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La fiscalite des investissements et l'optimisation fiscale cas du cameroun

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par Elvice DJOMENI KOLOKO
Université de Douala - Master II professionnel en fiscalité appliquée 2008
  

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Paragraphe 2. Sur le plan fonctionnel

Les investisseurs agréés à l'un des régimes fiscaux incitatifs n'ont jamais cessé de remettre en cause le fonctionnement du système fiscal des incitations. C'est le constat qui ressort de l'un des dîners - débats du GICAM qui relève : « les différentes mesures fiscales prises jusqu'ici n'ont pas été aptes à soutenir l'investissement de manière durable. Aussi, notre système fiscal actuel continue de faire l'objet de vives critiques»152(*). Ces insuffisances ont un dénominateur commun : elles atténuent directement ou indirectement les allègements ou exonérations des droits et taxes accordés. Elles portent sur la longueur et la lourdeur des procédures administratives (A), l'exercice excessif de l'abus de droit (B), la médiatisation insuffisante des mesures(C) et le pourvoir discrétionnaire des services compétents (D).

A- La longueur et la lourdeur des procédures administratives

La mise en oeuvre des régimes fiscaux incitatifs dans les pays en voie de développement en général et le Cameroun en particulier souffre d'énormes difficultés. Elle se caractérise par la longueur et la lourdeur des procédures administratives auxquelles sont confrontés les investisseurs.

D'après le Doing Business 2007, une enquête réalisée auprès des opérateurs économiques par un groupe d'experts camerounais relève que les difficultés des opérateurs économiques camerounais commencent dès la procédure de création d'entreprises. Il ressort des conclusions de ce rapport qu'il faut au moins trente sept (37) jours pour conduire douze (12) procédures administratives lors de la création d'une entreprise au Cameroun contre treize (13) jours et six (06) procédures dans les pays les plus compétitifs153(*). Les rédacteurs du Doing Business 2007 notent également que le lancement d'une entreprise souffre des mêmes difficultés.

En effet, pour accomplir les formalités nécessaires au lancement d'une entreprise, il faut accomplir 444 jours et dépenser l'équivalent de 1165% de revenu / habitant contre 149 jours et 72% dans les pays les plus compétitifs154(*). Ces avis sont partagés par l'ensemble des investisseurs interrogés au cours de nos enquêtes, qui pensent que la longueur et la lourdeur des procédures administratives constituent un frein à l'efficacité des mesures fiscales incitatives aux investissements.

Ces problèmes auxquelles sont confrontées les entreprises se traduisent par des augmentations importantes du coût des investissements atténuant par là, les avantages fiscaux qu'accorde l'Administration aux investisseurs.

Pour remédier à cette insuffisance, il s'avère nécessaire de créer un service central doté d'un personnel compétent chargé de l'examen et de l'approbation des dossiers d'une part et de l'administration des entreprises agréées d'autre part.

B- L'exercice excessif de la procédure d'abus de droit

L'exercice de la procédure d'abus de droit est l'une des prérogatives155(*) dont jouit l'Administration fiscale. Elle lui permet de rétablir la réalité des faits, quelque soit la façade juridique derrière laquelle se cache une opération réalisée. Visée à l'article L33 du Livre de Procédures Fiscales (LPF), elle dispose : « Toute opération conclue sous la forme d'un contrat ou d'un acte juridique quelconque dissimulant une réalisation ou un transfert de bénéfices ou revenus effectués directement ou par personnes interposées n'est pas opposable à l'Administration des impôts qui a le droit de restituer à l'opération son véritable caractère et de déterminer en conséquence les bases des impôts sur les sociétés ou sur le revenu des personnes physiques. En cas de réclamation devant la juridiction contentieuse, l'Administration à la charge de la preuve ». En effet, pourront être qualifiées d'abus de droit tous montages juridiques réalisés dans la seule motivation de réduire l'assiette imposable. L'exercice excessif de cette prérogative ne donne pas toujours la possibilité au contribuable de choisir les constructions juridiques lui offrant les solutions les moins onéreuses fiscalement156(*). Cet avis est partagé par 70,73% des investisseurs interrogés.

