au développement (OCDE/CAD) : le mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP) ou African Peer Review Mechanism (APRM)231. Ce mécanisme est présenté comme une alternative à la mauvaise gouvernance et comme une réponse à la démocratie « bloquée » : un moyen concret d'exploser les bases de la légitimité gouvernante après l'insuccès des plans précédents mis en oeuvre successivement depuis les indépendances autour des approches développementalistes et dépendantistes des années 1960-1970 et des programmes d'ajustement structurel (PAS) dans les années 1980.

Avec l'avènement du NEPAD, les États africains tentent de promouvoir une nouvelle philosophie de Renaissance africaine et une nouvelle idéologie développementaliste, en mettant en perspective un nouveau cadre pour le Développement de l'Afrique comme : garantie d'intégration à la mondialisation ; stratégie et méthodologie novatrices en matière de financement du développement ; et mécanisme privilégié de renforcement de l'intégration régionale. L'Afrique avait pris conscience de plusieurs enjeux à relever. Le premier défi, c'est la sécurité. Sans cela il n'y a pas d'État ni de bases pour construire un État fort et réellement gouverné. Ensuite, la démocratisation de l'Afrique est un enjeu important, puisqu'à la suite de la période de décolonisation, entre 1960 et 1990, les pays africains ont fait face à des régimes autoritaires dévastateurs. C'est ainsi que finalement, la question du développement est devenue aussi primordiale.

Les Africains ont compris qu'ils devaient aller vers des processus d'intégration. Malgré que plusieurs projets n'aient pas réussi dans le passé, il faut poursuivre l'initiative. En effet, la

230Ibid. p.1.

231 Document de base du Mécanisme Africain d'Évaluation Entre Pairs (MAEP) adopté lors du 6ème sommet de la comite des Chefs d' État et de Gouvernement chargé de la mise en oeuvre du NEPAD, Abuja, Nigéria 9 mars 2003.

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mise en place en 2001 du NEPAD a marqué un tournant décisif dans l'intégration africaine. En dépit de son caractère d'abord essentiellement économique, cette avancée a envoyé un signal politique très fort aux citoyens africains et au reste du monde : l'Afrique est capable de prendre des décisions de grande envergure visant à jeter les bases d'un avenir commun et prospère pour un continent qui a trop souvent souffert de la corruption des processus, des conflits, des guerres civiles et de l'instabilité économique et politique. Le compromis autour de cette initiative est une véritable manifestation de l'intérêt national altruiste en Afrique ; car les Chefs d'État qui ont pensé cette initiative recherchaient l'intérêt national de leur État mais aussi celui de tous les États africains. C'est pourquoi le compromis autour du NEPAD a connu un succès aussi remarquable que l'institution des programmes de coopération technique au sein de l'Union Africaine.

PARAGRAPHE II : L'institution des programmes de coopération technique comme une manifestation de l'intérêt national altruiste

L'idée de « programme de coopération technique » en Afrique trouve sa source dans la convention interafricaine portant établissement d'un programme de coopération technique signée à Kampala en Ouganda le 1er août 1975 sous l'égide de l'OUA. Cette convention part de l'idée fondamentale selon laquelle, « la coopération des pays africains dans l'utilisation de leurs ressources humaines est essentielle et contribuera à l'instauration d'une solidarité plus étroite et au développement économique de leurs peuples232 ». Cette convention a entre autres pour objectif de « permettre aux pays africains qui possèdent suffisamment de cadres qualifiés d'en mettre à la disposition de ceux des pays africains qui en ont besoin233 ». Elle est essentiellement limitée aux ressources humaines.

L'Union Africaine reprenant l'esprit et une partie de la lettre de cette convention en l'élargissant et en mettant sur pied des programmes de coopération technique, sortes d'appuis ponctuels qu'elle apporte aux États pour résoudre des problèmes transversaux que connaissent les pays africains dans divers domaines234. La contribution des États à ces programmes de coopération technique est une manifestation de l'intérêt national altruiste dans la mesure où ces

232 Préambule de la convention interafricaine portant établissement d'un programme de coopération technique, 1er

aout 1975, Kampala, Ouganda.

233 Ibid.

234 Guy MVELLE, Op. Cit. p. 48.

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programmes appellent aux partages de compétences entre les États dans plusieurs domaines. Au nombre de ces programmes, nous citons le Programme Frontière de l'Union Africaine235, le Conseil Phytosanitaire Interafricain236 et le Programme Détaillé pour le Développement de l'Agriculture africaine237. De ces programmes, le Programme Frontière de l'UA connait un début de réalisation. C'est ainsi qu'en janvier 2010 la démarcation des 413 kilomètres de frontière qui sépare le Mali et le Burkina Faso a été achevée avec la pose de la 1072e borne symbolique238. Dans la même lancée, les Comores, le Mozambique et la Tanzanie ont procédé le 5 décembre 2011 à la signature de quatre accords sur la délimitation de leurs frontières maritimes communes; première délimitation des frontières maritimes dans le cadre du PFUA239. Ces Quatre accords sont : l'accord sur la délimitation de la frontière maritime entre la République du Mozambique et l'Union des Comores; l'accord sur la délimitation de la frontière maritime entre la République Unie de Tanzanie et la République du Mozambique (qui abroge l'accord conclu le 28 décembre 1988 entre ces deux États) et enfin l'accord entre l'Union des Comores, la République du Mozambique et la République Unie de Tanzanie sur le point triple de l'océan Indien240.

Le début de réalisation de ce programme est non seulement au service des intérêts des États membres mais aussi contribue à la consolidation du processus d'intégration régionale en Afrique. Car il laisse entrevoir une manifestation de la volonté des États de mettre en application les programmes de coopération technique de l'UA. L'institution des programmes de coopération technique est une manifestation concrète de l'intérêt national altruiste dans la mesure où elle connait l'assentiment des États comme le montrent les programmes cités ci-haut. Les programmes de coopération technique constituent pour le processus d'intégration régionale en Afrique des construits d'intérêt national altruiste.

235 Ce programme fait l'objet d'une déclaration adoptée par la Conférence des ministres africains chargés des questions de frontières à Addis-Abeba le 07 juin 2007 a pour objectif la prévention structurelle des conflits et la promotion de l'intégration régionale et continentale.

236 Le conseil Phytosanitaire interafricain est une organisation régionale de protection des végétaux, qui met à la disposition des pays membres de l'UA des informations sur la protection des produits végétaux et veille sur la situation phytosanitaire de l'Afrique.

237 Ce programme a été conçu pour faire face aux défis majeurs posés à l'agriculture en Afrique.

238 Guy MVELLE, Op. Cit. p.49.

239 Ibid. p. 50.

240 Ibid.

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SECTION II : L'IMPACT DE L'INTÉRET NATIONAL ALTRUISTE SUR L'INTÉGRATION AFRICAINE : ÉTUDE DE CAS

La recherche de l'intérêt national sur la scène régionale peut être catalyseur du processus d'intégration régionale. Les exemples de l'adhésion de la Guinée Équatoriale et de l'Afrique du Sud respectivement à l'UDEAC (PARAGRAPHE I) et à la SADC (PARAGRAPHE II) nous permettent de mieux comprendre comment un État à la recherche de son intérêt national peut booster le processus d'intégration régionale.

