CONCLUSION GENERALE
Cette étude a examiné l'incidence du coût
du risque de défaut sur les marges de taux des banques commerciales au
Cameroun. La relation entre le coût des risques et la rentabilité
bancaire a d'abord été décrite. Il s'est
avéré que le coût des risques réduit la
rentabilité bancaire, et que les banques doivent fixer des marges
d'intérêt optimales pour couvrir l'ensemble de leurs coûts,
y compris le coût des risques.
La facturation du coût du risque de défaut aux
emprunteurs a ensuite été présentée. Il a
été montré qu'en fixant les prix des crédits
bancaires, les banques fixent une marge de taux qui est destinée
à neutraliser le coût des risques, et donc, qu'une augmentation du
coût du risque de défaut à priori ou à
postériori conduit à une augmentation des marges de taux. Les
résultats des études empiriques qui se sont
intéressées à la relation entre les marges de taux et le
coût du risque de défaut ont ensuite été
présentés, et il s'est révélé que la
relation théorique entre les marges de taux et le coût du risque
de défaut ne se vérifie pas toujours.
L'étude empirique a permis d'appréhender la
relation entre les marges de taux des banques commerciales et le coût du
risque de défaut au Cameroun. Il est apparu que les marges de taux des
banques sont instables à cause de la segmentation de la clientèle
bancaire, et qu'elles se sont réduites ces dernières
années suite aux baisses du Taux Débiteur Minimum de la BEAC. Il
est également apparu que les provisions pour créances douteuses
de ces banques évoluent en fonction de leurs politiques commerciales.
Par ailleurs, le modèle économétrique a montré que
le coût du risque de défaut n'a aucune incidence sur les marges de
taux, conformément à notre hypothèse, ce qui peut se
justifier notamment par la singularité des méthodes de
tarification des banques, les carences de leurs comptabilités
analytiques, la subvention croisée entre les revenus des produits et des
services, le mode de provisionnement en vigueur au Cameroun et la concurrence
bancaire autour des grandes entreprises.
Le fait que, d'une part, un plus grand nombre de banques n'ait
pas pu être inclut dans cette étude et, d'autre part, le calcul
des marges n'ait pas pu être réalisé à partir d'un
échantillon de taux d'intérêts débiteurs plus large,
est déploré. Cette étude donne toutefois un aperçu
des problèmes de tarification des crédits bancaires au Cameroun,
compte tenu du nombre de données qui ont été prises en
compte dans l'analyse. Elle suggère que des mesures soient prises tant
par les banques que par les autorités camerounaises pour
améliorer la tarification bancaire, de manière à
réduire le prix des crédits et améliorer la
rentabilité de l'intermédiation bancaire.
Les banques devraient améliorer leurs méthodes
de tarification et pour cela, bien identifier les éléments
à prendre en compte pour déterminer le prix de leurs
crédits. Ceci est très important car si leurs méthodes de
tarification actuelles leur permettent de masquer des gains, elles peuvent
également leur faire subir des pertes qu'elles ne seront pas en mesure
d'identifier à temps, notamment dans le cas où la concurrence sur
le marché bancaire se renforce. Les autorités pourraient les
aider en ce sens en élaborant des textes qui identifieraient les
éléments à prendre en compte pour le calcul des taux
débiteurs.
Les banques devraient affiner leurs comptabilités
analytiques pour mieux cerner le prix de revient complet des crédits et
parvenir à des normes de tarification approuvées par leurs
conseils d'administration ou de surveillance et soumises à la
surveillance de leur contrôle interne.
Il est souhaitable que les banques se recadrent pour revenir
à leur activité de base, à savoir
l'intermédiation. Le fait que la fourniture des services,
activité en principe accessoire, rivalise avec l'activité
d'intermédiation est de nature à réduire le financement de
l'économie. Par ailleurs, cette situation encourage les banques à
prendre des risques excessifs en sachant que les pertes subies seront couvertes
par les gains sur les services, ce qui pourrait nuire à terme à
la stabilité du système financier.
Les autorités devraient revoir le mode de
provisionnement en vigueur et promouvoir le provisionnement ex ante.
Il s'agirait de permettre aux banques de constituer en franchise d'impôt,
dès l'octroi du crédit, une provision calculée en fonction
du taux de risque moyen constaté de manière statistique par
catégorie d'emprunteur (particulier, PME...) et de crédit
(investissement, trésorerie). Ce taux serait exprimé à la
fois en plafond par rapport aux encours et en taux de dotation annuelle. Ce
provisionnement constituerait un minimum obligatoire, mais non exclusif : en
effet, le provisionnement ex post pour risque dénommé
s'y substituerait si les sinistres à couvrir se révélaient
supérieurs aux provisions forfaitaires constituées. La
généralisation de ce système de provisionnement
forfaitaire ex ante, inspiré de ce qui existe
déjà dans différents pays développés
(Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, etc.), permettrait d'inciter
à une tarification plus responsable, puisque la marge à
intégrer dans le coût du crédit serait connue
immédiatement et serait prise en compte progressivement, dès la
première année, dans le résultat de la banque.
La vive concurrence sur le segment des grandes entreprises
qui, dans les faits, ne profite qu'à une petite minorité
d'emprunteurs, va à l'encontre des intérêts de la grande
majorité des demandeurs de crédit, qu'il s'agisse des
particuliers peu fortunés, ou des petites et moyennes entreprises,
lesquelles risquent, du fait de l'insuffisance des marges bancaires par rapport
au risque à couvrir, d'être exclues du crédit. Les risques
que font courir des pratiques concurrentielles dévoyées à
la sécurité du système bancaire et, à travers lui,
à l'épargne et aux dépôts qui lui sont
confiés, justifient la mise en place d'un dispositif sécuritaire,
par les autorités, qui viserait à surveiller et prévenir
les tarifications anormalement basses du crédit. Ce dispositif pourrait
reposer sur la définition de seuils d'alerte au-dessous desquels les
taux seraient présumés anormaux, à moins que la banque
n'apporte la preuve que le prix de revient complet de ses crédits leur
serait effectivement inférieur. Le franchissement de ce seuil d'alerte
déclencherait la mise en oeuvre d'un dispositif de surveillance,
différencié selon que les taux considérés feraient
ou non l'objet d'une publicité. Les crédits proposés
à des taux inférieurs au seuil d'alerte, par voie d'affichage ou
de campagne promotionnelle, seraient soumis à l'accord préalable
des conseils d'administration ou de surveillance des banques, responsables de
l'équilibre et de la sécurité de ceux-ci. Ces projets de
publicité devraient être déclarés au Conseil
National du Crédit et à la COBAC. Les crédits ne faisant
pas l'objet d'une promotion commerciale et qui seraient consentis à des
conditions inférieures aux seuils d'alerte feraient l'objet d'une
déclaration périodique aux conseils d'administration, au Conseil
National du Crédit et à la COBAC.
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