CHAPITRE II :
LES LIMITES A UNE EXPRESSION SIGNIFICATIVE
DES DROITS DES ACTIONNAIRES
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La consécration d'un ensemble considérable de
mesures protectrices des prérogatives des actionnaires est
indéniablement un pas fort louable dans les objectifs d'attraction des
investissements et de la compétitivité des économies
africaines. Pourtant, en l'état actuel de ce droit, de nombreuses zones
d'ombre subsistent sur l'efficacité de la protection des droits des
actionnaires en assemblées. Effet, il existe de nombreuses
difficultés qui ne permettent pas à ces derniers d'assurer la
plénitude de leurs prérogatives.
Dans ces conditions, il convient de mettre en relief les
différents obstacles se dressant sur le chemin des actionnaires (Section
1), afin de mieux les combattre (Section 2).
SECTION I- LES DIFFICULTES D'EXERCICE DES DROITS
DES ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES
Seul un contrôle effectif, prompt, constant et efficace
peut conduire à une protection réelle et absolue des
actionnaires. Or tel n'est pas souvent le cas. En effet, les
intéressés sont pour la plupart du temps exposés à
de nombreux obstacles dont certains constituent, soit des limites normatives,
soit des limites factuelles. Mais l'essentiel des difficultés d'exercice
des droits des actionnaires en assemblées se rapporte à la
faiblesse de la participation (§1) et de la représentation
(§2) des actionnaires.
§1- LES LIMITES RELATIVES A LA FAIBLESSE DE
PARTICIPATION DES ACTIONNAIRES AUX ASSEMBLEES
Signalons dès l'abord qu'il s'agit de la participation
des actionnaires aux décisions collectives telles que rendues
obligatoires par l'art. 125 de l'AUSC143. Pour ce faire, ceux-ci
doivent se regrouper au sein des « assemblées »
où ils vont effectivement exercer leurs prérogatives de
contrôle et de haute gestion144. Le problème naît
de ce que la législation OHADA n'a retenu comme mode de prise de
décisions collectives que la présence effective ou la
représentation aux assemblées. Pourtant, l'institution d'un vote
par correspondance pourrait renforcer les droits des actionnaires (A). De
même, l'indifférence vis-à-vis des moyens de
télécommunications constitue à notre sens, une
sérieuse limite à cette expression (B).
A- L'absence de vote par correspondance
Le vote est le fondement même de la démocratie
dans toute société - commerciale ou non -, et comme tel,
constitue une arme absolue entre les mains de l'actionnaire dans sa
participation à la gestion et au contrôle des organes de direction
de la société commerciale. Prérogative d'ordre public en
droit OHADA, ce droit est la pierre de touche de la «
citoyenneté », des membres du groupement145 ;
« l'une des vaches sacrée du droit des
sociétés146 ». Le législateur a,
à priori, voulu en faire un élément fondamental, mais
semble être resté à mi-chemin de son oeuvre, contrairement
à son homologue français.
Afin de faciliter, en effet, la participation des actionnaires
à la vie de la société et pour mieux lutter contre les
effets néfastes de l'absentéisme147, le
législateur français a consacré le vote par correspondance
dans la loi du 03 janvier 1983 relative au développement des
investissements et à la protection de l'épargne148. Il
s'agit désormais de permettre aux actionnaires qui ne peuvent pas
physiquement assister à l'assemblée d'y envoyer leur vote par la
poste ou par tout autre moyen, de préférence, laissant trace
écrite. Le droit OHADA est resté en marge de cette
évolution, même si
143 Cet article dispose en effet, que « Sauf disposition
contraire du présent Acte Uniforme, tout associé a le droit de
participer aux décisions collectives. Toute clause statutaire contraire
est réputée non écrite ».
144 GUYON Y. , Droit des affaires, op. cit., n 300, p. 295.
145 ALFANDARI E., Droit des affaires, les cadres
généraux, l'entreprise, les activités, Litec, 1993, n 328,
p. 234.
146 VIANDIER A., cité par MERLE PH., op. cit., n 506, p.
271.
147 KAGOU KENNA (P.H.), « La représentation des
actionnaires dans les sociétés commerciales OHADA ».,
Mémoire de DEA, Droit Communautaire et Comparé CEMAC, UDS, avril
2007, p. 29.
148 Rappelons que ce droit était absent des dispositions
de la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés.
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une lecture hâtive pourrait laisser penser qu'il a
été consacré dans ce droit le vote par correspondance.
Aux termes de l'art. 133 de l'AUSC, en effet, « Dans les
conditions propres à chaque forme de société, les
décisions collectives peuvent être prises en assemblée
générale ou par correspondance ». En réalité,
le terme correspondance ici renvoie à notre sens, à une autre
modalité de prise de décision différente de
l'assemblée des actionnaires et non pas une modalité de
participation aux assemblées. D'ailleurs, cette position est clairement
exprimée par une doctrine à laquelle nous adhérons et
d'après laquelle, « il n'a pas été
institué de vote par correspondance » dans les
S.A.149
Conséquence, les droits des actionnaires sont
inéluctablement amenuisés. Toutefois, le droit des affaires fait
la part belle à la pratique et il est utile de noter que les
actionnaires peuvent bien envoyer leurs opinions sur les résolutions par
poste, bien que l'on puisse douter de leur arrivée à temps
à la société, c'est-à-dire avant la tenue de
l'assemblée. Par ailleurs, on peut tout aussi se demander s'il est
bénéfique pour ces derniers que le vote par correspondance soit
consacré. Assurément, cette modalité de vote est un
palliatif à la représentation des actionnaires, et partant, un
remède à leur absentéisme aux
assemblées150. En outre, il présenterait l'avantage
d'être simple et pratique, car l'actionnaire n'a pas à chercher un
mandataire qui accepte de voter dans le sens qu'il souhaite ; il remplit
simplement un formulaire et le retourne à la société.
A cette lacune, l'on peut ajouter les difficultés
relatives à l'indifférence des actionnaires vis-à-vis des
TIC.
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