PARAGRAPHE I : L'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC/ CEMAC : de la recherche de l'intérêt national à la consolidation de l'intégration régionale en Afrique centrale

La Guinée Équatoriale fut pendant longtemps isolée en Afrique Centrale par ses voisins. Dans l'optique de sortir de l'autarcie dans sa sous-région et de valoriser son intérêt national, elle a adhéré à l'UDEAC en 1983 (I). La Guinée Équatoriale à la recherche de son intérêt national a subsidiairement permis la revalorisation et l'évolution de l'UDEAC/ CEMAC (II)

I- La recherche de l'intérêt national comme facteur d'adhésion de la Guinée Équatoriale à L'UDEAC

L'adhésion de la guinée Équatoriale à l'UDEAC a été favorisée par un certain nombre de facteurs liés à la pauvreté de cet État et à son isolement géographique et linguistique. Ces mobiles combinés l'ont amené à obtenir des gains de son adhésion à l'organisme sous-régional

1- Les mobiles de l'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC

Depuis la période précoloniale, plusieurs facteurs amènent les peuples de la Guinée Équatoriale à coopérer avec ceux du Cameroun et du Gabon241. Mais avec la prise de pouvoir par

241 Il s'agit des affinités ethniques, du désir de regroupement des populations des trois pays, des différentes migrations transfrontalières pendant la période coloniale. Cf. chapitre 2 Charly Delmas NGUEFACK TSAFACK, La Guinée Équatoriale et ses voisins francophones de 1960 à 1983 : des relations conflictuelles à la coopération, Mémoire de Master en Histoire des relations internationales, Université de Dschang, Dschang, 2011.

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Obiang NGUEMA MBASOGO, l'idée de coopération entre les trois États fut accélérée par la pauvreté du petit État et l'isolement de ce dernier par ses voisins.

a) La Guinée Équatoriale, pays pauvre de la sous-région dans les années 70 et 80

La pauvreté de la Guinée Équatoriale à la fin des années 70 et au début des années 80 est l'un des facteurs, voire le principal, qui l'oblige à négocier son entrée dans l'UDEAC. Il s'agissait pour le régime d'Obiang NGUEMA d'échapper à l'isolement et aux difficultés économiques en cherchant la survie dans l'intégration sous-régionale242. Les difficultés économiques de la Guinée Équatoriale pendant les années 70 sont dues en grande partie à la rupture des relations avec l'ex-métropole et l'isolement du petit État par ses voisins francophones.

La dictature nguémiste avait provoqué le départ des investisseurs espagnols et internationaux, le rapatriement de la main d'oeuvre nigériane et l'exil des intellectuels. La baisse de la production due au départ des nigérians et à l'abandon des plantations coloniales espagnoles favorisa à partir de 1977 le recul des échanges commerciaux avec les voisins et l'Espagne. L'Espagne avait aussi négligé le marché équato-guinéen à cause de son adhésion à la CEE (actuellement Union Européenne). La Guinée Équatoriale vivait désormais dans une dépendance financière de l'Espagne.

Le 12 mai 1969, des accords de paiement et de documentation furent signés entre l'Espagne et la Guinée Équatoriale. Ces accords garantissaient la convertibilité de la Peseta équato-guinéenne sur une parité fixe avec la peseta espagnole. Ils stipulaient qu'en contrepartie, la Guinée Équatoriale devait vendre à l'Espagne au moins 50% de son cacao, 6 000 tonnes de café et 215 000 tonnes de bois. Avec ces accords, la balance commerciale équato-guinéenne restait déséquilibrée en faveur de l'Espagne243. Sur le plan financier, la Guinée Équatoriale souffre de l'inconvertibilité de l'Ekwélé et de l'élévation des taxes douanières par les voisins

242 Jean KOUFAN, Casimir TCHUDJING, « Un exemple de blocage du processus d'intégration en Afrique Centrale : la persistance des facteurs conflictuelles entre la Guinée Équatoriale et ses voisins francophones depuis 1979 » in Daniel ABWA ., Jean Marie ESSOMBA, Martin NJEUMA. Charles de la RONCIERE (dir.), Dynamiques d'intégration régionale en Afrique Centrale, actes du colloque de Yaoundé, 26-28 Avril 2000 Tl, Yaoundé, PUY, 2001, p.327.

243 Paul Gérard NSAH-VOUNDY, Le petit État dans les Relations internationales : la Guinée Équatoriale et ses voisins, Thèse de doctorat du 3e cycle en Relations Internationales, IRIC, Yaoundé, 1990, pp. 136 ; 137.

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francophones. A partir de 1973, la Guinée Équatoriale exige à l'Espagne le paiement de ses exportations en Dollars et crée sa propre monnaie en 1975, l'Ekwélé, abandonnant la parité avec la peseta espagnole. Mais cette monnaie n'était pas convertible. Les crises économiques et monétaires équato-guinéennes obligèrent le pays à se rapprocher de ses voisins francophones dès le début des années 80.

b) L'isolement géographique et linguistique de la Guinée Équatoriale

Avant 1982, la Guinée Équatoriale était isolée géographiquement et linguistiquement dans la sous-région Afrique Centrale. Cet isolement ne lui permettait pas de décoller économiquement ; ses relations étant tendues avec l'Espagne. Or, avec l'avancée du monde, aucun pays ne peut s'en sortir s'il vit en autarcie. Les deux voisins francophones jadis ennemis de l'État hispanophone étaient les premiers qui pouvaient l'aider à sortir de son isolement géographique. La Guinée Équatoriale constitue « une enclave244 » en Afrique Centrale et dans les relations internationales contemporaines, les États voisins forment régulièrement des communautés économiques pour assurer leur prospérité. Étant donc limitrophe du Cameroun et du Gabon, son adhésion à l'UDEAC était une occasion à saisir. L'une des raisons qui aurait amené la Guinée Équatoriale à adhérer à l'UDEAC est l'emprise du voisinage245. Dans un ouvrage publié en 1985, Obiang NGUEMA reconnaît que « compte tenu de notre situation géographique qui nous impose un voisinage commun, nous avons décidé de développer la coopération et les échanges avec les États de la sous-région, en dépit des obstacles artificiels ou factices, conscients qu'un déséquilibre dans la sous-région nous affecterait246 ». L'autre raison pour laquelle la Guinée Équatoriale adhère à l'UDEAC est la peur d'annexion de son territoire par ses deux voisins francophones. Comme le note NSAH-VOUNDY, « pour échapper à l'annexion, un petit État peut adhérer à des instituions d'intégration fonctionnelle car l'appartenance à des instituions communes atténue les conditions d'antagonisme dans une sous-région ; les États étant liés par les règles de coopération en vigueur dans les institutions247 ».

244 Ici le terme enclave est utilisé dans un sens figuré. Il signifie que la Guinée Équatoriale était isolée entre le Cameroun et le Gabon.

