II.2. L'internationalisation du cas syrien
II.2.1. Les oppositions syriennes intérieures et
extérieures
Il faut d'abord distinguer entre l'opposition et la
contestation. La majorité des syriens qui manifestent dans les rues ne
sont pas des « opposants ». Ils réclament pour eux-mêmes
et pour tous les Syriens des conditions de vie plus décentes, la
liberté et la dignité. D'ailleurs, la chute du régime ne
faisait pas partie dès le part des revendications. C'est le refus du
pouvoir d'entendre leurs demandes et la multiplication des morts et
blessés qui a poussés les manifestants à conclure qu'aucun
changement n'était possible avec le régime et la structure
politique en place. L'opposition, proprement dite, est presque inexistante en
Syrie. Le pouvoir baasiste a éliminé petit à petit pendant
quarante ans les divergences politiques. Les partis d'opposition, dont les
Frères musulmans mais aussi les démocrates, ont été
contraints de vivre dans la clandestinité ou s'exiler ailleurs, au Caire
ou à Paris.
On assiste donc jusqu'à la fin 2010 à une
impuissance de l'opposition malgré l'existence de personnalités
qui bénéficient d'un certain respect comme Michel Kilo, opposant
indépendant. Mais après les premiers mois de révolte,
l'opposition n'est pas forcément représentée par les
opposants traditionnels pré-révolte. On assiste à un
renouvellement complet de l'opposition qui marque une rupture entre
l'opposition de l'intérieur et celle de l'extérieur, dont les
rôles sont bien distincts. L'opposition nationale se divise en courants
qui sont pour ou contre le dialogue avec le régime. L'opposition
nationale opposée au dialogue est représentée par le
Comité National de Coordination pour le Changement Démocratique.
L'opposition extérieure est, elle, représentée par le
Conseil National Syrien.
Le bloc dominant, du moins sur les plans médiatique et
diplomatique, est le Conseil National Syrien. Il regroupe différentes
personnes dont des intellectuels. Il est difficile de dire s'ils sont soutenus
par la population syrienne. Ils comptent sur leurs liens avec l'Armée
Syrienne Libre et parient sur sa victoire sur le terrain si les soldats
rebelles sont appuyés par un soutien étranger aérien. Le
Conseil national Syrien tente même de créer un Conseil militaire
au sein du CNS sensé conseiller sur les meilleures stratégies
militaires. L'objectif, bien que tâtonnant et voué à
l'échec, était de construire une collaboration solide et
structurée pour encourager les désertions au sein de
l'armée régulière. L'échec est encore plus cuisant
lorsque le chef de l'Armée Syrienne Libre, Rifaat El Assad,
déclare que ce conseil avait été créé sans
son consentement et que l'ASL n'avait absolument pas besoin de
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conseillers en stratégie41. Mais cette
nouvelle structure montrait néanmoins qu'une communication permanente
entre le CNS et l'ASL était nécessaire. Ce conseil pourrait
rassurer les chefs de l'ASL et les futurs déserteurs à rejoindre
les rangs de l'opposition ; réciproquement, le CNS trouverait là
le moyen de fédérer toutes les oppositions syriennes et de
s'assurer à terme le soutien de l'ASL.
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