Chapitre 3 : La dialectique global VS local
On croît trop souvent que le local et le global sont
antinomiques alors que paradoxalement avec tous les processus de mondialisation
que nous avons connus et que nous connaissons encore, les régions et le
local en général prennent une place de plus en plus importante.
Cette régionalisation, ce développement du local peut s'expliquer
par plusieurs facteurs comme le désengagement des états au profit
du privé... On préfèrera alors le terme de «
glocalisation », alliance du global et du local.
Dans la logique de l'étude des filières nous
expliquions précédemment que pour impacter directement le
développement dans le Sud, il est préférable de travailler
sur les dynamiques économiques en milieu rural (, population souvent
à 70 % rurale) et donc plutôt d'analyser les filières
agricoles (, toute politique de développement rurale ne peut passer que
par le développement agricole sans toutefois écarter la
nécessité d'avoir des équilibres sectoriels). Dans cette
logique nous retrouvons la dialectique global VS global dans : Filière
agricoles d'exportation, de rente VS filière agricoles
vivrières.
Dans la théorie classique, il est
considéré qu'il vaut mieux privilégier les cultures de
rentes sur la base de l'avantage comparatif. La banque mondiale et le FMI ont
tendance à soutenir cette position car pour eux, les cultures
d'exportation amènent des effets d'entraînement qui ont des
externalités positives sur les cultures vivrières. De ce fait les
technologies apportées, et le niveau de formation nécessaire aux
cultures de rentes impactent directement les cultures vivrières.
Au départ, "les cultures vivrières sont
destinées à l'alimentation du groupe familial, que la famille
soit élargie ou réduite au ménage". On parle souvent ici
de secteur traditionnel fondé sur l'autosubsistance. Cependant, les
filières vivrières, dès qu'elles engendrent un surplus,
peuvent être commercialisées. Chaléard complète par
ailleurs sa définition en parlant d'un " vivrier marchand " suite au
développement des zones urbaines. Le développement des villes
offre ainsi de nouvelles ambitions pour les filières vivrières.
De manière générale, l'exportation désigne
l'ensemble des biens et des services fournis par des résidents à
des non-résidents, à titre onéreux ou gratuit. Les
cultures d'exportation des produits agricoles sont donc uniquement
destinées à la vente sur les marchés
internationaux.
Encadré 1 : Définition des cultures
vivrières et d'exportation, FONTAN (2006)
Nous pouvons poser les limites de cette logique qui est
toujours ardemment soutenue par les grandes instances internationales que sont
entre autre la banque mondiale et le FMI. En tant qu'agent de
développement territorial, nous pouvons mettre en avant le fait que
cette analyse se base exclusivement sur une logique macroéconomique ;
elle ne considère pas le système que représente la
filière (micro et méso économique).
Les effets d'entraînements mis en avant dans la
théorie classique ne sont pas le reflet de la réalité. En
effet, pour pouvoir faire de la culture de rente cela réclame un certain
niveau de technicité qui n'est pas à portée de main pour
les plus pauvres en milieu rural. Ces logiques ont donc tendance à
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favoriser les grands exploitants qui représentent des
classes plus élevées. Il faut donc ici s'intéresser
à la structure de production.
« Au Sud, depuis les années 1990 on a vu
s'amplifier de nouvelles formes de crise agraire. Loin d'être le signe de
l'archaïsme de l'agriculture, elles se sont manifestées dans un
contexte de progrès spectaculaire de la productivité agricoles
*...]. L'idéologie de la modernisation s'est toujours
légitimée par la promesse d'incorporer de larges couches de la
paysannerie dans les retombées d'un « modèle fermier »
supposé pouvoir augmenter considérablement le revenu en
région rurale, que ce soit à travers l'activité agricole
ou la croissance de l'emploi salarié. Mais dans la
réalité, la logique des « pôles performants
» agricoles s'est accompagnée d'une élimination massive de
la petite paysannerie depuis un quart de siècle ou au moins d'une
marginalisation sur place »
Encadré 2: Territoires, développement et
mondialisation, alternatives sud, 2008
Avec les cultures de rentes, nous avons une substitution des
produits locaux par des produits d'importations moins chers. Ce qui
entraîne un abandon des cultures locales.