245 Charly Delmas NGUEFACK TSAFACK, La Guinée Équatoriale et ses voisins francophones..., Op. Cit., p.100.

246 Theodoro Obiang NGUÉMA MBASOGO, Guinea ecuatorial : un pais joven, Malabo, Ediciones Guinea, 1985, p.321.

247 Paul Gérard NSAH-VOUNDY, Le petit État dans les relations internationales..., op. cit., p.291.

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La Guinée Équatoriale était aussi isolée sur le plan linguistique en Afrique Centrale. Elle est le seul pays hispanophone de la sous-région. Sa langue et sa culture ne lui permettent pas de collaborer franchement avec ses voisins francophones. C'est l'une des raisons pour lesquelles le pays s'est battu pour adhérer à l'UDEAC et adopter le français comme deuxième langue officielle. En poursuivant son intérêt national, la Guinée Équatoriale négocia son intégration à l'UDEAC qu'elle intègre en 1982 afin d'y adhérer définitivement en 1983.

2- Les gains de la Guinée Équatoriale pour son adhésion à l'UDEAC

L'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC a eu des incidences politiques et économiques. Le pays jadis excentré, isolé de son environnement immédiat par la langue officielle, la monnaie, le régime politique, les alliances extérieures, tire des avantages de son entrée à l'UDEAC. La Guinée Équatoriale, soucieuse de maîtriser cet environnement, qui à la veille de son indépendance lui paraissait hostile créa par son entrée dans l'UDEAC des conditions de coopération dans la sous-région. Elle mit fin à son isolement politico-culturel, et traduisit par son adhésion à l'institution, une rupture avec la politique isolationniste de Macías NGUEMA. NKOU Anatole, en envisageant en 1976 l'entrée de la Guinée équatoriale à l'UDEAC affirme que l'adhésion à l'institution permettait « d'écarter le spectre de l'isolationnisme qui plane sur lui ; pris comme il l'aurait été entre deux blocs d'inégales puissances, il est vrai le Nigeria d'un côté et les pays francophones de l'autre248 ».

L'adhésion à l'UDEAC a conféré une visibilité politique à la Guinée Équatoriale. Elle lui a permis d'échapper à l' « insignification » car on pourrait appliquer spécialement à ce pays les caractéristiques dégagées par Georges NGANGO sur les États de la région : « non viabilité économique des espaces, potentialités limitées en ressources humaines ; pouvoir de négociation limité entre l'État et les conglomérats étrangers opérant dans plusieurs nations prises dans leur globalité (...) Le salut réside, pour échapper à l'isolement et à l'exploitation, dans l'intégration249 ».

248 Anatole Marie Fabien NKOU, Le Cameroun et ses voisins, Thèse de doctorat troisième cycle en Relations internationales, IRIC, Yaoundé, juin 1996, p.118.

249 Georges NGAONGO, « Notes de cours de planification et de stratégie du développement » cité par CHUNGONG AYAFOR, The political dimension of regional economic integration in Africa : the UDEAC case, Thèse de doctorat troisième cycle en Relations internationales, IRIC, Yaoundé, 1976, p.22.

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II- L'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC/CEMAC et les implications subséquentes sur l'intégration régionale en Afrique Centrale

La Guinée Équatoriale en poursuivant son intérêt national sur la scène régionale a permis la consolidation et le renforcement du processus d'intégration régionale. Ce qui a permis à d'autres États d'accéder à des postes qui auparavant ne leur revenaient pas. Devenue membre de l'UDEAC, la Guinée Équatoriale était dépourvue des postes de responsabilité dans la sous-région. Avec la découverte du pétrole sur son territoire, elle s'est développée d'une manière exponentielle et a commencé à revendiquer des postes de responsabilité au sein des institutions, organes et institutions spécialisées de la CEMAC. Cette quête de leadership l'a amenée à revendiquer et obtenir la fin du Consensus de Fort-Lamy. La fin de ce consensus a permis aux autres États de la CEMAC d'accéder aux postes de responsabilité.

1) Le Consensus de Fort-Lamy remis en cause par la Guinée Équatoriale

Adopté en 1975, le consensus de Fort-Lamy (de l'ancienne appellation de la capitale du Tchad, N'Djamena) est un accord conventionnel non écrit de l'ordre de la coutume, rompu lors du sommet de Bangui en 2010. Par cette entente tacite, la répartition des postes au sein des institutions communautaires disposait que le Cameroun, abritant le siège de l'institut d'émission monétaire communautaire, ne pouvait pas aspirer à la direction de la BEAC, laquelle revenait à un gabonais pour un mandat de sept ans renouvelable. Un ressortissant congolais devait présider aux destinées de la Banque de développement des États de l'Afrique centrale (BDEAC) qui vit le jour cette même année. Le secrétariat exécutif de la CEMAC (devenu la Commission en 2007) revenait à un camerounais, tandis que le siège se trouverait à Bangui en RCA. Le poste de secrétaire général de la BEAC était occupé par un ressortissant tchadien.

Le consensus de Fort-Lamy rappelle les accords de Bretton Woods à la suite desquels, selon une règle non écrite, c'est un Américain qui préside toujours aux destinées de la Banque mondiale, tandis que le FMI est dirigé par un Européen. Il rappelle également celui qui prévaut aux Nations Unies et qui fait que le secrétariat général est dirigé par un État non membre permanent du Conseil de Sécurité. Lors du sommet de janvier 2010 en République centrafricaine, les Chefs d'État des pays membres de la CEMAC ont remis en cause le consensus de Fort-Lamy. Ce changement du rapport de force est le fruit de l'activité de la Guinée

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Équatoriale qui, du fait de son enrichissement, a travaillé à imprimer sa marque et ses préférences au sein de la CEMAC250. Ici, on est en présence du postulat gilpinien de l'enrichissement qui induit le changement d'hégémonie dans un système donné251.

Les acteurs, pense GILPIN, ont tendance à considérer que leurs intérêts seront mieux servis par un nouveau type d'arrangement institutionnel. Car les institutions reflètent en général les intérêts de l'acteur le plus puissant d'un système. C'est ce qui explique que les changements d'ordre économique, technologique... affectent le comportement des États au sein de certains systèmes internationaux. Nous pouvons penser que, sur la foi de cette conviction, la Guinée équatoriale, ayant acquis une puissance économique relative du fait de ses hydrocarbures, aura eu le souci de modifier un ordre qui lui était défavorable depuis ses origines. Et ipso facto, elle a travaillé à instaurer un arrangement institutionnel allant dans le sens de la préservation de ses intérêts, mais aussi ceux de la communauté. Ainsi, ce qui se joue au sein de la CEMAC depuis 2006 est la traduction des changements induits par le fait des avancées économiques de la Guinée Équatoriale. On assiste alors à un « changement systémique252 », c'est-à-dire à une redistribution des rôles au sein du système CEMAC, causée par l'influence d'un État qui connaît un certain succès dans la redéfinition de la configuration du pouvoir dans l'institution communautaire. Aussi la description de la situation, en obéissant au souci de répondre à l'interrogation relative au pourquoi de la condescendance et de l'activisme observés dans le comportement de la Guinée Équatoriale, permet-elle de lire son enrichissement important comme le déclencheur fondamental des réformes institutionnelles et l'élément explicatif de la posture et des positions adoptées par cet État à certains moments de l'histoire communautaire.

