L'etre-là africain et inculturation: essai d'une relecture théologique de Martin Heidegger pour l'Afrique( Télécharger le fichier original )par Roland TECHOU Grand Séminaire Mgr Louis Parisot Tchanvedji Bénin - Baccalaureat en théologie 2010 |
Chapitre 23.2- LE BESOIN D'UNE HERMENEUTIQUE EN THEOLOGIE AFRICAINECe qui nous importe ici est une reprise du débat herméneutique à partir des défis de l'africain contemporain à la foi chrétienne. L'inculturation étant aussi le lieu où les cultures mettent en procès le discours chrétien hérité de l'évangélisation, le message chrétien ne sera universel et pertinent pour l'africain que lorsque sa particularité culturelle sera reconnue et insérée au coeur de l'Eglise. Il y a là nécessité d'un changement de paradigme dans la réception africaine du message de foi. En effet ces paradigmes devront s'effondrer en face d'autres cultures et n'auront de signification qu'en face de leur propre lieu d'élaboration. La théologie africaine réclame pour le sujet culturel africain une théologie contextuelle qui vise une compréhension dogmatique, en partant de la lecture de la Bible là où elle se pose et s'impose au peuple africain aujourd'hui sans renoncer à la prétention de tenir un discours qui se veut scientifique. C'est donc un défi pour l'intelligence de la foi africaine de s'élaborer à partir de l'intelligence que l'africain a de lui-même, et du monde en s'ouvrant aux sciences sociales et humaines et à la mondialisation. Le peuple africain a besoin de répondre à la Bonne Nouvelle dans son propre contexte socioculturel. 3.2.1- Herméneutique et Parole de DieuLa Parole de Dieu est une réalité immuable (Mt 24,35) et en dépit des mutations socioculturelles et politico-économiques, lorsque la foi en Dieu a une réponse à proposer à l'homme, elle n'a d'autre recours que de puiser dans cette parole qui offre l'herméneutique appropriée à toute situation. Dès lors, toute valorisation de l'homme doit être une prise au sérieux de la Parole de Dieu pour s'approprier l'interrogation humaine afin d'offrir aux hommes la vérité de l'Evangile qui dépasse toutes formes historiques du langage de la foi. Il s'agit en fait de chercher à rendre à l'Evangile son actualité et sa crédibilité en repensant notre façon traditionnelle de l'accepter à la lumière des problèmes actuels que pose l'intelligence de la foi pour l'homme africain en Afrique. Nous sommes ainsi en face d'une double herméneutique, celle du message divin et celle de l'existence humaine qui sans aucun doute devient le projet de l'inculturation. C'est donc un effort de dire Dieu en assumant l'intégrité de notre être culturel. Une telle herméneutique n'est possible ou ne le sera qu'à partir du moment où l'on comprendra que rien n'est figé dans l'homme africain et que par surcroît on doit cesser de le schématiser dans les formes traditionnelles vieillies. La Révélation est l'enjeu capital à ce niveau. Elle est toujours d'actualité avec sa radicale nouveauté. Et partant, l'herméneutique de la révélation revient à une ouverture de la Parole de Dieu à la lecture que l'homme africain en donne compte tenu de la totalité de son être-là. La tâche herméneutique de la Parole de Dieu en Afrique '' consiste à examiner ce que signifie pour nos communautés la foi que les évangiles expriment comme témoignage et interprétation de faits fondateurs dont le message transcende l'histoire où ils ont eu lieu. (....), il nous faut apprendre à écouter Dieu et à comprendre ce qu'il nous dit à travers notre expérience d'africains. 68(*)'' Le défi herméneutique de la Parole de Dieu pour l'africain est une relecture de la médiation unique de Jésus-Christ en face des nombreuses médiations africaines notamment les ancêtres, les forces de l'invisible, l'univers du mal qui structurent l'être -là africain et constituent une pesanteur socioculturelle, malgré le brassage culturel et la première évangélisation. L'exigence de la pluralité du discours théologique nous amène à nous demander comment l'africain peut de lui-même et par lui-même, assumer cet héritage culturel qui le marque et caractérise son univers religieux, tout en accédant au salut chrétien dans la médiation unique de Jésus Christ. Lorsque nous parlons des valeurs africaines, et qu'on énumère le respect et le sens de l'altérité caractéristiques de l'africain, n'est-ce pas fonder par une certaine considération des ancêtres? Mais dans quelle mesure ce culte des ancêtres ne constitue pas un obstacle à notre appartenance à Jésus-Christ, et ne doit être le cercle vicieux des gangrènes africaines, voire l'espace où la question du mal et de la peur qu'elle engendre annihile à l'être -là toute capacité d'être soi-même. Pour ce, la Bible qui est une bonne nouvelle du salut est le seul repère qu'il faut lire avec des yeux africains à partir de la situation africaine précise. L'herméneutique de la Parole de Dieu en Afrique, supposerait l'invention d'un langage pour l'intelligence de la foi en Afrique. Mais face aux réalités de mutations culturelles sus-évoquées, il faut considérer que cet enjeu herméneutique ne sera pas un retour au passé africain, mais une constante relecture de l'africain par lui -même dans son contexte culturel actuel pour trouver par lui-même les motifs de pertinence de la Bonne Nouvelle de salut dans son actualité. Il devra en être ainsi des énoncés dogmatiques de la foi qui donnent à l'africain une idée de Dieu à laquelle il semble parfois étranger.
* 68 _ Jean Marc ELA op. cit. P 36-37 |
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