Ecriture romanesque post-apartheid chez J.M. Coetzee et Nadine Gordimer( Télécharger le fichier original )par Ives SANGOUING LOUKSON Université de Yaoundé I - Master2 0000 |
III-1-2- Les figures du discours de Brink sur l'Afrique du SudOlivier Reboul définit la figure comme « un procédé de style permettant de s'exprimer d'une façon à la fois libre et codifiée »184(*). Fontanier pense pour sa part que : Les figures du discours sont les traits, les formes ou les tours plus ou moins remarquables et d'un effet plus ou moins heureux, par lesquels le discours, dans l'expression des idées, des pensées ou des sentiments, s'éloigne plus ou moins de ce qui en eût été l'expression simple et commune185(*). Ces conceptions des figures de Reboul et de Fontanier, bien qu'importantes en ce qu'elles suggèrent l'aspect stylistico-rhétorique des discours en général, semblent cependant inopérante pour l'examen du fond ou du sens des discours. C'est la raison pour laquelle les figures dont il s'agit ici se rapportent à la configuration ou au portrait dans le contexte de la peinture. Autrement dit, examiner les figures du discours d'André Brink sur l'Afrique du Sud dans The other side of silence revient à déterminer quelques entrées ou thèmes dont la conjugaison permettrait de reconstituer la pensée ou les sentiments d'André Brink vis-à-vis de son pays. Au nombre de ces figures, je me limiterai à la quête de la liberté, au féminisme et à la diversité. III-1-2-1- La quête de la libertéEn divers points, The other side of silence s'affirme comme roman de la quête de la liberté. L'un de ces aspects est le fait que ce roman est le cadre de la résurrection symbolique d'Hanna X comme cela a été élucidé précédemment. En ressuscitant Hanna X de son oubli, le narrateur et, partant, l'auteur choisissent d'évoluer sur une voie où ils se considèrent comme des pionniers, ce d'autant qu'Hanna X est simplement donnée pour morte par le discours officiel tenu par le gouvernement allemand dans la diégèse. Par cette approche esthétique, Brink défie l'ensemble de la société potentiellement capable de tenir ou qui tient des discours semblables à celui sur Hanna X dans le roman. Le discours officiel sur Hanna X est un discours exhibitionniste à la manière du discours que Njabulo Ndebele combat dans son essai intitulé Rediscovery of the Ordinary. Un discours préoccupé à écarter ou à ignorer toute personne ayant pu faire la tête ou ayant pu résister d'une façon ou d'une autre au pouvoir phallocratique en place. Puisque Hanna X a réussi à éliminer Colonel von Blixen, un puissant membre du pouvoir colonial en place, elle mérite d'être considérée comme anti-modèle dans le discours officiel (OS : 6). D'où l'amnésie dans laquelle elle a été réduite jusqu'au moment où Brink, au moyen de son narrateur décide de l'exhumer de ses décombres. André Brink est également préoccupé par la liberté de la femme. Il ne s'agit plus que la femme continue à subir passivement des mutilations diverses. Il s'agit qu'elle apprenne à dire non ou à opposer une résistance farouche à son infantilisation ou à son invisibilisation par l'homme. C'est à Katja qu'Hanna X explique les enjeux de la démarche dont elle n'est que la porte voix d'André Brink : Why do you keep on talking about revenge, Katja? It is not just revenge. That too of course (...) But it's so much more. You must believe me. You've seen for yourself, in Frauenstein, and even here in this place, how many have been maimed. Not necessarily in the same way, not always so visible, but all of us harmed. Scarred. And for as long as we bear it in silence it will go on. There comes a time when one has got to say No. someone has to stop it. And the world must know about it, they must learn what has been done to us, they must know our names. (OS : 200) Bien que ces propos puissent aussi parfaitement s'appliquer aux ex-colonisés qui font partie de l'armée d'Hanna X, il ne fait aucun doute qu'ils sont ceux d'une femme décidée à se prendre en charge et à se rendre visible à partir des critères qu'elle s'est choisie de façon autonome. Rien donc d'étonnant que The other side of silence se perçoive comme roman féministe. * 184 Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Paris, P.U.F., 2001, p.121. * 185 Fontanier, cité par Michèle Aquien in Michel Janety (s/d), Lexique des termes littéraires, op.cit., p.186. |
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