La lutte contre la violence en milieu universitaire ivoirien( Télécharger le fichier original )par Gélase Amour DECHI Centre de Recherche et d'Actions pour la Paix - Diplôme d'Études Supérieures Spécialisées En Gestion des Conflits et Paix 2006 |
Section II : La violation des droits économiques, sociaux et culturelsLes droits économiques, sociaux et culturels sont les droits de la deuxième génération. Vus comme des "droits-créances", ils permettent aux individus de réclamer certaines prestations à la collectivité représentée par les pouvoirs publics. Ils présupposent aussi, non plus une conception libérale de l'Etat, qui implique que ce dernier représente un risque pour l'indépendance individuelle, mais une conception de l'"Etat providence" doté d'un pouvoir d'intervenir dans la vie sociale. A l'Université, les droits économiques, sociaux et culturels sont bafoués. Parmi ces droits, l'on peut citer le droit à l'éducation et le droit à la propriété (Paragraphe I), ainsi que le droit au travail et le droit au logement (Paragraphe II). Paragraphe I: La négation du droit à l'éducation et du droit à la propriétéIl convient d'analyser d'abord la violation du droit à l'éducation avant de voir celle relative au droit à la propriété. A- La violation du droit à l'éducation Le droit à l'éducation est protégé par l'article 26 de la DUDH, l'article 13 du PIDESC, l'article 17 de la CADHP et par l'article 7de la constitution ivoirienne. Le droit à l'éducation recouvre le droit qu'a toute personne d'acquérir des connaissances et des valeurs. Il renferme notamment le droit d'accès aux établissements scolaires existant à un moment donné et le droit d'obtenir la reconnaissance officielle des études accomplies conformément aux règles en vigueur dans l'Etat. Dans l'enseignement supérieur ivoirien, la violation du droit à l'éducation est monnaie courante. La Division des Droits de l'Homme de l'ONUCI en donne des illustrations. Pendant la période de janvier à avril 2006, des grèves intermittentes menées aussi bien par les élèves et étudiants que par les enseignants, ont perturbé continuellement le secteur de l'éducation. La FESCI a même usé de violence physique pour imposer son mot d'ordre de boycott des cours. A partir du 14 mars 2006, la Coordination Nationale des Enseignants et Chercheurs du supérieur (CNEC) a entamé une grève en vue de revendiquer une amélioration de conditions de vie et de travail. Aux motifs qu'ils ne voulaient pas d'une autre année invalidée, des éléments de la FESCI ont délogé les élèves des lycées et collèges de certaines communes d'Abidjan, notamment de Cocody. Ils ont en outre perpétré des violences et des vols dans les universités privées et grandes écoles telles que l'Université Canadienne et l'Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (UCAO)55(*). Toutes ces perturbations du système universitaire produisent un effet de dévaluation des diplômes ivoiriens. Cette situation se donne d'être mieux constatée lorsqu'on se situe sur le plan international. En effet, les diplômes ivoiriens sont de moins en moins côtés. D'après le professeur EHILE Etienne, de 1991 à 1994, l'UNESCO a remis en cause le BAC ivoirien pour cause de tricherie et mauvaise organisation. La France, quant à elle, a exigé le recul d'une année pour tous les étudiants ivoiriens voulant s'y inscrire56(*). En dehors du droit à l'éducation, le droit à la propriété n'est pas non plus épargné. Il est également bafoué. B- L'hostilité à l'égard du droit à la propriété Le droit à la propriété est consacré par l'article 17 de la DUDH, l'article 14 de la CADHP et l'article 15 de la constitution ivoirienne. Le droit à la propriété est un droit réel conférant toutes les prérogatives que l'on peut avoir sur un bien. Malheureusement, l'on assiste sur l'espace universitaire à des formes de privations de propriété. En 2003, le Président de la République a offert une aide financière aux étudiants déplacés internes. Ceux qui ont perçu leur part ont été contraints de verser un certain montant à la FESCI. Selon le témoignage de quelques étudiants, les retardataires n'ont pu percevoir la leur. La FESCI est passée après pour exiger cet argent auprès de l'administration universitaire chargée des bourses d'étudiants. Cette forme de racket s'étend souvent aux commerçants et tenancières de maquis établis sur le campus57(*). Sur ces commerçants et autres tenancières de maquis installés dans le périmètre des différents campus universitaires pèse une espèce d'impôt mensuel instauré et recueilli par la FESCI. Refuser de payer, c'est s'exposer à des agressions ou à un déguerpissement des lieux. Jean Yves DIBOPIEU, ex-Secrétaire général de la FESCI, confirme l'existence d'une telle pratique. Il soutient que cette pratique de racket sur les campus est triste, scandaleuse et antisyndicale. « ...La FESCI étant une structure vaste et complexe, certains individus, pour des raisons égoïstes, personnelles, se permettent des actions isolées » 58(*). En dehors du droit à l'éducation et du droit à la propriété, le sort du droit au travail et celui du droit au logement ne sont guère meilleurs. * 55 Voir DIVISION DES DROITS DE L'HOMME, Rapport de l'ONUCI sur la situation des Droits de l'Homme en Côte d'Ivoire, Janvier-Février-Mars-Avril 2006, p. 12. * 56 EHILE (Etienne), op, cit., p.8. * 57 www.rocare.org/Vanga.pdf : VANGA (Adja Ferdinand), KOUACOU (Anzian) et SIKA (Lazare), La violence à l'école en Côte d'Ivoire : quelle implication des syndicats d'étudiants et élèves ? Colloque international « Education, violence, conflits et perspectives de paix en Afrique », Yaoundé, Du 6 au 10 mars 2006. * 58 KONATE (Yacouba), op, cit., p.62. 223P |
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