CONCLUSION GENERALE
Un aménagement durable de quartier se conçoit
par une prise en compte d'un ensemble d'impacts tant au niveau environnemental
qu'aux niveaux économique et social, aussi bien lors du
déroulement du projet que dans sa phase d'exploitation. Cela signifie
que, dans une approche conceptuelle, il faut prendre en compte
différents paramètres comme :
· la question de l'étalement
urbain (ville compacte) et de la densité : la
question de la densité suppose une utilisation efficace de l'espace
pour équilibrer les fonctions liées au logement, à
l'emploi, aux équipements et infrastructures collectifs, à la
mixité des fonctions, à la mobilité intermodale et
douce ; la limite de l'étalement urbain est également
prioritaire, compte tenu notamment de l'impact de la ville sur l'empreinte
écologique, ce qui signifie qu'il faut privilégier sa
compacité ;
· les flux : dans
la logique du quartier durable, la question des flux d'éléments
et de matières (eau, énergie, matières premières,
production de déchets...) doit être évaluée dans la
perspective de leur sauvegarde (préservation et valorisation de la
biodiversité) d'une économie à utilisation
rationnelle de l'énergie, récupération de l'eau de
pluie...), d'une valorisation efficace (utilisation des
énergies renouvelables), d'économie en boucle (valorisation de la
biomasse issue de la collecte de déchets ménagers) ;
· les questions
sociales : si l'on considère le quartier comme un
système vivant, avec des interactions entre des individus qui
interagissent entre eux et sont intégrés à des logiques
fonctionnelles (habitat, loisirs...), il faut concevoir le quartier de
manière à offrir des infrastructures et services accessibles
à tous ;
· les technologies
innovantes : la (ré) vitalisation d'un quartier
en quartier durable s'accompagne généralement de la mise en
oeuvre de technologiques innovantes, par exemple dans le domaine des
énergies renouvelables ou de l'utilisation rationnelle de
l'énergie, ce qui se traduit par la création d'emplois dans des
nouvelles filières économiques ;
· l'architecture :
il y a nécessité de mener une réflexion sur l'architecture
contemporaine, patrimoine de demain et sur l'architecture écologique,
dans le souci de qualité pour tous les habitants, comme composante de
l'identité du quartier durable ;
· la participation
: la réussite d'un quartier durable repose
généralement sur une dynamique participative forte, dont les
acteurs s'impliquent depuis l'idée du projet jusqu'à le vivre.
Cette composante est indispensable pour que les principes du
développement durable soient compris, acceptés et fassent l'objet
d'une appropriation dans les pratiques quotidiennes de tous les habitants du
quartier.
Par ailleurs, depuis le milieu des années 1990, le
droit de l'urbanisme a considérablement évolué, pour
imposer la prise en compte du développement durable dans toute
opération urbaine, quelle qu'en soit l'échelle de la
planification intercommunale ou communale, jusqu'à l'opération
d'aménagement proprement dite. Mais cette évolution a
également contribué à un foisonnement réglementaire
dans lequel les responsables territoriaux doivent inscrire la mise en oeuvre de
leurs politiques urbaines et de leurs projets d'aménagement.
C'est donc à la fois pour contribuer au respect des
exigences réglementaires en matière d'environnement et, surtout,
pour favoriser la recherche d'une véritable plus value environnementale
et énergétique dans les pratiques urbanistiques que nous avons
étudié et proposé la rénovation de Lingwala. Nous
l'avons fait avec un souci constant de pragmatisme et d'efficacité. Cela
confère un caractère d'opérationnalité et
d'adaptabilité qui permettra aux acteurs de l'utiliser, dans la
quasi-totalité de projets d'aménagement et d'urbanisme qu'ils
seront amenés à conduire, pour améliorer la qualité
de vie de nos concitoyens, sans hypothéquer celle des
générations futures.
Le quartier durable n'est plus une utopie ! On le
considère aujourd'hui comme des références incontestables
en matière d'efficacité énergétique des
bâtiments, d'utilisation des énergies renouvelables, de
mobilité douce ou de gestion environnementale au sens large (gestion des
l'eau, maintien de la biodiversité ...). Certains quartiers
démontrent clairement que le concept d'éco-quartier permet de
réduire l'empreinte écologique (concept Zéro
émission), tout en diminuant les inégalités sociales et
écologiques et en créant de l'emploi local.
Les outils réglementaires et juridiques (en
aménagement du territoire, en revitalisation urbaine, ...) et leviers
(plans divers, systèmes de primes, facilitateurs,...) existent pour
activer une politique axée vers le quartier durable. La dynamique dans
laquelle s'inscrirait la commune pour oeuvrer en faveur du développement
durable est un facteur favorisant la volonté politique de voir
naître sur son territoire, un quartier durable.
