REPUBLIC OF CAMEROON
REPUBLIQUE DU CAMEROUN
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*********
Paix - Travail - Patrie *********
Peace - Work - Fatherland *********
MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
MINISTRY OF HIGHER EDUCATION
*********
THE UNIVERSITY OF DSCHANG
UNIVERSITE DE DSCHANG
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FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET
POLITIQUES
FACULTY OF LAW AND
POLITICAL SCIENCES
La protection civile des
actionnaires dans l'espace
OHADA
Mémoire de fin d'études de
troisième cycle en vue de l'obtention du Diplôme d'Etudes
Approfondies (DEA) en Droit Communautaire et comparé
CEMAC
Présenté et soutenu publiquement par:
EKWELLE EKANE Narcisse
Maîtrise en Droit des Affaires
Sous la direction de :
et
Sous la supervision de :
Dr. DJILA Rose Docteur d'Etat en Droit
Privé Chargée de Cours
Pr. ANOUKAHA
François Agrégé des Facultés de
Droit Doyen
Promotion 2006 - 2007
i
DEDICACE
A ma famille et tout particulièrement:
- A mon père, EKANE NKUMBE Wilfred
- A ma mère, ESONG Grace
- A ma tante, Mme MPAH EWANE née
EKWELLE
EPOTE Shella
Pour toute l'affection et l'inconditionnel soutien qu'ils
n'ont de cesse d'apporter dans ma vie.
ii
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce travail n'a été
rendue possible que grâce au concours d'un certain nombre de personnes.
C'est pourquoi, je voudrais qu'elles trouvent ici l'expression d'une infinie
gratitude. Mes remerciements vont ainsi à l'endroit du
Professeur ANOUKAHA François, pour avoir accepté
que mes premiers pas dans la recherche se déroulent sous sa supervision,
ainsi que pour la qualité de l'ensemble de la formation dont nous avons
bénéficié sous sa houlette.
Je voudrais tout aussi spécialement adresser mes
sincères remerciements à mon directeur de mémoire, le
Docteur DJILA Rose qui, nonobstant ses multiples occupations,
a accepté de diriger ce mémoire, tout en me faisant observer que
la rigueur et la discipline sont indissociablement les clés du
succès. Ma reconnaissance vis-à-vis d'elle va au-delà de
tout mot.
Mes remerciements vont également à l'endroit de
tous les enseignants de la faculté des sciences juridiques et politiques
notamment, au Professeur KALIEU ELONGO Yvette Rachel, aux Docteurs
FOLEFACK Ernest, NGUIHE KANTE Pascal et NJEUFACK TEMGWA
René, pour leur contribution à la qualité de
notre formation, et leur disponibilité.
Je remercie en outre très chaleureusement mes
frères et soeurs, les nommés Eric EWANE EKANE, NTUBE
EKANE Delphine, DIONE EKANE Calista, EPEDE Adeline EKANE et NKUMBE EKANE
Gédéon, ainsi que ma nièce, EPOTE E.
Lucrèce Sally.
Je remercie tout aussi M. KAGOU NKENNA Patrice Hubert,
TAKAFO Didier, pour leur contribution.
A mes camarades de promotion, NGNIDJIO TSAPI Marlize
Elodie, LAFON Honoré, TALLYNG Stève, MANFOUO FOUOTSA
Hervé, FOTSO KOUAM Alain B., KENMEUGNE KOUAM Gervais.
A mes amis et connaissances, EKOSSO EBWELLE Ange
Tousine, SOP Marcial, TSOBGNY William, DAMKAM Yannick, SEME Francis, GANOU
Gaëlle, CHIOFFO Arin, NGOLOKO Stéphane, NFON Gertrude, MOUKETE
EKOUME, KALLA BILLE Ernest, NDONJIO TAKONGMO Jean, la famille
MEKEZE.
A tous ceux qui, de près ou de loin ont contribué
à ce travail et qui ne verront pas leurs noms portés ici, je leur
adresse mes sincères remerciements.
iii
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
Al. : Alinéa
Art. : Article
AUDCG : Acte Uniforme relatif au droit commercial
général
AUSC : Acte Uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du
groupement d'intérêt économique
AUPC : Acte Uniforme relatif à l'organisation des
procédures collectives
d'apurement du passif
Bull. : Bulletin
Bull. Joly : Bulletin Joly
Cass.com. : Chambre commerciale de la Cour
de cassation française
Cass.civ : Chambre civile de la Cour de cassation
française.
Ed. : Edition
JCP : Jurisconsulte Périodique (semaine juridique)
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
Litec : Librairie Technique
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires
Op.Cit. : Opere Citare (cité plus haut)
P. : Page
PUA : Presses Universitaires d'Afrique
PUF : Presses Universitaires de France
Rev.soc : Revue du droit des sociétés
S. : Suivant
S.A. : Société Anonyme
T. : Tome
iv
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : LA SAUVEGARDE DES DROITS DES
ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES 9
CHAPITRE I : L'EXPRESSION DES DROITS DES ACTIONNAIRES
10
SECTION I : LES MOYENS D'ACTION DES ACTIONNAIRES EN
ASSEMBLEES 10
§1- l'exercice des droits politiques : manifestation du
principe d'egalite entre les actionnaires 11
§2- la garantie ou le caractere obligatoire des droits
pecuniaires des actionnaires 16 SECTION II- LES SANCTIONS AFFERENTES
A LA VIOLATION DES DROITS DES ACTIONNAIRES EN
ASSEMBLEES 18
§1- les sanctions de principe 18
§2- la sanction d'exception ou la mesure de gestion des
crises: l'intervention d'un administrateur provisoire 41 CHAPITRE II
- LES LIMITES A UNE EXPRESSION SIGNIFICATIVE DES DROITS DES
ACTIONNAIRES
45
SECTION I- LES DIFFICULTES D'EXERCICE DES DROITS DES
ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES 45
§1- les limites relatives a la faiblesse de participation
des actionnaires aux assemblees 46
§2- les entorses relatives a la representation des
actionnaires 48
SECTION II- LES MESURES CORRECTRICES 52
§1- la question des associations d'actionnaires et la
creation d'un marche de droits de vote 52
§2- l'effectivite du role des organes sociaux 54
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE 56
DEUXIEME PARTIE : PROTECTION DES ACTIONNAIRES CONTRE LES
ACTES DE GESTION 57
CHAPITRE I- PROTECTION CONTRE LES ACTES DE GESTION ET LES
CONTROLES DEFAILLANTS 58 SECTION II- LA DETECTION PRECOCE DES ACTES
FAUTIFS DES DIRIGEANTS ET DU
COMMISSAIRE AUX COMPTES 58
§1- la procedure juridictionnelle de controle :
sollicitation de l'expertise de gestion 59
§2- la procedure non juridictionnelle de controle :
l'alerte 69
SECTION II- LES SANCTIONS CONSECUTIVES AUX INVESTIGATIONS
76
§1- la responsabilite civile des dirigeants sociaux 77
§2- la responsabilite des tiers : le cas du commissaire aux
comptes 90 CHAPITRE II- LA FAIBLESSE DES MOYENS DE PROTECTION EN
PLACE ET LES IMPERATIFS DE
REFORMES 93
SECTION I- LES DEFAILLANCES DU DISPOSITIF DE PROTECTION
93
§ 1- les limites des moyens de detection precoce des actes
de gestion fautifs 93
§2- difficultés d'exercice des actions en
responsabilite 96
SECTION II- AXES DE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES
ACTIONNAIRES 99
§1-vers une responsabilite sans faute ? 99
§2-l'obligation de souscription d'une assurance par les
dirigeants sociaux et les commissaires aux comptes 100
CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE 102
CONCLUSION GÉNÉRALE 103
ANNEXES 106
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 121
TABLE DES MATIÈRES 125
RESUME
Titulaire d'une action de capitaux et reflétant
l'idée même d'entrepreneur, de partenaire économique,
l'actionnaire constitue le prêteur de dernier ressort à
l'entreprise et favorise ainsi son développement économique.
C'est lui qui prend le risque ultime de l'entreprise mais se retrouve
très souvent au centre d'une confluence d'intérêts
présents au sein de la société commerciale. D'où la
nécessité de créer un cadre de protection pour ce
promoteur du développement. Mais de quelle protection s'agit-il ? Au
moment où on assiste à un débat sur l'opportunité
d'une dépénalisation dans le domaine des affaires, il s'est agi
pour nous de dégager, autant que possible, tous les instruments
juridiques mis à la disposition des actionnaires, devant leur permettre
d'assurer la souveraineté de leurs droits et prérogatives sur le
terrain civil à quelques niveaux qu'ils puissent se trouver, notamment
au sein des assemblées et contre les actes de gestion et de
contrôle suspects. Dans ce sens, il convient de définir la
protection civile comme l'ensemble des moyens de droit permettant la
reconnaissance, la défense ou la sauvegarde de droits individuels ou
collectifs par le truchement d'une action en justice en matière non
répressive. Une série d'interrogations majeures affluent alors.
Où faut-il assurer les droits des actionnaires ? Comment le
législateur OHADA, par l'entremise du droit des sociétés
commerciales parvient-il à sauvegarder les intérêts des
actionnaires au regard des immenses capitaux investis dans la
société commerciale sur le terrain civil ? Souvent issues de
crises de confiance engendrées par des scandales financiers, les
réglementations protectrices sont-elles vraiment efficaces ? Plus
précisément, il s'agira d'apprécier si ces mesures peuvent
avoir une influence sur le choix d'investir ou non dans une
société située dans l'espace OHADA et dans quelle optique
un accroissement ou une réduction de la protection peut être
nécessaire.
vi
ABSTRACT
Holder of a share in a public limited company and reflecting
as such the idea of an entrepreneur, of an economic partner, a shareholder
constitute the lender of last resort to the enterprise hence favours it
economic development. He takes the ultimate risk of the enterprise but finds
himself more often at the centre of a conflict of interest found within
commercial companies. Whence the necessity to create a frame of protection for
this promoter of development. But of which protection are we talking about? At
the moment we assist at a debate on the opportunity of decriminalizing within
the business domain, our task was to highlight as much as possible all the
legal instruments placed at the disposal of the shareholders permitting them to
assure the sovereignty of their rights and prerogatives at the civil field
where ever its may be, precisely during general meetings and against suspicious
management and control acts. On this sense, there is need to define the civil
protection as a body of legal means permitting the acknowledgement, the defense
or the safe guard of rights, individual or collective by means of an action in
justice in non repressive matters. A series of affluent major matters flows.
Where should shareholders rights be protected? How does the OHADA legislation
ensures the interest of these economic partners on the civil plan? At times
issued of crisis of trust orchestrated by financial scandals the protective
regulations, are they really efficient? To be more precise, it's about
appreciating if these measures can have an influence on the choice of investing
or not in a company situated in the OHADA space and in what sense an increase
or a reduction of this protection can be necessary.
1
Le regroupement des Etats africains dans le cadre des
politiques concertées est désormais le gage de leur essor
économique dans un contexte fortement marqué par la
mondialisation de l'économie. L'Afrique, en effet, a beaucoup de
difficultés à amorcer son développement. L'image qu'elle
projette d'elle-même sur ce plan n'est pas du tout reluisante :
((continent en détresse » ; ((continent sous
perfusion»; (( faillite et naufrage » d'un continent
1; bref, les images sombres sont si nombreuses que certains
observateurs anglo-saxons2 ont pu suggérer une nouvelle
représentation de la terre en quatre continents.
Ces difficultés ne sont pas une fatalité
heureusement, et c'est alors qu'un certains nombre d'Etats africains
multiplient sans cesse les moyens susceptibles d'assurer le
développement du continent. Aussi ont-ils, dans cette optique, choisi
comme cadre d'action la concertation, appelant aux mouvements
d'intégration régionale3. Les efforts
d'intégration économique, depuis les
indépendances4, ont donc été faits à
l'aune de la recherche d'une véritable
compétitivité. Mais il semble que, pour pousser
à l'extrême point de son raffinement l'intégration
économique, elle doive être nécessairement
accompagnée d'une véritable intégration juridique,
matérialisée par une oeuvre préalable d'uniformisation ou
d'harmonisation juridique voire judiciaire.
Ainsi, et à l'instar des Etats occidentaux, l'Afrique
s'aligne aux tendances actuelles de rapprochement des législations
-provoquées par la mondialisation de l'économie - à
l'effet de conforter cette intégration économique. Yves GUYON le
disait déjà, (( Ce n'est en effet un secret pour personne que
si le droit n'est pas une condition suffisante du développement, il en
est une condition nécessaire ».5Il faut souligner
cependant que l'idée même de création d'un cadre juridique
commun des Etats africains, notamment ceux de la zone franc n'a rien de
contemporain. Tout juste après les indépendances,
en effet, des tentatives d'intégration juridique
initiées par
1 ZADI KESSY (M.), Culture africaine et gestion de
l'entreprise moderne, édition CEDA, 1998, p.5.
2 Notamment des observateurs américains et
certains du Japon.
3 TIGER (PH.), Le droit des affaires en Afrique, PUF,
p.3.
4 La plupart des Etats africains accèdent
à la souveraineté nationale et internationale à partir des
années 1960, et leur gouvernement tente déjà de trouver
quelques actions concertées de développement. 4 GUYON
(Y.), <<Conclusion », in Petites affiches, 13 octobre 2004,
n°205, p.59.
5 GUYON (Y.), <<Conclusion », in Petites
affiches, 13 octobre 2004, n°205, p.59.
lesdits États n'ont malheureusement pas connu un
succès retentissant à la hauteur des attentes6.
La création en 1993 de l'OHADA7
matérialise sans aucun doute l'intégration juridique la plus
significative en Afrique des temps modernes. L'Organisation, expression d'une
politique décidée 8 par les Etats africains de la zone
franc à Port-Louis le 17 octobre 1993, constitue une avancée
formidable pour le droit africain et le développement du
continent9. Elle présente de prime abord un double
intérêt ; elle est un regroupement de 16 pays principalement
d'Afrique francophone10, d'une part et d'autre part, elle est aussi
un traité conclu entre ces pays. Elle vise ainsi à renforcer
l'attractivité des pays membres, à favoriser l'émergence
d'une Communauté économique africaine et à soutenir le
progrès économique et social dans un contexte où la
globalisation des marchés appelle audace, dynamisme, sécurisation
et amélioration du climat d'investissement.
Véritable révolution, le traité OHADA
réalise une avancée certaine dans les efforts
d'intégration juridique des pays de la zone franc naguère sous
l'influence des législations étrangères.
Droit du bon sens11, le traité OHADA a de
nobles objectifs qui, au surplus, ont vocation à offrir aux
entrepreneurs de la zone franc une sécurité juridique et
judiciaire pour un environnement propice à la pratique des affaires. Le
traité ambitionne de renforcer 12 le système juridique
des Etats membres en créant un cadre juridique commun, simple, moderne
et adapté à la conduite des affaires, essentiel pour le
développement économique et social du continent dans son ensemble
13. Il faut préciser que, droit
conquérant14, en constante évolution, l'OHADA
transcende les frontières étatiques et ne s'adresse pas
exclusivement aux pays de la zone franc, mais bien à « un cadre
africain plus large », selon l'expression même du
traité.
6 Ce fut précisément le cas de
l'Union africaine et malgache (UAM) dissoute en 1964, et remplacée par
l'Organisation commune et malgache (OCAM). On a pu expliquer cet échec
par la taille de ces mouvements d'intégration indéfiniment plus
étroites, confinées pour la plupart soit à la
création d'une plate forme juridique dans un secteur précis
(banques, assurances...), soit à la création de cette plate forme
dans un domaine restreint à une région ou sous-région (
UDEAC, UEMOA...).
7 Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires.
8 POUGOUE (P.-G), ANOUKAHA (F.), NGEUBOU TOUKAM
(J.), CISSE (A.), DIOUF (N.), SAMB (M.) , Le droit des sociétés
commerciales et du groupement d'intérêt économique OHADA.
Bruylant, Bruxelles, 2002, avant propos de Jacques David.
9 MARTOR (B.), et THOUVENOT (S.), <<
L'uniformisation du droit des affaires en Afrique par l'OHADA », in
Semaine Juridique n°44, 28 octobre 2004, n°1, p.5
10 PAILLUSSEAU (J.), << Le droit de l'OHADA -un
droit très important et original », in Semaine Juridique n°44,
28 octobre 2004, n°1, p.1
11 GUYON (Y.), <<conclusion », in Petites
affiches, Op. Cit. , n°4, p.60.
12 Article 1er du traité OHADA.
13 MARTOR (B.), et THOUVENOT (B.), Op. Cit., n°1,
p.5.
14 ANOUKAHA (F.), << L'OHADA en marche »,
in Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Tome 6,
PUA, 2002, n°3, p.2.
3
L'Institution vise ainsi à harmoniser le droit des pays
membres. Mais plus qu'une harmonisation, il s'agit en réalité
d'une unification 15du droit des affaires desdits pays, qui se
traduit par l'adoption concertée des textes appelés « Actes
Uniformes »16, lesquels s'imposent aux législations
nationales antérieures et postérieures des Etats membres.
L'étendue du traité justifie dans ces conditions l'importance des
Actes Uniformes consacrés17, eux-mêmes embrassant
plusieurs domaines18du droit des affaires au rang desquels se trouve
en bonne place le droit des sociétés commerciales et du
groupement d'intérêt économique.
Le dessein primordial du législateur OHADA étant
de favoriser l'investissement, il n'est guère permis de douter que le
moyen le plus approprié pour le réaliser est la
société commerciale, indépendamment de sa forme. Mais
quelle forme sociétaire sied à l'activité
économique envisagée ? Le législateur communautaire met
à la disposition de l'entrepreneur, via l'Acte Uniforme relatif au droit
des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique, une mosaïque de formes sociétaires oscillant
entre les sociétés de personnes, les sociétés de
capitaux et, une forme hybride appelée société à
responsabilité limitée19. Les sociétés
de capitaux, néanmoins fortement conseillées lorsque les
investissements sont d'une importance considérable et, la
société anonyme restée l'unique société de
capitaux après la disparition de la société en commandite
par actions 20, est considérée par une doctrine
majoritaire comme un « merveilleux instrument de capitalisme moderne
» 21. C'est pourquoi nous limiterons notre étude à ses
acteurs.
Mais la succession des crises financières et les
incertitudes que reflète le débat récurrent sur la
pertinence des normes comptables, et surtout la recherche du mode idéal
de gouvernance des sociétés placent l'actionnaire au centre d'un
débat économique et juridique fondamental. Ce dernier, dans une
société cotée, est en effet
15 PAILLUSSEAU (J.), Op. Cit. n°4, p.2.
16 TIGER (PH.), Op. cit., p.5.
17 Acte Uniforme relatif au droit commercial
général ; Acte Uniforme relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique ; Acte Uniforme portant organisation des sûretés
; Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d'exécution ; Acte Uniforme portant
organisation des procédures collectives d'apurement du passif ...
18 Droit commercial général ; droit
des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique ; droit des sûretés ; procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ;
procédures collectives d'apurement du passif ; droit de l'arbitrage ;
l'organisation et l'harmonisation de la comptabilité des entreprises ;
les contrats de transport de marchandises par route.
19 Il s'agit là des sociétés
dites légales, auxquelles il faut ajouter celle dites anormales ou
illégales, telles que la Société en participation, la
Société de fait et la Société créée
de fait.
20 Sous l'ancienne législation sur les
sociétés commerciales, il existait deux sociétés
par actions: la S.A et la SCA. L'avènement de l'OHADA vient mettre un
terme à la vie des SCA et ne consacre que la SA comme l'unique
société de capitaux.
21 RIPERT (G.), Aspects juridiques du capitalisme
moderne, Paris LGDJ, 1951, réédition LGDJ 1992, N°42, P.98
et S. / repris par GUYON (Y.), NGOMO (Fl.), POUGOUE (P.-G.), ANOUKAHA (F.),
NGUEBOU (J.) et bien d'autres.
en droit de savoir de quelles protections il dispose lorsqu'il
investit. Ce qui n'est pas toujours le cas, compte tenu de la complexité
croissante du droit applicable. D'où la nécessité d'une
évolution vers plus de transparence, la rentabilité de la
société commerciale étant largement fonction de sa
crédibilité parce que sa gestion est ((saine, transparente,
et responsable »22. Qui plus est, la vie en ((
société », en raison sans doute des immenses capitaux
qui y sont investis, et de la pléthore d'intérêts en
présence -qui se posent en s'opposant-, se révèle
n'être pas une sinécure. Par voie de conséquence, la
société ne sera réellement attrayante que si les
différents protagonistes, précisément les
opérateurs économiques, sont persuadés de la sauvegarde de
leurs intérêts. Le droit OHADA s'efforce donc de les
protéger.
C'est précisément à ce niveau que l'Acte
Uniforme, entré en vigueur le 1er janvier 1998 et abrogeant un texte qui
a plus d'un siècle23 , trouve la plénitude de sa
consécration, en s'inscrivant ainsi dans la philosophie de l'OHADA. Ce
texte contient ainsi des dispositions destinées à renforcer les
droits et pouvoirs des actionnaires sans cesse sous le coup d'une menace. Pour
se faire, il a retenu à l'actif de ses importantes innovations, un
ensemble de mesures protectrices d'intérêts apparaissant
disséminées, variées et nombreuses dans le nouveau
droit24 , mais qui procèdent somme toute d'un même
objectif : le maintien, à tout le moins, le rétablissement de
l'équilibre rompu ou susceptible de l'être au sein de la
société commerciale. Plus récemment, un vent soufflant de
l'atlantique a fait pénétrer en Afrique la notion de ((
corporate governance » c'est- à- dire le gouvernement
d'entreprise, dont le but est de restaurer l'actionnaire dans son pouvoir
suprême au détriment du management, par un droit de regard
accentué.
Il s'agit en clair pour le législateur OHADA, au moment
où on assiste à un débat sur l'opportunité d'une
dépénalisation dans le domaine des affaires, de mettre à
la disposition des actionnaires des instruments juridiques leur permettant
d'assurer le respect de leurs droits25 et prérogatives sur un
terrain purement civil, à l'aune des incartades souvent observées
dans la société anonyme. Et, c'est avec une profusion de
détails que l'Acte Uniforme réglemente les différentes
actions susceptibles d'être mises en exergue par les actionnaires au
nombre desquelles, les actions de nature civile et dans une certaine mesure les
actions civiles. D'où le choix de notre
22 POUGOUE (P.-G.), « L'impact de l'Acte
Uniforme de l'OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et
du GIE sur le contrôle et le développement des entreprises
locales. », in Juridis Périodique, N°66, Avril- mai-juin 2006,
p.107.s.
23 Loi française du 24 juillet 1867 sur les
sociétés par actions.
24 MEUKE (Y.B), « L'information des actionnaires
minoritaires dans l'OHADA : réflexion sur l'expertise de gestion.
»,
w.w.w.ohada.com. 25 Aux titres
d'actionnaires, l'Acte uniforme attache divers droits dits pécuniaires
et extra pécuniaires. V. POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM
(J.), op. cit. , n° 151-161, p. 66-71
25 Aux titres d'actionnaires, l'Acte uniforme attache divers
droits dits pécuniaires et extra pécuniaires. V. POUGOUE (P.G.),
ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM (J.), op. cit. , n° 151-161, p. 66-71
5
thème : << La protection civile des actionnaires
dans l'espace OHADA. >>. Des précisions importantes
méritent d'être apportées sur les termes de ce thème
afin d'éviter tout imbroglio.
Tout d'abord, l'expression <<protection>> renvoie
à la sécurisation, à la régularisation, à
l'assainissement des intérêts patrimoniaux ou extrapatrimoniaux
des associés, des actionnaires. Elle désigne selon un vocabulaire
juridique26, une précaution qui, répondant au besoin
de celui ou de ce qu'elle couvre et correspondant en général
à un devoir pour celui qui l'assure, consiste à prémunir
une personne ou un bien contre un risque, à garantir sa
sécurité, son intégrité par des moyens juridiques
ou matériels. Par <<protection >>, il faut donc entendre la
protection juridique, soit l'ensemble des moyens de droit permettant la
reconnaissance, la défense ou la sauvegarde de droits individuels ou
collectifs.
Ensuite, le terme <<civil>> du latin civilis
et, dans son acception large, est synonyme de privé par opposition
à pénal, ou à public27.
Enfin et quant au terme << actionnaires >>, il
désigne le titulaire d'une action de capitaux28, et
reflète l'idée d'entrepreneur, de partenaire économique.
De façon générale, c'est un associé29,
c'est -à -dire un participant à la société qui
prend le nom d'actionnaire 30 dans la société anonyme
bien que les avis soient partagés en la matière31. Il
est donc celui qui a fait un apport, 32et qui manifeste la
volonté de s'unir, c'est -à -dire de satisfaire aux exigences du
critère normal déterminé par la doctrine: l'affectio
societatis. Bref, l'actionnaire est celui au profit de qui est
créée la société commerciale.
Dans ce sens, il convient de définir la
<<protection civile >> comme l'ensemble des moyens de droit
permettant la reconnaissance, la défense ou la sauvegarde de droits
individuels ou collectifs par le truchement d'une action en justice en
matière non répressive.
26 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association
Henri Capitant, quatrige, PUF, 1987.
27 Exemple : les juridictions civiles englobent les juridictions
commerciales et/ou prud'homales par opposition aux juridictions
répressives et administratives.
28 GUILLIEN (R.), VINCENT (J.), Lexique des termes
juridiques, 13e édition, Paris, Dalloz, 2001.p.20.
29 HOUIN (R.), RODIERE (R.), Droit commercial, cours
élémentaire -droit - économie, Tome 1, 5e
édition, n°299, p.181.
30 ANOUKAHA (F.), Cours de droit des
sociétés commerciales et G.I.E OHADA, Uds, année
universitaire 2004/2005, inédit.
31 Une partie de la doctrine (RIPERT et ROBLOT) s'insurge en
effet contre l'assimilation de l'actionnaire à l'associé car
n'étant pas lié à la société par un contrat
mais par la détention d'un titre négociable ; en revanche une
autre partie (MERLE) affirme qu'il s'agit bel et bien d'un associé ;
D'autres encore (VIANDIER) estiment que l'actionnaire est à la fois un
associé à part entière et un associé
entièrement à part. Nous retenons pour notre part qu'il s'agit
bien d'un associé.
32 Art. 4 AUSC.
Nous ne pouvons passer sous silence la notion de «
société anonyme » qui dans ce contexte, fait
référence à cette forme sociétaire dans laquelle
les associés disparaissent derrière les capitaux qu'ils mettent
à la disposition de la société. Ce qui justifie de plus en
plus l'idée de leur sécurisation. Seule nous intéressera
la société anonyme pluripersonnelle dans le cadre de cette
étude.
Ainsi précisé et délimité, une
série d'interrogations majeures affluent. Oüfaut-il
assurer les droits des actionnaires ? Comment le législateur OHADA,
par
l'entremise du droit des sociétés commerciales
parvient-il à sauvegarder les intérêts des actionnaires au
regard des immenses capitaux investis dans la société commerciale
sur le terrain civil ? Souvent issues de crises de confiance engendrées
par des scandales financiers, les réglementations protectrices
sont-elles vraiment efficaces ? Plus précisément, il s'agira
d'apprécier si ces mesures peuvent avoir une influence sur le choix
d'investir ou non dans une société située dans l'espace
OHADA et dans quelle optique un accroissement ou une réduction de la
protection peut être nécessaire.
Eu égard à l'ancienne législation et
à la mondialisation de l'économie, les instruments juridiques
sécurisateurs des actionnaires ont été foncièrement
aménagés. Pour assurer l'effectivité de ces
différentes mesures, il a fallu les assortir de sanctions diverses. Sur
le plan civil, plusieurs mesures ont progressivement gagné du terrain en
matière de sociétés : inopposabilité de certains
actes aux actionnaires mais surtout, nullités diverses et
responsabilité civile des dirigeants, des associés et des tiers.
Le législateur communautaire a ainsi apporté d'importants
réaménagements et innovations. Le régime des
nullités a été reprécisé33 ; les
responsabilités ont été renforcées et de nouvelles
mesures consacrées. Ce qui est de nature à donner plus de
confiance aux actionnaires. Dans ces conditions, on comprend tout
l'intérêt qu'il y a à traiter ce sujet.
Il peut sembler assez naïf de consacrer un travail
à la protection des actionnaires dans l'espace OHADA: l'ensemble du
droit des sociétés commerciales n'est-il pas essentiellement
consacré à cette fin? La réponse est évidemment
positive. Il peut sembler intéressant, pourtant d'examiner
spécialement un certain nombre de règles et d'institutions qui
répondent plus directement encore, et presqu'exclusivement, au
désir de protection des intéressés par le
législateur communautaire. La question de la protection civile des
actionnaires dans l'espace OHADA peut donc regorger divers
intérêts, scientifiques et pratiques, riches et enrichissants.
33 Pour une étude générale des
nullités en droit des sociétés commerciales et du
groupement d'intérêt économique, voir mémoire de
DEA, option droit des affaires de KALLA BILLE Ernest, Université de
Douala, année académique 2005- 2006.
7
Tout d'abord sur le plan théorique, l'étude nous
permettra d'apporter une contribution à l'appréciation des
dispositions légales dans l'espace OHADA, au sujet de la protection des
actionnaires sur le plan civil, question de parvenir à une
amélioration éventuelle du système de
sécurité des intéressés. Il s'agit de leur assurer
une certaine garantie et engouement afin de vaincre leur passivité dans
la défense de leurs intérêts en proie de plus en plus
à la superbe des forts, mais aussi à la tyrannie
des faibles, dans un contexte de capitalisme et de
libéralisme économique et social oüla recherche
du profit reste la préoccupation majeure quelque soit le moyen
employé . Il est enfin question de mener une
étude dont les développements pourront favoriser l'implantation
des notions de bonne gouvernance et de transparence dans la gestion des
sociétés.
Sur le plan pratique, cette protection est nécessaire
dans la mesure où, par les insuffisances et mérites qui seront
relevés au terme de notre étude, le regard des investisseurs
aussi bien de la zone OHADA que d'autres espaces va profondément changer
dans un sens favorable. Car, ces derniers sont à la recherche de
structures juridiques qui assurent la pérennité de l'entreprise
et sa fiabilité. De la sorte, le législateur communautaire
trouvera sans doute matière à réforme pour une plus grande
protection des actionnaires ; à tout le moins, parce que protéger
les actionnaires, c'est protéger l'épargne. Aussi, une
sécurisation efficace de l'épargne entraîne-t-elle
inéluctablement la compétitivité par l'arrivée des
investisseurs34 et son corollaire le développement.
L'étude intéresse aussi les dirigeants de
sociétés qui verront, face à leurs importants pouvoirs, un
sérieux contrepoids, sinon un certain bémol appelant à
plus de diligence et de bon sens dans la gestion.
Elle intéresse enfin les commissaires aux comptes qui,
par un contrôle effectif et efficace des opérations de la
société, contribueront à rendre cette dernière
transparente, fiable et par voie de conséquence attrayante pour les
investisseurs, la responsabilité des commissaires devant y jouer un
rôle déterminant.
L'objet de la présente étude est donc
précisément d'identifier les forces et les faiblesses du
dispositif de protection des actionnaires de sociétés de capitaux
en droit OHADA.
Du point de vue méthodologique, nous emprunterons une
démarche à la fois comparative et analytique, notre étude
voulant être une contribution modeste au droit comparé. En raison
de la méthode comparative qui nous guidera tout au long de notre
travail, notre procédé consistera bien souvent en une
confrontation du droit OHADA et du droit français. Ce n'est qu'à
ce prix que nous pourrons judicieusement apprécier
34 Cf. Préambule du Traité OHADA.
les dispositions de la législation communautaire ;
n'oublions pas que celle-ci est encore jeune.
Au demeurant et eu égard à la diversité
des intérêts en présence dans la société
commerciale, le législateur OHADA s'est efforcé de
protéger les actionnaires dès lors que leurs prérogatives
-pécuniaires et/ou extra pécuniaires - sont en péril ou
susceptibles de l'être en mettant à leur disposition des
instruments juridiques leur permettant de diligenter des actions judiciaires
sur le terrain civil, en vue de rétablir le droit.
Aussi, l'étude qui suit mettra essentiellement en
relief les niveaux de protection des actionnaires sur le terrain civil en droit
OHADA relatifs aussi bien à leurs droits en assemblées
(Première partie) qu'à ceux tributaires de la gestion de la
société commerciale (Deuxième partie), ce qui nous
permettra de relever au fur et à mesure les limites et mérites
d'une telle sécurité juridique.
PREMIÈRE PARTIE :
LA SAUVEGARDE DES DROITS DES ACTIONNAIRES
EN ASSEMBLEES
|
9
Cellule du tissu économique local, national et
régional, outil indispensable au développement économique
et social, la société commerciale, principalement celle par
actions, brasse et mobilise d'énormes capitaux, et comprend très
souvent de nombreux actionnaires, qui se connaissent mal ; ce qui rend les
conflits inévitables. En effet, comme un organisme vivant, l'entreprise
naît, vit, et peut être le siège de désordres et
d'abus divers, dont les plus graves sont susceptibles de provoquer sa
disparition, par arrêt du crédit et des flux financiers.
C'est pour briser cet engrenage et promouvoir l'entreprise
sociétaire en accordant la plus grande attention à la
sécurité juridique des actionnaires, piliers de la
société de capitaux, que le législateur OHADA est
intervenu. Une lecture cursive de l'Acte uniforme montre que ce
législateur a voulu faire de la protection des actionnaires, l'un des
aspects essentiels de la vie sociale des sociétés commerciales.
Et une plus grande application indique l'immensité des innovations ayant
permis la réalisation de ce dessein35
D'une certaine façon, l'actionnaire est le pilier de la
société anonyme parce qu'il a contribué par son apport
à constituer le mécanisme juridique perfectionné qui a
été mis en place36. A ce titre, il a des droits
individuels qu'on ne saurait lui enlever contre sa volonté. Il devient
alors intéressant de s'attarder sur l'expression même de ces
droits (Chapitre I), laquelle n'est pas à l'abri des incartades de
certains acteurs sociaux (Chapitre II).
35 POUGOUE (P.-G.), op. cit., p. 107.
36 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.) : Traité de droit
commercial, 15e éd. L.G.D.J. 1993, n°1145, p. 862.
