1.4. Problématique
Chaque année, la malnutrition frappe beaucoup d'enfants
et de femmes enceintes et/ou allaitantes. Les populations les plus pauvres
vivant dans les pays en voie de développement et tout
particulièrement en milieu rural sont les plus concernées. On
estime que 10 à 12 millions d'enfants meurent chaque année avant
l'âge de cinq ans dans ces pays (Rice A. et Al 2000).
Au Niger, la situation nutritionnelle des enfants demeure un
problème réel. L'attention accordée à la crise
alimentaire de 2005 a permis de rappeler que la malnutrition est un
phénomène important et chronique au Niger. Des centaines de
milliers d'enfants sont atteints de malnutrition aiguë
sévère chaque année. Selon les résultats de
l'enquête nutrition et suivi des enfants de 0 à 59 mois d'octobre
menée par l'UNICEF: « La prévalence de la
malnutrition aiguë globale est au-delà du seuil d'urgence
fixé à 15% et au seuil d'alerte de 10%. »
(2010 : 1). Ce qui montre que la situation nutritionnelle des enfants
reste préoccupante au Niger.
Si la crise alimentaire au sens large a, de tout temps,
été au centre des débats, le problème
spécifique de la malnutrition et de la prise en charge nutritionnelle a
émergé véritablement avec la crise de 2005. Le
phénomène nutritionnel n'est pas pourtant nouveau.
« Déjà en 1970, il y a eu tentative de prise en
charge de la malnutrition, mais les centres de récupérations
nutritionnelles créés à cet effet sont restés peu
fonctionnels par manque de moyens financiers. De plus, l'aide alimentaire
n'intégrait pas la malnutrition dans ses aspects à prendre en
compte. Les opérations d'aide étaient mal orientées et ne
répondaient pas aux besoins de la population » (MSF,
2005 : 6).
Depuis 2005, le caractère exceptionnel de la crise
alimentaire a soulevé des débats médiatiques tant au plan
national qu'au-delà des frontières nigériennes suscitant
de la part de l'opinion internationale un plus grand intérêt
à la dimension nutritionnelle. Cette médiatisation a
entraîné à partir de juillet 2005, un flux important d'ONG
s'intéressant au programme de récupération nutritionnelle.
Une vingtaine d'ONG pour la plupart, internationales, se lancent dans
l'exécution des opérations sur le terrain. Des centaines de
centres de récupération nutritionnelles sont ouverts à
travers le pays.
Aujourd'hui il existe de nombreux acteurs humanitaires aussi
bien nationaux qu'internationaux s'intéressant à la dimension
nutritionnelle dont l'ONG BEFEN. L'approche de l'ONG BEFEN s'articule autour
d'un appui médical intégré au District sanitaire de
Mirriah pour la PCIME (Prise en Charge Intégrée des Maladies de
l'Enfant) en se focalisant sur la prise en charge de la malnutrition aiguë
sévère et le paludisme chez les enfants de 0 à 5 ans
à travers la création d'un CREN (Centre de
Récupération Nutritionnelle). Si ces programmes permettent un
traitement des enfants malnutris, constituent-ils pour autant une
réponse au phénomène endémique de la
malnutrition ?
La particularité de ces programmes est que les centres
sont dans la plupart des cas intégrés aux structures sanitaires
déjà existantes (Hôpitaux, centres de santé
intégré, cases de santé...). Ce qui crée un cadre
de partenariat entre les responsables des hôpitaux et/ou les Centres de
Santé Intégré et l'ONG.
En effet, l'ouverture d'un CREN nécessite
préalablement des investigations afin de localiser les zones
d'interventions. Cette occupation géographique doit se faire
théoriquement afin d'éviter certaines erreurs de couverture,
erreurs qui peuvent se traduire par un déséquilibre entre les
localités. Les ONG(s) oeuvrant dans le même secteur
déjà en place ont pu s'approprier des zones et celles qui
arrivent avec la crise n'ont d'autres choix que de s'installer parce que le
besoin se fait sentir mais surtout parce que la place est libre. Plusieurs
facteurs peuvent intervenir dans le choix des localités : statut,
sources de financement, expériences antérieures...
Par ailleurs, ce qui caractérise les ONG(s) dans le
cadre des programmes de récupération nutritionnelle est qu'elles
ont, dans leur majorité, les mêmes partenaires financiers
(organismes internationaux). De ce fait, divers types de rapports se
dégagent. Souvent, ces rapports tendent à des rapports
conflictuels occasionnés par une course à la visibilité
dans le but de séduire le donateur : d'où
« le cirque humanitaire ». Néanmoins, des
relations de partenariat peuvent découler d'une parfaite coordination
entre les acteurs. Ceci peut être favorisé par l'existence d'un
cadre de concertation.
Nonobstant la présence de ces centres de
récupération nutritionnelle, la malnutrition demeure un
fléau social réel. Elle est loin d'être
éradiquée en dépit des efforts consentis par les
prestataires de ces centres. Cette situation est donc alarmante et
nécessite encore une étude.
Dans la perspective d'une analyse sociologique, nous
envisageons une entrée par le fonctionnement des ONG(s) pendant la crise
nutritionnelle pour comprendre les mécanismes et interactions qui
naissent autour de la prise en charge de la malnutrition sévère.
Cette approche dite fonctionnaliste, va nous permettre de mieux
appréhender les tenants et les aboutissants nés de cette prise en
charge de la malnutrition. De ce fait, notre analyse se focalise sur une
question principale : par quel mécanisme l'ONG BEFEN prend-t-elle
en charge les enfants sévèrement malnutris?
En outre, d'autres questions secondaires sont
formulées ainsi que suit :
L'implantation géographique de L'ONG BEFEN
répond-t-elle réellement au besoin de prise en charge
nutritionnelle de la population ? Selon quelles logiques
s'opère-t-elle ?
Quelles sont les modalités de prise en charge de la
malnutrition ? Quels sont les critères d'entrée et de sortie
des CREN ? Comment s'effectue le traitement?
Comment les populations perçoivent-elles la
malnutrition ? Comment les populations perçoivent-elles les centres
de récupération nutritionnelle ?
Quels types de rapports l'ONG BEFEN entretient-elle avec les
partenaires financiers ? Avec les autres ONG oeuvrant dans le même
secteur déjà en place ? Avec les CSI ? Avec la
population ?
1.5. Objectifs de la
recherche
L'objectif principal visé dans ce
travail est d'étudier la prise en charge de la malnutrition infantile
sévère par l'ONG BEFEN dans le département de Mirriah. Des
objectifs spécifiques ont été formulés ainsi que
suit :
2 décrire les caractéristiques socioculturelles
des mères et/ou accompagnantes d'enfants malnutris admises au CREN de
l'ONG BEFEN ;
3 déterminer le processus d'installation ainsi que les
activités menées par l'ONG BEFEN dans la prise en charge de la
malnutrition ;
4 analyser les perceptions de la malnutrition, du programme
de récupération nutritionnelle et les stratégies sur de la
malnutrition par les différents acteurs ;
5 analyser les différentes interactions nées de
la prise en charge de la malnutrition par l'ONG BEFEN;
1.6. Hypothèses de
la recherche
Certains facteurs déterminent la prise en charge de la
malnutrition par l'ONG BEFEN. Ces facteurs peuvent constituer les
hypothèses dont nous testerons la validité au cours de ce
travail.
6 L'implantation géographique de L'ONG BEFEN
répond au besoin de prise en charge nutritionnelle des enfants.
7 L'application (par l'agent de santé) des
règles de prise en charge de la malnutrition détermine les
rapports entre les agents de santé et les populations
bénéficiaires.
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