GRAND SEMINAIRE MONSEIGNEUR LOUIS PARISOT DE
TCHANVEDJI
Cycle de Théologie
Mémoire de fin de cycle
Présenté par
Sous la direction
de
Roland TECHOU
Père Jules DJODI
Docteur en Théologie/
Philosophie
Professeur de Théologie
Dogmatique
Année académique 2007-2008
A TOI, DIEU, NOTRE LOUANGE !
NOUS T'ACCLAMONS : TU ES
SEIGNEUR !
A TOI, PERE ETERNEL,
L'HYMNE DE L'UNIVERS.
Au terme de nos années de formation en vue
du sacerdoce ministériel, nous présentons ce travail comme la
synthèse des aspirations que nous portons et des convictions qui nous
animent pour notre champ d'apostolat.
Naturellement nous le dédions tout d'abord à la
mémoire de ceux qui nous ont donné la vie, nous voulons nommer
nos parents et alliés; ensuite en honneur de ceux qui ont entretenu la
vie en nous, il s'agit de nos bienfaiteurs, formateurs et tuteurs.
C'est en communion de pensées avec eux que nous
adressons nos remerciements à tous ceux qui favorisent notre
cheminement dans la vie.
A son Excellence, Monseigneur Marcel Honorat AGBOTON nous
disons nos filiales gratitudes pour la confiance de nous accepter comme apte
au sacerdoce ministériel.
Au Père Pascal GUEZODJE pour sa confiance en l'homme
que nous sommes, nous disons merci pour l'épanouissement que cela a pu
créer en nous et dont ce travail porte les effets.
A notre marraine et tutrice Madame Monia TRAORE épouse
SODJI, nous adressons nos sincères considérations filiales pour
sa foi en notre vocation et sa détermination à la faire
fleurir.
Au Père Justin AGOSSOU-KPEVI, notre professeur de
philosophie qui est le parrain de ce travail, nous disons toutes nos gratitudes
pour l'émulation philosophique à laquelle il ne cesse de nous
inciter et pour son constant encouragement à nous faire maîtriser
la pensée de Martin Heidegger.
A vous Père Jules DJODI notre sincère
reconnaissance pour l'effervescence de l'Etre en vous. Mes années de
théologie dogmatique au grand séminaire portent la marque de
votre engagement intellectuel. Ce travail accompli sous votre regard de
père et de professeur est le signe de l'authenticité de votre
enracinement à la suite du Christ pour le devenir de l'homme noir. Au -
delà de ce jet intellectuel que vous avez voulu assigner de votre
rigueur conceptuelle et méthodologique, je vous dois
l'être-là que je suis aujourd'hui et que je m'en vais offrir
à l'autel du Seigneur. Ce sacrifice portera l'odeur de nos nombreux
échanges intellectuels, spirituel et surtout humain. Continuez à
être pour nous le berger de l'être que nous portons en nous pour
l'édification d'une Afrique authentique et enracinée.
A toutes et à tous, profondes gratitudes pour
l'épanouissement de ma personnalité auquel vous contribuez sans
bornes.
A vous tous qui nous soutenez et avec qui nous avons
échangé d'une manière ou d'une autre et pour vos touches
dans l'accomplissement de ce travail, nous disons ici notre profonde gratitude.
Nos lecteurs critiques pourraient être
déçus de ne pas voir au bout de ce travail, clairement
définies les caractéristiques précises de
l'être-là africain ; ou encore cette manière
concrète par laquelle se ferait le `'comment'' de l'inculturation. Ce
souhait n'est aucunement notre enjeu. Et tel que l'exprime clairement notre
hypothèse, nous ne nous reprochons rien d'avoir été
purement conceptuel. C'est d'ailleurs notre vision et tout autre glissement
aurait contredit notre problématique et nous aurait
éloigné du problème qui s'est posé à nous.
Face aux diverses théories sur l'inculturation de la foi
chrétienne sur le continent africain, nous n'avons pas perçu leur
impact véritable sur le chrétien africain. Sans ignorer
l'importance de ce travail théologique, nous estimons que
l'inculturation demeure une urgence incontournable et permanente pour toute
l'Eglise et de façon cruciale pour l'Eglise catholique en Afrique. Mais
comment procéder pour rester respectueuse de l'identité
culturelle du sujet africain et de l'authenticité de la Parole de Dieu
pour ce dernier ?
C'est ce que nous avons voulu exprimer en invitant à
réfléchir au ``comment'' de l'inculturation au détriment
de toutes les procédures précédentes qui à notre
avis se sont versées dans des revendications ethniques et culturelles
parce que traitant de la nécessité pour l'être africain de
dire sa foi avec son schème culturel. C'est ce que nous avons
nommé le `'Pourquoi'' de l'inculturation. Cherchant à traiter du
"Comment", nous n'avons pas pour visée de proposer un manuel sur
l'inculturation. Nous voulons simplement tenter un éveil à
orienter tout débat actuel sur l'inculturation vers l'urgence à
proposer des manières concrètes pour le faire. Nous nous
contentons donc d'évoquer la question avec la suggestion actuelle que
toute inculturation est une herméneutique. L'implication d'un penseur de
référence dans ce débat, fût-il Heidegger est pour
une double cause. D'abord pour sa vision de l'homme à partir du Dasein,
ensuite pour l'ouverture théologique qu'accorde son herméneutique
engendrée par sa critique ontothéologique. Il nous trace ainsi la
voie pour une juste compréhension de la tradition et une meilleure
herméneutique de la foi chrétienne.
PLAN
DU TRAVAIL
INTRODUCTION GENERALE
SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE : Les présupposés d'un dialogue
probable avec Heidegger
Chapitre 1: La tradition comme terrain de dialogue
1 1-1-1- Dialogue ou monologue
1-1-2-Appropriation critique de la tradition
2 1-1-3- Nouveauté conceptuelle de la
tradition
Chapitre 2: Références africaines à
Heidegger
3 1-2-1- La philosophie de l'être
1-2-2-Le langage comme point d'ancrage
1-2-3- La philosophie de la poésie et de l'art
1-2-4- La philosophie herméneutique
Chapitre 3: Heidegger et les enjeux philosophiques de
l'être-là
1-3-1- L'être-là
1-3-2- L'être-avec
1-3-3- L'être - au- monde
DEUXIEME PARTIE : Problématique théologique
de l'être-là africain
Chapitre 1: L'au-delà du dialogue avec Heidegger
4 2-1-1- Les richesses d'une étude
2.1.2- Limites et questionnements
Chapitre 2: L'être-là africain
5 2-2-1- La culture africaine
2-2-2- La religion africaine
6 2-2-3- Un être de transcendance et
d'auto-transcendance
Chapitre 3: L'actualité de la théologie
africaine
2 -3-1- Identité propre d'une
théologie africaine
2-3-2- Théologie africaine et
diversité culturelle
2.3.3- De la tradition transmission à la tradition
création
TROISIEME PARTIE : Herméneutique et Inculturation
pour un mieux-être
de l'être
-là théologique africain
Chapitre 1: Appropriation et réappropriation: Question
d' Inculturation
3-1-1- Le tournant herméneutique de
la théologie
7 3-1-2- La vérité
herméneutique de la théologie
Chapitre 2: Le besoin herméneutique de la
théologie africaine
3-2-1- Herméneutique et Parole de Dieu
3-2-2- Herméneutique et Dogmatique
3-2-3- Herméneutique et Tradition culturelle
3-2-4- Herméneutique et Inculturation
Chapitre 3: L'être africain en quête de
l'universel -singulier: Question d'identité
3-3-1- De la négritude à la
mondialisation
8 3-3-2- De la mondialisation intégrale
à la négritude créatrice
Chapitre 4 : L'engagement herméneutique de la
théologie Africaine
3-4-1- De la négritude à la
théologie
3-4-2- De l'ontothéologie à
l'inculturation
3-4-3- Herméneutique et Alliance avec
Dieu en Afrique
CONCLUSION GENERALE :
La rédemption comme force créatrice
donnée à nos traditions
INTRODUCTION GENERALE
1- Thème et Motivation du
choix
Par quels moyens et
méthodes précises faut-il passer pour concilier foi en Dieu Un et
réalités culturelles africaines pour en récolter les
fruits escomptés pour l'être-là africain ? Depuis la
vague des penseurs activés par le concile Vatican II1(*) et plus précisément
depuis l'ouvrage Des prêtres noirs s'interrogent2(*), la question de l'inculturation3(*) devint l'actualité théologique du continent
noir. L'inculturation qui apparaît comme une assimilation culturelle du
donné révélé pour que celui-ci ait un
intérêt pour la culture, s'impose comme l'enjeu théologique
qui façonne désormais l'être-là africain dans son
rapport à Dieu. Mais le résultat que nous recueillons des
diverses problématiques ouvertes sur la question de l'inculturation au
sein du continent semble être plutôt une préoccupation
à justifier le besoin urgent et pressant de l'enjeu de l'inculturation
pour l'Afrique. Les diverses tendances d'appropriation et de
réappropriation culturelle, d'adaptation et de pierres d'attente peuvent
en témoigner. La tendance qui perdure est que la dichotomie entre foi
chrétienne et réalité culturelle persiste. L'enjeu capital
de la foi chrétienne pour le salut du genre humain africain n'est pas
encore perçu. Nous notons donc que l'inculturation s'est plus
préoccupée d'exalter son urgence, sa pertinence plutôt que
de donner un déploiement concret de ses divers aspects. C'est donc un
passage du Pourquoi au Comment qu'il nous faut opérer, en partant de
cet être culturel africain, cet être-là africain authentique
qui dans sa foi au Christ se sent interpeller par une incompatibilité
entre foi chrétienne et culture africaine. Il faut reconnaître que
les premières investigations théologiques n'avaient pas autres
possibilités que celles d'un Pourquoi de l'inculturation. Le contexte
qui prévalait était celui d'une revendication où
après la décolonisation, l'être africain largement
nié et bafoué dans sa dignité avait besoin de se faire
connaître et se faire accepter. Qu'une telle direction soit la
priorité des premiers penseurs est une nécessité. Mais
aujourd'hui, dans un contexte de choc culturel où la mondialisation en
appelle à une globalisation, toute théologie revendicatrice
devient désuète, sans enjeu et non avérée. Penser
un autre dire théologique pour l'africain s'avère urgent.
D'où le titre de notre mémoire: ''L'Etre - là africain et
Inculturation. Essai d'une relecture théologique de Martin HEIDEGGER
pour l'Afrique''. Il sera essentiellement question de repenser l'Etre
-là africain pour un mieux - être de l'inculturation. Ce qui
revient simplement à constater que l'entreprise de l'inculturation ne
doit plus aujourd'hui continuer sous le mode ancien mais par le fait qu'elle
est convoquée au débat de la mondialisation et de l'universalisme
du christianisme, reste toujours une urgence pour ressortir le particularisme
du peuple africain dans son accueil de la foi chrétienne. Et pour ce,
elle doit se purifier des théories revendicatrices, pour se poser dans
l'axe du Comment c'est-à-dire pouvoir déceler la façon
authentique dont elle doit se conduire pour que cette foi permette à
l'africain de vivre sa culture, seul enjeu capable de favoriser l'insertion du
particularisme africain au concert de la mondialisation et de la
diversité culturelle tant réclamée pour la pertinence de
la foi chrétienne. L'être-là africain que nous allons
tenter d'identifier ne sera pas un type africain originel, à l'abri de
tout brassage, cramponné dans un traditionalisme borné, vestige
du passé. Ce sera l'homme africain actuel en face de situations
sociopolitiques, économiques et culturelles de son époque et de
son monde, un être en situation concrète réclamé par
la foi chrétienne et obligé d'y répondre avec son
patrimoine culturel. C'est pour soumettre ce dernier aux critiques que nous
avons trouvé pertinente la conception heideggérienne de
l'être-là. Les analyses de Antoine-Dover Osongo-Lukadi4(*) dans lesquelles nous nous inscrivons
largement, nous serviront de soubassements pour redorer le statut de
l'être-là africain apte à affronter à la fois les
défis de notre monde et les enjeux de la foi chrétienne. Et ceci
en demeurant un Africain authentique en relation avec tout autre être.
Ceci n'est pas facile dans un continent où le tiraillement entre
tradition et foi chrétienne est toujours actuel.
2- Intérêt
Le Père Adoukonou dans ses investigations dans le
domaine de l'inculturation, note que, dans le vécu de l'africain devenu
chrétien, une sorte de mauvaise conscience et de honte de soi
planaient. L'être noir en Eglise sent un malaise qui pousse à la
honte de sa culture et se voit obligé d'être ''chrétien de
jour et africain de nuit''. Le théologien s'engagea alors à
apaiser les consciences, en ébauchant des recherches qui visent à
harmoniser le rapport Eglise en Afrique et culture africaine. C'est là
le souci d'aider l'africain à ne pas se livrer la nuit aux pratiques
traditionnelles destinées à défendre la vie, à
guérir de la maladie, à favoriser la fécondité,
pour éviter la tension et la violence structurelle entre sa propre
culture et l'accès à la foi chrétienne5(*). Est-on en mesure de dire
qu'aujourd'hui ce malaise s'est apaisé et que l'épineuse
préoccupation : Peut-on être chrétien et africain
authentique ou peut-on être vrai chrétien et africain
authentique a pu trouver une réponse satisfaisante? Vu
l'importance de la réappropriation culturelle de l'Évangile du
salut dans la tradition africaine, et conscient du fait que cet évangile
n'aura d'avenir en Afrique que s'il prend en considération le devenir du
sujet culturel africain, nous trouvons nécessaire une
réappropriation théologique de l'être-là pour
l'Afrique et qui pourra servir de socle pour reposer la question de
l'inculturation. Pour ce, l'approche de l'être-là
présentée par Heidegger, penseur critique de la culture et de la
tradition pourrait recentrer les analyses des penseurs africains de la
théologie dans leur manière d'accueillir et de promouvoir la
question du sacré. En effet, Dans cet ouvrage récent,
Antoine-Dover Osongo-Lukadi a jeté les jalons d'un dialogue probable
entre Heidegger et la pensée africaine. L'enjeu est de tenter une
réception de Heidegger en Afrique. Cette problématique se fonde
sur l'intérêt que porte ce philosophe à la culture et
à la tradition, intérêt qui rejoint dans une certaine
mesure le mode de réflexion des penseurs africains rarement
démarqués de leur socle culturel. Le dialogue qui va être
engagé a pour visée de situer l'être-là africain
dans son engagement sociopolitique, économique et culturel au coeur de
l'épineuse question de la mondialisation et de la globalisation.
Heidegger que beaucoup d'africains estiment aujourd'hui, pourrait avoir
à enseigner aux penseurs africains l'authenticité de leur
être-là pour un mieux-être du continent.
3- Hypothèse
Cette brèche ouverte par Antoine-Dover Osongo-Lukadi
pourrait aussi avoir une pertinence dans le domaine de la relation de
l'africain à Dieu. Car la quête d'authenticité pour
l'être-là africain ne relève pas seulement d'un engagement
sociopolitique et économique, elle est aussi et surtout identitaire et
religieux. Autrement dit, pour le devenir de l'homme africain, la dimension
spirituelle voire théologique ne saurait être laissée de
côté. Ainsi l'être-là africain a besoin d'un
fondement spirituel6(*)
sûr qui soit l'inspirateur de tout son engagement humain. L'option ici
sera de voir dans quelle mesure l'être-là heideggérien
pourrait recevoir une appréhension théologique et une
compréhension culturelle voire africaine pour permettre de resituer la
problématique de l'inculturation en Afrique qui nous semble une
problématique qui parle plus qu'elle n'en fasse
voir.7(*)
Il s'agit là d'une contribution à informer la
théologie de l'inculturation et l'application qui en sera faite sur
l'Afrique dans un souci de repositionner l'être-là africain dans
sa tradition et sa culture authentiques. En épousant donc la
problématique de Heidegger, dans sa vision de l'être-là, ce
travail va en ressortir la portée théologique pour l'Afrique
comme itinéraire exigé et exigeant pour appréhender le
vrai visage de l'homme africain et son accueil du Dieu de Jésus comme un
Dieu qui vient à l'homme, vers l'Africain aussi.
Comment faire vivre l'inculturation aujourd'hui est l'actualité
qui nous préoccupe. A cet effet nous estimons qu'il faut cibler notre
façon de concevoir la culture et l'être-là africain en les
insérant dans la conception globale de l'homme et de ce que la culture
comme identité différentielle laisse percevoir
aujourd'hui. Autrement dit, dans la rencontre de Dieu
(Incarnation) avec l'africain, émerge la question de l'identité
de ce dernier. Et l'entreprise d'inculturation se pose et s'impose aujourd'hui
comme la seule herméneutique qui puisse assumer et assurer ce devenir
être de l'africain en face de l'être Dieu. Le choix du philosophe
M. Heidegger pour favoriser une telle herméneutique, s'inspire des
ressources qu'il offre vis-à-vis de la libération de la tradition
et de sa critique ontothéologique. Celles-ci seront les atouts pour
mieux percevoir combien la théologie devra contribuer à
épanouir l'identité de l'être-là africain. Heidegger
offre donc la piste pour retrouver les traces de la culture africaine, une
redécouverte favorisée par l'herméneutique. Pour arriver
à bout de cette entreprise, il importe de commencer à saisir
l'inculturation dans son objectif, celui de déchiffrer le Message
concret de la Parole de Dieu dans le contexte précis de chaque peuple.
Une telle entreprise est le voeu de l'herméneutique qui se
présente aujourd'hui comme le tournant risqué mais salutaire que
prend la foi pour se faire accessible à tous et à chacun.
L'herméneutique comme nouveau tournant théologique se croise avec
l'inculturation sur le terrain de l'identité culturelle; offrant une
critique de la tradition qui permet de récuser la tradition-transmission
en faveur de la tradition -création. Dans une telle perspective nous
allons opérer le passage de la négritude comme mouvement de
revendication de l'identité de l'être-là africain, à
la question de la mondialisation. Tout cela imbibé du souffle
théologique qui témoignerait de l'authenticité
théologique de l'être-là africain prêt à
s'insérer comme un sujet culturel précis aspirant aux valeurs
universelles.
4- Etat de la question
Des écrits théologiques sur Heidegger existent
depuis sa critique portée contre la théologie catholique et la
pertinence que lui a accordée Vatican II . Sa réception en
Afrique est désormais une réalité depuis l'estime que lui
portent des penseurs africains dont Antoine -Dover a su faire l'écho.
Des réflexions et ouvrages pertinents sur l'inculturation existent. Mais
rien n'existe8(*) encore
comme une sorte de relecture théologique de
l'être-là heideggérien pour l'Afrique. Une quête de
sens pour l'Afrique en recherche d'identité théologique qui ne
part pas d'une approche prospective visant à considérer la
pertinence des débats déjà existants et les
éclairer à la lumière d'un dialogue ne peut
prétendre innover. Onsoko a présenté un
itinéraire pertinent pour la réception de Heidegger en Afrique
rendant possible un monologue fructueux entre Heidegger et le penseur africain.
Ce travail d'une grande valeur scientifique a montré la
nécessité pour le sujet africain de se remettre en cause en
entrant en lui-même pour y trouver l'authenticité de son
être-là. Ce repère culturel qu'il invite à avoir,
favoriserait son insertion authentique dans le concert de la mondialisation et
de la globalisation ; en un mot l'auteur a saisi les analyses de Heidegger
pour tracer à la pensée africaine des chemins d'une pensée
socio- économique et politique. La vision de Antoine- Dover, quoique
pertinente, ne pose pas le problème de la foi de l'africain, le jeune
philosophe ne cible pas la question du sacré comme une pesanteur
sociologique pour l'éveil de la pensée en Afrique ou comme un
facteur de son décollage socio-économique. Nous le saisissons
à ce niveau pour cibler dans qu elle mesure les mêmes vues de
Heidegger qu'il a su judicieusement exploiter, offrent un dialogue avec la
question de la théologie en Afrique. Celle-ci étant vue comme une
composante essentielle de la mentalité africaine, nous voulons rester
dans les considérations heideggériennes déjà
rendues possibles par Antoine-Dover, pour voir comment la culture et la
tradition africaines peuvent être appréhendées pour un
mieux être théologique de l'être-là africain.
Constatons que le débat théologique africain dont la question de
l'inculturation largement débattue est l'inspiration fondamentale, est
en crise, crise due au désaccord entre Pourquoi faire l'inculturation et
Comment la faire et la vivre . Ce dernier étant le paramètre
fondateur d'un vivre théologique authentique. L'inculturation dont c'est
l'enjeu, est porteuse d'une défaillance, celle de n'avoir pas su
traiter de la manière dont elle doit procéder. Pour y arriver,
il importe aujourd'hui de jauger l'être dans le rapport de similitude que
présentent l'inculturation et l'herméneutique.
5- Méthode de travail
Pour vérifier notre hypothèse, nous allons sur
la base de nos recherches et de notre répertoire bibliographique,
présenter un travail en trois parties : La première est une
appréciation critique des réflexions sur l'être-là
de Heidegger. Cette partie rend compte de l'oeuvre d'Antoine-Dover qui s'impose
à nous comme celle qui justifie la pertinence des vues
Heideggériennes pour l'Afrique. Antoine -Dover a pu tracer la voie pour
un dialogue monologique d'un côté comme de l'autre. C'est ce qui
permet à l'Africain de poursuivre sans désemparer la
réappropriation des intuitions Heideggériennes pour resituer son
être. Un tel attachement se note du fait que Heidegger est l'un des rares
penseurs occidentaux qui a saisi la nécessité d'enraciner la
philosophie dans la culture, dans la tradition ; or, le philosophe
africain de son côté n'envisage pas le contraire, car il
philosophe et pense en suivant le cheminement de sa trame culturelle. Ainsi ce
rapport entre philosophie et culture s'impose comme le terrain d'entente entre
Heidegger et le philosophe africain.
Cette ouverture nous permettra en deuxième partie de
donner un contenu théologique à cet être-là africain
pour le rendre capable du processus herméneutique auquel il aurait
contribué dans le dialogue entre la tradition et la foi
chrétienne; il s'agit de la compréhension africaine et
théologique de l'être-là. Une compréhension qui
émane de l'intersubjectivité du Dasein pour se porter à
une appréciation culturelle ancrée dans une tradition
concrète.
La troisième partie sera le terrain de
déploiement de notre hypothèse où nous analyserons les
possibilités dont dispose l'être-là africain pour une
conciliation judicieuse entre foi et culture. C'est le lieu de montrer que
l'herméneutique n'est qu'un autre nom de l'inculturation et qu'il n'en
sera tel que si l'inculturation trouve la voie royale de son déploiement
dans la manière authentique dont elle doit procéder.
6- Limites
Nous jetons simplement l'idée d'une nouvelle
orientation des investigations dans le domaine de l'inculturation, sans avoir
l'intention d'une application concrète. Le comment de l'inculturation
que nous évoquons n'est pas pour autant une nouveauté; mais il
était implicite dans plusieurs approches. En cherchant à
l'expliciter, nous voulons exhorter désormais toutes les recherches
à s'y intéresser en commençant par prendre appui sur la
véritable identité de l'homme africain, l'être-là
concret africain actuellement inséré dans une vision
planétaire de la culture qui ne doit pas lui faire perdre la sienne
propre. Dans le présent travail c'est du philosophe Heidegger que nous
réceptionnons la vision de l'être-là africain pour un
débat théologique sur le sol culturel africain. Apparemment
l'agnosticisme de ce philosophe et son ethnocentrisme limitent nos analyses.