2) La poursuite de l'intérêt national de la Guinée Équatoriale comme facteur d'assainissement de la CEMAC

Loin de penser que la mise en oeuvre du programme de réformes institutionnelles de la CEMAC en 2006 est un prétexte, nous pouvons considérer à l'observation que la Guinée Équatoriale, à partir de cette année et à la faveur de ce programme, s'est illustrée par une « prise

250 Paul Elvic BATCHOM, « La rupture du consensus de Fort-Lamy et le changement du rapport de force dans l'espace CEMAC », Études internationales, volume XLIII, no 2, juin 2012, pp.147-167.

251 Robert GILPIN, War and Change World Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, p.41.

252 Robert GILPIN, War and Change World Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, pp.42-43.

253 Kathryn SIKKINK et Martha FINNEMORE, 1998, « International Norms Dynamics and Political Change », International Organization, vol. 52, n° 4 : 887-917.

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de parole » au sens de Michel de CERTEAU. C'est-à-dire une somme de positions et de postures qui, par rapport à des questions fondamentales de la sous-région, frise une « rupture instauratrice » ; une attitude qui, en rompant avec l'orthodoxie CEMAC, signifie en même temps l'avènement d'une période nouvelle où la Guinée Équatoriale entend affirmer son droit au chapitre. Son engagement multiforme à faire de la sous-région une communauté qui fonctionne s'est traduit par la commission d'un audit institutionnel des institutions communautaires. Ainsi, en février 2006, la Guinée équatoriale s'est attaché les services du cabinet international d'audit Performances Management Consulting auquel elle aurait versé 2 milliards FCFA d'après un cadre de l'administration camerounaise fortement impliqué dans le processus d'intégration régionale ; même si les autorités guinéennes affirment n'avoir versé que 700 millions FCFA à ce cabinet. Quelle que soit la raison qui nourrit cette bataille de chiffres, le fait est que, sans concertation avec les autres États membres et sans leur demander une contribution pour cet audit, la Guinée a pris l'initiative de le commanditer dans le but de faire reposer son programme de réformes de la CEMAC sur un diagnostic concret et crédible.

Le diagnostic qui a conduit à la mise sur pied du programme de réformes institutionnelles en zone CEMAC révèle trois domaines majeurs de dysfonctionnement : la gouvernance au sein des institutions communautaires, une intégration effective des populations qui passerait notamment par la libre circulation des biens et des personnes. Et le passeport CEMAC est de ce point de vue une solution au problème. Enfin, le décollage de la compagnie communautaire Air CEMAC constitue le troisième aspect. Comme le disent SIKKINK et FINNEMORE253, tout entrepreneur de norme a besoin d'une plateforme, c'est-à-dire, d'une instance institutionnelle où l'on débat légitimement d'une norme. Si nous considérons le programme de réformes comme la plateforme où la Guinée Équatoriale fait montre d'entreprise de normes, il convient de considérer plus abondamment la posture de cet État qui, en prenant cette initiative, s'affirme comme un acteur sous-régional avec qui il faut désormais compter, c'est-à-dire, qui sort du silence longtemps imposé par son statut de « petit pays ».

Ainsi, la gouvernance des institutions CEMAC est devenue l'un des piliers de la bataille au point que, dès la mise sur pied du comité de pilotage des réformes institutionnelles, la Guinée

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en a pris le contrôle. Par un effet de coalition avec certains États faibles de la communauté, tels que le Tchad et la RCA, le président Obiang NGUEMA est devenu le président dédié au programme de réformes institutionnelles de la CEMAC. Grâce à ce statut qui autorise à la condescendance, sa position va gagner en autorité sur certains dossiers, tels que la circulation des biens et des personnes, le passeport et la compagnie aérienne communautaire « Air CEMAC », la gouvernance des institutions, etc. Les prises de position véhémentes et la pression de la Guinée Équatoriale dans le cadre du pilotage du comité de réformes institutionnelles vont provoquer une prise de conscience des problèmes de la CEMAC et montrer sous un jour nouveau les différents scandales, notamment au bureau extérieur de Paris254. Cependant, dès avril 2007, le comité de pilotage publie son premier rapport dans lequel, de façon explicite, le comité recommande le remplacement du secrétariat exécutif par une commission, la création de trois directions générales de la BEAC et de douze directions techniques. À l'occasion du sommet tenu à N'Djamena, le comité, sous la houlette de la Guinée équatoriale qui pilote le comité de réformes de la CEMAC obtient que M. Jean-Félix MAMALEPOT soit relevé de ses fonctions de gouverneur et remplacé à titre intérimaire par M. Roger Rigobert ANDELY, de nationalité congolaise. La Guinée Equatoriale a donc ainsi tapé le pied dans la fourmilière en proposant la fin du consensus de Fort-Lamy. En effet, chose inimaginable jusque-là, le président Obiang NGUÉMA envisageait que la rotation par ordre alphabétique soit imposée à la tête des institutions communautaires, notamment à la Commission de la CEMAC pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois et à la BEAC pour sept ans non renouvelables. Dans une sous-région dont le Gabon et le Cameroun ont été pendant longtemps les maillons forts, le premier étant un État pétrolier important et le second étant considéré comme la locomotive économique, le ton et la position de la Guinée équatoriale sur ces sujets et consensus gardés silencieux sont un signe d'irrévérence par rapport aux autres États255. Cette analyse nous montre que la recherche de l'intérêt national de la Guinée Équatoriale a permis à la CEMAC de connaître des évolutions inattendues et inespérées. Cela est un exemple de la recherche de l'intérêt national altruiste, car la Guinée Équatoriale en recherchant son intérêt national a impulsé le processus d'intégration

254 Entre 2004 et 2008, il y a eu des détournements massifs de fonds au bureau extérieur de la BEAC à Paris, avec la complicité manifeste de certains hauts cadres des services de Yaoundé. L'interpellation d'Armand Brice NDZAMBA, ex-comptable au BEP, et de certains membres de sa famille en octobre 2009 a permis de découvrir la gravité d'une affaire qui va révéler au public le détournement de plus de 16,5 milliards de francs CFA.

255 Paul Elvic BATCHOM, « La rupture du consensus de Fort-Lamy..., op.cit, p.158.

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régionale en zone CEMAC. Cette quête de leadership a aussi profité aux autres États membres de la CEMAC qui n'avaient pas voix au chapitre en ce qui concerne certains postes de responsabilité.

