de politique de
développement
local post-crise
S'il est vrai que depuis la tenue du sommet mondial pour le
développement social de Copenhague en mars 1995, les politiques de lutte
contre la pauvreté et l'exclusion sociale ont été
profondément renouvelées, comme en témoigne les efforts
entrepris en Cote d'Ivoire avec par exemple l' « enquête
démographique et sociologique dans la commune de San Pedro : à la
recherche d'indicateurs de base pour la définition d'une politique de
reconstruction postcrise » que l'ENSEA a effectué en
juin 2007. Les résultats de cette enquête ne sont pas
forcément à la hauteur des défis rencontrés et il
reste encore beaucoup à faire. En effet, il ressort de cette
enquête qu'au niveau des chefs de ménage, 79,9% sont pauvres en
conditions de vie, 73,8% sont pauvres en potentialité et 17% ont un
faible intérêt pour la cohésion sociale. La
déclaration du PNUD au sommet mondial de Copenhague garde toute sa
pertinence : « Il y a 150 ans, le monde s'est engagé dans une
croisade contre l'esclavage ; maintenant, le monde doit s'engager dans une
croisade contre la pauvreté ». Nous pouvons reformuler cette
phrase en disant : « il y'a 40 ans, la Côte d'Ivoire s'est
engagée contre le sous développement économique ;
maintenant, la Côte d'Ivoire doit s'engager dans une croisade contre la
pauvreté et l'exclusion sociale ».
Ce chapitre a pour but principal de définir une
politique de développement local post-crise pour les populations de San
Pedro. Pour atteindre cet objectif, nous répondrons aux questions
fondamentales suivantes :
Comment définir des objectifs précis et clairs
pour réussir la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale
au niveau de San Pedro ?
Quelle promotion de nouvelles pratiques pour réussir
l'intégration de l'objectif de la lutte contre la pauvreté et
l'exclusion sociale dans l'ensemble des politiques publiques ?
3.1. Définir des objectifs précis et
clairs pour réussir la lutte contre la pauvreté et l'exclusion
sociale au niveau de San Pedro
Un des enjeux principaux de la lutte contre la
pauvreté et l'exclusion sociale est l'évaluation des politiques
publiques. Pour cela, il est nécessaire de clarifier les
finalités implicites et explicites de ces politiques, puis de travailler
sur les principes et méthodes pour les mettre en oeuvre.
Pour réussir à lutter contre la pauvreté et
l'exclusion sociale, nous proposons deux grands objectifs.
Mémoire de stage : construction
d'indicateurs de base pour la définition d'une politique
de
reconstruction post-crise à San Pedro
3.1.1. Objectif un : Garantir
l'Indivisibilité des droits fondamentaux et l'accès pour tous
à ces droits
La finalité de toute politique doit être de
promouvoir et de garantir le respect de la dignité de la personne
humaine dans toutes ses dimensions, y compris spirituelle, symbolique,
relationnelle, en d'autres termes assurer l'indivisibilité des droits
fondamentaux (civils, économiques, sociaux et culturels) pour permettre
a chacun de trouver sa place dans la société et échanger
avec les autres dans la dignité.
Affirmer cela, c'est s'opposer a une certaine vision de la
globalisation qui se limite aux seuls enjeux économiques, commerciaux et
financiers, qui assujettit l'homme au marché pour, au contraire, faire
émerger une mondialisation humaine, une mondialisation qui renforce la
cohésion sociale et politique en prenant en compte
l'indivisibilité des droits humains. Il est également essentiel
de réfléchir aux conditions a mettre en place pour assurer
l'accès aux droits (le droit aux droits). On constate en effet que ce
sont souvent les personnes qui en ont le plus besoin qui éprouvent le
plus de difficultés a accéder aux droits fondamentaux reconnus.
Dans cette perspective, il est plus qu'indispensable d'élaborer une
charte des droits fondamentaux pour la Côte d'Ivoire en
général et pour San Pedro en particulier. La démarche
d'élaboration de cette charte devrait participer a la
démocratisation des institutions de la Cote d'Ivoire puisque la
rédaction de la Charte n'est pas laissée aux méthodes
gouvernementales classiques de négociation mais a une enceinte
composée par une majorité de parlementaires nationaux. En outre,
la méthode de travail choisie est transparente puisque les débats
sont publics et que le point de vue de l'ensemble des acteurs de la
société, y compris des ONG, est recherché.