Notre finalité est loin de proposer une piste pour l'inculturation.
L'africain est un être religieux mais dont l'univers transcendant voire
"le théocosmos" est envahi par une multitude de médiations
(ancêtres). De plus, tout est spiritualisé et à cela il
faut ajouter la diversité religieuse. Il est juste qu'un travail sur le
comment de l'inculturation en tienne compte. Mais pour le cadre précis
de notre travail, nous ne faisons que reposer la figure de
l'être-là comme concept opératoire.
Notre mémoire présente beaucoup d'autres
limites. Les observations de nos lecteurs nous aideront à les corriger
dans les recherches postérieures.
Première Partie
LES
PRESUPPOSES D'UN DIALOGUE PROBABLE AVEC HEIDEGGER
Chapitre 1
1.1- LA TRADITION COMME TERRAIN
DE DIALOGUE
Heidegger est l'un des rares penseurs ou philosophes
occidentaux qui ont saisi la nécessité d'enraciner la
pensée, mieux, la philosophie dans la culture, dans la tradition. Or le
philosophe africain de son côté, n'envisage pas le contraire, car
il philosophe et pense en suivant le cheminement de sa trame culturelle. La
sympathie des africains pour Heidegger pourrait s'expliquer à partir de
leur attachement réciproque à la tradition. Le rapport entre
philosophie et culture devient ainsi un terrain d'entente. Mais ce qui nous
intéresse ici est de commencer à percevoir la place qu'occupe
l'être-là dans la tradition ou l'impact que celle-ci a sur lui tel
que le définit Heidegger. Le dialogue serait donc possible sur ce
terrain car, la tradition elle-même apparaît comme une succession
de dialogues avec les diverses communautés au cours de l'histoire et en
même temps le lieu de détermination de la culture qui
caractérise l'être-là. Nous explorerons la piste
déjà ouverte par l'oeuvre de Antoine - Dover
Osongo-Lukadi9(*) et qui
sera l'arrière - plan de toute cette première partie.
1.1.1- Dialogue ou monologue
Nous commençons par apprécier les critiques
désobligeantes infligées à l'être-là africain
taxé d'essence sauvage par des anthropologues et critiques occidentaux.
Ceux-ci ne percevaient l'Afrique que comme un grand désert irrationnel
et impensé.10(*) Et
ce chef-d`oeuvre, loin de vouloir faire l'apologie de l'existence ou non d'une
philosophie africaine, voudrait innover un dialogue. La philosophie se doit
d'être créatrice et proventuelle. Or une telle création
n'est possible que dans un dialogue entre deux peuples tous porteurs d'une
tradition, d'une culture . C'est ce dialogue interculturel
envisagé sous l'angle ontologique de l'ipséité et de
l'altérité que l'auteur engage entre l'ontologie
Heideggérienne et l'être-là africain. Or les deux acteurs
de ce dialogue, Heidegger et les africains semblent se nier. Heidegger ne
connaît l'Afrique que selon les clichés que lui en ont
donné des philosophes et ethnologues ethnocentristes occidentaux. Les
africains ne connaissent Heidegger et son oeuvre qu'à travers les
lunettes inspirées aussi bien de l'existentialisme que de l'humanisme
germano-français. Qu'il s'agisse de l'absence de pensée en
Afrique ou de la possibilité de relever chez Heidegger un humanisme
ontologique; ces clichés ou ces lunettes relèvent d'une fausse
approche. D'où l'horizon d'un dialogue entre Heidegger et les africains
est à l'étape actuelle, improbable; il ne s'agira que d'un
"dialogue" monologue d'un côté comme de l'autre côté.
Un tel monologue ne freine point l'engouement des africains pour Heidegger.
Puisqu'il a su présenter la personne humaine dans sa situation
concrète: de facticité, d'existence et d'être auprès
de. Cette dernière structure de la personne qui exprime l'ouverture de
la personne aux autres, fait de l'être-là un être qui est
naturellement en présence de quelque étant autre que
lui-même, vers lequel il se tourne et avec lequel il vit formant avec lui
le sens de l'histoire qui est leur tradition.
1.1.2- Appropriation critique de
la tradition
Par réappropriation, on évoque le fait de
reprendre en d'autres termes l'héritage de ses
prédécesseurs ; par appropriation, on entend l'action
d'approprier, c'est-à-dire de rendre propre à un usage, à
une destination. Ainsi approprier une tradition, c'est la
réintégrer dans le propre de son sens et dans ce contexte
heideggérien, ce que la tradition possède de propre n'est rien
d'autre que l'être dans sa vérité. En s'appropriant et en
se réappropriant la tradition, Heidegger trace une voie neuve qui lui
permet de prendre ses distances et de poser sa question ontologique; de
critiquer la tradition elle-même afin de récuser la tradition
transmission en faveur de la tradition création.
En ce sens, il distingue la tradition, qui en
accédant à la suprématie recouvre ce qu'elle transmet de
la délivrance, qui libère le retour vers des possibilités
d'existence du Dasein ayant être-là. C'est ce
point de réappropriation qui répond à notre investigation.
Nous allons donc à partir de l'authenticité de
l'être-là présentée par Heidegger, restituer celle
de l'africain en lui faisant réapproprier son essence originelle qui
seule serait capable de recevoir un souffle théologique. Ceci sera le
présupposé théologique d'un dialogue entre foi
chrétienne et culture africaine sans que l'une soit sacrifiée au
détriment de l'autre. Si une telle vision avait été
ratée, sa réappropriation ne manquera pas de tenir compte du
contexte de la culture aujourd'hui et de l'enjeu que présente le dire
théologique de nos jours. Si les mutations de celui-ci sont
évidentes aujourd'hui sans que soit niée son essence, il faut
aussi restaurer à l'homme pour qui il se fait, sa vraie identité.
La tradition devrait être désormais intégrée et
enrichie dans une expression créative.
1.1.3- Nouveauté
conceptuelle de la tradition
Nous sommes en face du rapport entre Heidegger et la
Tradition. Il se pose le problème de "l'authenticité», de
"l'originalité" de la pensée Heideggérienne en
général, et de l'ontologie fondamentale en particulier. Tout part
de la problématique heideggérienne de l'être. Heidegger
place la tradition philosophique dans l'horizon de la question de l'être
pour la jauger avec ce qui devrait être son objectif essentiel. Face donc
à l'oubli de l'être dont il taxe ses prédécesseurs,
il adopte une attitude critique à l'égard de la tradition. Loin
d'être purement négative, cette critique fait apparaître
aussi bien les limites de la tradition que ses contours. D'où son
interprétation de la tradition est dans son fond une appropriation de la
tradition. Heidegger s'approprie et se réapproprie la tradition
à elle-même en dévoilant ses zones d'ombre, ses fondements
cachés. Ainsi, approprier une tradition revient à la rendre en
propre et ici il ne s'agit que de la question de l'être qui fait sa
vérité essentielle. Heidegger donne à l'occident la mesure
de son être en prenant sa distance par rapport à la tradition, ce
qui lui permet de se percer sa propre voie déjà
ébauchée par Héraclite et Parménide. Dès
lors il donne au concept de Tradition une nouvelle connotation. Exposée
dans les paragraphes 6 et 67 de Etre et Temps, sa vision critique de la
tradition récuse celle-ci comme "transmission" c'est-à-dire dans
son "apparaître quotidien". L'analyse de départ est axée
sur le thème de répétition. Etre, c'est être dans le
temps. Donc, l'être est dans le temps, non seulement comme
présent ou comme exclusivement passé, mais aussi et surtout comme
futur. Pour Heidegger, l'être-là est donc historicité.
L'innovation ici est de ne plus restreindre l'être-là vers le
seul présent mais de l'orienter également sur le futur, sur son
avenir. Or l'historicité pour Heidegger n'est rien d'autre que la
tradition dans laquelle se trouve inséré tout Dasein. Celui-ci
est alors un héritier. Il est donc en mesure de lire sa tradition, de la
découvrir à la suite des récits et
événements à lui légués par les "anciens",
et aussi capable de la "conserver". Mais il peut également la perdre et
donc la faire passer dans l'oubli ou dans l'errance. La perte de la tradition
viendrait sans doute du fait de l'être-là qui se laisse aller
dans l'abandon au monde de la quotidienneté. Tout être - là
incapable de considérer sa vie et son existence comme une
décision personnelle est donc, absolument, sous l'emprise de la
quotidienneté; et là disparaît le jugement personnel et on
se met sous "l'autorité de la tradition". Tous les philosophes
occidentaux en ont été victimes, ce qui a occulté la
vérité de l'être en occident. La tradition transmission
où chacun, soumis à la loi des préjugés, des
interdits, des tabous que nul ne peut enfreindre, emprisonne le Dasein et ne
lui laisse aucun espace de liberté pouvant lui permettre d'assumer sa
tradition d'une façon créatrice. Ce qui demande à
l'être-là une décision personnelle en vue de conduire sa
vie ou son existence de manière autonome et responsable. Il s'agit-
là d'un passé à cultiver, à actualiser et à
réanimer. C'est un moment de reprise herméneutique. A ce niveau
de la critique de la tradition transmission à la volonté de
création, se dessine une nouvelle image de la tradition «
à la Heidegger », sa "re-prise herméneutique" Comprendre sa
tradition d'une façon créatrice, c'est la soumettre à un
double langage d'interprétation et de transformation,
c'est-à-dire au travail de l'herméneutique. Alors, le sens de la
re-prise herméneutique veut que chaque peuple assume sa situation, la
connaisse, mieux, en prenne conscience. Il n'y a donc que l'acte de
création qui peut sauver du déclin. Tout créateur s'appuie
sur les faits et oeuvres de sa tradition, de son histoire et donc de sa culture
dans lesquels il est lui-même partie prenante. Or depuis toujours,
l'être-là africain a été nié, tourné
au ridicule. A l'aune de l'évangélisation du continent, cet
être-là a été perçu à tous les niveaux
comme porteur d'un germe pathologique à opérer en
procédant à une tabula rasa de la mentalité, de tout le
schème mental à remplacer systématiquement par les visions
et confusions occidentales. Or avec Heidegger, on perçoit nettement que
le dasein est une personne humaine, ouverte aux autres. Peut-il y avoir donc de
relation humaine sans culture? Nous sommes donc à un niveau où la
présentation de l'être-là heideggérien
présente les caractéristiques de l'homme enculturé,
capable d'accueillir sa culture et tout en s'ouvrant à celles des
autres ne perd rien de la sienne et ne se nie point. La culture devient son
trait distinctif en même temps qu'elle justifie sa capacité de
s'ouvrir aux autres. Une telle image de l'homme interpelle l'africain et plus
précisément le chrétien africain qui est, à son
tour, interpellé par le message du salut et qui dans le processus
d'harmoniser son identité culturelle avec une telle Bonne Nouvelle,
recherche des itinéraires sûrs. C'est pour cela qu'il faut lui
permettre de redécouvrir en lui-même le processus qui avait
été escamoté dans la hâte d'imposer cette Bonne
Nouvelle. Il s'agit donc de voir que la définition qu'offre Heidegger
n'est pas étrangère dans la conception africaine. La saisir et
s'en convaincre, c'est se réconcilier avec sa tradition pour une
meilleure insertion dans le dialogue du salut.
Chapitre 2
1. 2- REFERENCES AFRICAINES A
HEIDEGGER
L'un des défis de l'auteur est de relever - à
partir de la philosophie africaine- les indices de références
à Heidegger et à son oeuvre. Mais là n'est pas encore le
lieu du "dialogue" entre Heidegger et l'Afrique; une telle perspective,
même si elle est envisageable ne le sera que sous la forme d'un
monologue; d'où le paradoxe monologique. Pourquoi donc l'appropriation
africaine d'une telle pensée? Au delà du caractère
incontournable de l'oeuvre de Heidegger dans la quête d'une
historicité authentique de l'exister humain, sa connaissance pourrait
aider tant à la consolidation qu'à l'affirmation du contenu de la
«philosophie africaine.» Heidegger paraît aujourd'hui,
malgré la référence et la méfiance de certains
philosophes africains, comme l'inspirateur de beaucoup de courants principaux
qui caractérisent la philosophie africaine: la philosophie de
l'être11(*); la
philosophie du langage12(*) et de la poésie13(*); la philosophie
herméneutique14(*).
D'où le dialogue entre Heidegger et les philosophes africains est fort
enrichissant. La réponse à un tel paradoxe est que Heidegger de
son vivant, voulait ranimer la philosophie dans sa source présocratique
grecque qui était celle des physiciens. On comprend donc qu'il ait
été hanté par des sources non philosophiques. C'est
justement ce que poursuit bon nombre de philosophes africains : éditer
une philosophie africaine à partir des éléments de la
discursivité africaine: proverbes, légendes, contes,
épopées, mythes. Un bon nombre de philosophes africains sont
encore attachés à l'air natal15(*). Ainsi, sans courir le risque d'établir
coûte que coûte un dialogue, nous estimons que ce sont les
africains qui trouvent une source d'inspiration à partir de Heidegger et
son oeuvre. Quelques articles, livres et thèses de doctorat
écrits par les africains sur l'oeuvre du philosophe allemand sont
à cibler à partir des problématiques qui les
occupe16(*). De plus, au
compte de notre problématique nous ciblons des pistes de
déploiement de l'être-là exprimant l'authenticité de
sa culture.
1.2.1- La philosophie de
l'être
Heidegger est le penseur de l'être; un penseur dont
l'originalité du questionnement a permis, à vrai dire, à
la philosophie de renaître de nouveau. Il s'agit là d'une
pensée ultime, la pensée de l'être lui-même dans sa
vérité, dans sa différence avec l'étant.
Fondamentale depuis les présocratiques, notamment Héraclite et
Parménide, cette pensée de l'être constitue le point de
départ de la pensée philosophique de Heidegger. Pour lui, la
suite de l'histoire occidentale sera une mésinterprétation de la
pensée de l'être en la réduisant dans une essence du faire
et du produire. Une telle attitude la relègue dans l'oubli et dans
l'errance. C'est cet oubli qui va être légitimé et
radicalisé par les philosophes médiévaux, modernes et la
métaphysique de Nietzsche en particulier. Cet appétit de
"vouloir" et de "pouvoir" occulte selon Heidegger toute attention pour la
vérité de l'être. Il estime donc que c'est la cause pour
laquelle l'occident baigne dans le déclin, à la suite de la
métaphysique et de la technique avec pour conséquence: l'oubli de
l'être. L'essence de l'homme appartient à la vérité
de l'Être. Question insoluble à la métaphysique, elle
attend toujours que l'homme se la remémore comme digne d'être
pensée. La pensée de l'être se révèle
méditante. C'est-à-dire à la poursuite du sens qui domine
dans tout ce qui est. Heidegger en parlant ainsi n'oppose pas la pensée
de l'être à l'action au point de tomber dans son reproche
à la métaphysique. En revanche, il la considère comme un
"faire". En ce sens, le "faire heideggérien", loin d'être
manipulant, technisant, est recueillant, méditant permettant ainsi
à l'être de se découvrir et de se cacher. La pensée
d'être en tant que faire, est radicalement agissante. C'est parce que la
pensée est capable d'accomplir la relation entre l'être et
l'être-là humain qu'on peut l'entendre comme un "faire". Ainsi,
tout prend sens à partir de l'être et tout ce qui arrive vient de
l'être. Et c'est cette pensée de l'être en tant que
pensée méditante qui prend la place de la philosophie.
Dans cette optique, les philosophes africains de l'être
sont ceux qui tentent de restituer, selon Tshiamalenga Ntumba17(*), l'idée que les
Africains traditionnels sont censés se faire de l'être en tant
qu'être. Les pionniers de cette philosophie africaine sont les partisans
de la restitution ontologisante. Le Père Tempels18(*) vient en tête de liste
pour affirmer que les Bantou pensent l'être en terme de force. Il avait
pour préoccupation d'opposer ce qu'il appelle la métaphysique
africaine à la métaphysique occidentale. A Kagame19(*) en sera le disciple
fidèle en identifiant la structure des langues africaines comme lieu de
détermination de la philosophie africaine. Prenant pour modèle la
métaphysique d'Aristote qui se fonde sur la langue grecque, il
érige un tableau comparatif présentant les ressemblances entre
les catégories philosophiques d'Aristote et les catégories de la
philosophie bantu-rwandaise. C'est donc dans la perspective d'une philosophie
africaine de l'être qu'il découvre la métaphysique
africaine. L'être-là africain serait donc particulier puisque
l'être chez les africains serait dynamique alors qu'il est statique chez
les occidentaux. L'interférence heideggérienne dans ce
débat nous est offerte par Ngimbi Nseka20(*), qui dans La dynamique de l'être: Force,
Action, Acte, s'appuie sur Heidegger pour contredire la conception
tempelsienne d'une métaphysique à l'occidentale et à
l'africaine. Pour lui, l'être dépasse à la fois le
dynamique et le statique il peut se définir à la fois comme:
Force, Action, Acte. C'est à ce niveau qu'il se réfère
à Heidegger pour noter que chez ce penseur occidental, "l'être
lui-même se montre comme la solidité propre du stable
rassemblé sur soi, pur de toute agitation et tout changement". Et
dans le cas où pour Héraclite, ce qui est ce n'est pas
l'être mais le devenir, vu comme l'être lui-même,
l'être est donc le devenir; pourtant, Heidegger relève Ngimbi
Nseka,21(*) dans un
langage tout différent, semble nous donner une conception de
l'être qui n'en fait pas une réalité statique, un
étant. Il faut donc relativiser la vision de Tempels en retenant qu'il
n'y a pas un moment où l'être s'affiche comme statique et l'autre
dynamique. L'être se révèle simultanément statique
et dynamique même s'il les dépasse. Pour le moi, être, c'est
être dans la présence de l'être. Ngoma Binda22(*) quant à lui
prévient du danger de la philosophie ontologiste occidentale
centrée sur l'être plutôt que sur l'homme et dont il faut
prémunir l'être-là africain. Dans cette critique il inscrit
Heidegger lui-même qui avec ses pairs ont élaboré des
ontologies sur le dos du substantif laissant le verbe. Toutefois, il accorde
à Heidegger le mérite d'avoir opéré le retour
à la problématique initiale grecque mais toujours attaché
au substantif puisqu'il s'agit d'un retour à Aristote et non
Parménide. Ngoma Binda s'oppose à l'ontologie et se montre
favorable à l'anthropologie. Mais il lui manque de reconnaître que
Heidegger tient fortement à l'horizontalité du rapport entre
l'être en tant qu'être et l'être-là de l'homme.
S'interrogeant sur l'être propre de l'africain Phoba Mvika23(*) prend
délibérément appui sur Heidegger pour montrer comment la
question de l'authenticité ne relève pas avant tout de la
politique, mais de la métaphysique. Et sa référence porte
à équivoque puisque le philosophe allemand a toujours
récusé la métaphysique qui entretient une confusion
fâcheuse entre l'être et l'étant. L'authenticité
chez Heidegger est le domaine dans lequel l'homme s'affiche comme
pouvoir-être et non comme un étant présent subsistant;
l'existence - substance est le symbole de l'inauthenticité. Pour mener
donc une vie authentique, l'être-là de l'homme africain comme
celui de l'occidental doit se démarquer de l'ontique vers l'ontologique.
L'être de l'homme n'éprouve son authenticité que dans
l'éclaircie de l'histoire de l'être en tant qu'être dans sa
vérité. Or l'être - authentique de l'homme doit vivre son
authenticité conformément à certaines normes
éthiques déterminées par les règles sociales qui
régissent la société. C'est sur l'universalité de
ses normes que Heidegger et les philosophes africains s'affrontent ; si
Tshiamalenga Ntumba24(*)
pense l'impossibilité pour une norme éthique d'être
universelle, parce qu'elle serait relative; sur la question du langage l'accord
se poursuit aisément. C'est donc pour Heidegger du sens de
l'être que jaillit la réalité de l'être-là.
C'est en ce sens que l'homme est le berger de l'être.
L'être-là africain malgré les diverses approches de
l'ontologie africaine, n'échappe pas à cette vérité
d'être le creuset qui donne sens à la transcendance et grâce
à qui la transcendance reste une interrogation.
1.2.2- Le langage comme point
d'ancrage
Le langage pour Heidegger est la maison de l'être, c'est
pourquoi la relation entre la pensée et l'être doit
déboucher sur le langage25(*). Dans la pensée, l'être vient au
langage; et c'est en s'associant au langage que la pensée advient
à la vérité de l'être. C'est ce langage - là
qui est la maison de l'être; et c'est encore là que le Dasein qui
seul est capable de langage par la grâce de l'être, est le voisin
de l'être. Or pour Heidegger, l'homme ne deviendra le vrai voisin de
l'Être qu'après avoir appris à véhiculer un langage
originaire, celui de la vérité de l'être lui-même. Le
langage est donc à penser étroitement en relation à
l'essence de l'être car c'est dans le langage que l'homme habite et de la
sorte ek-siste, en appartenant à la vérité de l'être
sur laquelle il veille. Il n'est pas ici question de langage comme structure
linguistique. Autant le langage est la demeure de l'être, autant il
détermine l'être-là et c'est à ce seuil que les
philosophes africains rejoignent Heidegger. Pour Dirven26(*), Heidegger a saisi mieux que
quiconque ce que le langage d'un peuple révèle et exprime par
rapport à l'être et à la vérité. Parmi les
philosophes africains qui récupèrent une telle
problématique, on peut noter Nkombe Oleko, Tshiamalenga Ntumba qui ont
pu saisir l'importance du langage tant comme dévoilement de l'être
en tant qu'être que du point de vue de la communication intersubjective.
Les tendances varient toutefois. Pour Nkombe Oleko27(*), le langage est l'un des
traits pertinents qui sépare l'homme de la nature et l'un des traits
dominants qui fait de l'homme image de Dieu. Le langage permet à l'homme
de transcender le cosmos, tout en restant cosmique. C'est en se laissant guider
par Heidegger que Nkombe Oleko tente d'établir un rapport entre le verbe
et l'être. Les trois fonctions du langage qu'il relève (la
monstration- la prédication- et la communication) servent à la
fois à révéler l'être qu'à le dissimuler.
Cependant la révélation de l'être se fait dans les trois
zones du langage: le mythe, la philosophie, la science. Tshiamalenga
Ntumba28(*) quant à
lui, part plutôt de Wittgenstein pour affirmer que tout homme formule
ses questions et ses réponses dans sa langue maternelle ou culturelle en
tant que langue ordinaire parlée. Le langage ordinaire reste donc
lié au langage - pensée. C'est là une affirmation de la
dépendance de la pensée par rapport au langage. La pensée
est toujours un certain langage. La référence à Heidegger
(même si elle n'est pas l'option de Tshiamalenga) s'exprime lorsqu'il
affirme que l'autoréflexivité de la langue semble bien être
l'un des éléments constitutifs de la position spécifique
de l'homme dans le cosmos. La question qui mérite d'être
posée ici est de savoir en clair sur quoi l'Occident s'est basé
pour nier à l'être-là africain toute capacité
d'ascension. Car le langage tel que le présente Heidegger comme une
composante déterminante de l'homme est pourtant bien articulé en
Afrique. Il y a eu comme un mépris de toutes les valeurs ethnologiques
que l'Occident est censé connaître lui-même, dans son
rapport avec l'africain. Toutes les structures conceptuelles tels la
poésie et l'art, les mythes et les symboles, qui ont été
à la base de l'élaboration de la rationalité de grandes
pensées philosophiques occidentales, sont vues en Afrique comme
irrationnelles. Or l'irrationnel n'est qu'une étape vers la
rationalité. Si l'irrationnel n'était pas porteur de sens, les
mythes n'auraient pas servi à Platon pour fonder son idéalisme.
