II.3.2.1- Les propagateurs du
mythe du centre
Le dictionnaire Hachette de la langue
française définit le mythe comme une représentation
traditionnelle simpliste et souvent fausse, mais largement partagée.
Dans mon entendement, parler du mythe du centre, c'est parler de la fabulation
dont l'Occident fait l'objet dans l'imaginaire du sujet post-colonial. Dans son
imaginaire l'Occident existe en effet, comme un paradis sur terre ; comme
un eldorado. Dans le pays de Musa, il y a des organes qui se chargent de
propager cette fausse idée de l'Occident. Il s'agit par exemple de la
télévision.
Dans le village de Musa, la télévision propage
des images de l'Occident où des marches populaires ne sont pas
réprimées comme dans le pays de Musa. Ces images se gravent dans
les esprits des jeunes au point que ces derniers finissent par
considérer l'Occident comme un modèle. Par voie de
conséquence étant encore dans leur pays de corps, ils sont en
Occident d'esprit. C'est pour cette raison que les revendications qu'ils
continuent de formuler, malgré la répression du gouvernement,
s'appuient toujours sur le modèle occidental :
These young men want change (...) change with
elections that are not rigged or declared void when the government's opposition
wins ; hard bargains with the West made from a position of counter-power,
not foot-kissing, arse-licking servitude (they bring the right vocabulary back
with them from the West, whatever else they were denied) (P. 176)
La presse contribue aussi à propager le mythe de
l'Occident dans le pays de Musa. C'est du moins la thèse qui se
dégage de l'argumentation ci-après que Musa développe en
direction de Julie. Musa vient alors d'obtenir deux visas pour les USA et, un
journal à la main, tente de persuader Julie qui manifeste à Musa
sa désapprobation quant à son émigration hors du pays de
Musa. Suivons plutôt:
This time I have the chance to move out of all that,
finished, for ever, for ever, do what I want to do, live like I want to live.
That is the country for it. There are plenty of chances again now, there; you
don't read the papers, but the unemployment is nothing. Lowest for many years.
Work for every body (P ; 227).
La presse que Musa tient en main dans cet extrait divinise
simplement l'Occident en le présentant comme un univers ne souffrant
d'aucun reproche. Cette presse aiguise pour ainsi dire l'appétit de
l'émigration chez le sujet post-colonial. Ce d'autant plus que ce
qu'elle présente comme abondant en Occident manque cruellement dans le
pays de Musa.
Ces deux organes de l'information ont donc un rôle
suffisamment important pour expliquer l'extraversion de Musa. Compte tenu de la
représentation qu'il a héritée de l'université, on
peut bien considérer ces organes de l'information comme des outils que
le centre met à la disposition de Musa pour que ce dernier ne se
dissuade jamais de l'idée fausse selon laquelle l'Occident est un
univers idéal voire paradisiaque alors que son pays est un enfer. Mais
comme nous l'avons relevé dans le précédent chapitre, Musa
refuse de s'identifier à son pays. Lorsqu'il y est il renonce
catégoriquement à s'y établir. En Afrique du Sud,
où il est au début du roman, il trouve autre chose qui lui permet
de se donner raison de s'y installer.
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