CONCLUSIONS GENERALES ET
RECOMMANDATIONS
L'objet de cette étude était, pour rappel, celui
de savoir si le dysfonctionnement du bassin du Kasaï était
lié à la fois à la dégradation spécifique
des berges et à la déforestation avec des conséquences
néfastes sur la navigabilité. Ensuite, si l'augmentation
spontanée des prix des denrées de première
nécessité à Kinshasa était lié au retard que
les unités fluviales mettent en cours de route.
Après analyse, il s'est avéré que la
dégradation spécifique des berges et les érosions qui se
développent suite à la « nudité » du
sol est due à la déforestation. Et comme conséquences,
l'ensablement et la baisse de la mouille contrariant la navigabilité
fiable du Kasaï.
Les analyses faites sur les quatre stations
météorologiques ont donné les résultats
suivants :
- Une baisse significative des pluies et des
évapotranspirations à la station de Bandundu. Une baisse
attribuée à la destruction d'écosystème forestier
qui constitue la source des évapotranspirations.
- Une hausse des pluies et une baisse des
évapotranspirations à la station d'Inongo. La hausse des pluies
est favorable à l'alimentation des nappes du bassin et la baisse des
évapotranspirations était liée à l'auto-
conservation des ressources en eau pour le maintien de son
écosystème forestier.
- Une baisse des pluies et une hausse des
évapotranspirations à la station de Kikwit. Cette station
reçoit des pluies sporadiquement et de type orageux. Son
écosystème forestier a été complètement
détruit. Ces pluies sont à la base de plusieurs érosions
par ravinement qui détruisent les infrastructures routières et
les habitations.
- Une baisse des pluies et une hausse
évapotranspirations à la station de Kananga. La récurrence
des pluies à cette station est souvent sous forme d'orage. Cette
situation est similaire à celle de la station de Kikwit.
Dans l'analyse de la chronique de LUMBU par la loi de
GOODRICH, nous avons remarqué que les maxima les plus
élevés n'ont appartenu qu'au cours de deux premières
décennies. La récurrence décennale (T10 ans) ne
s'est reproduite que trois fois : en 1968 avec 7721
m3s-1, en 1969 avec 7901 m3s-1 et
en 1976 avec 7811 m3s-1. La
récurrence bi décennale (T20 ans) s'est reproduite
aussi trois fois, en l'occurrence l'année 1977 avec un débit de
8207 m3s-1, l'année 1979 avec un débit de
l'ordre de 8301 m3s-1 et l'année 1970 avec un
débit de 8363 m3s-1. Par contre, les
récurrences cinquantenale, centennale et millénaire ne se sont
jamais produites sur la rivière Kasaï. En d'autres mots, il n'y a
jamais eu des débits respectivement de l'ordre de 8500
m3s-1, 8800 m3s-1 et 9600
m3s-1.
Les deux dernières décennies ont par
conséquent été marquées par une baisse
significative de la limnimétrie. En effet, en aucune fois la cote
limnimétrique n'a pu atteindre 3 m durant cette période.
La baisse de la limnimétrie est intimement liée
à la baisse des pluies dans le bassin. Les pluies lentes et normales qui
alimentent mieux les nappes aquifères étant devenues rares au
profit des pluies orageuses qui ne provoquent que des crues accidentelles, on
assiste à une diminution substantielle de la limnimétrie. Il ne
pleut pas chaque jour mais l'eau de la rivière coule chaque jour. Cette
eau qui coule dépend impérativement du niveau hydrostatique des
nappes aquifères.
Cette baisse de la limnimétrie a des
répercussions directes sur la navigabilité, par
l'émergence des rochers à la passe de Kandolo et de celle des
bancs de sable aux différents pools que compte cette rivière. Les
unités fluviales qui empruntent cette voie rencontrent beaucoup de
difficultés pour arriver à la destination à cause du
mauvais état des voies navigables. Il s'ensuit alors des
conséquences économiques sur les prix des produits de
première nécessité.