D'où l'irrationnel n'est pas ce qui échappe à la raison,
mais ce que celle-ci n'a pas encore suffisamment pénétré.
L'irrationnel est donc bien rationnel. Meinrad Hegba l'exprime très bien
dans sa thèse de doctorat29(*).
1.2.3- La philosophie de la
poésie et de l'art
Pour Heidegger, c'est dans la poésie que s'annonce le
destin du monde. La poésie est fondation en tant qu'elle fonde
l'histoire; celle qui consiste dans la donation et la dispensation de
l'être. Dans la poésie, le poète pour Heidegger nomme le
sacré et ainsi évoque toute l'existence de
l'être-là. La poésie est donc langage mais spécial
dans la mesure où il exprime le Sacré, l'être en tant
qu'être. Nkombe Oleko, note que le langage est le séjour de
l'être. Octave Ugirashehebuja 30(*) consacre l'essentiel de sa thèse à la
question. Tout comme Heidegger, il prouve la nécessité
d'être à l'écoute du langage profond du peuple pour
s'approcher des sources de l'existence, et la possibilité d'exprimer
cette approche de l'être dans un vocabulaire classique de la
métaphysique qui se cherche dans la poésie. Ainsi, si l'Afrique
doit exprimer sa pensée, si elle doit proposer aux autres cultures un
dialogue véritable, ce sera à partir de son patrimoine
poético - culturel dont il faudra respecter le génie et
l'originalité. Il est convaincu qu'avec Heidegger, tout penseur doit
avoir son poète. D'où toute philosophie se nourrit d'une non-
philosophie; il insiste pour la philosophie africaine, sur la
nécessité de se nourrir des expériences non
philosophiques pour un dire authentique. Il met toutefois en garde contre la
tentation d'aller déterrer cette poésie dans un certain arcane
ancestral. Cette poésie peut bien être une méditation lente
du génie contemporain. Il estime que le rationalisme ne saurait
régler tous nos problèmes en Afrique. A côté de la
poésie, l'art reste aussi une source d'inspiration pour les philosophes
africains. Tout comme à la poésie, Heidegger reconnaît
à l'art sa capacité de dévoilement de l'être dans sa
vérité; d'où l'art est aussi un langage31(*). Mudiji Malamba32(*) accordant à l'art cette
première place, note que l'artiste ne peint pas à partir de rien,
mais de ce qui existe déjà et par ce fait, il aperçoit
dans l'art, la manifestation même de l'être dans sa
vérité. L'attachement de Mudiji pour qui les masques sont
expressifs, à Heidegger, vient de ce que pour celui-ci, l'oeuvre d'art
exprime la vérité au sens d'une manifestation qui implique un
conflit entre ce qui se donne à voir et ce qui se réserve. Pour
Heidegger, l'existence de l'être-là de l'homme se déroule
fondamentalement entre le ciel et la terre, le divin et l'humain. Or pour
Mudiji, l'être-là africain est parfaitement concerné par ce
schéma. De ces références à Heidegger, nous
retenons que les penseurs, les poètes et les artistes ont tous pour
rôle de veiller, de sauvegarder l'histoire et la vérité de
l'être en tant qu'être. La philosophie herméneutique
africaine récupérée de Heidegger l'exprime une fois
encore mieux.
1.2.4- La philosophie
herméneutique
Le cheminement que nous avons entrepris jusque-là n'a
été qu'une reprise herméneutique de la question de
l'être dans sa vérité. Cela pour percevoir à partir
de Heidegger le véritable visage de l'être-là qui se pose
comme un universel particulier dont l'Afrique a été privé.
Ce manque a rendu impossible toute rencontre fructueuse avec le Sacré.
S'insurgeant contre toute la tradition philosophique sur la question de
l'être, Heidegger opère un retour aux sources qui devra lui
permettre de considérer l'homme non plus comme pure pensée, mais
comme un être au monde. Pour que l'être advienne en
vérité, il faut une émergence de la pensée;
pensée méditante qui est un «faire» capable d'accomplir
la relation entre l'être lui-même et l'essence de l'homme. A cette
herméneutique s'accordent aussi des philosophes africains ; il s'agit
notamment de penseurs africains qui dans le souci d'élaborer une
pensée qui répond aux préoccupations de l'Afrique
actuelle, ne sauraient se passer de la sagesse africaine. Les philosophes
herméneutes africains ont donc pour rôle d'interpréter la
tradition à la lumière du présent. La sagesse africaine
reste donc un patrimoine non négligeable dans l'élaboration de
toute philosophie africaine. La philosophie africaine étant à
élaborer selon le voeu de Nkombe, les herméneutes africains
devront faire appel à une herméneutique où le sujet
s'auto-implique. Car il s'agit là d'une relecture personnelle de la
tradition non pour reconstituer la pensée des anciens, mais pour la
réactualiser dans la systématisation actuelle en vue de la rendre
efficiente au présent. On distingue un bon nombre d'herméneutes
africains mais tous n'ont pas été fidèles à la
pensée de Heidegger. Celui-ci s'inspirant du romantisme allemand a
trouvé un écho retentissant dans les recherches de Okolo
Okonda33(*). Dans ses
problématiques accentuées sur le dialogue avec Heidegger, il
cherche donc à rattacher le mouvement herméneutique au romantisme
allemand formé par, Schleimarcher, Dilthey, Gadamer, Heidegger. Ce
mouvement dont la préoccupation est de prendre en charge les faits de la
culture et de la tradition selon leurs interprétations, de montrer que
malgré la divergence de leurs crises, ces herméneutes
européens s'accordent pour sauver, spiritualiser l'Europe. Sa
finalité est d'amener l'être-là africain à
interroger sa vision du monde, son idée de destin, l'encourager à
faire éclater l'idée d'un destin, et la recharger à
nouveau en partant de la situation herméneutique de
l'être-là africain. Pour Okolo Okonda34(*) , le sens de la reprise
herméneutique pour Heidegger est de sauver l'Europe de la destruction
spirituelle et avec elle le monde entier. L'Afrique s'inscrit aussi dans cette
même destruction spirituelle et devra pour ce, considérer la
tradition sous les deux aspects heideggériens : la tradition comme
transmission et la tradition comme création. La tradition transmission
est ce qui ne correspond pas à l'Afrique en proie au
sous-développement et à diverses crises. La tradition
création ayant mis l'accent sur le progrès, est celui qui lui
correspond le mieux. Okolo pense la tradition en thème d'un englobant de
l'être-là de l'homme. Ce dernier ne s'enracine que dans une
tradition. Celle-ci l'accompagne. Heidegger, laisse-t- il entendre, enracine la
notion de tradition dans l'histoire de l'homme. La tradition authentique
suppose un effort de «reprise» portant sur le passé et
orienté vers le futur. D'où comprendre sa tradition ce n'est rien
d'une répétition, mais une reprise des formes et des contenus
afin de les intégrer dans un nouveau jeu de formes et contenus offert et
par la tradition et par la modernité. Les
réflexions du théologien WALTER Kasper sur la
tradition nous paraissent ici judicieuses. La vie humaine note-il n'existe par
principe que comme quelque chose qui est transmis au sein de la succession des
générations. La tradition devient donc ce qui relie entre elles
les générations qui se suivent. Une telle compréhension de
la tradition implique le concept de vérité. Car, la vie humaine
inclut la question du sens et de la vérité. C'est pourquoi la
transmission de la vie comporte également la transmission de certaines
manières de comprendre et d'assumer la vie.35(*) Bien souvent, la tradition
est ciblée d'irrationnel Okolo pense donc qu'il faut avec l'appui de
Heidegger réhabiliter la tradition en distinguant la tradition
inauthentique de la tradition authentique. La tradition inauthentique, c'est
l'idée bien fixe, sclérosée qu'une
génération a de la tradition; une telle idée bloque tout
apparaître de l'être. La vraie tradition est une transmission;
elle est ce qui relie fondamentalement le passé, le présent, le
futur. La tradition devient ainsi la manifestation et la représentation
dans le temps et dans l'histoire de ce qui est éternel et qui
demeure36(*). D'où
la tradition est la volonté présente d'avenir ancrée sur
le passé. C'est un enchaînement d'interprétation dont les
oeuvres d'esprit constituent les noeuds. La tradition est l'écoute
parlante et progressive de chaque être - là humain. En Afrique,
note Okolo, l'ennemi de la tradition n'est pas l'autre tradition, ou la
tradition elle-même, mais le phénomène de domination
interne ou externe dont tout herméneute africain doit libérer la
philosophie. Cette belle page sur la question éclaire mieux notre
enjeu : « La tradition doit donc être comprise comme une
unité d'acte et d'être, et de ce fait comme un processus dans
lequel la tradition et l'interprétation sont liées. Nous ne
possédons les traditions particulières que dans l'acte de
l'appropriation, de la traduction et du renouvellement vivants.37(*) »
La référence à Heidegger en philosophie
africaine si elle est radicale, n'est toutefois pas un dialogue. Il ne s'agit
que d'un monologue du côté des africains, puisque Heidegger n'a
dans sa pensée pour l'Afrique qu'une vision méprisante. C'est
dans un souci de prouver que l'ontologie heideggérienne peut s'ouvrir
à d'autres cultures que Antoine Dover a cherché à
récuser les propos ethnocentristes des ethnologues occidentaux.
Affirmant ainsi l'appartenance de l'Afrique à une mondialisation
à visage humain qui respecte les spécificités culturelles
de chacun, il s'insurge contre ces idéologies de la différence
qui aliènent l'humanité. C'est pourquoi il
faut procéder dès lors à la réconciliation de
l'africain avec son essence créatrice d'avant colonisation. C'est
là toute l'entreprise à laquelle nous nous attelons dans un
effort de restituer la figure de l'être africain en mesure de
créer par soi-même son dire théologique.
Chapitre 3
1.3- HEIDEGGER ET LES ENJEUX
PHILOSOPHIQUES DE L'ETRE-LA
Dès son origine, la philosophie s'est
caractérisée par sa visée de l'universel. Or l'universel
ne résulte pas de la somme des particularités culturelles, mais
de la recherche d'une vérité commune à tous. Et celle-ci
n'est identifiée comme telle qu'en se ressourçant dans un idiome
particulier. Si avant le contact avec l'Occident moderne, il est difficile de
parler de philosophie en Afrique noire, l'existence d'une pensée
africaine incluse dans les manifestations traditionnelles de la culture
négro-africaine n'est pas impensable. Et c'est ce qui nous sert de base
pour voir à quelles conditions une philosophie peut être
élaborée à partir de ce que la tradition culturelle de
l'Afrique et sa situation actuelle donne à penser. Le mérite de
cette entreprise revient dans une certaine mesure au Père Tempels
malgré la précocité de ses analyses. Parmi ses
détracteurs ou admirateurs, on peut apprécier l'oeuvre de Henri
Maurier38(*) qui dans une
étude globale de plusieurs sociétés africaines,
définit la structure anthropocentrique fondamentale comme
-Je-Avec -. On en retient la catégorie de la relation qui nous fait
comprendre qu'en Afrique, le moi est essentiellement relationnel- l'individu
étant alors une abstraction prélevée sur cette structure
existentiale plus originaire. Une telle approche offre la possibilité
d'un comparatisme inséparable d'une pensée dialoguale ;
pensée à laquelle la pensée de Heidegger semble devoir
être inévitablement associée. Aucun indice dans l'oeuvre de
Heidegger ne nous offre l'occasion d'une telle analyse. Cependant, son
attachement à la tradition, au terroir, à l'idiome rejoint la
tendance africaine à se réclamer de la coutume, à
revaloriser l'amour du pays et de la langue propre. Mais le plus
intéressant chez Heidegger est sa notion d'ontologie fondamentale et on
peut déjà se demander en quoi la notion bantoue de force vitale
viendrait l'informer. Dans un tel sillage, l'herméneutique paraît
le passage obligé pour mener à bien l'élaboration
philosophique d'une pensée africaine. Assumer son identité
implique un travail herméneutique d'assimilation, de conceptualisation
et de critique d'une tradition reçue. Une telle herméneutique
acquiert le statut d'une âme du développement, de l'autonomie et
de l'accès à l'universalité.
L'objectif de l'auteur est tripartite : montrer que la
réappropriation critique par Heidegger de la tradition occidentale
reste de part en part, un monologue ; relever que la présence
unilatérale de Heidegger en Afrique ne relève pas d'une illusion
d'optique ; indiquer néanmoins que cette présence de
Heidegger en Afrique demeure, bon gré mal gré un
monologue39(*). Pour
réussir à atteindre ces objectifs, l'auteur part des
présupposés d'un dialogue avec Heidegger autour de la question de
la tradition. Il donne une nouvelle image du concept de
tradition avant de présenter les références africaines
à l'oeuvre de Heidegger. Il montrera enfin de compte, comment
l'être manifesté africain est une quête et un devoir de
l'universel -singulier. C'est cette analyse qui nous paraît pertinente
dans notre démarche de redorer l'identité culturelle de l'homme
africain dans son souci d'accueillir la foi chrétienne et de
l'assimiler avec ses armes africaines. Ainsi, une culture, une tradition ne
semble s'identifier qu'en face d'une autre. L'Afrique avait donc, si
l'opportunité lui était laissée, le devoir de
déployer sa culture, sa tradition en face de l'Occident. Puisqu'elle
portait toutes les caractéristiques universelles de
l'être-là que Heidegger approuve comme fondamentales. Il importe
de finir cette partie en reprécisant la conception précise que
donne Heidegger de cet être-là. Un être-là qui a une
portée universelle dans laquelle l'africain se retrouve. Nous allons
nous en saisir pour un mieux-être à partir du souffle
théologique que nous lui donnerons..
1.3.1- L'être-là
La voie obligée d'accès à la connaissance
de l'être est le Dasein, c'est-à-dire la réalité de
l'être dans le contexte concret où il se trouve:
l'être-là. Ce dasein a trois structures fondamentale,
l'être-là lui-même caractérisé par la
facticité; l'être-avec caractérisé par l'existence;
et l'être-au-monde caractérisé par l'ouverture. La
facticité est le fait d'être, l'être dans sa
concrétude, sa singularité et sa matérialité.
Parler ici de relation transcendantale, c'est observer le
dasein dans sa situation d'être-là, sa capacité de
dépasser les étants et soi-même en direction du monde;
non pas en direction des étants, ni de la totalité des humains,
mais vers un être en tout. L'étant homme se trouve au milieu
d'étants et l'étant qu'il est lui-même ainsi que l'autre
étant lui sont manifestes. Or l'existence, le mode d'être de
l'homme est en soi finitude; la transcendance signifie la percée de
cette finitude qui est donnée dans et avec sa compréhension de
l'être à un être personnel-spirituel. Ainsi, la
compréhension humaine de l'être n'est possible que comme une
percée de l'être fini vers l'être éternel. En effet
le dasein; être-là est pour Heidegger l'homme. C'est l'homme en
tant qu'ouvert à l'être, le champ de la vérité de
l'être. D'où l'homme est le là de l'être;
l'être jette l'homme dans l'existence pour qu'il veille à sa
vérité, il destine l'homme à l'existence en vue
d'être don là. L'homme se trouve donc en contexte de
conditionnalité où il lui incombe de vivre ce que son être
aura décidé qui sera le là manifesté et de vivre le
projet existentiel qui est le sien. C'est là la réalité de
l'auto-transcendance qu'éclaire Heidegger par sa
phénoménologie : « L'essence de l'homme réside dans
son existence»40(*) .
Pour le philosophe, cette thèse ne doit recevoir aucune explication
théologique car l'existence ici n'est que le mode d'être de
l'homme; seul l'homme est un étant existant, il est un étant
dont l'être est désigné dans l'Etre. L'homme est donc
caractérisé par son mode d'être qu'est l'existence. Avec
Heidegger, il ne s'agit pas d'une anthropologie, mais d'une ontologie
fondamentale qui présente la topologie de l'être, mettant
phénoménologiquement en évidence, les structures de
l'horizon existentiel et temporel dans et à partir duquel seulement
l'être vient à être compris et interprété. Le
dasein est donc le lieu dimensionnel, l'espace de déploiement propre, le
champ de manifestation et de dispensation de la présence de
l'être. Gérard Guest41(*) dira qu'en fait, ce n'est pas l'homme lui-même
qui constitue ce champ de dispensation, mais bien ce qui, de l'être,
constitue l'homme comme capable d'une compréhension de l'être. Le
dasein est la condition de possibilité, fondée dans l'être,
du mode d'être de l'homme et qui se caractérise par l'existence et
l'être dans le monde. Le mode quotidien de l'homme se présente
alors comme être-au-monde. Le dépassement que le dasein a à
opérer sera toujours dépassement de quelque chose, une
implication concrète. Parler donc d'existence, c'est dire
''être-là'', ''être-au-monde'', bien situer, de
manière dynamique, être dans la forme du ''projet''.
1.3.2- L'être-avec
C'est un être -jeté qui se pose comme le
déjà-là. Ainsi vu, il porte un caractère
potentiel qui le mène souvent au devant de lui-même: c'est
l'existence, caractéristique de la personne à venir, l'être
projeté. Cette idée d'être-avec, marque la
différence entre les étants et en même temps
révèlent la vérité des objets qui se
dévoilent à nous. C'est pourquoi c'est à travers le
sillage de la question de l'être-avec que Heidegger réussit
à poser la question de la vérité de l'être. Le
être -avec ne suppose pas une similitude de vision; cependant, il faut
qu'il y ait un ensemble commun. C'est là la nécessité de
l'identité qui non seulement n'exclut pas le changement, et le
mouvement, mais n'exclut pas la différence puisque nous nous rapportons
à des choses identiques et pourtant il est différent pour chacun
de nous.
Par conséquent, le fait que nous sommes les uns avec
les autres vient de ce que nous nous rapportons à des objets qui sont
identiques pour nous. Ainsi, être-avec c'est participer dans la
vérité de l'être puisqu'il révèle
l'identité. C'est donc dans la relation aux autres, au coeur de la
communauté que se dessine l'identité propre d'un
être-là particulier. D'où la vision commune d'un fait ne
saurait convoquer au mimétisme ou à l'assimilation.
1.3.3- L'être - au-
monde
Et ce qui fait de lui un être ouvert est le fait qu'il
est: être-auprès-de, c'est l'ouverture de la personne aux autres.
L'homme est dans le monde et au monde; il est intégré à ce
réseau de possibilité qui forme le monde, son être et ses
possibilités y sont. Mais il peut aussi y connaître la dispersion
et l'inauthenticité. Les choses dans le monde ne sont pas seulement
pour lui des instruments, mais aussi des signifiants par rapport à sa
vie, et à ses options. Vattimo42(*) dira que l'homme est toujours dans le monde comme un
étant qui se rapporte à ses possibilités,
c'est-à-dire en tant que projet. Tout nous insère dans un
contexte de références, de souvenirs, d'analyses. Il nous revient
de tendre à l'objectivité des choses, par cette opération
spécifique de ''mise à côté'' des
préjugés, des préférences, des
intérêts pour voir la chose telle qu'elle est en « en soi
». L'homme en vue de certains buts précis, se doit de
déterminer la valeur objective des choses. C'est donc
l'être-là qui donne sens au monde; la mondanéité du
monde se fonde exclusivement sur la base de l'être-là. C'est ce
que les choses valent pour nous qui révèle leur
instrumentalité et non seulement dans le fait qu'elles servent
effectivement à nos buts. C'est donc ces valeurs qui se
découvrent entre le langage et les signes.
On le voit donc, la pensée de Heidegger sur
l'être-là donne la conviction que le dasein, est cet être
concret, vivant dans l'espace et dans le temps dont la nature essentielle se
caractérise par l'ouverture aux autres. Il n'y a pas une réelle
connaissance de soi et des autres ou la réalisation de soi, sans une
"ek-tasis" c'est-à-dire sans l'ouverture à la
réalité qui nous entoure. Le dasein doit devenir un mit- sein, un
être-avec. Heidegger passe ainsi du personnalisme individualiste et
idéaliste à l'intersubjectivité. Malgré la
réduction que connaît celle-ci dans sa philosophie, elle est
suffisante pour percevoir l'être-là comme capable de valeurs, de
tradition et donc doté d'une identité authentique qui tout en le
singularisant, le porte à l'échelle universelle.
Deuxième Partie
PROBLEMATIQUE THEOLOGIQUE DE L'ETRE-LA AFRICAIN
Chapitre 1
2.1- L'AU-DELA DU
DIALOGUE AVEC HEIDEGGER
La pertinence d'un dialogue entre Heidegger et l'Afrique est
improbable. L'absence de pensée qui caractérise l'Afrique et le
manque d'humanisme ontologique chez Heidegger sont des facteurs qui
défavorisent une telle vision. Toutefois, Antoine -Dover a pu tracer la
voie pour un dialogue monologique d'un côté comme de l'autre. Mais
ce qui reste pertinent, c'est que l'oeuvre de Heidegger, par le fait qu'il est
le penseur de l'être, devient incontournable par la renaissance qu'a
accordée à la philosophie l'originalité de son
questionnement. On se demanderait si cette renaissance a eu lieu aussi en
Afrique. C'est là ce qu'il faudra corriger dans la conception
Heideggérienne. Car, l'Afrique n'est ni un marginal, ni un allergique
de la pensée, ni un être sans histoire ; mais un
être-là de l'homme enraciné dans une tradition, certes de
transmission lui permettant de vivre au présent et au futur son
passé comme salvateur de ses valeurs humaines propres chargées
d'historicité. La connaissance de la philosophie de Heidegger doit nous
aider à comprendre notre existence, à la mettre en question et
à la critiquer. Le reproche qui pourrait être adressé
à Heidegger est d'avoir été fasciné par le
même et fermé à tout dialogue avec l'autre, ceci pour
évoquer son ethnocentrisme. Mais en réalité, Heidegger est
tout ouvert à cet autre, sa pensée est en attente d'un dialogue
inéluctable avec tous. Des lecteurs de Heidegger qui seraient
restés à Etre et Temps, sans prêter attention
à l'ouverture du néant sur l'être ne pourront percevoir
cette réalité. Cherchant à justifier les obscurités
qu'on jette sur sa pensée, il a montré que la pensée de
l'existence finie, loin de se refermer sur le néant, se dépasse
et vise même un au-delà de l'être.