CHAPITRE I : L'EXPRESSION DES DROITS DES
ACTIONNAIRES
10
Les étapes de la naissance et de la vie de la
société sont importantes pour les tiers, potentiels partenaires
de cette personne morale, mais surtout pour les actionnaires. La
société va ainsi faire naître entre les actionnaires d'une
part, entre les actionnaires et les autres acteurs sociaux d'autre part, des
rapports étroits de collaboration, et d'inévitables conflits
d'intérêts37. C'est précisément cet
enchevêtrement d'intérêts qui explique en partie la
complexité des règles de construction et de fonctionnement des
sociétés. En effet, soucieux de protéger et de concilier
la confluence d'intérêts qui se rencontrent au sein d'une
société, le législateur OHADA, consacre - comme nous
venons de le souligner - les droits et pouvoirs des actionnaires par le biais
de divers mécanismes (Section I).
Toutefois, ce sont les sanctions qui assurent l'efficacité
d'une législation. D'oüla consécration de nombreuses
sanctions destinées à assurer le respect des droits des
actionnaires (Section II).
SECTION I : LES MOYENS D'ACTION DES ACTIONNAIRES
EN ASSEMBLEES
Un actionnaire quel qu'il soit doit jouir d'un minimum de
droits et de pouvoirs qui témoignent de sa qualité de
créancier de la société, qu'il est un membre du groupement
né du fait du pacte social. En effet, la qualité d'actionnaire
confère à leurs titulaires des titres sociaux en vertu desquels
un ensemble de droits et de prérogatives leur est reconnu dans la
société. C'est dans cette optique que la collectivité des
actionnaires est un organe fondamental dans la vie de la
société38. Pour ce faire, l'actionnaire dispose
à la fois des droits dits politiques (§1) et de ceux dits
pécuniaires (§2).
37 KASSIA BI (O.), « Le recul de la
nullité dans l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales
et le groupement d'intérêt économique », Penant,
n° 848, juill-sept 2004, p. 352
38 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM
(J.), op. cit. , n° 143, p. 64.
§1- L'EXERCICE DES DROITS POLITIQUES :
MANIFESTATION DU PRINCIPE D'EGALITE ENTRE LES ACTIONNAIRES
Dans l'optique de permettre aux actionnaires de pouvoir
exercer une influence sur la gestion de la société, le
législateur OHADA leur a consacré des droits propres et
individuels, lesquels ne sont que le corollaire de l'affectio societatis devant
animer tout actionnaire au sein d'une société commerciale. A ce
titre, chaque titulaire d'actions compte pour un actionnaire quelle que soit sa
qualité ou sa fonction dans la société. Il s'agit
là de la manifestation du principe d'égalité entre les
actionnaires39. Toutefois, il ne s'agit pas d'une
égalité au sens politique stricto sensu, car la
société est créée par la mise en commun d'actions,
et celles-ci n'étant pas nécessairement égales. Mais cette
relativité n'enlève rien au principe posé, à savoir
que chaque membre de la société doit jouir et exercer ses droits
d'actionnaires. De la sorte, tout avantage particulier stipulé au profit
d'un actionnaire doit être approuvé par les autres actionnaires.
Pour une orientation globale néanmoins de la société, les
actionnaires jouissent d'un certain nombre de droits: droit de faire partie de
la société, droit de participer aux assemblées (A), droit
de vote et droit d'information (B).
A- Le droit de faire partie de la société et
de participer aux assemblées
Par son action, l'actionnaire va désormais se retrouver
en relation avec d'autres acteurs sociaux et il est important qu'il
s'intéresse à la structure à laquelle il fait
désormais partie (1), en se rendant notamment aux assemblées qui
s'y tiennent (2).
1- Le droit de faire partie de la
société
L'actionnaire, souscripteur d'une action, est tenu de verser
son apport40. Une fois que cette formalité est
observée, il ne peut être exclu de la société. C'est
dire que l'exclusion d'un actionnaire n'est admise qu'exceptionnellement, et
notamment en cas de défaut de libération totale des actions
souscrites, de réduction par suite de pertes du capital par la
procédure de réduction du nombre des actions41, et
aussi
39 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM
(J.), op. cit. , n° 157, p. 68.
40 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.) : op.cit., n°1163,
p. 879.
41 Car dans ce cas, les actionnaires qui ne
possèdent pas le nombre minimum d'actions requises sont
éliminés.
12
lorsque la société étant à capital
variable, la menace d'exclusion permet d'assurer la discipline entre
actionnaires : l'exclusion est alors possible pour motifs graves.
Dans les mêmes conditions, l'exclusion de l'actionnaire
est si exceptionnelle que même en cas de mésentente entre
actionnaires pouvant conduire à la dissolution de la
société, jurisprudence et doctrine sont partagées sur la
question42. Aussi, d'une part, certains estiment que la survie de la
société doit primer sur l'intérêt
égoïste de l'actionnaire en l'excluant de celle-ci, tandis que
d'autres recommandent que cette solution ne soit retenue que pour autant que
l'actionnaire soit à l'origine de la discorde dans la
société. Autrement, lorsque l'actionnaire est étranger
à la crise, il ne saurait faire l'objet d'une exclusion et pourrait
ainsi demander la dissolution de la société en tant que moyen de
sauvegarde de ses intérêts. A notre sens, la disparition de la
société doit être évitée le plus souvent
possible, même si, pour cela, l'un des membres du groupement doit
être exclu43. Tel n'est souvent pas le cas, et de la sorte,
l'actionnaire conserve son droit de participer aux assemblées.
2- Le droit de participer aux
assemblées
Les assemblées constituent le lieu d'exercice de la
souveraineté des actionnaires. C'est l'instance suprême
d'expression des actionnaires dans la société. D'après
l'art. 125 de l'AUSC, en effet, sauf disposition contraire, tout associé
a le droit de participer aux décisions collectives. Toute clause
statutaire contraire est réputée non écrite.
Il est tout à fait indispensable d'avoir
consacré les assemblées comme l'organe supérieur de la
société, car c'est elles qui prennent les décisions
dépassant la gestion quotidienne ; c'est elles qui ont seules
compétences pour modifier les statuts ; c'est encore elles qui
désignent des organes sociaux et qui mettent fin à leurs
fonctions ; c'est aussi au sein de ces assemblées que les
décisions concernant l'orientation générale de la
société sont prises.
Selon l'art.133 de l'AUSC, les décisions collectives
peuvent être prises en assemblée générale ou par
correspondance. L'assemblée générale est un organe
souverain dont le rôle est de nommer et de révoquer les autres
organes sociaux ; elle doit cependant agir en conformité avec
l'intérêt social. Par ailleurs, il lui est interdit d'intervenir
dans le domaine de compétence des autres organes et notamment des
42 PASCUAL (I.) « La prise en
considération de la personne physique dans le droit des
sociétés », in Revue de droit social et de droit
économique. Agence universitaire de la francophonie.
43 Pourquoi, en effet, vouloir la mort de la
société, avec toutes les conséquences économiques
et sociales qu'elle comporte, lorsqu'un seul actionnaire manifeste son
désaccord et désire mettre un terme à la collaboration
sociétaire
organes de direction. Il ne faut pas, en effet, porter
atteinte au principe de la séparation des fonctions des
différents organes gouvernant le fonctionnement des
sociétés anonymes44.
En ce qui concerne les modalités de
représentation et les formalités de délibérations,
il convient de se référer aux dispositions des articles126 et
127, et 134 à 136 de l'Acte Uniforme susvisé. Dans ces
conditions, il ressort des dispositions de articles 126 et 127 que tout
associé peut se faire représenter par un mandataire de son choix,
et qu'à défaut de disposition contraire, le mandat ne peut
être donné qu'ç un autre associé. En outre, l'Acte
Uniforme ou les statuts peuvent cependant limiter le nombre d'associés
et le nombre de voix qu'un mandataire peut représenter.
Quand aux formalités des délibérations,
il en résulte pour l'essentiel que celles-ci doivent être
constatées par procès-verbal, sans doute dans le but
d'éviter des fraudes. Toute autre est alors de savoir de quelle
manière s'exprime l'actionnaire en assemblées, ainsi que les
informations auxquelles il a droit.
B- L'exercice des droits de vote et d'information par les
actionnaires
Pour faire valoir leur point de vue sur l'orientation de la
société à laquelle ils appartiennent et ainsi peser sur
son développement, les actionnaires disposent en assemblées d'un
droit de vote qu'ils exercent sous le contrôle de l'intérêt
social (1). Toutefois, la jouissance de ce droit ne sera efficace que si les
actionnaires disposent d'une information utile leur permettant de prendre des
décisions conséquentes (2).
1-La jouissance d'un droit de vote
Le droit de vote constitue l'arme politique la plus importante
en société, car le vote est considéré comme le
fondement même de la démocratie dans toute société.
Prérogative d'ordre public en droit OHADA, ce droit est la pierre de
touche de la « citoyenneté », des membres du
groupement45 ; s décisions prises par d'autres organes de la
société lorsque la loi les a habilités à modifier
les statuts46, qui sont
44 Les sociétés anonymes fonctionnent,
en effet, à l'image des sociétés politiquement
organisées au sein desquelles la démocratie constitue
l'épine dorsale.
45 ALFANDARI E., Droit des affaires, les cadres
généraux, l'entreprise, les activités, Litec, 1993, n 328,
p. 234.
46 Cas, par exemple du conseil d'administration autorisé
par l'assemblée à réaliser une augmentation de capital,
ou
encore du conseil d'administration décidant le transfert
du siège social dans les limites du territoire d'un même Etat
partie. D'après les arts. 451 et 568 AUSC.
14
concernées. La distinction est alors faite selon que les
actionnaires sont présents (a) aux assemblées ou non (b).
a) L'exercice du droit de vote des actionnaires
présents
Prérogative élémentaire et droit d'ordre
public, les statuts ne peuvent contrevenir au droit d'expression de
l'actionnaire, ni au principe selon lequel « à valeur nominale
égale, droit de vote égal »47. C'est du moins la
substance de l'art. 129 de l'AUSC. En effet, cet article précise bien
que les droits de vote de chaque associé sont proportionnels à sa
participation au capital de la société, à moins qu'il n'en
soit disposé autrement par l'AUSC. Il s'agit donc d'un des attributs
essentiels de l'action : à capital égal, vote égal. C'est
dire que chaque actionnaire a droit à une voix. Mais peut-on envisager
des actions sans droit de vote en droit OHADA ? Aucune disposition de ce droit
ne permet d'y répondre par l'affirmative, contrairement à
certaines législations, notamment celle française. Dans ce sens,
tout actionnaire doit jouir de sont droit de participer aux assemblées
et d'y voter.
La question se pose cependant en pratique sur la
détermination du titulaire d'un droit de vote lorsqu'une action est
grevée d'un usufruit. A note sens, ce droit doit appartenir au
nu-propriétaire, à moins que les statuts n'en disposent
autrement, même si l'art. 128 de l'AUSC précise à cet
égard que pour les décisions concernant l'affectation des
bénéfices, le droit de vote est réservé à
l'usufruitier. Cela se comprend aisément dans la mesure où
l'affectation des bénéfices garantit les droits même de
l'usufruitier.
Il est important de souligner que le principe de
l'attribution du droit de vote en proportion des apports peut faire l'objet de
quelques entraves. En effet, l'Acte Uniforme précise qu'il ne peut en
être ainsi que dans les cas prévus par la loi ellemême.
C'est l'hypothèse retenue par l'art. 752 dudit Acte qui consacre le
privilège du vote double à certaines actions48.
b) L'exercice du droit de vote des actionnaires
absents
Il est fréquent que les actionnaires ne puissent pas se
rendre aux assemblées soit en raison de la contiguïté du
lieu devant les abriter, soit en raison de l'indisponibilité de certains
actionnaires ou même de la distance. Aussi, beaucoup
47 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM
(J.), op. cit. , n° 161, p. 70.
48 Lire en substance les dispositions de cet
article.
d'actionnaires ne peuvent pas venir personnellement à
l'assemblée qui se tient généralement au siège
social. L'aménagement de leur droit présente alors une
très grande importance pour le fonctionnement démocratique de la
société anonyme49, même si le législateur
communautaire s'est borné à recueillir le régime
traditionnel du vote par mandataire.
D'après la solution prudente50 ainsi
retenue, le mandataire de l'actionnaire ne peut être qu'un autre
actionnaire ou son conjoint tel que cela ressort des dispositions de l'art. 538
de l'AUSC. Ces mandataires, doivent pouvoir bénéficier
d'informations importantes pour mener ainsi à bien leur mission.
2-Le droit d'information des actionnaires
Il s'analyse en une contrepartie de la lourde
responsabilité qui pèse sur les actionnaires leur permettant
d'avoir un regard sur la gestion de la société. Il s'agit d'un
droit permanent et renforcé dans la période qui
précède la réunion de l'assemblée
générale. Il faut dire que l'exercice de ce droit est
assuré par le contrôle opéré par le commissaire aux
comptes, et ce n'est qu'en assemblées que les actionnaires peuvent
utilement et de manière efficace contrôler la gestion des
administrateurs. En effet, il n'est point douteux que pris individuellement,
les actionnaires sont mal lotis, car pour éviter un éventuel
désordre, le droit individuel avait déjà fait l'objet
d'une délimitation par l'art. 35 de la loi de 1867 pour les
actionnaires. Pour l'heure, les articles 525 et suivants de l'Acte Uniforme
organisent dans la même optique le droit de communication des documents
sociaux aux actionnaires, lors des assemblées, ou à toute
époque de l'année ; ils peuvent aussi poser des questions
écrites aux dirigeants deux fois par exercice, surtout fait de nature
à compromettre la continuité de l'exploitation.
A l'analyse, il se dégage deux régimes du droit
d'information. Ainsi, certaines informations sont limitées dans le temps
telles les documents soumis à une assemblée, tandis que d'autres
sont permanentes tel que le droit de consulter les documents soumis aux
assemblées des trois dernières années, les
procès-verbaux de leurs délibérations et leur feuille de
présence51. Ce droit à l'information est d'autant plus
important qu'il permet aux actionnaires de contrôler le flux de leurs
49 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.) : op.cit., n°1199,
p. 899.
50 Le législateur a entendu éviter
l'accès à l'assemblée d'agitateurs, de maîtres
chanteurs, et plus simplement de cabinets d'affaires faisant profession de
l'état de mandataires.
51 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM
(J.), op. cit. , n° 162, p. 71.
16
investissements de même qu'il leur assure une meilleur
appréciation de la rentabilité de leurs placements.
§2- LA GARANTIE OU LE CARACTERE OBLIGATOIRE DES
DROITS PECUNIAIRES DES ACTIONNAIRES
Les droits pécuniaires constituent la raison même
de la présence d'un actionnaire dans une société. En
effet, il serait hérétique de penser qu'une personne
décide d'entrer dans une société commerciale, à
fortiori celle à capitaux sans attendre de celle-ci la multiplication de
ses placements. Les droits politiques assurant de ce fait l'expression
même des droits financiers. C'est pourquoi il est impératif qu'il
leur soit assuré un certain nombre de droits relatifs notamment au droit
de reprise de l'apport initial en cas de liquidation de la
société doublé du droit au boni de liquidation, au droit
préférentiel de souscription en cas d'augmentation du capital
mais surtout aux réserves et bénéfices distribuables(A),
ainsi qu'aux dividendes(B).
A- Les réserves et le droit aux
bénéfices distribuables
Il résulte des dispositions de l'art. 4 de l'AUSC
susvisé que l'objectif d'une société commerciale est de
permettre à ses créateurs de partager le bénéfice
ou de profiter de l'économie qui pourra résulter de son
exploitation. Une société qui, à la façon d'une
association, ne distribuerait jamais les bénéfices qu'elle
réalise ne respecterait pas à priori sa finalité, qui
n'est pas celle d'une machine à thésauriser. C'est dire que les
actionnaires ont tous vocation aux bénéfices. Il revient dans ces
conditions à l'assemblée générale de décider
de l'affectation du résultat dans le respect des dispositions
légales et statutaires. C'est également elle qui doit constituer
les dotations nécessaires à la réserve légale et
aux réserves statutaires, d'après l'art. 142 de l'AUSC.
S'agissant des bénéfices, il ressort des
dispositions de l'art. 143 de l'AUSC qu'ils doivent être distribuables.
Et cet article définit le bénéfice distribuable comme le
résultat de l'exercice, augmenté du report
bénéficiaire et diminué des pertes antérieures
ainsi que des sommes portées en réserve en application de la loi
et des statuts. En d'autres termes, les actionnaires ne recevront rien s'il n'y
a pas de bénéfices ; et même s'il y'en a, la
société peut décider de les mettre en réserve pour
s'autofinancer. Quoiqu'il en soit, le contrat de société
détermine la part de chaque associé dans les
bénéfices.
Il faut tout de même souligner que le droit au partage
s'étend à la dissolution de la
société52. En effet, les actionnaires doivent se
partager le reste de l'actif social après désintéressement
des créanciers et porte alors sur la reprise des apports53 et
le partage proprement dit qui porte sur le boni de liquidation. Quoiqu'il en
soit, lorsqu'un créancier de la société a
été oublié et que le partage est intervenu, il peut
réclamer son dû aux anciens actionnaires.
On retiendra que d'après l'art. 54 de l'AUSC, sauf
clause contraire des statuts, les droits et l'obligation de chaque actionnaire,
visés à l'art. 53 de l'Acte uniforme, sont proportionnels au
montant de ses apports, qu'ils soient faits lors de la constitution de la
société ou au cours de la vie sociale, de même qu'il
n'aurait donc pas lieu à distribution lorsque les conditions ne sont pas
réunies.
B- Le droit aux dividendes
Sauf en cas de réduction de capital, aucune
distribution ne peut être faite aux actionnaires lorsque les capitaux
propres sont ou deviendraient, à la suite de cette distribution,
inférieurs au montant du capital augmenté des réserves que
la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer54. Toutefois,
selon l'art. 144 de l'Acte uniforme, après approbation des états
financiers de synthèse et constatation de l'existence de sommes
distribuables, l'assemblée générale détermine:
- le cas échéant, les dotations à des
réserves facultatives ;
- la part de bénéfices à distribuer, aux
actions;
- le montant du report à nouveau éventuel.
C'est donc cette part de bénéfice revenant
à chaque action qui est appelée dividende. C'est dire que la
jouissance de ce droit est assurée à tout actionnaire
indépendamment du nombre d'action dont il est titulaire. Il convient
néanmoins de signaler que le contrat de société peut
valablement prévoir que certains actionnaires auront des dividendes
privilégiés. La seule limite étant que les dispositions de
l'article précité soient respectées. Il ne saurait
d'ailleurs en être autrement, car en cas de violation de ces dispositions
ainsi que de celles relatives à l'ensemble des droits politiques ou
financiers des actionnaires, les contrevenants s'exposent à des
52 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGEUBOU TOUKAM
(J.), op. cit. , n° 154, p. 67.
53 La reprise des apports s'effectue en valeur sauf
stipulation contraire. Il s'ensuit que l'apporteur d'un immeuble ou d'un fonds
de commerce ayant perdu la propriété du bien, ne peut le
reprendre en nature, à moins qu'il ne se soit réservé
cette faculté dans l'acte de société. Il n'a plus pour
ainsi dire, qu'un droit mobilier contre la société. L'apporteur
en jouissance quant à lui reprend la libre propriété de
son bien, tandis que celui en industrie reprend sa liberté.
54 Cf. art. 143 al. 3 de l'AUSC.
18
sanctions, tout comme les actes qu'ils ont pu prendre en
violation des droits des actionnaires mettant en péril la protection que
le législateur a entendu leur assurer.
SECTION II- LES SANCTIONS AFFERENTES A LA VIOLATION
DES DROITS DES ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES
Seules les sanctions assurant l'efficacité d'une
législation, le législateur OHADA a entendu faire respecter les
droits qu'il a reconnu aux actionnaires, partenaires économiques et
entrepreneurs du développement. Cela est d'autant louable que c'est au
sein des assemblées que les plus grandes décisions relatives
à l'exploitation sont prises. Il est donc nécessaire que les
actes passé en violation de ces droits puissent faire l'objet d'une
sanction. A ce titre, le législateur africain met à la
disposition des actionnaires plusieurs moyens propres à garantir leurs
droits. Les premiers et le plus répandus consistent en l'annulation des
actes faisant griefs aux droits des actionnaires et à la mise en jeu de
la responsabilité des participants aux assemblées (§1).
Seulement, la crise au sein des assemblées peut être telle que
l'intervention d'un tiers soit nécessaire pour la conjurer (§2).
§1- LES SANCTIONS DE PRINCIPE
Il faut entendre par sanction de principe celles qui ont cours
dans les sociétés lorsque des manquements à la loi ont
été constatés. Certaines de ces sanctions peuvent alors
viser soit les actes pris en violation des droits des actionnaires (A), soit
atteindre les personnes même ayant ainsi mis en mal ces droits (B).
A-L'annulation des actes préjudiciables
L'institution du système de nullités en droit
OHADA constitue une mesure correctrice des crises juridiques au sein de la
société commerciale, susceptibles de préjudicier les
intérêts des actionnaires55. En effet, la
nullité est la sanction d'une règle protectrice des
intérêts propres à un actionnaire déterminé.
Cette mesure, suffisamment grave aussi bien pour la société que
pour les actionnaires, a été considérablement
reprécisée. Aussi, à l'instar du droit
français56, l'Acte uniforme a
55 Il y a crise juridique lorsque la décision
prise par les organes sociaux n'est pas conforme aux lois et aux
règlements. COZIAN (M.), VIANDIER (A.) et DEBOISSY (FL.), Droit des
sociétés, 12e éd., Litec, 1999, n° 510, p.
188
56 A travers la loi du 24 juillet 1966 sur les
sociétés commerciales notamment.
adopté une solution plus radicale, n'admettant toute
nullité qu'avec la plus grande circonspection.
Seulement, parce que la nullité du contrat de
société est de nature à créer plus de tort aux
actionnaires qu'elle ne les protège en
réalité57 nous distinguerons pour notre part,
l'annulation des actes modificatifs dont le domaine est très restreint
(1) de celle fonction des irrégularités des actes non
modificatifs, plus souples (2), ainsi que les conditions de leur exercice
(3).
1- L'annulation timide des acte modificatifs faisant
grief
Si la nullité de la société ne souffre
d'aucune ambigüité terminologique, celle d'actes modificatifs par
contre peut prêter à confusion. C'est pourquoi il est important de
dégager le sens des actes pouvant être annulés. Dans une
entreprise de définition de ceux-ci, l'Acte uniforme comporte un livre
VIII, expressément consacré à la « nullité
de la société et des actes sociaux » mais envisage dans
son art. 242, les nullités de la société ou de tous actes,
décisions ou délibérations modifiant les statuts. C'est
dire que le terme acte sera utilisé pour désigner
indifféremment les décisions, délibérations et les
actes proprement dits.
Mais la question se pose de savoir quels sont les actes qui
modifient les statuts, et partant, sont préjudiciables aux actionnaires.
Pour y répondre, nous dirons qu'ils sont essentiellement
constitués par les décisions des assemblées
extraordinaires58.
Les précisions terminologiques étant
apportées, reste à déterminer les causes de
nullités qui affectent les actes modificatifs. Elles sont
déterminées par l'art. 242 de l'AUSC, selon lequel, les
nullités qui peuvent atteindre les actes modifiant les statuts,
résultent soit de la violation d'une disposition expresse de l'Acte
uniforme (a), soit, des textes régissant la nullité des contrats
(b).
a) La nullité résultant de la violation
d'une disposition expresse de l'Acte uniforme
L'évolution des annulations en matière de
sociétés commerciales tend à coordonner, dans les
législations des Etats membres de l'OHADA, les garanties exigées
des sociétés pour protéger les intérêts des
actionnaires. Ce souci se manifeste à propos de toutes les
irrégularités. Les causes de nullité des actes
modificatifs faisant
57 L'intérêt premier d'un actionnaire
étant, en effet, la multiplication de ses placements, on voit mal
comment la disparition de la société dans laquelle il a
porté ses investissements serait de nature à lui plaire.
58 Transformation de la société,
augmentation ou réduction du capital social.
20
grief et résultant de la violation d'une disposition
expresse de l'Acte uniforme sont ainsi déterminées en raison des
fâcheuses conséquences qu'elles produisent au sein de la
société.
En effet, la prise des actes destinés à modifier
les statuts d'une société peut avoir de lourdes
conséquences à la fois pour la société et pour les
actionnaires, car elle est susceptible de conduire soit à augmenter les
risques et engagements des actionnaires, soit à réduire leurs
intérêts. Aussi, le législateur communautaire entend
encadrer toute initiative de modification des statuts, en assortissant lesdits
actes de la sanction de nullité.
Il convient de noter cependant que la nullité des actes
modifiant les statuts d'une société commerciale peut être
rapprochée de celle de la société elle-même ; ce qui
explique qu'elle soit plus rare59compte tenu des conséquences
graves qu'elle peut engendrer. En effet, l'art.242 de l'AUSC prévoit
que, la nullité « ne peut résulter que d'une disposition
expresse du présent Acte uniforme... ».
Ce sont essentiellement les décisions des
assemblées générales extraordinaires60, et des
décisions prises par d'autres organes de la société
lorsque la loi les a habilités à modifier les
statuts61, qui sont concernées.
A notre avis, l'on peut et doit d'ailleurs, à ce stade,
assimiler aux décisions des assemblées générales
extraordinaires, les décisions des assemblées spéciales,
lorsqu'elles se rapportent à des modifications statutaires. En effet, ce
n'est qu'après approbation de l'assemblée spéciale que la
modification des statuts votée par l'assemblée
générale extraordinaire est définitivement acquise. Il est
donc indispensable, pour que la modification statutaire ne soit pas remise en
question, en dehors des cas expressément prévus par l'Acte
uniforme, que l'annulation de l'assemblée spéciale soit soumise
au même régime que l'annulation des modifications statutaires.
On remarque que, si les législateurs français et
africain sont tous deux hostiles à la nullité des actes
modificatifs, le premier semble cependant quelque peu plus souple et
prévoit un nombre assez important d'hypothèses pouvant conduire
à la nullité de ces actes62. Le législateur
OHADA préfère quant à lui la formule de
59 Contrairement aux causes de nullité des
actes non modificatifs des statuts.
60 Car seules ces assemblées sont en principe
compétentes pour modifier les statuts, et ce dans toutes leurs
dispositions. Cf. art. 551 AUSC.
61 Cas, par exemple du conseil d'administration autorisé
par l'assemblée à réaliser une augmentation de capital,
ou encore du conseil d'administration décidant le transfert du
siège social dans les limites du territoire d'un même Etat
partie. D'après les arts. 451 et 568 AUSC.
62 Cf. par exemple pour nullité des actes
modificatifs en droit français, la loi n° 66-537 du 24 juillet
1966, dans ses articles 72-1, 153, 156, 167, 173, 183 al.3, 186
al.1er, 194-8, 197-1, 198, 207 al.1er, 208, etc.
« réputée non écrite » de
certains actes de la société, de telle sorte que, comme sus
mentionné, la nullité n'intervient qu'à titre
exceptionnel63.
La société et les actes modificatifs ne sont pas
seulement soumis aux causes de nullité prévues
expressément par l'Acte uniforme. S'y ajoutent celles tirées du
droit des contrats.
b) La nullité tirée du droit des
contrats
Le droit des sociétés entretient des relations
importantes avec le droit commun des contrats. A ce titre, il est tout à
fait logique et opportun que la nullité des actes modificatifs
passés en violation des dispositions régissant ce droit puisse
trouver application. En effet, bien que la référence au contrat
en matière de délibérations soit un peu
maladroite64, le caractère collectif de la
décision sociale ne saurait suffire à l'abstraire des
contingences du droit des obligations65 ; cette
interprétation est particulièrement indispensable pour contenir
dans des limites raisonnables les pouvoirs de l'assemblée
extraordinaire. C'est donc par adaptation de ces principes qu'aux termes de
l'art.242 de l'AUSC, la nullité des actes modifiant les statuts peut
résulter non seulement d'une disposition expresse de l'Acte uniforme
mais encore des « textes régissant la nullité des
contrats en général et du contrat de société en
particulier ».
Cette seconde catégorie de nullités affectant
les modifications statutaires est beaucoup plus importante que la
précédente66. Elle comprend au demeurant, deux
séries de cas de nullité :
- D'une part, les cas de nullité provenant de la
méconnaissance des règles générales de la
validité des contrats, édictées par l'article 1108 du code
civil (1) ;
- D'autre part, ceux résultant de la méconnaissance
des règles particulières à la formation du contrat de
société (2).
63 Cf. art. 552 AUSC, par exemple, pour les
règles de réunion, de quorum et de majorité de
l'Assemblée générale extraordinaire ; art. 572, à
propos de la modification du capital. L'art. dispose, en effet : « Le
capital doit être intégralement libéré avant toute
émission d'actions nouvelles à libérer en
numéraire, à peine de nullité de l'opération »
; art. 130, pour la nullité des décisions collectives en cas
d'abus de majorité.
64Etant donné que les modifications
statutaires sont généralement prises collectivement, les
délibérations ne sont, en effet, pas des contrats. Ainsi, il faut
adapter les décisions collectives aux principes régissant les
contrats de droit commun. Cf. RIPERT (G.), ROBLOT (R.), op. cit. n°1596 p.
1172.
65 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.) : op.
cit. 514 p. 190.
66 LAMY, Sociétés commerciales,
8e éd., LAMY S.A., paris, 1994, n° 2386, p.1017.
22
i) Nullité provenant de la violation des
règles générales de la validité des
contrats
Aux termes de l'art. 1108 du code civil, quatre conditions
sont essentielles pour la validité d'une convention: le consentement de
la partie qui s'oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain
qui forme la matière de l'engagement ; une cause licite dans
l'obligation. Mais ces conditions de validité des contrats ne sont
sanctionnées par la nullité que de façon exceptionnelle.
Pour mesurer la portée du recul des causes de cette sanction en droit
des sociétés commerciales, on examinera successivement les
irrégularités pouvant affecter chacune de ces conditions et donc
entraîner la nullité des actes modificatifs.
á - Vices de consentement et
incapacités
L'art. 243 AUSC souligne de façon expresse que
« dans les sociétés à responsabilité
limitée et dans les sociétés anonymes, la nullité
ne peut résulter ni d'un vice de consentement ni de l'incapacité
d'un associé, à moins que celle-ci n'atteigne tous les
associés fondateurs ». Etablissant une distinction entre d'une
part la SARL et la SA, et d'autre part toutes les autres sociétés
reconnues par l'Acte uniforme, cette disposition est la reproduction de la
deuxième phrase de l'art. 360 de la loi française du 24 juillet
1966 précitée. C'est dire que les actionnaires ne pourront
invoquer la nullité d'une délibération portant
modification des statuts que lorsque ces irrégularités les
affectent tous, ce qui est - nous l'avons souligné -, une
hypothèse bien théorique et constitue une sorte de
discrimination. En revanche, faute de disposition particulière de l'art.
243, on doit admettre que le défaut total de consentement67,
ne concernerait-il qu'un actionnaire, entraîne la nullité de
ladite délibération.
De même, pour ce qui est des vices de consentement, la
demande en nullité peut être fondée sur le
dol68, l'erreur69 ou même la violence70.
S'agissant particulièrement du dol, la difficulté vient de ce
qu'on se demande si comme en droit civil, il doit être le fait d'un seul
actionnaire ou de tous les coactionnaires pour être sanctionné. La
réponse est malaisée. Dans tous les cas, le juge devra peser
l'impact de celui-ci et voir si la nullité peut être
évitée ou pas.
La question se pose tout aussi de savoir si, dans les
sociétés de capitaux, ils sont susceptibles de provoquer
l'annulation d'un acte modifiant les statuts dès lors
67 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM
(J.), op. cit., n°60, p.27.
68
V. Cass. Com. 26 avril 1971, J.C.P.
1972, 2 n°16986.
69
V. Cass. Com. 27 janvier 1982, op.
cit.
70 V. C.A. Paris, 19 mars 1981, D. 1981. 405.
23
qu'ils peuvent être invoqués par un seul des
actionnaires. La jurisprudence française l'avait en tout cas admis sur
la base de sa législation antérieure à 196671,
et elle paraît bien avoir maintenu sa position sous l'empire de la loi
actuelle 72.
Ainsi, les décisions des juridictions françaises
révèlent bien implicitement que le vice de consentement pourrait
être source de nullité de la délibération d'une
assemblée extraordinaire, même s'il n'atteint pas la
totalité des actionnaires. A notre sens, la jurisprudence africaine, en
raison des lourdes conséquences que peut générer la
limitation des vices de consentement dans les sociétés de
capitaux pour les actionnaires, devrait donc s'inspirer de la position de la
jurisprudence française.
Quant à la nullité pour incapacité, il
semble qu'aucune restriction ne soit possible. L'incapacité
n'entraîne la nullité que pour autant qu'elle affecte tous les
associés fondateurs de la société par actions.
Il faut également souligner que par
référence aux principes généraux du droit, la
fraude constitue une cause de nullité des actes modifiant les statuts.
En effet, la fraude corrompt tout, y compris les délibérations
d'assemblées73
â- Illicéité ou défaut
d'objet et absence ou illicéité de cause
Par application du droit commun des contrats, l'objet de la
société, c'est-àdire l'ensemble des activités
déterminées par le pacte social que la société
entend exercer74, doit être à la fois
déterminé, possible et licite. La sanction de ces
différentes exigences sera la nullité de la
société, une nullité d'ailleurs rigoureuse puisque, en
cas, tout au moins, d'illicéité de l'objet, la traditionnelle
faculté judiciaire de régularisation est ici exceptionnellement
fermée75, et par ailleurs, l'action en nullité
échappe à la prescription triennale de l'art. 251 AUSC.
En application des références faites ci-dessus,
une délibération en assemblée extraordinaire doit
également être déterminée, possible et licite. De la
sorte, il sera possible de justifier l'annulation d'une
délibération entachée d'excès de pouvoir
en
71
Cass. Com., 26 avril 1971, JCP, 1972, II,
n° 16986, note Bernard, rev. Soc. 1972, p. 248, pour un dol à
l'occasion d'une augmentation de capital.
72 Ainsi, dans un arrêt du 19 mars 1981 (CA,
Paris, 19 mars 1981, D., 1981, p. 405, concl. Jéal, JCP, 1982, II,
n°19720, note Guyon) , la Cour de Paris n'a écarté le grief
de violence invoqué par certains actionnaires pour obtenir l'annulation
de la renonciation à un droit préférentiel de souscription
que parce qu'elle a pu relever que « c'est en toute connaissance de
cause et hors de toute « violence » au sens de l'art.1109 du code
civil, mais seulement en raison de la nécessité de
remédier à une situation catastrophique que les administrateurs
d'abord, les actionnaires ensuite, se sont prononcés favorablement,
à une large majorité, pour l'augmentation de capital ».