PARAGRAPHE II : L'Afrique du Sud dans la SADC : une adhésion motivée par l'intérêt national et un facteur d'impulsion de l'intégration régionale

Depuis la fin du régime de l'Apartheid et l'arrivée au pouvoir de l'ANC en République d'Afrique du Sud en 1994, le continent africain connaît une transition de puissance. L'Afrique du Sud joue aujourd'hui un rôle majeur et souvent grandissant dans de nombreux domaines. Alors que la démocratisation du pays et ses difficultés internes (pauvreté, criminalité, persistance de la discrimination raciale, conséquences économiques de la crise asiatique) ont retenu l'attention des observateurs, la diffusion de sa puissance, ses actions extérieures et leur impact sur l'intégration régionale ont été plus négligées. La présence et l'implication de l'Afrique du Sud ont pourtant modifié la distribution de la puissance et transformé les logiques de l'intégration régionale en Afrique australe et au-delà. L'impact de l'Afrique du Sud sur l'intégration ne date naturellement pas de l'élection de Nelson MANDELA à la présidence. La Southern Africa Customs Union (SACU), constituée en 1910 était avec la zone franc un des rares régimes d'intégration sectorielle exerçant une réelle influence en Afrique australe. Mais depuis 1994, le mouvement s'est accéléré et a pris en réalité une toute autre ampleur256. L'Afrique du Sud dans la recherche de ses intérêts (A) a favorisé le développement de l'intégration régionale en Afrique australe (B).

256 Les banques sud-africaines dominent largement le continent les fournisseurs de biens de grande consommation en Afrique sont souvent sud-africains un des cinq plus importants brasseurs au monde par exemple est la SouthAfrican Breweries Ltd La Southern African Development Co-ordination Conference SADCC) transformée en août 1992 en Southern African Development Community SADC) pour objectif de consolider et de préserver une communauté de paix et de sécurité dans la région tout en favorisant la coopération sectorielle et intégration régionale comme illustre le corridor de Maputo La volonté des dirigeants sud-africains de diversifier économie régionale et instituer une zone de libre-échange horizon 2004 concerne directement des enjeux couramment considérés comme transnationaux tels les transports les communications et la météorologie.

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I- La volonté de puissance comme motif de l'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC

La puissance militaire constitue un des aspects importants de l'intégration régionale sur le plan institutionnel (organe de la SADC chargé de la politique de la défense et de la sécurité) sur celui des armements conventionnels (ventes et achats d'armes) ainsi que pour ce qui concerne la dimension nucléaire (même si l'Afrique du Sud a officiellement décidé de démanteler son programme). Ce régionalisme n'est pas à proprement parler transétatique mais profondément influencé par la République d'Afrique du Sud. L'emprise du régionalisme sous différentes formes est liée aux ressources de l'État sud-africain. La restructuration et la recomposition régionales proviennent de la puissance exercée par un État. De plus une stratégie régionale est officiellement légitimée par les dirigeants du pays notamment par le président Thabo MBEKI (dont Nelson MANDELA s'était dit en ce domaine le disciple). Celui-ci a développé la notion de renaissance africaine qui fournit une idéologie assez lâche mais efficace permettant d'articuler différentes dimensions du panafricanisme tel qu'il est conçu par les dirigeants sud-africains. Le thème de la renaissance africaine identifie et légitime différentes formes transnationales de la puissance par exemple le rôle des intellectuels et de la culture. Ce travail de légitimation est à examiner dans le contexte particulier d'une tradition de culpabilisation de l'Afrique du Sud assimilée par les États de la région à l'oppression interne et à l'agression externe. Dès lors les dirigeants sud-africains, s'ils tiennent compte des déséquilibres de la puissance hésitent à mobiliser explicitement un répertoire de légitimité fondé sur la puissance257.

De plus cette intégration régionale est liée au système international dans son ensemble et aux aspects régionaux de la politique extérieure des États-Unis. L'Afrique du Sud apparaît comme un « État-pivot258 ». Les relations entre l'Afrique du Sud et l'Union Européenne permettent de poser la question des relations entre blocs régionaux. À la fin du XIXe siècle, le banquier Cecil RHODES (1853-1902), exploitant les mines de diamant du Transvaal rêvait une Afrique unie sous la domination britannique du Cap au Caire. Ce n'est pas le moindre paradoxe de la situation actuelle que son rêve semble devenir réalité sous impulsion de la République

257 Pascal VENNESSON, Luc SINDJOUN, « Unipolarité et intégration régionale : l'Afrique du Sud et la «renaissance africaine », Revue française de science politique, 50e année, n°6, 2000. pp. 915-940.

258 Robert CHASE, Emily HILL and Paul KENNEDY (eds), The Pivotal States. A New Framework for U.S Policy in the Developing World, New York, Norton, 1999, pp.1-11.

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d'Afrique du Sud. Quoi il en soit, la relation entre puissance et intégration régionale mérite un examen approfondi pour comprendre quelques-unes des dynamiques essentielles des relations internationales aujourd'hui.

Le choix par la République Sud-Africaine d'une diplomatie internationale par le biais du multilatéralisme est guidé par trois vecteurs. Le premier réside dans la complexité croissante de l'interaction internationale sur toutes les sphères de la vie humaine259 et le rôle des organisations internationales dans la réconciliation et l'harmonisation des intérêts divergents. Le second est son statut de puissance moyenne qui aspire à l'instar des autres puissances moyennes, à un environnement international stabilisé, puisque la caractéristique d'une puissance moyenne ou émergente, encore plus pour la République Sud-Africaine, est le rapport entretenu avec les organisations internationales multilatérales. Aussi, l'exercice de l'influence au niveau multilatéral apparaît comme le socle selon Robert COX et Timothy SINCLAIR de la «responsabilité » et de la « citoyenneté globale »260. Le troisième vecteur est la volonté du pays en vertu de ses ambitions internationales de jouer un rôle non négligeable sur le plan continental et international. Cette perception du rôle que peut jouer la République Sud-Africaine sur le plan international a été mise en lumière par des hommes politiques américains. Ainsi, l'ancien ambassadeur des États-Unis en Afrique du Sud, Princeton LYMAN parle de « destinée sud-africaine ». De même, les propos de Warren CHRISTOPHER, ancien Secrétaire d'État américain sous la première administration CLINTON, sont sans ambigüité : « Dans le monde, je vois peu de pays avec un grand potentiel que la Nouvelle Afrique du Sud pour aborder le 21ème siècle »261. La prégnance des facteurs politiques et économiques qui ont caractérisé le début des années 1990, de même que l'intérêt national sud-africain, ont rendu nécessaire une redéfinition des relations entre la République Sud-Africaine et ses voisins. La traduction est la contribution sud-africaine à la revitalisation politique, sociale et économique régionale262.

259 La mondialisation, caractérisée par la montée du terrorisme, l'écart économique entre le Nord et le Sud, l'immigration en hausse dans les pays développés et les guerres civiles, sont autant de facteurs qui militent en faveur d'une restructuration de l'architecture globale.

260 Robert W. COX & Timothy J. SINCLAIR, (eds), Approaches to World Order, Cambridge University Press Cambridge, 1996.

261 Warren CHRISTOPHER, «The US View of South Africa », International Update, 19, 1996.

262 Pierre-Paul DIKA ELOKAN, « La politique étrangère de la nouvelle Afrique du Sud : les défis de la conciliation entre intérêt national, intérêt continental et mondialisation », Thèse de Doctorat en Droit public, Université de Reims Champagne-Ardennes, 2007, p.299.

