Gestion des lamantins des lacs de Lere : entre conservation des ressources naturelles et survie de la population.( Télécharger le fichier original )par Honoré BEAKGOUBE CREFELD, Université de Sarh-Tchad - Master 2 en Environnement et Developpement Communautaire 2011 |
Le lamantin Ouest africain est inscrit en tant que « vulnérable » sur les listes de l'Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN), avec un déclin numérique de 20 % sur une période de 10 ans. Il est inscrit à l'annexe II de la Convention relative sur le commerce international des espèces de faune et flore sauvages menacés d'extinction (CITES), dite convention de Washington de 1973.Il est protégé par une législation nationale dans chacun des pays où on le trouve. Les lamantins Ouest africains peuvent être classés dans ces trois catégories : espèces disparues, espèces en danger et espèces vulnérables, selon les évaluations de degré de vulnérabilité et la situation des aires de répartition dans chaque pays. · Espèces disparues : situation où aucune observation de ces espèces en milieu naturel n'a été signalée depuis une période significative. Nous pourrions citer en exemple les pays comme le Togo, le Liberia, la Gambie, le Bénin, la Mauritanie, le Nigeria, le Congo, la République Démocratique du Congo, la Guinée Equatoriale etc. · Espèce en danger ou en voie de disparition : situation où ces espèces ont disparues d'une grande partie de leur aire d'origine. Les effectifs sont réduits à un seuil critique et la survie est peu probable si les causes responsables de la régression persistent. C'est le cas des pays comme la Siéra Leone, la Guinée, l'Angola, le Niger, le Gabon, le Ghana, le Mali, le Cameroun, la Côte d'Ivoire etc. · Espèces vulnérables : situation dont les effectifs sont en forte régression et qui risquent de passer dans la catégorie précédente si les facteurs défavorables persistent. Il s'agit de pays comme la Guinée Bissau, le Sénégal et le Tchad. Les causes d'extinction du Lamantin interviennent à un rythme apparemment sans précédent et les mécanismes qui conduisent à cette dégradation sont assez bien connus, et résultent le plus souvent de la manière dont l'homme use et abuse de son environnement. Mais des causes profondes et complexes telles que les aléas climatiques, l'insuffisance des moyens législatifs et institutionnels induisent malheureusement des effets pervers. 4.2.1 Causes anthropiques.C'est dans les activités humaines que résident les causes principales de l'appauvrissement de la diversité biologiques en ce qui concerne les animaux, on estime que la destruction des habitats, la surexploitation..., constituent chacune pour environ 1/3 des estimations connues d'espèces17(*). La surexploitation des espèces animales a également provoqué la disparition ou la raréfaction de nombreuses espèces. Plusieurs espèces vertébrés terrestres ont ainsi été affectés (Bisons, Baleines, Tigre, Eléphant, Lamantins etc.). Des espèces comme les lamantins ont été mises en grand danger d'extinction à cause du marché florissant de leur huile supposé avoir des propriétés médicinale. Le commerce international d'espèces sauvages et leurs spécimens est également responsable de la disparition de nombreuses espèces. On a calculé que 40% des espèces des vertébrés menacées d'extinction le sont à cause de la chasse à destruction de marchés internationaux18(*). Le braconnage d'espèces telles que le Lamantin, la Baleine bleue, le Rhinocéros, le Tigre, l'Éléphant..., est entretenu pour des fins mercantiles. La course à la rentabilité en matière de pêche est à l'origine de l'utilisation de gigantesques filets. Dans les lacs de Léré, cinq types d'engins sont utilisés: les filets dormants, les éperviers, les sennes de plage, les palangres pouvant nuire aux siréniens. · Le filet dormant: Il est utilisé toute l'année. Ses mailles sont variables d'un filet à un autre. Un filet dormant est utilisé en fonction de sa maille selon les saisons.; · L'épervier : est utilisé par les pêcheurs les plus jeunes compte tenu de son usage qui nécessite assez de force physique. C'est un engin dont la circonférence varie entre 10 à 12 mètres, avec 55 à 60 plombs de 5 cm et une maille mesurant 35 mm. La pêche à l'épervier se pratique en général de novembre à juin avec une période d'utilisation plus intense de février à mai. Pendant la période de crue (juillet à octobre) où les lacs deviennent plus profonds et aussi la dispersion des poissons en cette période dans les plaines inondables couvertes des mimosa pigra , des echinochloa stigina rendent ainsi la pêche infructueuse. Par contre la période de décrue où les profondeurs du lit des lacs connaissent un rétrécissement avec des