V. également
Cass. Com., 27 janvier 1982, Rev. Soc.
1982, p. 825, note Bouloc.
73 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.), op.
cit. (ibid.)
74 A distinguer du contrat de société,
entendu comme les apports effectués.
75 Cf. art. 246 AUSC ; v. aussi LAMY, op. cit.,
n° 2390, p. 1018.
considérant qu'elle a un objet illicite. En
particulier, lorsqu'une assemblée extraordinaire porte atteinte aux
droits individuels des actionnaires76, elle fausse le
mécanisme institué par la loi pour assurer le fonctionnement
régulier de la société77.
Quant à la cause, l'application de l'article 1131 du
code civil conduit à exiger que celle-ci soit à la fois
réelle et licite. La sanction sera là encore la nullité de
la délibération, encourue quelle que soit la forme sociale
adoptée. Les droits et intérêts des actionnaires devraient
donc se trouver dans ces hypothèses à l'abri des abus.
L'art. 242AUSC retient, en dehors des cas de nullité
relevant du droit commun des contrats, ceux tirés du contrat de
société.
ii- Nullité résultant de la violation
des règles particulières à la formation du contrat de
société
La formule utilisée par l'art.242 AUSC conduit à
retenir également comme cause de nullité de la
société des violations des règles particulières
à la formation du contrat de société. Il s'agit ici des
éléments essentiels du contrat de société, à
savoir : l'existence d'apports, la pluralité d'associés et
l'affectio societatis. Mais l'avènement de l'OHADA et de son Acte
uniforme conduit à écarter la nullité pour défaut
de pluralité d'associés, en ce qui concerne la SARL et la
SA78. Parce que la fictivité de l'apport vise exclusivement
la société, seul le défaut d'affectio societatis retiendra
notre attention.
S'agissant de l'affectio societatis, en effet, le contrat de
société suppose, pour son existence même, non seulement un
accord de volonté des parties mais encore une volonté durable de
collaboration sur un pied d'égalité pour la réalisation de
l'oeuvre commune. En son absence, la société n'est qu'une pure
apparence, une fictivité dénuée de toute valeur. Cet
élément ne figure malheureusement pas dans une disposition
expresse de l'Acte uniforme. Toutefois, il peut s'en déduire de
l'alinéa 2 de l'art. 4 dudit Acte uniforme, qui recommande que la
société soit créée dans l'intérêt
commun des associés79.
Au regard de ces analyses, la constance qui se dégage
est qu'une délibération peut ne pas être annulée en
application d'une disposition expresse du droit des sociétés,
mais l'être conformément aux règles régissant les
contrats en général.
76 Droit de faire partie de la société,
droit de ne pas être contraint à une augmentation des engagements,
droit de vote, droit aux bénéfices et aux réserves et
droit de négociation des actions.
77 Voy. Paris co., 12juin 1972, R.D.C., 1972, 650,
obs. HOUIN.
78 Les articles 309 pour la SARL et 385 pour la SA
de l'AUSC consacrent la possibilité de créer une SARL avec un
seul associé, de même que la SA, avec un seul actionnaire. On
parle alors de SARL ou de SA unipersonnelle. L'art. 5 AUSC consacre
expressément d'ailleurs la société unipersonnelle.
79 ANOUKAHA (F.), Cours de droit des
sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique OHADA, op. cit.
25
On signalera que les fusions et scissions font l'objet d'un
régime particulier, à l'aune des dispositions de l'art. 198 de
l'AUSC. Selon les termes même de cet article, en effet, « A
peine de nullité, les sociétés participant à une
opération de fusion, scission, apport partiel d'actifs sont tenues de
déposer au greffe une déclaration dans laquelle elles relatent
tous les actes effectués en vue d'y procéder et par laquelle
elles affirment que l'opération a été
réalisée en conformité du présent Acte uniforme
».
La chasse aux nullités par le législateur OHADA
semble cependant connaître un certain bémol lorsque celles-ci sont
relatives aux actes sociaux ne modifiant pas les statuts mais portant atteinte
ou susceptibles de porter préjudice aux droits des actionnaires.
2- L'annulation facile des actes non modificatifs faisant
grief
Aux termes de l'art.244 de l'AUSC, « la
nullité de tous actes, décisions ou délibérations
ne modifiant pas les statuts de la société, ne peut
résulter que d'une disposition impérative du présent Acte
uniforme, des textes régissant les contrats ou les statuts de la
société ». Cette formule révèle que les
causes de nullité sont ici encore entendues de manière stricte.
Cependant, elles ne le sont à un moindre degré que pour la
société et les actes modificatifs de ses statuts. En effet,
l'expression « violation d'une disposition impérative »
laisse place, comme il sera loisible de le constater, à des
hypothèses de nullités virtuelles, non expressément
édictées par les textes80.
Il convient donc, dès l'abord, de bien
déterminer le domaine visé par l'art. 244 AUSC. Sur cette base,
on doit considérer que sont concernées toutes les
décisions émanant d'organes délibérants de la
société susceptibles de produire des effets de droit. Seules les
décisions prises dans les cadres institutionnels sont donc
visées.
Ce domaine précisé, il convient de
s'intéresser à présent aux sources des nullités.
L'art. 244 de l'Acte uniforme en cite trois : les dispositions de cet Acte, les
textes régissant les contrats et les statuts. Signalons par ailleurs
qu'en ce qui concerne les textes régissant les contrats, on peut
transposer ici les développements effectués à propos des
nullités de la société et des actes
modificatifs81. Seules deux de ces
80 LAMY, op. cit., n° 2409, p.1022.
80 La nullité des actes non modificatifs des statuts
provenant des textes régissant les contrats se rapprochent, en effet, de
la nullité de la société et des actes modificatifs
résultant des textes régissant la nullité des contrats de
l'art. 242.
81 La nullité des actes non modificatifs des
statuts provenant des textes régissant les contrats se rapprochent, en
effet, de la nullité de la société et des actes
modificatifs résultant des textes régissant la nullité des
contrats de l'art. 242.
sources seront donc envisagées, à savoir, les
nullités dues à la violation des dispositions impératives
de l'Acte uniforme (A), et les nullités dues à la violation des
dispositions statutaires (B).
a)Les nullités résultant de la violation
des dispositions impératives de l'Acte uniforme
Les nullités résultant de la violation des
dispositions impératives de l'Acte uniforme soulèvent dès
l'abord des incertitudes. Quand peut-on considérer qu'une disposition
est impérative? Une disposition impérative peut-elle s'entendre
d'une disposition où la nullité n'est pas expressément
édictée ? La réponse à cette question comporte
elle-même une zone d'incertitude. C'est pourquoi, avant de
déterminer l'application de l'art. 244 AUSC (2), nous nous attellerons
à dégager le sens et la justification possibles de la formule
«disposition impérative)) (1).
i- Sens et justification de la formule «
disposition impérative »
Le problème naît du mutisme de l'art. 244 de
l'AUSC, qui ne définit pas la notion de disposition impérative.
Heureusement, doctrine et jurisprudence comblent cette lacune.
Au sens strict, est impérative toute disposition que le
législateur qualifie expressément d'ordre public en interdisant
toute pratique contraire. Mais la doctrine adopte une approche plus large de la
notion et qui cadre avec nos préoccupations. Dès lors, cette
expression est susceptible d'une double acception. D'une part, elle a
été introduite dans la loi pour qu'existe une cause de
nullité générale permettant au juge de suppléer aux
oublis éventuels du législateur82. D'autre part, dans
la théorie générale des nullités, la disposition
impérative est celle qui édicte une prescription positive, par
opposition à la disposition prohibitive qui contient une
interdiction83.
On doit donc admettre, en confiant cette mission de
qualification au juge, qu'une disposition doit être
considérée comme impérative chaque fois qu' «
elle est inspirée par une considération d'intérêt
général qui se trouverait compromise si les particuliers
étaient libres d'empêcher l'application de la loi
))84. De la même manière, on est amené
à admettre que la nullité est susceptible d'être
prononcée, en
82 Cette mission assignée au juge, nous l'avons
souligné, conduira à coup sûr à créer des
nullités sans textes et donc virtuelles, allant à l'encontre
même de l'esprit général de l'Acte uniforme en la
matière
83 Encyclopédie Dalloz, v. nullités
n°25, citée par MERCADAL (B.) et JANIN (PH.), op. cit., n°
3747, p. 119583 Formule empruntée à Ghestin, Droit
civil, les obligations, n° 93, citée par LAMY, op. cit., n°
2413, p. 1024.
84 Formule empruntée à Ghestin, Droit
civil, les obligations, n° 93, citée par LAMY, op. cit., n°
2413, p. 1024.
27
l'absence d'une disposition expresse la prévoyant,
dès lors que l'irrégularité commise compromet un
intérêt assez important que la disposition violée tendrait
à protéger. C'est pourquoi, à notre avis, c'est au juge
qu'il appartiendra de dire si telle ou telle disposition de l'Acte uniforme
doit être considérée comme impérative au sens de
l'art. 244.
A titre de droit comparé, la jurisprudence
française a déjà eu à se prononcer en la
matière. En ce qui concerne l'interdiction pour les commissaires aux
comptes d'être nommés administrateurs, directeurs
généraux ou membre du directoire des sociétés
qu'ils contrôlent moins de cinq ans après la cessation de leurs
fonctions, prévue à l'art. L 221 de la loi du 24 juillet 1966
précitée, la Cour de cassation a jugé que cette
interdiction constitue une disposition impérative de la loi de 1966 dont
la violation entraîne la nullité de la nomination du commissaire
en qualité d'administrateur85. Il en est de même en ce
qui concerne l'interdiction pour un administrateur en fonction d'obtenir un
contrat de travail dans sa société.
Fort heureusement, il existe tout de même quelques cas
de nullité des actes ou délibérations ne modifiant pas les
statuts qui ne font aucun doute. Il s'agit de ceux qui sont expressément
prévus par l'Acte uniforme et qui ont été exposés
ci-dessus à propos des décisions modifiant les
statuts86. A ces derniers, on ajoutera ceux prévus par le
législateur OHADA et retenus par la jurisprudence
africaine87.
Il faut tout de même signaler que la
référence du législateur africain aux règles
impératives nous semble à la fois surprenante et
superfétatoire. Par application, en effet, de l'art. 2 de l'Acte
uniforme, les dispositions dudit texte sont impératives, « sauf
dans le cas où il autorise expressément l'associé unique
ou les associés, soit à substituer les dispositions dont ils sont
convenus à celles du présent Acte uniforme ». Et la
question qui surgit dès lors est de savoir pourquoi l'art. 244 de l'AUSC
a-t-il jugé nécessaire de rappeler que la transgression d'une
« disposition impérative » de cet acte peut
être cause de nullité. Pour KASSIA Bi Oula, - et nous partageons
ce point de vue - cette attitude s'explique de la manière suivante :
l'art. 242 de l'AUSC ayant adopté le principe des nullités
textuelles, on pourrait légitimement croire qu'en dehors des cas de
nullité édictés de façon expresse, aucune autre
irrégularité n'est
85 Soc. 20 octobre 1976, Rev. Soc. 1977, 277, note
J.G.
86 V. supra, note de bas de page n° 46, p. 13.
87 C'est par exemple l'hypothèse d'annulation des
délibérations pour convocations irrégulières du
conseil d'administration telle que visée à l'art. 453 al. 4 de
l'AUSC et appliquée par la Cour d'appel d'Abidjan. C'est aussi le cas,
par exemple de la nullité des actes pour irrégularité de
la convocation d'une assemblée générale ordinaire tel que
retenu par le tribunal de première instance de Bafoussam. CA,
Abidjan-COTE D'IVOIRE, arrêt n° 688 du 25 juin 2004, Aff. Office
ivoirien des chargeurs (OIC) et autres (SCPA SORO et BAKO) c/ BLEY ANONDO et
autres, Juriscope 2007. CA, Ouest-CAMEROUN, TPI, Bafoussam, Aff. Polyclinique
de Bafoussam S.A. c/ NZOGANG Didier.
87 A titre d'exemple, l'inobservation des
règles de quorum et de majorité de l'assemblée
générale des actionnaires (art. 548 et s. AUSC) n'est pas
expressément sanctionnée par la nullité. Mais l'art. 244
permet d'y remédier.
sanctionnée par la nullité. C'est donc pour
écarter cette incompréhension qu'a été
adopté le texte de l'art. 244.
Il en résulte que, comme dans le droit français,
la violation de n'importe qu'elle règle de l'Acte uniforme est de nature
à entraîner l'annulation de l'acte88. Quid de
l'application de la règle ?
ii- Application de l'art. 244 AUSC
Le sens et la justification de la formule
«disposition impérative» apportés,
l'application de l'art. 244 ne devrait pas poser de difficultés et
d'analyses particulières. En effet, conformément aux solutions
préconisées ci-dessus, les dispositions légales pouvant
être considérées comme impératives - et partant
susceptibles d'être sanctionnées par la nullité en cas de
violation - ont été au fur et à mesure des
développements se rapportant à des actes ou à des
délibérations ne modifiant pas les statuts
précisées.
Le législateur africain de l'OHADA n'a pas
limité les sources de nullité des actes non modificatifs pouvant
faire grief aux droits des actionnaires aux seules règles
légales. Il y a également compris les dispositions
statutaires.
b) Les nullités dues à la violation des
dispositions statutaires
A la violation d'une disposition impérative de l'Acte
uniforme, il faut assimiler la violation d'une disposition impérative
des statuts. En retenant la violation des statuts comme cause de nullité
dans son art. 244, l'Acte uniforme se démarque de la législation
française de 1966 dont il s'est pourtant inspiré89.
Cela n'a d'ailleurs rien de surprenant puisque, selon l'art. 1134 du code civil
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de
loi à ceux qui les ont faites »90. Cette position
paraît d'ailleurs bien avoir été adoptée par un
arrêt de la chambre commerciale du 6 mai 197491 dans les
circonstances suivantes.
88 A titre d'exemple, l'inobservation des
règles de quorum et de majorité de l'assemblée
générale des actionnaires (art. 548 et s. AUSC) n'est pas
expressément sanctionnée par la nullité. Mais l'art. 244
permet d'y remédier.
89 En effet, la législation
française, n'a pas prévu expressément ces causes de
nullité dans son article 360, et l'on devait, pour son admission, se
référer aux lois qui régissent les contrats de droit
commun, car elles semblent l'englober implicitement mais
nécessairement.
90 CHARTIER (Y.), Droit des affaires,
sociétés commerciales, tome2 3e éd., coll.
Thémis, 1992, n° 71, p. 16090 Com. 6 mai1974, D. 1975,
p. 102, note GUYON.
91 Com. 6 mai1974, D. 1975, p. 102, note GUYON.
29
Saisis d'une demande en nullité d'une assemblée
générale, au motif qu'elle avait été
irrégulièrement convoquée par un conseil d'administration
dont certains membres n'étaient pas propriétaires d'actions d'un
montant et d'un nombre exigés par les statuts, les juges du fond avaient
rejeté l'action en observant que les administrateurs en cause
étaient régulièrement en fonction, que si les anciennes
actions dont ils étaient possesseurs faisaient l'objet d'un
regroupement, la loi n° 64- 697 du 10 juillet 1964 permettait, pendant un
délai de deux ans, de laisser coexister les actions anciennes et les
actions nouvelles, et que les prérogatives attachées aux actions
anciennes étaient ainsi demeurées intactes.
La chambre commerciale censure en ces termes : «
...en se bornant à statuer par ces motifs, alors qu'elle constatait que
les statuts sociaux avaient été modifiés par
l'assemblée générale extraordinaire (du 29
décembre1970), la cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision ».
On peut comprendre l'attitude du législateur
français en ne consacrant pas expressément cette cause de
nullité, car à notre sens, elle est en parfaite cohérence
avec son désir de réduire autant que possible les causes de
nullité en général. Par la même occasion, la
démarche adoptée par l'Acte uniforme pourrait a priori
surprendre, puisque celui-ci est resté pour l'essentiel, dans la logique
de la législation française. Toutefois, la différence
entre les deux législations est purement formelle.
La solution préconisée ici par le
législateur communautaire soulève le problème de la nature
juridique de la société92. Cette dernière
est-elle un contrat ou plutôt une Institution? La place accordée
aux statuts accréditerait la thèse contractuelle. Mais
l'hésitation est permise, en raison de la généralisation
des règles impératives dans l'Acte uniforme, se situant dans la
logique même des règles gouvernant le droit moderne des
sociétés commerciales.
On relèvera que, contrairement au droit français
où le concept de fraude permet d'obtenir l'annulation d'une
société ou d'un acte modificatif des statuts93,
quoique non expressément prévu, la lettre et l'esprit de l'art.
242 de l'Acte uniforme qui se réfère aux textes régissant
la nullité des contrats, n'admettent pas une telle solution. A supposer
même que la solution fût admise, la règle « Fraus
omnia corrumpit » constitue en elle-même un principe
général du droit largement pris en compte par l'art. 245 de
l'AUSC.
92 KASSIA BI (O.), op. cit. ; p. 369.
93 CHARTIER (Y.), op. cit., n° 70, p. 158.
30
2-Les conditions d'exercice de l'action en
nullité
Lorsqu'une cause de nullité existe, le sort de la
société ou de la délibération
irrégulière est lié au droit d'agir en nullité (a).
Sont également liés à ce sort le délai de
prescription de l'action, la réparation éventuelle du vice et le
pouvoir du juge de prononcer la nullité (b). Ce qui nous permettra de
dégager les conséquences y afférentes (c).
a) Le droit d'agir en nullité
Il est question de savoir quand, comment et dans quelles
hypothèses l'actionnaire met en mouvement son action en nullité.
Pour y répondre, il nous semble opportun de distinguer selon que la
nullité est absolue (i) ou relative (ii).
i- L'action en nullité
absolue
Le législateur communautaire n'est pas explicite sur la
question. Seule une lecture attentive des dispositions de l'art. 246 de l'Acte
uniforme permet de dégager l'hypothèse d'une action en
nullité absolue.
Ainsi, lorsque l'action sanctionne un vice de portée
générale, elle doit être considérée comme
absolue, et peut par conséquent être demandée par toute
personne pouvant faire valoir « un intérêt
légitime au succès de sa prétention
»94. En mettant en exergue un intérêt
légitime au sens de nos développements, l'action en
nullité absolue ouvrirait la voie à une garantie accrue des
droits des actionnaires, car celle-ci conduirait à considérer
comme titulaires de l'action les actionnaires, à condition toutefois
qu'ils aient déjà détenu des titres sociaux lors de
l'adoption de la délibération qu'ils attaquent95 ; les
créanciers de la société, les directeurs
généraux, le Président-Directeur général et
les commissaires aux comptes.
Cependant, la question se pose de savoir si en la
matière, le Ministère public dont la fonction essentielle est
d'assurer et de veiller au respect de l'application des lois, et partant, de
l'ordre public, disposerait également de ce droit. Face au mutisme
apparent et surprenant de la législation africaine, seule une analyse
comparative d'avec la législation française autorise une
réponse à la préoccupation. Ainsi, d'après les
articles 422 et 423 de l'actuel Code de procédure civile
français, le Ministère public n'est pas habilité à
agir si la loi ne lui reconnaît pas expressément ce droit - ce
94 LAMY, op. cit., n° 2424, p.1031.
95 Cf.
Trib. Com., Paris, 3 décembre 1975,
Rev. Soc. 1976, p. 106, note CHARTIER.
31
qui n'est pas le cas ici - à moins que l'ordre public
ne soit intéressé96. Le législateur national
camerounais, faut-il le souligner, va dans le même sens lorsqu'il exige
dans l'article 36 alinéa 1 de son Code de procédure civile et
commerciale que soient communiquées au Procureur de la République
les causes concernant l'ordre public, l'Etat, le territoire, les domaines, les
communes, les établissements publics, les dons et legs au profit des
pauvres. En effet, l'ouverture de l'action à cette Institution atteste
que le contrôle de la gestion d'une société peut
intéresser la collectivité publique et non pas seulement les
actionnaires. Il s'agirait, dans ces conditions, d'une nullité d'ordre
public à la fois de protection et de direction. On peut néanmoins
se poser la question de savoir si les motifs invoqués à l'appui
de la demande d'expertise formulée par le Ministère public
devront faire l'objet d'une appréciation originale tenant compte de
l'identité du demandeur. En tout cas, le recours à cette
modalité peut présenter un intérêt certain pour les
actionnaires qui ne peuvent déclencher directement l'action en raison
d'une participation trop faible ou d'une dispersion trop grande.
Concrètement, le Ministère public devra saisir le juge par voie
de requête.
L'exigence de l'intérêt légitime demeure
cependant, indispensable à la recevabilité de l'action en
nullité absolue qui se rapproche de ce fait de l'esprit de la
nullité relative.
ii- L'action en nullité
relative
A l'opposé de l'action en nullité absolue
pouvant être demandée par toute personne justifiant d'un
intérêt légitime à agir, lorsque la nullité a
seulement pour objet la protection d'intérêts particuliers d'une
personne déterminée ou encore d'un groupe de personnes, elle doit
être considérée comme relative, et donc ne peut être
demandée que par la personne protégée par la loi. Il a
ainsi été jugé que la nullité pour violation d'une
formalité destinée à protéger les actionnaires
anciens titulaires d'un droit préférentiel de souscription lors
d'une augmentation de capital réservée ne pouvait être
invoquée par les bénéficiaires de la
renonciation97. On doit néanmoins adjoindre à cette
dernière ses ayant cause universels et à titre universel, ses
créanciers personnels agissant par la voie de l'action oblique et le
liquidateur nommé en cas de liquidation judiciaire frappant la
société98.
96 Par exemple à notre avis, en cas d'apports
illicites, hors commerce ou contraires aux bonnes moeurs, ou encore en cas de
cause immorale d'une constitution de société, voire d'une
délibération sociale.
97 C.A., Pau, 2e ch., 9 juin 1987, JCP
éd. N 1988, Pratique, n° 649, p. 454.
98 LAMY, op. cit., n° 2424, p . 1031.
Au total, la distinction entre nullité absolue et
nullité relative reste fondamentale. On ne manquera pas de mentionner
cependant qu'il est possible d'exercer autant d'actions en nullité qu'il
y a de causes de nullité99. De même que le droit d'agir
en nullité ne peut pas être écarté sous
prétexte que le demandeur n'a pas émis une protestation
dès la naissance du vice100. En outre, l'action en
nullité est recevable même, si le nombre de voix dont dispose
l'actionnaire qui l'exerce était insuffisant pour faire échec aux
décisions contestées101. Toutefois, l'action en
nullité doit être écartée lorsque celui qui l'exerce
est censé avoir renoncé102. Elle le sera
également si l'actionnaire ne l'exerce pas dans les délais
impartis, d'autant qu'il est possible de procéder à une
régularisation de la nullité.
b) Prescription de l'action en nullité et
possibilité de régularisation
L'examen de la prescription de l'action en nullité (1)
précèdera celui de la régularisation (2), mais il convient
tout de suite de relever que ces mesures sont plutôt des obstacles au
prononcé de la nullité de nature à amener l'actionnaire
soit à être plus vigilant et diligent, soit à renoncer
à son action selon la gravité de la menace et en fonction des
intérêts en jeu.
i- Prescription de l'action en
nuiité
Des dispositions de l'art. 251 de l'Acte uniforme, les actions
en nullité de la société, se prescrivent par trois ans
à compter de l'immatriculation de la société ou de la
publication de l'acte modifiant les statuts sauf si la nullité est
fondée sur l'illicéité de l'objet social et sous
réserve de la forclusion prévue à l'article 248 du
présent Acte uniforme. Et les actions en nullité des actes,
décisions ou délibérations de la société, se
prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité
est encourue sauf si la nullité est fondée sur
l'illicéité de l'objet social et sous réserve de la
forclusion prévue à l'art. 248 dudit Acte uniforme.
Toutefois, l'action en nullité d'une fusion ou d'une
scission obéit à un régime particulier, la prescription
étant fixée à six mois à compter de la date de la
dernière
99 Par exemple, lorsqu'une demande en
nullité d'une assemblée générale pour cause de dol
a été rejetée, une autre demande invoquant la
nullité pour défaut de la majorité requise au cours de la
même assemblée peut être déclarée recevable.
(com. 8 mars 1967, Bull.III n° 106).
100 A titre d'exemple, l'actionnaire qui ne s'est pas
immédiatement opposé à une décision de
l'assemblée peut néanmoins agir en nullité lorsqu'il
constate par la suite que cette décision est illégale et qu'il
lui cause un préjudice (Aix 13 janv. 1977, Bull. Joly 1977, 537 ) ; de
même le fait d'avoir voté la résolution litigieuse
n'interdit pas à un actionnaire d'en demander ultérieurement
l'annulation (Paris 8 juil. 1982, BRDA 1982/21 p.12.°
101 Paris, 9 nov. 1983, BRDA 1984/1 p.12.
102 MERCADAL (B.) et JANIN (PH.), op. cit., n°3761, p.
1198.
33
inscription au registre du commerce et du crédit mobilier
(RCCM) rendue nécessaire par l'opération de fusion ou de
scission.
De ces dispositions, se trouvent à nouveau
affirmée la volonté manifeste du législateur à
n'admettre la nullité que de manière exceptionnelle, la marge
temporelle d'action des actionnaires étant très réduite.
Comment comprendre cela ? Il semble, pour y apporter des éléments
de réponse, qu'un délai aussi long en matière de
nullité de société ferait peser pendant longtemps bien
d'incertitudes sur l'avenir de la société. Aussi, le droit des
sociétés a-t-il adopté des délais de prescription
assez souples.
A l'analyse donc, il se dégage en substance un
régime général correspondant à la prescription
triennale pour les actions en nullité de la société et des
actes sociaux, et dont, le délai court soit à compter de
l'immatriculation de la société, soit de la publication de la
modification des statuts, ou du jour où la nullité est encourue.
De même, l'on peut observer la présence de quelques régimes
particuliers.
Les régimes particuliers sont, en effet, au nombre de
deux. Le premier a trait à la nullité pour
illicéité de l'objet. Aucun délai n'étant retenu
par le législateur OHADA , quel délai doit-on retenir à
son égard ? Ou encore, faut-il retenir face à ce mutisme la
prescription trentenaire ? Ou bien, faut-il tout simplement considérer
que l'action en nullité est ici imprescriptible ? On pourrait être
tenté de dire qu'ici, le délai de prescription qui s'applique est
celui de droit commun103, mais l'esprit du législateur nous
le décommande fortement. Aussi et à notre sens, c'est la solution
de l'imprescriptibilité de l'action en nullité pour
illicéité de l'objet social qui doit être admise et qui est
d'ailleurs généralement admise, en raison de la gravité de
l'irrégularité104.
Le second régime est relatif quant lui, à
l'action en nullité d'une fusion ou d'une scission et dont l'action se
prescrit par six mois à compter de la date de la dernière
inscription au registre du commerce et du crédit mobilier sus
évoqué.
Il faut cependant rappeler que si en vertu du droit commun la
nullité peut s'éteindre par la prescription
abrégée, cette prescription laisse subsister l'exception de
nullité qui elle, est perpétuelle. Autrement dit, celui à
qui on demande d'exécuter un acte nul peut toujours refuser de le faire
en vertu de cette exception105.
La prescription n'est pas la seule entrave à l'exercice de
l'action en nullité ; s'y ajoute l'extinction de l'action par la
régularisation.
103 C'est-à-dire le délai de trente ans.
104 POUGOUE (P.-G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op.
cit., n° 69, p. 30.
105 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.), Droit des
sociétés, op. cit. n° 226, p. 77.
ii-Régularisation spontanée et/ou
forcée de la nullité
En principe, toutes les nullités peuvent être
couvertes à l'exception de celles fondées sur
l'illicéité de l'objet social106. La régulation
peut être spontanée et/ou forcée selon la gravité de
la nullité que l'on entend couvrir. En effet, en matière de
nullité de la société, l'impossibilité de
régulariser est très rare, voire exceptionnelle107 ;
elle est même recommandée d'office au juge.
La régularisation de l'action en nullité fait
donc l'objet d'une réglementation étoffée,
consacrée par les articles 246 à 250 de l'Acte uniforme. Il est
ainsi édicté à l'art. 246, par exemple, que «
L'action en nullité est éteinte lorsque la cause de
nullité a cessé d'exister le jour où le tribunal statue
sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est
fondée sur le caractère illicite de l'objet social ».
La formulation du texte semble ne laisser aucune appréciation au juge.
Quelle que soit la gravité de l'irrégularité, il est
obligé de déclarer l'irrecevabilité de l'action en
nullité, dès lors que la cause de nullité a disparu au
jour où il statue sur le fond.
Dans une toute autre hypothèse, le législateur
laisse la faculté au juge de décider de la couverture ou non de
la nullité. Ainsi, lorsque l'action en nullité n'est pas
éteinte faute de disparition du vice, l'art. 247 de l'AUSC invite le
tribunal à «fixer, même d'office, un délai pour
permettre de couvrir la nullité ». Il est pourtant permis de
se demander s'il s'agit là d'une simple invitation, car la même
faculté est mise en échec par l'interdiction qui lui est faite de
prononcer la nullité moins de deux mois après l'exploit
introductif d'instance108.
Dans le même sens, l'art. 247 sus cité dispose
dans son alinéa 2 que « Si, pour couvrir une nullité,
une assemblée doit être convoquée et s'il est
justifié d'une convocation régulière de cette
assemblée, le tribunal accorde, par jugement, le délai
nécessaire pour que les associés puissent prendre une
décision ».La réflexion que l'on peut faire est que
l'initiative de la régularisation peut émaner aussi bien des
actionnaires que du juge, de sorte que ce n'est que dans l'impossibilité
avérée de couverture de la nullité que le juge peut se
résoudre à se prononcer sur la nullité, avec toutes les
conséquences qu'une telle décision peut entraîner sur la
vie de la société commerciale.
De façon générale, le législateur
OHADA prévoit une possibilité de régularisation globale
démontrant sa volonté manifeste d'éviter au maximum
106 La régularisation est donc la couverture ou la
réparation de l'irrégularité. Elle équivaut, en
effet, à la suppression de la cause de nullité.
107 LAMY, Sociétés commerciales, op. cit. n°
2438 p. 1035. 107 Cf. art. 247 AUSC in extenso.
108 Cf. art. 247 AUSC in extenso.
35
l'annulation de la société. En effet, si une
formalité prescrite par l'Acte uniforme pour la constitution de la
société a été omise ou
irrégulièrement accomplie, tout intéressé peut
demander à la juridiction compétente dans le ressort de laquelle
est situé le siège social, que soit ordonnée sous
astreinte, la régularisation de la constitution, le Ministère
public ayant la possibilité d'agir aux mêmes
fins109.
Pour être complet sur la question, il faut aussi
signaler que l'existence des voies de recours peut être
considérée comme un obstacle à l'action en nullité
car, les hautes juridictions peuvent toujours infirmer une annulation de la
société110. Dans tous les cas, l'appel peut être
interjeté dans les conditions de droit commun. Mais la véritable
originalité dans les voies de recours réside dans la tierce
opposition111. Et en droit commun, la tierce opposition n'est
soumise à aucun délai particulier. Elle est donc recevable
pendant toute la durée de la prescription trentenaire. Mais en
matière de nullité de société, cette tierce
opposition n'est recevable que pendant un délai de six mois à
compter de la publication de la décision dans un journal d'annonces
légales du siège de la juridiction112. Cette mesure
vise à éviter les inconvénients que présenterait la
remise en cause tardive d'une annulation de la
société113.
c) Conséquences de la nullité
Il s'agit plus exactement de s'interroger sur les effets que
déploie la nullité lorsqu'elle est finalement prononcée
car, l'actionnaire agissant en nullité défend sans aucun doute
ses intérêts. A l'évidence, il faudra distinguer selon que
la nullité prononcée concerne la société ou les
actes sociaux.
Dans la première hypothèse et formalisant ainsi
la théorie doctrinale et jurisprudentielle de la «
société de fait » qui avait tout intérêt
d'éviter les inconvénients de la rétroactivité des
effets de la nullité appliquée à la
société114, l'art. 253 de l'AUSC pose le principe
selon lequel lorsque la nullité de la société est
prononcée, elle met fin, sans rétroactivité, à
l'exécution du contrat. Il est procédé à la
dissolution et, pour ce qui concerne les sociétés
pluripersonnelles, à leur liquidation.
A l'égard des tiers, l'art. 255 de l'AUSC
précise que ni la société ni les associés ne
peuvent se prévaloir d'une nullité à l'égard des
tiers de bonne foi115. Dans
109 Cf. art. 75 AUSC.
110 Elles peuvent également se prononcer en faveur du
demandeur de la nullité.
111 Celle-ci est définie comme une voie de recours
tendant à faire rétracter ou réformer un jugement au
profit d'un tiers qui n'a été ni appelé ni
représenté lors du procès. Cf. art. 217 du Code de
procédure civile et commerciale camerounais
112 Cf. art. 252 AUSC.
113 GUYON (Y.), Droit des affaires, op. cit. n° 156 p.
164.
114 VIDAL (D.), Droit des sociétés, 4e
éd., LGDJ, 2003, n° 277, p. 136.
115 On estime que sont dans ces conditions de bonne foi, les
tiers qui ont cru à l'apparence de la régularité de la
société.
la seconde hypothèse, l'acte ou la
délibération ayant fait l'objet d'une décision
d'annulation est anéanti. Il n'a donc pu produire aucun effet juridique.
La délibération est censée ne pas avoir été
prise; la modification des statuts est non avenue, et laisse subsister les
précédentes dispositions statutaires, de sorte que l'actionnaire
évincé se trouve rétabli dans ses droits. En application
du droit commun des contrats, on doit admettre que sont également remis
en cause tous les actes indivisiblement liés à celui qui se
trouve annulé.