A titre d'illustration, considérons une entreprise qui dispose des pertes ordinaires157(*) qui seront prescrites au 31 décembre 200N. Au cours de cette année, il ressort des données prévisionnelles que le bénéfice fiscal sera très faible pour absorber ces pertes antérieures. De ce fait, l'entreprise décide de procéder à la réévaluation libre158(*) de ses immobilisations amortissables afin de profiter des économies d'impôts159(*) qui en découleront. En effet, le bénéfice fiscal y compris l'écart de réévaluation s'imputera sur ces pertes antérieures pour le ramener à zéro. Par ailleurs, l'ajustement du plan d'amortissement induira des économies d'impôts car, cette démarche permet de convertir ces pertes ordinaires en amortissements futurs.

Cette opération peut être qualifiée d'abus de droit si cette réévaluation réalisée ne se limite qu'à des motivations d'ordre fiscal, c'est-à-dire, faite exclusivement dans l'intention de conserver les économies antérieures qui prescrivaient au 31 décembre 200N.

Dans le cadre de cette opération, il ne s'agit pas d'une fraude fiscale, mais une habileté fiscale excessive. L'entreprise n'a choisi qu'une solution moins onéreuse. Il serait donc judicieux que le législateur fasse preuve de tolérance administrative devant les situations d'abus de droit, à l'exception de celles dissimulant la fraude.

C- Une médiatisation insuffisante

La mise en place des régimes fiscaux incitatifs n'est que le point de départ d'une stratégie visant à attirer les investissements. Il faut y ajouter une autre mesure importante : faire connaître l'existence de ces régimes et veiller à ce que les investisseurs potentiels soient pleinement informés des avantages à attendre d'une opération réalisée dans chacun des régimes.

Une étude réalisée par le groupe de la Banque mondiale montre que 70 % des agences de promotion des investissements manquent des investissements parce qu'elles ne fournissent pas l'information pertinente et ponctuelle demandée par les investisseurs potentiels160(*). Cette étude examine la capacité de 181 pays à influencer les IDE dans le processus de sélection du lieu d'implantation.

Il ressort du rapport final que seulement 10 pays sur 181 parviennent à assurer un suivi avec des investisseurs potentiels afin de décrocher un projet. « Si les informations sur le pays sont difficiles à obtenir, les investisseurs iront tout simplement ailleurs », déclare Cécile Sager, une Directrice du service conseil du climat d'investissement au sein du groupe de la Banque mondiale.

La fiscalité fait partie de ces informations pertinentes qui conditionnent le choix du lieu d'implantation d'une entreprise et même sa pérennité. La fiscalité des investissements au Cameroun souffre de ce problème de médiatisation. Cet avis est partagé par 85.36% des investisseurs interrogés et le gouvernement en est conscient. C'est ce qui explique la récente visite d'une délégation camerounaise composée du Chef de l'Etat et de l'Ex-président du patronat, André SIAKA au 1er sommet Chine -Afrique. Le Président de la République donnait à cette visite politique, un caractère éminemment économique et promotionnel et, il avait d'ailleurs rencontré les grands investisseurs chinois. L'objectif de ces entretiens était de revaloriser l'image des affaires du Cameroun, eu égard aux atouts161(*) dont il dispose.

Au terme de cette analyse, nous pouvons admettre que la recherche de la bonne information en générale et de l'information fiscale en particulière, induit des coûts supplémentaires qui n'ont pour conséquence que, d'amoindrir les allègements ou exonérations des charges fiscales accordés par le législateur. Ainsi, l'Administration fiscale doit davantage prendre des dispositions pour réduire ces coûts en mettant à la disposition des investisseurs la bonne information à travers son site internet et les journées portes ouvertes.

