Conclusion
A l'issue de ce « périple » intellectuel et
conceptuel sur la problématique de la gouvernance locale, il me
paraît essentiel d'en rappeler les aspects fondamentaux suivants :
La problématique
Ma démarche centrale a été d'analyser et
de démontrer en quoi la mise en oeuvre d'une politique de communication
locale peut être un facteur d'amélioration des différents
aspects de la gouvernance locale et de promotion de la bonne gouvernance
locale.
Le cadre théorique de la
recherche
Les théories des organisations suivantes m'ont servi
de balises : désinstitutionalisation de l'institution et
institutionnalisation de l'organisation, théorie de
l'amélioration continue, le New Public Management, les cinq facteurs de
réussite de Capacity WORKS de la GTZ. A celles-là, il
faut ajouter les apports d'autres auteurs dans les domaines de la
décentralisation, de la gouvernance locale, de la communication locale,
etc.
Le champ d'observation
J'ai choisi les treize communes des départements de
l'Atacora et de la Donga comme champ d'observation, parce que pour moi c'est un
champ professionnel dans lequel je dispose de beaucoup de données
secondaires et sur lequel j'ai une facilité d'accès pour la
collecte des données primaires.
La méthodologie
Vu que dans le cadre des activités de la structure qui
a servi de cadre de recherche, il existe suffisamment de données
secondaires quantitatives, j'ai fait l'option de les confronter avec des
données qualitatives de premières mains. Pour ce faire, j'ai
décidé d'utiliser un questionnaire pour recueillir des
données purement qualitatives visant surtout à ressortir la
perception des communicants locaux sur leur pratique de la communication
locale, ses liens avec les principes de la bonne gouvernance et ses impacts
possibles sur l'amélioration des différents aspects de la
gouvernance locale. Pour éviter que les questions orientent trop les
acteurs et surtout les biais de la désirabilité sociale (faire
plaisir à l'enquêteur, qui en plus se trouve dans la position de
bailleurs de fonds) ; les questions sont suffisamment ouvertes aux fins de
permettre une libre expression. Ainsi dans la lettre d'information aux acteurs
de terrain, qui a accompagné le questionnaire, je me suis refusé
de mentionner le thème exact du
mémoire dans le cadre duquel la recherche est
menée. Pour rester fidèle à cette orientation qualitative,
j'ai restitué dans le mémoire les réponses dans toutes
leurs diversités, me contentant juste de les classer par types de
gouvernance impacté et par thème à l'intérieur d'un
type de gouvernance, reléguant au dernier plan les occurrences
statistiques (les données secondaires quantitatives sont suffisamment
fournies dans ce sens pour que je m'en passe).
Ainsi dans ma stratégie d'argumentation, j'ai toujours
essayé de mettre d'abord en exergue les données qualitatives
(qu'est-ce que les acteurs eux-mêmes en pensent ? Comment
perçoiventils la question ?), puis, je les complète ou confronte
avec les données quantitatives relevant du même domaine afin de
relever leur cohérence ou leur dichotomie. J'ai, au besoin,
complété ces données avec d'autres informations que je
détiens de mon observation directe des acteurs sur le terrain, lors des
suivis ou à l'occasion de nos ateliers d'évaluation du processus
de mise en oeuvre de l'approche d'appui à la communication locale.
Les résultats de la recherche
Sur le plan
épistémologique,
J'ai pu démontrer que l'approche d'appui à la
communication locale est un modèle organisationnel de la qualité
en ce sens qu'elle répond parfaitement aux exigences de la roue
métaphorique de Deming et à certaines exigences du New Public
Management, deux modèles organisationnels qui s'inscrivent dans ce
registre. J'ai pu aussi faire constater et souligner que cette approche n'a ni
la prétention encore moins l'ambition de se positionner dans la ligne
dure et radicale des modèles organisationnels de qualité de types
New Public Management ou ISO. Je l'ai plutôt classée dans
le registre du « managérialisme modéré » de
qualité, qui tout en visant l'amélioration continue de la
performance de l'administration publique, reste résolument
attachée aux principes et valeurs fondateurs du service public.
En outre, j'ai pu démontrer de façon
déductive que si le New Public Management constitue, « la
preuve »33 de la désinstitutionalisations de
l'institution au regard de l'institutionnalisation de l'organisation, et que
l'approche appui à la communication locale obéit aux mêmes
principes et à certaines modalités du New Public Management,
alors l'approche appui à la communication locale est aussi une
forme de désinstitutionalisation de l'institution et
d'institutionnalisation de l'organisation.
33 PESQUEUX (Yvon), avril 2007, Gouvernance et
privatisation, PUF, Paris, Collection La politique éclatée,
P134
Dans cette même perspective, j'ai pu, par ailleurs,
démontrer, même si ce n'était pas mon objectif de
départ, que l'approche respecte également les cinq facteurs de
réussite clés du nouveau modèle de gestion mis en oeuvre
par la GTZ dans le domaine du développement durable : Capacity
WORKS.
Sur le plan opérationnel
J'ai pu démontrer, sur la base de données
qualitatives et quantitatives croisées, d'une part, que la mise en
oeuvre de la communication locale améliore sensiblement les
différents aspects de la gouvernance locale. D'autre part, qu'elle
constitue un facteur de promotion de la bonne gouvernance locale, en raison de
l'impact des actions menées dans les différents champs de la
communication locale sur les principes clés de la bonne gouvernance
locale.