L'augmentation spontanée des prix de ces produits de
première nécessité à Kinshasa est due, en partie,
au fait que les bateaux qui transportent ces produits mettent beaucoup de
jours. La raréfaction des produits qui en résulte sur le
marché accentue la cherté de la vie. En outre, une telle
situation conduit à l'émergence d'un marché non -
concurrentiel, ce qui se traduit alors par le monopole. Or, une bonne politique
économique suppose une concurrence des pôles des produits mis
à la disposition des consommateurs (MAZINGA, 1992 ; KISANGALA,
1999).
Il ressort de ce qui précède que la baisse de la
limnimétrie est corollaire à la fois à celle de la
pluviométrie et du niveau hydrostatique des nappes aquifères.
Bien que cette péjoration n'ait pas atteint son point de
flétrissement - comme nous l'avons démontré qu'elle a
basculé autour de la moyenne - elle a néanmoins
sévèrement été une véritable contrainte
hydroclimatologique pour la navigabilité du Kasaï. Le changement
climatique qui touche les ressources en eau en R. D. Congo n'est plus un vain
mot mais plutôt une réalité.
Il est même impérieux de signaler que le
troisième rapport d'évaluation du GIEC (groupe
intergouvernemental d'experts sur le changement climatique) indique que les
changements climatiques prévus accentueront la dégradation des
sols et la désertification qui sont apparues dans de nombreuses
régions aux cours des siècles derniers. D'après les
projections du rapport, les sécheresses vont accroître, le
régime des précipitations va s'intensifier et devenir plus
irrégulier, tandis que la fréquence des sécheresses
estivales tropicales va augmenter à l'intérieur des terres
continentales aux latitudes moyennes (OMM, 2007).
Par ailleurs, un partenariat pour les forêts du bassin
du Congo initié lors du sommet mondial sur le développement
durable de Johannesbourg avait pour objectif de contribuer à la gestion
durable des ressources naturelles du bassin du Congo et de promouvoir le
développement économique, la réduction de la
pauvreté et des inégalités et l'amélioration de la
gouvernance en faveur des populations dépendantes des ressources
naturelles. Et pourtant, la destruction des écosystèmes
forestiers s'accélère sous l'effet conjugué de la pression
démographique, de l'aggravation de la pauvreté et de l'action
prédatrice de puissants groupes industriels qui contournent les
réglementations forestières (RIDDAC, 2004).
Sur ce, nous faisons quelques recommandations en vue de
l'amélioration tant soit peu les services météorologique
et hydrologique de notre pays. L'Organisation Mondiale de
Météorologie (OMM) s'est fixé comme objectif de
réduire de moitié, d'ici 2019, la mortalité moyenne
imputable aux catastrophes naturelles liées au temps, au climat et
à l'eau. Pourquoi ? Parce que les pertes en vies humaines et les
dégâts causés par les catastrophes naturelles font
obstacles au développement durable (OMM, 2007). Les stations
météorologiques et hydrométriques de notre pays sont
actuellement dans un état de délabrement très
avancé.
Nous suggérons alors ce qui suit :
- Il faut que le gouvernement et l'OMM aide et équipe
les services météorologique et hydrologique nationale
(SMHN/METTELSAT et RVF) de notre pays avec des matériels performants
pour mieux surveiller et mieux évaluer l'état de nos ressources
en eau, et fournir des informations-clefs sur ce point. Car l'OMM veille
à ce que, dans le monde entier, les instruments
météorologiques soient précis et qu'ils fournissent des
données normalisées.
- Les services météorologique et hydrologique du
pays (METTELSAT et RVF) doivent faire clairement comprendre aux politiques et
aux dirigeants l'importance des données des produits
météorologiques et hydrologiques pour la conception des
systèmes appropriés et fiables dans le domaine de l'eau et leur
gestion optimale.
- Ces services doivent coopérer avec les
Universités du pays notamment à travers le Département des
Sciences de la Terre de la faculté des Sciences de
l'Université de Kinshasa - une des grandes ressources humaines
d'érudits de cette question.
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