2.1.1- Les richesses d'une
étude
Philosopher aujourd'hui en ignorant
délibérément le défi radical adressé par
Heidegger à la métaphysique occidentale, c'est philosopher
naïvement. Ce défi radical adressé par Heidegger concerne
également le philosophe africain qui est de son côté pris
dans l'étau entre les impérialismes et les nationalismes en tant
qu'humanismes métaphysiques. Seule une philosophie africaine plus
praxéologique c'est-à-dire créatrice, innovatrice permet
de transcender ces impérialismes et nationalismes. Pour Heidegger, un
peuple ne se fera un destin que si d'abord il crée en lui-même une
résonance, une possibilité de résonance pour ce destin,
et s'il comprend surtout sa tradition d'une façon
créatrice.43(*)
C'est justement ces intuitions de Osongo - Lukadi que nous
allons exploiter sur le terrain de la théologie et plus
précisément dans le domaine de l'inculturation où nous
resituons le statut de l'être-là africain que Heidegger juge
capable de créativité. En effet l'auteur a le mérite
d'innover les possibilités d'une réception africaine de
Heidegger. En théologie cette opportunité existe44(*). Il fait la saisir et
l'insérer au coeur du débat sur l'inculturation. L'approche de
la question de tradition créatrice est d'emblée la
problématique de l'inculturation. L'insertion de la Bonne Nouvelle de
salut devra passer par une réalité culturelle voire
traditionnelle dont les valeurs sont à dégager à la
lumière de l'évangile. Et l'évangile à son tour
devra se laisser enrichir par la culture qu'il traverse. Dans ce cas la
tradition doit être appréhendée comme créatrice et
non transmission béate. L'enjeu ici est celui d'une appropriation -
réappropriation pour ne pas dire appropriation critique de la
tradition.
2.1.2- Limites et
questionnements
La culture est une donnée fondamentale qui marque et
détermine fortement l'être -au- monde de l'Africain. La
quête du progrès en Afrique ne doit pas être une
préoccupation purement matérialiste. Le combat de
l'être-là africain passe aussi et nécessairement par
l'authenticité de sa relation avec Dieu. En évoquant la
pensée d'un développement politique, économique et social,
il faut cibler le spirituel dans le champ propre de la relation de l'africain
à la Transcendance c'est-à-dire à Dieu. L'Afrique
actuellement, est comme envahie par le sacré, un envahissement où
se mêlent une multitude de transcendances, une variété de
médiations, une recrudescence des voies de salut et une renaissance des
religions traditionnelles. L'inculturation qui est une réalité
permanente de la théologie, l'est de façon plus accrue dans la
théologie africaine. Mais dès son origine et avec la persistance
de cet envahissement, on se pose des questions. Au nombre de ces questions,
nous ciblons celles qui doivent contribuer à insuffler de
l'intérieur l'être-là africain, d'un souffle
théologique. Ainsi sera tracée à l'Afrique, la voie
sûre pour découvrir l'Etre Transcendant, et l'unique
médiateur. Il s'agit de retrouver l'authenticité de
l'être-là africain au coeur de sa culture que viendrait enrichir
l'Evangile dans son originalité. Une telle identité avons-nous
déjà précisé, a été arrachée
et détruite chez l'africain dès les premières heures de sa
rencontre avec l'Occident. La redécouvrir aujourd'hui n'est pas faire
fi des mutations socioculturelles actuelles ou ignorer qu'un
être-là africain idéal est aujourd'hui impossible ou encore
chercher à rendre l'Afrique autarcique. Mais c'est envisager l'enjeu de
l'inculturation en Afrique. L'inculturation qui nous apparaît par sa
procédure initiale, s'être plus préoccupée du
Pourquoi que du Comment. Parler du Comment, c'est réussir à
percevoir l'identité culturelle et théologique de
l'être-là africain. Celui-ci au coeur de ses valeurs et traditions
accorde sa foi à Jésus-Christ, ce qui confirmerait son ontologie
désormais éclairée et orientée. Pour ce, Heidegger
ne nous apparaît pas seulement pertinent mais incontournable. Il aiderait
à la consolidation et à la confirmation du discours
théologique authentique axé sur une culture et une tradition
précises, qui permettrait de reposer la question du comment
de l'inculturation en Afrique, enjeu primordial de la théologie
africaine.
Nous partirons donc de la double réception culturelle
(Africaine ) et théologique (herméneutique) de Heidegger pour
restituer la question de l'inculturation sur l'axe de la manière
authentique dont elle doit être conduite pour que la foi
chrétienne ait un devenir sur l'avenir de l'être-là
africain.
Chapitre 2
2.2- L'ETRE-LA AFRICAIN:
QUESTION D'ETHOS AFRICAINE
Il nous incombe de savoir poser le problème du devenir
de l'être humain africain mais en nous gardant de puiser dans des
théories de revendication d'identité. Il nous faut saisir le
cours de l'histoire contemporaine en cherchant à travers elle, des
valeurs et des techniques susceptibles de construire l'aujourd'hui et l'avenir.
La place d'arriérée culturelle qu'occupe l'Afrique aujourd'hui
est le produit des combats existentiels menés souvent en termes de
revendication d'identité culturelle d'accusation de l'autre. C'est
là une attitude d'inauthenticité qui jette le dasein dans le "On"
au lieu de lui faire appréhender son ipséité comme
critère d'authenticité. L'identité culturelle, il est vrai
doit être sauvée et sauvegardée. M. HEBGA approuve
justement l'importance de cette identité culturelle bien pensée
et dûment exprimée en vue d'une construction originale de la
destinée des peuples africains.45(*) Il n'est cependant pas question d'une "quête
d'identité archéologisante, de conflits ethnicistes, de
mentalités nombrilistes, de pratiques et de gestion de pouvoir qui
tourne autour de soi, du ventre, de biens à accumuler pour soi, pour la
famille et la tribu" selon les expressions de N. SOEDE46(*). Ce fut une erreur de
l'élite africaine qui aux lendemains de la décolonisation, sur
le plan littéraire relatif à l'identité culturelle du noir
exalte une littérature de revendication: Négritude, Africanisme,
African Personnality, Panafricanisme. L'élite religieuse n'a pu aussi
éviter ce piège. Ces deux tableaux n'avaient pas à
s'inscrire dans une logique de revendication. L'urgence pour le continent
était une manifestation, une libération qui devrait se
démontrer par le déploiement du génie africain au travail.
Car, promouvoir l'être-là africain, ce n'est pas tourner le
regard vers ce qui est figé dans le passé, mais prendre en compte
ce qui perdure dans nos racines humaines profondes, des ressources
nécessaires pour affronter les défis humains nouveaux.47(*) L'être-là
africain ne peut se définir aujourd'hui qu'au coeur de la mutation
actuelle du monde, dans une dialectique de "s'affirmer et se nier". Celle-ci
pour s'exprimer, doit positionner un être-là qui fonctionne comme
une puissance de créativité spirituelle et culturelle. Car, c'est
pour avoir cru que l'africain était un être donné une fois
pour toute donc statique, pour n'avoir pas voulu considérer l'africain
"comme un être historique qui se fait en transformant et en
intégrant sans cesse les conditionnements physiques, économiques,
politiques et spirituels que l'inculturation qui avait pour mission de
concilier culture africaine et foi chrétienne a raté sa mission.
Etant donné qu'il n'existe aucune tradition africaine
à l'état pur, encore moins un africain authentiquement lié
à ses souches originelles, c'est l'africain confronté aux
mutations actuelles qui cherche à accueillir le Christ pour se
recueillir en lui. Parlant donc de l'être africain, il ne suffit pas
d'énumérer les traits caractéristiques du type africain:
Etant donné que chaque culture est caractérisée par une
certaine façon de former ses membres, il faut s'assurer de ce qu'est
être-homme dans une culture africaine. Comme on peut s'en douter, la vie
est fondamentalement un acte sacré ou une réalité
sacrée en Afrique. Toute existence humaine est marquée par
la soif de la vie : le projet d'une vie accomplie, une vie heureuse reste
l'idéal qui polarise tous les efforts de l'homme. L'adja - fon s'inscrit
dans cette dynamique et ne doit sa religion qu'au désir d'accomplir la
vie. Cette option fondamentale pour le maintien et le soutien de la vie au
coeur de la religion africaine est perçue et mise en exergue par
beaucoup de penseurs.48(*)
C'est donc autour du rapport sacré existant entre l'être humain
et tous les autres éléments vivants ou puissances spirituelles
que se construit l'ethos humain. C'est dans cette ligne que la religion est
perçue comme une célébration de la vie. L'ethos
apparaît ainsi comme un ensemble de valeurs qui caractérisent une
culture particulière. Nous pouvons maintenant évoquer la
conception contemporaine de l'ethos africaine, celle qui a
résisté à l'acculturation et celle qui s'offre aujourd'hui
à tout dialogue avec la science voire avec la globalisation. L'ethos
désignera pour nous '' la prise de conscience moderne concernant les
idées dominantes, les valeurs et les idéaux''.
2.2.1- La culture africaine
Evoquant la question de la culture, nous commençons par
dire ce qu'elle n'est pas et ce à quoi il ne faudrait pas s'attendre,
pour finir par présenter le type de culture adéquate pour une
inculturation porteuse de sens et respectueuse de l'être-là
africain. Quelle culture pour quelle inculturation sera donc la finalité
de ce paragraphe. Nous reconnaissons la diversité culturelle du
continent et nous mentionnons aussi les effets destructeurs de l'acculturation
forcée qui a fait perdre au continent une bonne part de son
héritage spirituel. La désintégration culturelle et la
destruction sociale des communautés africaines au contact de l'Occident
et du christianisme sont une réalité. Il est vrai que le
christianisme s'est présenté à l'africain à la
manière d'un duel "Blanc-Noir". Ce fut une rencontre plutôt
malencontreuse parce que devenue affrontement et confrontation. L'Occident
s'était auto- surestimé en nation civilisatrice, substituant le
pacifisme missionnaire à une arrogance militaire et impérialiste.
On assista à une destruction quasi systématique du patrimoine
africain. Contre le gré des chefs traditionnels, des églises
furent implantées en lieu et place des couvents. Des baptêmes
furent administrés en signe de prestige; des conversions
opérées par mimétisme et suivisme. Loin de vouloir
établir un procès ou de présenter un bilan, force est de
remarquer que l'Afrique n'a pas pour autant disparue, elle est toujours
là et aujourd'hui plus que jamais elle se sent interpellée
à apporter sa pierre à l'édifice mondial de la
reconstruction de l'humanité; une humanité phagocytée par
le développement de la science et de la technologie avec tout le
corollaire de contre valeur culturelle et religieuse que cela engendre. Pour
ce, il lui faut redorer ses blasons culturels. Malgré l'existence des
valeurs traditionnelles culturelles qui caractérisent cet
être-là: le sens aigu de la présence de Dieu, la conscience
de sa propre infimité et de la grandeur de Dieu, l'amour de la famille,
l'hospitalité, le respect de la nature, la préciosité de
la personne humaine, la foi en la Providence, l'attention à la
présence de Dieu au coeur des éléments de la
création, le sens d'action de grâce et d'adoration, la conscience
de sa finitude, la reconnaissance de la transcendance de Dieu, autant de
valeurs traditionnelles qui se trouveraient purifiées et ennoblies par
la révélation de Jésus-Christ. On ne peut plus envisager
aujourd'hui une culture typiquement et authentiquement africaine sans aucune
hybridation. Aujourd'hui les transformations économiques, sociales et
culturelles n'ont pas manqué d'avoir des répercussions sur ces
valeurs. Cependant elles demeurent indéniables et se développent
à travers le sens du partage, la compréhension de la
communauté humaine enracinée dans la famille, les relations de
haute estime envers les anciens et les jeunes, la vision spirituelle de la
création, le souci pour la protection de l'environnement. Toutes ces
valeurs, formant un tout harmonieux et indissociable ont une dimension purement
religieuse. La culture dès lors qu'elle ne repose plus sur un
passé mythique, n'est pas synonyme de tradition au sens d'une
réalité figée et statique sans aucune ouverture
créatrice qui façonne l'âme ou la forme spirituelle d'une
société. La culture d'un peuple a pour
composante la langue, la coutume, et les valeurs qui en constituent les piliers
inconditionnels et le facteur d'humanisation. Les coutumes
précisément doivent rechercher l'uniformité,
c'est-à-dire qu'on doit s'habituer à relativiser les coutumes
ancestrales et ne pas diaboliser celles étrangères. Quant aux
valeurs, leur système donne la grandeur d'une culture. Mais ce
à quoi on assiste aujourd'hui est loin d'un renversement des valeurs
plutôt qu'une perturbation de nos préjugés sur la culture.
Ce qui naît est une nouvelle forme de culture et il faut veiller à
son insertion et à son édification. Car si la culture implique
des connaissances à un degré de qualité, elle est aussi et
surtout caractéristique d'un certain mode de vivre, de penser, de
travailler, d'organiser la vie sociale. Et ceci en s'ouvrant et en affrontant
les valeurs extérieures et étrangères. Il importe de
garder fermement la conviction de nos valeurs nègres49(*), dans une fermeté
d'esprit intellectuellement ouvert et capable de contribuer à notre dire
théologique. Loin d'être exclusivement africaines, ces valeurs
nous portent à un universalisme qui fait de l'être-là un
éthos capable de se positionner en face de tout apport étranger.
C'est sur cette base que devrait se positionner l'inculturation pour
répondre aux attentes de l'être-là africain. On peut donc
se convaincre que l'Afrique a une culture qui n'a rien d'un traditionalisme
borné ou d'un autarcisme, mais une culture capable de se positionner
face à des impératifs modernes susceptibles de s'ouvrir à
tout, même à une révélation. Toute culture doit
être pulvérisée des carcans qui l'asservissent et se
déterminer à recevoir ou non une réalité
extérieure.50(*)
Nous avons donc accepté avec Ka Mana51(*) de nous positionner non plus face à une
culture liée du passé ni une civilisation d'un autre âge,
mais une culture pour notre époque, une civilisation à la mesure
de notre temps. Or aujourd'hui, l'édification du décor humain
moderne, de notre culture et de notre civilisation contemporaine est
fondamentalement liée au pouvoir créateur de la science et de la
technique. Est donc révolu le temps où la culture de
l'être-là africain est définie à partir d'un
recours à la tradition figée telle l'Egypte pharaonique, les
"Bosquets initiatiques", l'idéologie senghorienne de la
négritude. Toutes ces tentatives de sauver l'africain furent des
illusions parce que trop penchées sur des cris de révolte au
détriment d'une intériorisation de ce qui fait notre
spiritualité. Ainsi, « Rompre avec le passé comme
réponse et réhabiliter la tradition comme question,
entraîne à penser l'avenir sur une vision claire de permanence de
l'humain et de ruptures radicales qu'il conviendrait d'assumer
réellement afin que notre rapport à l'avenir soit créateur
et novateur », nous enseigne Ka Mana52(*). Et ceci rejoint largement la vision
heideggérienne de la tradition que nous empruntons pour revitaliser
notre être-là africain qui tout en relisant sa tradition comme
réappropriation, ne s'enferme pas dans une vision du passé qui
manquerait de dynamisme et de créativité. Le fond culturel duquel
l'Afrique doit maintenant partir est celui-là qui offre au
christianisme sa chance de relever l'être-là africain.
La réalité culturelle africaine se présente comme
une réalité culturelle très complexe. Cependant, ces
cultures sont une réalité contemporaine tout à fait aptes
à s'adapter aux conditions modernes de la vie et à fournir
à leurs membres les valeurs fondamentales dont ils ont besoin pour
survivre dans le monde aujourd'hui. Il faut donc renoncer à parler de
la culture comme un fait de musée soumis à une vision
passéiste en perpétuel nostalgique. Cette conception est
périmée et oblige à penser, à insister selon les
mots de J-M ELA53(*),''
sur le travail culturel à l'oeuvre dans les initiatives et les pratiques
sociales des acteurs historiques dont le dynamisme et la
créativité se déploient à travers leurs
capacités d'adaptation aux défis du temps présent. C'est
d'ailleurs là une donnée fondamentale de la culture qui autorise
à un regard neuf sur l'homme africain54(*)''.
2.2.2- La religion africaine
Signalons d'entrée de jeu qu'il est difficile de
séparer les éléments culturels de ceux qui sont religieux.
C'est encore le lien très fort entre les deux qui engendre des
ambiguïtés. Il est donc certain qu'en Afrique, la culture et la
religion forment un tout indivisible ; or le constat est évident
que beaucoup d'africains ont opté pour le christianisme sans renoncer
à leur religion traditionnelle. Si au nom de la religion on
évacue la culture, c'est qu'on perd le sens de l'incarnation du Christ
qui devrait trouver une place prépondérante au coeur de chaque
culture. Particulièrement en Afrique, la vision du monde demeure une
vision fondamentalement religieuse. Et si elle devra se positionner
aujourd'hui dans le concert de la mondialisation, il faut commencer à
louer quand même l'entreprise des missionnaires blancs qui n'est pas
toutefois mauvaise en soi. Leur zèle missionnaire a contribué
à éclairer l'Afrique obscure et mystérieuse.
Ainsi en Afrique, Religion et Culture semblent exprimer la
même réalité chez l'être-là africain. Mais il
faut noter que ce dernier est un être profondément religieux,
d'une religiosité axée sur le rapport avec la transcendance qui
s'exprime par son sens aigu pour l'animisme. Ceci a connu un renforcement au
niveau de certains peuples surtout chez ceux qui se réclament d'Adja
-Tado en Afrique de l'Ouest. Il s'agit de la religion traditionnelle
transférée en vodoun, une réalité aussi complexe
que sa manifestation. La distinction fut difficile entre "vodoun religion" et
" vodoun culture". Le vodoun est en général un problème,
il n'est pas " un fait culturel" mais aurait pu être "un fait de
culture". Les travaux du théologien béninois le père B.
Adoukonou55(*) nous ont
permis de l'entrevoir plutôt comme une vision africaine du monde et dans
ce sens, il offre une ouverture à l'accueil du message de salut
annoncé par Jésus. Mais pris autrement c'est-à-dire comme
religion constituée, il offre une opacité
révélatrice de son inconsistance. C'est en cela que toute
tendance qui voudrait y voir aujourd'hui l'avenir du continent est à
combattre. La religion africaine devra aussi se purifier des mythes et
mentalités aliénants qui consacrent la négation de soi et
l'aliénation identitaire au travers des mentalités fatalistes et
croyances déshumanisantes.
On note une grande variété des croyances, des
mythes et des rituels. Elle accorde un lien solide entre les ancêtres,
personnes spirituelles, et la communauté. Cette religion est
structurée autour du concept d'un être suprême lors de son
contact avec le christianisme. L'univers est un univers animé,
peuplé d'éléments vivants ou de puissances spirituelles
où tout est lié à tout. La situation de la personne
humaine dans cet univers est toujours vulnérable. L'homme y entre comme
un impuissant qui doit quêter sa force auprès
d'éléments qui le dépassent. L'enjeu principal de son
existence est donc d'apprendre à vivre et à devenir à son
tour une véritable personnalité en communion avec toutes les
puissances spirituelles qui l'entourent.
La culture concerne une vision du monde et un système
de valeurs qui donnent du sens à la vie en communauté et
orientent les conduites sociales et individuelles. La culture façonne
la vie dans la mesure où ces valeurs, sont présentes dès
la conception de l'individu et favorisent son insertion rituelle dans la
communauté. Cependant, par le fait qu'elle est ouverte à
l'influence d'autres cultures, l'identité culturelle peut être
menacée et la science et la technologie peuvent même la
transformer. La religion quant à elle, est l'élément de la
culture qui traite de l'Ultime; c'est l'élément le plus profond
de la culture. On accède à la culture, on ne naît pas
cultivé; d'où il ne peut exister de culture immuable et
permanente qui soit constituée à l'abri de tout changement de
toute mutation.
2.2.3- Un être de
transcendance et d'auto transcendance
Exister, c'est transcender. La transcendance est le
dépassement. Et ce qui réalise ce dépassement se nomme
transcendant. C'est la manière d'être humain. Car, l'homme
transcende tout étant et lui-même en premier : il se porte
toujours au-delà de ce qui est et de ce qu'il est. La transcendance
est le produit, le pro-jet. Le fait que seul l'homme existe et transcende,
est ce qui lui vaut d'avoir un monde qui lui est essentiellement relatif. C'est
en ce sens que la transcendance devient synonyme de liberté. Comme
caractère de l'être humain, la liberté consiste en ce que
l'homme se projette vers ses possibilités. C'est elle qui engendre le
monde et le moi. Elle est donc le fondement de tous les fondements et reste
sans fondement. C'est dans cette assimilation de la liberté à la
transcendance que nous voyons l'existentialité du dasein se poser comme
auto-transcendance. Le premier point que nous allons aborder dans le cadre de
cibler tous les contours de l'être qui s'impose comme
particulier-universel est la question de la cosmicité humaine avec cette
résonance particulière où l'homme cherche à
être '' source et origine de soi''. L'homme apparaît
déterminé par des caractères physiologiques,
psychologiques et personnels. Si les deux premiers traits dépendent de
son appartenance à l'univers physique et son entourage socioculturels,
ainsi qu'il en est conditionné, le dernier provient de lui-même,
de ce que l'homme aura fait lui-même de son existence. Il a donc
l'impérieux devoir de construire. Car, jeté dans l'existence sans
l'avoir choisi, il ne possède rien mais hérite tout et partant
reste soumis, assujetti à l'être. Or il est appelé à
se distinguer des animaux, à marquer la différence ontologique.
Voilà qu'il est un être de besoins qui vit en constante
dépendance. Il n'est rien sans les autres et tout ce qu'il a,
résulte de l'emprunt. Enraciné dans l'univers physique, l'homme
ne peut subsister sans lui. Il lutte constamment pour la survie, contre la
mort. La vie pour lui devient un combat contre la mort. Malheureusement la mort
a le dernier mot puisqu'il est un être pour la mort. Mais face à
cette situation de précarité, il ne démissionne point, il
fait de sa vie une priorité à défendre, à
sauvegarder. L'être pour la mort meurt à la quotidienneté
afin d'engendrer la vie à travers laquelle la mort elle-même
reçoit un sens. Tout être humain refuse ainsi de se réduire
à une chose, il prend conscience qu'en lui regorgent des
capacités pour dépasser ce qu'il subit et par le fait
mériterait l'estime de soi et d'autrui. Il y a là une vocation
à se dépasser qui toutefois reste conditionné par la
présence en nous du biologique. Le ''moi'' totalement
préfabriqué est une barrière qui devient notre besoin
d'être. Il l'emporte sur nos réalisations et toute entreprise
humaine. Il détourne de l'essentiel qui demeure caché à
nos yeux. Ce qui reste à faire, c'est de redécouvrir l'humain
qui est source de la dignité humaine; c'est un passage du monde
inauthentique au monde authentique qu'il faut opérer.
L'authenticité sera alors la capacité qu'a l'être-là
de s'approprier soi-même, de se projeter sur la base de sa
possibilité la plus propre. Ainsi il y a là un engagement
à la responsabilité qui appelle à devenir sa propre
origine, c'est-à-dire changer son ''moi possessif'' en ''moi oblatif''
par désappropriation pour retrouver ce qu'il y a en nous d'intime , de
plus qu'intime à nous -même, notre être-là. Le seul
qui reste ouvert à accueillir la transcendance.
Chapitre 3
2.3- L'actualité de
la théologie africaine
Elle est caractérisée par l'inculturation.
L'inculturation n'avait ou ne devait avoir aucune autre préoccupation
que de faire émerger l'être-là africain.
Il semble comme nous l'avions souligné dans notre
problématique, que c'est l'ouvrage historique Des prêtres noirs
s'interrogent56(*) qui
donna l'ouverture aux questions d'inculturation après les jalons
posés par la rencontre culture et évangélisation/ Occident
et Afrique. A travers des réflexions sur l'Eglise dans le monde noir,
des prêtres africains et haïtiens se sont posé des
interrogations pastorales et des inquiétudes relatives aux
difficultés inhérentes à leur mission en terre noire. Ce
fut pour eux l'occasion de lister les richesses qui dans les cultures noires
constituent un support pour la Bonne Nouvelle. La problématique
d'ensemble était une profonde connaissance du milieu culturel africain
comme accessible à l'inculturation. Ils prenaient prétexte du mot
de Pie XII: «L'Eglise ne détruit et n'éteint chez les
peuples qui l'embrassent rien de ce qui est bon, honnête, beau en leur
caractère et leur génie.» Mais très tôt, les
recherches prirent l'allure d'une revendication d'identité niée.