3.1.2. Objectif deux : Les politiques publiques
doivent réconcilier développement économique et
développement social
Quel type de développement promouvoir pour permettre a
tous l'accès aux droits fondamentaux ? Quelles méthodes
concrètes envisager ? En réponse a ces questions, il est
important d'insister sur la nécessité de concilier
l'économique et le social, la compétitivité et la
solidarité. Cela exige que cinq grands équilibres soient
recherchés :
Equilibre
Sécurité/Flexibilité : la stratégie
européenne pour l'emploi définie a Luxembourg en 1997 accorde une
grande place a la mobilité. Or il faut veiller a ce que celle-ci ne
condamne pas a la précarité. D'un autre côté,
l'immobilisme nuit a la cohésion sociale. Il y a de nouvelles voies a
explorer et le débat est lancé.12
Equilibre Egalité/Equité
: les moyens investis dans la mise en oeuvre des politiques
doivent être adaptés aux situations sur le terrain : il faut donc
mettre plus de moyens la où cela s'avère nécessaire. Il ne
s'agit pas pour autant de substituer l'équité a
l'égalité mais au contraire de mettre l'équité au
service d'une plus grande égalité qui n'enferme pas dans
«l'assistanciel ».
Equilibre
Conditionnalité/Inconditionnalité : la
conditionnalité est trop brutale et mène a l'exclusion, tandis
que l'inconditionnalité conduit a l'assistance. Il faut trouver un
équilibre entre ces deux extrêmes, équilibre qui devrait
être adapté a chaque individu ce qui nécessite d'inventer
de nouveaux processus.
Equilibre Assurance/Solidarité
: les deux principes doivent être conciliés et il ne
doit pas y avoir de responsabilité a deux vitesses. Il est aussi
important de rappeler que ceux qui causent des dégâts sociaux en
assument la responsabilité.
12 Pour ce débat, voir entre autre, le rapport
du groupe d'experts de haut niveau « Transformation du travail et devenir
du droit du travail en Europe », 1998 (DG Affaires Sociales et Emploi).
Mémoire de stage : construction
d'indicateurs de base pour la définition d'une politique
de
reconstruction post-crise à San Pedro
Equiibre Droits/Devoirs : Il n'y a
pas de droits sans devoirs. L'Etat ne peut être considéré
comme le seul et unique créancier. Il faut réfléchir
à partir des ressources éthiques de chacun et rappeler quels sont
les devoirs des uns vis à vis des autres.
3.2. Promouvoir de nouvelles pratiques pour
réussir l'intégration de l'objectif de la lutte contre la
pauvreté et l'exclusion sociale dans l'ensemble des politiques
publiques
Tant les travaux menés dans le cadre des ateliers que
les interventions au cours des séances plénières ont
permis de définir les grands axes stratégiques (moyens et
actions) nécessaires à la réussite de la lutte contre la
pauvreté et l'exclusion sociale.
3.2.1. Remettre la politique économique au
service de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale : sortir
du cloisonnement des politiques
Au niveau national, des progrès substantiels ont
été accomplis mais on doit toutefois regretter que le plus
souvent, les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion
sociale mises en place restent fondées sur une logique curative et
cloisonnée13. Il n'est pas suffisamment porté
attention aux politiques qui produisent de l'exclusion et à la
façon dont il faut les faire évoluer. Il faut sortir du ponctuel
et de «l'habillage » social des politiques monétaires,
économiques, de transport, etc.
En outre, le plein-emploi n'est pas la solution miracle au
problème de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Dans la ville
de San Pedro, les chiffres officiels du chômage des chefs de
ménage parlent de 13.740 sans-emplois au niveau, mais on estime à
27.000 le nombre de chefs de ménage pauvres en conditions de vie. Ce qui
démontre que le plein-emploi ne sera pas la solution miracle même
s'il est certainement un moyen important de lutter contre la pauvreté et
l'exclusion sociale.
Dés lors, Il importe de renforcer les
stratégies de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale
et plus généralement de faire de la lutte contre la
pauvreté et l'exclusion sociale l'objectif prioritaire des politiques en
Côte d'Ivoire en général et à San Pedro en
particulier.
