Le Contentieux International
Sujet : Le contentieux de la fonction publique
internationale
Exposé préparé par : Aymen
Zaghdoudi
Année Universitaire : 2009-2010
Le plan
Problématique : comment
s'avère le contentieux, stricto sensu, de la fonction publique
internationale ?
Partie 1 : Le contentieux de la fonction
publique internationale : Un contentieux « sui
generis »
Paragraphe 1 : Excentricité quant
à la forme
Paragraphe 2 : Originalité quant au
fond
Partie 2 : Une réforme fonctionnelle mais
inachevée
Paragraphe 1 : Une vague
d'amélioration du contentieux de la fonction publique internationale.
Paragraphe 2 : Un contentieux encore
lacunaire
Introduction
« L'existence du droit
administratif relève en quelque sorte du miracle », on peut
transposer l'expression de P.Weil au niveau du droit international, ainsi
l'existence du droit administratif international est plus miraculeuse car dans
une organisation internationale l'existence d'une juridiction ne se heurte pas
seulement à la méfiance d'une administration dont elle limite
l'arbitraire, elle rencontre l'indifférence ou l'hostilité des
Etats qui, se veulent souverains par-dessus tout, se considèrent comme
les véritables décideurs au sein de l'organisation qui n'est
qu'une association d'Etats établie par voie conventionnelle qui poursuit
des objectifs communs au moyen d'organes permanents qui lui sont propres et
possède une personnalité juridique distincte de celle des Etats
membres.
Cette dernière, dans le cheminement de la
réalisation des objectifs qui lui sont escomptés, peut commettre
des fautes à l'égard notamment de son personnel, appelé
« fonctionnaires publics internationaux » qui ont
été définis, dans le dictionnaire de droit international
public de Jean Salmon, comme étant des fonctionnaires chargés en
vertu d'un accord entre Etats ou par une organisation internationale d'exercer
pour leur compte et sous leur contrôle sur une base statutaire une
activité d'intérêt international, d'une durée
déterminée ou indéterminée.
Par conséquent, ces fautes commises, qui sont des actes
réputés légales, peuvent faire l'objet des contestations
de la part des fonctionnaires, ce qui peut donner lieu à un contentieux
qui a été défini par la C.P.J.I dans l'affaire Mavrommatis
comme une prétention par une partie et une contestation par l'autre
partie. Ce contentieux, comme tout contentieux international peut être
résolu soit par des moyens non juridictionnels soit par des moyens
juridictionnels et c'est ainsi qu'on apprécie le sens large du
contentieux.
Cependant, on va se concentrer lors du développement du
présent exposé sur le contentieux au sens strict en
matière de fonction publique internationale, c'est-à-dire le
stade du procès en la matière car les moyens non juridictionnels
sont, sinon sous-estimés, du moins d'une importance secondaire par
rapport aux moyens juridictionnels.
Par conséquent, le contentieux au sens strict
présente l'échec des modes non juridictionnels et par la suite le
différend sera mis devant un organe juridictionnel institué au
sein d'une organisation internationale ayant compétence pour statuer sur
les différends relatifs aux rapports du travail entre celle-ci et les
membres de son personnel.
En ce sens, en 1920 l'Assemblée de la S.D.N avait
prévu la possibilité d'un recours au conseil, la première
affaire ayant donné lieu à cette procédure devait en
révéler les inconvénients : incompétence
technique, lourdeur, politisation, caractère inéquitable d'un
mécanisme par lequel l'organisation internationale était à
la fois juge et partie. Telles furent les raisons qui conduisirent
l'Assemblée Générale de créer à titre
provisoire en 1927 et définitivement en 1931, le tribunal administratif
de la S.D.N. Ce Tribunal était non seulement au service de la
Société des Nations elle-même mais encore de l'Organisation
internationale du Travail qui existait depuis 1919. La seconde juridiction
administrative internationale créée après la
deuxième guerre mondiale est le tribunal administratif de l'organisation
international de travail qui a remplacé celle de la S.D.N.
Puis, en 24 novembre 1949 l'Assemblée
Générale de l'Organisation des Nations Unies a créé
un tribunal administratif des Nations Unies qui entra en fonction le
1er janvier 1950.
