Syrie: d'une révolte populaire à un conflit armé( Télécharger le fichier original )par Sophia El Horri Université Paris VIII - Master 2 Géopolitique 2012 |
II. La mise en place de l'échiquier syrienEn Syrie, un premier appel à manifester le vendredi 4 février a été lancé sur Facebook par le groupe « Révolution Syrienne 2011 ». Partout ailleurs dans la région, l'Egypte de Moubarak était empêtrée dans les manifestations et la lutte, ailleurs on organisait les transitions pour ne pas se heurter trop brutalement à la vague des contestations du printemps arabe. La Syrie a cela de particulier que la colère est allée en grandissant et que le début de la révolte s'était fait plutôt par mimétisme et effet de récupération d'une cause qui a libéré les semblables tunisiens du joug de l'autocratie et de la tyrannie. En mai 2012, le nombre de victimes s'estime à 12 000 morts. Ce graphique représente le nombre de morts cumulés de Mars 2011 à Mai 2012, il est tiré de l'infographie du Monde consacrée à la révolte syrienne. Les premières manifestations se sont déroulées comme suit : après la prière du vendredi, des groupes sur les réseaux sociaux « Twitter » et « Facebook » se donnent rendez vous pour des déambulations pacifiques dans les rues. Protester par la rébellion civique, tel était, alors, le principe encouragé pour se protéger de l'excès de violence du régime. Les printemps arabes n'ont pas été qu'un spectacle : les jeunesses maghrébines et arabes se sont unies, les Egyptiens n'étaient pas les seuls à manifester pour la chute de Moubarak, ils étaient rejoints par les jeunes syriens devant l'ambassade du Caire à Damas. Le 9 février, alors que Facebook et Youtube sont à nouveau disponibles, après quatre années de censure34, le contrôle des utilisateurs des réseaux sociaux et des blogs se fait de manière 34 Le Monde, article paru le 09/02/2011. http://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/02/09/les-syriens-reconnectes-a-facebook-et-youtube_1477641_651865.html 39 encore plus stricte, visant tout propos d'opposition à l'encontre du régime. Ainsi, la bloggeuse syrienne Tal Al Mallouhi a été condamnée lundi 14 février 2011 à cinq ans de prison par la haute cour de sûreté de l'Etat pour intelligence avec un pays étranger. Le blogging et les réseaux sociaux étant les espaces de libertés alternatifs qu'utilisait la jeunesse syrienne pour contrer l'inexistence de canaux d'expression civile, ils ont été désignés par le régime de Bachar El Assad, de même que pour celui du président Moubarak, comme des ennemis de la stabilité. Seul le recours à des proxy pouvait permettre aux internautes d'accéder à ces sites en contournant la censure. Outre la censure et le manque de libertés d'expression, d'autres raisons encore ont poussé les populations de certains territoires en Syrie à se révolter. Pour comprendre la révolte syrienne, il faut comprendre pourquoi ses acteurs se sont soulevés et analyser les évolutions du conflit. L'affrontement oppose pro-Bachar et anti-Bachar sur plusieurs échelles aussi bien locale, régionale, qu'internationale. Nous avions expliqué en première partie le contexte social, politique et confessionnel en Syrie qui expliquent l'existence et l'exacerbation de frustrations socio-économiques dues au clientélisme et au système de fonctionnement communautaire. J'analyserai donc les foyers de contestations comme Homs ou Daraa et exposerai les causes structurelles de la révolte. Qu'ont ces villes en commun ? Pourquoi la révolte a-t-elle été aussi vive dans Daraa par exemple, alors que d'autres villes se sont engagées plus lentement dans la rébellion ? Dans cette deuxième partie, je m'intéresserai plus particulièrement au mouvement d'opposition : à son départ, ses péripéties, ses évolutions et ses acteurs. La révolte syrienne apparaît alors comme un conflit géopolitique à toutes les échelles : les rapports de force s'expriment dans plusieurs registres. On peut en identifier trois principaux : militaire, politico-diplomatique et médiatique. Si l'enjeu de ces trois types de rapports de force est bien la Syrie, il ne s'exerce pas seulement en Syrie. La situation militaire étant bloquée--car ni le régime, ni l'opposition n'ont vaincu-- des quartiers et des villes entières se cristallisent autour de lignes de front. Certaines villes comme Homs ou certaines régions comme la région côtière alaouite voient apparaître de nouvelles lignes fortes entre communautés s'exacerber au fur et à mesure que le conflit s'installe. Le cessez-le-feu n'a pas été concluant ; il a certes réduit le nombre de personnes tuées mais n'a pas éradiqué la militarisation du conflit. Sur le plan politico-diplomatique, chacune des deux parties cherche à faire reconnaître ses thèses par les organisations internationales--ONU et Ligue Arabe principalement--et par les Etats du monde entier. Sur 40 le plan médiatique enfin, le rapport de force s'exerce sur deux plans distincts. Sur le plan interne, deux parties jouent de la propagande pour convaincre leurs populations respectives, les loyalistes et les opposants, de la justesse du combat mené, de celle des choix effectués pour le mener à bien et aussi pour justifier les « sacrifices » qui leur sont demandés. Sur le plan externe, c'est l'opinion publique internationale qui est visée dans le double but, pour chacune des parties, de la convaincre du caractère légitime ou illégitime du conflit. Après avoir décrit les différents rapports de force, je m'intéresserai aux villes de la révolte, aux raisons communes qui les lient dans cette révolte et enfin à leur place dans le territoire syrien. Nous comprendrons alors si cette rébellion est bien une révolte populaire ou une révolte religieuse. |
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