C'est pourquoi, la contagion du concept de
développement durable doit encore faire son chemin dans les villes
congolaises, comme nous avons tenté de faire à Lingwala
en :
§ utilisant efficacement l'espace d'une manière
horizontale pour équilibrer les fonctions liées au
logement, à la mixité des fonctions, à l'étalement
urbain;
§ concevant un éco-quartier de manière
à offrir des infrastructures et services accessibles à
tous ;
§ offrant aux habitants l'opportunité de vivre
dans le respect de l'environnement (bâtiments à basse consommation
ou à énergie positive ; limitation des déchets ;
recyclage ; utilisation de matériaux naturels et
écologiques ; limitation de la consommation d'eau, etc.) et de
profiter d'un cadre de vie propre et sûr ;
§ réduisant la consommation d'eau par un triple
système de récupération des eaux protégeant la
ressource.
Au cours de cette étude, nous avons tenté
d'ouvrir des portes pour que les élus locaux ou régionaux
programment, dans leur action politique, des objectifs de développement
durable, à l'échelle territoriale, et dans ce cas,
particulièrement à l'échelle du quartier.
Cette programmation appartient, en effet,
à la sphère politique ; tandis que la
conception et la planification du projet appartiennent aux
professionnels, qui doivent conserver leur part d'autonomie et
d'inventivité dans leur travail.
Dans ce sens, programmer un quartier durable consiste alors
à :
· définir les modes de «
qualité de vie/qualités de ville", que l'on cherche
à mettre en oeuvre (une mobilité douce, la sécurisation de
l'espace public, la gestion économe des ressources, la santé...).
A cet égard, les exemples réalisés sont très
importants pour donner corps à ces "qualités". L'examen des
exemples devrait alors permettre de lister ces "qualités de ville"
recherchées ;
· définir des cibles performantielles
: il faut ensuite systématiquement lier ces qualités de
ville à des objectifs plus précis qui permettent d'y arriver
(énergie,
éco-gestion de l'eau, concepts de boucles locales pour
les matériaux, les déchets, «altermobilité
»...). Le choix de ces cibles est encore un travail éminemment
politique ; il implique un projet large pour le quartier, la commune, la
province... Mais il doit être concret (parler de % de rejets d'eau, de
kWh/m², de kg de CO2, etc.).
· identifier les moyens/outils juridiques,
qui permettent aux élus, d'en assurer la réalisation
dans tous les cas de figure (maîtrise foncière publique ou gestion
des acteurs privés, gros projets en neuf, petits projets en
rénovation...). Très pratiquement, il est important de savoir,
s'il suffit d'imposer une cible (comment éviter les recours devant le
tribunal) ou si quelques lignes dans un cahier des charges sont suffisantes
(l'administration peut-elle l'imposer dans un cahier des charges ?).... Il est
également important d'identifier quels sont les processus de
contrôle et quelle est la base légale pour ces contrôles
?
· enfin, identifier les techniques
(constructives...), qui les rendent accessibles (construction passive,
perméabilisation des sols, voitures partagées,...). Il s'agit ici
d'information pure. Elle doit être mise en relation aux
spécificités locales (qualité des sols ou topographie,
problèmes urgents...). Le retour d'expérience de chaque technique
est important, même si elles ne sont pas toutes mises en oeuvre dans le
même quartier. Il faut laisser aux concepteurs le choix de
méthodes, pour autant que les cibles soient atteintes.
Pour accélérer les politiques d'un
aménagement du territoire et d'un urbanisme durable, il est
évident que tous les niveaux de pouvoir, le gouvernement central en
tête, doivent accorder leurs violons, pour mettre en oeuvre un plan
ambitieux pour l'efficacité énergétique des
bâtiments, basé notamment sur les mesures fiscales favorables, des
mécanismes permettant de préfinancer des opérations (tiers
investisseur, partenariat public privé...).
A ce sujet, les communes doivent faire pression sur les
niveaux de pouvoir supérieur, car seules, la voix vers le
développement durable sera sans doute plus longue.
Aujourd'hui, la question du (ré) construction, de la
revitalisation d'un quartier ne peut se contenter de solutions purement
techniques (des logements, des infrastructures publiques, des voies
d'accès...). Elle doit reposer sur les dynamiques sociales, les usages,
le développement économique, la qualité de vie, et doit
conduire à réduire les inégalités
écologiques là où les inégalités sociales
sont déjà bien présentes.
Bien plus que l'utilité d'un quartier pour
lui-même, qui fait de lui un usage purement « mécanique
», il faut penser sa revitalisation, dans une approche « organique
» ou « dynamique », qui fait qu'un quartier se construit avec
ses habitants, se vit au quotidien. Tout l'inverse d'un quartier où les
habitants subissent les contraintes liées à la mobilité
(ou à l'immobilité), à la hausse de la facture
énergétique, à un sentiment d'insécurité,
à la promiscuité, à l'insalubrité, aux
nuisances.
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