Par la suite, maintes organisations ont créé
leur tribunal administratif tel que la Banque Mondiale, l'Organisation des
Etats Américains et autres.
La prolifération des tribunaux administratifs au sein
des organisations universelles ou régionales a influencé,
manifestement, le contentieux de la fonction publique internationale qui est en
train de subir, tout comme le contentieux international en
général, un éclatement de juridictions ce qui va produire
des effets sur son organisation.
L'étude de ce type de contentieux, nous permet de
cerner quelques problèmes théoriques qui touchent
l'évolution du droit international tel que l'unification de celui-ci qui
va se répercuter sur l'unification du contentieux de la fonction
publique internationale qui demeure archaïque.
Il semble, cependant, aujourd'hui, que chacun reconnaît
l'intérêt de l'existence d'organes de recours qui
déchargent les organes administratifs de fonctions qu'ils ne sont
guère aptes à remplir, limitent l'acuité et l'ampleur des
conflits sociaux au sein de l'organisation internationale et contribuent ainsi
à mettre l'huile dans les rouages. Pour cela, il ne suffit pas qu'ils
existent, il faut encore qu'ils puissent être effectivement saisis par
les intéressés.
L'interrogation sur laquelle portera notre attention sera,
donc, la suivante : comment s'avère le contentieux, stricto sensu,
de la fonction publique internationale ?
C'est à cette tâche que nous consacrerons nos
développements en commençant par démontrer qu'il s'agit
d'un contentieux « sui generis » - Partie
1- .
Cependant, un contentieux qui est en train de subir une
réforme fonctionnelle même si elle est encore inachevée
-Partie 2- .
Partie 1 : Le contentieux de la fonction publique
international : un contentieux « sui
generis »
Alain Pellet a dit que « de même que
les vulcanologues s'éloignent des volcans éteints, les
internationalistes se sont largement détournés de l'étude
du contentieux de la fonction publique internationale », ce
« refus » est dû à la complexité de ce
type du contentieux, et quant à la forme -Paragraphe
1- et quant au fond-Paragraphe 2-.
Paragraphe 1 : Excentricité quant à
la forme :
Les juridictions internationales sont régies par
leurs engagements juridictionnels respectifs. Les tribunaux administratifs
internationaux n'en différencient pas, cependant l'excentricité
s'avère à ce titre dans le fait que les organisations
internationales dépourvues d'un organe de recours peuvent accepter la
compétence d'une juridiction administrative préexistante, pour
statuer dans les affaires les opposant à leur personnel. Cette
possibilité est prévue par le statut du T.A.N.U pour les
institutions spécialisées de l'O.N.U. (art.14), celui du tribunal
administratif de l'O.E.A. pour toute autre organisation intergouvernementale
américaine (art.2, §4). C'est le cas notamment de l'article 21 du
statut du tribunal administratif du F.M.I qui affirme qu'il est possible que
ledit tribunal puisse être saisi par d'autres organisations à
conditions qu'elles ont accepté, préalablement, sa
compétence personal. On constatera, donc, que ces tribunaux sont des
juridictions d'attribution. Il faut noter à cet égard que
les tribunaux administratifs internationaux ont joué le rôle d'un
arbitre. En effet, le T.A.S.D.N fut étendue sa compétence au
personnel du greffe de la C.P.J.I en matière de pension, cette extension
n'était pas statutaires et le tribunal avait une compétence de
type arbitrale fondée sur l'accord de l'organisation en cause et sur
l'accord individuel des membres du tribunal. De même, le tribunal
administratif de l'O.I.T a exercé une compétence arbitrale, dans
son jugement no 28 en date de 12 juillet 1957(Waghorn), où les parties
avaient expressément accordé cette compétence.
Ce ci en ce qui concerne l'exercice des fonctions arbitrales
même s'il s'agit des tribunaux qui exercent selon, leur statut respectif,
des fonctions judiciaires.
Dans le même sens, les tribunaux administratifs ont
élargie leur compétence même en dehors des dispositions
statutaires en restant dans le cadre de l'exercice des fonctions judiciaires.