D- Le pouvoir discrétionnaire des services compétents

L'approbation des projets d'investissement aux régimes particuliers incitatifs est de la compétence du MINFI et du MINDIC après examen et avis des organismes tels que l'ONZFI, la CGCI et l'Agence pour la Promotion de Investissement. Ces derniers disposent d'une large discrétion dans l'examen et l'appréciation des dossiers. Au dernier recours, le Ministre décide de l'opportunité d'accorder ou de refuser l'agrément. En tout état de cause, cette marge d'appréciation personnelle est très souvent perçue par les candidats comme une source d'inégalité et de discrimination, pour tout dire, une source d'arbitraire.

Des investisseurs interrogés, 87,6% sont généralement confrontés aux pouvoirs discrétionnaires des services compétents dans l'examen et l'approbation des dossiers. Cette discrétion est à l'origine de la corruption qui règne souvent au sein de ces services. Cet avis est partagé par tous les investisseurs interrogés162(*).

Pour y remédier, l'Etat devrait veiller à ce que les personnes en poste dans les services centralisés soient pleinement représentatives de tous les ministères qu'elles représentent. Parallèlement, les textes relatifs à l'approbation des investissements devraient être rédigés en termes clairs et sans ambiguïté, de façon à limiter le plus possible les interprétations divergentes. Ce qui réduira les risques de corruption et garantira, une application équitable et juste des programmes de libéralisation des investissements. Aussi, Eloi DIARRA, Agrégé en droit public et Maître de conférence à la faculté de droit public de Dakar suggérait: « Pour remédier au pouvoir discrétionnaire des services compétents, l'Etat devrait instaurer l'automaticité des régimes fiscaux incitatifs ; ce qui revient à dire que lorsque les conditions posées par le législateur sont remplies, on bénéficie automatiquement des avantages du régime, bien entendu si l'on en formule la demande»163(*).

CHAPITRE 2 : PERSPECTIVES POUR UNE FISCALITE DES INVESTISSEMENTS PLUS EFFICACE

Tout processus de développement et de relance économique s'intègre dans une démarche participative164(*). L'Etat et le secteur privé sont les premiers acteurs. A cet effet, l'Etat définit et pilote la politique économique du pays tandis que le secteur privé créé des entreprises. Dans cette symbiose, l'Etat assure la régulation en accordant des facilités parmi lesquelles les exonérations et allègements fiscaux. Par ailleurs, cet Etat régalien qui davantage a besoin des ressources sans cesses croissantes dont les plus importantes sont constituées par les recettes fiscales, ne peut véritablement respecter cet engagement que si en plus des facilités fiscales qu'il accorde, il n'existe pas d'autres sources de dépenses fiscales informelles. Cet avis est partagé par l'ensemble des investisseurs interrogés165(*). Environ 75,36% d'entre eux déclarent que si l'Etat n'a souvent pas honoré ses promesses, la cause principale serait la mauvaise foi de certains investisseurs qui ne paient pas leurs impôts. C'est également le constat fait par le GICAM qui pense que : « le fardeau fiscal imposé aux entreprises formelles serait dû au développement progressif d'une économie informelle dont les adhérents n'ont ni charges fiscales, ni charges sociales »166(*). Pour une fiscalité des investissements plus efficace, la lutte contre la fuite des recettes fiscales apparaît donc comme un impératif majeur (section1) à condition qu'au niveau de l'entreprise, les efforts d'optimisation des mesures fiscales incitatives soient réalisés (section 2).

