L'etre-là africain et inculturation: essai d'une relecture théologique de Martin Heidegger pour l'Afrique( Télécharger le fichier original )par Roland TECHOU Grand Séminaire Mgr Louis Parisot Tchanvedji Bénin - Baccalaureat en théologie 2010 |
Chapitre 22.2- L'ETRE-LA AFRICAIN: QUESTION D'ETHOS AFRICAINEIl nous incombe de savoir poser le problème du devenir de l'être humain africain mais en nous gardant de puiser dans des théories de revendication d'identité. Il nous faut saisir le cours de l'histoire contemporaine en cherchant à travers elle, des valeurs et des techniques susceptibles de construire l'aujourd'hui et l'avenir. La place d'arriérée culturelle qu'occupe l'Afrique aujourd'hui est le produit des combats existentiels menés souvent en termes de revendication d'identité culturelle d'accusation de l'autre. C'est là une attitude d'inauthenticité qui jette le dasein dans le "On" au lieu de lui faire appréhender son ipséité comme critère d'authenticité. L'identité culturelle, il est vrai doit être sauvée et sauvegardée. M. HEBGA approuve justement l'importance de cette identité culturelle bien pensée et dûment exprimée en vue d'une construction originale de la destinée des peuples africains.45(*) Il n'est cependant pas question d'une "quête d'identité archéologisante, de conflits ethnicistes, de mentalités nombrilistes, de pratiques et de gestion de pouvoir qui tourne autour de soi, du ventre, de biens à accumuler pour soi, pour la famille et la tribu" selon les expressions de N. SOEDE46(*). Ce fut une erreur de l'élite africaine qui aux lendemains de la décolonisation, sur le plan littéraire relatif à l'identité culturelle du noir exalte une littérature de revendication: Négritude, Africanisme, African Personnality, Panafricanisme. L'élite religieuse n'a pu aussi éviter ce piège. Ces deux tableaux n'avaient pas à s'inscrire dans une logique de revendication. L'urgence pour le continent était une manifestation, une libération qui devrait se démontrer par le déploiement du génie africain au travail. Car, promouvoir l'être-là africain, ce n'est pas tourner le regard vers ce qui est figé dans le passé, mais prendre en compte ce qui perdure dans nos racines humaines profondes, des ressources nécessaires pour affronter les défis humains nouveaux.47(*) L'être-là africain ne peut se définir aujourd'hui qu'au coeur de la mutation actuelle du monde, dans une dialectique de "s'affirmer et se nier". Celle-ci pour s'exprimer, doit positionner un être-là qui fonctionne comme une puissance de créativité spirituelle et culturelle. Car, c'est pour avoir cru que l'africain était un être donné une fois pour toute donc statique, pour n'avoir pas voulu considérer l'africain "comme un être historique qui se fait en transformant et en intégrant sans cesse les conditionnements physiques, économiques, politiques et spirituels que l'inculturation qui avait pour mission de concilier culture africaine et foi chrétienne a raté sa mission. Etant donné qu'il n'existe aucune tradition africaine à l'état pur, encore moins un africain authentiquement lié à ses souches originelles, c'est l'africain confronté aux mutations actuelles qui cherche à accueillir le Christ pour se recueillir en lui. Parlant donc de l'être africain, il ne suffit pas d'énumérer les traits caractéristiques du type africain: Etant donné que chaque culture est caractérisée par une certaine façon de former ses membres, il faut s'assurer de ce qu'est être-homme dans une culture africaine. Comme on peut s'en douter, la vie est fondamentalement un acte sacré ou une réalité sacrée en Afrique. Toute existence humaine est marquée par la soif de la vie : le projet d'une vie accomplie, une vie heureuse reste l'idéal qui polarise tous les efforts de l'homme. L'adja - fon s'inscrit dans cette dynamique et ne doit sa religion qu'au désir d'accomplir la vie. Cette option fondamentale pour le maintien et le soutien de la vie au coeur de la religion africaine est perçue et mise en exergue par beaucoup de penseurs.48(*) C'est donc autour du rapport sacré existant entre l'être humain et tous les autres éléments vivants ou puissances spirituelles que se construit l'ethos humain. C'est dans cette ligne que la religion est perçue comme une célébration de la vie. L'ethos apparaît ainsi comme un ensemble de valeurs qui caractérisent une culture particulière. Nous pouvons maintenant évoquer la conception contemporaine de l'ethos africaine, celle qui a résisté à l'acculturation et celle qui s'offre aujourd'hui à tout dialogue avec la science voire avec la globalisation. L'ethos désignera pour nous '' la prise de conscience moderne concernant les idées dominantes, les valeurs et les idéaux''. * 45 _ Meinrad P. HEBGA, Afrique de la foi, Afrique de la raison, Paris, Karthala, 1995, P 115-138 * 46 _ Nathanael Y. SOEDE, Sens et Enjeux de l'éthique, Abidjan, UCAO, 2005, P 204 * 47 _ Père Jean Benoît GNAMBODE, Colloque sur la culture. St Gall Mars 2001 * 48 _ Voir par exemple Le père JULES DJODI, in Asidanou vodoun et Incarnation Hiérophanie de Dieu en l'homme et Avènement de Dieu en Jésus-Christ Essai de Christologie en milieu fon d'Abomey (Bénin) Mémoire de licence canonique. Abidjan, ICAO, Juin 1996
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