Ecriture romanesque post-apartheid chez J.M. Coetzee et Nadine Gordimer( Télécharger le fichier original )par Ives SANGOUING LOUKSON Université de Yaoundé I - Master2 0000 |
PARTIE II :ENJEUX DE L'ÉCRITURE ROMANESQUEPOST-APARTHEID DE COETZEE ET GORDIMERL'analyse de Get a life et d'Elizabeth Costello sous l'éclairage de quelques éléments de la mise en texte empruntés à Philippe Hamon, Yves Reuter, Dorrit Cohn, pour ne citer que les plus représentatifs, nous a amené à constater que J.M. Coetzee et Nadine Gordimer, en période post-apartheid transposent chacun à sa manière l'espace cognitif sud-africain, qu'ils désirent solidement implanter en Afrique du Sud. Tandis que Nadine Gordimer expose une vision plus ou moins conforme à la configuration sociologico-politique de l'Afrique du Sud contemporaine, J.M. Coetzee choisit quant à lui, de traduire son pessimisme face à cette nouvelle configuration dans la nouvelle Azanie. L'étude des enjeux de l'écriture romanesque post-apartheid de J.M Coetzee et Nadine Gordimer qu'il est maintenant question d'amorcer, vise la vérification et le dépassement de mon hypothèse de départ ; à savoir que l'écriture romanesque post-apartheid de J.M Coetzee et de Nadine Gordimer restitue mal la véritable diversité culturelle en Afrique du Sud. Elle s'accommode ainsi mal avec celle d'André Brink ou de Zakes Mda, deux autres écrivains sud-africains. De la confrontation que je fais entre Get a life et Elizabeth Costello, d'une part, de Ways of Dying de Mda et The other Side of Silence d'André Brink d'autre part, il ressort qu'au contraire de l'apparent antagonisme dans la démarche esthétique post-apartheid de J.M Coetzee et Nadine Gordimer, ces deux écrivains blancs sud-africains soutiennent des idéologies sinon identiques du moins conciliables. En effet, J.M Coetzee et Nadine Gordimer sont différemment favorables à la sujétion du Noir à un Blanc engagé dans l'aventure spirituelle du capitalisme dans le monde, pour emprunter cette image à Frantz Fanon157(*). L'enjeu de ma confrontation entre quatre écrivains sud-africains, objet du premier chapitre de la deuxième partie de ma réflexion est, pour reprendre les termes de Stuart Hall à propos de la vocation des cultural studies, de permettre de comprendre ce qui se passe, et particulièrement de proposer des outils de pensée, des stratégies de survie et des moyens de résistance à tous ceux qui sont aujourd'hui, en termes économiques, politiques et culturels, exclus de ce que l'on peut appeler l'accès à la culture nationale de la communauté nationale158(*) . En d'autres termes, il s'agit de mettre en évidence la manière dont l'écriture post-apartheid de Brink ou de Mda aide à localiser celle des deux prix Nobel sud-africains de littérature. Ce travail nous permettra d'examiner si J. M. Coetzee et Nadine Gordimer sont exclus de la culture nationale de leur pays et servent plutôt comme des agents d'une culture libérale excentrée. En guise de dépassement de mon hypothèse, je m'interrogerai rétrospectivement sur la neutralité, la légitimité de l'institution Nobel ; son autonomie vis-à-vis de la tradition libérale. En d'autres termes, il s'agira de voir si le Nobel ne correspondrait pas à une institution au service de l'aliénation de l'écrivain, aliénation qui procède de ce que Walter Benjamin, traitant de l'impossible créativité chez Charles Baudelaire appelle « l'exploitation du producteur au nom d'un principe, la « créativité », principe selon lequel le poète est supposé avoir accouché par lui-même de son oeuvre tiré de son pure esprit »159(*). La vérité n'est-elle pas peut-être qu'à défaut de créativité véritable, ce que Nick Visser appelle « radical narrative »160(*), le Nobel jette son dévolu, au moins en ce qui concerne l'Afrique du Sud, plutôt sur des écrivains talentueux en matière de diversification des modes d'articulation d'une vision du monde qui accorde peu d'importance à la diversité véritable, la poétique de la relation pour parler comme Édouard Glissant ? C'est du moins une hypothèse que je m'atèle à examiner dans la deuxième articulation de la présente partie de ma réflexion. CHAPITRE III:* 157 Fanon parle notamment de l'aventure Spirituelle de l'Europe pour signaler les moyens dévastateurs sur lesquels repose la construction de l'Europe, voir Franz Fanon, les Damnés de la terre, op.cit., p. 371. * 158 Stuart Hall, Identités et cultures, politique des cultural studies, op. cit., p. 69. * 159 Walter Benjamin, Charles Baudelaire: A lyric Poet in the Era of High Capitalism, Londres, New Left Books, 1973, P. 71, cité par Edward Said, L'Orientalisme... op.cit., p. 26. * 160 Nick Visser, cité par Kathrin Wagner, Rereading Nadine Gordimer, op.cit., p. 21. |
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