Le vrai tournant pour une liturgie africaine fut raté.57(*) On assista ainsi à la
théologie de l'identité, qui s'inscrit en faux contre la
théologie missionnaire de l'adaptation pour soutenir la
négritude dans son désir de connaître la culture noire. La
théologie de l'incarnation, pour sa part s'est demandé si le
Christ constituait pour l'Afrique une chance ou un risque. Quant à la
théologie de la libération, elle fait directement face à
la situation sur les plans socio-culturels, politico-économique du
continent. C'est de ce dernier ensemble qu'on peut définir les
théologies actuelles qui optant pour une réappropriation
culturelle critique, cheminant vers une interprétation de la foi
chrétienne à partir de la situation actuelle de
l'être-là africain. A partir du Synode africain, une
densité plurielle de la catholicité fut possible, soutenue par
l'ouverture déjà accordée par Vatican II. Par leur
enracinement culturel, les Eglises d'Afrique pourront apporter leurs pierres
à la consolidation du patrimoine chrétien. Pour cela, l'urgent
à faire est le double dépassement de tous courants
théologiques étrangers au contexte africain et de notre
patrimoine culturel et religieux, non pas comme une négation de soi ou
une fermeture aux autres, mais sous le signe de la discontinuité dans la
continuité. Car comme l'exprime le théologien béninois le
père J. Penoukoun, "le projet d'incarner la foi chrétienne dans
la réalité africaine concerne l'homme africain d'aujourd'hui,
situé au carrefour de son passé ancestral, de l'histoire
coloniale et néocoloniale, du présent en proie à
l'épreuve de la modernité.58(*)" Le constat que nous faisons de ces diverses
théologies est que quelle que soit leur époque, elles conservent
un fond de revendication, mais nous avons compris que ce n'est pas
l'élaboration de théories théologiques qui manque pour un
mieux être théologique de l'être-là africain, mais
ces théories portent le handicap d'une méthode qui fait que la
réalité africaine est souvent mal ciblée, voire mal
approfondie limitant une fois encore les chances du christianisme en Afrique.
La théologie africaine a du mal à se faire une méthode de
théologie africaine ouverte aux questions actuelles. C'est ce constat
qui nous porte à cibler le tournant herméneutique de la
théologie comme un enjeu capital pour la théologie africaine.
L'herméneutique se poserait ainsi comme la méthode actuelle de
toute théologie en même temps qu'elle permet de sauver et la foi
chrétienne et l'être-là particulier. Notre inculturation
deviendra une évangélisation au quotidien avec les armes
socio-politiques, éthico-culturelles, qui sont les nôtres dans
l'instant présent qui est le nôtre. Pour y arriver il nous faut
accueillir le pluralisme théologique comme un facteur dynamique. C'est
l'expérience au quotidien qui détermine le vécu
théologique. La réflexion théologique permet d'analyser
une question donnée du point de vue de la foi et de la Parole de Dieu et
proposer une réponse prophétique qui soit base de conversion.
2.3.1- Identité propre
d'une théologie africaine
Nous ébauchons une réflexion qui voudrait partir
du dedans, de l'être-là africain pour servir désormais de
mesure à toute entreprise du dehors. Ce qui suppose une confrontation
entre la foi et notre contingence en vue d'une lecture de l'Evangile où
Dieu parle à l'africain en tenant compte de son être et de sa
culture. Ainsi donc, pour resituer l'être-là africain en face des
possibilités que Dieu lui offre en Jésus-Christ, il faut
commencer à le prendre dans son actualité et le laisser
s'inscrire au coeur de ce dialogue que Dieu engage avec lui. Autrement dit, le
discours africain sur Dieu qu'est la théologie et plus
précisément l'inculturation, devra se produire en Afrique et en
tenant compte des urgences africaines. Cela est fondamentalement une exigence
de notre foi; et suppose que '' l'entreprise se libère de tout
dogmatisme, pour s'ouvrir à la vie d'un peuple aux questions et aux
requêtes d'une époque afin d'interpréter le message de
Jésus dans le contexte des hommes auxquels ce message
s'adresse''59(*). Il
s'agira là d'une relecture de la Révélation qui partira de
son particularisme pour en venir à son enjeu universaliste dont
l'Afrique en saisira pour elle-même le caractère singulier.
L'approfondissement de la foi africaine devra passer par la dimension
historique du dessein de Dieu à travers laquelle sa Parole doit
être dite et célébrée dans une vision critique.
L'Evangile du Christ se doit d'entrer en heurt avec le réel africain
pour que la foi devienne une expression du langage africain. Il sera question
selon les mots de Jean Marc ELA, '' de faire renaître en nous-mêmes
ce qui, ailleurs, a été dit de Dieu et de sa
Révélation à l'homme de tous les temps, de toutes les
langues et de toutes les élévations.''60(*) Une telle foi qui devra se
poser dans le contexte actuel du monde et de nos existences, pour ne pas
singulariser l'africain, devra prendre le risque herméneutique. Ceci
n'est rien d'autre qu'une reprise du noyau propre à l'Evangile à
partir d'une écoute de Dieu dans la situation concrète de nos
communautés. Nous sommes là en face d'une urgence pour
dégager la signification actuelle de la Parole de Dieu et du dessein de
salut à partir de l'intelligence historique que l'Afrique prend de
lui-même et du monde.
Pour un mieux être de l'être-là
théologique africain, on partirait du quotidien des communautés
de nos campagnes. En effet, si le vrai scandale de la foi fut l'intervention
de Dieu dans l'histoire, on n'a aucune réserve à émettre
quant à l'obligation de dire et de vivre la foi dans le contexte
où l'africain se dit lui-même. La foi en Africain doit partir de
l'interprétation. On devra tenir compte de la relation à
l'invisible, intégrante à la foi de l'africain chez qui
l'obsession de l'occulte exerce encore une fascination; la recrudescence des
pratiques de sorcellerie plonge encore dans le symbolisme de la nuit.
L'invisible étant considéré comme le réel
véritable, toute adhésion à la foi chrétienne doit
pouvoir intégrer l'inquiétude grandissante des forces invisibles
à l'oeuvre dans l'univers et contre lesquelles il faut absolument se
prémunir. Le bonheur tant recherché à l'ombre des
ancêtres, pose le problème de médiateurs et de salut.
Tant que l'imaginaire symbolique de l'être-là africain ne serait
pas pris en compte par un dialogue théologique qui s'élaborerait
sur le terreau où l'homme tente de se concilier les puissances
invisibles et de se protéger contre les forces occultes, et mêmes
les aléas climatiques, les ébauches théologiques sur
l'inculturation61(*)
visant la mise en valeur de la symbolique africaine dans le mystère
chrétien resteront toujours lettre morte. Or c'est à partir de
là que se tracera à coup sûr le dessein de la
théologie africaine et mieux de l'homme africain vivant en
chrétien réconcilié avec sa culture. Par ailleurs, la
relation entre foi et santé qui déroute plus d'africains, impose
le besoin de trouver une meilleure expression de la foi correspondant aux
réalités africaines. Il n'en sera rien d'autre qu'une nouvelle
approche méthodique qui tienne compte du contexte socioculturel
demeurant le fruit d'un dialogue entre la tradition africaine et le
christianisme.
2.3.2- Théologie africaine
et diversité culturelle
A ce niveau, l'inculturation est à considérer
dans sa problématique de l'unité dans la diversité. Nous
avons déjà montré que la culture n'est pas synonyme de
tradition figée et statique alors qu'elle se veut ouverture
créatrice. Les sociétés africaines subissent aujourd'hui
une mutation culturelle. L'eurocentrisme et l'américanisme perturbent
les normes. L'Afrique est faite de diversité culturelle pendant que la
foi chrétienne semble s'accorder avec tout. De même, la foi
chrétienne recevra toute sa crédibilité auprès de
l'être-là africain quand elle sera pensée en termes de
''rupture'' et de ''création''. Si l'inculturation est une vie de foi
concrète et actuelle, la théologie africaine ne sera et ne doit
être qu'une théologie de l'invention sur fond de
compréhension de la culture. Ce qui importe, c'est de foncer dans les
réflexions sur les problèmes de l'homme et de la vie en
société, d'adapter la doctrine catholique aux
réalités socio-économiques, politiques. C'est là
tout l'enjeu de l'herméneutique théologique où la Parole
de Dieu aura un sens concret et précis pour le sujet culturel en
situation précise et concrète. Chercher à ré
capturer la tradition serait dangereux par le fait qu'une telle entreprise
serait déconnectée de l'histoire concrète des hommes en ce
temps - ci. Marc ELA atteste justement que ''Si les drames, les
déchirements internes et les défis d'aujourd'hui constituent le
terrain d'éclosion d'une culture qui naît de la lutte que
mène un peuple pour retrouver sa dignité et reconquérir
son initiative, il nous faut réinsérer les rapports de la
théologie chrétienne avec la culture africaine dans les
dynamismes socio-historiques de l'Afrique actuelle''62(*). La condition actuelle de
l'homme en Afrique noire, exige une foi chrétienne en confrontation avec
la réalité africaine. Ainsi, la culture africaine est celle que
nous vivons et qui ne pourra se réduire à rien d'autre. Cette
culture ne se limite pas à la prise en compte des croyances et des
rites mais dans le même temps elle ne saurait ignorer les
communautés demeurées enracinées dans le terroir. Il faut
prendre conscience de l'émergence de ces communautés qui, tout en
reconnaissant les valeurs inhérentes aux religions traditionnelles,
doivent y voir un cheminement vers l'Evangile. L'autre pallier sur lequel
devra se noter la personnalité théologique de l'africain, est
qu'elle doit pouvoir élaborer une réflexion théologique
qui tienne compte des opprimés, des pauvres. Il faut reconnaître
que ce n'est plus une résurrection du patrimoine ancestral des africains
qui préoccupe. L'identité africaine s'imbibera authentiquement
du souffle théologique dès lors qu'elle sera en mesure
d'élaborer une théologie capable de faire face aux défis
actuels. L'africain donc ne doit plus continuer à vivre comme un
expatrié culturel dans l'Eglise. Il importe donc d'opérer
à ce niveau un passage de la tradition à la tradition.
2.3.3- De la tradition
transmission à la tradition création
Notre débat comme on l'aurait constaté ne vise
pas une simple reprise critique des coutumes anciennes, mais la transformation
effective des modes de rapports qui existent au sein de la
société africaine. Nous sommes donc en face d'une lecture de la
réalité africaine qui ne considérerait plus les faits
culturels de nos sociétés comme des ''pierres d'attente''.
Evitant ainsi le risque de passer sous silence l'effort de
réinterpréter la culture africaine à partir des
défis de l'histoire. Pour qu'on arrive à ce seuil il importe
de prendre en considération le concept de tradition qui interpelle ici
aussi bien l'Eglise que l'Afrique. Dans la théologie catholique, elle
apparaît comme un principe et un critère inaliénables de la
connaissance théologique. Le cheminement que nous envisageons est de
pouvoir accorder à l'africain contemporain la liberté
d'interpréter la Bonne Nouvelle dépouillée de ses
multiples conditionnements culturels et historiques; il en sera ainsi
à l'égard de la tradition. Michael AMALADOSS63(*) notait que ''l'authentique
tradition est la communication à travers les âges, de
l'expérience de Dieu, originelle et fondatrice, qu'a faite Jésus
et qui a été à l'origine de la création de la
communauté de l'Eglise.'' En notant que les récits et les rites
aident à évoquer cette expérience originelle l'auteur
signale que ''cette tradition fondatrice ne devrait pas être
mêlée à l'accumulation des différentes expressions
culturelles nées de la ré-visitation de cette expérience
originelle tout au long de l'histoire''64(*). La tradition n'est pas chose à rejeter, mais
elle ne doit plus être vue comme une répétition servile ou
une simple traduction. Ce qu'elle apporte doit intégrer et enrichir dans
une nouvelle expression créatrice qui aurait ses racines dans la
nouvelle culture qui permettra d'accueillir d'autres cultures au sein du
christianisme. Nous assisterons ainsi à un type d'africain qui n'est
plus capable de célébrer les mystères divins dans des
rites éternels et éthérés, mais un homme
changeant, transformant sa vision du monde et les systèmes de valeurs
de sa culture, les structures socio-politiques et économiques
injustes. Il s'agit-là de la transformation de la culture pour la
création d'une nouvelle culture. Il ne sera pas question d'une
révolution radicale, mais d'une évolution créatrice qui
s'inscrit comme démarche herméneutique de la Parole de Dieu et
de la pratique de la foi chrétienne pour rendre celle-ci
compréhension et correspondante à l'être-là.
Troisième Partie
HERMENEUTIQUE ET INCULTURATION POUR UN MIEUX-ETRE
DE
L'ETRE-LA THEOLOGIQUE AFRICAIN
Comment l'homme africain peut-il être contemporain de
Jésus ?
Réception théologique de l'être-là;
repenser l'être-là africain. Voilà ce qui a
été a l'arrière fond de toute notre recherche. Au cours
du cheminement nous avons montré que la culture n'est pas une
réalité figée ni statique. Et nous avons pu constater
qu'il est impossible de parler aujourd'hui d'une culture typiquement et
authentiquement africaine. L'extraversion et l'hybridation culturelle font
apparaître un autre type d'africain et une culture qui nous oriente mieux
aujourd'hui. Ce qui permet de comprendre que l'être-là africain
est l'africain pris aujourd'hui dans sa situation socio -culturelle actuelle,
dans son présent et sa réalité actuelle. Cependant il faut
reconnaître que restent et demeurent des manières typiquement
africaines, un vivre profondément africain qui dans la réception
de tout apport étranger, transparaît, identifie et
caractérise le prototype africain. En dehors de la langue comme
véhicule de pensée, il faut percevoir la façon africaine
de vivre le christianisme aujourd'hui. Une façon mise en exergue par les
essais d'inculturation, les chants et le folklorique indéniable
à l'homme africain et à travers lequel il anime sa liturgie. Tout
cela qu'on appellerait des valeurs africaines, reste des traits culturels qui
échappent à l'usure du temps. Et c'est au nom même de ce
dynamisme culturel que nous éloignons toute confusion entre tradition
traditionaliste et culturelle pour nous pencher sur la question de
l'inculturation. Celle-ci , pour qu'elle conserve toute sa pertinence et
démontre son enjeu pour l'africain doit prendre celui-ci dans son
aujourd'hui. Or la question de départ est de dire la foi
chrétienne en réalités et mentalités africaines
pour réconcilier celui-ci avec sa culture. Ce fut la
préoccupation du père Adoukonou dans Vodoun violence et
sacré65(*). Des années après, ce conflit entre
africain authentique et christianisme demeure, se concrétise par la
régénérescence des religions traditionnelles et de
nouvelles formes de religiosité. Au vu de tout cela et avec la
perception de la culture, on se demande l'enjeu de l'inculturation encore pour
l'être-là ou si l'inculturation est à axer sur la culture
ou sur la tradition. Celle-ci sera difficile à reconstruire. Notre
analyse sera de comprendre aujourd'hui l'inculturation sur un autre front.
Sans prendre le risque d'ignorer cette réalité
théologique, ecclésiale qui prend ses racines dans le
mystère même de l'incarnation, nous voulons entrevoir en
troisième partie l'inculturation comme une herméneutique. En ce
sens que, la tradition africaine échappe à toute
réappropriation, et que la culture n'est pas une reconstruction
passéiste; l'inculturation pour qu'elle intéresse
l'être-là africain et ait un impact sur lui, devient le
vécu de la foi chrétienne au quotidien, dans la
réalité qui est la nôtre. Toute inculturation est donc une
herméneutique au sens de l'avenir de la Parole de Dieu pour le devenir
de l'africain. Tout l'enjeu de notre hypothèse se situe à ce
point du débat. Et l'option faite du philosophe Heidegger pour
solutionner notre problème apparaîtra avec les suggestions
théologiques que nous tirerons de la critique ontothéologique.
Ces indices théologiques devront influencer notre vision sur
l'inculturation de façon à montrer le rôle qu'aurait pu
jouer le mouvement de la négritude comme première tentative pour
sauvegarder l'être-là africain.
Chapitre 1
3.1- APPROPRIATION ET
REAPPROPRIATION : QUESTION D'INCULTURATION
Pedro Arrupe définissait l'inculturation comme
''l'incarnation de la vie et du message chrétien dans un contexte
culturel particulier, faite de telle manière que cette expérience
non seulement puisse s'exprimer à travers des éléments
propres à la culture en question mais encore devienne un principe qui
anime, dirige et unifie la culture, et ce faisant, la transforme et la
remodèle si bien qu'une «nouvelle création en sorte»''
Alors qu'il y a davantage de discussions sur l'inculturation, sur le terrain,
l'enthousiasme semble décliner. Or il est clair qu'on ne saurait plus,
à voir le style de vie des gens, parler d'une culture africaine. La
culture africaine est en réalité une mosaïque de cultures;
et malgré les intentions les plus pures pour adhérer
l'être-là africain à la modernité, le peuple
cherche à vivre, à exprimer et à célébrer
son identité à travers les symboles de sa propre culture.
Incarnant ainsi la Bonne Nouvelle, l'Eglise africaine pourrait ainsi
efficacement et authentiquement en témoigner dans son contexte. Or en
raison de la situation actuelle de l'être-là africain, son
identité culturelle ne doit pas seulement être affirmée
mais d'abord découverte et retrouvée. La liberté pour se
vouer à une telle entreprise n'existe point. Ce qui rend du coup aussi
impossible l'oeuvre de l'inculturation, d'abord par un organe central, au
nom de la préservation de l'authenticité de l'Evangile et de la
sauvegarde de l'unité. On se demande alors si l'inculturation
consiste simplement en la traduction de vérités éternelles
dans différentes cultures. La culture originale qui aurait accueillie
l'évangile, en la transmettant à d'autres cultures,
transmet-elle seulement une tradition qui doit être
interprétée et permettre une expression neuve et
créatrice dans une autre culture ? Tout se joue à notre
avis, sur le mot inculturation. En théorie, elle s'explique à
partir de l'incarnation. Mais en pratique, c'est le fait qu'une
communauté dans son approche inculturée de l'Evangile, va
à la rencontre d'une autre dont la culture est soutenue par sa propre
religion. Naît donc un dialogue à la fois interculturel et
interreligieux duquel devra émerger une nouveauté. Un tel enjeu
de l'inculturation n'a pas eu de fruit sur l'être-là africain
dans la mesure où l'inculturation a posé l'Evangile comme un
conquérant qui va au devant des cultures, pour les conquérir,
les intégrer et les enrichir. Il y a là une sorte de domination
qui permet de concevoir l'Evangile comme un pur produit; or tout
évangile avant d'aborder une culture est dans une forme
inculturée. L'évangile donc, étant donné ses
limites culturelles, a quelque chose à apprendre des autres cultures,
notamment de l'Afrique. D'où le dialogue devient le paradigme de la
rencontre évangile -culture. Face à ce pluralisme culturel et
religieux, le souhait n'est plus de christianiser la culture, mais
plutôt d'annoncer l'Evangile en invitant chaque culture à la
transformation. Car les cultures aujourd'hui sont prises dans un processus de
changement et d'interaction. Il s'ensuit que ce qui importe maintenant, c'est
que Dieu rencontre l'africain, cette personne humaine, et qu'il réponde
à Dieu dans sa vie, non seulement à travers sa culture, et ses
relations, mais aussi à travers les structures économiques et
socio-politiques.
3.1.1- Le tournant
herméneutique de la théologie
Question de Dieu et sa réception aujourd'hui est ce qui
nous préoccupe tout au long de ce travail. Comment se présente
Dieu aujourd'hui dans notre société et comment notre culture
particulière se l'approprie? Une telle interrogation qui s'est
posée avant nous et connaît encore de grandes investigations n'a
pas manqué d'avoir des approches de réponses dans le temps.
Celle qui suscite l'attention et acquiert l'assentiment aujourd'hui est celle
du tournant herméneutique de la théologie où est mise en
question le binôme Théologie et Culture. La théologie donc
pour continuer à maintenir la Révélation de Dieu dans
son enjeu capital pour l'avenir et le devenir de l'homme mérite
interprétation. Une interprétation qui passe par
l'interpellation de la Parole de Dieu pour nous, l'actualisation du dogme et
surtout l'adaptation de la tradition ecclésiale pour la
compréhension de l'homme contemporain. Ce qui se cache sous cette
vision actuelle de Dieu est d'entrevoir la théologie comme une
herméneutique en ce sens où toute herméneutique est une
inculturation. Nous avons pensé approcher aussi cette
problématique mais dans un sens de questionnement pour percevoir la
théologie dite de l'inculturation dans sa façon de
procéder. Il ne nous importe pas de faire de l'inculturation, mais de
nous demander comment on aurait dû procéder pour qu'elle soit une
réalité dans notre Église locale au delà de toutes
les revendications sur le pourquoi de cette inculturation. La question de
Dieu paraissant capitale sur cet itinéraire, il nous a semblé
nécessaire de recourir à un philosophe qui a su ramener Dieu en
son lieu natal, le démarquant de toute approche métaphysique et
ontologique qui le rendait étranger à l'appropriation culturelle.
Martin Heidegger à partir de ses critiques adressées à
la théologie chrétienne, nous apparaît très
critique pour poser les jalons d'une herméneutique capable de faire de
la question de Dieu une occupation pour chaque peuple. Avant d'aller plus loin
dans cette réflexion où nous voulons poser ce philosophe comme le
détenteur des voies sûres que la théologie africaine peut
emprunter pour se concilier Foi et Culture, voyons comment
l'herméneutique est une urgence pour la compréhension de la
Révélation, et en quoi ce philosophe y contribue et sa
pertinence pour la réflexion théologique aujourd'hui.
Depuis que Heidegger a dénoncé la contamination
réciproque du concept d'être et du concept de Dieu dans le
discours ontothéologique, la théologie chrétienne se
trouve affrontée à une situation nouvelle. En
réalité, la théologie est de bout en bout une entreprise
herméneutique; d'où l'on ne peut relire la tradition
chrétienne en ignorant l'homme contemporain. Ainsi, comprendre la
théologie comme herméneutique, c'est prendre au sérieux
l'historicité de toute la vérité, celle de l'homme et
celle de la révélation. La théologie se pose donc comme
un mouvement sans fin d'interprétation qui prend en compte le
message chrétien pour une meilleure intelligence du croire
chrétien. Heidegger fait partie de ceux qui ont favorisé cette
restauration de l'intelligence de la foi donnant désormais un tournant
herméneutique qui permet de saisir qu'il n'y a pas d'affirmation sur
Dieu qui n'implique une affirmation sur l'homme. Il s'en suit que, faire
oeuvre herméneutique, c'est créer de nouvelles
interprétations et même produire de nouvelles figures historiques
du christianisme dans d'autres temps et d'autres lieux. Ce qui suppose que la
culture africaine aussi devra avoir son interprétation du message
chrétien qui tout en offrant des réponses à son
adhésion à Dieu, reste compréhensible pour tout homme.