Au-delà, poussant la logique à l'extrême,
j'ai démontré que la communication locale, en donnant la pleine
mesure de ses impacts sur la gouvernance locale, s'inscrirait dans une vision
complémentaire mais inverse de la décentralisation d'essence
légale qu'est la « décentralisation descendante », pour
se positionner comme le vecteur et la force motrice d'une
décentralisation « ascendante », d'essence légitime et
qu'un tel processus devrait conduire à la refondation de l'Etat à
travers une masse critique de communes « efficaces ».
Les apports de la recherche
Sur le plan épistémologique :
L'application de l'approche appui à la communication
locale à la théorie de la désinstitutionalisation de
l'institution au regard de l'institutionnalisation de l'organisation du
professeur PESQUEUX a permis l'émergence de la dimension «
récupération politique des gains du managérialisme
» de l'organisation par l'institution, ici, l'institution
communale.
Sur le plan opérationnel et professionnel
Cette recherche a pu mettre en lumière :
· Que l'approche « appui à la
communication locale » s'inscrit dans une logique de durabilité,
pour avoir passé avec succès, les cinq facteurs de
réussite de Capacity WORKS. En effet l'approche a
été mise au point et développée avant la conception
de Capacity WORKS. Je peux donc en déduire que les outils de
Capacity WORKS
peuvent parfaitement être appliqués dans
l'accompagnement des acteurs communaux dans la mise en oeuvre de l'approche
communication locale.
· Les limites et défis de l'approche pour son
perfectionnement, notamment dans le domaine de l'apprentissage organisationnel
du processus, son ancrage sur le champ d'action politique pour créer les
conditions cadre nécessaires à la promotion et à
l'enracinement d'une « culture politique communicative » et de
transparence dans la gouvernance locale au Bénin.
· Une des « lacunes » de la pratique communale
en matière de communication locale, notamment dans le domaine du
genre/équité et la formulation d'une recommandation forte pour
une communication locale « genre sensible ».
Limites et perspectives de la recherche
Limites...
Une des limites majeures de cette recherche est relative
à la représentativité de l'échantillon de la
recherche, constitué des communes des départements de l'Atacora
et de la Donga. En effet, ma posture de recherche étant constructiviste
à visée de généricité opératoire, il
se pose le problème de la représentativité de
l'échantillon et de l'extrapolation possible des résultats
obtenus à d'autres communes du Bénin, sachant bien qu'il y a des
communes à statut particulier (notamment Cotonou, Parakou et Porto-Novo)
dont les réalités ne sont pas tout à fait semblables
à celles des communes de l'Atacora-Donga.
La deuxième limite est relative à la
non-disponibilité de certaines données quantitatives,
spécifiquement, ici, les comptes administratifs exercice 2009 des
communes des départements de l'Atacora et de la Donga (la loi leur donne
jusqu'au 30 juin de l'année N+1 pour transmettre à
l'autorité de tutelle le compte administratif de l'année N). Si
ces comptes administratifs avaient été disponibles, leurs
données m'auraient valablement permis d'analyser davantage la
corrélation entre la satisfaction des citoyens des prestations
communales et le niveau de recouvrement des recettes fiscales (croiser les
résultats des sondages 2007 et 2009 sur la satisfaction des citoyens par
rapport aux prestations communales avec les comptes administratifs 2007 et 2009
des communes concernées : voir si les courbes d'évolutions des
deux types de données concordent). Ce faisant, j'aurais
été fidèle à ma stratégie de
démonstration qui consiste à conforter par des données
quantitatives, les appréciations qualitatives des communicants
locaux.
Enfin, la recherche n'a pas suffisamment mis en relief la
dimension centrale du leadership du maire et du président de la cellule
de communication, ainsi que le dynamisme des membres de la cellule dans le
succès de la mise en oeuvre de l'approche communication locale. Certes,
ces aspects transparaissent en filigrane dans le processus clé :
renforcement des capacités des acteurs communaux, mais l'analyse des
résultats des performances des communes dans le domaine de la
communication locale aurait bien pu aussi se lire à travers ce
prisme.
...et perspectives de la recherche
Toutefois, il est heureux de constater, de part
l'élaboration généralisée et des efforts de mise en
oeuvre depuis deux ans des plans de communication par toutes les communes des
départements de l'Atacora et de la Donga, et à travers les
réponses au questionnaire, qu'il y a eu une prise de conscience
effective des élus locaux et du personnel communal que la communication
en direction des populations est un instrument nécessaire pour la
réussite de l'action communale : « aujourd'hui, après 07 ans
d'apprentissage, la communication locale apparaît comme la clé de
succès de la promotion de la démocratie à la base et du
développement local, principaux défis de la
décentralisation au Bénin » (cellule de communication de la
commune de Kérou, réponse au questionnaire). C'est
peut-être conscients aussi de ce rôle moteur de la communication
locale et surtout aux vues des résultats probants qui en
découlent sur le terrain, que les maires des communes du
département du Borgou, n'ont pas attendu la vulgarisation de l'approche
au niveau national pour l'adopter et la mettre en oeuvre dans leur communes
respectives (effets tâches d'huile).
Mais il est primordial de rappeler aux communicants locaux,
surtout aux élus locaux que la communication locale est un couteau
à double tranchant, qu'il faut savoir manier dans le bon sens, car,
comme le souligne Philippe Langenieux Villard : « S'il agit sans
communiquer, l'élu perd le pouvoir. S'il communique sans agir, il trompe
les citoyens. »34Bien entendu, on peut tromper le peuple un
temps, mais on ne peut pas le tromper tout le temps.
34 KINNINVO (Franck), décembre 2008, «
Plutôt communiquer que périr », Le Municipal,
numéro spécial Quid de la Décentralisation 2009,
P3
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