Genèse et morphodynamique actuelle des bas-fonds saheliens : caractérisation des bas-fonds de Birnin Lokoyo, Doutchi et Sormo( Télécharger le fichier original )par Bachir ABBA Université Abdou Moumouni de Niamey - Maitrise en géographie 2004 |
2.2. 4. La dépressionLe bas-fond de Doutchi peut être subdivisé en deux sous unités. La zone d'épandage et l'unité centrale que représente la mare. La mare de Doutchi communément appelée Tapkin Sao a une forme rectangulaire et s'étend sur environ 1.5 km et large sur 0.7 km. Elle s'étend respectivement en 1975 et en 1996 sur une superficie approximative de 105 et 120 ha. Cette mare est dangereusement menacée par des apports des matériaux solides descendant des versants. En se repérant à la typologie des systèmes endoréiques faite par DESCONNETS (1994), ce milieu humide se classe dans la famille des «bassins endoréiques des vallées sèches verrouillées.« Les sols sont argilo-sableux ou limono-sableux. Cette mare repose sur une lentille argileuse. Le fait le plus évident dans cette unité est l'ensablement. D'énormes apports alluviaux générés par des processus érosifs s'y déposent dans la mare et dégradent son hydraulicité. Cette mare qui autrefois était un étang permanent s'ensable si bien qu'actuellement son niveau d'eau se réduit et s'assèche dès le mois de février. Lors de nos investigations sur le terrain en Février 2005, elle était presque sèche (Photo 8). Les koris viennent s'y jeter dans la zone d'épandage en formant des cônes de déjection, notamment dans les parties est et nord (cartes 4 et 5). La seconde sous unité du bas-fond est celle de la zone d'épandage. Cette surface se matérialise par d'importants dépôts de sables d'origine alluviale issus de l'altération du grés argileux constituant le substrat. et de l'importante érosion ravinante sur les glacis. Elle se caractérise aussi par la densité de la couverture végétale comparativement aux autres unités morphologiques ce qui la rend moins sensible au ravinement. La couverture végétale, composée pour l'essentiel de Combretum micranthum, Guiera senegalensis, Faidherbia albida et des herbacées fait l'objet d'une exploitation irrationnelle.. Cette dynamique du déboisement peut influer sur l'équilibre fragile de système en accélérant notamment la dynamique éolienne. Ainsi, d'un point de vus de la dynamique des eaux courantes, le réseau hydrographique en descendant s'estompe dans la zone d'épandage et s'y forment alors des cônes. Un cône large d'environ 52 m est formé dans la partie Nord (photo 9). Les écoulements concentrés disparaissent vers l'aval et deviennent aréolaires et anastomosés en se ramifiant dans la zone d'épandage. Ces écoulements concentrés peuvent réapparaître sous l'action de certains paramètres tel est le cas de la ravine (photo 10) qui aurait pour origine une piste de bétail qui vient s'abreuver au niveau de la mare. Ainsi le sable transporté s'y dépose dans son fond. Dans la partie Ouest de cette mare, les formations dunaires sont perméables d'où l'absence de la dynamique hydrique. Notons que le vent assure l'essentiel de la dynamique érosive. Les manifestations érosives au sein de ce bassin versant doit en avoir une double explication. D'une part une origine génétique liée à la forme du bassin versant à laquelle on peut associer la pente. Ce bassin a une forme compacte et un réseau de drainage dont les apports convergent vers un seul exutoire à la sortie des ravines. PHOTO 8: Mare de Tapkin Sao en cours d'ensablement en raison d'apport des produits de l'érosion hydrique des versants et des plateaux PHOTO 9: Cône d'épandage de sable à l'entrée de la mare de Doutchi La compacité d'un bassin influe sur les débits des koris, autrement dit sur le coefficient de l'écoulement. Plus la forme est compacte, plus le temps de concentration des eaux à l'exutoire est court, plus l'infiltration est réduite, plus les débits sont brefs et agressifs. Cela est à l'origine des nombreuses griffes d'érosion en amont du bassin versant. D'autre part, elles sont liées à la dégradation continue du bassin versant sous l'action conjuguée de la péjoration climatique et de l'emprise anthropique. L'analyse granulométrique des échantillons prélevés dans la dépression en creusant une fosse de 1. 15 m au niveau du cône de déjection dans la partie nord de la mare montre que ces matériaux sont de texture sableuse comme illustre le tableau 10. TABLEAU 10: Analyse granulométrique des échantillons prélevés en creusant une fosse au niveau de la dépression (profondeur 1.15 m)
Les indices granuloméltriques (Tableau 11) montrent que les couches prélevées caractérisent des bancs alluviaux et sont essentiellement d'origine hydrique. Ces bancs sableux sont fragiles ce qui explique l'apparition de la ravine au niveau du cône. TABLEAU 11: Indices granuloméltriques des échantillons de sols dans la dépression.