Il s'agit de réécrire à chaque époque de son
histoire, le langage déjà constitué de la
révélation afin de le rendre plus intelligible et plus parlant.
C'est un langage déjà normatif pour toute l'Eglise, et qui
devra échapper à la répétition passive et
connaître une constante actualisation de façon vivante, en
fonction d'une situation historique nouvelle et en dialogue avec les
ressources inédites d'une culture donnée. Ce tournant est
urgent aujourd'hui afin que soit respectée l'originalité de la
vérité de la révélation chrétienne et pour
ne pas rendre désuète la question de Dieu.
3.1.2- La vérité
herméneutique de la théologie
A l'heure où la révélation
chrétienne affronte les interrogations au sujet du pluralisme religieux
et en appelle à une identité chrétienne, nous pouvons
affirmer avec Claude JEFFRE qu'il est du destin même de la raison
théologique de connaître un tournant herméneutique. Ce
destin, affirme-t-il, est inséparable du destin de la raison
philosophique qui prend ses distances tant à l'égard de la
métaphysique classique qu'à l'égard des philosophies du
sujet fondées sur le primat de la conscience pour considérer
l'être dans sa réalité langagière. 66(*) La tâche urgente sera
donc de diagnostiquer notre situation présente en la restituant dans le
contexte adéquat d'un salut en Jésus- Christ. Il s'agit de
faire en sorte que la révélation soit un événement
toujours actuel dans notre culture avec une réponse propice aux hommes
et aux femmes de notre société. C'est d'une relecture de la
tradition qu'il est question. Car l'enjeu de la théologie est de se
comprendre non plus comme un simple discours sur Dieu, mais un discours qui
réfléchit sur le langage sur Dieu, en ce sens que nous nous
situons en face d'expériences actuelles de l'existence humaine. Une
interprétation qui appelle réappropriation à la fois
culturelle et religieuse pour redonner à la Parole de Dieu sa constante
actualité pour l'homme africain. On comprendra à ce niveau que
l'herméneutique n'est pas une préoccupation rhétorique,
mais une urgence voire une nécessité vitale pour toute la
théologie dans la mesure où celle-ci doit demeurer un service
critique de l'Eglise dans le monde dans son souci de fournir à
l'homme la vérité et de dire la vérité de l'homme.
C'est cette vérité de la théologie que constitue
l'herméneutique qui pourra nous aider à mieux percevoir notre
condition humaine et notre façon d'aborder la tradition vivante de
la foi en Dieu. Beaucoup plus, cette vérité herméneutique
est la condition qui favorise l'engagement du théologien dans un
débat mondial sur tous les aspects de la quête humaine du sens
dans ce monde. En définitive, la dimension herméneutique de la
théologie permet une compréhension plus adéquate de
Dieu, du soi humain, et du mystère de notre être dans ce monde.
C'est justement à ce niveau de réflexion de W. Jeanrond67(*) que se situe l'enjeu de
notre problématique. Et pour arriver à bout, nous avons
estimé nous mettre sous l'ombre de la pensée d'un auteur qui
aurait su judicieusement explorer l'itinéraire avant nous. Il s'agit
bien de Martin Heidegger qui par sa critique Ontothéologique a
reposé la question de Dieu et son enjeu pour notre temps. Ce
faisant il a permis à la théologie herméneutique de
chercher à prendre au sérieux les conséquences de la
déconstruction de la métaphysique pour créer de nouvelles
interprétations et même produire de nouvelles figures historiques
du christianisme dans d'autres temps et d'autres lieux, offrant une
meilleure intelligence du croire chrétien. Notre option pour Heidegger
est bien celle du deuxième Heidegger, celui d'après ETRE et
TEMPS où il a compris qu'il n'y a pas d'affirmation sur Dieu qui
n'implique une affirmation sur l'homme.
Chapitre 2
3.2- LE BESOIN D'UNE HERMENEUTIQUE EN THEOLOGIE
AFRICAINE
Ce qui nous importe ici est une reprise du débat
herméneutique à partir des défis de l'africain
contemporain à la foi chrétienne. L'inculturation étant
aussi le lieu où les cultures mettent en procès le discours
chrétien hérité de l'évangélisation, le
message chrétien ne sera universel et pertinent pour l'africain que
lorsque sa particularité culturelle sera reconnue et
insérée au coeur de l'Eglise. Il y a là
nécessité d'un changement de paradigme dans la réception
africaine du message de foi. En effet ces paradigmes devront s'effondrer en
face d'autres cultures et n'auront de signification qu'en face de leur propre
lieu d'élaboration. La théologie africaine réclame pour
le sujet culturel africain une théologie contextuelle qui vise une
compréhension dogmatique, en partant de la lecture de la Bible
là où elle se pose et s'impose au peuple africain aujourd'hui
sans renoncer à la prétention de tenir un discours qui se veut
scientifique. C'est donc un défi pour l'intelligence de la foi
africaine de s'élaborer à partir de l'intelligence que l'africain
a de lui-même, et du monde en s'ouvrant aux sciences sociales et
humaines et à la mondialisation. Le peuple africain a besoin de
répondre à la Bonne Nouvelle dans son propre contexte
socioculturel.
3.2.1- Herméneutique et
Parole de Dieu
La Parole de Dieu est une réalité immuable (Mt
24,35) et en dépit des mutations socioculturelles et
politico-économiques, lorsque la foi en Dieu a une réponse
à proposer à l'homme, elle n'a d'autre recours que de puiser
dans cette parole qui offre l'herméneutique appropriée à
toute situation. Dès lors, toute valorisation de l'homme doit
être une prise au sérieux de la Parole de Dieu pour s'approprier
l'interrogation humaine afin d'offrir aux hommes la vérité de
l'Evangile qui dépasse toutes formes historiques du langage de la foi.
Il s'agit en fait de chercher à rendre à l'Evangile son
actualité et sa crédibilité en repensant notre
façon traditionnelle de l'accepter à la lumière des
problèmes actuels que pose l'intelligence de la foi pour l'homme
africain en Afrique. Nous sommes ainsi en face d'une double
herméneutique, celle du message divin et celle de l'existence humaine
qui sans aucun doute devient le projet de l'inculturation. C'est donc un
effort de dire Dieu en assumant l'intégrité de notre être
culturel. Une telle herméneutique n'est possible ou ne le sera
qu'à partir du moment où l'on comprendra que rien n'est
figé dans l'homme africain et que par surcroît on doit cesser de
le schématiser dans les formes traditionnelles vieillies. La
Révélation est l'enjeu capital à ce niveau. Elle est
toujours d'actualité avec sa radicale nouveauté. Et partant,
l'herméneutique de la révélation revient à une
ouverture de la Parole de Dieu à la lecture que l'homme africain en
donne compte tenu de la totalité de son être-là. La
tâche herméneutique de la Parole de Dieu en Afrique '' consiste
à examiner ce que signifie pour nos communautés la foi que les
évangiles expriment comme témoignage et interprétation de
faits fondateurs dont le message transcende l'histoire où ils ont eu
lieu. (....), il nous faut apprendre à écouter Dieu et à
comprendre ce qu'il nous dit à travers notre expérience
d'africains. 68(*)'' Le
défi herméneutique de la Parole de Dieu pour l'africain est une
relecture de la médiation unique de Jésus-Christ en face des
nombreuses médiations africaines notamment les ancêtres, les
forces de l'invisible, l'univers du mal qui structurent l'être -là
africain et constituent une pesanteur socioculturelle, malgré le
brassage culturel et la première évangélisation.
L'exigence de la pluralité du discours théologique nous
amène à nous demander comment l'africain peut de lui-même
et par lui-même, assumer cet héritage culturel qui le marque et
caractérise son univers religieux, tout en accédant au salut
chrétien dans la médiation unique de Jésus Christ.
Lorsque nous parlons des valeurs africaines, et qu'on énumère le
respect et le sens de l'altérité caractéristiques de
l'africain, n'est-ce pas fonder par une certaine considération des
ancêtres? Mais dans quelle mesure ce culte des ancêtres ne
constitue pas un obstacle à notre appartenance à
Jésus-Christ, et ne doit être le cercle vicieux des
gangrènes africaines, voire l'espace où la question du mal et de
la peur qu'elle engendre annihile à l'être -là toute
capacité d'être soi-même. Pour ce, la Bible qui est une
bonne nouvelle du salut est le seul repère qu'il faut lire avec des
yeux africains à partir de la situation africaine précise.
L'herméneutique de la Parole de Dieu en Afrique, supposerait
l'invention d'un langage pour l'intelligence de la foi en Afrique. Mais face
aux réalités de mutations culturelles sus-évoquées,
il faut considérer que cet enjeu herméneutique ne sera pas un
retour au passé africain, mais une constante relecture de l'africain
par lui -même dans son contexte culturel actuel pour trouver par
lui-même les motifs de pertinence de la Bonne Nouvelle de salut dans son
actualité. Il devra en être ainsi des énoncés
dogmatiques de la foi qui donnent à l'africain une idée de Dieu
à laquelle il semble parfois étranger.
3.2.2- Herméneutique et
Dogmatique
Pour que le christianisme cesse d'être un ''vernis''
pour l'africain, il doit être soumis à la rude épreuve de
révision, de réexamen de sa manière d'être , de
penser et d'agir en Afrique. L'africain est un nouvel acteur qui s'interroge
sur son avenir, à partir des enjeux sociopolitiques et
économiques au sein des mutations actuelles. La révélation
est caractérisée par une double réalité, celle de
Dieu qui intervient dans l'histoire d'un peuple précis et
l'expérience interprétative que ce peuple donne de cette action
de Dieu. La foi qui accueille est donc très déterminante pour
faire de la révélation une interprétation actualisante.
En se sens Claude JEFFRE atteste que la théologie est toujours une
herméneutique car non seulement il prend au sérieux
l'historicité de toute vérité donc celle de la
révélation aussi, et l'historicité de l'homme comme sujet
interprétant, mais surtout elle est une interprétation de la
signification actuelle de l'événement Jésus -Christ
à partir des divers langages de la foi qu'il a suscité sans qu'on
puisse en absolutiser aucun69(*). C'est en cette optique que nous sommes en droit de
nous demander et de chercher à identifier au sein du peuple africain, le
langage de foi qui a été sien dans sa rencontre avec la
révélation chrétienne. Nous devons procéder
à une remise en cause des prétentions du savoir historique en
ayant à l'arrière fond qu'il ne peut avoir de restitution du
passé sans une interprétation vivante conditionnée par la
situation présente de l'être-là africain. C'est dans
l'aujourd'hui qu'il nous faudra faire parler la foi chrétienne de
l'africain et pour l'africain. C'est donc toute la théologie dogmatique
qui tend à se comprendre comme une herméneutique de la Parole
Dieu. En ce sens, au nom de la diversité culturelle et de
l'unité dans la diversité, la dogmatique doit cesser d'être
vue comme une prétention à la vérité absolue, pour
passer du stade de répétition de scrupuleuses traditions à
une mise en relation vivante du passé et du présent qui soit la
réception de ce qu'il y a comme transmission dans les traditions. En
effet le langage normatif de la foi se doit d'être actualisé au
quotidien et acclimaté à la réalité socioculturelle
de chaque individu. Dans la mesure où se pose aujourd'hui la
nécessité pour la théologie de prendre en
considération l'historicité de la vérité
révélée et celle de l'homme comme sujet
interprétant, actualisant ainsi le sens du message chrétien, la
dogmatique devient une herméneutique. Elle l'est d'autant plus que
l'événement Jésus-Christ suscite une pluralité
d'écriture, exige une actualisation créatrice tournée vers
l'avenir après avoir pris ses sources dans le passé voire dans la
tradition. La théologie est en ce sens une fidélité
créatrice de la tradition. Ce même événement
cherche toujours à manifester la signification actuelle de la Parole
de Dieu en fonction des nouvelles expériences historiques de l'Eglise et
de l'homme d'aujourd'hui. L'africain est interpellé à ce niveau
dans sa réception faite jusque-là du message de salut. Si
celui-ci a manqué d'avoir pour celui-là une pertinence, au
point qu'on parle en terme de malaise culturel, c'est bien parce que
l'être africain n'a pas été
évangélisé dans son là, autrement dit, le travail
d'inculturation qui devrait concilier foi chrétienne et
réalité culturelle africaine s'est très vite
inséré dans les considérations dogmatiques
héritées de l'historicité d'autres peuples, laissant de
côté, à tort ou à raison, le sujet culturel
précis auquel il s'adressait. Dès lors, il urge de
reconsidérer la procédure de cette inculturation dans la figure
actuelle de l'être-là africain dans sa double quête
d'identité et d'universalité. Le mieux-être de la
théologie en face du relativisme de la foi oblige donc la dogmatique
à reconsidérer les ressources propres des autres cultures et pour
ce qui nous concerne, de l'Afrique particulièrement, terre où se
jouera selon les prophètes des temps modernes, l'avenir du
christianisme. Il en va de la catholicité de l'Eglise que le pluralisme
théologique soit pris en compte et considéré comme une
herméneutique. Le dogme étant axé sur la tradition
chrétienne, celle-ci pour ne pas rester la production d'un passé
mort mais comme production toujours nouvelle, deviendra une
interprétation créatrice. Et va se nouer dans la relation entre
le discours de foi de la première communauté et le discours
présent d'une Eglise particulière en situation concrète.
La vérité de la foi est un mystère qui n'est pas à
statuer, mais une vérité à célébrer,
à confesser; c'est un témoignage, révélateur d'une
attitude de foi pratique qui a ses répercussions sur la
responsabilité sociale et politique du croyant. D'où toute
affirmation dogmatique pour avoir un sens pour l'africain, ne peut plus
s'énoncer à l'état pur, mais doit faire
référence à la situation concrète de l'Eglise
particulière où vit l'africain. Cette vérité
dogmatique loin de devenir périmée dans cette situation
précise, y prend figure neuve qui est richesse pour l'économie
de la foi. C'est là le signe que la vérité
chrétienne n'est pas un dépôt invariant, mais plutôt
selon Claude JEFFRE, '' un advenir permanent livré au risque de
l'histoire et de la liberté interprétative de l'Eglise sous la
mouvance de l'Esprit''70(*). En clair, une communauté chrétienne
africaine, pour être authentiquement telle aujourd'hui, se doit de
revenir à la norme de la foi: le Jésus vivant de l'histoire,
confessé comme Christ par la première communauté
chrétienne. D'où il faut une réinterprétation des
énoncées dogmatiques à la lumière de la relecture
critique de la Parole de Dieu selon les exigences et l'actualité de la
communauté en cause.
La célébration des rites religieux étant
l'occasion de symboliser et de rendre socialement visible, la
religiosité et l'identité la plus profonde, «c'est à
travers le rituel que la communauté affirme, célèbre son
identité particulière et socialise ses plus jeunes
membres71(*)», ce sont les actions
symboliques de la communauté. Il importe de recréer le rituel
compte tenu du pluralisme culturel auquel converge notre analyse. De
même, il faut intégrer les sacrements à la vie des
communautés locales de façon à faire revivre leur
dimension sociale.
3.2.3-
Herméneutique et Tradition culturelle
Entre ''Culture et Religion'', existe un lien fondamental qui
se traduit en thème d'héritage. Jean Ladrière a
montré à juste titre que la culture est ''un enracinement'', pour
signifier le lien invisible et étroit qui rattache par le fait de la
culture, un être humain à ses prédécesseurs,
à ses contemporains, à ses successeurs. La culture nous enracine
donc dans une tradition particulière. Et celle-ci doit se faire
ouverture sur le monde. C'est dans cette ouverture qu'elle s'enrichit et
reçoit sa notoriété. Il n'y a pas en effet de tradition
figée. Toute tradition par le fait même qu'elle réclame le
droit de reconnaissance, devra se mesurer au contact d'autres traditions, ce
qui la rend créatrice c'est-à-dire capable de communiquer ses
valeurs et d'en recevoir des autres. C'est bien là l'enjeu
herméneutique auquel la tradition culturelle doit s'ouvrir pour se
rendre critique vis-à-vis de tout apport étranger.
3.2.4- Herméneutique et
Inculturation
''Définie comme rapport adéquat entre la foi et
toute personne ou communauté humaine en situation socio- culturelle
particulière'', l'inculturation d'après cette approche du
Père Julien Penoukoun72(*), nous apparaît pertinente pour répondre
à notre problématique. Il est parti du concile Vatican II qui a
eu la formule heureuse d'affirmer que la personne humaine n'accède
vraiment et pleinement à l'humanité que par la culture; celle-ci
pour le théologien béninois est ''tout ce par quoi l'homme
affine et développe les multiples capacités de son esprit et de
son corps, transforme l'univers, humanise la vie sociale, conserve les grandes
expériences spirituelles et les aspirations majeures de l'homme.'' Il en
ressort pour lui, trois caractéristiques de la culture qui perdurent
jusqu'à nos jours: D'abord toute société est objet et
sujet de culture, c'est-à-dire génératrice et gestionnaire
de représentations normatives, d'un projet d'être collectif. Il
n'existe donc point de société sans identité culturelle,
et c'est ce qui favorise ensuite, qu'il y ait pluralité de cultures et
spécificité culturelle comme patrimoine générateur
de valeurs propres. Enfin, la finalité de la culture est d'amener
l'homme et la société à s'accomplir, en
intériorisant les modèles endogènes et exogènes
disponibles.'' C'est dans cette optique qu'il détermine l'inculturation
comme une réalité permanente de l'Eglise qui peut se
caractériser comme le rapport entre le Dieu qui se dit et l'homme qui
répond. C'est donc une exigence de foi qui s'exprime à travers
l'unité dans la diversité dont la Trinité est le
prototype.
L'inculturation dans notre aujourd'hui d'africain est
l'évangélisation de nos structures; il s'agit d'ouvrir à
contretemps des voies neuves pour le printemps de l'église. Nous avons
donc à nous doter d'une volonté et d'un effort concret pour
évangéliser nos traditions, convertir nos mentalités,
purifier et mûrir tout notre acquis culturel en face de la Bonne Nouvelle
du salut. Inculturer pour nous dès lors, c'est insérer le
message chrétien dans une culture. On y adhèrera dans ses modes
de penser, d'agir, de vie avec ce qu'on est et ce qu'on aspire à
être, mais sans jamais laisser son esprit critique. Il revient à
l'être-là africain d'assumer son conditionnement physique,
biologique, culturel et historique au sens d'une réappropriation
créatrice. En ce sens, toute inculturation est une véritable
herméneutique. Cette appréhension nous autorise à reposer
le rapport du binôme ''foi et culture''. La culture, nous l'avons
longuement souligné, est à écarter de toute fixité;
en tant qu'elle est ''l'ensemble des connaissances et des comportements
techniques, sociaux, rituels qui caractérisent une société
humaine donnée'' elle est assimilable à l'homme qui croît
et qui change. Dans ce contexte, la foi ne peut éviter l'esprit
critique; elle sera toujours ''un arrachement par rapport à nos
évidences sensibles et comme adhésion à la Parole de Dieu,
elle ne change pas selon les époques, mais porte une histoire
caractéristique de la subjectivité humaine qui la porte.''
D'où la foi se dit toujours dans une confrontation incessante avec une
culture. Le discours de foi à tenir aujourd'hui devra tenir compte de
notre situation culturelle. C'est une exigence herméneutique qui
révèle que l'objet de la foi n'est pas une vérité
morte, mais une vérité vivante toujours transmise dans une
médiation historique et qui a besoin d'être actualisée
sans cesse. La foi critique et responsable attendue de l'être-là
africain est celle de produire une nouvelle interprétation du message
chrétien en tenant compte de sa situation historique tout en
s'inscrivant dans la même tradition qui a produit le texte original.
Cette foi passe par l'accueil d'une communauté vivante culturellement
située. Le peuple africain doit puiser en son histoire et dans les
richesses de son terroir les armes pour exprimer son expérience de Dieu
et vivre de façon neuve l'Evangile qui est de toujours. « C'est
l'incarnation de la foi » dans les cultures dont parlaient les
évêques au Synode de 1977. Et cela suppose un rapport de rupture
et de création. Car de même que le devenir -homme de Dieu
sauvegarde la transcendance de Dieu, l'intégration radicale du message
chrétien dans une culture ne saurait compromettre son
intégrité. La rupture témoigne de la nouveauté
qu'apporte la Parole de Dieu dans les manières de penser et de vivre qui
caractérisent cette culture précise. Loin de disparaître
ou d'être exclus, ses modes culturels accueillent l'évangile qui
devra être assimilé, sans se dissoudre pour devenir un fait de
cette culture; et c'est là la création. Il en ressort un
double rapport d'inculturation du christianisme et de christianisation de la
culture.
Chapitre 3
3.3- L'ETRE AFRICAIN EN
QUETE DE L'UNIVERSEL - SINGULIER
La préoccupation ici est celle du passage de la
négritude en tant que mouvement communautaire, à la
mondialisation comme voie théorique obligée vers la
préférence à la citoyenneté mondiale. C'est
là un exemple de la capacité de l'être -là
africain à accéder aux valeurs universelles tout en gardant sa
singularité. Mais on ira plus loin en montrant l'inspiration
théologique que cet être-là reçoit et à
laquelle aurait pu contribuer le mouvement de la négritude. C'est de la
quête de ce souffle théologique qu'il a été question
durant tout notre parcours.
3.3.1- De la négritude
à la mondialisation
Mouvement d'essence culturelle, la négritude affirme sa
foi dans les ressources de l'homme noir en vue de la valorisation de la culture
nègre. Dépassant le cadre strict de la production
littéraire et artistique, le mouvement a un versant de revendication
politique et sociale par rapport à l'indépendance de l'homme noir
vis-à-vis de l'Occident. Elle s'est beaucoup plus limitée
à l'affirmation des valeurs nègres en général, et
la revalorisation de la couleur de la peau en particulier. En ce sens son
combat est demeuré narcissique. Les refus que les créateurs du
mouvement apportaient à l'Occident étaient au départ des
refus occidentaux. Ils triaient les valeurs occidentales, refusant certaines
pour accepter d'autres, et finissent par adopter une spécificité
africaine. Comme on peut le noter sous la plume de ses initiateurs,
Léon Damas crie sa révolte contre l'Europe,
dénonçant l'assimilation forcée qu'elle impose aux peuples
qu'elle domine . Aimé Césaire crie sa révolte contre les
clichés racistes de l'époque où il voit les Antilles
malheureuses et sinistres rongées par la faim et la peur.
Léopold S. Senghor dit l'exil et l'amertume de l'exil , le
désarroi de l'africain transporté en Europe au milieu des
choses étrangères et d'hommes auxquels on s'accorde mal. A ces
niveaux du combat, la négritude est restée une idéologie
romantique dont le noeud est l'affirmation de la peau noire comme aussi belle
que la peau blanche. Or dans son enjeu de départ, elle aurait pu
dépasser ce cadre pour s'étendre vers une maîtrise de
l'espace économique ou technologique porteur d'espoir, un espace
politique démocratique formée d'institutions stables et fortes.