Sur les effets spécifiques de la nullité d'une
fusion ou d'une scission, c'est l'art.254 de l'AUSC qui trouve à
s'appliquer. Ainsi, la décision qui prononce la nullité d'une
fusion ou d'une scission est sans effet sur les obligations nées
à la charge ou au profit des sociétés auxquelles le ou les
patrimoines sont transmis entre la date à laquelle prend effet la fusion
ou la scission et celle de la publication de la décision
prononçant la nullité. Dans le cas spécifique de la
fusion, les sociétés ayant participé à
l'opération sont solidairement responsables de l'exécution des
obligations à la charge de la société absorbante. Il en
est de même, dans le cas de la scission, de la société
scindée, pour les obligations des sociétés auxquelles le
patrimoine est transmis. En effet, chacune des sociétés
auxquelles le patrimoine est transmis répond des obligations à sa
charge nées entre la date de prise d'effet de la scission et celle de la
publication de la décision prononçant la nullité.
On le voit bien, avec la nullité, la marge d'action des
actionnaires est rigoureusement encadrée et limitée. Fort
heureusement, il leur est reconnu une plus grande surface de manoeuvres pour
exercer des actions en responsabilité en cas de besoin. La menace d'une
responsabilité, même en cas de disparition de la cause de
nullité, semble être la manière la plus efficace pour
garantir la régularité des constitutions et des actes
sociaux116, et partant, le respect des droits des actionnaires.
B- Les responsabilités découlant du
déséquilibre des pouvoirs des actionnaires : la
responsabilité des coactionnaires fautifs
Les actionnaires peuvent être la cause même des
difficultés de fonctionnement de la société par actions.
Les sociétés de capitaux, la S.A. principalement, comprennent
souvent des actionnaires qui se connaissent mal. Dans cette optique, elles sont
peut être les plus exposées aux conflits entre
actionnaires117 essentiellement
116 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op.
cit. , n° 72, p. 31.
117 GUYON (Y.), Droit des affaires, droit commercial
général et sociétés, 8e éd.,
tome1, Economica, 1994, p. 455.
37
intéressés par la multiplication de leurs
placements118. D'où la nécessité de
protéger mutuellement ces derniers. Au regard de cette entreprise, il
est important de déterminer les fautes des uns et des autres
susceptibles de sanction. Tâche qui nous conduit à opérer
une distinction entre l'abus de majorité (1) et l'abus de
minorité (2), l'abus d'égalité non seulement
n'étant pas expressément envisagé par le
législateur africain, mais encore est très rare sinon inexistant
dans les sociétés de capitaux. Il s'agit en réalité
d'une variété d'abus de minorité119. C'est
pourquoi il ne sera pas retenu dans le cadre de cette étude.
1- L'abus de majorité
Lorsqu'une personne décide d'entrer dans un groupe, on
attend d'elle qu'elle se soumette à la loi du groupe sans pour autant
abdiquer complètement à ses droits. Dans une
société commerciale, comme dans une démocratie, les
décisions se prennent à la majorité, devant laquelle la
minorité doit s'incliner ; c'est un gage d'efficacité par rapport
au droit commun des contrats ou de l'indivision, lequel ne connaît que la
règle de l'unanimité. La minorité n'est cependant pas
livrée pieds et poings liés aux caprices de la
majorité.
Les actionnaires minoritaires, en effet, sont souvent
considérés comme un fardeau inutile, « un poids mort
» par les actionnaires majoritaires d'entreprises, alors même
qu'ils peuvent jouer un rôle essentiel dans la gouvernance et dans le
succès global d'une entreprise, ainsi que dans le développement
et la durabilité des marchés financiers. Le législateur
OHADA l'a en tout état de cause compris, et a entendu le
matérialiser via la sanction de l'abus de majorité. Mais que
faut-il entendre par abus de majorité ?
Alors que le législateur français n'a pas
consacré expressément cette mesure, le législateur
africain a le mérite à la fois de l'avoir fait et d'avoir
défini la notion. Ainsi, d'après l'art. 130 al. 2 de l'AUSC,
« il y a abus de majorité lorsque les associés
majoritaires ont voté une décision dans leur seul
intérêt, contrairement aux intérêts des
associés minoritaires, et que cette décision ne puisse être
justifiée par l'intérêt de la société
». L'abus de majorité implique donc la réunion de deux
éléments : la violation de l'intérêt social et la
rupture d'égalité entre actionnaires.
118 En effet, les actionnaires minoritaires reprochent
fréquemment aux majoritaires d'abuser de leurs droits et de gérer
la société non dans l'intérêt de la
société elle-même, mais dans leur intérêt
personnel. Il y aurait donc un détournement de pouvoirs ou de fonction
de la part des majoritaires. Mais les minoritaires ne sont pas en reste. En
effet, face à la superbe des forts, il faut compter avec la tyrannie des
faibles.
119 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op.
cit., n° 177, p. 77.
L'intérêt social apparaît comme un fait
justificatif des atteintes au principe d'égalité entre
actionnaires120. Le législateur n'a pourtant pas donné
une définition exacte de ce concept. C'est la doctrine et surtout la
jurisprudence qui ont, au gré des besoins, tenté de
préciser les contours de la notion. Dans cette perspective, la doctrine
est unanime à dire que l'intérêt social est distinct des
intérêts des actionnaires. La personne morale, en effet, a des
intérêts qui transcendent ceux des actionnaires
L'intérêt social ne serait donc pas que la somme de
intérêts individuels de tous les actionnaires qu'ils soient
majoritaires ou minoritaires. C'est dans ce sens que BISSARA
Philippe121 a donné une définition de
l'intérêt social qui reflète le droit positif : «
L'intérêt social peut ainsi se définir comme
l'intérêt supérieur de la personne morale,
c'est-à-dire de l'entreprise considérée comme un agent
économique autonome poursuivant ses fins propres, distinctes notamment
de celles de ses actionnaires, de ses salariés, de ses créanciers
dont le fisc, de ses fournisseurs et de ses clients, mais qui est d'assurer la
prospérité et la continuité de l'entreprise
».
Quant à la rupture d'égalité entre
actionnaires, elle doit être recherchée dans l'objet des
délibérations adoptées soit en assemblées
ordinaires, soit en assemblées extraordinaires. Ainsi, il y a abus de
majorité en cas de détournements de fonction, si la
décision ne s'explique que par un intérêt
égoïste contraire à l'intérêt social et aboutit
à sacrifier les intérêts légitimes des
minoritaires.
Signalons enfin qu'il ne saurait y avoir d'abus de
majorité en dehors des décisions collectives. Cette
dernière observation vaut pour l'abus de minorité.
2- L'abus de minorité
Il ressort, en effet, des dispositions de l'Acte uniforme sur
le droit des sociétés commerciales que les actionnaires
minoritaires peuvent engager leur responsabilité en cas d'abus de
minorité. Il y a abus de minorité d'après l'art. 131 al. 2
de l'AUSC lorsqu'en exerçant leur vote, les actionnaires minoritaires
s'opposent à ce que des décisions soient prises, alors qu'elles
sont nécessitées par l'intérêt de la
société et qu'ils ne peuvent justifier d'un intérêt
légitime.
Cet abus consiste donc en un blocage injustifié du
fonctionnement social. A l'évidence, les conditions sont
quasi-identiques à celles de l'abus de majorité.
C'està-dire une abstention de la minorité à favoriser
l'intérêt général et un avantage escompté.
C'est généralement le cas d'un actionnaire qui, par son refus de
voter,
120 TOZWEN TEUKWA (R.F.), « Le principe
d'égalité entre les associés en droit OHADA »,
Mémoire de DEA, Droit Communautaire et Comparé CEMAC, Uds.,
octobre 2000, p. 42.
124 BISSARA (PH.), L'intérêt social, Rev. Soc. 2001,
p. 5, cité par TOZWEN TEUKWA (R.F.), op. cit., p. 43.
39
bloque la société dans la prise d'une
décision importante. D'après la cour de cassation
française par exemple, un minoritaire se rend coupable d'abus si
« son attitude a été contraire à
l'intérêt général de la société, en ce
qu'il aurait interdit la réalisation d'une opération essentielle
pour celle-ci et dans l'unique dessein de favoriser ses propres
intérêts, au détriment de l'ensemble des autres
associés »122. Cela suppose donc une
décision qui nécessite un quorum, que le groupe majoritaire ne
peut atteindre tout seul.
La question se pose cependant de savoir s'il y a abus de
minorité par le seul fait de l'opposition des minoritaires à
l'adoption d'une mesure essentielle pour la société alors
même que cette mesure a été adoptée en dépit
de cette opposition. Le législateur n'en dit mot, seule la jurisprudence
nous permet d'y répondre par la négative, l'opposition des
actionnaires n'ayant produit aucun effet sur l'adoption de la
délibération d'autant que l'action était
postérieure à la délibération123.
Au total, l'abus de minorité pourrait être
assimilé à un détournement de pouvoir commis par les
actionnaires minoritaires.
Le déséquilibre des pouvoirs des actionnaires
peut également s'étendre à leurs droits financiers. Il
est, en effet, constant que la société commerciale est
constituée dans l'intérêt commun des
associés124. Cette prescription peut être violée
par des actionnaires, ou par un groupe d'actionnaires. Les abus
précédemment analysés ont des incidences sur les droits
financiers de ces acteurs internes à la société.
D'où la nécessité de s'attarder sur la nature de ces
atteintes et sur leurs conséquences.
Tout d'abord, il ressort des articles 125, 283, 284, 288 de
l'Acte uniforme que les décisions sont prises en assemblées
à l'unanimité ou à la majorité, selon les cas, par
tous les actionnaires réunis. Au cours de ces assemblées, les
actionnaires majoritaires peuvent faire valoir leur poids démocratique
dans l'unique dessein de s'octroyer l'essentiel des avantages financiers.
Pourtant, la société est constituée dans
l'intérêt commun des associés ; ces derniers sont tous
supposés égaux en droits et obligations. Chacun des actionnaires
doit participer au profit et aux pertes à hauteur de son apport, selon
les termes même de l'art. 4 al. 2 de l'AUSC in fine. Constitue
donc une faute, le déséquilibre de fait créé par
ceux-ci.
122
Cass. com., 15 juill. 1992, Bull. civ. IV
, n°279.
123 TGI du Mfoundi, jugement n° 205 du 12 janvier 2004, Aff.
SNAC c/ MOUICHE. 127Cf. ici encore l'art. 4 AUSC.
Le bloc majoritaire représente une véritable
menace pour les minoritaires. Cela est dû au fait qu'en vertu de l'art.
146 de l'AUSC les modalités de paiement des dividendes sont
fixées par l'assemblée générale. Les
décisions en assemblées générales faut-il le
rappeler, obéissent à la formule majoritaire. La mauvaise foi
avérée des majoritaires peut ainsi mettre en péril les
intérêts financiers des minoritaires. Aussi, l'augmentation du
capital social ne saurait entraîner une élévation des
engagements de l'actionnaire sans son assentiment. De la même
manière, le vote de la mise en réserve de tous les
bénéfices ne saurait être fonction de la mauvaise foi des
majoritaires mais bien de l'intérêt de la
société.
Soulignons que les atteintes aux droits financiers sont
très souvent l'oeuvre des majoritaires qui disposent de l'arme politique
la plus importante, mais aussi la plus redoutable : le droit de vote. Les
minoritaires dans ce contexte ne peuvent que recourir au juge pour le
rétablissement du droit, ce qui n'est pas sans entraîner des
conséquences.
En ce qui concerne les effets des atteintes aux droits
financiers des actionnaires, il faut dire que la réaction des
actionnaires minoritaires face à la mauvaise foi des majoritaires
entraîne des répercussions négatives sur la
société et l'environnement économique, notamment la
dissolution de la société et/ou l'intervention accentuée
du juge dans la société.
S'agissant de l'exercice de l'action en responsabilité
contre les coactionnaires fautifs, ce dernier ne pose pas de difficultés
majeures une fois que la faute est établie, étant donné
que l'établissement de l'abus de majorité ou de minorité
est généralement consécutif à un contrôle
judiciaire par le biais d'une expertise de gestion.
L'annulation des actes faisant grief et la mise en cause des
coactionnaires pour les fautes perpétrées en assemblées
protègent ainsi les actionnaires de la mauvaise foi de leurs homologues,
et lorsque ces mécanismes dits classiques ne parviennent pas à
juguler la crise de sorte que la société puisse poursuivre son
exploitation normale, d'autres sanctions entrent alors en jeu, notamment
l'intervention d'un tiers.
41
§2- LA SANCTION D'EXCEPTION OU LA MESURE DE
GESTION DES CRISES: L'INTERVENTION D'UN ADMINISTRATEUR
PROVISOIRE
Les évènements qui peuvent perturber la vie
d'une société, voire entraîner sa disparition, sont
nombreux et variés125. Seuls seront envisagés ici, les
incidents de fonctionnement internes, ayant le plus souvent à leur
origine un conflit plus ou moins aigu entre actionnaires126.
Toutes les crises, heureusement, ne mènent pas à
la solution extrême, c'est-àdire à la dissolution, et
souvent l'intervention d'une tierce personne désignée par le juge
entraîne une baisse des tensions et assure un retour à la
sérénité127. La désignation d'un
administrateur provisoire qui se substitue momentanément aux organes de
direction est la mesure la plus radicale qui soit.
Mesure grave et exceptionnelle, elle n'est pas
expressément prévue ni organisée par le droit de l'OHADA.
Le législateur africain aurait pourtant trouvé là une
occasion formidable pour innover et se démarquer de son homologue
français, en matière de sécurisation des
actionnaires128.
Cette institution suscite ainsi un abondant contentieux,
concernant surtout les conditions (A) et la mission qui est confiée
à l'administrateur provisoire (B).
A- Les conditions de nomination de l'administrateur
provisoire
La nomination d'un administrateur provisoire ne se
conçoit qu'en cas de crise grave mettant en péril la survie
même de la société129. Elle relève en
cela de l'assistance à personne en danger130 ; par
delà les intérêts égoïstes des protagonistes,
le juge se fonde sur l'intérêt social une fois de plus. Aussi,
n'accède-t-il à la demande de nomination d'un administrateur
provisoire qu'à la double condition que la preuve soit apportée
d'une paralysie des organes sociaux (1) et d'un péril imminent (2).
125 Ils peuvent être extérieurs à
l'entreprise (augmentatation brutale du prix des matières
premières, récession...) comme ils peuvent lui être
propres (mauvaise gestion d'un dirigeant trop âgé, grèves
répétées...) et provoquent
essentiellement des difficultés financières.
126 MERLE (PH.), op. cit., n° 573, p. 514.
127 COZIAN (M.), VIANDIER (A.) et DEBOISSY (Fl.), op. cit.,
n° 478, p. 177.
128 L'art. 516 de l'AUSC prévoit juste la
désignation d'un mandataire judiciaire ad hoc chargé de
convoquer
l'assemblée générale en cas de
défaillance des organes sociaux.
129 La désignation d'administrateurs provisoires n'est
pas propre au droit des sociétés commerciales ; on la rencontre
dans toutes les institutions en cas de crise ; ainsi, le pape fait de
même lorsque dans une abbaye en crise les religieux ne parviennent pas
à élire un abbé accepté par tous.
130 Selon l'expression de COZIAN (M.), VIANDIER (A.) et DEBOISSY
(Fl.), op. cit., ibidem.
1-L'exigence de paralysie des organes
sociaux
La désignation d'un administrateur provisoire est
indéniablement justifiée en cas de défaillance des organes
sociaux. La société peut être paralysée par
l'absence ou la défaillance des organes de gestion131. Dans
la jurisprudence OHADA, si le conflit entre acteurs sociaux persiste et est de
nature à paralyser le fonctionnement de la société, le
juge peut nommer un administrateur provisoire132, à l'issue
de l'examen préalable au fond des problèmes de la
société133.
En revanche, les dissensions entre actionnaires, si violentes
soient-elles ne justifient pas la désignation d'un administrateur
provisoire tant que les organes sociaux fonctionnent normalement. C'est du
moins la substance de la décision du juge de la Cour d'Appel d'Abidjan,
dans l'affaire Société Négoce Afrique Côte d'Ivoire
dite NACI-SA c/ la Société WIN SARL134. La Cour
censure en ces termes :
« Il ressort des débats que le 23 octobre1997,
MANUEL TERREN exerçant les fonctions de Directeur Général
de la société NACI a tenu différents conseils
d'Administration tel qu'il résulte de la production des procès
verbaux de délibération, établis à cet effet
;
Dès lors, quand bien même
l'effectivité d'un litige entre MANUEL TERREN et les autres
associés de la société NACI, ne peut faire l'objet de
contestation, il n'en demeure pas moins, qu'il n'a existé de fait, aucun
blocage dans l'Administration et la gestion de ladite société
;
Ainsi, le Premier Juge, en ne fondant sa décision
de nomination d'un Administrateur provisoire au sein de la
société NACI, sur le seul fait que la dite mesure ne
lésait aucune des parties au litige alors qu'il eut fallu rechercher en
l'espèce, l'existence ou non, d'une paralysie dans le fonctionnement de
ladite société, n'a donné de base légale à
sa décision;
Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance querellée
;
Statuant à nouveau, il convient de dire que la
demande en nomination d'un administrateur provisoire de la
société NACI n'est en l'état, nécessaire ; en sorte
que les organes dirigeants de ladite société demeurent toujours
en fonctions... ». C'est dire que le juge préfère dans
pareille circonstance, laisser jouer les mécanismes sociétaires.
L'administrateur provisoire n'est pas un arbitre chargé de trancher
le
131 C'est l'hypothèse où tous les administrateurs
ont démissionné et il s'avère impossible de recomposer le
conseil. Il en
est de même lorsque le conseil ne peut plus fonctionner
régulièrement par suite de mésentente entre
administrateurs ou encore les actionnaires minoritaires et majoritaires se
heurtent systématiquement, à un point tel qu'ils compromettent
les intérêts sociaux.
132 Aff. Société Continentale des Pétroles
et d'Investissements c/ Etat béninois précitée, p. 44.
133 Cotonou, n° 178, 30 sept. 1999, aff. DAMA KARAMATOU
IBUKUNLE c/ Société CODA BENIN et quatre autres.
134 V. supra, p. 44, Abidjan, n° 258, 25 févr.
2000.
43
moindre conflit opposant minoritaire et majoritaire. Cette
dernière proposition doit cependant être nuancée ; de plus
en plus, dans la jurisprudence française, les minoritaires sollicitent
la désignation d'un administrateur provisoire alors même que les
organes en place ne sont en rien paralysés ; certains juges du fond
accèdent à leur demande si l'intérêt social est
gravement menacé135. C'est évoquer la deuxième
condition qu'est le péril imminent.
2-Nécessité d'un péril
imminent
La paralysie des organes sociaux doit entraîner un
péril imminent. C'est seulement lorsque la société est
exposée à un péril certain et imminent que le juge accepte
d'intervenir au nom de l'intérêt social. Si le risque
évoqué est simplement éventuel, la demande n'est pas
recevable. La situation est plus embarrassante lorsque le préjudice,
sans être actuel, risque de se réaliser si aucune mesure d'urgence
n'est prise. Ainsi, certains tribunaux sont favorables à la
désignation de l'administrateur provisoire à titre
préventif pour juguler un péril à venir136.
L'intervention d'un administrateur provisoire est une mesure
opportune de protection des actionnaires. Le juge assure ainsi la
continuité de l'exploitation en dépit des divergences existant
entre les principaux intéressés. La désignation, en effet,
d'un mandataire ad hoc emporte dessaisissement total ou partiel des
organes de direction en fonction de la mission fixée par le juge ; elle
constitue donc une mesure grave qui ne peut se justifier que par des
circonstances graves perturbant le fonctionnement normal de la
société ; il appartient dans cette optique au juge saisi de
motiver sa décision en précisant en quoi la mésentente
entre actionnaires paralyse l'organe de direction ou met en péril la
société elle-même137.
La paralysie des organes sociaux avérée et
l'imminence du péril observée, le juge assigne à
l'administrateur provisoire des missions spécifiques.
135 ROUEN, 25 sept. 1969 : JCP, 1970, 16219, note GUYON (Y.), sur
l'affaire pittoresque dans laquelle les charmes d'une secrétaire ont
entraîné une grave crise sociale.
136 par exemple les graves conséquences que l'annulation
prévisible de la désignation des dirigeants ne manquera pas
d'entraîner pour la société et par ricochet
pour les actionnaires. Tel est la quintessence de l'arrêt français
FruchaufFrance.
137 FENEON (A.), « La mésentente entre
associés dans les sociétés anonymes OHADA,
prévention et modes de règlement », Penant, juill.-sept.
2004, p. 273.
B- Les missions de l'administrateur provisoire
L'administrateur provisoire va se substituer temporairement
aux dirigeants en place, voire aux dirigeants des sociétés du
groupe138. Il appartient à la décision qui le nomme de
délimiter l'étendue de ses pouvoirs139. Il lui revient
de prendre d'urgence les mesures nécessaires pour conjurer les dangers
menaçant la société. Il doit également s'occuper de
sa gestion quotidienne, ce qui englobe à l'évidence les actes
conservatoires.
La gestion de la société mettant en exergue les
actes de disposition et les actes conservatoires, la question se pose alors de
savoir si l'administrateur provisoire peut prendre des actes de disposition
engageant l'avenir de la société. La jurisprudence
française adopte une position nuancée. Ainsi, tout dépend
de ce que commande l'intérêt social. Par exemple, un
administrateur a pu donner le fonds de commerce de la société en
location dès lors que cette situation permettait de résorber le
passif social et de faire face aux échéances140. De
même, l'administrateur désigné par l'autorité
judiciaire est, selon la Cour de cassation, investi de tous les pouvoirs
conférés par la loi à un dirigeant
social141.
Mais l'administrateur provisoire ne pourrait également
n'être doté que de pouvoirs limités142. Il ne
saurait, par exemple prendre des décisions qui relèveraient de la
compétence des assemblées, telle la dissolution de la
société. On ne doit pas oublier qu'il est avant tout
chargé de dénouer une crise et n'est qu'un dirigeant «
provisoire ». C'est pourquoi il doit être
particulièrement prudent s'il a à effectuer des actes de
disposition engageant de façon irrémédiable la
société, d'autant que souvent il connait encore mal l'entreprise
à la tête de laquelle il a été nommé. Dans le
doute, il a tout intérêt à se faire spécialement
autoriser par l'autorité judiciaire qui l'a désigné.
Dans tous les cas, l'administrateur provisoire doit accomplir
certains actes pour remédier à la situation de crise qui
prévaut dans l'entreprise. A l'évidence, des zones d'ombre
subsistent sur sa mission . Aussi, une intervention législative nous
semble opportune et nécessaire pour aménager cette institution
dans l'espace OHADA, car les mesures consacrées présentent
d'énormes failles mettant ainsi en péril les droits des
actionnaires.
138
Cass. com., 5 févr. 1985 : JCP E
1985, II, note A. VIANDIER.
139 Par exemple « gérer et administrer la
société avec les pouvoirs les plus étendus selon les lois
et usages du commerce » ou « pouvoirs les plus étendus
attribués au président du conseil (et au conseil
d'administration).
140 Aix-en-Provence, 2 juill. 1982, RJ com. 1983, p. 369, note
PH. DELEBECQUE.
141 Com., 6 mai 1986, Rev. soc. 1987, p. 286, note Y. GUYON.
142 MERLE (PH.), op. cit., n° 576, p. 517.
CHAPITRE II :
LES LIMITES A UNE EXPRESSION SIGNIFICATIVE
DES DROITS DES ACTIONNAIRES
45
La consécration d'un ensemble considérable de
mesures protectrices des prérogatives des actionnaires est
indéniablement un pas fort louable dans les objectifs d'attraction des
investissements et de la compétitivité des économies
africaines. Pourtant, en l'état actuel de ce droit, de nombreuses zones
d'ombre subsistent sur l'efficacité de la protection des droits des
actionnaires en assemblées. Effet, il existe de nombreuses
difficultés qui ne permettent pas à ces derniers d'assurer la
plénitude de leurs prérogatives.
Dans ces conditions, il convient de mettre en relief les
différents obstacles se dressant sur le chemin des actionnaires (Section
1), afin de mieux les combattre (Section 2).
SECTION I- LES DIFFICULTES D'EXERCICE DES DROITS
DES ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES
Seul un contrôle effectif, prompt, constant et efficace
peut conduire à une protection réelle et absolue des
actionnaires. Or tel n'est pas souvent le cas. En effet, les
intéressés sont pour la plupart du temps exposés à
de nombreux obstacles dont certains constituent, soit des limites normatives,
soit des limites factuelles. Mais l'essentiel des difficultés d'exercice
des droits des actionnaires en assemblées se rapporte à la
faiblesse de la participation (§1) et de la représentation
(§2) des actionnaires.
§1- LES LIMITES RELATIVES A LA FAIBLESSE DE
PARTICIPATION DES ACTIONNAIRES AUX ASSEMBLEES
Signalons dès l'abord qu'il s'agit de la participation
des actionnaires aux décisions collectives telles que rendues
obligatoires par l'art. 125 de l'AUSC143. Pour ce faire, ceux-ci
doivent se regrouper au sein des « assemblées »
où ils vont effectivement exercer leurs prérogatives de
contrôle et de haute gestion144. Le problème naît
de ce que la législation OHADA n'a retenu comme mode de prise de
décisions collectives que la présence effective ou la
représentation aux assemblées. Pourtant, l'institution d'un vote
par correspondance pourrait renforcer les droits des actionnaires (A). De
même, l'indifférence vis-à-vis des moyens de
télécommunications constitue à notre sens, une
sérieuse limite à cette expression (B).
A- L'absence de vote par correspondance
Le vote est le fondement même de la démocratie
dans toute société - commerciale ou non -, et comme tel,
constitue une arme absolue entre les mains de l'actionnaire dans sa
participation à la gestion et au contrôle des organes de direction
de la société commerciale. Prérogative d'ordre public en
droit OHADA, ce droit est la pierre de touche de la «
citoyenneté », des membres du groupement145 ;
« l'une des vaches sacrée du droit des
sociétés146 ». Le législateur a,
à priori, voulu en faire un élément fondamental, mais
semble être resté à mi-chemin de son oeuvre, contrairement
à son homologue français.
Afin de faciliter, en effet, la participation des actionnaires
à la vie de la société et pour mieux lutter contre les
effets néfastes de l'absentéisme147, le
législateur français a consacré le vote par correspondance
dans la loi du 03 janvier 1983 relative au développement des
investissements et à la protection de l'épargne148. Il
s'agit désormais de permettre aux actionnaires qui ne peuvent pas
physiquement assister à l'assemblée d'y envoyer leur vote par la
poste ou par tout autre moyen, de préférence, laissant trace
écrite. Le droit OHADA est resté en marge de cette
évolution, même si
143 Cet article dispose en effet, que « Sauf disposition
contraire du présent Acte Uniforme, tout associé a le droit de
participer aux décisions collectives. Toute clause statutaire contraire
est réputée non écrite ».
144 GUYON Y. , Droit des affaires, op. cit., n 300, p. 295.
145 ALFANDARI E., Droit des affaires, les cadres
généraux, l'entreprise, les activités, Litec, 1993, n 328,
p. 234.
146 VIANDIER A., cité par MERLE PH., op. cit., n 506, p.
271.
147 KAGOU KENNA (P.H.), « La représentation des
actionnaires dans les sociétés commerciales OHADA ».,
Mémoire de DEA, Droit Communautaire et Comparé CEMAC, UDS, avril
2007, p. 29.
148 Rappelons que ce droit était absent des dispositions
de la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés.
47
une lecture hâtive pourrait laisser penser qu'il a
été consacré dans ce droit le vote par correspondance.
Aux termes de l'art. 133 de l'AUSC, en effet, « Dans les
conditions propres à chaque forme de société, les
décisions collectives peuvent être prises en assemblée
générale ou par correspondance ». En réalité,
le terme correspondance ici renvoie à notre sens, à une autre
modalité de prise de décision différente de
l'assemblée des actionnaires et non pas une modalité de
participation aux assemblées. D'ailleurs, cette position est clairement
exprimée par une doctrine à laquelle nous adhérons et
d'après laquelle, « il n'a pas été
institué de vote par correspondance » dans les
S.A.149
Conséquence, les droits des actionnaires sont
inéluctablement amenuisés. Toutefois, le droit des affaires fait
la part belle à la pratique et il est utile de noter que les
actionnaires peuvent bien envoyer leurs opinions sur les résolutions par
poste, bien que l'on puisse douter de leur arrivée à temps
à la société, c'est-à-dire avant la tenue de
l'assemblée. Par ailleurs, on peut tout aussi se demander s'il est
bénéfique pour ces derniers que le vote par correspondance soit
consacré. Assurément, cette modalité de vote est un
palliatif à la représentation des actionnaires, et partant, un
remède à leur absentéisme aux
assemblées150. En outre, il présenterait l'avantage
d'être simple et pratique, car l'actionnaire n'a pas à chercher un
mandataire qui accepte de voter dans le sens qu'il souhaite ; il remplit
simplement un formulaire et le retourne à la société.
A cette lacune, l'on peut ajouter les difficultés
relatives à l'indifférence des actionnaires vis-à-vis des
TIC.
B- L'indifférence des actionnaires vis-à-vis
des TIC151
Droit moderne, les rédacteurs du Traité OHADA et
de ses Actes uniformes ont entendu épouser tous les contours des
exigences du monde des affaires, afin d'inciter les investissements. Toutefois,
à la lecture de ces instruments juridiques, il semble que le
législateur OHADA soit resté à mi-chemin de son
entreprise. Sinon, comment expliquer qu'il ait fait fi d'éléments
aussi importants et essentiellement porteurs du développement des
activités économiques comme les technologies de l'information et
de la communication? Nous pensons qu'il s'agit bien là d'un oubli de la
part du législateur et qu'à l'occasion, il n'hésitera pas
à se rattraper.
149 Selon les auteurs POUGOUEP.G., ANOUKAHA F. et NGEUBOU TOUKAM
J., op. cit., n 286, p. 130.
150 KAGOU KENNA P.H., op. cit., ibidem. A l'opposé de la
législation française qui n'admet que le conjoint ou un autre
actionnaire en excluant un tiers étranger à la
société, l'assemblée n'ayant pas un caractère
public.
151 Nouvelles technologies de l'information et de la
communication.
Néanmoins, il s'agit de démontrer que, face
à la complexité actuelle des modalités de
représentation des actionnaires, le législateur OHADA n'a pas
pensé à des mécanismes plus souples. Pourtant, les TIC
présentent un avantage indéniable, notamment la facilitation des
échanges. En France, par exemple, Internet a, dans la
représentation des actionnaires, considérablement
développé et rendu fluide l'information et le vote des
actionnaires en assemblées générales152. Il a
surtout permis le vote des non-résidents, qui détiennent une part
importante, 35 à 40% de la capitalisation boursière. Certes la
question ne s'est pas encore posée dans l'espace OHADA, mais est-ce une
raison suffisante pour justifier son absence ? Autrement dit, faut-il attendre
que les difficultés naissent avant de les combattre alors même
qu'il est possible de les éviter ? A notre sens, une anticipation de la
part du législateur aurait été satisfaisante, surtout
lorsqu'on a présent à l'esprit que la représentation des
actionnaires n'est-elle-même pas à l'abri de critiques.
§2- LES ENTORSES RELATIVES A LA REPRESENTATION
DES ACTIONNAIRES
Il ne fait pas de doute que les modalités de
participation des actionnaires au sein des assemblées sont
variées. Toutefois, il est traditionnel que l'actionnaire participe
lui-même à celles-ci, et la difficulté provient de ce qu'il
peut arriver qu'il ne puisse
pas être présent au sein de l'assemblée
générale et souhaiter se faire représenter.
D'oül'existence de nombreux obstacles dûs à
l'état actuel du droit OHADA (A). Il ne faut
pas non plus sous-estimer l'isolement des actionnaires mûs
par une certaine passivité (B).
A- Les difficultés de représentation par le
conjoint ou par tout autre actionnaire
Des dispositions de l'art. 538 de l'AUSC, <<Tout
actionnaire peut se faire représenter par un mandataire de son choix
». Il faut entendre cet article dans son sens large, car l'actionnaire
peut aussi bien se faire représenter par un autre actionnaire, que par
son conjoint ou toute autre personne étrangère153.
Mais le droit OHADA est resté très prudent et
presque hostile à l'égard de la représentation. Signalons
d'emblée qu'il n'est pas prévu la faculté de joindre une
formule de procuration aux documents envoyés aux actionnaires quelques
jours avant
152 BISSARA (P.), << L'utilisation des moyens de
télécommunication et les assemblées
générales d'actionnaires », Rapport d'un groupe de travail
de l'ANSA,
www.ansa.asso.fr
153 A l'opposé de la législation française
qui n'admet que le conjoint ou un autre actionnaire en excluant un tiers
étranger à la société, l'assemblée n'ayant
pas un caractère public.
49
l'assemblée. Certes, le vote expose la
société à des charges financières
supplémentaires, mais l'intérêt des actionnaires est
rehaussé. Aussi, le législateur OHADA fait-il montre d'une sorte
de défiance à l'égard du conjoint de l'actionnaire,(1) ,
et même en acceptant la représentation de l'actionnaire par un
autre, celle-ci n'est pas à l'abri de difficultés(2).
1- La défiance à l'égard du
conjoint
D'après le droit commun des contrats, un conjoint peut
valablement donner mandat à l'autre à l'effet de le
représenter dans l'exercice des pouvoirs que lui accorde le
régime matrimonial154. La possibilité est largement
admise en droit des sociétés commerciales ; d'ailleurs,
d'après la loi française de 1867, il est acquis que l'actionnaire
puisse se faire représenter aux assemblées
générales par son conjoint. L'objectif étant d'accroitre
le degré de participation aux assemblées.
Seulement, les actionnaires semblent très peu enclins
à adopter ce mode de représentation. Le fait n'est pas surprenant
si l'on fait une brève incursion dans le droit des régimes
matrimoniaux au Cameroun, où le mari a tous les pouvoirs, et rechigne le
plus souvent à en concéder une partie à son conjoint. La
femme se trouve ainsi très éloignée de ses affaires. Le
constat est que ce mode de représentation, marginalisé, pourrait
pourtant contribuer à accroitre l'intérêt des actionnaires
au sein de la société.
2- Les difficultés de représentation par un
actionnaire
Des dispositions de l'art. 538 précité, il
ressort que tout actionnaire peut se faire représenter par un mandataire
de son choix ; et que tout actionnaire peut recevoir les pouvoirs émis
par d'autres actionnaires, en vue d'être représenté
à une assemblée, sans autre limite que celle résultant des
dispositions légales ou statutaires fixant le nombre de voix dont peut
disposer une même personne, tant en son nom personnel que comme
mandataire. C'est dire que l'actionnaire a le libre choix de son mandataire, et
on leur applique le droit commun du contrat de mandat. Mais les choses se
passent rarement ainsi, au moins dans les sociétés qui font appel
public à l'épargne.
