c. Jeffrey Katzenberg, de Disney à
DreamWorks.
Avant cela, Jeffrey Katzenberg fit sortir de son sommeil le
studio endormi depuis trop longtemps. Il aborda un retour aux sources avec
La Petite Sirène29 qui mettait en scène une
princesse et son prince face à une grande méchante digne de ce
nom, le tout dans un aspect fortement inspiré des comédies
musicales de Broadway. Le film touche toutes les générations, le
succès est immédiat30. Autre grand changement
opéré sous l'ère Katzenberg : le temps d'attente entre
chaque film31. Celui-ci est en effet très réduit,
passant d'un film tous les quatre ans à un film par an. Katzenberg
s'impose mais cela ne plaît pas à tout le monde, notamment aux
animateurs, dont le travail s'est fortement accumulé, et Roy Disney, qui
ne voit en lui qu'un homme à l' « attitude ostentatoire
»32 qui ramène tous les succès à lui.
Pourtant, le succès est là. En 1991, La Belle et la
Bête33 triomphe et devient le premier film animé
nommé aux Oscars dans la catégorie meilleur film. L'année
suivante, Aladdin34 fascine des millions de spectateurs
à travers le monde tandis que Le Roi Lion s'empare de la
première place du box-office en 1994 et ce, dans le monde entier. Les
résultats nets de la branche des films de Disney s'envolent,
dépassant par la même occasion les résultats financiers
engendrés par les différents parcs à thèmes de
l'entreprise.
Katzenberg qui a maintenant fait ses preuves, désire
occuper la place de second, laissée libre depuis la disparition tragique
de Frank Wells en 1994. Michael Eisner refuse tout comme Roy
Disney35. Les choses s'enveniment petit à petit entre Eisner
et Katzenberg jusqu'au départ de ce dernier, forcer à
démissionner. Plus que ça, Katzenberg n'a pas eu la somme qui
devait lui être versée selon son contrat. Le départ de
Jeffrey Katzenberg est ainsi daté au 1er octobre 199436. Lui
qui se disait être « le Walt Disney d'aujourd'hui
»37, lui qui
27 Eric Darnell, Tim Johnson et Lawrence Guterman,
Fourmiz, 1998.
28 John Lasseter et Andrew Stanton, 1001
Pattes, 1998.
29 John Musker et Ron Clements, La Petite
Sirène, 1990.
30 Op. cit., James B. Stewart, Le Royaume
enchanté, p. 152.
31 Idem ibidem.
32 Ibid., p. 208.
33 Gary Trousdale et Kirk Wise, La Belle et la
Bête, 1991.
34 John Musker et Ron Clements, Aladdin,
1992.
35 Op. cit., James B. Stewart, Le Royaume
enchanté, p. 226.
36 Ibid., p. 264.
37 Ibid., p. 219.
9
croyait avoir le pouvoir et pensait se retrouver sur le
trône du royaume enchanté tombe de haut, de très haut. Lors
de son dernier entretien avec Eisner, Katzenberg conclut en disant : «
Il y a deux types de divorces. La première solution est de rester
bons amis et l'autre de devenir ennemis »38. Disney venait
de créer son premier grand adversaire.
Illustration 3 : Les trois fondateurs de DreamWorks
SKG.
Dès son éviction, Jeffrey Katzenberg décide
de fonder le plus grand studio multimédia du monde. Le nom de celui-ci
est ainsi annoncé le 13 janvier 199539 : DreamWorks SKG,
« S » pour Spielberg, « K » pour Katzenberg et « G
» pour Geffen. Trois personnes talentueuses dans leur domaine respectif et
aptes à élever un studio au statut d'incontournable. Le premier,
réalisateur et producteur, est le roi de l'entertainement et
venait d'enchaîner deux succès lors de la création de
DreamWorks : La Liste de Schindler40 et Jurassic
Park41. Le deuxième n'est autre que Jeffrey
Katzenberg tandis que le dernier est l'homme qui a donné son nom au
label Geffen Music et, par la même occasion, un ami de longue
date de Katzenberg. Tous trois ont décidé de bâtir, non pas
un simple studio de cinéma, mais plutôt une société
de production et de distribution qui engloberait aussi bien le cinéma
que la télévision et la musique. Les trois hommes voient grand et
ne sont pas sans rappeler à leur époque Charles Chaplin, Douglas
Fairbanks, Mary Pickford et D.W. Griffith lorsque ceux-ci fondèrent la
United Artists. Cependant, là où la United Artists est
restée en place des décennies durant, ce n'est pas le cas de
DreamWorks. Daniel Miller parle du paradoxe d'Icare42, ce personnage
mythologique qui, en tentant de s'approcher du soleil, n'a fait que provoquer
sa propre mort. Le paradoxe vient de l'avantage que détenait Icare,
à savoir ses ailes, qui l'a conduit à sa propre perte. Elles lui
ont permis de s'approcher dudit soleil mais se sont consumées à
son approche. DreamWorks, studio indépendant, avait tout pour
réussir mais des choix, des personnes, des évènements ont
concouru à sa perte. Alors que Disney a réussi à se
réveiller telle sa Belle au bois dormant43,
DreamWorks, sans secours d'un prince quelconque, s'est fait dévorer dans
son épuisement par le puissant dragon. Dans notre réalité,
la créature n'est autre que la Paramount Pictures qui a
38 Ibid., p. 265.
39 David Kipen et Phil Rosenthal, « Spielberg,
partners to reveal name : «DreamWorks SKG« », Daily
News, 13 janvier 1995.
40 Steven Spielberg, La Liste de Schindler,
1993.
41 Steven Spielberg, Jurassic Park, 1993.
42 Danny Miller, Le Paradoxe d'Icare, p.
5.
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racheté DreamWorks SKG pour la bagatelle de 1,6
milliards de dollars en 200544, récupérant un
catalogue de cinquante-neuf films dont les « oscarisés »
Il faut sauver le soldat Ryan45 et
Gladiator46. Mais en 2008, les deux studios se sont
séparés et DreamWorks SKG était prêt à
s'associer à Universal jusqu'à leur désistement. Un
nouveau partenaire entra donc en jeu et distribue actuellement les nouvelles
productions DreamWorks : Walt Disney Studios47. Le choc est grand,
le rêve est loin. Ces hommes qui voulaient être roi retombent sur
terre. Mais dans cette hécatombe, DreamWorks a tout de même
sauvé sa branche animation, plus grosse concurrente de Disney et Pixar
à ce jour.
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