Le divorce une fois prononcé, laisse très
souvent la personne divorcée dans un état psychologique
très critique. Cette situation nous a été
révélée par DONI comme nous le constatons à travers
ses propos : « Nta tiro ngifise, bishitse ngatora itiro naho, nguma
ndota nabi ». C'est-à-dire: « Je n'ai plus de sommeil et s'il
m'arrive d'en avoir un tout petit, c'est pour faire de cauchemars.»
Nous remarquons que le divorce laisse la personne
concernée dans une situation psychologique précaire étant
donné que le divorce entre conjoints est un problème profond.
Alors, la question de l'état psychologique de la personne
divorcée revient à répondre à la question de saisir
les comportements nouveaux suite à ce phénomène social
qu'est le divorce. Après le prononcé du divorce, nous avons
remarqué que les états psychologiques de la personne
concernée changent.
A ces difficultés psychologiques s'ajoutent d'autres
problèmes, à savoir la vie solitaire, la perte de dignité,
la perte de statut social, l'insécurité, la peur de la nuit, etc.
Si la société n'offre pas de soutien tant moral que psychologique
à ces personnes, celles-ci peuvent se sentir rejetées par la
communauté et risquent de vivre en marge de la société.
SECI en donne une illustration: « Jewe ubu mbayeho nabi, bisubiye
ntawukinyubaha, uwo ari we wese amfata uko yigombeye ».
Ce qui signifie pour SECI: « Je mène une vie
misérable, personne ne me respecte, tout le monde me sous-estime, je
n'ai plus de dignité ». Ces propos de SECI montrent combien
le divorce plonge la personne concernée dans une situation difficile
à supporter. Il est source d'insécurité et de la perte de
l'estime de soi. GAGA montre aussi que la personne divorcée perd son
estime de soi. Il précise ainsi : « Ubu ntaho nkironka nca kuko
aho nciye bose bantunga urutoke, nsigaye umengo ndi igicibwa ». Ce
qui signifie: « Je n'ai plus où passer, on me pointe le doigt
partout, je suis comme quelqu'un mis en quarantaine.»
A analyser les propos de GAGA, nous constatons qu'elle
manifeste une certaine perte de l'estime de soi, ce qui peut entrainer une
blessure narcissique. La culpabilité qui prédomine chez GAGA, est
donc un moment pour lui de méditer sur la période qu'il a
traversée. Suite à son statut de divorcé, GAGA mène
une vie psychique désequilibrée qui entraine des nuits
cauchemardesques. Voici ce qu'il dit: « Nkiri hamwe n'umugore wanje
tukibanye neza nararyama ngasinzira ariko ubu singitora agatiro ndara
ndakangagurika. Nsinziriye naho nguma ndota bibi, ikindi nuko nsigaye ndi
ikimaramare, aho nciye hose baramvuma ». Ce qui se traduit comme
ceci: « Avant le divorce, je menais une vie meilleure avec ma femme et
je dormais dans toute quiétude, maintenant que nous avons
divorcé, je n'ai plus de sommeil et j'ai souvent des insomnies. Quand il
m'arrive d'avoir un petit sommeil, je passe ce moment dans des cauchemars.
Ensuite, j'ai aujourd'hui honte de moi-même, je suis une personne sur qui
tout le monde jette l'anathème».
Et depuis, GAGA est menacée par cette blessure
psycho-sociale occasionnée par le divorce avec son épouse et son
isolement de sa propre famille. Voici ses propos: « Mabukwe aho nciye
yoturira ngo nije namutereye urubwa umwana wiwe ». Ce qui veut dire:
« Ma belle-mère ne supporte plus me voir car elle m'accuse
d'avoir déshonoré sa fille».
8.2. Relations d'un
fonctionnaire divorcé avec sa famille paternelle
Depuis longtemps, le mariage dans la société
burundaise était précédé par des relations
d'affinité. Les deux familles souhaitaient que le mariage soit une union
durable. L'idéal est que le projet du mariage soit contracté dans
un esprit de pérennité.