Premièrement, les actionnaires qui ne se connaissent
pas ne peuvent se mettre en rapport les uns avec les autres pour trouver celui
qui assistera en personne à
l'assemblée. Autrement dit, la réelle
difficulté pour l'actionnaire réside dans le fait de trouver un
autre qui accepte de le représenter à l'assemblée, la
libre transmissibilité des actions permettant que celles-ci changent de
propriétaire au gré des fluctuations du marché ou tout
simplement de la volonté de l'actionnaire. En outre, l'actionnariat peut
également être dispersé dans tout le pays, et il devient
alors impossible, sinon très difficile de trouver un actionnaire ;
même dans ce cas, encore faudrait-il que ce
dernier accepte de voter dans le sens voulu par le
mandant155, car on ne saurait exiger d'une personne qu'elle accepte
de représenter une autre surtout lorsqu'elle entend voter
différemment sur les questions de l'ordre du jour.
Une autre difficulté résiderait dans
l'inaptitude de l'actionnaire représentant à accéder en
son nom propre à l'assemblée156. Et la doctrine n'est
pas unanime à ce sujet157. Pourtant, l'on doit admettre qu'il
serait opportun de reconnaître que la régularité des actes
faits par un mandataire s'apprécie eu égard à la
capacité du mandant et non du mandataire, ce selon l'esprit même
du droit commun du contrat de mandat, car ce dernier ne fait pas valoir ses
propres actions mais se limite à agir au nom et pour le compte du
mandant.
On signalera enfin le caractère vague et incertain des
autres mandataires visés par l'Acte uniforme dans son art. 538.
Même si cette position peut se comprendre dans la mesure où, en
fait de représentation, il n'est pas question ni souhaitable de
multiplier au sein du conseil des représentants de telle ou telle
catégorie d'intérêts spécifiques : d'une part parce
que le conseil risquerait d'être le champ clos d'affrontements
d'intérêts particuliers au lieu de représenter
collectivement l'ensemble des actionnaires et d'autre part parce que la
présence d'administrateurs indépendants est un gage suffisant de
ce que tous les intérêts susceptibles d'être pris en compte
l'auront été.
B- L'isolement des actionnaires
Le législateur de l'OHADA a conçu la
société de capitaux comme un véritable Etat
démocratique observant le principe de séparation des
pouvoirs158.
154 MALAURIE P. et AYNES L. , Régimes matrimoniaux,
cités par KAGOU KENNA P. H., op. cit., p. 16.
155 KAGOU KENNA (P.), op. cit. p. 18.
156 Tel sera le cas lorsque les statuts exigent, par exemple, un
certain nombre d'actions pour accéder à une assemblée
générale ordinaire.
157 HEMARD, TERRE, MABILAT : Sociétés commerciales,
cités par MERCADAL (B.), JANIN (P.), op. cit., n° 1825, p. 556.
158 Le principe de la séparation des pouvoirs
développé tour à tour par John LOCKE et MONTESQUIEU
postule une indépendance et une égalité entre les
différents organes de la société : l'organe
délibérant, l'organe exécutif et l'organe de
contrôle, afin d'éviter toute concentration du pouvoir,
annonciatrice de la mort des droits.
51
Aussi, l'assemblée générale des
actionnaires détient-elle la souveraineté : elle nomme,
contrôle et révoque les administrateurs. Le conseil
d'administration, organe exécutif, doit rendre compte de sa gestion au
moins deux (02) fois l'an. Pour exercer utilement leur droit de contrôle,
les actionnaires peuvent, avant la tenue de l'assemblée, exiger des
explications, et si celles-ci paraissent insuffisantes, solliciter une
expertise de gestion.
Mais ce système, équilibré sur le papier,
s'avère en pratique étrangement modifié. D'une part, le
choix des administrateurs échappe aux actionnaires : les premiers se
confondent avec les fondateurs. Sans doute ils devront être
confirmés par l'assemblée constitutive; mais comment les membres
de cette assemblée pourraientils avoir seulement l'idée de leur
refuser confiance ?159 D'autre part, si le choix des administrateurs
échappe ainsi aux actionnaires, ces derniers ne peuvent pas exercer avec
efficacité leur droit de contrôle, ni celui de vote. L'actionnaire
isolé n'a, en effet, ni le temps ni la capacité, encore moins le
goût de vérifier quoique ce soit. Il ne vient que très
rarement à l'assemblée. Cela est d'autant vrai que le local
où doit se tenir l'assemblée, serait notoirement insuffisant
à contenir fût-ce le quart des actionnaires convoqués,
surtout lorsque la société fait appel public à
l'épargne.
Cet absentéisme des actionnaires aux assemblées
générales est si fréquent que pour y remédier, les
sociétés envoient en même temps que les convocations un
pouvoir en blanc à signer d'avance, et allouent même souvent un
jeton de présence, pour obtenir soit le retour du pouvoir signé,
soit la présence effective de l'actionnaire à la
réunion160.
On peut souligner en outre au sujet de leur droit de vote que,
dans les entreprises importantes, les actionnaires, nombreux et isolés,
ne se sentent guère impliqués par la marche de la
société car, ils ne disposent individuellement que d'un nombre de
voix insuffisant pour influencer le vote. Ils préfèrent donc
s'absenter et renoncer tout simplement à ce droit. Parfois même,
notamment dans les sociétés cotées en bourse, ils ignorent
l'activité de la société. Ils ont acquis quelques titres
uniquement pour faire un placement. Pour finir, beaucoup ne viennent pas aux
assemblées et ne s'y font même pas représenter.
Si l'on peut observer qu'on ne peut protéger utilement
celui qui ne veut se protéger lui-même, force est de constater que
cet état d'isolement et d'absentéisme est en partie imputable au
caractère non incitatif de la législation OHADA, qui n'offre pas
un cadre absolument propice à l'épanouissement des actionnaires.
Ce qui justifie à suffisance une intervention urgente et correctrice du
législateur.
159 PERROUD (J.), « La condition de l'actionnaire »,
Mélanges Georges RIPERT, Tome 2, p. 320.
160 PERROUD (J.), op. cit. p.321.
SECTION II- LES MESURES CORRECTRICES
Si l'on admet que l'absence de vote par correspondance et
l'indifférence des TIC constituent des obstacles à une protection
efficiente, une première mesure palliative devrait être la prise
en compte de ces anomalies de telle enseigne que l'internet161
puisse conduire dans les pays membres, à la construction d'une
société commerciale de l'information et du renforcement du
contrôle actionnarial du pouvoir.
Au-delà de ces premières mesures, il en existe
de plus optimales, à savoir, la question des associations d'actionnaires
l'opportunité d'un marché des droits de vote (§1), ainsi que
l'effectivité du rôle des organes de contrôle et des
assemblées (§2).
§1- LA QUESTION DES ASSOCIATIONS D'ACTIONNAIRES ET
LA CREATION D'UN MARCHE DE DROITS DE VOTE
A une époque où le monde est frappé par
une crise financière sans précédent et où la crise
économique refait surface, il n'est pas toujours aisé pour les
actionnaires d'agir séparément pour la défense de leurs
intérêts sans cesse en péril. D'où la
nécessité pour ces derniers de trouver des cadres de
regroupements pour la défense de leurs intérêts collectifs
(A). Un autre point d'intérêt peut tout aussi consister en la
dissociation du droit de vote de l'action (B).
A- La question des associations d'actions
d'actionnaires
Si l'on peut rétorquer d'emblée que la question
ne s'est pas encore posée dans l'espace OHADA, cela n'enlève rien
à la pertinence d'un tel regroupement devant favoriser l'expression
complète des droits des actionnaires.
Historiquement, les associations ont une origine contentieuse.
Elles se sont constituées pour défendre les intérêts
des porteurs d'actions ou d'autres catégories de titres sous forme
d'associations de défense162. La pratique prend naissance aux
Etats unis et s'étend en France où elle constitue un mode de
protection de la minorité.
161 Jadis un bien élitiste, est passé à
une échelle de grande consommation. Cette origine ancienne est
liée aux emprunts internationaux émis pour financer de grands
travaux, à l'occasion desquels les porteurs de titres non
remboursés se sont regroupés pour une meilleure
représentation de leurs intérêts auprès des pouvoirs
publics.
162 Cette origine ancienne est liée aux emprunts
internationaux émis pour financer de grands travaux, à l'occasion
desquels les porteurs de titres non remboursés se sont regroupés
pour une meilleure représentation de leurs intérêts
auprès des pouvoirs publics.
53
Pourtant, si cette pratique est clairement consacrée
par la législation française dont s'est fortement inspirée
la législation de l'OHADA, il est à notre sens assez
incompréhensible qu'elle n'ait pu trouver application dans cette
dernière au regard de ses nombreux atouts. En effet, les associations
agissent plus facilement que les actionnaires pris individuellement et
constituent un sérieux contrepoids aux abus divers.
En l'absence d'une consécration expresse du
législateur OHADA de cette pratique, la lecture de certaines
dispositions de l'Acte uniforme163renvoyant vaguement à la
possibilité de se réunir sans qu'aucune mention ne soit
élaborée sur une forme juridique quelconque de cette
collaboration, il revenait à la jurisprudence de se prononcer.
Après quelques moments d'hésitation et
d'hostilité164, elle a fini par se raviser et a
suppléé le législateur, notamment dans l'affaire le
«club des actionnaires de la SONATEL
»165oÜ, passant outre les questions de fond, la
juridiction présidentielle a déclaré recevable l'action de
l'association susmentionnée après avoir précisé les
conditions que doit remplir une association d'actionnaires pour être
justiciable. Le juge décide en ces termes : « L'action
initiée par les actionnaires d'une société,
regroupés au sein d'une association ayant satisfait à toutes les
exigences légales, dénommée club des actionnaires, doit
être déclarée recevable ».
L'on retiendra de cette décision que la question de la
recevabilité de l'action d'une association d'actionnaires dans l'espace
OHADA ayant satisfait aux exigences légales semble désormais
acquise. Reste cependant que les conditions de constitution de ces associations
sont assez contraignantes, pourtant le recours à cette dernière
présente un intérêt certain. Le législateur devra
par conséquent assouplir les conditions de constitution de ces
associations166.
On ne peut toutefois occulter le fait que les associations
d'actionnaires doivent être admises avec prudence et circonspection : il
n'est pas question de retomber dans les abus constatés aux Etats
unis167. Il est aussi question d'éviter en même temps
les
163 D'après l'art. 159 dudit Acte << Un ou
plusieurs associés peuvent (...) soit en se regroupant sous quelque
forme que ce soit », et l'art. 548 consacre la possibilité de
regroupement de plusieurs actionnaires pour atteindre un minimum prévu
par les statuts, notamment lorsque ceux-ci exigent un nombre minimal d'actions
pour ouvrir le droit de participer aux assemblées
générales ordinaires.
164 Il faut dire, en effet, que la jurisprudence africaine
faisait montre d'une hostilité particulière face à cette
mesure, surtout en l'absence d'une consécration expresse par les
textes.
165 Dans cette espèce, les actionnaires réunis
au sein d'une association, le <<club des actionnaires de la SONATEL
(Société nationale des Télécommunications) »,
ont saisi le juge des référés afin d'ordonner à la
SONATEL la communication de l'état certifié par les Commissaires
aux comptes des rémunérations des dix (10) dirigeants sociaux et
salariés les mieux rémunérés, la mise en harmonie
des statuts et enfin l'ouverture des négociations en vue de
désigner le représentant du groupe de petits porteurs au conseil
d'administration.
166 En France, en raison des scandales financiers, il suffit
aujourd'hui qu'une association soit composée de deux cents membres au
lieu de mille pour qu'elle puisse agir en justice et l'agrément est
facilité puisque la condition d'ancienneté est portée de
deux ans à six mois.
167 L'admission large de cette faculté avait, en effet,
donné lieu à des chantages et à des actions en justice
abusives.
chantages et poursuites excessives qui dissuadent les
dirigeants de prendre le moindre risque tout en stimulant les organes de
contrôle et des assemblées d'actionnaires à plus de
ténacité dans leurs rôles respectifs.
B- Les avantages d'une dissociation du droit de vote de
l'action : l'institution d'un marché des droits de vote
C'est une lapalissade que de dire que nombre d'actionnaires
n'ont pas le temps nécessaire encore moins le désir de
s'intéresser à la bonne marche l'entreprise dans laquelle ils ont
fait des placements. Ils n'attendent que la fin des exercices pour
prétendre à quelques droits, notamment aspirer aux dividendes ou
au partage des bénéfices réalisés par la
société. Or, le contrôle de la gestion de la
société peut présenter d'énormes
intérêts sur la consistance des droits financiers à
repartir entre tous les actionnaires en fin d'exercice.
Il est alors indiqué, pour les actionnaires qui
n'entendent pas avoir un droit de regard sur la société, de
pouvoir céder leurs droits politiques et conserver ceux financiers,
même si à priori, l'on pourrait se demander quel est la substance
d'un droit de vote sans action. A notre sens, il faut créer un
véritable marché des droits de vote, lequel pourra opérer
une dissociation entre le droit de vote à céder par
l'actionnaire, de l'action conservée par ce dernier, afin de tirer tous
les avantages liés à cette prérogative. De façon
concrète, il sera question de confier à certains actionnaires qui
en éprouvent le besoin ou qui émettent le souhait d'assurer le
contrôle des actes sociaux, un véritable droit de contrôle,
assorti au besoin d'une contrepartie due par le cédant du droit. Cela
participera en tout état de cause, à renforcer le rôle de
certains organes sociaux qui on progressivement abandonné leur
rôle au sein de la société.
§2- L'EFFECTIVITE DU ROLE DES ORGANES
SOCIAUX
Il s'agit en réalité, du grand débat du
gouvernement d'entreprise. En effet, pour une protection effective et efficace
des actionnaires, il est important de souligner que certains organes sociaux,
notamment les organes de délibération et de contrôle, dont
le rôle est de garantir la sécurité à la fois des
actionnaires et de la société, se sont montrés
défaillants et ont progressivement abandonné leurs missions -
volontairement ou par complaisance-.
55
S'agissant d'abord des organes délibérants, il
n'est point permis de douter que l'assemblée générale est
un organe souverain ; elle est l'organe supérieur de la
société, à s'en tenir aux principes168.
Seulement, on assiste aujourd'hui à sa décadence; sa fonction
s'est considérablement usurpée. TUNC169faisait
déjà remarquer l'inefficacité de l'assemblée des
actionnaires. Pour un souverain, c'est un Roi fainéant, poursuit
l'auteur, puisqu'il ne travaille que quelques heures par an. A l'analyse donc,
la prééminence de l'assemblée est plus théorique
qu'effective.
Il nous est permis de penser que, pour reprendre ses lettres
de noblesse, l'organe délibérant doit prendre à bras le
corps ses fonctions et les exercer dans l'intérêt aussi bien de la
société que dans celui des actionnaires.
Quant aux organes de contrôle, hormis le fait que les
actionnaires exercent déjà dans la société un
contrôle, il est question de s'arrêter sur celui exercé par
un organe externe tenu de conduire sa mission indépendamment des
assemblées générales et des dirigeants sociaux.
Malheureusement, les commissaires aux comptes, puisqu'il s'agit d'eux, ont
très souvent fermé les yeux sur les multiples malversations
financières dont se rendent fréquemment coupables les dirigeants
sociaux. Dans la plupart des hypothèses, cette sorte d'aveuglement est
volontaire et coupable. Comment, dans ces conditions, prétendre à
une sécurité effective et efficace des actionnaires ?
Les organes de contrôle doivent donc oeuvrer pour
protéger les actionnaires, car c'est en partie grâce à eux
qu'ils ont du travail: en l'absence de sociétés, les commissaires
n'auraient où officier. Il est alors dans leur intérêt
propre aussi que les actionnaires se sentent en confiance dans la
société.
168 C'est elle qui prend les décisions dépassant la
gestion quotidienne ; c'est elle qui a seule compétence pour modifier
les statuts ; c'est encore elle qui désigne des organes sociaux et qui
met fin à leurs fonctions. 168 TUNC (A.), Le droit anglais
des sociétés anonymes, 2e éd., Dalloz, 1978,
n° 118, p.178.
169 TUNC (A.), Le droit anglais des sociétés
anonymes, 2e éd., Dalloz, 1978, n° 118, p.178.
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE
|
Le droit OHADA est fortement soucieux de sécuriser les
prérogatives des actionnaires. Par cette protection hautement
aménagée, il est question de préserver et sauvegarder
jalousement le tissu économique ; de sécuriser et favoriser les
investissements pour une plus grande compétitivité des Etats
membres de l'organisation, dans un contexte de libéralisme
économique irréversible.
Pour y parvenir, le législateur africain a mis à
la faveur des actionnaires un ensemble de mécanismes importants devant
assurer leur épanouissement lors des assemblées, pour l'essentiel
récupérés des normes et de la jurisprudence
françaises. Mais le droit OHADA a également fait montre
d'originalité et d'audace, en procédant à des
modifications et à des innovations somme toute satisfaisantes.
L'entreprise du législateur communautaire ne s'est pas
limitée à consacrer
un ensemble disséminé de mesures protectrices
des actionnaires à l'assemblée générale; ce dernier
s'est préoccupé davantage à étoffer cette
protection vis-à-vis des actes de gestion de la
société.
DEUXIEME PARTIE :
PROTECTION DES ACTIONNAIRES CONTRE LES ACTES
DE GESTION
|
57
La consécration d'un ensemble considérable de
mesures protectrices des prérogatives des actionnaires au cours des
assemblées est indéniablement un pas fort louable dans les
objectifs d'attraction des investissements et de la compétitivité
des économies africaines. Cependant, afin de donner une expression
complète et concrète à ces mesures, le législateur
OHADA offre aux actionnaires de multiples possibilités de s'attaquer aux
actes de gestion passés en violation de leurs droits, car c'est au
quotidien que les droits de ces derniers sont le plus exposés à
des incartades.
La gestion de la société met au premier plan les
administrateurs de la société, mais elle peut et doit d'ailleurs
impliquer l'organe externe chargé de veiller à une gestion saine
de sorte qu'un contrôle de complaisance puisse engager sa
responsabilité (Chapitre I).
Si l'étendue des mesures civiles de protection contre
les actes de gestion et de contrôle témoigne d'une volonté
univoque de protection des actionnaires, reste que la mise en oeuvre des
mécanismes y afférents risque de se heurter à de nombreux
écueils (Chapitre II).
CHAPITRE I :
PROTECTION CONTRE LES ACTES DE GESTION ET LES
CONTROLES DEFAILLANTS
Les activités de la société commerciale
sont conduites par un ensemble de personnes appelées dirigeants,
représentant les actionnaires, sans pour autant en être les
mandataires. La conduite par ces dirigeants ou par un groupe majoritaire, des
affaires de l'entreprise peut ne pas être au gout de tous les acteurs
sociaux et susciter dès lors chez eux un sentiment de méfiance ;
ce qui implique à coup sur un droit de regard et d'appréciation
de cette gestion de leur part. De même, la prospérité d'une
société étant tributaire de la transparence dans sa
gestion, il faut bien qu'elle soit contrôlée.
Le législateur communautaire illustre bien cette
situation lorsqu'il organise en faveur des actionnaires inquiets au sujet de la
gestion de la société, des procédures destinées
à éviter que cette dernière n'arrive au dépôt
de son bilan170 (Section 1). Lorsque les mesures prises n'ont pas
réussi à freiner l'élan malsain des dirigeants ou des
personnes chargées de veiller au bon fonctionnement de la
société, des sanctions peuvent être encourues (Section
2).
SECTION II- LA DETECTION PRECOCE DES ACTES FAUTIFS
DES DIRIGEANTS ET DU COMMISSAIRE AUX COMPTES
Le dessein du législateur OHADA étant
d'insuffler une nouvelle dynamique au développement économique et
social par l'entremise des sociétés commerciales, ce dernier
s'est efforcé de réglementer avec minutie tous les abus
susceptibles d'être
170 Par procédures de contrôle de gestion, il
faut entendre l'ensemble des formalités auxquelles les actionnaires
doivent se soumettre en présence, soit de faits de nature à
compromettre la continuité de l'exploitation de l'entreprise, soit de
faits obscurs et inquiétants, qui nécessitent qu'une
lumière y soit faite, car il faut le souligner, même en
présence d'abus les plus flagrants rien ne saurait se concevoir en
dehors du droit.
59
commis au sein desdites sociétés, afin de
renforcer les prérogatives des actionnaires. Certains de ces abus
peuvent, en effet, révéler un caractère particulier dont
seule la conduite de procédures spécifiques est à
même d'y remédier. Elles sont essentiellement modernes dans la
mesure oü elles n'existaient pratiquement pas dans l'ancien
droit171. Et c'est parce qu'elles interviennent dans un contexte
particulier qu'elles retiendront notre attention ici. En effet, la
prévention des difficultés et des abus est la politique la plus
satisfaisante en matière172 de protection des actionnaires,
car, la meilleure façon de résoudre les difficultés est
assurément de les tuer dans l'oeuf. Or, pour déceler des
problèmes encore minuscules, il faut être vigilant et, de
préférence, disposer d'un système d'information fiable sur
la santé de l'entreprise.
A l'instar de nombreux droits modernes, le législateur
de l'OHADA s'est donc préoccupé de la prévention des
difficultés des entreprises, et ce tant dans le cadre de l'Acte uniforme
portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif
que dans l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d'intérêt
économique173. Seul ce dernier cadre nous
préoccupe.
On peut ainsi distinguer selon que ces procédures sont
juridictionnelles (§1) ou non juridictionnelles (§2).
§1- LA PROCEDURE JURIDICTIONNELLE DE CONTROLE
: SOLLICITATION DE L'EXPERTISE DE GESTION
Comme le souligne à juste titre le Pr. MODI KOKO BEBEY
H-D, l'institution de l'expertise de gestion est l'une des innovations les plus
marquantes de la réforme du droit des sociétés
commerciales en Afrique174 . Mais la question se pose de savoir en
quoi consiste cette innovation de façon concrète. Il s'agit
là du problème de l'utilité de l'expertise de gestion et
de son domaine (A), dont l'étude commande qu'on s'intéresse
à sa mise en oeuvre (B).
A- L'utilité, le domaine et la nature de l'expertise
de gestion
Il est question dans cette brèche de comprendre la place
de cette Institution (1), de délimiter son domaine (2) mais surtout sa
nature (3).
171 Mais il en est qui existaient déjà, quoique non
expressément consacrées par les textes.
172 GUYON (Y.), Droit des affaires, droit commercial
général et sociétés, 8e éd., tome
1, n° 445, p. 433.
173 FENEON (A.), << Les droits des actionnaires
minoritaires dans les sociétés commerciales de l'espace OHADA
», Penant, n° 839, avril-juin 2002, p. 158. 173 MODI KOKO
BEBEY (H.-D.), << La réforme du droit des sociétés
commerciales », Rev. soc., avril-juin 2002, p. 255.
174 MODI KOKO BEBEY (H.-D.), << La réforme du droit
des sociétés commerciales », Rev. soc., avril-juin 2002, p.
255.
1 - L'utilité de l'expertise de
gestion
Innovation importante et impressionnante, l'expertise de
gestion répond au souci premier de garantir une information fiable et
nécessaire aux actionnaires, même minoritaires. C'est la
possibilité offerte à ces derniers qui représentent une
fraction raisonnable du capital social, de faire ouvrir une enquête sur
une ou plusieurs opérations de gestion qu'ils estiment obscures ou
suspectes.
En application, en effet, des dispositions des articles 159 et
160 de l'Acte uniforme, les associés qui s'estiment insuffisamment
éclairés sur la situation de la société, en
dépit des rapports de gestion, des comptes sociaux et, le cas
échéant, des rapports des commissaires aux comptes, ou encore des
questions qu'ils peuvent poser en vertu des articles 157 et 158 de l'AUSC,
peuvent demander une expertise de gestion175. Signalons que cette
mesure qui se veut une source d'information et un moyen de contrôle de la
gestion sociale pour les actionnaires minoritaires en principe, s'inscrit avant
tout dans « un vaste chantier » entamé par le
législateur africain de l'OHADA pour une meilleure protection de
l'intérêt social176. La société est en
effet, le siège d'une multiplicité d'intérêts
parfois divergents, qu'il importe de gérer au mieux pour un
fonctionnement meilleur de l'entreprise.
Largement inspiré de la législation
française de 1966, l'Acte uniforme contient ainsi des dispositions
destinées à renforcer et à sécuriser les droits et
intérêts des actionnaires. Ces mesures protectrices
d'intérêts visent un même objectif : le réajustement
des pouvoirs dans l'entreprise par l'élargissement des droits
d'information et d'intervention des actionnaires.
Il est donc question aujourd'hui pour le législateur
communautaire, à travers l'expertise de gestion, de mettre la
lumière où règne l'opacité et l'obscurité,
de rééquilibrer les rapports de force, de libérer les
talents asphyxiés par la pesanteur et les dominations, afin de
sauvegarder et de protéger la société177.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la recherche de la
transparence dans la gestion par le biais de l'information et du contrôle
est plus une nécessité pour les pays africains qu'un effet de
mode, surtout avec l'internationalisation de l'économie qui oblige au
respect
175 Cette mesure qui sort du contexte traditionnel de
l'information des actionnaires s'intègre dans une procédure
judiciaire. Il s'agit donc de faire respecter les droits des
actionnaires, notamment ceux minoritaires, par le juge en raison de la loi de
la majorité qui prévaut dans le fonctionnement des
sociétés commerciales.
176 MEUKE (B.Y.), « L'information des actionnaires
minoritaires dans l'OHADA : « réflexion sur l'expertise de gestion
»,
www.ohada.com, ohada-20, p.
3.
177 En effet, solliciter la justice dans le but d'obtenir des
renseignements approfondis sur la gestion conduit par les dirigeants
démontre que la circulation de l'information entre les different organes
sociaux est deficient, voire qu'elle est délibérément
entravée.
61
de l'égalité entre acteurs économiques pour
la stabilité et la cohésion dans les affaires.
La protection, par exemple, des actionnaires minoritaires, est
devenue à l'heure actuelle pour les économies africaines, un
problème complexe. Le pouvoir majoritaire est par essence, un pouvoir
autoritaire qui n'a fait que s'accroître et se consolider par
l'institutionnalisation progressive des fonctions des dirigeants sociaux, ce
qui n'est pas en soi regrettable, car pour être efficace, la direction
doit être une178. Mais la marginalisation de la
minorité résultant de cette vision des choses contribue au
renforcement des exigences de sa protection, à notre sens. C'est la
raison pour laquelle le législateur de l'OHADA s'en est
particulièrement préoccupé179.
L'expert de gestion serait alors un mandataire « ad
hoc » chargé d'une mission ponctuelle et temporaire de
contrôle dans les sociétés. Il pourrait s'agir d'un recours
ouvert aux actionnaires qui subodoreraient une situation de crise. Il
n'impliquerait pas nécessairement l'ouverture d'un contentieux
judiciaire, bien que la procédure commence par la sollicitation d'un
juge à qui l'on demande la désignation d'un expert.
L'information obtenue en application de cette mesure sera
notamment plus étendue que celle donnée en cas de fonctionnement
normal de la société180 . En cas de crise, de
mésentente ou de conflits tout change. L'actionnaire qui
soupçonne des erreurs de gestion et/ou des abus, souhaite être
renseigné de manière complète. L'expertise de gestion va
alors aboutir à la révélation des faits que les dirigeants
refusaient de communiquer en s'abritant derrière le principe de la
confidentialité dû à la plupart des opérations de
gestion. C'est dire que l'expertise est un multiplicateur d'influence pour les
actionnaires dans le respect de leurs prérogatives.
L'utilité de l'institution paraît dès lors
évidente ; d'un côté elle limite les conséquences
d'une gestion malhonnête, en faisant ressortir les fautes à un
moment où on peut encore y remédier et d'un autre
côté, elle peut, en prouvant la faute des dirigeants,
préparer et faciliter l'exercice d'une éventuelle action en
responsabilité.
Mais il ne faut pas exagérer la portée de
l'expertise de gestion, car malgré ses avantages évidents, la
mesure produit des effets limités. Elle n'est, en effet, qu'une mesure
d'information et rien de plus. De sorte que la sanction effective des
dirigeants suppose la mise en oeuvre d'autres actions en justice qui, en
pratique, ne seront exercées qu'en présence d'actionnaires
minoritaires particulièrement combatifs. De plus, l'information en cause
n'est pas immédiatement portée à la
178 MEUKE (B.Y.), op. cit., p. 4.
179 Où l'information des actionnaires peut ne porter que
sur l'essentiel.
connaissance de la collectivité des actionnaires
puisqu'elle ne s'opère qu'à l'occasion de la prochaine
assemblée générale. Ce décalage est
évidemment préjudiciable lorsque la gestion de la
société est tellement préoccupante qu'elle appelle une
réaction rapide des actionnaires. Et la question majeure reste la
délimitation du domaine et la nature de l'expertise de gestion.
2- Domaine de l'expertise de gestion
La question du domaine de l'expertise de gestion met
essentiellement en relief l'étendue de cette mesure. Ainsi, les juges
auront à expliquer ce qu'il faut entendre par opérations de
gestion de la société. Peut-on faire prévaloir un
critère organique n'englobant que les décisions des organes de
gestion et exclure dès lors les décisions émanant des
assemblées ? A propos de celles-ci, faut-il les écarter en
estimant que les minoritaires ont été régulièrement
et suffisamment informés et qu'ils ont alors pu exercer leur droit de
critique au moment des votes? Que décider pour les opérations qui
relèvent de la compétence des organes de direction, mais
nécessitent aussi l'intervention de l'assemblée
générale ?181
Si l'expertise peut porter sur tous les aspects de la gestion,
et pas seulement sur les aspects financiers ou comptables, elle ne peut
concerner par contre, d'une manière générale, ni
l'ensemble de la gestion, ni la régularité des comptes
sociaux182 ; et sa mission ne doit pas se confondre, ni
empiéter sur celle du commissaire aux comptes183. En
réalité, la difficulté provient de ce que le droit OHADA,
tout comme le législateur français, n'a donné aucune
définition de la notion d'opération de gestion. Faut-il
comprendre devant ce silence qu'il reviendra au juge d'apprécier au cas
par cas ? Cette absence de détermination précise de la notion
peut surtout avoir pour justification et explication le fait que le
législateur africain de l'OHADA n'ait pas souhaité, ni voulu
enfermer cette notion aussi fluide dans une définition qui l'aurait
rendue sans doute difficile dans son application.
A notre avis, l'on devrait se poser la question de savoir quel
est le sens qu'il convient alors de donner à la notion pour obtenir un
résultat satisfaisant dans une perspective de transparence
sociétaire. « La gestion » mentionnée à
l'art. 150 de l'Acte uniforme devrait donc s'entendre de la manière la
plus large.
Face à cette difficulté que pose la notion
d'opération dans une tentative de délimitation du domaine de
l'expertise de gestion, l'accent devrait être mis sur sa
181 Traité et actes uniformes commentés et
annotés OHADA, juriscope 2002, p. 347.
182 FENEON (A.), op. cit., p. 161.
183 C'est ainsi qu'il n'y aurait pas lieu de faire droit
à une demande d'expertise de gestion si les questions posées
tendaient à une critique systématique de l'ensemble de la
gestion, ou encore avaient un caractère général concernant
l'ensemble de la politique de la société.
63
finalité. En seront donc exclues a priori, les
décisions prises par les assemblées générales des
actionnaires, car en principe les informations données aux actionnaires
au cours de ces assemblées doivent normalement suffire à faire la
lumière sur les décisions prises par la
société184 ; même si quelques inquiétudes
subsistent concernant les opérations qui, bien que relevant des organes
de direction, nécessitant néanmoins une intervention de
l'assemblée générale.
Quoiqu'il en soit, avec l'expertise de gestion, le juge dispose
des moyens de s'intégrer dans le fonctionnement des
sociétés commerciales.
3- Nature de l'expertise gestion
La recherche de la nature de l'expertise de gestion dans le
droit de l'OHADA est surtout fonction de l'idée que l'on se fait de
l'intervention des pouvoirs judiciaires dans la vie d'une société
commerciale. Pour une partie de la doctrine française185 par
exemple, cette intervention du judiciaire ne doit pas être
fréquente et doit surtout préserver la liberté de gestion
des organes compétents.
Il faut reconnaître que sur un plan purement
statistique, les développements jurisprudentiels de cette institution en
Afrique qui étaient jusque là rares connaissent une nette
évolution depuis quelques temps186. Toutefois, quant à
une éventuelle atteinte à la liberté de gestion des
dirigeants sociaux, il est clair qu'elle ne pourrait être que très
relative. En effet, l'expertise de gestion n'est qu'une mesure d'information et
le seul fait que l'expert soit nommé constitue la sanction de
l'insuffisance dans l'information.
Au total, il s'agit bien d'un moyen de contrôle de l'action
des dirigeants exercé auprès du juge.
B- L'exercice de l'expertise de gestion
L'expertise de gestion est conduite selon une procédure
judiciaire. Le législateur a ainsi encadré la nomination d'un
expert de gestion par des conditions
184 MEUKE (B.Y.), op. cit. p. 9.
185 DE JUGLART (M.) et IPPOLITO (B.), Traité de droit
commercial, 2e voll., 3e éd., Montchrestien,
n° 759-6 et s. V. également CONTIN (R.), et DUPICHOT, «
L'expertise de minorité dans les sociétés par actions
», cités par MEUKE (B.Y.)
186 V. en ce sens, CA d'Abidjan,
civ. com., 25 février 2000, aff.
Société Négoce Afrique COTE D'IVOIRE (NACI-SA) c/
Société WIN SARL, Juriscope 2006 ; CA de Cotonou, n°
256/2000, 17 août 2000, aff. Société Continentale des
Pétroles et d'Investissements c/ Etat béninois, Juriscope 2006 ;
CA d'Abidjan, 5e ch. A., n° 10, 2 janvier 2001,
www.ohada.com (ohadata- J-
02-113).
strictes, relatives à la qualité requise (1),
aux opérations susceptibles d'être
expertisées187. Il faut également s'intéresser
au bien fondé et au résultat de l'action (2), pour se rendre
compte des limites qui entourent un tel contrôle (3).