étiages en certains endroits, rend l'utilisation de cet engin très active et fructueuse ; · La senne de plage : Elle mesure entre 400 et 500 mètres de long avec des mailles de 10 à 15 cm et une hauteur d'environ 4 m. et est généralement détenue par les plus nantis ou par des groupements de pêcheurs. Son acquisition est très coûteuse et confère aux dépositaires un prestige dans leur milieu. Son utilisation nécessite des dispositifs tels que la pirogue monoxyle faite d'un tronc d'arbre centenaire pour certains usagers. Pour d'autres, ce sont les pirogues motorisées fabriquées sur la base de planches auxquelles il est ajusté un propulseur importé du Nigeria. Elle n'est utilisée qu'en période de basses eaux précisément de novembre à juin. La senne de plage est un engin peut sélectif, capture accidentellement ou intentionnellement les lamantins qui ne peuvent se défaire. · Les palangres sont utilisées toute l'année. Elles sont appâtées ou non. Ces engins de pêche constitués des cordes auxquelles sont attachées des empiles munies d'hameçons, sont aussi redoutés par les lamantins que les poissons. · Les nasses : il en existe deux types, celle qui est tressée aux moyens des chaumes de végétaux (spécialité des pêcheurs haoussas) et la nasse malienne faite de filets en position érigée et appelée « Goura malien ». Les nasses sont utilisées dans les herbes en période de hautes eaux (Juillet à Septembre). Notons que d'autres engins de pêche et ou de chasse sont occasionnellement utilisés. Il s'agit de harpons à deux pointes fortement barbelées, les lances aux manches ficelés, les filets aux lamantins qui sont conçus spécialement pour le braconnage. Le braconnage activité assez répandue, sévit encore dans les lacs de Léré. Au cours de l'année 2008, trois lamantins ont échoué sur les berges des lacs dont le cas le plus flagrant fut celui de la femelle gestante retrouvée avec un harpon sur le corps 19(*) TABLAEU N°9 : Période de pêche de l'année par type d'engin.
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Période de non utilisation d'engin Période d'utilisation d'engin Source : GTZ, 1999
: Période de menace pour les lamantins - Les pollutions de sols et de l'eau perturbent également les écosystèmes et constitue un risque d'élimination des populations d'espèces sensibles. L'exemple du DDT (Dichloro-diphenyl- trichloroethane) dans les années 1960 est illustrateur. L'utilisation des intrants et des pesticides pour améliorer les rendements agricoles a des conséquences directes sur l'environnement. La contamination des eaux fait que les consommateurs de troisième dégrés de la chaîne trophique (carnivores) sont sérieusement intoxiqués en raison de l'accumulation de la substance toxique de la chaîne alimentaire. Les lacs de Léré sont pour les populations riveraines, des endroits de prédilection pour la lessive, le nettoyage et de déversement de certains liquides supposés sordides voire toxiques. Le savon utilisé au quotidien pour la lessive, la vaisselle et pour le bain, les hydrocarbures utilisés pour fonctionner les pirogues motorisées, sans oublier les nettoyages de matériels agricoles, constituent des polluants de l'eau et des poisons pour les ressources ichtyologiques, en particulier les lamantins. - La croissance démographique est considérée comme la cause principale de la baisse de la biodiversité. En effet, la problématique de la croissance démographique consiste à exploiter plus les ressources disponibles et à occuper des espaces plus importantes pour nourrir une population nombreuse. La « Bombe P » des écologistes reste une préoccupation majeure pour toutes les questions d'environnement. La population mondiale croit à un rythme exponentiel, celle de la région de Léré n'en demeure pas du reste. La conquête d'espaces habitables et cultivables va sans aucun doute renforcer le processus de transformation des terres, et l'exploitation des ressources vivantes, d'autant que la technologie permet maintenant d'accélérer le phénomène. La baisse de la biodiversité est le résultat de l'exploitation de plus en plus intensive des ressources naturelles. C'est donc dans le fonctionnement des sociétés humaines qu'il faut rechercher les causes fondamentales de cette situation. Aussi, des causes indirectes telles que l'ignorance écologique, l'insuffisance de connaissances et les changements climatiques globaux..., contribuent de façon significative à la dégradation des écosystèmes. * 17 Leveque (C) La Biodiversité, collection Que -sais -je, PUF, 1997 * 18 Idem * 19 Témoignage de la Direction de la Pêche et l'Aquaculture de Léré au sujet du lamantin harponné en date du 27 Septembre 2008 |
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