Pour l'essentiel les courbes cumulatives sont de type sigmoïde (figure 30) et les indices granulométriques, notamment les modes, révèlent que ces sédiments correspondent à des bancs alluviaux. En effet, les courbes de fréquences relatives sont plurimodales et le pic est supérieur à la valeur supposée limite de la compétence du vent (0.2 mm). Quant à l'échantillon prélevé dans la mare, il présente une courbe de type sigmoïde (figure 31) et est caractérisé par une dominance de la fraction inférieure à 0.04 um. PHOTO 10: Ravinement dans la zone d'épandage La mare reçoit des apports des koris par des nombreuses buses passant sous la route bitumée reliant Doutchi à Konni. Du fait de la dynamique très active dans la dépression, les mesures de protection réalisées dans les koris n'ont pas réduit le phénomène. Les digues réalisées dans le kori n'ont pas eu d'effets significatifs. Certains sont presque totalement ensablés. Cet état de fait est lié à la dégradation de son bassin versant, due aux phases de sécheresses qu'a connues la région durant ces dernières décennies, et à une pression sur les ressources (pâturage, et prélèvement par une population qui évolue rapidement). Selon un entretien avec le responsable de la direction de l'environnement de Doutchi, les glacis étaient couverts à environ 80 % tandis que la mare était couverte de Mitragyna inermis avec un taux de recouvrement de plus de 50 % (entretient avec le responsable du service de l'environnement). L'analyse de la prise de vue aérienne de 1975 nous montre une couverture végétale assez dense comme souligné précédemment. Frequences % Frequences % Frequences % 100 100 40 90 80 70 60 50 30 20 10 40 90 80 70 60 50 30 20 10 0 0 100 0,01 0,1 1 10 Diamétre des grains mm 0,01 0,1 1 10 40 60 20 90 80 70 50 30 10 0 0,01 0,1 1 10 Diamétre des grains mm Diamétre des grains mm E7b Doutchi E7c Doutchi E7a Doutchi FR FC FR FC FR FC Figure 30 : Courbes des fréquences des échantillons E7a Doutchi E7b Doutchi et E7c Doutchi bas-fond (au niveau de la fosse) Figure 31 : Courbes des fréquences de l'échantillon E8 Doutchi (mare) Frequences % 100 40 90 80 70 60 50 30 20 10 0 0,01 0,1 1 10 Diamétre des grains mm E8 Doutchi FR FC La dégradation de la couverture végétale s'est traduite par une évolution du nombre des koris parvenant à la mare. En effet, le nombre de koris passait de douze (12) en 1975 à dix huit (18) koris en 1996. Ce qui explique un bilan catastrophique de l'érosion hydrique qui se résume en ces termes : approfondissement de lits de koris en amont leur élargissement vers l'aval, et l'ensablement de la mare d'où son tarissement précoce en aval. La dégradation de la couverture végétale sous l'action couplée de la pression et des effets de la péjoration climatique se traduit par une érosion linéaire (ravinement) dont les conséquences sont la perte de potentiel de production, la vulnérabilité des sols et l'ensablement de la mare. L'étude géomorphologique du bas-fond de Doutchi nous a permis de faire une esquisse des contraintes sur les différentes unités géomorphologiques. Ces contraintes sont multiples et multiformes ce qui explique la dégradation avancée des unités, notamment du glacis de dénudation qui prend l'aspect de bad-land, les talus qui sont fortement ravinés du fait de la faiblesse de couverture végétale déficiente, de la pente. Celle-ci est d'autant plus forte que la vitesse du ruissellement est importante. Les sommets de plateaux subissent une érosion mécanique et la déflation éolienne. TABLEAU 12: Récapitulatif de contraintes du BV de la mare de Doutchi
L'évolution de la dynamique dans le bas-fond dépendra de la prise en compte de la dynamique sur les unités amont du bas-fond. Même si l'écoulement semble être non agressif et que la nature du sol et la pente ne sont pas favorables au ravinement, la dynamique au niveau du bas-fond se traduit par une sédimentation par ruissellement et par apport éolien. Avec comme corollaire son assèchement rapide. Néanmoins d'autres paramètres peuvent intervenir et entraîner le ravinement dans le bas-fond. En effet la petite ravine observée dans la zone d'épandage (photo 9) aurait pour origine un parcours de bétail qui vient pour s'abreuver au niveau de la mare. Le tableau 13 montre le niveau de dégradation du bas-fond et l'ensemble de son bassin versant. TABLEAU 13: Niveau de dégradation des unités paysagères du BV de la mare de Doutchi
+ = Faible ; ++ = Moyenne et +++ = Forte à très forte Carte 4 : Les unités géodynamiques du bassin versant de la mare de Doutchi (1975) Carte 5 : Les unités géodynamiques du bassin versant de la mare de Doutchi (1996) 2. 3. Les principales unités géodynamiques du bassin versant de la mare de Sormo |
|