1- La qualité requise
La demande d'expertise de gestion est soumise à des
conditions de recevabilité strictes compte tenu du risque de
perturbation de la vie sociale qu'entraîne l'arrivée, dans la
société, d'un expert indépendant chargé de
recueillir des informations que les dirigeants auraient dû fournir aux
actionnaires. Action prioritairement minoritaire (a), l'Acte uniforme l'a
étendue à tout autre actionnaire, même au groupement
d'actionnaires (b).
a)Une action prioritairement minoritaire
Solliciter la justice dans le but d'obtenir des renseignements
approfondis sur la gestion conduite par les dirigeants démontre que la
circulation de l'information entre les différents organes sociaux est
déficiente, voire délibérément
entravée188. L'expertise de gestion s'inscrit dans un
contexte de crise. Et, comme les actionnaires dits minoritaires ne disposent
pas d'un nombre d'actions pouvant leur permettre d'avoir un accès facile
aux informations concernant la gestion de la société, il est,
à notre avis, logique que le législateur leur ait reconnu en
priorité l'exercice d'une action aux fins d'une expertise de gestion,
bien que l'action en désignation de l'expert ne soit ouverte qu'aux
actionnaires qui justifient de la détention d'un pourcentage minimal de
capital social. Aux termes, en effet, de l'art. 159 de l'AUSC, « Un ou
plusieurs associés représentant au moins le cinquième du
capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque
forme que ce soit, demander au président de la juridiction
compétente du siège social, la désignation d'un ou de
plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou
plusieurs opérations de gestion ».
Selon les termes mêmes du texte, cette condition est
impérative et la demande qui n'y satisfait pas doit être
déclarée irrecevable189. Il faut tout de même
souligner que si le seuil retenu par l'Acte uniforme traduit une volonté
univoque d'amélioration du contrôle de la société
par les actionnaires minoritaires à rebours de la législation
française en la matière, on ne peut s'empêcher de regretter
qu'il n'est pas fait montre
187 Vr. Supra p.42 et 43 sur le domaine de l'expertise de
gestion.
188 Encyclopédie Juridique, Répertoire des
sociétés, Entreprises du secteur public à Infractions
pénales, «Expertise de gestion », Tome 3, Dalloz, 2003, p.
2.
65
de plus d'audace en supprimant tout simplement ce seuil.
Evidemment, on pourrait rétorquer que pour y remédier, le
législateur offre la possibilité aux intéressés de
se regrouper. Mais là encore, il nous est permis d'observer qu'il n'est
pas toujours aisé de regrouper des personnes qui ne se connaissent pas
et qui ne se rencontrent qu'à de très rares occasions. Le
problème reste donc posé.
La législation communautaire donne qualité
toutefois à d'autres requérants pour agir en justice à
l'effet de solliciter l'intervention d'un expert de gestion.
b) Action ouverte à d'autres
requérants
A la différence de la législation
française qui donne qualité pour agir à d'autres acteurs
sociaux comme le Ministère public, le Comité d'entreprise ou
encore la Commission des opérations de bourse190, le
législateur africain ne leur a pas reconnu cette prérogative. Il
l'a ouverte à d'autres requérants, notamment à tout
actionnaire même majoritaire (1), et admet des regroupements (2).
i- Faculté offerte aux actionnaires
majoritaires
Bien qu'ouverte en priorité à la
minorité191, rien n'interdirait en principe à un
majoritaire et même à un membre de l'équipe dirigeante, de
se renseigner sur la nature, la portée et les conséquences de
certaines opérations de gestion, sauf si sa qualité de mandataire
social lui permettait d'obtenir une information suffisante192. Des
termes de l'art.159 précité, un ou plusieurs associés
représentants au moins le cinquième du capital social peuvent
demander la désignation d'un expert. Dans ces conditions, la restriction
ne concerne que la réunion d'un certain seuil du capital social - 20% -
et non la qualité de l'actionnaire.
On peut cependant déplorer le fait que le
législateur de l'OHADA ne permette pas la mise en oeuvre de la
procédure dans les groupes de sociétés. En n'admettant pas
que puissent faire l'objet d'une expertise, les opérations de gestion
des sociétés contrôlées, il ferme la porte de
l'Institution à cet acteur social appelé à jouer un
rôle de plus en plus important dans le paysage juridique africain,
même si on peut lui concéder le mérite d'admettre des
regroupements.
189 Le juge français a d'ailleurs déjà eu
l'occasion de se prononcer dans ce sens ;
Cass. Com. 12 janv. 1976, JCP 1976 . IV.
80, Rev. Soc. 1976. p. 330 et s., note P. MERLE.
190 Devenue, avec la loi n° 2003-706 DU 1er
août 2003 de Sécurité financière, l'Autorité
des Marchés Financiers.
191 Car c'est très souvent elle qui est mal
informée sur la gestion et qui a le plus intérêt à
la critiquer.
ii- Action reconnue au groupement
d'actionnaires
En France et ce depuis la loi du 1er mars 1984, les
associés ou actionnaires sont autorisés à se grouper,
«sous quelque forme que ce soit », pour atteindre les seuils
de recevabilité de l'action193. Le législateur
africain a repris à son compte cette disposition dans son article 159 de
l'AUSC précité. Une fois de plus cependant, on pourrait reprocher
à ce dernier de n'avoir pas déterminé la nature de la
forme de regroupement ; sans doute mû par un souci de liberté
favorable à une massive participation et représentation des
actionnaires.
En tout état de cause, on ne peut remettre en question
l'utilité de cette faculté de regroupement. En effet, celui-ci
facilite l'exercice des droits des actionnaires minoritaires qui auraient la
fâcheuse tendance à demeurer dans la passivité ou
l'isolement. Le regroupement pourrait ainsi prendre la forme d'une association
de défense, ou encore d'une association d'actionnaires194.
Il faut observer néanmoins qu'en ce qui concerne cette
faculté, on peut envisager deux (02) approches du regroupement. Soit le
regroupement n'agit que comme mandataire des actionnaires et la règle
« nul ne plaide par procureur » oblige chacun de ceux-ci
à figurer nominativement dans la procédure, avec
l'inconvénient que tous les actionnaires seront présents et
qu'aucun désistement ne se produira ; soit le regroupement agit en son
nom propre et le problème est alors de savoir s'il serait
autorisé à exercer collectivement un droit que chacun de ses
membres pourrait exercer individuellement, ou encore qu'il puisse
détenir le minimum de pourcentage requis, ce qui peut entraîner un
risque de cession massif de droits sociaux au profit du groupement. Sur la
question, MEUKE (Y.B.) soutient qu'il faudrait voir dans cette autorisation
donnée au groupement des minoritaires, un simple moyen pour le
législateur, de faciliter l'exercice de l'action et non un
mécanisme visant à opérer un regroupement quelconque des
actionnaires minoritaires195. La position de l'auteur rencontre
notre approbation dans la mesure où comme sus développé,
le législateur OHADA n'a pas prévu expressément la
possibilité de regroupement des actionnaires en associations.
Pour le législateur de l'OHADA donc, il s'agit de
confirmer sa volonté d'assurer aux « petits »
actionnaires les moyens de se défendre, parce que si l'on entend
encourager l'actionnariat populaire et, par conséquent, pousser vers la
bourse
192 MEUKE (Y.B.), « L'information des actionnaires
minoritaires dans l'OHADA : « réflexion sur l'expertise de gestion
», op. cit., p.7.
193 Encyclopédie Juridique, op. cit., p.5.
194 Vr. Supra, p. 66 et 67.
195 MEUKE (Y.B.), op. cit.p.8.
67
ceux qui n'ont que des moyens modestes et qui seront
nécessairement des «petits)) actionnaires minoritaires, il
faut dans la conjoncture africaine actuelle leur donner une
sécurité satisfaisante.
Pour que la demande d'expertise prospère
définitivement, encore faut-il qu'elle soit fondée. Ce n'est
qu'à ce prix qu'elle aboutira à la désignation d'un
expert.
2- Bien fondé de la demande et résultat
de l'action
Le résultat d'une action en demande d'expertise (b) est
tributaire de son bien fondé (a).
a) Le bien fondé de la demande
C'est au niveau de l'information qu'il faut surtout situer le
critère essentiel d'admission de l'expertise de gestion. Comme
l'écrivait CHARTIER, « les demandeurs se sont vus reprocher,
tantôt de n'en avoir pas su assez, tantôt d'en avoir su trop long
))196. Mais comment ces actionnaires qui pour la plupart du
temps ne disposent que d'une information incomplète, seraient en mesure
de ne pas se fourvoyer dans leur action s'ils ne sont pas
éclairés par les personnes les plus indiquées ? On ne
devrait pas, dans ces conditions, exiger de l'actionnaire qu'il
établisse une atteinte à l'intérêt social, car
là se trouve le but même de la procédure engagée.
Par conséquent, comme l'a très justement souligné le Pr.
Le CANNU, « L'expertise de gestion n'est pas une sanction de la
gestion ; en revanche, elle sanctionne une information insuffisante
))197. C'est ainsi que, dans une décision du Tribunal
régional de Niamey le juge des référés a retenu
que, « l'expertise de gestion doit être ordonnée,
dès lors qu'elle a été demandée par un
associé (...), qui se plaint de n'être pas informé de la
vie sociale et doute de la sincérité et du sérieux des
résolutions prises en assemblée ))198.
La procédure est donc une mesure grave qui implique une
intrusion du juge dans la vie sociale. Dès lors, ce dernier ne peut
l'ordonner qu'après avoir apprécié le bien fondé de
la demande. Et on voit mal comment il pourrait y parvenir sans mettre en relief
la question de l'appréciation de l'opportunité des
opérations de gestion. Quoiqu'il en soit, l'octroi de la
désignation d'un expert de gestion est laissé à
196 CHARTIER (Y.), << L'expertise de l'article 226 de la
loi du 24 juillet 1966 », JCP 1972, cité par MEUKE (Y.B.), op.
cit., p. 10.
197 (P.) Le CANNU, <<Eléments de réflexion
sur la nature de l'expertise judiciaire de gestion », Bull. Joly 1988,
553, cité par MEUKE (Y.B.), op. cit., ibidem.
198 Tribunal régional de Niamey, Ordonnance de
référé n° 245 du 22 octobre 2002. Aff. Abbas HAMMOUD
c/ Jacques Claude LACOUR et dame Evelyne Dorothée FLAMBARD ;
www.ohada.com ( ohadata J-04-489).
l'appréciation souveraine du juge qui connaît de
l'affaire. Par ailleurs, le législateur fait expressément mention
du caractère facultatif de cette mesure lorsqu'il indique dans l'art.
160 de l'Acte uniforme que cette opération ne sera ordonnée que
« s'il est fait droit à la demande» du
requérant. En le précisant ainsi, le législateur entend
bien donner un caractère facultatif à la procédure, avec
cette crainte cependant que cela se fasse au détriment de l'actionnaire
ayant sollicité la mesure.
b) Résultat positif de l'action : la
désignation d'un expert
Il ressort des dispositions de l'art. 159
précité que la juridiction compétente est celle du
président du Tribunal du siège social et la procédure
civile, vraisemblablement celle d'une assignation en
référé dans le souci de maintenir le caractère
contradictoire de l'expertise.
Le juge ainsi saisi, peut désigner un ou plusieurs
experts. Il faut observer cependant que, nonobstant la terminologie
utilisée, la personne chargée de présenter le rapport en
question n'est pas, à notre sens, un véritable expert. Le juge
reste libre dans son choix et peut s'adresser à un expert judiciaire, un
expert-comptable, un commissaire aux comptes, un dirigeant de
société spécialement averti des problèmes de
gestion, ou toute personne qu'il estime compétente199.
Le législateur ne précise non plus le
régime procédural de l'Institution. Le laconisme du texte conduit
à se demander s'il est possible d'appliquer à titre subsidiaire
les principes régissant les expertises judiciaires des différents
Etats parties au Traité OHADA. En attendant la position du juge africain
sur la question, il nous est permis de raisonner comme en droit français
en optant pour l'affirmative.
La décision désignant l'expert fixe sa mission et
la réalisation de l'expertise, afin d'éviter toute immixtion de
ce dernier dans celle d'autres experts.
Mais le statut de l'expert souffre en l'état actuel de
la législation OHADA, d'une absence de réglementation. Ce qui,
à l'instar d'autres lacunes susmentionnées, pourrait nuire
gravement aux intérêts des actionnaires.
199 Toutefois, il faut préciser qu'il serait moins
conforme aux textes que le commissaire aux comptes en fonction dans la
société soit désigné en qualité d'expert de
gestion, car le seul fait que les actionnaires aient initié une action
en désignation d'un expert judiciaire traduit à suffisance une
déficience dans ses fonctions.
69
§2- LA PROCEDURE NON JURIDICTIONNELLE DE CONTROLE
: L'ALERTE
Cette procédure, élaborée pour faire
réagir la direction d'une société lorsque la
continuité de l'exploitation est compromise, constitue, tout comme
l'expertise de gestion, une innovation pour la plupart des Etats membres de
l'OHADA200. Malgré sa dénomination, la
procédure d'alerte ne tend pas seulement à avertir les
dirigeants, car ceux-ci sont généralement conscients des
difficultés traversées par leur entreprise. Elle a aussi pour
finalité de les mettre en face de leurs responsabilités, en les
incitant à prendre des mesures de redressement201. Ainsi,
quelqu'un va crier (( Au feu ! », de plus en plus fort,
jusqu'à ce que tous les intéressés aient entendu, dans le
but de provoquer une discussion au sein de l'entreprise et, le cas
échéant, une réaction, toujours facultative202.
En réalité et selon la formule du professeur
Mestre203 (( C'est vers la voie des médecines naturelles,
des thérapies douces que le législateur veut entraîner les
dirigeants et les partenaires de l'entreprise ».
Il convient alors de déterminer ses détenteurs (A)
avant de nous intéresser à son déploiement par ces acteurs
sociaux (B).
A- Les détenteurs de l'exercice de l'alerte
L'Acte uniforme met le devoir d'alerte à la charge des
commissaires aux comptes (1). Mais elle peut tout aussi bien être
initiée par les actionnaires (2).
1- Le devoir d'alerte du commissaire aux
comptes
Lors de l'exercice de sa mission, le commissaire aux comptes
doit être tenu informé de tout fait de nature à
compromettre la continuité de l'exploitation de l'entreprise. Il est
alors tenu de déclencher une alerte lorsqu'il constate des faits
compromettants pour la société204. Il est important de
souligner que seul nous interpelle dans ce cadre le commissaire de la
société de capitaux et donc de la SA205. Le devoir
d'alerte du commissaire des sociétés anonymes est alors
organisé par les
200 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.), NGUEBOU TOUKAM (J.), CISSE
(A.), DIOUF (N.) et SAMB (M.), op. cit., n° 331, p. ? Cette disposition
nouvelle a été manifestement calquée sur l'art. L.225-232
du
code de commerce français.
201 GUYON (Y.), Droit des affaires, Entreprises en
difficultés, 6e éd., tome 2, Economica, 1997, n°
1050, p. 54.
202 PEROCHON (F.), op. cit., n° 22, p. 13.
203 N° spéc. R.J.C., févr. 1986, p. 140,
cité par PEROCHON (F.), op. cit., ibidem.
204 Cf. art. 153 AUSC.
205 L'alerte peut être également
déclenchée par le commissaire aux comptes dans les
sociétés autres que la société anonyme.
articles 153 à 156 de l'AUSC. Mais que faut-il entendre
par la notion de ((faits de nature à compromettre la
continuité de l'exploitation », car le législateur
OHADA n'en donne aucune définition? En effet, si la notion de ((
continuité de l'exploitation» est connue dans le domaine
comptable, sa définition juridique devrait couvrir un champ plus
large.
Cette expression s'inspire manifestement de la terminologie
anglaise ((going concern »206 . Elle n'est pas très
juridique et laisse place à une marge d'appréciation non
négligeable car si le commissaire n'est pas un prophète, il ne
doit pas non plus être un aveugle. Il y a lieu d'observer donc qu'il
appartiendra à la jurisprudence une fois de plus, de préciser la
notion207.
La mise en évidence de critères
défavorables à la continuité d'exploitation peut
résulter à la fois des comptes annuels de l'exercice et des
exercices précédents, mais aussi d'évènements
postérieurs à la date de clôture ou d'arrêt des
comptes, voire des données prévisionnelles de l'entreprise et de
son secteur d'activité. Cependant, les précisions suivantes
peuvent être données208 :
- L'utilisation du pluriel (des faits) montre que l'alerte ne
doit être déclenchée qu'en présence d'un ensemble
convergent de faits significatifs. En effet, un fait préoccupant peut
être contrebalancé par un sens contraire favorable. Le
déclenchement de l'alerte serait alors inutile;
- Les faits doivent être de nature à provoquer
une cessation des paiements, si aucune mesure de redressement n'est prise en
temps utile. Pratiquement, l'alerte doit être donnée lorsqu'il y a
une rupture de l équilibre des flux financiers, c'est-à-dire
lorsque les recettes normalement prévisibles ne permettent pas de
régler les dettes qui vont venir à échéance dans un
avenir relativement proche. Mais, bien entendu, l'alerte suppose que la
cessation des paiements n'est pas encore intervenue et peut être
évitée, car qui dit alerte dit organisation de la
résistance et non constatation de la défaite. L'alerte doit
notamment être déclenchée en cas d'altération des
conditions de l'exploitation209, de dégradation de la
situation financière, de perte de la confiance de tiers210,
lesquels n'ont pas nécessairement un aspect comptable ou financier.
- Les faits préoccupants ne doivent pas avoir
donné lieu à une réaction appropriée des
dirigeants, car l'alerte a pour objet de stimuler leur diligence ou, le cas
échéant, de constater leur carence ;
206 GUYON (Y.), op. cit., n° 1052, p. 55.
207 FENEON (A.), op. cit., p. 158.
208 PAILLUSSEAU et PETITEAU, Difficultés des entreprises,
cités par GUYON (Y.), op. cit., ibidem.
209 Résultat déficitaire, accroissement excessif
des charges, baisse anormale d'activité.
210 Suppression d'un soutien financier, perte d'un client
important.
71
- Enfin, les faits doivent avoir été relevés
par le commissaire à l'occasion de l'exercice de sa mission.
Par ailleurs, peuvent être considérés comme
faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation
sans que cette liste soit limitative211 :
- La décision d'une société mère de
supprimer son soutien à une filiale ; - Des conflits sociaux graves et
répétés ;
- L'existence de désaccord entre actionnaires.
Le devoir d'alerte du commissaire n'est pas
général. En effet, ce dernier ne doit pas s'immiscer dans la
gestion. Il ne doit pas déclencher cette procédure si les
dirigeants prennent des décisions inopportunes sans pour autant
compromettre la stabilité de l'entreprise. Ce qui le met donc dans une
situation inconfortable.
2- Le droit d'alerte des actionnaires
Les actionnaires sont les parents pauvres de la
prévention des difficultés212, ce qui est assez
étonnant car ils ont un intérêt certain à la bonne
marche de la société. Le droit d'alerte des actionnaires de la
société anonyme est prévu à l'art. 158 de l'AUSC,
qui en organise les modalités d'exercice. Signalons qu'il s'agit ici des
actionnaires qui ne sont pas de la direction, car il serait
hérétique voire aberrant de
penser qu'un actionnaire dirigeant ignore les
évènements pouvant mettre en mal le fonctionnement de
l'entreprise et de nature à conduire au dépôt de son
bilan.
A notre sens, cette faculté offerte aux actionnaires
devrait se muer en une véritable obligation, car elle serait de nature
favorable à l'apathie et aux éventuels abus de la part de
certains groupes d'actionnaires. Les actionnaires majoritaires, par exemple
n'auraient aucun intérêt à déclencher une alerte en
présence de faits compromettant la continuité de l'exploitation
qu'ils auraient eux-mêmes provoqués. Le devoir de
déclencher l'alerte en pareilles circonstances aurait alors pour
finalité de sanctionner leur abstention coupable, au même titre
que celle du commissaire aux comptes, et de voir éventuellement leur
responsabilité engagée au besoin.
Signalons par ailleurs que la faculté de
déclencher l'alerte est dans d'autres législations confiée
au comité d'entreprise213, et même au président
du tribunal de commerce214, qui peut convoquer les dirigeants
lorsque des actes, documents ou
211 FENEON (A.), op. cit., p. 159.
212 GUYON (Y.), op. cit., n° 1058, p. 61.
213 Cf. art. L. 432-5 du Code du travail français.
214 Cf. art. 34 nouveau de la loi du 1er mars 1984
modifiée par la loi du 10 juin 1994.
procédures font apparaître qu'existent des
difficultés de nature à compromettre la continuité de
l'exploitation215.
B- L'exercice de l'alerte
En présence d'un risque sérieux de cessation
d'exploitation et donc de mise en redressement ou de liquidation judiciaires,
l'Acte Uniforme met désormais à la charge du commissaire aux
comptes un devoir supplémentaire : celui d'alerter les dirigeants. Mais
les actionnaires ont aussi la faculté de déclencher l'alerte
lorsque les circonstances s'y prêtent. La mise en oeuvre de l'alerte
varie pour ainsi dire selon qu'elle doit être déclenchée
par le commissaire aux comptes (1) ou par les actionnaires (3). Dans tous les
cas, la responsabilité du commissaire aux comptes peut être mise
en cause durant la procédure (2).
1-Conduite de l'alerte par le commissaire aux
comptes
Le devoir d'alerte est organisé par les articles 153
à 156 de l'Acte Uniforme. Il est à noter que pour être
efficace, celle-ci doit demeurer confidentielle aussi longtemps que possible.
Mais elle doit aussi, le cas échéant, aboutir à la
révélation des difficultés à d'autres dirigeants
afin que la résistance puisse s'organiser en dépit de leur
aveuglement ou de leur mauvaise volonté. Habituellement, le commissaire
commence par prendre contact oralement avec le dirigeant de l'entreprise. Si ce
préalable officieux, parfois dénommé phase
0216, se révèle inefficace, il passe alors à
l'alerte proprement dite qui comprend trois phases217.
a) La demande d'explication
Dans cette phase, le commissaire aux comptes demande par
lettre au porteur contre récépissé ou par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception, des explications au
président du conseil d'administration ou président-directeur
général selon le cas, sur tout fait de nature à
compromettre la continuité de l'exploitation qu'il
215 POUGOUE (P.G.), ANOUKAHA (F.) et NGUEBOU TOUKAM (J.), op.
cit., note de bas de page n°47, p. 85.
216 GUYON Y. Entreprises en difficultés, Redressement
judiciaire-faillite, op. cit., n 1053, p. 56.
217 A la lecture des textes français, ces phases sont
plutôt au nombre de quartre.En effet, si au demeurant les
décisions prises en assemblées ne permettent pas d'assurer la
continuité de l'exploitation, le commissaire saisit le président
du tribunal de commerce, qui place la société en observation,
d'après la loi du 10 juin 1994 L.1984, art. 34
73
a relevé lors de l'examen des documents qui lui sont
communiqués, ou dont il a eu connaissance à l'occasion de
l'exercice de sa mission.
L'autorité concernée est tenue de
répondre par le même procédé dans le mois qui suit
la réception de la demande d'explication. Dans sa réponse, elle
donne une analyse de la situation et précise, le cas
échéant, les mesures envisagées218.
Il y a lieu de souligner qu'à ce stade, la
procédure d'alerte est confidentielle. Si le commissaire reçoit,
dans le mois qui suit la réception de la demande d'explication, des
réponses qu'il juge satisfaisantes, notamment si les dirigeants
envisagent des mesures de redressement, les choses en restent là. S'il
n'y a pas de réponse ou si le commissaire estime que celle-ci ne suffit
pas à faire disparaître la menace de cessation d'activité,
il passe au stade suivant. Cependant, il peut se poser la question d'une
appréciation subjective des réponses des dirigeants par le
commissaire aux comptes. En d'autres termes, qui est garant de
l'appréciation laissée à l'entière disposition de
ce dernier, car il pourrait en faire un usage aux finalités
inavouées ? A notre sens, il serait opportun que le commissaire
communique à l'assemblée générale des actionnaires
les réponses qu'il obtient des dirigeants afin qu'en cas
d'appréciation purement subjective, celle-ci puisse réagir.
b) Provocation d'une
délibération
Il s'agit de la deuxième phase dans l'exercice de
l'alerte. Ici, le commissaire aux comptes est amené à provoquer
une délibération du conseil d'administration qui doit se
prononcer sur les faits relevés219.
L'invitation du commissaire est formée par lettre au
porteur contre récépissé ou par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception dans les quinze jours qui suivent la
réception de la réponse du président du conseil
d'administration, du président-directeur général ou de
l'administrateur général, selon le cas, ou la constatation de
l'absence de réponse dans les délais
prévus220.
Enfin, dans les quinze jours qui suivent la réception
de la lettre du commissaire aux comptes, le président du conseil
d'administration ou le présidentdirecteur général convoque
le conseil d'administration, en vue de faire délibérer sur les
faits relevés, dans le mois qui suit la réception de cette
lettre. Le commissaire est convoqué à la séance du
conseil. Lorsque l'administration et la direction générale de
218 POUGOUE P.G., ANOUKAHA F. et NGUEBOU TOUKAM J., op.cit., n
194, p.84. V. aussi art. 154 AUSC.
219 La procédure n'est donc plus véritablement
confidentielle.
220 Cf. art. 155 AUSC.
la société sont assurées par un
administrateur général, celui-ci, dans les mêmes
délais, convoque le commissaire à la séance au cours de
laquelle il se prononce sur les faits relevés. Un extrait du
procès-verbal des délibérations du conseil ou de
l'administrateur général est adressé au commissaire dans
le mois qui suit la délibération du conseil ou de
l'administrateur général.
Toutefois, ces prescriptions peuvent souffrir d'une
méconnaissance ou inobservation de la part des autorités
concernées. Il appartiendra alors au commissaire de prendre d'autres
mesures.
c) L'établissement d'un rapport spécial
à la destination des actionnaires
En cas d'inobservation des dispositions prévues ou si
la continuité de l'exploitation reste compromise en dépit des
décisions prises, le commissaire aux comptes établit un rapport
spécial destiné aux actionnaires, et présenté
à la prochaine assemblée générale ou, en cas
d'urgence, à une assemblée générale des
actionnaires qu'il convoque lui-même pour soumettre ses conclusions,
après avoir vainement requis sa convocation du conseil d'administration
ou de l'administrateur général par lettre au porteur contre
récépissé ou par lettre recommandée avec demande
d'avis de réception. A ce niveau, force est de signaler l'impact d'une
telle convocation. En effet, les difficultés de l'entreprise sont alors
portées sur la place publique, car il est presqu'impossible de ne pas
mettre le tiers au courant de la réunion de l'assemblée
générale, et les actionnaires ne sont astreints à aucune
obligation de discrétion.
Lorsque le commissaire procède à cette
convocation, il fixe l'ordre du jour et peut, pour des motifs
déterminants, choisir un lieu de réunion autre que celui
éventuellement prévu par les statuts. Il expose les motifs de la
convocation dans un rapport lu à l'assemblée221.
Il convient de remarquer que le devoir d'alerte qui incombe au
commissaire aux comptes le conduit à faire apprécier la gestion
de la société. Il y a là une dérive de ses
fonctions de contrôle des comptes vers la surveillance de la
gestion222.C'est ce qui explique que l'importance de sa mission
implique que sa responsabilité civile puisse être engagée,
celle des dirigeants n'étant pas en reste.
2-Responsabilité du commissaire et des
dirigeants
221 Cf. art. 156 AUSC in fine.
222 POUGOUE P.G., ANOUKAHA F. et NGUEBOU TOUKAM J., op. cit., n
194, p 84.
75
L'obligation faite au commissaire aux comptes de
déclencher l'alerte est susceptible d'entraîner sa
responsabilité en cas d'inobservation des dispositions prévues.
Aussi, ce dernier engage-t-il sa responsabilité envers tous ceux qui
subissent les conséquences de l'ouverture du redressement judiciaire,
lorsqu'il n'a pas déclenché l'alerte en temps utile. Cependant,
n'étant tenu que d'une obligation de moyens en principe, les
actionnaires devront prouver sa faute et le lien de causalité qui unit
celle-ci au dommage qu'ils ont subi. Il s'agit là d'une hypothèse
relativement simple.
La situation devient plus complexe lorsque le commissaire a
mis en mouvement cette procédure. Aussi, l'art.725 AUSC223lui
confère-t-il une certaine immunité dans l'exercice de sa mission
d'alerte. L'alinéa 2 de cet article prévoit en effet, que la
responsabilité du commissaire ne peut être engagée pour les
informations ou divulgations de faits auxquels il procède en
exécution de sa mission, conformément à l'art. 153 AUSC
précité.
L'immunité s'explique également, et c'est
là qu'elle présente son véritable intérêt,
lorsque le commissaire a déclenché l'alerte alors que la
continuité de l'exploitation n'était pas réellement
compromise224. Toutefois, par application du droit commun, ce
dernier commettrait une faute génératrice de
responsabilité civile et justifiant son relèvement judiciaire,
s'il ouvrait cette procédure de mauvaise foi, contre une
société dont il ne pouvait pas ignorer la
prospérité225. Il en irait sans doute de même
s'il commettait une faute lourde, assimilable au dol dans l'appréciation
du caractère préoccupant de la situation sociale.
L'on est donc fondé à en déduire que,
nonobstant la protection offerte au commissaire par l'art. 725 AUSC, le devoir
d'alerte risque d'aggraver sa responsabilité, et par voie de
conséquence, accroitre la sécurité des actionnaires.
Quant aux dirigeants, ceux-ci engagent leur
responsabilité dans les termes du droit commun lorsqu'ils ne donnent pas
une suite satisfaisante à l'alerte déclenchée. Reste
à présent à savoir de quelle manière les
actionnaires eux-mêmes mettent en marche la procédure d'alerte.
3-Procédure de déclenchement de l'alerte
par les actionnaires
223 Cf. aussi art. 234 de la loi française de 1966
224 GUYON Y., Entreprises en difficultés- Redressement
judiciaire-Faillite, op.cit., n 1054, p. 58. 195 Com. 14 nov. 1995, Bull. civ.
n 264, p. 243.
La conduite de la procédure d'alerte par les actionnaires
est organisée par l'Acte uniforme. A la lecture de ce texte, un seul
mécanisme est prévu.
Aussi, conformément à l'art. 158 de l'Acte
uniforme, tout actionnaire peut, deux fois par exercice, poser des questions au
président du conseil d'administration, au président-directeur
général ou à l'administrateur général, selon
le cas, sur tout fait de nature à compromettre la continuité de
l'exploitation, dans les sociétés anonymes. La réponse est
communiquée au commissaire aux comptes. Le dirigeant social
répond par écrit, dans un délai d'un mois, aux questions
posées. Dans le même délai, il adresse copie de la question
et de sa réponse au commissaire aux comptes.
Il est à noter que, contrairement à la conduite
de l'alerte dans les sociétés autres que les
sociétés anonymes où les questions doivent
nécessairement être écrites226, le
législateur semble ne pas mettre un accent particulier sur la forme que
devront prendre les questions dans les sociétés anonymes. Seul
l'alinéa 2 in fine de l'art. 158 de l'AUSC nous permet de soutenir que
ces questions devront être écrites. Mais l'on ne peut
s'empêcher de s'interroger sur l'opportunité des questions orales,
qui à notre avis, paraissent plus pratiques et diligentes227,
même si l'on pourrait leur reprocher un manque de discrétion sur
la situation de l'entreprise.
Une lecture attentive de l'Acte uniforme conduit à
inférer que les questions ne seront posées qu'à l'occasion
des assemblées générales, c'est-à-dire deux fois
par an, alors que la situation de l'entreprise commanderait une réaction
prompte au regard de la situation sensible. C'est dire que la
possibilité offerte aux actionnaires de poser des questions aux
dirigeants, si elle est salutaire, reste lacunaire comme bien d'autres mesures,
qui se dressent contre une véritable protection des actionnaires.
Mais l'on ne saurait en même temps éluder le fait
que, à l'opposé du droit français, le droit OHADA semble
ne pas soumettre l'exercice de cette mesure à la détention d'une
quelconque portion du capital.
Quoiqu'il en soit, l'exercice d'actions précoces -
juridictionnelles ou non-conduit généralement à la
découverte de nombreuses fautes commises soit dans la gestion, soit dans
le contrôle de la société commerciale. Ces dernières
seront alors sanctionnées aux moyens d'actions en responsabilités
contre les différents contrevenants.
SECTION II- LES SANCTIONS CONSECUTIVES AUX
INVESTIGATIONS
226 Cf. art. 157 AUSC.
227 Les autorités interpellées se sentant dans
l'obligation d'apporter une réponse séance tenante.
77
A la suite d'une procédure d'alerte ou du rapport de
l'expert, les actionnaires peuvent déclencher les hostilités
envers tout contrevenant à leurs droits, notamment, mettre en jeu sa
responsabilité, demander l'annulation des décisions jugées
abusives, ou la nomination d'un administrateur provisoire, etc.
En ce qui concerne la nomination d'un administrateur
provisoire, il convient tout de suite de signaler que l'essentiel de sa
procédure de déclenchement est similaire à celle de
l'expert de gestion228. Et tout comme pour cette dernière,
elle a pour effet pervers de favoriser l'immixtion des tiers dans la vie de la
société229. De la même manière, le
législateur OHADA n'a pas non plus organisé la
responsabilité de l'administrateur provisoire230.
Dans cette perspective, le respect des prérogatives
reconnues aux actionnaires est un impératif pour les dirigeants sociaux,
la société commerciale étant créée dans
l'intérêt commun des actionnaires231. Les dirigeants ne
sauraient donc impunément abuser des investissements faits par les
actionnaires. Mais ceux-ci ne sont pas seuls à pouvoir porter atteinte
aux droits des actionnaires. En effet, la jouissance des attributs de ces
derniers peut être entravée aussi bien par les tiers que par
d'autres actionnaires.
Présentent donc dans ce contexte, un réel
intérêt, La responsabilité des dirigeants pour les actes
fautifs commis dans l'exercice de leur fonction (§1), de même que
celle des commissaires aux comptes (§2).
§1- LA RESPONSABILITE CIVILE DES DIRIGEANTS
SOCIAUX
Une mauvaise administration de la société peut
être la source de préjudices considérables pour les
créanciers sociaux mais surtout pour les actionnaires232.