Pourtant, il arrive que les choses changent et prennent une
autre tournure. Des fois, l'union des époux est menacée par la
discorde, l'esprit de domination, des conflits, la jalousie etc. qui peuvent
aller jusqu'à la rupture. Autrement dit, si le degré de conflits
atteint son apogée, certains hommes ou femmes demandent le divorce. Ceci
est illustré par les propos d'un de nos enquêtés SIFA qui
dit ceci : «Naciye mbona ko icoba ciza ari ugusaba kwahukana
». Ce qui signifie : «J'ai constaté que ce qui
serait favorable est de demander le divorce ».
Le divorce est prononcé soit en faveur de l'un soit en
faveur de l'autre. Néanmoins le divorce n'est pas toujours bien
compris par la famille paternelle. C'est le cas de SECI qui nous ceci: «
Mugihe nahukana mama ntiyanyumva yaguma antako amakosa ngosinarikwemera
kwahukana n'umufasha wanje ». Ce qui veut dire: « Quand
j'ai divorcé, ma mère ne me comprenait pas et ne cessait de me
culpabiliser disant qu'il ne fallait pas que j'accepte le divorce
».
Quand une femme est malmenée par son mari, elle est
convaincue de trouver une place dans sa famille paternelle, mais les parents
peuvent la pousser à retourner sous le toit conjugal. Cela se faisait
remarquer dans la société traditionnelle mais nous pouvons
signaler que cela s'observe encore aujourd'hui pour dire que la femme
malmenée doit se résigner, encaisser.
L'attitude de la famille de la femme de ne pas soutenir le
divorce est liée à la peur des critiques à son
égard, comme si elle n'a pas bien éduqué sa fille.
Après le divorce, la femme peut retourner vivre chez ses parents, soit
chez ses frères et soeurs, soit chez ses collègues ou louer une
maison si elle en est capable. Signalons que si la femme est retournée
chez sa famille paternelle cela devient une charge lourde pour cette
dernière.
Quant aux femmes qui composent l'échantillon de notre
recherche, elles ne sont pas toutes retourné dans leur famille d'origine
car toutes les femmes qui composaient notre échantillon ont
préféré louer une maison ici et là. Dans la
société burundaise lorsque la femme est divorcée, on a
tendance à l'écarter et lui coller l'entière
responsabilité de l'échec conjugal. C'est pourquoi la
façon dont la femme divorcée est reçue dans sa famille
paternelle dépend de plusieurs facteurs, entre autre la confiance qu'on
a envers elle.
Ajoutons que l'homme peut être grondé par sa
famille mais ce sont des cas rares. L'unique nuance est que l'homme
divorcé ne regagne jamais la maison paternelle ou de ses frères,
il fait tout pour avoir une maison à louer ou rester dans la sienne. Ce
qui fait que les hommes divorcés ayant leur propre maison ne connaissent
pas des problèmes de logement.
Un seul cas sur 8 avait répondu qu'elle vit en bons
termes avec sa famille d'origine; d'autres nous disaient qu'elles ne
collaborent pas avec leurs parents, encore moins avec leurs frères. Les
propos suivants illustrent ce qui précède. DONI dit: «
Naho ndi impfuvyi, musazanje umwe mfise ntiducana uwaka kuberako nahukanye
». Ce qui signifie: « Même si je suis orpheline, le
seul frère que j'ai me déteste beaucoup à cause de mon
statut de divorce ». SIFI indique ce qui suit: « Umuryango
wanje ntiduhuza namba ». Ce qui veut dire: « je suis en
contradiction totale avec ma famille ». SECI aborde dans le
même sens en disant: « Jewe mfise maman gusa ariko ntiducana
uwaka ». Ce qui signifie: «J'ai ma mère seulement
mais je ne vis pas un bon terme avec elle ».
A partir de ces cas, nous constatons que la situation de
divorce perturbe les relations existant entre la personne divorcée et sa
famille d'origine. Néanmoins si la femme divorcée est confiante
envers sa famille d'origine nous comprenons que cette dernière peut
combler le vide tant moral que psychologique. Mais, malgré cela, les
conséquences du divorce au niveau relationnel restent nombreuses.
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