En effet, le T.A.O.I.T. dans l'affaire Desgranges a considéré
qu'il n'était « pas possible de laisser sans
recours » des fonctionnaires soumis à des conditions d'emploi
spéciales mais pour lesquels aucun mécanisme de protection
juridictionnelle n'avait été prévu, un déni de la
justice est généralement évité en cas de silence.
De même, dans l'affaire Chadsey ledit tribunal avait parlé d'un
droit à la garantie d'un recours contentieux. Le T.A.O.I.T. a, en
revanche, décliné sa compétence dans des autres affaires
comme celle de Darricades qui est un agent temporaire de l'U.N.E.S.C.O dont le
contrat excluait expressément l'intervention de ce tribunal.
Il faut signaler qu'il ne suffit pas seulement que la
juridiction soit compétente, rationae materiae, mais également il
faut que le requérant a une qualité pour agir, rationae
personal. En ce sens et avant de saisir l'organe de recours, le
requérant doit respecter les procédures informelles, tel que le
recours hiérarchique.
Après la phase informelle, le fonctionnaire peut se
diriger vers une juridiction administrative ce qui signifie que si le
requérant a saisi la juridiction sans que les voies de recours
préalables aient été épuisées, sa
requête serait irrecevable. D'un autre côté, le
fonctionnaire doit déposer sa requête dans les
délais légaux, qui sont divers selon chaque juridiction, et
l'expiration de ces derniers entraîne l'irrecevabilité de la
requête pour forclusion.
Ensuite, en ce qui concerne la qualité pour
agir, la jurisprudence administrative a été abondante.
À titre d'illustration le T.A.O.I.T. a eu l'occasion de confirmer cette
formalité dans sa décision no 458, Gaba c. U.N.E.S.C.O.
On doit préciser que les organisations internationales
ne peuvent être que défenderesses. À ce stade, chaque
fonctionnaire peut saisir l'organe de recours désigné par son
statut. Le fonctionnaire peut être en exercice ou un ancien
fonctionnaire. De même, ont qualité pour agir les
« ayants droit » qui sont les personnes qui ont
succédé mortis causa aux droits du fonctionnaire.
Cependant, les juridictions administratives internationales
avaient élargie le cercle des personnes habilitées pour
agir ; en ce sens, dans l'affaire Kimpton le T.A.N.U estimait, en se
fondant sur les travaux préparatoires de son statut, qu'un candidat a la
qualité pour agir.
Mais, peut-on considérer que le secrétaire
général d'une organisation internationale est un fonctionnaire et
par conséquent, a la qualité pour agir ?
Au fil des années, un certain nombre d'affaires ont
été portées devant le juge administratif international par
des fonctionnaires de rang élevé, comme des directeurs
généraux adjoints ou des sous-directeurs généraux,
même devant le Tribunal de la Société des Nations (jugement
2). Toutefois, la situation d'un chef exécutif est bien plus complexe.
Ses fonctions sont à la fois de nature politique et administrative, et
son statut dépendra, au moins dans une certaine mesure, du traité
ou de l'acte portant création de l'organisation elle-même. Dans
une affaire (jugement 580), le T.A.O.I.T a hésité à se
prononcer sur la question de savoir si le Directeur général de
l'Organisation concernée était ou non un membre du personnel.
Mais, la doctrine a affirmé que le droit de saisir le tribunal ne
dépend pas du rang du fonctionnaire concerné; la saisine du
Tribunal est possible seulement si l'intéressé est soumis aux
dispositions du Règlement du personnel de l'organisation.
Ainsi, le requérant bénéficie de la
qualité pour agir, il y a des conditions relatives à la
décision contestée, qui peut être explicite ou implicite,
pour que son recours soit recevable.
Tout d'abord, pour que la requête soit recevable, il
faut qu'il y ait une décision définitive
c'est-à-dire après l'épuisement de toutes les voies de
recours préalables. Décision ne signifie pas un contrat et donc
le fonctionnaire ne peut pas déposer une requête pour faire
statuer les juges sur le contrat liant le fonctionnaire avec son
administration. En effet, le tribunal administratif de l'O.I.T. en appuyant sur
l'article 7 § 1 qui dispose que «Une requête n'est
recevable que si la décision contestée est définitive,
l'intéressé ayant épuisé tous moyens de recours mis
à sa disposition par le Statut du personnel. », a
rejeté une requête parce que la décision attaquée
n'est pas définitive (Jugement no 2825).