Aussi, le législateur OHADA s'est-il investi à déterminer
avec le plus grand soin les circonstances dans lesquelles la
responsabilité des dirigeants peut être mise en
oeuvre233. Assurément et avec le nouveau contexte juridique
et économique, ces circonstances sont nombreuses ; ce qui se
conçoit si l'on tient compte non seulement
228 C'est ainsi que la procédure commence par la saisine
du juge : la demande est présentée devant le tribunal, le plus
souvent par la voie du référé en raison de l'urgence qui
la caractérise.
229 Tel le juge
230 En effet, ce dernier peut être à l'origine de
nombreuses fautes, préjudiciables aux actionnaires. Face à cette
lacune, on peut tout légitimement estimer que les fautes susceptibles
d'être commises par l'administrateur provisoire seront
sanctionnées à l'image de celles des dirigeants sociaux.
231 Cf., ici encore, art. 4 AUSC.
232 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit
commercial, 15e éd. Tome1, LGDJ, 1993, n° 1360, p.
1041.
233 Cf. livre III de l'AUSC intitulé « Action en
responsabilité civile contre les dirigeants sociaux »
de l'étendue des prérogatives des dirigeants
sociaux, mais aussi du cadre légal et contractuel dans lequel elles
s'exercent234. Il s'agit donc de mettre en relief les exigences
régulièrement durcies qui assurent désormais un contre
pouvoir à leur puissance235.
Au-delà de ces développements, il convient de
dégager l'organisation de la responsabilité des dirigeants (A)
afin d'apprécier l'exercice de son action (B), sans préjudice
d'une éventuelle révocation des ces derniers (C).
A- L'organisation de la responsabilité civile des
dirigeants sociaux
La responsabilité des dirigeants varie selon les
circonstances vis-à-vis des actionnaires, mais notre
préférence va pour les deux régimes suivants : une
responsabilité des dirigeants de la société in bonis (1),
et une responsabilité aggravée en cas de faillite (2).
1- La responsabilité des dirigeants de la
société in bonis
Il s'agit d'une responsabilité ordinaire envers les
actionnaires236. Les dirigeants sont responsables, aux termes de
l'art. 740 AUSC, « individuellement ou solidairement envers la
société ou envers les tiers237, soit des infractions
aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux
sociétés anonymes, soit des violations des dispositions des
statuts, soit des fautes commises dans leur gestion »238.
Une lecture attentive de cette disposition démontre que tous les actes
susceptibles d'enclencher la responsabilité des dirigeants ne sont que
des tentacules de la notion globale de « faute
»239, et sont relatifs à la violation des lois et
règlements (a), à la violation des statuts et à la faute
de gestion (b).
234 NJEUFACK TEMGOUA (R.), << La responsabilité des
dirigeants des sociétés commerciales (OHADA) »,
Mémoire de DEA en Droit Communautaire et Comparé UDEAC/CEMAC,
Uds, 1999, p. 5.
235 NJOYA NKAMGA( B), << Les dirigeants sociaux »,
Thèse de Doctorat/Ph.D., Uds, 2006-2007, p. 9.
236 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit., n° 1360, p.
1042.
237 La notion de <<tiers » est ici largement entendue
et inclut les actionnaires.
238 A lire avec les art. 161 et 165 AUSC.
239 NJEUFACK TEMGOUA (R.), op. cit., p. 6.
91NJOYA NKAMGA (B.), op. cit., n° 686, p. 344.
79
a) Responsabilité pour violation des lois et
règlements
La responsabilité des dirigeants pour violation des
lois et règlements dans l'accomplissement par ceux-ci d'actes contraires
à ces dispositions, était déjà en vigueur dans la
quasi-totalité des Etats membres de l'OHADA, par l'effet conjugué
du code civil, du code de commerce, des lois de 1867, 1925 et bien d'autres
textes240. Le droit réformé de l'OHADA l'a reprise et
rénovée.
L'idée est simple: la violation par les dirigeants
d'une règle prévue dans l'espace concerné entraîne
sa responsabilité. De façon précise, la violation d'une
disposition législative ou règlementaire gouvernant le droit des
sociétés, qu'il s'agisse de la constitution ou de la direction de
la société, de la convocation ou du fonctionnement des
assemblées ou des conditions d'exercice des fonctions de dirigeants
constituent, indépendamment des sanctions spécifiques qu'elles
comportent (opposabilité, nullité), un fait
générateur de la responsabilité du
dirigeant241.
Dans cette perspective, le législateur africain s'est
servi d'un critère temporel pour fixer les comportements
blâmables. La cause de la responsabilité peut être
liée à la constitution, au fonctionnement ou à la
dissolution de la société ; l'essentiel étant qu'elle soit
survenue dans l'exercice des fonctions de dirigeants. Ainsi, les premiers
dirigeants ont par exemple le devoir de s'assurer que la société
a été régulièrement constituée. Une incurie
de leur part entraîne leur responsabilité pour violation de l'art.
78 AUSC qui dispose que « Les fondateurs, ainsi que les premiers
organes de gestion, de direction ou d'administration sont solidairement
responsables du préjudice causé soit par le défaut d'une
mention obligatoire dans les statuts, soit par l'omission ou l'accomplissement
irrégulier d'une formalité prescrite pour la constitution de la
société ».
Au cours de la vie sociale, la responsabilité des
dirigeants est susceptible d'être engagée en cas d'annulation
d'actes ou de délibérations, pour défaut de convocation ou
irrégularité de convocation d'une assemblée par exemple
prévue par les textes242. De même, les dirigeants d'une
S.A. verront leurs responsabilités engagées pour défaut de
désignation d'un commissaire aux comptes243 ou de provocation
d'une délibération sur l'option à prendre en cas de
réduction du capital en dessous du minimum légal.
Il en irait de même de la violation des statuts et des
fautes de gestion.
241VIDAL (D.), cité par NJOYA NKAMGA (B.), op.
cit., n° 690, p. 345.
242 Cf. art. 35 AUSC.
243 V. pour désignation d'un ou des commissaires aux
comptes dans les SA, art. 694 et 702 AUSC.
b) Responsabilité pour violation des statuts et
pour faute de gestion
La violation des statuts de la société et la
faute de gestion du dirigeant constituent aussi des causes de
responsabilité civile des dirigeants reprises par l'Acte uniforme. Mais
contrairement à la violation des lois et règlement qui
s'apparente plus à l'expression d'un souci législatif d'encadrer
la fonction de dirigeant en soi, ces deux types de causes semblent être
la conséquence plus ou moins voulue de la qualité de mandataire
des dirigeants244.
i- La violation des statuts
Dans le cadre de la gestion de la société, les
dirigeants voient, en principe, leurs pouvoirs déterminés par les
actionnaires dans l'acte de société ou tout acte ultérieur
auquel les statuts ou la loi renvoie le cas échéant. Dans cette
optique, la violation des statuts par le dirigeant sera très souvent une
faute, une inexécution des exigences de son mandat. Il pourra dès
lors s'agir de toutes sortes de règles concernant le fonctionnement de
la société, pour la fixation desquelles, sauf disposition
législative contraire, les actionnaires disposent d'une grande
liberté : mesures concernant les pouvoirs internes des dirigeants, la
répartition des bénéfices, etc. De même, les
dirigeants sont responsables en cas de méconnaissance par eux d'une
disposition statutaire les obligeant à obtenir exceptionnellement
l'accord des actionnaires245.
Signalons cependant que cette cause de responsabilité
n'est pas nécessairement une faute.
ii- La faute de gestion
C'est le type de faute le plus difficile à
établir -pourtant le plus invoqué-, car il suppose une
appréciation sur l'attitude qu'aurait dû avoir un administrateur
diligent, actif mais prudent, à l'époque et dans les
circonstances de l'espèce. La notion est protéiforme, recouvrant
aussi bien des actes positifs que négatifs246.
D'une manière générale, cette faute doit
être prouvée par les actionnaires demandeurs. Elle
s'apprécie donc « in abstracto », c'est-à-dire
par référence à la conduite d'un dirigeant prudent,
diligent et actif. Ce qui ne signifie pas qu'on refuse
244 NJOYA NKAMGA (B.), op. cit., n° 690, p. 346.
245 Cass. Crim., 10 mars 1976, n° 74-14, 680, JCP,
éd. G., 1977, II, n° 18566, note CHARTIER.
246 MERLE (PH.), Droit commercial, sociétés
commerciales, 3e éd., Précis Dalloz, 1992, n°
406, p. 362.
81
de tenir compte des éléments
concrets247. Non seulement la conduite de l'intéressé
sera jugée par référence à celle d'un dirigeant de
même catégorie mais encore on placera ce type de comparaison dans
les mêmes circonstances que l'auteur du dommage248. Et cet
autre dirigeant ne peut être que l'homme normalement prudent et
avisé, celui que certains textes du code civil - surtout en
matière contractuelle et quasi-contractuelle- appellent « le
bon père de famille »249. Tout au plus, la faute
doit s'apprécier en tenant compte du contexte existant au moment
où elle a été commise. L'inverse accablerait les
dirigeants sous le poids d'une perspicacité rétroactive
suscitée par la connaissance de la catastrophe finale.
La gestion d'une entreprise suppose l'acceptation de certains
risques250. Ce n'est pas parce que tel ou tel d'entre eux se
réalise que le dirigeant sera nécessairement fautif. Ce que l'on
est en droit d'exiger des dirigeants ce n'est pas un don prophétique,
mais le souci d'éviter des mesures que l'on devait considérer
comme déraisonnables au moment où elles ont été
prises251.
Il ne saurait donc être question de tenter de dresser
une liste des fautes préjudiciables aux actionnaires que pourraient
commettre les dirigeants. Celles-ci peuvent être volontaires, notamment
lorsque les dirigeants utilisent leurs pouvoirs à des fins personnelles
et non dans l'intérêt de la société252.
Mais la faute de gestion peut être aussi une imprudence253 ou
une négligence254, du moment que celle-ci est suffisamment
caractérisée255.
Soulignons que la responsabilité des dirigeants peut
être individuelle ou solidaire, d'après l'art. 740
précité256. En cas de solidarité, les
actionnaires peuvent donc poursuivre l'un quelconque des dirigeants ayant
coopéré au fait fautif257 ; la réparation
effectuée, il appartient à celui qui a payé de se
retourner contre ses
247 GUYON (Y.), Droit des affaires, 12e éd.,
tome1, Economica, 2003,n° 459, p. 448
248 On ne doit par exemple pas exiger les mêmes diligences
du dirigeant d'une petite société anonyme de dimension familiale
et du président du conseil d'administration d'une société
côtée en bourse.
249 FLOUR (J.), AUBERT (J.L.), SAVAUX (E.), Droit civil, les
obligations, sources: les faits juridiques, vol. II, coll. U., 10e
éd., Armand colin, n° 113 p. 108.
250 GUYON (Y.), op. cit., n° 459, p. 448.
251 LAGARDE (G.), cité par GUYON (Y.), op. cit.
252 Tel est par exemple le comportement d'un dirigeant qui
verse des commissions occultes à des tiers, exposant la
société à une réintégration fiscale et
empêchant du même coup aux actionnaires d'exercer un contrôle
normal de la marche des affaires sociales.
253 Com., 18 juin 1973, Rev. Soc., 1974, 300, note
Hémard.
254 Com., 4 février 1980, Bull. civ., IV n° 55, p. 43
- Aix, 9 avril 1974.
255 Constituent ainsi une imprudence, la dissimulation aux
actionnaires de la véritable situation de la société par
les rapports inexacts faits à l'assemblée ; le fait de ne pas
informer les actionnaires de la gravité de la situation sociale et de ne
pas avoir appelé de leur part une décision couvrant sa
responsabilité même si les pertes n'avaient pas encore atteint la
moitié du capital social, dès lors que le prolongement de la
société dans les conditions déplorables ne pouvait aboutir
qu'à absorber la substance même de la société par
l'addition aux pertes anciennes de pertes nouvelles et continues
256 Elle est individuelle lorsqu'une faute précise peut
être imputée à un administrateur déterminé,
les autres membres du conseil étant totalement étrangers à
cette faute. Elle est solidaire s'il est par exemple prouvé que
plusieurs administrateurs ont commis une faute commune
coresponsables chacun pour sa part contributive,
conformément aux règles gouvernant les rapports d'obligations en
droit civil.
Le souci manifeste du législateur de faciliter la
prospérité des entreprises et d'éviter autant que possible
des difficultés de nature à provoquer l'insolvabilité de
la société et par conséquent, à compromettre les
intérêts des actionnaires, l'a amené à
dégager une responsabilité particulière des dirigeants
sociaux en cas de faillite de la société.
2- L'aggravation de la responsabilité des
dirigeants en cas de faillite de la société
On a très souvent dénoncé les scandales
auxquels donnait lieu, sous l'empire de la loi française de 1867,
l'irresponsabilité de fait des dirigeants en présence de la
faillite de la société qu'ils avaient provoquée par leur
incurie ou leur négligence258. Différents
procédés ont été imaginés en droit
français pour éviter cet inconvénient; d'abord en
jurisprudence, puis dans des dispositions légales. Le législateur
OHADA a pour sa part entériné ces procédés aussi
bien dans l'AUSC que dans l'Acte uniforme portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif259.
Il sera question pour nous de mettre en relief les
répercussions que le redressement ou la liquidation judiciaire de la
société peut entraîner sur le patrimoine ou la personne des
dirigeants. Elles peuvent ainsi consister en l'incessibilité des droits
sociaux des dirigeants ou leur comblement au passif de la société
(a). Mais les dirigeants peuvent aussi être déclarés
personnellement en état de redressement judiciaire et s'exposer à
la faillite personnelle (b).
a) Incessibilité des droits sociaux des
dirigeants et comblement du passif
Dès le jugement déclaratif, les actions des
dirigeants cessent d'être librement négociables. A peine de
nullité, leurs actions ou tous autres droits sociaux ne peuvent
être cédés qu'avec l'autorisation du juge-commissaire et
dans les conditions fixées par lui260. Le législateur
manifeste par là même son souci de limiter la liberté du
dirigeant véreux dans l'administration et la disposition de ses droits
sociaux. Dans cette optique, la juridiction compétente a le pouvoir
d'ordonner à l'encontre des dirigeants fautifs, l'expropriation de leurs
actions afin de maintenir l'entreprise pour
257 COZIAN (M.), VIANDIER (A.) et DEBOISSSY (FL.), op. cit.,
n°744, p. 274.
258 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit., n° 1379, p.
1054.
259 Ci-après AUPC.
260 Cf. art. 57 AUPC.
83
des raisons d'intérêt public, économique
et social261. Et les dirigeants en cause sont tenus de
déposer entre les mains du syndic, les titres constatant leurs droits
sociaux, lequel peut même mettre en demeure les dirigeants
récalcitrants de le faire.
L'incessibilité des droits sociaux des dirigeants
constitue une mesure conservatoire qui prépare la saisie.
S'agissant du comblement du passif et selon les termes de
l'art. 183 de l'AUPC, lorsque la procédure révèle une
insuffisance d'actif, la juridiction compétente peut, en cas de faute de
gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif,
décider, à la requête du syndic ou même d'office, que
les dettes de la personne morale seront supportées en tout ou en partie,
avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants ou certains d'entre
eux. Cet article met en évidence une double exigence: la preuve d'une
faute de gestion et la démonstration d'une causalité entre ce
comportement fautif et l'insuffisance d'actif ; peu importe en revanche que la
faute soit séparable ou non262.
Il s'agit donc d'une mesure à la fois redoutable - pour
les dirigeants- et protectrice - pour les actionnaires, car elle peut
être déclenchée indépendamment même de ces
derniers mais leur en profiter-.
Le ou les dirigeants condamnés doivent supporter tout
ou partie du passif. Faute de s'exécuter, ils courent le risque de se
voir mis eux-mêmes, comme de simples commerçants, en redressement
ou en liquidation judiciaire, sans compter l'éventuelle sanction de
faillite personnelle.
b) Extension des procédures collectives et
failite personnelle
Bien qu'ils ne soient pas commerçants, les dirigeants
peuvent être déclarés personnellement en état de
redressement ou de liquidation judiciaire (i) et être exposés
à la faillite personnelle (ii).
i- Extension des procédures collectives aux
dirigeants fautifs
Cette mesure est réglementée par les articles
189 à 193 de l'AUPC. Mais la condamnation au comblement du passif ne
conduit pas inéluctablement à l'ouverture d'une procédure
collective à l'encontre des dirigeants ; elle ne produit cet effet que
si
261 Cf. art. 185 AUPC.
262 Contrairement, en effet, à la loi française
du 25 janvier 1985 sous l'empire de laquelle l'action en comblement du passif a
toujours fonctionné sur des présomptions, l'AUPC exige pour sa
part que soient établis, conformément au droit commun de la
responsabilité, le dommage résidant dans l'insuffisance d'actif,
la faute et le lien de causalité.
ces derniers ne s'exécutent pas. Toute autre est donc
la conséquence d'une action en extension qui étend au dirigeant
concerné la procédure ouverte à l'encontre de la
société, dans ce cas le passif comprend, outre celui du
dirigeant, celui de la société. L'énergie des effets de
l'action en extension commande cependant de réserver cette sanction aux
cas particulièrement graves.
Ainsi, aux termes de l'art. 189 de l'AUPC, cette extension
s'applique à tout dirigeant de société même s'il
n'est pas l'actionnaire qui a, sans être en cessation des
paiements263 lui-même ; exercé une activité
commerciale personnelle soit par personne interposée, soit sous le
couvert de la personne morale masquant ses agissements ; disposé du
crédit ou des biens de la personne morale comme des siens propres ;
poursuivi abusivement, dans son intérêt personnel une exploitation
déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des
paiements de la personne morale.
Bref, l'extension des procédures collectives vise les
dirigeants qui se sont comportés comme les véritables
maîtres de l'affaire. Il est donc logique qu'ils répondent sur
leurs patrimoines personnels lorsque la société est en
état de cessation de paiement.
ii- La faillite personnelle des
dirigeants
D'après les dispositions de l'art. 194 de l'AUPC, la
faillite personnelle s'applique entre autres aux personnes physiques dirigeants
des personnes morales assujetties aux procédures collectives, aux
personnes physiques représentants permanents des personnes morales
dirigeantes. Les dirigeants des personnes morales ainsi visés sont des
dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non,
apparents ou occultes.
Une lecture attentive des dispositions de l'Acte uniforme
conduit à distinguer deux cas de faillite personnelle : la faillite
personnelle obligatoire et la faillite personnelle facultative.
Dans la première hypothèse, sont obligatoirement
frappés de faillite personnelle, les dirigeants sociaux qui ont
soustrait la comptabilité de leur entreprise, détourné ou
dissimulé une partie de son actif ou reconnu frauduleusement des dettes
qui n'existaient pas, etc.264
263 L'art. 25AUPC définit la cessation des paiements comme
le fait pour un débiteur d'être dans l'impossibilité de
faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
264 Cf. art. 197 AUPC.
85
Dans la seconde hypothèse, l'art. 198 de l'AUPC liste
trois cas de faillite personnelle265.
Conscient de la gravité de cette mesure et de ses
implications en guise de sanctions266 à l'endroit des
dirigeants, le législateur permet au dirigeant malheureux déchu
de ses droits, de solliciter auprès de la juridiction compétente
une réhabilitation267.
L'aggravation de la responsabilité civile des
dirigeants vise à rendre effective leur responsabilité. En effet,
le dirigeant d'une société soumise à un redressement ou
une liquidation judiciaire ne bénéficie plus de la moindre
immunité. Les victimes des fautes de gestion268vont pouvoir
agir à son encontre pour obtenir réparation.
B- L'exercice des actions en responsabilité contre
les dirigeants fautifs
Traditionnellement, la mise en oeuvre de la
responsabilité des dirigeants exige que certaines conditions soient
réunies. Elles relèvent essentiellement du droit commun, à
savoir, le demandeur doit prouver une faute du dirigeant, un dommage et le lien
de causalité entre la faute et le dommage269. Ce n'est qu'une
fois ces conditions réunies que l'Acte uniforme offre plusieurs actions
aux actionnaires pour la défense de leurs droits. Aussi, les arts. 161
à 172 de L'AUSC organisent-ils de manière générale
l'action en responsabilité civile contre les dirigeants de
sociétés, prenant le soin de distinguer entre l'action
individuelle (1) et l'action sociale (2). Toutes ces actions étant
rigoureusement encadrées dans le temps, il revient aux actionnaires de
toujours être aguerris, diligents, vigilants et agir ainsi dans les
délais indiqués afin de ne pas tomber sous le coup d'une
prescription malencontreuse (3).
1- L'exercice de l'action individuelle ou
personnelle
L'art. 162 de l'AUSC définit l'action individuelle
comme l'action en réparation du dommage subi par un tiers ou par un
associé, lorsque celui-ci subit un dommage distinct du dommage que
pourrait subir la société, du fait de la faute
265 Tout d'abord, la mesure frappe les dirigeants qui ont commis
des fautes graves autres que celles visées à l'article
précité ou ont fait preuve d'une
incompétence manifeste ; elle s'applique ensuite aux dirigeants qui
n'ont pas déclaré dans les 3O jours, la cessation des
paiements de la société ; et enfin ceux qui n'ont pas
acquitté la partie du passif social.
266 Cf. art. 203 AUPC, pour les effets de la faillite
personnelle.
267 Cf. art. 203 in fine de l'AUPC pour la fixation
de la durée de la sanction. V. aussi les art.204 à 215 AUPC pour
la réglementation de la réhabilitation. A noter aussi que la
jurisprudence admet ici beaucoup plus facilement l'existence d'une faute de
gestion.
268 La jurisprudence admet ici beaucoup plus facilement
l'existence d'une faute de gestion.
269 CARBONNIER (J.), Droit civil, les obligations, Tome 4,
21e éd. PUF, 1998, n° 200 et s., p. 34 et s.
commise individuellement ou collectivement par les dirigeants
sociaux dans l'exercice de leurs fonctions. L'article ajoute que cette action
appartient à l'actionnaire et ne peut être intentée que
dans la mesure où celui-ci subit un dommage.
Dans la mesure où les actionnaires peuvent souffrir des
conséquences des décisions prises dans l'exercice des fonctions
sociales, il est logique qu'une action indépendante leur soit reconnue.
De la sorte, pris individuellement, les actionnaires ont le droit d'agir en
responsabilité contre les dirigeants sociaux afin qu'ils
répondent de leurs actes, lorsqu'ils s'estiment victimes des fautes de
ces derniers270. C'est dire que lorsqu'un acte irrégulier
d'un dirigeant a causé à l'actionnaire un préjudice qui
lui soit direct et personnel, c'est-à-dire un préjudice propre
qui ne se confonde pas avec le préjudice subi par la
société, il dispose de l'action individuelle pour demander
réparation.
Il s'agit là donc bien d'une action intentée par
l'actionnaire qui agit seul. Toutefois, la question se pose de savoir si les
actionnaires qui entendent demander réparation du préjudice
qu'ils ont personnellement subi peuvent donner à un ou plusieurs d'entre
eux le mandat d'agir en leur nom devant les juridictions civiles.
L'Acte uniforme n'en souffle mot, mais il ne semble non plus
l'interdire. Aussi, de l'esprit même du législateur qui est de
sécuriser les investissements, il nous est autorisé de
répondre par l'affirmative, d'autant que le droit français dont
s'est une fois de plus inspirée la législation OHADA l'admettait
déjà271, à la condition cependant qu'il
s'agisse d'un dommage de même nature et que ledit mandat soit
écrit et mentionne expressément qu'il donne aux mandataires le
pouvoir d'accomplir au nom des mandants les actes de procédure.
En ce qui concerne la procédure d'engagement proprement
dite, elle se fera par le biais traditionnel de la saisine des tribunaux en
matière civile, c'est-à -dire ici au moyen d'une assignation
délivrée du ministère d'un huissier de justice et
signifiée par ses soins au dirigeant social en cause. Evidemment, la
juridiction ayant compétence d'attribution sera déterminée
en fonction du montant de la demande en justice, faute de quoi, la demande sera
considérée comme étant sans objet et donc
déclarée irrecevable, tout au moins par référence
au droit civil processuel tel qu'actuellement applicable au
Cameroun272. Sur la compétence rationae loci, c'est
la juridiction du lieu de situation du siège social qui est
compétente d'après les articles 164 et 170 de l'Acte uniforme.
270 NJEUFACK TEMGWA (R.), Mémoire de DEA, op. cit. p.
17.
271 GUYON (Y.), Droit des affaires, op. cit. n°462 ? P.
477.
272 Cf. Code de procédure civile et commerciale
camerounais ensemble avec les articles 14 à 18 de la loi camerounaise
n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire.
87
Si l'exercice de l'action individuelle par les actionnaires
facilite la mise en jeu de la responsabilité des dirigeants sociaux, il
reste que de manière habituelle, les fautes de ces derniers causent un
dommage à la société toute entière, n'ouvrant donc
pas droit à l'action individuelle. Dans ces conditions, c'est par la
voie de l'action sociale que l'actionnaire contrôlera de manière
efficace la gestion de la société.
2- L'exercice de l'action sociale : action ut
singuli
L'action sociale ut singuli est, au sens même des
dispositions pertinentes de l'art. 166 de l'AUSC, une action d'inspiration
actionnariale et à finalité sociale273. En d'autres
termes, il s'agit de l'action en responsabilité dirigée par les
actionnaires contre les dirigeants sociaux, et dont le but est de poursuivre la
réparation du préjudice subi par l'entreprise en raison des
fautes de gestion commises par ces derniers, exercée soit par un
actionnaire, soit par un groupe d'actionnaires.
C'est une action qui a donc pour vocation la réparation du
préjudice subi par la société de par l'acte fautif du
dirigeant.
C'est l'action la plus commune, car le dommage a
généralement un caractère collectif. Le patrimoine tout
entier souffre des fautes commises par les dirigeants. C'est la raison pour
laquelle cette action échoit prioritairement à la
société. Et à ce titre, ce sont ses représentants
qui doivent l'exercer d'après les dispositions de l'art. 166 de l'AUSC
précité. On parle alors d'action sociale ut universi.
Mais parce qu'il existe un certain risque que les administrateurs y mettent une
mauvaise volonté, l'action tendant à établir leur propre
responsabilité ou celle de leurs prédécesseurs ou encore
celle d'un d'entre eux. C'est donc afin d'éviter la paralysie de
l'action sociale que le législateur a conféré aux
actionnaires la possibilité de se substituer aux organes sociaux
défaillants en exerçant l'action sociale à leur
place274. On parle dans ce cas d'action sociale exercée
ut singuli. Et l'exercice de cette action postule une substitution
organique qui s'éprouve et se réalise au travers d'une
suppléance technique.
On peut néanmoins se questionner sur
l'intérêt qu'ont les actionnaires à agir pour le compte de
la société ? De même, de quel préjudice s'agit-il en
réalité ? Car, ou bien l'actionnaire agissant invoque un
préjudice personnel et on serait plus pertinemment en présence
d'une action individuelle en réparation, ou bien il invoque un
préjudice indirect, et dans ce cas il serait privé de
l'intérêt à agir. Il en résulte que
273 OUSMANOU Sadjo, op. cit. p. 95.
274 AMEIL (C.), op. cit. p. 9.
le préjudice qui doit fonder l'action ut singuli
est corollaire du dommage subi par la
société275.
Quant à l'intérêt, l'action ut singuli
traduit de façon concrète la marque d'une tension entre un
intérêt abandonné - celui que l'actionnaire abandonne
à la société - et un intérêt non
défendu -celui de la société que les dirigeants n'ont pu
défendre-.
Il convient de souligner que l'action sociale ut singuli
peut être exercée par un ou plusieurs actionnaires. Dans ce
sens, l'art. 167 de l'AUSC commande au préalable une mise en demeure des
organes compétents non suivie d'effet dans le délai de trente
jours. En outre, d'après les dispositions de l'art 168 du même
Acte, est réputée non écrite toute clause de statuts
subordonnant l'exercice de l'action sociale à un avis préalable
ou à une autorisation des organes sociaux. Mais la disposition ne
s'oppose pas à ce que l'actionnaire ou les actionnaires qui ont
intenté une action puissent conclure une transaction avec la ou les
personnes contre laquelle ou contre lesquelles l'action est intentée
pour mettre fin au litige276.
Dans le même sens, aucune décision de
l'assemblée des actionnaires, d'un organe de gestion, d'administration
ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité
contre les dirigeants sociaux pour la faute commise dans l'accomplissement de
leurs fonctions277. D'ailleurs, le désistement d'un des
actionnaires intéressés, ou la perte de sa qualité
d'actionnaire en cours d'instance, est sans effet sur la poursuite de
l'instance278. A noter que la possibilité laissée
à un actionnaire ou à un groupe d'actionnaires d'agir au nom et
pour le compte de la société constitue également une
exception remarquable à l'adage processuel « nul ne plaide par
procureur ».
Quant à la juridiction territoriale auprès de
laquelle la demande doit être introduite, il s'agit de celle dans le
ressort de laquelle est situé le siège de la
société279 ; la juridiction ayant compétence
d'attribution étant celle visée dans nos précédents
développements280.
Au demeurant, la multiplicité de ces actions
témoigne, à n'en point douter, de cette volonté ferme du
législateur à assurer la quiétude des actionnaires dans
l'entreprise. Toutefois, les actionnaires doivent être
particulièrement diligents pour ne pas tomber sous le coup de la
forclusion.
275 Tel serait, par exemple, le cas où la faute des
dirigeants cause un dommage à l'ensemble du patrimoine de la
société. V. aussi OUSMANOU Sadjo, op. cit. p. 95.
276 Cet article est d'ailleurs strictement appliqué par
les tribunaux. V. en ce sens Cotonou, n° 256/2000, 17 août 2000,
Affaire Société Continentale des Pétroles et
d'Investissements, M. Séfou FAGBOHOUN, SONACOP, M. Cyr KOTY c/ Etat
béninois.
277 Cf. art. 169 AUSC.
278 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), Traité de droit
commercial, op. cit. n° 1374, p. 1050.
279 Cf. art. 164 et 170 AUSC précités.
280 V. supra p. 86.s
89
3- Prescription des actions en
responsabiité
D'une manière générale, qu'il s'agisse de
l'action individuelle ou de l'action sociale dirigée contre les
dirigeants sociaux ou contre les commissaires aux comptes, les
textes281prévoient que le délai de prescription est de
trois ans, « à compter du fait dommageable, ou s'il a
été dissimulé, de sa révélation
».
D'après ces mêmes textes, d'autres délais
de prescription peuvent cependant prolonger le droit d'agir en
responsabilité. Ainsi, selon les articles 164, 170 et 727 de l'AUSC,
lorsqu'il s'agit d'un crime, la prescription n'est acquise qu'au bout de dix
années. C'est dire en définitive que le régime de la
prescription suit celui applicable aux fautes commises par les dirigeants et
les commissaires aux comptes. L'actionnaire qui entend donc assigner ces
derniers doit agir une fois de plus avec diligence. Mais de toute
évidence, l'actionnaire n'est pas toujours en mesure de savoir
exactement quand la faute a été commise, ni ne peut
déterminer aisément le point de départ de la
prescription.
On comprend toute la gène que peut éprouver un
actionnaire qui entend défendre ses droits en cas de faute de la part
des dirigeants sociaux, des commissaires aux comptes, et même de ses
coactionnaires. Mais il ne s'agit là que de signes avantcoureurs des
nombreux obstacles qui jonchent le chemin des actionnaires dans leur entreprise
de défense de leurs intérêts. Cependant, rien ne les oblige
à supporter les caprices ou les incartades d'un dirigeant, car disposant
du droit de le révoquer.
C- Le droit de révocation des dirigeants
Il ressort des articles 469 et 492 de l'AUSC que le
président-directeur et le directeur général peuvent
être révoqués à tout moment par le conseil
d'administration. Il s'agit d'une révocation ad nutum
constituant une particularité des sociétés anonymes,
comparées aux sociétés à responsabilité
limitée pour lesquelles la révocation est subordonnée
à des justes motifs282. C
C'est dire que sans justes motifs les dirigeants d'une
société peuvent être mis à l'écart par le
conseil d'administration dans les sociétés anonymes, même
si à cette égard, doctrine et jurisprudence s'accordent de plus
en plus sur le fait qu'une telle mesure ne puisse être justifiée
que par l'intérêt social, c'est-à-dire qu'il y ait à
la base une raison légitime et suffisamment grave.
281 Cf. art. 164, 170, et 727 AUSC.
282 Cf. art. 326 AUSC.
En vérité cependant, la solution retenue par les
articles susvisés ne correspond pas à la règle,
apparemment symétrique, d'après laquelle la nomination du
directeur général est l'oeuvre d'une volonté commune :
pour rester fidèle à cette conception, le législateur
aurait dû admettre que ni le conseil d'administration, ni le
président, ne peuvent se voir imposer le maintien d'un directeur
général ou d'un présidentdirecteur général
dont ils ne veulent plus. En pratique, on peut penser que le refus du conseil
de révoquer un directeur ou un président-directeur
général qui n'aurait plus sa confiance ou celle du
président selon le cas, entraîne habituellement la
démission de ces dirigeants sans préjudice de leur
responsabilité.
Le législateur est cependant allé jusqu'à
admettre le cumul des actions individuelle et sociale exercée ut
singuli283 et la poursuite de personnes non dirigeantes. En
effet, les responsables sociaux ne sont pas les seuls de la
société de capitaux pouvant poser des actes préjudiciables
pour les actionnaires. Le danger peut tout aussi bien provenir de personnes non
dirigeantes, notamment celles en charge de la transparence même de la
société, à savoir le commissaire aux comptes.
§2- La responsabilité des tiers : le cas du
commissaire aux comptes
La prospérité d'une société est
tributaire de la transparence dans la gestion de celle-ci. Et pour cela, il
faut bien qu'elle soit contrôlée. A cet égard le
contrôle est exercé dans chaque société commerciale
par un ou plusieurs commissaires aux comptes assistés de
suppléants284. La désignation de ces derniers est un
impératif dans les sociétés anonymes.
Ainsi, il ressort de l'art. 725 de l'AUSC que le commissaire
aux comptes est civilement responsable, tant à l'égard de la
société que des tiers, des conséquences dommageables des
fautes et négligences qu'il commet dans l'exercice de ses fonctions.
