CHAPITRE 3: LA
RESPONSABILITE DE L'AUDITEUR EXTERNE
L'objectif d'une mission d'audit est d'émettre une
opinion sur la régularité et la sincérité des
états financiers. La régularité fait
référence à la conformité à la
réglementation en vigueur et aux principes comptables
généralement reconnus, et la sincérité fait
référence à l'application de bonne foi de ces
règles et procédures en fonction de la connaissance que les
responsables des comptes doivent normalement avoir de la réalité
et de l'importance des opérations, évènements et
situations.
Certes, en matière d'audit, le risque zéro
n'existe pas. Quelque soit le système comptable appliqué dans un
environnement donné et quelles que soit les normes d'audit qui
régissent le travail d'un auditeur, les risques d'erreurs et de fraude
sont toujours là. Ces erreurs ou ces fraudes peuvent être le fait
de l'auditeur ou de l'audité.
Mais, pour prévenir ces erreurs et ces fraudes, l'audit
obéit à des règles strictes d'éthique,
d'indépendance et de compétence professionnelle. Il reste
évident, toutefois, que l'audit est une affaire d'homme, qui peut subir
l'inconscience ou l'incompétence d'un auditeur, sans que cela ne puisse
nous permettre de généraliser.
Le commissaire aux comptes ou auditeur a une obligation de
moyen, dans le sens où il doit aboutir à l'expression de son avis
sur la sincérité des diligences requises par les normes
professionnelles régissant la matière. Il ne garantit pas la
certitude de l'information communiquée, mais, il garantit qu'il a
usé tous les moyens nécessaires pour aboutir à ses
conclusions.
En effet, le commissariat aux comptes est une fonction et non
pas un titre, cette fonction a des conditions pour l'exécution de
celle-ci, puisqu'elle est obligée sur les sociétés
commerciales de la part de la loi.
En dépit d'une volonté marquée des
entrepreneurs de préserver « le secret des affaires » et d'une
méfiance à l'égard du contrôle comptable, le
commissariat aux comptes est une institution bien installée et qui ne
cesse de se développer. Tout d'abord, les principes comptables ou
certains d'entre eux ont été introduits dans l'ordre juridique,
on peut, au titre de ces principes comptables, citer la notion de la
représentation fidèle. Ensuite, la mission du commissaire aux
comptes s'étend désormais à toutes les formes de
sociétés.
En effet, le droit des sociétés commerciales a
substitué la notion de forme juridique celle de taille économique
pour définir le domaine d'intervention des commissaires aux comptes
« Toute société commerciale doit designer un commissaire aux
comptes si durant trois exercices comptables successifs son chiffre d'affaire
ou son capital dépasse un montant fixé par arrêté
par l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et
du groupement d'intérêt économique ». On relève
également une prolifération des missions particuliers,
c'est-a-dire celles qui s'ajoutent a la certification des comptes annuelles.
cette extension de leur domaine d'intervention est révélatrice de
l'évolution de la conception de leur rôle. Le commissaire aux
comptes n'est plus uniquement le mandataire des associés, chargé
de protéger leurs seuls intérêts, leur mission est
également d'intérêt public, c'est la raison pour laquelle
ils sont chargés de dénoncer au ministère public les faits
délictueux dont ils ont connaissance ou à la commission de suivi
des entreprises économiques, les difficultés financiers
rencontrées par les entreprises qu'ils contrôlent.
Ces évolutions dans la mission de commissaire aux
comptes vont avoir bien évidement des conséquences sur le terrain
de la responsabilité de celui-ci. En fait, dans l'exercice de ses
missions, le commissaire aux comtes n'est qu'un « réducteur
d'incertitude » et ne saurait, sauf quelques cas particuliers,
«offrir la certitude que tout est correct au sein de la
société contrôlée ».
Ainsi, dans cette chapitre, on va étudier la
responsabilité civile (SECTION 1) et pénale (SECTION 2) de
l'auditeur externe.
SECTION 1- LA RESPONSABILITE CIVILE DE L'AUDITEUR
EXTERNE
La responsabilité civile des commissaires aux comptes
est régie par le droit commun. Les commissaires aux comptes sont
responsables tant à l'égard de la société
qu'à l'égard des tiers et de l'ordre des conséquences
dommageables des négligences et fautes par eux commises dans l'exercice
de leurs fonctions.