Dans l'affaire Rhyner-Cuerel, le T.A.O.I.T a affirmé
qu'il ne peut pas connaitre des requêtes formées contre des
contrats.
Le tribunal a dit dans cette affaire « si la
requérante entendait obtenir l'annulation ou la modification du
contrat(...), elle devait s'adresser d'abord à ses contractants et
provoquer des décisions de leur part. Seules ces décisions
eussent pu, être attaquées devant le tribunal. »
Ensuite, la décision doit produire des effets qui
touchent la situation du fonctionnaire, c'est-à-dire faisant
grief, ainsi la confirmation d'une décision antérieure
ou un simple renseignement ne peut pas faire l'objet d'un recours devant une
juridiction.
On remarque à cet égard que cette condition n'a
pas été mentionnée dans le statut du T.A.O.I.T ni celui du
T.A.N.U, cependant, elle figure dans l'article 59 du statut du Conseil de
l'Europe. Le T.A.O.I.T, à l'occasion de l'affaire Jurado, a
confirmé cette condition, de même la C.J.C.E a défini cette
condition, dans sa décision de 10 décembre 1969 no 32/68, dans
ces termes « une décision faisant grief est un acte de
nature à affecter directement une situation juridique. »
En outre, et en ce qui concerne le caractère
individuel de la décision, on ne peut que relever la
divergence entre les statuts des organisations internationales ce qui influence
par conséquence la jurisprudence en matière du contentieux de la
fonction publique internationale.
Le tribunal administratif des Nations Unies a clairement
affirmé qu'il n'était pas compétent pour annuler erga
omnes une décision réglementaire dans le jugement no 268, 8 mai
1981, Mendez, ce qui n'est pas le cas pour le T.A.O.I.T qui accepte d'annuler
une décision qui a été prise sur la base d'un
règlement général illégal.
Une requête juridictionnelle, pas plus qu'une
réclamation devant un organe de recours, n'a pas d'effet
suspensif. Bien que le contraire eût été
envisagé au moment de la rédaction du statut du T.A.N.U. Ainsi,
l'article 7 §4 du statut de T.A.O.I.T. stipule
que « L'introduction d'une requête n'a pas pour effet de
suspendre l'exécution de la décision
contestée. »
On peut rattacher à cette disposition le refus
opposé par le T.A.O.I.T. à un requérant qui lui demandait
d'interdire la publication d'un document en attendant sa décision au
fond quant à l'auteur de celui-ci dans sa décision no 57, Press
c. OMS. De même dans le jugement no 1584, le T.A.O.I.T a affirmé
que « le recours au tribunal n'a pas d'effet suspensif. »
Cette règle semble, cependant, en partie contestée pat le
Tribunal Administratif de la Banque Mondiale qui, par une ordonnance du 5 juin
1981 (aff. Suntharalingam c. B.I.R.D.), a indiqué que « en
tant que tribunal international, il possède le pouvoir inhérent
d'ordonner les mesures conservatoires destinées à
préserver, pendente lite, les droits qui font l'objet de la
cause. »
En effet, on remarque que les statuts des tribunaux
administratifs internationaux habilitent les juges à prendre des mesures
provisoires si, d'une part, la décision contestée pourrait
générer des dommages irréparables et d'une autre part s'il
parait au juge à première vue que la requête est bien
fondée.
À titre d'illustration, on peut avancer l'article
7 du statut du Tribunal de la fonction publique des communautés
européennes qui fait un renvoi au titre 3 du statut de la cour de
justice dont l'article 39 prévoit explicitement cette
possibilité. On ne manque pas à signaler que les mesures
provisoires font partie de la fonction juridictionnelle d'un tribunal et donc
le refus de prendre des mesures provisoires sous prétexte
d'incompétence constitue lui-même un excès de pouvoir dans
la mesure où une juridiction est incompétente pour refuser, sans
raison, l'exercice de son pouvoir.
En somme, l'éclatement des
juridictions administratives internationales, entre autres, a influencé
le contentieux de la fonction publique internationale au niveau de la forme,
mais est-il le cas au niveau du fond ?
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