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II- L'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC : une contribution à la reconstruction de l'architecture supranationale de l'organisation régionale

La zone australe du continent, espace économique privilégié de la RSA, laissait le champ libre, en vertu des ambitions internationales du pays, à un espace de coopération politique par la voie d'une intégration poussée, à travers notamment la participation de la RSA à la réactivation, l'amélioration et la restructuration des institutions de la SADC. L'entrée de la RSA dans la SADC a eu pour corolaire la recherche de légitimation géopolitique, historique ou culturelle. De même, cette institution régionale apparaissait, à la différence de l'APEC (Asian Pacific Economic Co-operation) et de l'IOR (Indian Ocean Rim) plus tard qui fonctionnent sur la base d'un régionalisme « ouvert »263 comme le premier ensemble régional et l'organisation la plus à même de permettre l'intégration de la RSA dans une architecture institutionnalisée.

L'adhésion à la SADC s'est faite dans la lignée de la SACU (Union douanière d'Afrique australe et dont les pays sont membres de la SADC)264 qui existe depuis 1910 avec pour chef de file la RSA. La SADC est la seconde organisation régionale à avoir été intégrée par le pays265. Dans le cadre de la reconstruction de l'architecture régionale, l'optique d'une meilleure efficacité d'action en était le corollaire. A cette fin, la RSA s'est appuyée sur la SADC, sur la base des critères politiques, pour institutionnaliser l'Organe Politique de Défense et de Sécurité (OPDS).

263 Ces deux organisations ont la particularité d'être interrégionales. L'IOR est une organisation de coopération sectorielle dont la RSA est membre, avec notamment un fort développement du commerce, et en ligne de mire une zone de libre échange. En effet, en vertu du nombre (14) et à la taille (les pays riverains de l'Océan indien, plus des pays candidats comme la France, l'Iran, l'Égypte et le Japon), cette organisation (IOR) est destinée à fonctionner à la carte, sur la base de projets présentés lors de réunions ministérielles et de forums internationaux. Ce qui témoigne d'une souplesse institutionnelle puisque son fonctionnement et l'adhésion de nouveaux membres ne répond pas à un critère géographique. Il s'agit de créer un environnement propice aux investissements croisés, et aux entreprises d'améliorer les moyens de communication et l'échange régulier entre États.

264 La Southern African Custom Union est en effet une Union douanière originale et l'une des plus anciennes au monde. Composée des pays BNLS (Botswana, Namibie, Swaziland et Lesotho), toute son organisation repose sur le parrainage de l'Afrique du Sud. Elle a pour fondement, à l'instar de toutes les unions douanières, la libre circulation des marchandises, un tarif extérieur commun et un produit de recettes communes. Cet accord douanier est unique puisqu'il protège les industries de production des pays membres les moins développés. Il existe un mécanisme de compensation financière de l'Afrique du Sud. De même, cette union a une monnaie commune qui est le rand sud-africain. C'est la seule existant sur le continent africain avec le franc CFA. C'est la Banque centrale sud-africaine, la South African Reserve Bank qui centralise les devises et garantit la couverture des monnaies, bien que depuis 1993, la Namibie ait sa propre monnaie, le dollar namibien.

265 Sommet de Gaborone, (Botswana) 29 août 1994.

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1- La SADC, vecteur de la politique de coopération de la RSA

Cette politique se combine aux objectifs de la SADC. Elle implique en effet un haut degré de coopération économique, une assistance mutuelle, ainsi qu'une planification cohérente, en ce qui concerne les réalités socio-économiques, environnementales et politiques266. Dès lors, à l'intérieur de la région, la SADC sera et demeurera le premier vecteur de la politique et l'action du pays pour parvenir à un développement économique régional. La vision de l'État sud-africain se combine avec celle de la SADC. En effet, l'objectif principal de la SADC, comme son nom l'indique, est d'arriver à un développement et à une croissance économique, à la réduction de la pauvreté, à l'amélioration du niveau de vie des populations de l'Afrique australe au soutien de ceux qui sont socialement désavantagés par l'intégration régionale. C'est pourquoi la réalisation de ces objectifs doit passer par une intégration régionale poussée, et se fonder sur des principes démocratiques, un développement équitable et soutenu267. Aussi, les domaines de coopération adoptés par les 14 États membres de la SADC, reflètent assez bien la vision et les objectifs de la politique sud-africaine. Trois grands domaines forment la charpente de la coopération interétatique de la région. Le premier se focalise sur une profonde coopération économique et l'intégration, sur la base d'un équilibre, l'équité et le bénéfice mutuel, la promotion d'un accroissement de l'investissement et du commerce, un libre mouvement de facteurs de production à travers les frontières nationales.

Le second se focalise sur des valeurs économiques, politiques, sociales communes, à travers l'accroissement des entreprises et la concurrence, la démocratie et la bonne gouvernance, le respect de la règle de droit et la garantie des droits de l'Homme, la participation populaire et la réduction de la pauvreté. Et enfin, le troisième a trait à la solidarité régionale, la paix et la sécurité, dans l'objectif de permettre aux populations de la région de vivre et de travailler ensemble dans la paix et l'harmonie268. Ainsi, le développement concerté est à la base des relations entre les pays de la SADC, but somme toute logique du fait de la rupture avec le passé et au choix de la dénomination de la nouvelle architecture régionale dans la SADC qui met en lumière le mot communauté de développement. Ce développement concerté constitue en fin de

266 South Africa Year book, Foreign relations, 2003/2004, p. 315.

267 Article 5 du traité de la SADC amendé en 2001.

268 Article 5 du traité amendé en 2001 de la SADC et aussi, pour une présentation de la SADC, Notes et Études documentaires, n°5170-71, mai-juin 2003, pp.114-120.

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compte l'expression et le socle du tissage de la nature des relations avec la RSA. A cet égard, la position et la vision de la RSA témoignent de la place qu'occupe la RSA dans la SADC, en vertu de sa volonté d'immersion du pays dans le marché mondial par une diversification de ses partenaires. Elle se traduit par l'appui sur les organes déjà existants, leur restructuration afin de les rendre opérationnelles et les adapter à la mondialisation. L'action de la RSA, dans la vitalisation et la restructuration de l'architecture de la SADC, s`est opérée principalement à travers le comité de révision. En effet, la nécessité de la transformation de l'organisation sous-régionale pour la rendre en adéquation avec ses objectifs, doublée de la volonté sud-africaine de donner un nouveau sens à ses relations avec cette structure, a mis en orbite un comité de révision composé outre de cette dernière, du Mozambique, du Zimbabwe, le Malawi et la Namibie. La légitimité de ce comité résultait de son origine, c'est-à-dire d'une décision des chefs d'État et de gouvernement de la SADC, donnant mandat au conseil des ministres « d'entreprendre un examen critique des opérations des institutions de la SADC, incluant l'OPDS en vue de faire de la SADC un instrument plus effectif et efficace dans la construction de la communauté »269.