SECTION 1 : LA LUTTE CONTRE LA FUITE DES RECETTES FISCALES : UN IMPERATIF MAJEUR POUR UNE FISCALITE PLUS EFFICACE

Le comportement du contribuable devant l'honorable obligation de contribuer aux charges publiques est une réaction de défense : le contribuable cherche à se soustraire au prélèvement que le fisc entend opérer sur son patrimoine ou tout au moins à en réduire l'ampleur167(*). C'est le phénomène de fuite devant l'impôt. Il a des conséquences très néfastes. En effet d'un point de vue fiscal, il fausse l'équilibre du système fiscal en permettant à certains contribuables d'éluder leurs charges fiscales tandis que d'autres la supportent pleinement. D'autre part, ce phénomène compromet le rendement de l'impôt et diminue les rentrées fiscales. Enfin, ce phénomène a des répercutions économiques : il entraîne des distorsions dans l'économie, fausse la politique fiscale en matière d'incitation aux investissements et le jeu de la concurrence entre les entreprises.

Compte tenu de l'ampleur du problème, il importe d'en rechercher les manifestations (paragraphe 1) et d'en dégager les remèdes (paragraphe 2).

* 152 GICAM : « Fiscalité et parafiscalité : Réalités et enjeux », rapport dîners -débat du 2 octobre 2008, page 1.

* 153Journal de la Chambre de commerce du Cameroun, mois d'avril - mai -juin 2009 : Le déficit d'information qui déroute les investisseurs étrangers, p.36.

* 154BAMBOU (F) : Climat des affaires, le Cameroun parmi les mauvais élevés, la Nouvelle Expression, 06 Septembre 2007, p.1.

* 155Les prérogatives de l'Administration s'entendent comme la contrepartie du système déclaratif dont elle dispose pour s'assurer de l'exactitude, de la fidélité et de la sincérité des déclarations souscrites par les contribuables. Elles portent d'une manière générale sur le droit de contrôle, le droit de communication et d'enquête dont les modalités sont visées aux articles L 9 et suivants du LPF. L'abus de droit fait partie intégrante du droit de contrôle.

* 156BIELEU (J-R), Président de l'Ordre National des Experts fiscaux: Cours de procédures fiscales, année académique 2008/2009, p.7.

* 157Il s'agit là des déficits visés à l'article 12 du CGI, à l'exception des amortissements différés en période déficitaire énoncés à l'article 7(D) du CGI.

* 158L'on qualifie de réévaluation libre, celle initiée par l'entreprise et à un taux interne déterminé. L'écart de réévaluation est la différence entre la valeur nette économique du bien après réévaluation, diminuée de sa valeur nette comptable avant réévaluation. C'est un véritable profit imposable ; Voir NZAKOU, op.cit., pp. 96-97.

* 159 Cette opération permet de passer des déficits ordinaires dont le délai d'imputation est limité dans le temps aux amortissements imputables indéfiniment. En effet, les plus - values dégagées en s'imputant aux déficits ordinaires permettront de convertir ces derniers en amortissements car, elles s'ajustent aux valeurs initiales des immobilisations réévaluées.

* 160 Journal de la Chambre de commerce du Cameroun des mois d'Avril - Mai - Juin 2009, p.36.

* 161Le Cameroun est doté de plusieurs atouts qui sont : une stabilité sociale, un cadre des investissements réglementé, l'existence des infrastructures de communication et de télécommunication, une main d'oeuvre qualifiée et bon marché, des ressources naturelles, etc..

* 162 Voir résultat de l'enquête en annexe I.

* 163 DIARRA(E) : « Le Code des investissements du Sénégal d'août 1987 : un bref aperçu », revue juridique africaine N°2, 1990, p.10.

* 164 Cette démarche voudrait que l'Etat, le secteur privé, la société civile, les universitaires, les organisations professionnelles, etc. mettent en place une synergie pour un développement durable.

* 165 Cf. résultat de l'enquête, annexe I.

* 166 GICAM : « Fiscalité et parafiscalité : réalités et enjeux », rapport dîners -débat du 02 octobre 2008, p.2.

* 167 GAUDEMET (P.- M) et MOLINIER (J.) : Finances Publiques / Fiscalité, Tome 2, Domat droit public, 6ème édition Juillet 1997, p.226.

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