Dans cette perspective elle reste un mouvement où même les
Européens sont inclus et peut être authentiquement un mouvement
nègre qui intègre le nègre comme autre, un homme dont
l'attachement aux valeurs culturelles reste une référence. Car,
le combat , le vrai était dans la capacité qu'a tout être
humain à créer , à dominer ou à libérer
l'espace dans lequel il vit. Et c'est à ce niveau que Heidegger nous
intéresse dans ce débat. Avec lui s'ouvre le cadre de
réflexion où l'être-là africain se
débarrasserait de l'option communautaire de sa négritude au
profit d'une «option mondiale» de son être. Il y a là
une vision du monde qui devra changer notre conception du destin et nous faire
appréhender une nouvelle destination. L'Afrique devra savoir comment
éclairer l'idée de destin , recharger le destin, à partir
de la situation herméneutique des peuples africains noirs, des
sous-développés qui luttent pour plus d'égalité et
de justice dans un monde en course à devenir un village
planétaire. La vision sartrienne de la négritude selon laquelle,
hors de la négritude point de salut ne saurait trop nous aider dans ce
cheminement. Dans son incapacité à aller au-delà de son
essence initiale la négritude n'a pas su dépasser le cadre
poétique et reste pour ce une idéologie qui a fait faillite parce
que trop ancrée dans la différence raciale et culturelle.
Incapable donc de se défaire du passé, elle n'a pu être
actuelle c'est-à-dire incapable de répondre aux urgences
actuelles du continent. Le monde traverse aujourd'hui une ère nouvelle.
Et la réalité qu'est la mondialisation malgré toutes les
limites qu'on y trouvera, embrasse l'économie comme une reformulation
logique du capitalisme. Le politique dans la reconquête de l'autonomie
eu égard à l'influence prépondérante des
marchés est l'impérieuse nécessité pour un
équilibre socio-économique et politique du pays. Dans une telle
ambiance, la négritude loin d'être ignorée pourrait
s'insérer plus positive, plus créatrice.
3.3.2- De la mondialisation
intégrale à la négritude créatrice
La mondialisation selon les théoriciens les plus
remarquables tel ADDA Jacques, évoque l'emprise d'un système
économique, le capitalisme, sur l'espace mondial. Manifesté
d'abord sur le plan géopolitique, il déborde ce cadre pour faire
éclater les frontières étatiques. Cependant il ne porte
pas entorse à la souveraineté nationale encore moins à
l'autonomie des États. On en arrive à une expansion de
l'économie-monde européenne comme un réseau
d'échanges aux dimensions mondiales auquel les autres continents sont
progressivement intégrés, le plus souvent par la force au nom de
l'internationalisme capitaliste. On note dans ce sillage, une
hégémonie qui se manifeste par la domination idéologique
d'une classe particulière qui fait accepter par consentement son pouvoir
à une classe sociale. De même, l'internationalisation du
capitalisme favorise l'assujettissement des mondes extra-européens. Face
à ce capitalisme occidental devenu mondial, il analyse l'autonomie du
politique en tant que garant du bien-être du citoyen. Dans un contexte
social obsédé par les marchandises et les capitaux, où
certaines couches sociales apparaissent de trop, il nous faut civiliser la
mondialisation. Le souci politique actuel doit passer par une reconstruction
de l'anthropologie comme condition d'une politique de l'homme. Un tel enjeu
visera le bien être social comme sa priorité. Car face à
la mondialisation de l'économie qui n'apporte , à l'heure
actuelle, aucune assurance sécuritaire, et identitaire, le pouvoir
politique qui n'arriverait pas à opérer un choix clair est
voué à l'échec donc prêt à être
changé. L'économie en effet doit être au service du citoyen
et non le contraire. Le privilège que la mondialisation accorde
à l'économie sur les autres aspects de l'ordre social est
déjà une méprise à l'égard du citoyen. Il y
a là une invitation à la responsabilité éthique des
dirigeants et des dirigés. En effet, dans un monde dominé par les
marchés, les capitaux, la morale et l'éthique sont inexistantes.
D'où la mondialisation de l'économie entrave sérieusement
la justice sociale. La justice distributive devra viser le bien être
maximal et une égalité de chance en face des libertés
égales.
La mondialisation de l'économie est dans sa conception
actuelle, une menace contre l'espèce humaine quelle que soit la couleur
de sa peau. Il n'en aurait pas été ainsi si elle était
fondée simultanément sur le politique, le social, le culturel.
Car l'être humain doit aujourd'hui être un fonctionnaire de
l'humanité, un citoyen du monde. Heidegger pour soutenir ce fait, parle
d'identité et de Différence c'est -à- dire le
caractère à la fois lointain et proche de la structure
ontologique du Dasein de l'homme. Donc les relations entre les hommes ne
trouvent une justification et une légitimation que dans la quête
à la citoyenneté mondiale. Le développement
économique ne peut être possible sans une telle
démocratisation des institutions politiques. Et pour le cas type de
l'Afrique, elle prendra en compte simultanément tous les aspects :
l'économique, le politique le culturel. C'est dans une telle
perspective qu'un passage de la négritude à la mondialisation
peut être rendue intelligible. Par référence à
Fanon, il vise à libérer l'homme noir des deux sentiments forts
ambigus qui l'emprisonnent: le sentiment de se sentir inférieur par le
fait d'être né noir; et le sentiment de se sentir
réhabilité à partir d'une hypothétique
revalorisation de sa couleur de peau. On parle de sentiment de plein être
et de sentiment de néant d'être. Ainsi le noir fait toujours
pencher son destin vers le chemin de la fatalité existentiale; qui le
contraint à se comporter en éternel inférieur. Il va
jusqu'à présenter les traits d'un homme sans ambition, d'un
figurant planétaire chez qui tout est synonyme de grâce et de don.
Ce qu'il importe au noir de savoir, précise Fanon, c'est de
dépasser son sentiment de diminution, d'expulser de sa vie le
caractère compulsionnel qui l'apparente tant au comportement du
phobique. Chez le noir, il y a une exacerbation affective, une rage de se
sentir petit, une incapacité à toute communion humaine qui le
confine dans une insularité intolérable.73(*) . Le défi imminent et
le seul vrai pour le noir est dans sa capacité à sortir de son
espace géo-politique-racial du sous développement et son
cortège de misère. Il lui faudra se battre pour la mise en
place dans son pays des institutions politiques stables fortes, objectives.
C'est par l'instauration de régimes démocratiques que le noir
entrera dans le mouvement de la mondialisation. Le peuple noir reste
constamment sur la défensive, plaintif à dessein. Il refuse de
s'autocritiquer et préfère imputer aux autres peuples les
Blancs, ses échecs et ses déboires. Les noirs d'Afrique s'ils
ne veulent être mangés par les autres peuples dans le concert de
la mondialisation devront se battre avec la nature pour la vie et pour
l'existence. Il faut quitter le statut de damnés de la terre pour
devenir des partenaires; l'heure est aux partenariats. En matière
d'authenticité, la négritude a joué un rôle pour
l'édification de la personnalité de l'être noir, qui
malheureusement s'est arrêtée au niveau de la revendication de la
peau noire. Alors que le destin d'un peuple s'enracine de manière
formelle et fondamentale dans la lutte pour la quête d'un
universel-singulier, la négritude est restée sur une approche
différentielle entre la race noire et la race blanche. Chaque peuple
possède une tradition qui pour survivre, est appelée à
s'enrichir à partir des autres traditions. D'où toute tradition
est re-prise, une instance de relecture créatrice du passé, du
présent qui ouvre vers l'avenir. Le besoin cruel actuel est bien celui
de l'engagement d'une théologie herméneutique sur le
continent.
Chapitre 4
3.4- L'ENGAGEMENT HERMENEUTIQUE
DE LA THEOLOGIE EN AFRIQUE
3.4.1- De la négritude à la
théologie
Jésus-Christ est le mode de dialogue entre Dieu et les
hommes. Et notre réponse à son appel à entrer en alliance
nous est dictée encore par lui. Il est donc la mesure de notre
engagement. En ce sens, l'africain ne s'inscrira dans la vraie alliance comme
en partenariat avec Dieu que s'il s'inscrit dans la réalité de
l'inculturation. La négritude comme mouvement littéraire de cette
quête d'identité a pensé les jalons d'une telle
quête de soi. Son enjeu de revendication est à dépasser
dans un contexte de relation de l'africain avec l'Etre Transcendant de qui il
reçoit sens et existence. L'engagement authentique de l'africain en face
de l'évangile ne peut se faire dans l'ignorance ou le mépris de
son identité culturelle. L'être-là africain est ouvert et
réceptif. D'où il importe de pouvoir situer culturellement le
Message évangélique. C'est assumer la négritude et la
dépasser. Car, l'histoire définitive de Dieu avec les hommes
n'est pas un objet historique banal. C'est cette histoire même qui
dispose de nous et nous détermine. L'auto livraison objective de Dieu
en Jésus-Christ, dira R. Barth, devient réalité
subjective en nous par l'effusion du Saint Esprit74(*). C'est cette
réalité subjective qui est ouverte à dire Dieu à
partir de l'auto livraison qu'il accueille. Toute la démarche de
l'inculturation est à ce niveau et il faut le percevoir dans
l'ouverture que nous propose M. Heidegger.
3.4.2- De l'ontothéologie
à l'inculturation
Nous voulons partir de cette critique heideggérienne,
adressée à la théologie embrigadée dans des
considérations sur le concept Etre, pour déterminer les points
théologiques qui doivent servir de bases à l'inculturation. Ceci
pour justifier une fois encore la pertinence de notre choix du philosophe
allemand dans un débat sur l'être- là africain en
quête d'identité théologique. La révolution
opérée par ce philosophe a montré la force de la tradition
et sa capacité d'ouverture. L'enjeu fondamental du débat de
Heidegger avec la théologie est que tout homme possède une
identité culturelle capable d'accueillir le message de salut, de se
l'approprier et de se l'exprimer avec son outil conceptuel propre. C'est en
cela que nous avons posé l'hypothèse que toute
Herméneutique est une Inculturation. Toute interprétation de la
Bonne Nouvelle de salut est un engagement de celui qui accueille, à
faire sien le message, à se l'approprier et à lui faire porter
les marques de son être-là. Ne pas le percevoir ainsi, c'est
vivre en dichotomie avec sa foi dans un contexte où Dieu est sans enjeu
pour le sujet culturel. Il importe de voir comment
l'évangélisation des cultures réalise l'inculturation. J.
Scheuer notait que « L'inculturation est le processus par lequel
la vie et le message chrétien s'insèrent dans une culture
particulière, s'incarnant pour ainsi dire dans une communauté
culturelle, une société donnée et y prennent si bien
racine qu'ils produisent de nouvelles richesses, des formes inédites de
pensée, d'action, de célébration. »75(*) Et H. Carrier renchérit
en notant que « L'inculturation désigne l'effort pour faire
pénétrer le message du Christ dans un milieu socioculturel,
appelant celui-ci à croître selon toutes ses valeurs propres
dès lors que celles-ci sont conciliables avec l'Evangile. ... dans
le plein respect du caractère et du génie de chaque
collectivité humaine. »76(*) A la suite de ses définitions rendues
accessibles par la critique ontothéologique qui nous fait passer de
`'Dieu égal à l'Etre'' à `'Dieu sans l'Etre'', nous nous
inscrivons dans les analyses de Achiel PEELMAN77(*) pour percevoir combien
l'inculturation, un terme proprement théologique se
situe aux frontières de l'anthropologie et de la théologie
systématique. Il note en effet que le rôle de la culture qui
reçoit l'Evangile est primordial. C'est d'elle-même que chaque
culture doit produire les fruits de l'inculturation. Chaque inculturation
véritable de l'Evangile est en quelque sorte une actualisation dans le
temps et dans l'espace du mystère unique et central de l'incarnation ou
de l'humanisation de Dieu. L'incarnation est donc le donné fondamental
sur lequel repose le processus d'inculturation et qui en même temps
détermine le mode de dialogue. Dieu se propose à l'homme et
communique à celui-ci l'itinéraire pour l'accueillir. Peelmann
note que du côté du Fils de Dieu incarné, il n'y a donc
aucune restriction au lien qui l'attache à l'humanité et à
l'histoire. Au contraire, précise Balthasar, c'est en parlant notre
langage, le langage culturel et anthropologique d'un groupe humain
particulier, que s'ouvre pour lui la voie de l'universalité et que sa
parole s'offre comme message de salut à l'humanité toute
entière78(*).
L'inculturation est fondée sur le mystère de l'incarnation mais
d'une incarnation rédemptrice. C'est là une des conclusions
auxquelles aboutit la critique de Heidegger montrant que c'est la personne de
Jésus crucifié qui permet d'entrevoir le vrai visage de Dieu. En
Jésus nous contemplons la Parole crucifiée. Et cette crucifixion
est fondamentale dans l'oeuvre d'inculturation où l'Eglise pour laisser
transparaître son universalité ne peut s'imposer en
réalisant une seule expression culturelle à toutes les cultures.
Le salut offert par le Père dans le Fils et par l'Esprit est une
possibilité pour tous. C'est pourquoi le grand respect pour
l'expérience humaine est fondamental. C'est le lieu où
s'opère la première action de l'Esprit Saint comme
médiation de la rencontre salutaire avec le Père et le Fils. On
notera l'engagement des cultures dans ce processus à partir de l'esprit
de créativité et d'originalité dont ils feront montre.
C'est la condition royale pour sortir des situations de captivité et de
pesanteur ; et retrouver le chemin de la libération. La critique
ontothéologique a su donc ouvrir les portes pour l'inculturation, que
seul un engagement herméneutique rendrait authentique.
3.4.3- Herméneutique et
Alliance avec Dieu en Afrique
Heidegger s'est montré original en se résolvant
à apprendre de Dieu lui-même ce qu'il est et ce qu'il peut pour
l'homme. Ainsi il montre que ce que Dieu est, l'homme doit l `apprendre de
Jésus-Christ dans cette « théologia
crucis » où Dieu ne se manifeste pas tel qu'on l'attend
mais sur un aspect contrariant. Il s'agit d'un Dieu non identifiable à
l'être. Grâce à Heidegger et à sa critique
ontothéologique nous avons compris que la mort de Dieu est une
conséquence de son embrigadement métaphysique. Pour lui, cette
métaphysique traditionnelle n'a eu pour souci que de penser l'être
de l `étant; d'où son enracinement dans l'oubli de
l'être. En effet, c'est sous l'éclairage de l'être que peut
se poser le rapport de l'homme à Dieu et partant la question de
l'existence de Dieu et le maintien de l'identité de
l'être-là. L'être véritable est ce sur quoi on ne
met pas la main, mais dont on accueille la donation en demeurant attentif.
Étant donné qu'il parle à l'homme à partir de
lui-même, Dieu n'est donc pas au-dessus mais parmi, avec. Autrement dit,
il appartient à son être de se faire un avec ce qui passe. Dieu
est celui qui vient à partir de soi, mouvement trinitaire de
l'autodétermination, le Père vers qui vient le Fils
crucifié qui vient comme Dieu jusqu'à la mort. L'inspiration
Heideggérienne prend radicalement Jésus - Christ, ce particulier
concret à vocation universelle, comme lieu natal de Dieu. Voilà
une fois encore tracé par Heidegger le mode d'alliance dans lequel Dieu
veut nous inscrire. Et ceci reste très éclairant pour notre
démarche d'inculturation. Car sans une compréhension juste du
Dieu qui se donne à nous, sans une appréhension de la figure
exacte de Celui qui nous appelle à entrer en relation salutaire avec
lui, tout effort pour sauvegarder notre être culturel serait vain.
L'inculturation est tributaire de l'herméneutique que nous faisons de
notre foi. En Jésus- Christ, on découvre la vraie notion de Dieu
et on se décide pour Dieu. Et la décision de
l'être-là africain, est son réveil ethnique et culturel
éclairé par l'Evangile. Dans notre Afrique envahie par une
multitude de médiations, la figure du Dieu Unique et Vrai offerte par
Jésus-Christ ne va pas de soi. L'herméneutique plus que jamais se
pose comme un besoin pressant ; et pas n'importe quelle
herméneutique : celle qui pourra favoriser une remise en cause
critique de la tradition reçue et acceptée jusque-là et
une transmission culturelle qui soit richesse pour le continent79(*).
CONCLUSION GENERALE
LA REDEMPTION COMME FORCE
CREATRICE
DONNEE A NOS
TRADITIONS
Le Christ ne vient pas brimer nos traditions mais Il vient
leur redonner une force. Il n'est pas venu abolir mais accomplir. Toute culture
offre donc des potentialités de rédemption que le Christ par sa
rédemption vient porter à son accomplissement.
Comment alors sortir du malaise dans lequel vivent de nombreux
chrétiens africains ? Malaise animé par l'incertitude en
face de l'avenir, la souffrance et le désespoir, l'emprise des croyances
magiques, la prolifération du religieux et du diabolique, les fantasmes
et les angoisses qui se font jour. Pour sortir de cette impasse, il faut
promouvoir une expression africaine de la foi surgie de notre vision du monde
et de notre expérience historique propre. Il s'agit d'un christianisme
qui parle à l'africain dans son contexte actuel, qui tienne compte de
sa situation historique, économique et politique et qui doit s'exprimer
dans sa culture. Ce christianisme est le seul capable de répondre tant
aux questions de la tradition africaine qu'aux aspirations du monde
aujourd'hui. Autrement dit par notre travail, nous sommes partis de la
conviction qu'on ne doit plus se référer à une Afrique qui
n'est plus, il nous faut assumer le présent et nous interroger à
partir de la situation actuelle de l'être-là africain
inséré dans le monde. Ceci est d'autant plus urgent que tous
sont d'accord sur la nécessité de l'inculturation, mais il n'y a
guère d'entente sur la manière dont cela doit se faire et sur ce
qu'en sont les implications. Construit sur le modèle de l'incarnation,
le mot inculturation qui ne dit rien dans le concret de son application
mérite à présent d'être observé dans un
contexte particulier. Autrement dit, il faut l'évaluer dans la
perspective de devenir des chrétiens africains. Nous avons donc
pu saisir la culture dans sa complexité et comprendre sa place dans la
société en relation avec les autres facteurs que sont
l'économie et la politique, les relations personnelles et sociales et la
religion. On en a retenu combien la transformation culturelle est un
élément essentiel de la transformation sociale.
Dans cette perspective, le chemin de la libération
pour l'être-là en général et pour
l'être-là africain en particulier, transite à travers une
réappropriation critique des trois impératifs suivants :
- nécessité de penser comme agir;
l'interpellation de Heidegger vis-à-vis de l'être humain à
l'exercice de la pensée, n'est pas uniquement pour l'amener à
agir, mais également et surtout pour rendre l'être humain
capable d'avoir la maîtrise de concepts, de les transcender pour se
démarquer de l'essence animale.
- la force de la tradition créatrice. C'est la
tradition créatrice qui explique la domination européenne et
c'est aussi pour l'être-là africain une opportunité
à saisir pour se démarquer de la tradition transmission. C'est
la condition pour s'impliquer comme partenaire dans la mondialisation, faisant
de sa tradition une création.
- la quête de l'universel - singulier. Aujourd'hui,
l'être - là devra être fonctionnaire de l'humanité,
un citoyen du monde; la préférence nationale devenant une
utopie. La complémentarité dans l'être entre l'Un et le
Multiple ainsi que Heidegger le nomme sur le plan ontologique comme
Identité et Différence, explique l'urgence d'une
préférence de la citoyenneté mondiale.
Il n'y a donc pas à défendre une tradition
africaine figée et éternelle. Il ne s'agit pas non plus de vexer
dans un relativisme pur. Il s'agit pour nous africains d'inscrire notre
combat dans le présent, en prenant la responsabilité de notre
futur. La tradition n'est ni un ciel d'idées immuables, ni un corps de
valeurs éternelles. Elle est notre mémoire et sa
validité provient du fait qu'elle est la plage de valeurs que nous
pouvons toujours redécouvrir. En assumant comme première
revendication de cet enjeu, notre hypothèse a pris en compte la
réalité de la négritude que nous avons essayé de
dépasser. La poser dans une appréhension théologique, nous
sommes parvenus à la conclusion évidente que le seul et grave
problème qui se pose à l'africain est celui de l'inculturation de
la foi chrétienne. Nous nous sommes convenus avec le théologien
Penoukoun que'' Inculturer la foi signifie insérer le message
chrétien dans une culture, y adhérer avec ses modes de penser,
d'agir, de vivre; avec ce qu'on est et aspire à être. Il s'agit
en l'occurrence d'une volonté et d'un effort concret, pour
évangéliser nos traditions, convertir nos
mentalités...''80(*) Ce fut la visée de la négritude mais
dans un combat purement social voire intellectuel. Or l'identité de
l'être-là africain dans sa rencontre avec l'occident
évangélisateur oblige à se situer au coeur de la juste
problématique. Celle-ci est beaucoup plus axée sur la relation
Dieu/Homme. C'est Dieu qui vient s'inscrire dans notre culture pour que
celle-ci retrouve son souffle théologique. D'où la pertinence de
l'herméneutique à la fois comme voie royale pour atteindre la
vraie conception de Dieu ainsi que Heidegger nous y a aidé et aussi
comme un autre nom de l'inculturation, ce processus vital de notre être
théologique. Nous arrivons au terme de cette réflexion en
récapitulant les trois axes de notre hypothèse :
- La foi en Dieu engage tout l'homme dans tout ce qui
constitue son être et sa vie ; Or le croyant est une personne
précise en situation socioculturelle. Et c'est dans un tel contexte que
Dieu se révèle à lui. Il ne peut que l'accueillir au coeur
de ce qu'il est et vit. C'est ce que nous avons développé tout au
long des lignes qui se sont appesanties sur l'authenticité de
l'être-là dans son double enracinement : culturel et
théologique.
- Il s'agira pour lui d'ouvrir l'Evangile à sa culture
et sa culture à l'Evangile en recherchant les voies nouvelles d'un
savoir-dire-Dieu au sein de l'histoire et à partir de ses
élaborations culturelles. Le recours à l'herméneutique
avec la figure de M. Heidegger nous a maintenus dans l'horizon de cette
démarche.
- Le Christ apparaît comme celui qui donne à
l'africain de valoriser sa culture, en même temps qu'il l'amène
à une conversion profonde. Toute herméneutique étant une
inculturation, celle-ci a constitué l'épine dorsale de notre
parcours avec la conclusion que l'identité de l'être-là
africain est fonction de l'homme africain d'aujourd'hui.
Notre travail comme nous le posons au départ, n'a pas
eu pour vocation de donner les traits caractéristiques de
l'être-là africain ou encore de proposer l'itinéraire
d'inculturation capable de rejoindre ce sujet culturel. Toute autre recherche
qui voudrait s'inscrire dans ce sens pourrait s'y investir en sachant que,
l'herméneutique, l'Inculturation et l'Evangélisation sont
à tenir ensemble. Les trois font appel à la culture et exigent
donc une compétence culturelle dans tout son dynamisme d'acculturation
et de transculturation. C'est là l'oeuvre d'une personne bien
enculturée faisant oeuvre d'un dynamisme qui n'est pas culturellement
vierge non plus. Il lui faut simplement se laisser initier par la culture
d'accueil. C'est une entreprise héroïque qui demande
d'étudier la culture dans ses ramifications les plus inédites.
Cela revient en réalité à une écoute des cultures,
faisant taire la sienne propre. Nous envisageons pour cela, trois
itinéraires d'approches :
-Une approche englobante de la culture ; respecter la
culture et éviter tout réductionnisme.
-Une approche qui sait rendre compte des forces qui
constituent l'identité particulière de chaque culture ; se
familiariser avec la vision du monde de la culture à
évangéliser.
-Une approche qui envisage le problème du changement
socioculturel ; être attentif aux réalités
incontournables d'acculturation ou de transculturation.