2- La contribution sud-africaine à l'institutionnalisation de l'OPDS et à son intégration dans la SADC

Cette intégration est la conséquence de la vision sud-africaine et de la volonté des États membres de se doter d'un organisme chargé de conduire et de gérer des actions de diplomatie préventive. Elle revêt de ce fait une importance capitale vers la construction d'une communauté de la sécurité270. Cet organe, qui a acquis une légitimité consécutive au protocole finalisant son lancement271 à l'occasion du sommet de la SADC le 14 août 2001 à Blantyre (Malawi), est l'expression du poids politique de la RSA et l'aspect politique de la gestion de la paix et de la sécurité en Afrique australe, de la rationalisation de l'outil de la SADC et de la politique régionale de la RSA. La mise en valeur de cet organe, sa place cardinale, tout comme son intégration à la SADC en 1996, résulte du poids politique de Nelson MANDELA. Elle est en effet la conséquence d'un processus qui s'est initié en 1996, deux ans après l'entrée de la RSA

269 SADC Secretariat: «Report on the review of Operations of SADC Institutions», Gaborone, p. 1.

270 Naison NGOMA, "SADC towards a security community?", African Security Review, vol.12, n°3, 2003, p.18-28.

271 Protocol on Politics, Defense, and Security, site de laSADC, http://www.sadc.int . et le site de l'ISS, http://www.iss.org.za/AF\RegOrg/unity_to_union/SADC.html. (En anglais, accédé le 26/04/2004.) Le protocole fut signé par 13 des 14 pays, l'Angola n'ayant pas signé pour des raisons administratives.

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dans la SADC272. La création de l'OPDS est le point de départ de la mise en place d'une approche globale de la sécurité en Afrique australe, qui est l'expression de la volonté de donner une structure institutionnelle à la construction et au maintien de la paix dans la région. Cette structure se compose de deux branches, l'une relative aux questions de défense et de sécurité, et l'autre relative aux questions politiques et diplomatiques. La volonté sud-africaine d'en faire un organe central dans la structure opérationnelle de la SADC résultait des oppositions politiques à l'intérieur de la SADC.

En effet en 1996, elle était présidée par Robert MUGABE273 désireux d'en faire une institution au fonctionnement autonome (capable de convoquer des sommets et prendre des décisions ad hoc) par rapport au secrétariat de la SADC qui était présidé par Nelson MANDELA274. Cette rivalité, qui était sous-tendue par des intérêts politiques et la volonté zimbabwéenne de retrouver l'influence régionale, a rendu difficile une politique commune de défense et de sécurité, ponctuée par des oppositions entre groupes de pays275. Les exemples les plus marquants du fonctionnement parallèle de l'organisme ont été en 1998, lors de la seconde guerre en RDC, l'intervention armée du Zimbabwe, de l'Angola et de la Namibie pour soutenir le régime en place, privilégiant la solution militaire au détriment de la solution diplomatique prônée par la RSA. Cette dernière de son côté est intervenue militairement et de façon calamiteuse en

272 Le traité instituant la SADC en 1992 prévoyait parmi d'autres, la coopération dans les domaines politiques, diplomatiques, les relations internationales, la paix et la sécurité. A cet égard, les résolutions et les recommandations de l'atelier sur la démocratie, la paix et la sécurité, qui ont eu lieu à Windhoek (Namibie) en juillet 1994, ont mis sur pied une réflexion et la volonté de s'engager formellement sur la voie de la coordination de la sécurité, la médiation dans les conflits, voire une coopération militaire. C'est la réunion à Gaborone (Botswana) des ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de la Sécurité en janvier 1996 qui mit en orbite cet organe.

273 Ancien leader des pays de la ligne de front, il semble qu'il ait obtenu cette fonction par soucis de compromis, le Botswana, alors Président de la S.A.D.C et hôte du siège du secrétariat de la SADC, voulait empêcher ce dernier de devenir le nouveau président de la SADC, le lui ont confié en compensation.

274 Qui fut à l'origine de la présidence tournante de la S.A.D.C, poste qu'il occupa jusqu'en 1999.Le président zimbabwéen avait par ailleurs proposé en 1995 la création de l'association des États d'Afrique australe (ASAS) l'Association of Southern African States. Cette association devait avoir vocation à succéder aux pays de la ligne de front. Une réunion avait eu lieu à Harare le 03 mars 1995 afin d'harmoniser les propositions de l'A.S.A.S et de la SADC. Comme l'OPDS, L' ASAS devait se composer de deux sous-comités, l'un sur les affaires politiques, l'autre sur les questions de défense et sécurité, avec une présidence tournante de deux ans. Cette association se voyait être le bras armé de la SADC. Cette question ne fut pas prise en considération lors du sommet des chefs d'État de la SADC en 1995 à Johannesburg.

275 Lire particulièrement à ce propos, Mark MALAN, « SADC and Subregional Security. Unde venis et quovadis ? », ISS Monograph 19, Halfway House, Institute For Security Studies, 1998; ainsi que Maxi VAN AARDT, « The Emerging Security Framework in Southertn Africa. Regime or Community ? », Strategic Review for Southern Africa, vol.19, n° 1, 1997, p. 1-30.

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septembre de la même année, au Lesotho aux cotés du Botswana sous l'égide de la SADC. L'éclatement des structures de sécurité, doublé de logiques divergentes a ainsi été un obstacle aux tentatives de solution276. Néanmoins, la nécessité d'une rationalisation de l'appareil régional de paix et de sécurité, apparaissait aux yeux de la RSA indispensable, voire capitale277. Aussi, la rationalisation de la structure duale, qui était source de dissensions a été corroborée par l'activation du projet politique. L'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC a contribué à la dynamique du processus d'intégration au sein de cette sous région.

Comme nous le constatons, l'intérêt national altruiste dans le processus d'intégration régionale a été perceptible lors du processus d'adoption du NEPAD. Cet intérêt national est aussi visible dans l'exécution des programmes de coopération technique de l'UA. Les exemples de l'adhésion de la Guinée Équatoriale dans l'UDEAC/CEMAC et de l'adhésion de l'Afrique du Sud dans la SADC nous ont permis de constater que l'intérêt national altruiste est catalyseur de l'intégration régionale en Afrique.

En définitive, à la lumière des cas pratiques ci haut énumérés, l'ambivalence de l'intérêt national exerce une double influence sur le processus d'intégration régionale en Afrique. En effet, alors que l'intérêt national égoïste qui est caractérisé par l'égoïsme des États et leurs stratégies est un obstacle audit processus, l'intérêt national altruiste démontré à travers l'adhésion de la Guinée Équatoriale à l'UDEAC/CEMAC et l'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC constitue un facteur de dynamisation. Pour parachever ledit processus, les États doivent s'inscrire dans la logique de la recherche de l'intérêt national altruiste.

276 En septembre 1998, lors du sommet de la SADC à Maurice, la commission tripartite (Mozambique, Namibie et Malawi), désignée pour faire son rapport sur le futur de cet organisme ne l'a pas rendu.

