II.3.1. Deraa
Cette ville, considérée comme le point d'origine
de la révolution syrienne, un Sidi Bouzit syrien, se situe à 120
km de Damas, à quelques kilomètres de la frontière
jordanienne, Deraa compte près de 75 000 habitants. Deraa est à
majorité sunnite, et appartient à une région à
l'économie primaire, restée en marge du développement
économique.
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Les manifestations avaient commencé suite aux
brutalités subies par de jeunes adolescents : l'affaire des enfants
Deraa avait alors embrasé ce chef lieu de gouvernorat,
réprimé directement par l'armée qui assiège Deraa
à la fin mars.
Le Vendredi 18 mars, jour de la grande prière, premiers
signes de colère. Ils sont sévèrement
réprimés. Au moins quatre personnes sont tuées. Des
centaines de manifestants tentent de gagner le palais du
gouverneur77. Massivement déployées, les forces de
l'ordre tirent en l'air et font pleuvoir les gaz lacrymogènes. Les
manifestants mettent le feu au Palais de justice, à plusieurs autres
bâtiments, aux locaux des sociétés de
téléphonie mobile MTN et Syriatel, à des
voitures, au siège du parti Baath. Les forces de l'ordre, massivement
déployées, usent de gaz lacrymogènes, tirent en l'air. Ce
récit révèle que ce sont les symboles du pouvoir du Bachar
El Assad qui sont directement attaqués. Le palais du gouverneur est
l'emblème du pouvoir local délégué par le
président Bachar lui-même. Syriatel, est le premier
groupe de télécommunications en Syrie et détient un
monopole naturel sur ce marché en Syrie. Mais le plus important est que
Syriatel est détenue par le cousin de Bachar El Assad. Cet
événement nous permet alors de confirmer la thèse que nous
avancions toute à l'heure : les manifestants s'en prennent aux symboles
locaux du régime, aux symboles du Baasisme et à leur prise
tentaculaire sur l'Etat.
A Deraa, la mosquée Omari est devenue le symbole du
rassemblement des manifestants après les funérailles des victimes
de la répression. A partir de Deraa, la contestation gagne les villes
voisines: Enkhel, Jassem, Nawa, etc. A contrario, le régime
véhicule une image négative de la mosquée : elle serait le
fief d'un gang armé financé et commandé par Israël.
Pour que le complot soit assez parlant à la population, accuser une
77 http://www.syrianstories.org/
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nébuleuse islamiste ou un eternel ennemi comme
Israël arrange le pouvoir, car cela lui évite de se remettre en
cause et surtout cela lui permet de rassembler une certaine unité
nationale salvatrice autour du concept de crainte d'ennemis connus mais
invisibles.
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