Généralement experts -comptables, les
commissaires aux comptes agissent dans l'intérêt des actionnaires
à qui ils doivent fournir leurs rapports, assument toutes leurs
responsabilités dans la divulgation de ces opinions.
La responsabilité civile des auditeurs est une
responsabilité classique pour faute, sanctionnant la mauvaise
exécution d'une obligation de moyens lorsque celle-ci est causée
d'un préjudice. Elle est sanctionnée par des dommages-
intérêts.
C'est dans ce courant que la responsabilité civile de
l'auditeur naissant d'une obligation de moyens explique notamment que sa
mission soit un travail de révision par sondages et non une validation
exhaustive. Sa responsabilité n'est engagée que sur la base de
cette obligation de moyens.
Ajoutant que le commissaire aux comptes est tenu à une
obligation de moyen, c'est-à-dire qu'il est tenu d'effectuer sa mission
avec compétence et soin mais, il n'est pas tenu à une obligation
de résultat. Par exemple, on ne peut lui reprocher de ne pas avoir
détecté une fraude dans l'entreprise à partir du moment
où il a mis en oeuvre toutes les règles habituellement
acceptées par la profession pour ce type de contrôle.
D'ailleurs, Danièle BATUDE indique que le commissaire
aux comptes n'a pas l'obligation de détecter toutes les
irrégularités ou inexactitudes qui entacheraient
significativement les comptes dont il certifie la sincérité, mais
il a l'obligation de mettre en oeuvre toutes les diligences prévues par
les normes professionnelles.
Donc, la responsabilité civile du commissaire aux
comptes est mise en cause lorsque ce dernier a effectué une faute
à l'égard des tiers (exemple : société,
actionnaires...) sous des conditions bien précises.
En se basant sur le code des obligations et des contrats,
toute faute commise par une personne est sanctionnée civilement si elle
a causé un dommage en liaison directe avec elle. Ce régime de la
responsabilité civile délictuelle introduit exige ainsi la
réunion de trois conditions essentielles à savoir la faute, le
dommage et le lien de causalité entre la faute et le dommage.
Cela signifie que la responsabilité de l'auditeur ne
peut être valablement engagée que si sont démontrés
à la fois :
- Une faute dans la réalisation de sa mission ;
- Un préjudice subi par celui qui cherche à
engager la responsabilité de l'auditeur ;
- Un lien de causalité entre le préjudice subi
et la faute commise par l'auditeur.
Par ailleurs, la responsabilité civile du commissaire
aux comptes peut être engagée dans les conditions plus
spécifiques.
En effet les commissaires aux comptes sont responsables tant
à l'égard de la société qu'à l'égard
des tiers des conséquences dommageables, des négligences et
fautes par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions.
Une faute consiste soit à omettre ce qu'on était
tenu de faire, soit à faire dont on était tenu de s'abstenir. A
partir de cette précision générale établie, c'est
au juge d'apprécier, au cas par cas, l'existence ou non d'une faute.
Donnant un exemple des fautes qui peuvent être commis
par le commissaire aux comptes, on peut citer particulièrement :
- L'absence effective de vérification des comptes.
- L'absence de rapport et notamment le rapport
spécial.
- L'insuffisance des contrôles.
- L'absence de vérification de la
sincérité des informations données dans le rapport du
conseil d'administration....
Cependant, le commissaire ne sera responsable vis-à-vis
des actionnaires et vis-à-vis des tiers que dans la mesure où sa
faute aura causé un préjudice. Donc, si la faute n'a pas
directement causé par le préjudice constaté ou si celui-ci
ne résulte pas de la faute, la responsabilité du commissaire ne
peut pas être engagée.
Dans un autre contexte, les commissaires aux comptes sont de
même responsables de leurs salariés et collaborateurs.
En effet, la législation prévoit qu'en
matière de responsabilité contractuelle « le débiteur
répond du fait et de la faute de son représentant et des
personnes dont il sert pour exécuter son obligation dans les mêmes
conditions où il devrait répondre de sa propre faute, sauf son
recours tel que de droit contre les personnes dont il doit répondre
».