La superficie demandée et la monoculture liée
aux cultures d'exportation appauvrissent et polluent les sols, cette
agriculture est aussi fortement émettrices de CO2. De plus, à
cause de la superficie nécessaire on a tendance à arrêter
les cultures vivrières au profit des cultures de rentes. Cette «
agriculture extravertie », en concurrence avec des pays à plus
forte productivité, nécessite une mise en oeuvre pour laquelle il
faut, pour être compétitif, avoir une logique capitaliste
(abandonner la logique paysanne). Dès lors, le but est de maximiser le
rendement du capital, au prix de dégâts causés sur le sol,
alors que le paysan a lui pour but de maximiser la sécurité
alimentaire et la pérennité de son lieu de subsistance (la terre,
le terroir, le pays).
Les grandes instances économiques et financières
mettant en avant les cultures d'exportations oublient aussi que le grand mal
des pays en développement réside dans l'exode rural et que ces
cultures de rente entraînent un exode massif. De plus, dans le cas des
pays en développement, les termes de l'échange ne leurs sont pas
généralement favorables, nous nous trouvons donc assez rapidement
dans une logique de Fordisme périphérique (, relations centre
périphérie).
Si le positionnement sur les filières d'exportation
est un formidable accélérateur d'acquisition de
compétences pour les bénéficiaires, le bilan
opportunités et contraintes penche souvent en faveur des marchés
proches plutôt que des marchés d'exportation : les contraintes des
marchés d'exportation sont en effet plus importantes que sur les
marchés domestiques (exigence de qualité, connaissance des
marchés et des acteurs, carence de services
spécialisés...). *...] Cet enjeu concerne autant les
marchés locaux que les marchés internationaux. Le ratio
coût/avantage lié à la construction de toute pièce
d'une filière d'exportation n'est donc pas forcément favorable ;
le développement d'une économie extravertie aux mains de quelques
acteurs dominants ou dépendant des aléas du marché
international ne doit pas se faire aux dépens du développement
local ; (...)face à la compétition des produits importés
du Nord dans les pays du Sud et dans les espaces régionaux
intégrés (UEMOA par exemple), les enjeux pour les petits
acteurs sont de gagner des parts de marché dans leur propre espace
économique, grâce à des politiques de soutien et de
protection ad-hoc.
Encadré 3 : Filières domestiques ou
filières d'exportation : Que choisir ?, LIAGRE et autres auteurs, 2005.
Selon un rapport du PNUE (Programme des Nations Unies pour
l'Environnement).
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L'ONU6, via une expertise menée en 2010,
prône l'agro-écologie pour nourrir le monde. Nous ne sommes donc
plus dans les schémas de révolutions vertes auxquels on a pu
assister ces cinq dernières décennies.
Il ne faut pas toutefois arrêter les cultures de rentes,
car les avantages mis en avant par le FMI7 et la Banque Mondiale
peuvent s'avérer justes si l'on permet un équilibre entre
cultures vivrières et cultures de rentes car le réel
problème n'est pas tant la dialectique culture vivrière VS
culture de rente que les modes de productions véhiculés par l'un
ou par l'autre. Dans le cadre de projets de développement via des ONG,
il est impératif de mettre l'accent sur les filières
vivrières car les ONG n'ont pas les moyens à elles seules
d'impacter les filières de rentes afin de les rendre plus
équitables et structurées. Un dialogue peut s'installer, mais en
tant qu'opérateur de projets, ce n'est pas à eux d'avoir les
démarches de terrain sur les cultures de rentes si elles souhaitent le
développement de populations dépendantes de telle ou telle
filière. Elles peuvent toutefois agir comme médiateur, comme
animateur afin de rassembler les différents membres de la filière
afin d'aider l'instauration d'un dialogue.
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