« Les maisons de disques se sont montrées
réticentes face aux nouvelles technologies en partie à cause de
la bulle Internet des années 200011 ». Il ne
faut toutefois pas généraliser et penser que les majors ont
complètement ignoré le MP3, elles se sont simplement
montrées méfiantes suite à l'éclatement de la bulle
Internet en 2000 et aucun acteur du marché n'a facilité la mise
en place de plateformes dédiées aux fichiers musicaux
numériques.
« La multiplication des acteurs issus de
l'arrivée de nouveaux formats a ralenti la mise en place de solutions et
d'accords entre les maisons de disques et les différents
interlocuteurs12 ». L'absence d'une législation internationale
harmonisée a facilité la circulation des contenus, c'est ainsi
que les créateurs de logiciels tels que Emule, Napster ou encore Kazaa
ont favorisé le partage de fichiers musicaux sur internet et donc
entrainé la chute des ventes. Les majors et l'industrie du
disque en général sont passés à côté
de l'apparition de nouveaux outils comme les logiciels de
peer-to-peer13
Pour bien comprendre la crise, il faut également
saisir la différence entre le contenu et le contenant. La
dématérialisation a complètement bousculé la
relation entre contenu (la musique) et contenant (lecteur MP3, ordinateur ...)
et c'est désormais le contenant qui domine le contenu. Ce qui fournit un
pouvoir considérable aux entreprises maitrisant ces nouvelles
technologies qui peuvent utiliser la musique comme levier de croissance pour
vendre leurs appareils technologiques et remettre en cause la position des
maisons de disques sur le marché.
Les maisons de disques ne se sont également
pas préparées à l'arrivée de nouveaux acteurs sur
le marché. Aujourd'hui des marques comme Apple, Myspace ou
Youtube, nous sont
11 « Musique 2.0 H par Borey Sok
12 « Musique 2.0 H par Borey
Sok
13 logiciels de partage de données vendus aux
entreprises mais mise à disposition gratuite des particuliers
Maxime Varloteaux - Mémoire de recherche - 17
Master 1 Management - Parcours Marketing
familières pour leur implication dans la musique. Ces
sociétés attirent aujourd'hui les foules grâce à
l'argument musical et génèrent ainsi des revenus. Pendant ce
temps la, les ventes physiques de disques décroissent de plus en plus
...
Ce n'est pourtant pas la première fois que la
technologie vient bouleverser l'industrie musicale : le vinyle, la cassette
puis le Cd ; autant d'innovations qui ont obligé les majors à
s'adapter. Si ces dernières ont tardé pour passer au
numérique, une grande partie des consommateurs ont eux saisi l'effet
d'aubaine.
· Les conséquences du peer-to-peer sur le
marché
La dématérialisation de la musique a
modifié en partie son mode de consommation et le
développement des réseaux de partage s'est appuyé sur la
soif de consommation de biens culturels des internautes. Le
peer-to-peer étant la première plateforme à offrir de la
musique en ligne, nous allons commencer par examiner sur celle-ci.
Le développement de ces plateformes se fait en
parallèle à celui du haut débit et c'est la
démocratisation de ce dernier qui a favorisé la demande de
musique sur la toile. Mais quel a été le réel
impact sur le marché de ces téléchargements gratuits et
massifs de musique ?
Les réseaux peer-to-peer ont eu indéniablement
des effets négatifs mais aussi quelques effets positifs : le
peer-to-peer permet de distribuer des contenus en contournant les droits de
propriété intellectuelle et en abaissant les couts de diffusion.
Ainsi, les bénéfices apparents pour le consommateur le conduisent
à télécharger illégalement de la musique.
Conséquences évidentes pour l'industrie, entre
payer de la musique ou l'obtenir illégalement sur le net, la
concurrence entre payant et gratuit a :
- raccourci le cycle de vie des produits :
le cycle habituel du « Je découvre > J'achète
> Je consomme » est devenu « Je découvre > Je consomme
»
- le peer-to-peer a facilité la distribution
de la musique, elle est dès lors accessible partout et
gratuitement, la découverte d'un artiste se fait plus rapidement et sa
consommation est immédiate.