Responsables de leurs propres fautes et de celles commises par
les personnes qu'ils emploient ou se substituent, le sont- ils également
en raison des infractions commises par les dirigeants des
sociétés qu'ils contrôlent ?
Il est indiquée expressément que les
commissaires aux comptes ne sont pas civilement responsables des infractions
commises par les membres du conseil d'administration ou du directoire de fautes
sauf si en ayant eu connaissance, ils ne les ont pas
révélé dans leurs rapports à l'assemblé
générale.
Cependant, le fait de ne pas avoir eu connaissance de ces
infractions n'est pas pour autant automatiquement libératoire. Il faut
savoir si l'ignorance elle-même ne provient pas d'un contrôle
insuffisant ou inefficace.
En pratique, compte tenu des compétences juridiques et
comptables des commissaires, dés qu'une défaillance
financière est imputable aux fautes des dirigeants ou dés qu'une
irrégularité fiscale se traduit par un redressement fiscal, les
commissaires seront mis en cause et auront à s'expliquer.
Par ailleurs, leur responsabilité pourra être
recherchée dans le cadre d'une procédure d'alerte interne lorsque
l'entreprise est en difficulté et que le commissaire au compte constate
l'existence d'actes qui sont de nature à compromettre la
continuité de l'exploitation. La loi relative au redressement des
entreprises en difficultés économiques impose au commissaire aux
comptes des démarches de nature à engager sa
responsabilité s'il ne déclenche pas une alerte alors qu'il
aurait dû le faire ou s'il la déclenche tardivement.
Il y a lieu de noter que l'action en responsabilité
contre le commissaire aux comptes peut être de deux formes :
- Une action sociale qui consiste à réparer un
préjudice à toute la société et qui est
intenté par ses représentants légaux (PDG, DG,...).
- Une action individuelle tendant à réparer un
préjudice individuel à la demande de tout
intéressé.*
Ajoutant ici qu'en cas de pluralité de commissaire,
leurs responsabilités est, en principe individuelle, peuvent être
néanmoins, tenus solidairement de réparer le préjudice
qu'ils ont causé (c'est notamment le cas de toute société
devra publier ses comptes consolidés).
Enfin, l'action en responsabilité se prescrit par 3 ans
à compter de la découverte du fait dommageable. Toutefois,
lorsque le fait est qualifié de crime, l'action se prescrit par 1
0ans.
SECTION 2- LA RESPONSABILITE PENALE DE
L'AUDITEUR EXTERNE
Au-delà de la responsabilité civile, la
responsabilité pénale du commissaire aux comptes peut être
engagée aussi.
En effet, pour qu'on puisse parler de responsabilité
pénale du commissaire aux comptes, il faut qu'il y ait existence des
trois éléments à savoir :
- L'élément légal : l'article du code
pénale dispose que : « Nul ne peut être puni qu'en vertu
d'une disposition d'une loi antérieure ».
- L'élément matériel : cet
élément peut consister en une action (fait positif) ou une
omission (fait négatif).
- L'élément moral : c'est un
élément psychologique qui consiste en une faute qui peut
être voulue intentionnellement, réfléchie,
prémédité ou présumée.
D'ailleurs, l'acte uniforme relatif au droit des
sociétés et du groupement d'intérêt
économique déclare les commissaires aux comptes pénalement
responsables en cas d'information mensongère sur la situation de la
société, de non révélation des faits
délictueux ou de violation du secret professionnel. Cette
responsabilité concerne les commissaires aux comptes personnes
physiques.
C'est aussi que la responsabilité pénale peut
être mise en cause lors de l'exécution illicite de cette mission
importante. En effet la loi stipule que l'exercice illégal de la
profession d'expert -comptable ou de la fonction du commissaire aux comptes,
ainsi que l'usage abusif de ces titres constitue un délit puni des
mêmes peines prévus par le code pénale.
Exerce illégalement la fonction de commissaire aux
comptes celui qui sans en avoir la latitude, atteste la sincérité
et la régularité des comptes. Il en est ainsi par exemple d'un
non membre de l'ordre des experts -comptables qui exerce les fonctions de
commissaire aux comptes dans une société anonyme.
En étudiant, cas par cas les dispositions de cet
article, on trouve qu'il énumère surtout :
- La confirmation mensongère.
- La non révélation du fait délicieux.
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