277 En août 1999, le sommet des Chefs d'État et de gouvernements de la SADC de Maputo (Mozambique) décida de réviser par l'entremise du Conseil des ministres (dont le nombre de réunions annuelles passa de deux à quatre en 2001), l'organe chargé de la supervision de toutes les institutions de la SADC, surtout cet organe, et de faire un rapport dans un délai de six mois sous la direction de Robert MUGABE.

CONCLUSION GÉNÉRALE

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Notre préoccupation centrale dans cette réflexion était d'élucider l'influence de l'intérêt national sur le processus d'intégration régionale en Afrique. Nous avons eu recours aux approches analytique, explicative et comparative, qui imposent l'interdisciplinarité et un examen critique des sources d'information. Ces approches nous ont permis de rendre compte non seulement de la relation entre l'intérêt national et l'intégration régionale mais aussi, de l'influence de l'ambivalence de l'intérêt national sur le processus d'intégration régionale qui a cours en Afrique depuis les indépendances.

En effet, l'ubiquité de la notion d'intérêt national fait d'elle une notion équivoque et ambivalente. Elle a évolué de sa vision égocentrique des réalistes et des libéraux pour recouvrir de nos jours une vision altruiste selon les constructivistes. Tous les courants de pensées sont unanimes sur la fonction de l'intérêt national comme le principe d'action de l'État sur la scène internationale, y compris de sa participation à un processus d'intégration régionale. C'est pourquoi les tentatives de rapprochement des théories de l'intérêt national à l'intégration régionale en Afrique ont permis de constater que chaque théorie de l'intérêt national favorise une perception particulière du processus d'intégration régionale en Afrique. Ainsi selon les réalistes et les libéraux, les États participeraient aux processus d'intégration régionale en Afrique pour rechercher leur intérêt national, qui est exclusive de l'intérêt national d'un autre État. Pour les constructivistes, les États adhèreraient audit processus pour la recherche des intérêts communs.

L'opérationnalisation des théories générales de l'intégration à la réalité de l'intégration régionale en Afrique nous a permis de constater que l'intégration régionale africaine cernée sous le prisme de l'approche de l'internationalisme libéral exalte un intérêt national altruiste. Cette conception de l'intégration régionale est au service de la résolution des problèmes concrets du peuple comme nous avons pu le démontrer avec les réalisations du NEPAD. Elle est aussi une intégration dépolitisée du fait de la prolifération des institutions spécialisées. L'application de l'approche de l'internationalisme libéral nous a permis de constater que cette vision favorise la formation des intérêts communs et est au service de l'intérêt national altruiste. L'opérationnalisation de la vision intergouvernementaliste à la réalité africaine de l'intégration régionale nous a permis de constater que l'importance du rôle et la place des gouvernements nationaux dans les grandes négociations en Afrique, et la prise en compte des préférences sociétales sont au service des intérêts égoïstes des États.

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A l'analyse, il nous a été donné de constater qu'il existe un continuum entre l'intérêt national et l'intégration régionale en Afrique. Autrement dit, l'intérêt national est le principe d'action et de participation des Etats au sein des organisations d'intégration en Afrique. En effet, l'intérêt national, quelque soit sa conception est la principale motivation de l'adhésion des États aux processus d'intégration. Aussi, la conception de l'intégration régionale en Afrique en fonction des approches de l'internationalisme libéral et de l'intergouvernementalisme permet de déterminer la nature des intérêts qu'exalte cette intégration.

L'ambivalence de l'intérêt national exerce une influence considérable sur le processus d'intégration régionale en Afrique comme nous l'avons constaté à l'épreuve des faits. L'intérêt national égoïste au regard de quelques manifestations que nous avons ressorties à savoir l'égoïsme des États membres et les comportements stratégiques de certains États face à l'action collective de l'UA, constitue un obstacle au processus d'intégration régionale en Afrique. Pour mieux illustrer l'impact de l'intérêt national égoïste sur ledit processus, les exemples de l'attitude du Maroc à l'occasion de son retrait de l'OUA et des États africains qui ne respectent pas les textes communautaires sur la libre circulation des personnes nous ont été d'un grand apport. L'intérêt national altruiste quant à lui, constitue un facteur de dynamisation du processus d'intégration régional en Afrique. En effet les différentes manifestations d'un tel intérêt national dans le processus d'intégration régionale en Afrique ont été perceptibles dans le passé à travers le processus d'adoption du NEPAD, et le sont actuellement dans la mise en oeuvre des programmes de coopération technique de l'UA. Pour démontrer l'importance de l'exaltation de l'intérêt national altruiste dans le processus d'intégration régionale en Afrique, nous avons pris le cas de l'adhésion de la Guinée Équatoriale au processus d'intégration régionale en Afrique Centrale CEMAC et l'adhésion de l'Afrique du Sud à la SADC. A l'étude de ces cas pratiques, il ressort que l'intérêt national altruiste est un facteur d'impulsion du processus d'intégration régionale.

En définitive, la réussite du processus d'intégration régionale qui est une alternative pour le développement de l'Afrique dépend aussi de la perception qu'ont les États dudit processus. Sans doute les aspérités des égoïsmes nationaux, des particularismes tenaces, des velléités

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hégémoniques et des querelles de leadership continuent d'entraver ledit processus278, mais les États doivent renoncer à une instrumentalisation autarcique et introvertie de leur souveraineté, créer les conditions optimales d'une osmose entre leurs intérêts individualistes et intérêts communs. Car « la volonté politique d'un État de soutenir une organisation est à la mesure de l'utilité qu'elle représente pour la conduite de sa politique nationale. Et les États cherchent par leur stratégie de participation aux organisations, à maximiser le profit qu'ils peuvent en attendre, dans le domaine normatif, opérationnel ou politique 279». Comme l'intérêt national égoïste est le principe d'action des États sur la scène internationale, dans le processus d'intégration régionale ceux-ci doivent rechercher la conciliation entre leur intérêt national et l'intérêt commun. C'est de la recherche de l'intérêt national altruiste que naîtrons des initiatives qui impulsent ledit processus. De la perception de l'intérêt national dépend la lenteur ou la dynamique du processus d'intégration régionale. Pour dynamiser le processus d'intégration régionale en Afrique, les États doivent opter dans ledit processus pour la recherche de l'intérêt national altruiste; car dans un environnement mondial complexe, encore marqué par l'anarchie, sans autorité internationale, les États rationnels doivent choisir néanmoins l'intégration. Car, les institutions d'intégration au sein desquelles les États négocient leurs intérêts leur permettent d'accroître leurs gains, leur ouvrent de nouvelles perspectives de développement et de paix280.

278 Narcisse MOUELLE KOMBI, « Les aspects juridiques d'une union monétaire : l'exemple de l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale (UMAC), Afrilex n°4 disponible sur http://www.afrilex.u-bordeaux4.fr.p. 129.

279 Jonathan-COHEN, « L'État face à la prolifération des organisations internationales », contribution au colloque de Strasbourg (mai 1987) de la SFDI sur les organisations internationales contemporaines : crise, mutations. Développement, Paris, Pedone, 1988, p.386.

280 Gérard DUSSOUY, Op. Cit. p 106.

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