- la concentration du marché, l'obligation d'obtenir
des revenus à court terme, la réduction du nombre de signatures
font que les maisons de disques se concentrent sur un plus petit nombre
d'artistes qui doivent se révéler rentables. Cela a
renforcé le développement de l'auto-production.
- bloqué la diffusion de contenus payants en
ligne : pour le consommateur, la gratuité prenant le dessus sur
le payant, il est difficile d'offrir une offre légale attractive.
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Master 1 Management - Parcours Marketing
- réduit la diversité culturelle
car de moins en moins d'artistes sont signés.
Il faut toutefois nuancer l'effet du peer-to-peer sur
la marché, il est l'une des causes majeures de la chute des ventes de
disques mais ça n'est pas l'unique. En effet, la progression
des utilisateurs de ces réseaux est beaucoup moins importante que la
baisse des ventes de disques. D'autres formes de divertissement et
d'utilisation d'internet comme la messagerie internet ou les jeux viennent
aussi concurrencer indirectement le secteur du disque.
Dans un de ses articles14, Charles Arthur,
journaliste pour le « Guardian » compare l'évolution et la
répartition des dépenses multimédia des consommateurs et
constate que la part de la musique dans le panier moyen des consommateurs a
nettement baissé en 10 ans au profit du jeu-vidéo. L'argent qui
ne va pas dans la galette musicale va donc dans celle du jeu-vidéo et
la crise que subit le disque provient donc en partie de cette
modification du panier des consommateurs. Charles Arthur appelle ce
comportement « la dépense prudente », une attitude qui pousse
le consommateur à sélectionner ce qu'il veut acheter et à
profiter de ce choix à la carte qu'offre la distribution
numérique.
L'auteur souligne également qu'il faut arrêter
de se limiter au raisonnement « 1 téléchargement
illégal = 1 vente en moins » car rien ne prouve que les gens
achèteraient autant d'albums s'ils ne pouvaient pas les
télécharger.
Cependant, le peer-to-peer affecte
également le comportement des consommateurs d'une façon positive
: il peut se révéler être un outil de
découverte et d'apprentissage pour les personnes assoiffées de
musique : écouter un nouvel artiste avant de l'acheter,
s'échanger des albums plus édités ...
· Le direct download, un outil souvent sous
estimé
Le principe est que l'internaute charge les fichiers sur un
serveur tel que « megaupload », « rapidshare » ou encore
plus simplement sur un espace de stockage proposé par les fournisseurs
d'accès internet. Il rend ensuite public le lien sur lequel les fichiers
sont hébergés par le biais de forums ou de blogs afm que les
autres internautes puissent les télécharger. Cette méthode
a pris de l'ampleur depuis l'arrivée de Hadopi puisque le direct
download n'est pas pris en compte dans la loi.
14 « Are downloads really killing the music industry ?
Or is it something else ? H par C.Arthur, Guardian, 09/06/2009
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Les avantages par rapport aux réseaux
peer-to-peer sont nombreux :
- les contenus sont mis à disposition sur un serveur et
sont téléchargeables directement
- la vitesse de téléchargement est plus importante
grâce aux bandes passantes des serveurs qui
offrent un meilleur débit
- les contenus sont de qualité grâce aux
modérations effectuées sur les blogs et forums
- une mise à disposition d'informations sur le contenu
est possible (par exemple la pochette des
albums)
- il n'y a pas de faux fichiers sur ces serveurs
On y trouve de tout, ce qui explique le grand succès
remporté par les blogs hébergeants les liens de ces download.
Néanmoins, tout comme dans les réseaux peer-to-peer, les contenus
ne sont pas classés et la recherche d'un album peut parfois
s'avérer longue et difficile. Même si elle s'adresse aux
personnes maitrisant internet, cette technique de diffusion des fichiers
musicaux connait de plus en plus d'adeptes.