Tchanvédji, le 1er Novembre 2007
en la fête de TOUSSAINT
INDICATIONS
BIBLIOGRAPHIQUES
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africaine
Essai d'une herméneutique chrétienne Du vodun
Dahoméen
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Le Sillon Noir (Mewihwêndo) et la question
éthique au coeur
du Vodun Sacré. Thèse de doctorat, Sorbonne,
Paris, U.R.F., 1988 TI et TI I
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BALTHASAR, H. U., La Gloire et la Croix. Les aspects
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DJODI, J., Asidanou vodoun et Incarnation
Hiérophanie de Dieu en l'homme et Avènement de
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Esquisse d'une interprétation intégrale de Sein
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------------------, L'appel de l'être et la Parole
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Cinquante ans de la réception théologique de
la pensée de Heidegger
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raison
Paris, Cerf, 1985
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Cerf, 1986
MBAMBI KUNGERO, B. A., Panorama
de la théologie négro-africaine Contemporaine
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OSONGO- LUKADI, A. D., Heidegger et l'Afrique
Réception et paradoxe d'un `'dialogue'' monologique
Louvain -La-Neuve, Bruylant- Académia, 2001
PENOUKOU, J., Eglises d'Afrique, Propositions pour
l'avenir, Paris Karthala, 1984
WALTER, K., La théologie et l'Eglise, Cerf,
Paris 1990
WERNER, J., Introduction à l'herméneutique
théologique, Développement et Signification,
Cerf, Paris 1995
SOMMAIRE
1
1
GRAND SEMINAIRE MONSEIGNEUR
LOUIS PARISOT DE TCHANVEDJI 1
Cycle de Théologie
1
Année académique
2007-2008 3
PLAN DU TRAVAIL 7
INTRODUCTION GENERALE
11
1- Thème et
Motivation du choix 11
Par quels moyens et
méthodes précises faut-il passer pour concilier foi en Dieu Un et
réalités culturelles africaines pour en récolter les
fruits escomptés pour l'être-là africain ? Depuis la
vague des penseurs activés par le concile Vatican II et plus
précisément depuis l'ouvrage Des prêtres noirs
s'interrogent, la question de l'inculturation devint l'actualité
théologique du continent noir. L'inculturation qui apparaît comme
une assimilation culturelle du donné révélé pour
que celui-ci ait un intérêt pour la culture, s'impose comme
l'enjeu théologique qui façonne désormais
l'être-là africain dans son rapport à Dieu. Mais le
résultat que nous recueillons des diverses problématiques
ouvertes sur la question de l'inculturation au sein du continent semble
être plutôt une préoccupation à justifier le besoin
urgent et pressant de l'enjeu de l'inculturation pour l'Afrique. Les diverses
tendances d'appropriation et de réappropriation culturelle, d'adaptation
et de pierres d'attente peuvent en témoigner. La tendance qui perdure
est que la dichotomie entre foi chrétienne et réalité
culturelle persiste. L'enjeu capital de la foi chrétienne pour le salut
du genre humain africain n'est pas encore perçu. Nous notons donc que
l'inculturation s'est plus préoccupée d'exalter son urgence, sa
pertinence plutôt que de donner un déploiement concret de ses
divers aspects. C'est donc un passage du Pourquoi au Comment qu'il nous faut
opérer, en partant de cet être culturel africain, cet
être-là africain authentique qui dans sa foi au Christ se sent
interpeller par une incompatibilité entre foi chrétienne et
culture africaine. Il faut reconnaître que les premières
investigations théologiques n'avaient pas autres possibilités que
celles d'un Pourquoi de l'inculturation. Le contexte qui prévalait
était celui d'une revendication où après la
décolonisation, l'être africain largement nié et
bafoué dans sa dignité avait besoin de se faire connaître
et se faire accepter. Qu'une telle direction soit la priorité des
premiers penseurs est une nécessité. Mais aujourd'hui, dans un
contexte de choc culturel où la mondialisation en appelle à une
globalisation, toute théologie revendicatrice devient
désuète, sans enjeu et non avérée. Penser un autre
dire théologique pour l'africain s'avère urgent. D'où le
titre de notre mémoire: ''L'Etre - là africain et Inculturation.
Essai d'une relecture théologique de Martin HEIDEGGER pour
l'Afrique''. Il sera essentiellement question de repenser l'Etre -là
africain pour un mieux - être de l'inculturation. Ce qui revient
simplement à constater que l'entreprise de l'inculturation ne doit plus
aujourd'hui continuer sous le mode ancien mais par le fait qu'elle est
convoquée au débat de la mondialisation et de l'universalisme du
christianisme, reste toujours une urgence pour ressortir le particularisme du
peuple africain dans son accueil de la foi chrétienne. Et pour ce, elle
doit se purifier des théories revendicatrices, pour se poser dans l'axe
du Comment c'est-à-dire pouvoir déceler la façon
authentique dont elle doit se conduire pour que cette foi permette à
l'africain de vivre sa culture, seul enjeu capable de favoriser l'insertion du
particularisme africain au concert de la mondialisation et de la
diversité culturelle tant réclamée pour la pertinence de
la foi chrétienne. L'être-là africain que nous allons
tenter d'identifier ne sera pas un type africain originel, à l'abri de
tout brassage, cramponné dans un traditionalisme borné, vestige
du passé. Ce sera l'homme africain actuel en face de situations
sociopolitiques, économiques et culturelles de son époque et de
son monde, un être en situation concrète réclamé par
la foi chrétienne et obligé d'y répondre avec son
patrimoine culturel. C'est pour soumettre ce dernier aux critiques que nous
avons trouvé pertinente la conception heideggérienne de
l'être-là. Les analyses de Antoine-Dover Osongo-Lukadi dans
lesquelles nous nous inscrivons largement, nous serviront de soubassements pour
redorer le statut de l'être-là africain apte à affronter
à la fois les défis de notre monde et les enjeux de la foi
chrétienne. Et ceci en demeurant un Africain authentique en relation
avec tout autre être. Ceci n'est pas facile dans un continent où
le tiraillement entre tradition et foi chrétienne est toujours actuel.
11
2- Intérêt
11
3- Hypothèse
11
4- Etat de la question
11
5- Méthode de
travail 11
6- Limites
11
Première Partie
13
LES PRESUPPOSES D'UN DIALOGUE
PROBABLE AVEC HEIDEGGER 13
Chapitre 1 13
1.1- LA TRADITION COMME TERRAIN
DE DIALOGUE 13
1.1.1- Dialogue ou monologue
13
1.1.2- Appropriation critique de
la tradition 13
1.1.3- Nouveauté
conceptuelle de la tradition 14
Chapitre 2 15
1. 2- REFERENCES
AFRICAINES A HEIDEGGER 15
1.2.1- La philosophie de
l'être 15
1.2.2- Le langage comme point
d'ancrage 15
1.2.3- La philosophie de la
poésie et de l'art 15
1.2.4- La philosophie
herméneutique 15
Chapitre 3 17
1.3- HEIDEGGER ET LES ENJEUX
PHILOSOPHIQUES DE L'ETRE-LA 17
1.3.1- L'être-là
17
1.3.2- L'être-avec
17
1.3.3- L'être - au- monde
17
Deuxième Partie
18
PROBLEMATIQUE THEOLOGIQUE DE
L'ETRE-LA AFRICAIN 18
Chapitre 1 18
2.1- L'AU-DELA DU DIALOGUE
AVEC HEIDEGGER 18
2.1.1- Les richesses d'une
étude 18
2.1.2- Limites et questionnements
18
Chapitre 2 19
2.2- L'ETRE-LA AFRICAIN:
QUESTION D'ETHOS AFRICAINE 19
2.2.1- La culture africaine
19
2.2.2- La religion africaine
19
2.2.3- Un être de
transcendance et d'auto transcendance 19
Chapitre 3 21
2.3- L'actualité de la
théologie africaine 21
2.3.1- Identité propre
d'une théologie africaine 21
2.3.2- Théologie africaine
et diversité culturelle 21
2.3.3- De la tradition
transmission à la tradition création 21
Troisième Partie
22
HERMENEUTIQUE ET INCULTURATION
POUR UN MIEUX-ETRE 22
DE L'ETRE-LA THEOLOGIQUE AFRICAIN
22
Chapitre 1 23
3.1- APPROPRIATION ET
REAPPROPRIATION : QUESTION D'INCULTURATION 23
3.1.1- Le tournant
herméneutique de la théologie 23
3.1.2- La vérité
herméneutique de la théologie 23
Chapitre 2 24
3.2- LE BESOIN D'UNE
HERMENEUTIQUE EN THEOLOGIE AFRICAINE 24
3.2.1- Herméneutique et
Parole de Dieu 24
3.2.2- Herméneutique et
Dogmatique 24
3.2.3- Herméneutique et
Tradition culturelle 24
3.2.4- Herméneutique et
Inculturation 24
Chapitre 3 26
3.3- L'ETRE AFRICAIN EN QUETE DE
L'UNIVERSEL - SINGULIER 26
3.3.1- De la négritude
à la mondialisation 26
3.3.2- De la mondialisation
intégrale à la négritude créatrice 26
Chapitre 4 27
3.4- L'ENGAGEMENT HERMENEUTIQUE
DE LA THEOLOGIE EN AFRIQUE 27
3.4.1- De la négritude
à la théologie 27
3.4.2- De l'ontothéologie
à l'inculturation 27
3.4.3- Herméneutique et
Alliance avec Dieu en Afrique 27
CONCLUSION GENERALE 28
LA REDEMPTION COMME FORCE
CREATRICE 28
DONNEE A NOS TRADITIONS
28
BALTHASAR, H. U., La Gloire et
la Croix. Les aspects esthétiques de la Révélation
30
Le domaine de la
métaphysique. Les Héritages 30
MBAMBI KUNGERO, B. A., Panorama
de la théologie négro-africaine Contemporaine 32
Paris, L'Harmattan, 2002, P
35-50 ; 101-114 32
SOMMAIRE
34
DIEU, NOUS T'ADORONS :
PERE INFINIMENT SAINT,
FILS ETERNEL ET BIEN - AIME,
ESPRIT DE PUISSANCE ET DE PAIX.
* 1 _ Le concile a reconnu la
possibilité à chaque culture d'exprimer la foi chrétienne
à partir de ses propres réalités. Voir Sacrosanctum
Concilium N° 37
* 2 _ Collectif paru en
1957, cet ouvrage qui fête ses noces de porcelaine n'a pas encore
épuisé sa problématique.
* 3 _ L'actualité que
va connaître l'inculturation n'ôte rien à son
caractère dynamique. C'est d'ailleurs là tout son enjeu et sa
pertinence. L'Inculturation est une réalité ecclésiale
aussi dynamique que l'évangile avec lequel elle entre en
corrélation
* 4 _ OSONGO- LUKADI, A.
D., Heidegger et l'Afrique Réception et paradoxe d'un `'dialogue''
monologique Louvain -La-Neuve, Bruylant- Académia, 2001
* 5 _ Barthélemy
ADOUKONOU, Vodun, Sacré ou Violence? Le Sillon noir (Mewihwêndo)
et la question éthique au coeur du Sacré Vodun. T1,
Introduction.
* 6 _ L'être-là
étant le caractère spécifique de l'existence humaine
d'interroger l'être pour échapper à l'anonymat du "On",
comporte par cette nature même une dimension spirituelle. C'est donc du
socle religieux précieux voire cultuel où se déploie
cette spiritualité qu'il sera question.
* 7 _ Nous ne posons pas
là une attaque aux problèmes posés par l'inculturation
mais à la façon de les poser; qui s'éloigne de
l'appropriation - reappropriation de la culture, dans le sens où la
culture n'est pas une donnée statique ou figée,
caractéristique autarcique propre d'un peuple ou d'une race.
* 8 _ Antoine -Dover vient de
nous en donner la première appréciation. Il faut toutefois
reconnaître que beaucoup d'auteurs africains pour ne citer que
Adoukonou et Ka Mana, ont su judicieusement intégrer des analyses de
Heidegger à leurs réflexions.
* 9 _ Antoine - Dover Osongo
-Lukadi `' Heidegger et l'Afrique'' Réception et paradoxe d'un
« dialogue » monologique Louvain -La-Neuve,
Bruylant- Académia, 2001
* 10 _ On peut se
référer aux oeuvres de Lévy-Bruhl, pour qui l'Africain est
prélogique, peuple primitif incapable de pensée, raison,
philosophie. On peut voir aussi le grand philosophe allemand Hegel pour
qui l'Afrique ne fait pas partie de la trame de l'histoire universelle.
* 11 _ Tshiamalenga Ntumba,
« Qu'est-ce que la philosophie ? », in Actes de la
1re semaine philosophique, Kinshasa, F.T.C.K., 1978, p 38
H. Ngimbi Nseka, « La dynamique de
l'être : Force, Action, Acte », in Revue Philosophique de
Kinshasa, Kinshasa, F.T.C.H.., vol. 1, jan-juin 1983, pp 65-66.
* 12 _ Dirven,
« Philosophie en Afrique », in Mélanges de
philosophie africaine, Kinshasa, F.T.C.K., 1978, p 106
Nkombe Oleko « Langage et réalité
vers une ontologie du verbe », in Actes de la 4è Semaine
philosophique de Kinshasa, 23-27 avril 1979 p 85
* 13 _ O. Ugirashebuja,
« Le langage poétique », in Actes de la 4è
Semaine philosophique de Kinshasa, 23-27 avril 1979 pp 306, 326, 330.
* 14 _ B. Okolo Okonda ,
« L'herméneutique chez Paul Ricoeur : instances et
méthodes », in cahiers philosophiques Africains, Lubumbashi,
P.U.Z., n° 6, juil.-déc. 1974, pp 33-60.
* 15 _ O. Ugirashebuja, in
« Le langage poétique » art. cit.., pense
que si l'Afrique doit exprimer sa pensée, si elle doit proposer aux
autres cultures un dialogue véritable, ce sera à partir de son
patrimoine poético-culturel dont il faudra respecter le génie et
l'originalité.
* 16 _ Nous notifierons ces
documents au fur et à mesure que nous solliciterons ces divers penseurs
pour justifier notre préoccupation.
* 17 _ Tshiamalenga Ntumba,
« Qu'est-ce que la philosophie ? » in Actes de la
1èr semaine philosophique, Kinshasa, F.T.C.K. 1978, p 38
* 18 _ La philosophie
bantoue, 1945
* 19 _ La philosophie
bantoue-rwandaise de l'être, 1956
* 20 _ La dynamique de
l'être: Force, Action, Acte, in Revue philosophique de Kinshasa,
Kinshasa, F. T.C.K ; vol 1, jan-juin 1983, pp 65-66
* 21 _ H. Ngimbi Nseka, Op.
Cit
* 22 _ Ngoma Binda,
«Verbe et substantif d'être en philosophie'', in Actes de la
4è semaine philosophique de Kinshasa, Kinshasa, F.T.C.K., 23-27 Avril
1979, pp 206-210
* 23 _ Phoba Mvika,
`'Authenticité, philosophie, développement'', in Revue
philosophique de Kinshasa, Kinshasa, F.T.C.K., vol 1, 1983, p 85
* 24 _ Tshiamalenga Ntumba
« L'espace théorique de la vitalité des normes
éthiques », in Revue philosophique de Kinshasa, Kinshasa, F.
T.C.K ; vol 1, jan-juin 1983, p 73
* 25 _ M. Heidegger,
Introduction à la métaphysique, Saint Armand, Gallimard, 1967, p
62
* 26 _ Dirven,
« Philosopher en Afrique », in Mélanges de
philosophie africaine, Kinshasa, F.T.C.K 1978, p 106
* 27 _ Nkombe Oleko
« Langage et réalité vers une ontologie du
verbe », in Actes de la 4è semaine philosophique de Kinshasa,
Op. Cit p 85
* 28 _ Tshiamalenga Ntumba
« Pensée -langage. Le problème de la relativité
linguistique » in Revue philosophique de Kinshasa, Kinshasa,
F.T.C.K., vol 1, 1983,p 9
* 29 _
« Rationalité d'un discours africain sur les
phénomènes paranormaux et conception pluraliste du
composé humain »
Thèse de doctorat d'Etat en philosophie, Sorbonne.
L'Harmattan 1998
* 30 _ O. Ugirashebuja,
« Le langage poétique », in Actes de la 4è
semaine philosophique de Kinshasa, Op. Cit p 306
* 31 _ M. Heidegger,
« Chemins qui ne mènent nulle part », Saint Armand,
Gallimard, 1962
* 32 _ Mudiji Malamba,
Gilombe, « La forme et la transformation du masque traditionnel
africain », in Revue philosophique de Kinshasa, Kinshasa, F.T.C.K.,
vol 1, n° 1 1983 P 43
* 33 _ B. Okolo Okonda,
« L'herméneutique chez Paul Ricoeur : instances et
méthodes », in cahiers Philosophiques Africains, Lubumbashi,
P.U.Z, n° 6, juil.-déc. 1974, pp 33-60.
* 34 _ B. Okolo Okonda
« Pour une philosophie de la culture et de développement.
Recherches d'herméneutique et de praxis africaines, Kinshasa, P.U.Z
1986, P 33-46
* 35 _ Walter Kasper, La
théologie et l'Eglise, Cerf, Paris 1990 ; p143
* 36 _ Walter Kasper, Op. Ci
t, p. 146
* 37 _ Walter Kasper, Op. Ci
t, p. 154
* 38 _ Philosophie de
l'Afrique noire,
* 39
_ Antoine - Dover Osongo -Lukadi `' Heidegger et
l'Afrique'' Réception et paradoxe d'un « dialogue »
monologique
Louvain -La-Neuve, Bruylant- Académia, 2001
* 40 _ Martin Heidegger,
Lettre sur l'humanisme, Introduction
* 41 _ Gérard Guest,
In L.L. Grateloup. Anthologie de la Philosophie, Tle
* 42 _ Vattimo, Introduction
à Heidegger
* 43 _ M. Heidegger,
Introduction à la métaphysique..., op.cit ., pp 50-53
* 44 _ Voire : BRITO,
E., La réception de la pensée de Heidegger dans la
théologie Catholique. NRT 119 (1997) 352-374
CAPELLE, P., Philosophie et théologie dans la
pensée de Heidegger, Paris, Cerf, 2001, P 87-95 ; 190-197 ;
21
* 45 _ Meinrad P. HEBGA,
Afrique de la foi, Afrique de la raison, Paris, Karthala, 1995, P 115-138
* 46 _ Nathanael Y. SOEDE,
Sens et Enjeux de l'éthique, Abidjan, UCAO, 2005, P 204
* 47 _ Père Jean
Benoît GNAMBODE, Colloque sur la culture. St Gall Mars 2001
* 48 _ Voir par exemple Le
père JULES DJODI, in Asidanou vodoun et Incarnation
Hiérophanie de Dieu en l'homme et Avènement
de Dieu en Jésus-Christ
Essai de Christologie en milieu fon d'Abomey (Bénin)
Mémoire de licence canonique. Abidjan, ICAO, Juin
1996
* 49 _ Le cardinal MARTY le
15 février 1976, lors de l'inauguration de l'ICAO à Abidjan n'a
pas manqué de citer ces valeurs nègres que sont: Le sens de
sacré des africains pour humaniser la civilisation technicienne. - La
théologie africaine attendue comme synthèse du vrai, du beau, de
l'humain et du divin pour sortir des impasses du rationalisme.
- Le sens de l'accueil et de l'hospitalité de
l'africain comme remède à la solitude et au désespoir
où s'enferme l'homme moderne.
- La joie familiale et le respect des vieux comme antidote
à l'abandon des traditions.
* 50 _ Il en est ainsi de la
révélation qui selon EBOUSSI BOULAGA, s'adresse à des
hommes debout qui, du milieu de leur expérience historique,
décident librement de l'accueillir ou de le rejeter.
* 51 _ KA MANA, G., Foi
chrétienne, crise africaine et reconstruction de l'A
* 52 _ KA MANA, G., Op. cit.
,
* 53 _ Jean Marc ELA,
Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui libère. Karthala
2003,
* 54 _ Jean Marc ELA,
Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui libère. Karthala
2003, p31
* 55 _ Adoukonou, B., Jalons
pour une théologie africaine, Essai d'une herméneutique
chrétienne Du vodoun Dahoméen, Paris, Léthielleux, 1985, T
I et TII : Le Sillon Noir (Mewihwêndo) et la question
éthique au coeur, du Vodun Sacré. Thèse de doctorat,
Sorbonne, Paris, U.R.F., 1988 TI et TI I
* 56 _ Op. Cit
* 57 _ Le concile Vat II ne
tarda pas à imposer la suprématie du rite romain avec pour
épine dorsale la primauté de l'Eglise romaine. Le dynamisme
africain pour l'inculturation fut éteint dans un passage de recherche
liturgique aux investigations purement théologiques.
* 58 _ Efoe-Julien
Penoukoun, Eglises d'Afrique, Propositions pour l'avenir. Karthala, 1984
* 59 _ Voire la
problématique de J-M ELA in Repenser la théologie africaine. Le
Dieu qui libère. Karthala 2003,
* 60 _ Idem
* 61 _ Nous voulons ici
faire allusion aux travaux des pères Adoukonou au Bénin et de
SANON au Burkina.
* 62 _ COLLECTIF,
Théologie et choc des cultures, Paris, Cerf, 1989
Jean Marc ELA, Identité propre d'une théologie
africaine P. 37
* 63 _ Michael AMALADOSS, A
la rencontre des cultures Comment conjuguer unité et pluralité
dans les Eglises? Ed. de l'Atelier; Ed. Ouvrières, Paris, 1997, P
43
* 64 _ Idem
* 65 _ B. Adoukonou, Vodun
sacré ou violence, Op. Cit.
* 66 _ Claude Jeffré
Croire et interpréter , Avant Propos.
* 67 _ Introduction
à l'herméneutique théologique, Conclusion
* 68 _ Jean Marc ELA op.
cit. P 36-37
* 69 _ Claude JEFFRE, Le
christianisme au risque de l'interprétation. CF, Cerf, Paris 1983. P 34
* 70 _ Le christianisme au
risque de l'interprétation, P, 76
* 71 _ M. Amaladoss, P
93
* 72 _ Efoe Julien
PENOUKOUN, Dictionnaire critique de la théologie , PUF 1998, ART
Inculturation.
* 73 _ F. Fanon, Peau noire
masque blanc. Seuil, 1952. P 39-51
* 74 _ R. Barth, Kirchliche
Dogmatik t. ½ , 6
* 75 _ J. Scheuer,
« L'inculturation. Présentation du thème »,
Lumen Vitae, vol. 39, 1984, n°3, p .253
* 76 _ H. Carrier, Evangile
et Cultures de Léon XIII à Jean-Paul II. Cité du Vatican,
Libéria Editrice Vaticana, Paris, Mediaspaul, 1987, p. 147
* 77 _ Achiel PEELMAN,
Inculturation. L'Eglise et les cultures, Desclée/ Novalis p 112-149
* 78 _ H.U.von Balthasar, La
foi du Christ, coll. « Foi Vivante », n°76, Paris,
Aubier Editions Montaigne, 1966, p 129
* 79 _ L'option est une
"appropriation - réappropriation" de la culture dans cette perspective
heideggérienne où la culture est une dimension essentielle du
singulier - universel.
* 80 _ Efoe-Julien
Penoukoun, Eglise d'Afrique, propositions pour l'avenir, Karthala, 1984, p
43
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