3.2.2. Développer des indicateurs
appropriés pour évaluer les politiques
Il est essentiel de procéder à
l'évaluation des politiques sur les divers terrains d'action à
partir d'un travail d'échange préalable entre tous les acteurs
impliqués. Cette démarche implique des investissements tant sur
le plan humain que financier pour permettre aux personnes en situation de
pauvreté et d'exclusion sociale de s'exprimer, de prendre part à
ces exercices pour mettre en évidence leurs expériences de vie et
le regard qu'elles portent sur leur propre situation. En fait, la
possibilité d'expression doit être le fil conducteur de tout
exercice de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Enfin, la
lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale doit être
élaborée à partir de valeurs et objectifs précis
définis préalablement.
Ce travail d'évaluation passe par le
développement d'une série d'indicateurs et la mise en place de
mécanismes d'évaluation au sujet desquels plusieurs propositions
ont été formulées : Socialiser et humaniser les
indicateurs utilisés : actuellement, l'évaluation des politiques
publiques se fait au regard d'indicateurs macro-économiques
«classiques »
13 Voir la publication d'EAPN : « Relever le
défi de la pauvreté et de l'exclusion sociale dans l'Union
européenne », mai 2000.
Mémoire de stage : construction
d'indicateurs de base pour la définition d'une politique
de
reconstruction post-crise à San Pedro
(taux d'inflation, taux de chômage, etc.). Il faut au
contraire dépasser et enrichir ces indicateurs en s'inspirant notamment
du modèle des indicateurs de développement humain
développé par le PNUD.
Dépasser les statistiques administratives qui
catégorisent les personnes et ne pas se concentrer sur les groupes
spécifiques dits «à problèmes ». Les indicateurs
développés doivent refléter le souci de garantir à
tout individu l'accès aux droits économiques et sociaux
fondamentaux.
Mesurer l'impact social des politiques par rapport à
leur incidence sur la vie des individus et des familles, dans une approche
globale, multidimensionnelle sur base des situations concrètes, à
partir de groupes démographiques «neutres ». Il faut prendre
en compte le regard que les personnes portent sur elles-mêmes, sur leur
avenir, sur les stratégies qu'elles envisagent pour sortir de leur
situation.
Avoir une approche dynamique pour saisir les problèmes
dès leur émergence et pour être capable d'identifier les
points de rupture. Il ne s'agit donc pas de faire une photo de la situation
mais au contraire de procéder à un travail de suivi des
évolutions personnelles. Cela implique un travail sur la
compréhension de l'enchaînement des causes et sur l'exclusion
sociale en tant que processus.
2.3.3. Mettre en place les conditions pour des
processus d'évaluation participatifs
La lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale
doit être mise en oeuvre de sorte que l'ensemble des acteurs (pouvoirs
publics à tous les niveaux de gouvernance, ONG, syndicats, patronat,
etc.) se mobilisent autour de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion
sociale. Cette mobilisation de l'ensemble de la société doit
permettre non seulement de faire évoluer les discours et les regards
portés sur la pauvreté et l'exclusion sociale mais aussi et
surtout de faire évoluer le comportement même des acteurs
politiques, économiques et sociaux, à tous les niveaux. Pour
atteindre cet objectif, plusieurs conditions devraient être remplies :
L'indépendance des organes d'évaluation : il
faut éviter que les organes d'évaluation ne soient
instrumentalisés au profit d'objectifs trop spécifiques.
L'évaluation doit être garante de l'ensemble des valeurs et des
objectifs.
La production d'une information diversifiée et
croisée qui «n'étiquette » pas les personnes. Les
sources d'information doivent être croisées grâce à
des consultations élargies, des partenariats multiples qui partent des
attentes de l'ensemble des personnes et des partenaires concernés.
Le renforcement de la place accordée à chaque
acteur dans ce processus. La production d'information peut être soutenue
en donnant aux associations la pleine capacité de devenir les porte-voix
des sans voix, de fournir des éléments d'expertise, des
témoignages... en refusant toutefois une spécialisation trop
poussée.
2.3.4. Développer des actions
cohérentes et intégrées aux
différents
niveaux de gouvernance
Les acteurs associatifs doivent être présents dans
leur grande diversité. Il faut donc :