II.1- Identification des acteurs en jeu
La gestion des ressources naturelles et
l'aménagement de l'espace à mangrove de Youpwe font intervenir
deux catégories d'acteurs à savoir les acteurs institutionnels et
les acteurs non institutionnels.
II.1.1-Les acteurs
institutionnels
Ils sont définis comme ceux disposant d'une
autorité légitime et /ou d'un pouvoir accordé dans
un cadre institutionnel reconnu. Les acteurs institutionnels intervenants dans
la gestion des ressources naturelles et l'aménagement de l'espace
à mangrove à Youpwe sont les suivants :
-Services étatiques : le poste de pêche de
Youpwe, la MIDEPICAM (mission de développement de la pêche
artisanale maritime), les services des domaines
-Les collectivités locales : la communauté
urbaine, la mairie de Douala II, les institutions coutumières (chefferie
de Youpwe). Compte tenu de
l'hétérogénéité de la population à
Youpwe, l'autorité traditionnelle est loin d'incarnée le pouvoir
culturel qui rassemble tous les habitants de la localité. Cette
situation de fait dans laquelle l'autorité traditionnelle n'est pas
à la base du pouvoir qui tient tous les individus en respect explique
en partie la gestion calamiteuse des ressources de la mangrove à Youpwe.
Bien plus, la localité de Youpwe au regard de son statut est un
territoire éclaté. Par conséquent les populations qui y
vivent ou qui y exploitent les ressources ne sont en aucun cas attachées
ou enracinées idéologiquement à cette localité. Les
populations duala (autochtones) qui pourraient être
considérés comme les propriétaires naturels de l'espace
à mangrove de Youpwe ne présentent pas eux non plus des signes
d'attachement et d'appropriation. La raison en est simple. Elle est liée
à la politique foncière qui remonte depuis la période
coloniale. Car en effet l'administration coloniale n'a su apporter aucune forme
de légalité foncière pour l'acquisition d'un terrain dans
la périphérie de la ville. La majorité des terrains
périphériques (non immatriculés) sont un bien collectif et
inaliénable. Le législateur interdit leur vente. Mais dès
qu'il s'agit d'accueillir des étrangers où groupes, la vente
n'étant pas permise, la transaction donne lieu à un permis
d'occuper précaire et révocable (Guy Mainet). Nous comprenons
aisément que les Duala d'après l'administration coloniale,
n'avaient pas le droit de spéculer sur les terrains
périphériques non immatriculés. Cela les a amenés
à se désintéresser totalement de la gestion de ces espaces
et de leurs nombreuses ressources au grand bonheur des étrangers qui
malheureusement ont mis sur pied un mode d'exploitation sauvage des ressources
(terres, flore, faune, sable, poisson...). Aujourd'hui la mise sur pied d'un
mode de gestion concertée des ressources de la mangrove à Youpwe
s'avère très difficile car les populations ont du mal à
s'approprier leur cadre de vie ; deuxièmement l'autorité
traditionnelle manque de réel pouvoir. Elle ne constitue pas un
véritable ciment politico-culturel qui rassemble les populations autour
d'un même idéal de la gestion participative des ressources de la
mangrove. Troisièmement les différents acteurs ont des
intérêts divergents. En appliquant la matrice
CAPE de Vincent PIVETEAU sur notre zone d'étude nous relevons
quatre profils d'acteurs. Nous identifions à cet effet des acteurs
collectifs à savoir les pêcheurs qui acceptent volontiers des
propositions relatives aux techniques moins consommatrices en bois de mangrove
pour le fumage de poisson ainsi que les techniques rationnelles de pêche.
En plus nous avons identifié des acteurs arbitres dans la gestion des
ressources de mangrove. Il s'agit des associations comme (APEMC). Par ailleurs
nous avons relevé des acteurs privatifs c'est -à-dire
réfractaires à tout compromis. Ce sont les coupeurs de bois et
quelques personnes bénéficiant des titres fonciers à
Youpwe (voir photo n°2). En fin il nous a été donné
de mettre en évidence l'existence des acteurs externes. Il s'agit des
groupements qui se déploient sans relâche sur plusieurs fronts
à la recherche du profit et du gain. Parmi ces groupements, nous notons
des expatriés ouest - africains. En somme l'espace à mangrove de
Youpwe reste un territoire à géométrie variable où
la théorie de la Formation Socio-Spatiale
(FSS) de Guy DIMEO permet de comprendre la cause
profonde de la dégradation accélérée des ressources
dans la localité et la difficulté de la mise sur pied d'un projet
concerté de la gestion de ressources de la mangrove.
Tableau
n°6: profil des acteurs impliqués dans la
gestion
des
ressources à Youpwe : Matrice CAPE
|
Internes
|
Externes
|
Régulateurs
|
Pêcheurs, vendeurs de poisson, creuseurs de sable
(Collectifs)
|
Associations et ONG : APEMC, FAO
(Arbitres)
|
Non régulateurs
|
Coupeurs de bois, quelques entreprises
(Privatifs)
|
Expatriés ouest - africains
(Extérieurs)
|
Source : Enquêtes de terrains
Ces différents acteurs (régulateurs et non
régulateurs) exercent à travers les pratiques et les modes de
penser une influence sur la société et cherchent avidement chacun
de son côté à faire triompher sa perception de l'espace
à mangrove. Cette influence sociale ou pression est le fondement
même de la transformation et de la dynamique de l'espace à
mangrove de Youpwe.
|