Mais il n'est pas responsable des dommages causés par les infractions
commises par les membres du conseil d'administration ou par l'administrateur
général, sauf si, en ayant eu connaissance, il ne les a pas
révélées dans son rapport à l'assemblée
générale285. Par ailleurs, sa responsabilité ne
peut être engagée pour les informations ou divulgations des faits
auxquels il procède en exécution de sa mission, notamment dans le
cadre de la procédure d'alerte, ce qui est fort compréhensible.
En revanche, il reste évident que l'importance de la mission qui lui est
ainsi impartie,
283 Cf. art. 163 et 172 AUSC.
284 Cf. art. 694 et 702 AUSC.
285 Cf. art. 726 AUSC.
91
comme mode de protection des actionnaires, implique que sa
responsabilité puisse être engagée s'il omet, par myopie ou
par complaisance, de déclencher cette procédure286.
La responsabilité du commissaire aux comptes prend donc
sa source dans la faute commise par lui dans l'exercice de ses fonctions.
Aussi, il est admis que , sauf pour certaines missions accessoires
précises telles la vérification de l'existence des actions des
dirigeants et la certification du montant des rémunérations
versées aux personnes les mieux payées de la
société, l'obligation qui incombe au commissaire aux comptes est
une obligation de moyens, non de résultat287. De même,
sa faute, à l'instar de celle du dirigeant, doit être
appréciée par référence à la conduite d'un
commissaire diligent et actif, placé dans la même
situation288 et donc in abstracto. Elle doit en outre
être prouvée289.
S'agissant de l'exercice de l'action en responsabilité
contre le commissaire aux comptes, il convient de dire que la juridiction
compétente en la matière contre ce contrôleur, doit
nécessairement être saisie eu égard à la nature de
la profession exercée, le tribunal de grande instance, y compris, en
principe, dans le cas où la société contrôlée
fait l'objet d'une procédure collective290.
En ce qui concerne la compétence territoriale, selon
les règles de droit commun, c'est, en principe le tribunal dans le
ressort duquel le commissaire a son domicile professionnel ou du siège
de la société291. Mais à notre avis,
l'actionnaire demandeur doit pouvoir intenter son action au lieu du fait
dommageable ou au lieu où le dommage est subi, en raison d'une aisance
de preuve.
Le résultat recherché par l'actionnaire est la
condamnation du commissaire aux comptes fautif à réparer le
dommage subi. Et cette condamnation ne peut prendre qu'une forme
pécuniaire. Il n'est pas, en effet, concevable qu'une réparation
en
286 POUGOUE (P.G.), op. cit., p. 115.
287 Rev. Soc., 1979, 92, note DUPONTAVICE. Aix, 7 juin, Bull.
cons. nat. 1986, 487 ; Bordeaux, 7 mars 1990, Journ. agréées,
1991, 215, obs. GOYET.
288 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit., n° 1357, p. 1034.
V. aussi
Cass. com., 6 oct. 1992, Dr. des soc.,
1992, n° 242, obs. BONNEAU.
289 Ont ainsi par exemple été jugés fautifs
:
- L'absence d'une effective vérification des comptes, le
commissaire s'étant borné à entériner les chiffres
qui lui étaient présentés ;
- Le défaut de rapport spécial sur une convention
réglementée dont le commissaire avait été
avisé289, ou même l'insuffisance des informations
données ;
- Le fait de n'avoir jamais vérifié les
relevés de banque, permettant ainsi au comptable qui avait la signature
bancaire de commettre des détournements ;
- Le fait de ne procéder à aucun contrôle, et
de donner, dans son rapport, purement et simplement crédit aux
évaluations inexactes du P.-GD et du commissaire aux apports ;
290 LAMY, op. cit. n° 1139, p. 467.
291 VIDAL (D.), Les Commissaires aux comptes dans la
société anonyme ; Evolution du contrôle légal,
aspects théoriques et pratiques, LGDJ, 1985, n°624, p. 69.
nature puisse être prononcée. De même, la
condamnation peut être personnelle ou in solidum292,
c'est-à-dire s'étendre aux auteurs d'autres fautes ayant concouru
à la réalisation du dommage293.
Il faut cependant souligner que l'exercice de l'action civile
contre le commissaire aux comptes n'est pas sans risque, car lorsque la demande
n'aboutit pas, ce dernier peut faire valoir ses droits à l'indemnisation
contre l'actionnaire.
Les actions en responsabilité contre le commissaire aux
comptes, à l'image de celles des dirigeants sociaux en faute, sont
soumises au respect des délais impartis par le législateur, faute
de quoi les intéressés se retrouveraient forclos.
Assurément, le législateur africain de l'OHADA
ne lésine par sur la protection des actionnaires lorsque leurs
prérogatives peuvent être sous la menace de n'importe quel acteur
de la société. Il utilise à cette fin des moyens aussi
bien en vigueur avant son avènement, que ceux dont il a lui-même
contribué à dégager les contours essentiels. De la sorte,
le législateur communautaire a repris à son compte les
mécanismes de protection des actionnaires ci-dessus
développés et dits ordinaires ou classiques et les a simplement
revisités. La nullité est, en effet, la sanction d'une
règle protectrice des intérêts propres à un
actionnaire déterminé ; la responsabilité civile quant
à elle, vise à renforcer cette protection, au regard de
l'hostilité du législateur envers la sanction de la
nullité. Seulement, la responsabilité civile des intervenants
sociaux est perçue comme une mesure subsidiaire ; -selon l'expression du
Pr Yves GUYON -« l'ultime remède auquel les associés et
les tiers n'ont recours que lorsque d'autres sanctions ou d'autres
procédés de réparation plus spécifiques ne peuvent
pas jouer ». D'où la faiblesse du dispositif de protection.
292 La condamnation est personnelle, car elle tient à la
faute commise par le commissaire directement ou à raison
des personnes qui engagent sa responsabilité personnelle, tels ses
collaborateurs ou l'expert qu'il a choisi pour l'assister en application des
règles de droit commun sur la responsabilité du fait d'autrui.
293 Ce sera souvent le cas lorsqu'il est difficile de quantifier
la part du dommage lié à la faute propre de l'un ou l'autre des
auteurs des fautes ayant créé le préjudice.
CHAPITRE II : LA FAIBLESSE DES MOYENS DE PROTECTION
EN PLACE ET LES IMPERATIFS DE REFORMES
93
Il sera question pour nous de mettre en évidence les
écueils que rencontrent les actionnaires dans l'entreprise de
sécurisation de leurs droits sur un terrain civil dans un premier
mouvement face aux actes de gestions courants par les administrateurs et les
contrôles approximatifs effectués par le commissaire aux comptes,
nonobstant la volonté indéniable du législateur africain
d'assurer une protection efficace (Section 1), avant de nous lancer dans un
chantier de construction de quelques pistes de réflexion pouvant
contribuer à l'amélioration des conditions de l'actionnaire au
sein de la société (Section 2).
SECTION I- LES DEFAILLANCES DU DISPOSITIF DE
PROTECTION
Dans l'entreprise de protection des actionnaires, le recours
aux moyens de détection précoce des actes de gestion pouvant
être nuisibles pour les actionnaires présente un
intérêt indéniable. Toutefois, il convent d'être
modeste quant à sa portée réelle (§1). En outre,
lorsque ces moyens n'ont pas pu empêcher la réalisation des fautes
de la part des organes de gestion et de contrôle, l'exercice des actions
en responsabilité n'est pas lui-même aisé (§2).
§ 1- LES LIMITES DES MOYENS DE DETECTION PRECOCE
DES ACTES DE GESTION FAUTIFS
Il convient d'être modeste quant à la
portée réelle d'un recours à l'alerte et à
l'expertise de gestion de la mise en oeuvre de cette dernière favorisant
une intervention intempestive du juge dans la société
commerciale(A). Par ailleurs, le législateur n'a prévu
expressément aucun régime de responsabilité de l'expert de
gestion(B).
A- Les dangers d'une intervention intempestive du juge
dans la société commerciale
Si le dessein premier de l'expertise de gestion est
d'éclairer, d'informer et par voie de conséquence de
protéger l'actionnaire, il n'en demeure pas moins que cette recherche de
la vérité et de l'information est susceptible de produire
plutôt des effets pervers. Il faut dire que ce n'est pas l'intervention
du juge dans son principe qui est contestée mais sa fréquence,
car les affaires s'accommodent mal de la publicité. Or, il est
évident que le recours au juge ne peut passer inaperçu, les
audiences étant pour la plus part publiques et, quand bien même
elles seraient à huis clos ou conduites en chambre du conseil, la
décision à intervenir sera nécessairement rendue publique,
de sorte que l'attention des partenaires et autres intéressés
soit attirée sur les difficultés que traverse la
société concernée. Il s'agit donc de n'avoir recours
à ce type de protection qu'exceptionnellement, les dirigeants devant
s'arranger à ce que la gestion soit transparente par le biais d'une
information complète et continue des actionnaires en tant que de
besoin.
En effet, la désignation d'un expert étant
essentiellement l'oeuvre d'un juge, il revient à ce dernier
désormais d'apprécier les opérations de gestion de la
société. Et l'on s'interroge alors sur la capacité et
l'opportunité des décisions prises par le juge dans la nomination
de l'expert de gestion ; mieux, en application de quels critères le juge
africain décidera-t-il que l'opération de gestion paraît
suffisamment contestable et suspecte pour qu'un complément d'information
soit nécessaire ? Il est donc mal aisé de comprendre comment une
personne qui n'est pas mue pas l'affectio societatis caractérisant toute
la composante de la société commerciale soit à même
de prendre des décisions pour cette dernière.
De même, on ne peut pas ignorer qu'une fois
désigné, l'expert devra mener une véritable enquête
dans le but de faire régner la lumière là où
règne l'opacité. Dans cette entreprise fort louable, il est
à craindre une fois de plus que la confidentialité des affaires
en prenne un sérieux coup, les tiers devant être désormais
informés des difficultés de la société, peut
être pas encore graves, mais assez pour inciter à la
méfiance et à des actes de concurrence déloyale.
Ainsi, le législateur africain gagnerait d'ores et
déjà à définir clairement les conditions de
désignation d'un expert, de même qu'à préciser le
contenu de la notion d' « opérations de gestion »,
car cela permettrait aux juges sollicités de pouvoir se prononcer dans
le sens de l'intérêt social.
95
B- L'absence de consécration expresse d'une
responsabilité de l'expert de gestion294
Parce qu'il est appelé à connaître les
détails de fonctionnement de la société commerciale et
à contribuer à l'épanouissement des actionnaires au sein
de celle-ci, il nous semble assez regrettable que le législateur
africain n'ait pas songé à organiser un régime de
responsabilité de l'expert de gestion pour les fautes qu'il pourrait
commettre dans l'exercice de ses fonctions. Cette lacune a pour effet
immédiat d'amenuiser les garanties de sécurité des
actionnaires.
Le droit français est cependant plus explicite sur le
statut de l'expert sans pour autant également en fixer un régime
de responsabilité de cet acteur plutôt important dans le
fonctionnement défectueux d'une société commerciale dont
la situation n'est pas encore irrémédiablement compromise mais
suffisamment préoccupante nécessitant des réactions
appropriées afin qu'elle n'atteigne cette situation
irréversible.
A notre sens, le régime de responsabilité de
l'expert pourrait se calquer sur celui du commissaire aux comptes, bien que
l'étendue de leurs compétences soit différente. En tout
état de cause, la faute serait le fait générateur du
recours dont l'aboutissement est la sanction de l'expert295.
L'expertise de gestion permettant aux actionnaires de faire la
lumière sur la gestion de la société, l'expert ne saurait
représenter un obstacle à cette fin. Il est vrai que sa
désignation est régie par l'urgence, les fautes de l'expert
établies entraînent des sanctions.
En ce qui concerne les sanctions, l'expert s'expose à
la réparation du préjudice causé aux actionnaires. Cette
réparation se résume en allocations de dommages et
intérêts ; l'action en réparation pouvant être
individuelle ou collective. La sanction des experts participe de la
sécurisation des actionnaires ; la société commerciale
fonctionnant dans l'intérêt des actionnaires, les tiers ne
sauraient menacer les intérêts des investisseurs pourvoyeurs
d'emplois.
294 Aucun des différents Actes uniformes n'envisagent, en
effet, nulle part la responsabilité de l'expert ; c'est à croire
qu'il s'agit là d'un sain à l'abri des tentations et des
imperfections communes aux Hommes pris dans leurs passions.
295 S'agissant de la faute de l'expert, elle peut
découler du dépassement des pouvoirs et missions qui lui ont
été confiés. L'expert qui, dans son rapport
présente sciemment des informations mensongères, engage sa
responsabilité. De même, l'expert qui, avec la complicité
des dirigeants sociaux présente une image infidèle de la
société dans le but de nuire aux actionnaires sera
sanctionné.
§2- DIFFICULTÉS D'EXERCICE DES ACTIONS EN
RESPONSABILITE
Tout commence avec le principe (( actori incumbit
probatio» de droit processuel qui fait obligation à celui qui
allègue un fait d'en rapporter la preuve, alors même qu'il est
matériellement impossible, sinon très difficile pour
l'actionnaire de prouver la faute de ceux qui portent atteinte à ses
droits (A). Quand bien même cette faute sera prouvée, rien n'est
moins sûr de sa portée réelle de satisfaction, la
responsabilité civile tenant lieu le plus souvent de sanction
bénigne comparativement au préjudice subi (B).
A- Obstacles liés au difficile
établissement des responsabilités : faible probabilité de
découverte des fautes
Les obstacles liés au difficile établissement
des responsabilités peuvent aussi bien concerner le régime des
preuves, la vague détermination des responsabilités (1) que les
difficultés soulevées par l'exercice (( ut singuli »
de l'action sociale (2).
1- Obstacles relatifs au régime des preuves et
à la vague détermination des fautes faisant grief
La réparation des dommages subis par les actionnaires
qu'ils soient majoritaires ou minoritaires, se heurte incontestablement
à la preuve d'un abus. Aussi, en cas d'abus de majorité, assez
fréquemment les minoritaires se rendent-ils compte que la
société ne produit pas les bénéfices que l'on
pourrait raisonnablement espérer compte tenu de sa dimension et de la
nature de ses activités. Ils soupçonnent des négligences,
voire des malversations mais sans parvenir à préciser leurs
griefs, ce qui les empêche de demander réparation296.
Même si leur situation semble pourtant s'être
améliorée avec le présent Acte uniforme par le
contrôle des comptes et la désignation d'un expert de gestion, la
difficulté demeure.
D'ailleurs, comme l'a relevé CHARTIER297
(( La détermination des auteurs d'un abus de droit de vote peut
être délicate. En effet, poursuit-il, elle suppose que soit
rapportée la preuve du sens dans lequel chaque associé a
voté à main levée ou à scrutin ».
296 GUYON (Y.), Droit des affaires, op. cit. n° 454, p.
485.
297 FENEON (A.), « Droit des actionnaires minoritaires dans
les sociétés commerciales de l'espace OHADA. », p. 166.
97
A l'égard des administrateurs et commissaires aux
comptes responsables, les recours des actionnaires vont aussi se heurter
à des difficultés de preuve. Il est, en effet, difficile à
un actionnaire de se documenter298. En outre, vis-à-vis du
commissaire au comptes spécialement, la preuve du lien de
causalité entre la faute et le dommage est très souvent
difficile, parce que la faute des commissaires n'est à peu près
jamais la seule cause du dommage, et ne fait que permettre ou aggraver la faute
des dirigeants299, laquelle - on l'a relevé - est
déjà elle-même assez complexe à établir.
D'un autre côté, s'il est assez difficile, voire
impossible de dresser une liste indicative des fautes pouvant faire grief aux
droits des actionnaires, le législateur africain pêche en omettant
ou en déterminant de façon très vague les fautes de
certains intervenants dans la société commerciale. Il en est
ainsi de celles du liquidateur, alors même que l'intervention de ce
dernier n'est pas sans risque sur les droits des actionnaires. Il est donc
regrettable que le législateur ait lésiné sur
l'organisation de sa responsabilité tout au moins sur le plan
civil300. En effet, durant la liquidation de la
société, le liquidateur joue le rôle de dirigeant. Il
devrait donc pouvoir voir sa responsabilité engagée si dans sa
mission, il a commis des fautes ou a enfreint la loi.
Dans ce contexte, sa responsabilité, nous semble-il,
devrait se calquer sur celle des dirigeants sociaux. C'est certainement cette
espèce de décalcomanie qui a amené le législateur
à ne pas penser à organiser un régime de
responsabilité propre à cet autre acteur social. Ainsi, le
liquidateur répondrait tant à l'égard de la
société, des tiers que des actionnaires, des conséquences
dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses
fonctions301. Si donc ses fautes de gestion ont causé un
préjudice à la société, une action sociale sera
ouverte, et si ses fautes ont atteint personnellement un associé, une
action individuelle pourra être ouverte contre lui. Suivant cette
logique, ces actions en responsabilité devraient se prescrire par trois
ans à compter du fait dommageable et s'il a été
dissimulé, à compter de sa révélation.
Une tout autre difficulté est celle
particulièrement soulevée par l'exercice « ut singuli
» de l'action sociale.
298 PERROUD (J.), « La condition de l'actionnaire »,
op. cit., p. 324.
299 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit. n° 1347, p.
1035.
300 Il est assez surprenant, en effet, que le
législateur est suffisamment organisé sa responsabilité
pénale à travers les articles 902 à 904 de l'AUSC. Le
législateur camerounais, pour sa part, réprime pénalement
les infractions commises par le liquidateur dans les articles 21 et 22 de sa
loi du 10 juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans
certains actes uniformes.
301 Cf. art. 221 AUSC.
2- Les difficultés particulières
soulevées par l'exercice « ut singuli » de
l'action sociale
La preuve du lien de causalité entre la faute et le
préjudice étant difficile à rapporter, car les faits
litigieux ont été commis souvent plusieurs années avant
qu'ils soient soumis à examen, dans un environnement économique
différent, pratiquement impossible à reconstituer
exactement302, l'exercice « ut singuli » de
l'action sociale soulève de sérieuses
difficultés303 de nature à porter plutôt
préjudice à l'ensemble des droits des actionnaires.
Tout d'abord, cet exercice confère à un
actionnaire un pouvoir dont seule la société est titulaire et qui
devrait par conséquent être de la compétence de ses
représentants. Dans cette hypothèse, l'action sociale
exercé « ut singuli » contient de toute
évidence un ferment d'anarchie, car elle permet à un actionnaire
de se prétendre meilleur juge de l'intérêt social que les
organes chargés par la majorité de gérer les affaires
communes. Elle risque également de paralyser la société en
exacerbant les passions d'actionnaires exagérément processifs.
Par la suite, il n'est pas toujours facile pour l'actionnaire
de distinguer l'action sociale exercée « ut singuli »
de l'action individuelle. Pourtant, le régime de ces deux actions
est bien différent.
Au-delà de ses difficultés, reste que même
retenue, la responsabilité civile est loin de produire les effets
escomptés. Autrement dit, la portée réparatrice de la
responsabilité civile est fortement réduite.
B- Le caractère bénin de la
responsabilité civile en tant que sanction
La responsabilité des dirigeants, des commissaires aux
comptes, du liquidateur et même de l'expert de gestion, en cas de faute
dans l'exercice de leurs fonctions est importante et impérative pour la
protection des droits des actionnaires. Seulement, étant donné
qu'il s'agit de replacer la victime dans l'état où elle se
trouvait avant la survenance du dommage, la responsabilité ne constitue
une sanction efficace que pour autant que l'auteur de la faute
présenterait une solvabilité suffisante. En effet, quand les
dirigeants de la société ou les commissaires aux comptes sont des
personnes sans surface, la crainte de leur responsabilité
n'empêche pas leurs agissements304. C'est dire que la
responsabilité civile paraît trop souvent
302 MERLE (Ph.), Droit commercial, Sociétés
commerciales, op. cit. n° 406, p. 361.
303 GUYON (Y.), op. cit. n° 457, p. 446 et 447.
304 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.), op. cit. n° 1361, p.
1042.
99
inefficace en tant que sanction. Ainsi, en tant que
procédé de réparation, elle se heurte sinon à
l'insolvabilité des mis en cause potentiels, tout au moins, à une
disproportion entre l'ampleur du dommage causé et la modicité,
sincère ou aménagée, du patrimoine sur lequel les
condamnations s'exécuteront.
D'un autre côté, l'actionnaire redoutera d'exposer
des frais de justice de plus en plus élevés305 d'une
procédure dont l'issue est par dessus tout incertaine.
Comme sanction donc, la responsabilité civile telle
qu'elle se présente actuellement, présente trop de failles.
D'où la nécessité, pour une protection optimale des
actionnaires, d'envisager quelques pistes de solutions.
SECTION II- AXES DE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION
DES ACTIONNAIRES
Les actions en nullité et les actions en
responsabilité civile ayant montré à suffisance leurs
limites dans la tentative de sécurisation des actionnaires, il est plus
que jamais indispensable, dans le but de restaurer à ces moyens de
protection somme toute non négligeables, la plénitude de leurs
missions, de leur apporter un supplément d'éléments
protecteurs. A ce titre, il conviendra d'examiner d'une part l'obligation de
souscription d'une assurance professionnelle par certains acteurs sociaux plus
exposés à la faute (§2) et d'autre part
l'éventualité d'une responsabilité sans faute (§1)
pour être complet sur la question.
§1-VERS UNE RESPONSABILITE SANS FAUTE ?
L'idée ici est celle d'assurer à l'actionnaire,
victime des fautes d'une quelconque origine, une indemnisation, effective et
intégrale. C'est-à-dire, replacer la victime autant que possible
dans l'état où elle se trouvait avant la survenance du dommage.
Aussi, si comme le fait remarquer Boris STARK, la réparation ne saurait
lui être ni supérieure - elle constituerait un enrichissement sans
cause - ni inférieure - elle se situerait au dessus du
rétablissement -, il s'agit pour nous dans cette brèche,
d'allouer à la responsabilité une fonction incitative aussi bien
dans la prévention que dans la réalisation du dommage.
Pour y parvenir, il nous semble que l'une des premières
mesures soit fondée sur la révision de la responsabilité.
A notre sens, on devrait donc passer en la matière, d'un régime
de responsabilité pour faute à un régime de
responsabilité sans faute, qui
100
permettrait ainsi, une indemnisation de plein droit à
tout actionnaire s'estimant lésé ou à une
responsabilité automatique. De la sorte, les actions tendant à la
prévention dans la réalisation d'un dommage pourront renforcer
l'efficacité recherchée de la responsabilité civile.
De plus, une augmentation des dommages et
intérêts à un montant supérieur que le coût
réel du préjudice serait de nature à ramener les
dirigeants et toute personne susceptible d'être impliquée,
à une gestion saine et prudente. En d'autres termes, il est question de
muter la fonction réparatrice de cette allocation pécuniaire en
fonction incitatrice.
Enfin, faciliter la mise en cause de la responsabilité
des dirigeants pour faute de gestion, et des commissaires aux comptes pour
complicité ou négligence viendrait à coup sûr,
renforcer l'efficacité à nouveau de la responsabilité
civile, et partant, la protection des actionnaires en les obligeant à
dédommager effectivement les victimes de leurs incartades par tous les
moyens, même par le biais de la souscription d'une assurance.
§2-L'OBLIGATION DE SOUSCRIPTION D'UNE ASSURANCE
PAR LES DIRIGEANTS SOCIAUX ET LES COMMISSAIRES AUX COMPTES
Assurément, la gestion d'une société
commerciale appelle à une certaine prise de risques par le dirigeant
social. Mais lorsque la notion de risque engendre une faute, cela signifie
qu'il y a eu disproportionnalité entre la prise de risque et
l'intérêt social engageant de ce fait la responsabilité du
dirigeant social et la question de l'indemnisation de l'actionnaire se pose
avec acuité.
Face à l'impécuniosité involontaire ou
organisée des dirigeants sociaux ou du commissaire aux comptes mettant
en péril l'intégrale indemnisation des actionnaires en cas de
dommage subi du fait des premiers, l'assurance apparaît comme le moyen le
plus approprié devant permettre aux actionnaires d'obtenir
réparation effective et intégrale du préjudice subi. En
effet, l'assurance protège les individus éprouvant de l'aversion
au risque tout en maintenant un caractère incitatif de la
responsabilité. Autrement dit, l'actionnaire sera indemnisé
dès lors que le dirigeant ou le commissaire a commis une des trois
fautes prévues par le droit des sociétés, ce d'autant
qu'en matière d'assurance, lorsque le sinistre qui fonde l'intervention
de l'assureur de responsabilité se réalise, la victime dispose
d'une action directe contre ce dernier sans être obligée de passer
par l'auteur principal de la faute. Aussi, pour
305 Même si ,dans le cas du Cameroun, le
législateur interne s'est employé tout récemment à
faciliter l'accès au prétoire en l'organisant dans sa loi n°
2009/004 du 14 avril 2009 portant organisation de l'assistance judiciaire, il
n'est pas certain que cela soit le cas dans le reste des pays membres de
l'OHADA.
pallier l'insolvabilité du dirigeant social et celle du
commissaire aux comptes condamnés à dédommager
l'actionnaire victime de leurs méfaits, il serait opportun pour le
législateur africain d'imposer à ces derniers la souscription
d'une assurance professionnelle.
Certes, on pourrait avancer que le mécanisme de
l'assurance conduirait à une déresponsabilisation des dirigeants
ou des commissaires face à la réalisation du dommage, mettant
ainsi à nouveau en péril le caractère incitatif que l'on
veut attribuer à la responsabilité civile, dans la mesure
où se sachant assurés, ceux-ci ne prendraient plus de
précaution. Mais cette distorsion a priori que l'assurance peut produire
au détriment du caractère incitatif sus évoqué,
peut tout d'abord être atténuée par le fait que le
comportement des agents en termes assurantiels est défaillant, au regard
de leur fréquente méconnaissance ou mauvaise estimation du
risque, de leur mauvaise information, etc. Par la suite, il ne faut pas perdre
de vue que la couverture d'un éventuel dommage ne peut pas totalement
enlever le caractère incitatif de la responsabilité : les
assurances, conformément aux enseignements de l'économie de
l'assurance, n'offrent pas des assurances complètes. En effet, la
garantie est souvent plafonnée : la compagnie prévoit le montant
de la garantie qui constitue le maximum de l'indemnité. De la sorte, le
dirigeant social ou le commissaire aux comptes devra assumer la
différence entre le montant des dommages et intérêts et
celui de l'assurance, au profit, naturellement, de l'actionnaire qui se
trouvera ainsi complètement dédommagé.
Enfin, les assurances mettent en place des systèmes
incitatifs à la prudence par la mise en place de bonus et inversement
sanctionne les dirigeants et commissaires assurés trop négligents
par le système de franchise et de malus.
Comme on peut le constater le législateur africain
gagnerait à intégrer ces quelques observations dans le but
d'attirer au maximum les investisseurs dans l'espace OHADA.
CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE
102
La protection des actionnaires contre les actes de gestion des
administrateurs et ceux de contrôle des commissaires aux comptes met en
exergue des moyens de détection précoce des difficultés
auxquelles ces derniers peuvent faire face, ainsi que ceux consécutifs
aux investigations opérées dans le cadre de la surveillance de la
gestion.
Nombre des ces mesures permettent ainsi aux actionnaires de
défendre avec plus ou moins d'efficacité leurs
intérêts une fois que ceux-ci sont menacés. Mais,
l'étude de ces mécanismes, aura révélé
combien il est en réalité périlleux de parvenir à
des résultats efficients. D'ailleurs, pour certains actionnaires, c'est
un véritable périple que de pouvoir engager des actions en
justice contre les pourfendeurs de leurs droits, soit parce qu'ils n'en n'ont
pas les moyens, soit parce qu'il leur est matériellement impossible de
rapporter la preuve du préjudice par eux subi. De la même
manière que, une fois engagée, l'issue de l'action en justice
reste incertaine. De plus, même lorsque la décision de justice
leur est favorable, le rétablissement dans leurs droits se trouve
compromis par l'insolvabilité des personnes condamnées.
C'est la raison pour laquelle, à notre sens, des
mesures telles que, l'admission d'une responsabilité sans faute,
l'obligation de souscription d'une assurance professionnelle par certains
acteurs sociaux, et bien d'autres, seraient de nature à renforcer cette
protection.
A l'issue de notre analyse, force est de constater que
sécuriser effectivement et efficacement les intérêts des
investisseurs des sociétés commerciales, notamment ceux des
actionnaires dans l'espace OHADA, est un objectif déclaré. Mais
le législateur OHADA, pouvait-il seulement agir autrement, à un
moment où l'Afrique se trouve confrontée aux impératifs
économiques mondiaux et qui, pour y faire face, doit agir de concert par
le truchement des regroupements régionaux, ultime solution et
réaction au phénomène inévitable et
irréversible de la mondialisation économique ou globalisation
financière306, la mondialisation de l'économie
exigeant l'harmonisation des droits et des pratiques du droit307
?
En effet, la succession des crises financières et les
incertitudes que reflète le débat récurrent sur la
pertinence des normes comptables, mais surtout la recherche du mode
idéal de gouvernance des sociétés, placent la protection
de l'actionnaire au centre d'un débat économique et juridique
fondamental. L'actionnaire dans une société cotée, est en
effet, en droit de savoir de quelles protections il dispose lorsqu'il investit.
Ce qui n'est pas toujours le cas, compte tenu de la complexité
croissante du droit applicable.
A ce titre et au terme de notre analyse, on a pu retrouver
cette volonté protectionniste du législateur communautaire
africain à travers la consécration d'un important arsenal
juridique dans différents Actes uniformes mais principalement dans celui
relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement
d'intérêt économique. Ainsi, de la sauvegarde des droits
des actionnaires au sein des assemblées générales,
à savoir l'exercice des droits politiques et la garantie des droits
financiers assortis de sanctions telles l'annulation des actes passés en
violation de ces
306 Il faut dire que la mondialisation économique ou
globalisation financière a pour principal effet de favoriser la
liberté de commerce, notamment la conduite des transactions commerciales
au-delà des frontières nationales et internationales en exigeant
la levée des barrières douanières et tarifaires, sinon
leur amoindrissement selon les termes et exigences même de l'Organisation
Mondiale du Commerce (OMC).
307 M. Aregba Polo, Secrétaire permanent de l'OHADA, au
cours d'un exposé au Séminaire de sensibilisation au droit
harmonisé, Niamey, les 9 et 10 juin 1999.
104
droits sans préjudice d'action en responsabilité
tributaire d'un abus à une protection contre les actes de gestion
sociaux fautifs, le dessein du législateur est fort clair et louable.
Seulement, il faut dire qu'entre cet objectif
déclaré et une protection réelle, beaucoup reste à
parfaire. En effet, cette étude nous aura permis de constater que
l'entreprise du législateur de sécurisation des investissements
est inachevée, ou tout au moins n'est pas exempte de reproches. Aussi,
les intérêts des actionnaires sont sans cesse en proie à de
nombreuses difficultés et imperfections nonobstant les mesures
sécuritaires en place: difficultés de déclenchement d'une
action en justice, isolement des actionnaires, absence de détermination
de certaines responsabilités, insolvabilité des personnes
condamnées à dédommager leurs victimes... Bref, les
obstacles sont considérables.
Face à ces lacunes, on ne peut s'empêcher de
signaler l'action importante que mène actuellement la jurisprudence
africaine dans ses efforts de création du droit, par son oeuvre
d'interprétation et d'application du droit là où
subsistent des points d'ombre. En effet, à ce jour, nombre de
juridictions des Etats parties au Traité OHADA ont eu à se
prononcer au moins chacune sur les questions de désignation d'un expert
comptable ou de nomination d'un administrateur provisoire308 ; de
constatation d'un abus de majorité, de minorité ou d'une
mésentente309; d'établissement de la
responsabilité d'un dirigeant social310 ou d'un commissaire
aux comptes ; admission de nullités avec la plus grande
circonspection311 ; admission d'une association
d'actionnaire312, etc.
Au total, la protection des actionnaires telle
qu'organisée en droit OHADA nous semble satisfaisante. Mais une question
nous vient à l'esprit : cette protection, garantit- elle à tous
les actionnaires satisfaction totale ? C'est dans la négative et la
recherche d'une modernisation achevée du droit des affaires en Afrique
que nous nous sommes permis de formuler quelques suggestions. Conscients du
déséquilibre qui prévaut dans les sociétés
commerciales, une première mesure aura consisté à plaider
pour le renforcement de la notion de gouvernement d'entreprises ou
«corporate governance » ; l'effectivité du rôle
de certains organismes sociaux, afin de permettre à tous les
actionnaires de participer effectivement à la gestion de la chose
sociale, au processus décisionnel et éviter des
mésententes. Il nous a paru tout
308 Cour d'Appel de Cotonou, arrêt n° 256/2000 du 17
août 2000, RG N° 314/2000.
309 Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre civile et commerciale,
audience du vendredi 25 février 2000.
310 CCJA arrêt n° 015/ 2005 du 24 février 2005,
Affaire ANGOUA KOFFI Maurice contre la Société WIN Sarl,
Conditions : faute et préjudice, Droit à l'information.
311 Cour d'Appel d'Abidjan, n° 688 du 25 juin 2004.
312 Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, Ordonnance des
référés n° 235 du 1er mars 1998, club des
actionnaires c/ la SONATEL.
aussi important de suggérer la consécration
expresse des associations d'actionnaires face à une certaine
passivité de ces derniers ; l'obligation de souscription d'une assurance
par les dirigeants et les commissaires aux comptes et, l'évolution vers
une responsabilité fondée sur le risque dans l'optique d'une
indemnisation complète et intégrale en cas de préjudice
subi par l'actionnaire.
Par ailleurs, la prise en compte en droit OHADA des nouvelles
technologies de l'information et de la communication permettrait aux
actionnaires de participer efficacement au processus décisionnel bien
qu'étant physiquement absents.
A ce stade, la grande question que l'on est en droit de se
poser est celle de savoir si une protection des actionnaires, aussi effective
et efficace qu'elle puisse être, serait gage d'un accroissement
d'investissements des étrangers, et partant, d'emplois. En d'autres
termes, ne peut-on pas envisager un système de protection qui
permettrait d'inciter les nationaux à plus d'investissements dans leur
propre pays, tout en restant salariés, dans une entreprise dans laquelle
ils seraient actionnaires ?
106
ANNEXE 1 : Jurisprudence OHADA - Cameroun
ANNEXE 2 : Jurisprudence OHADA - Bénin
ANNEXE 3 : Jurisprudence OHADA - Côte
d'Ivoire
ANNEXE 1 : Jurisprudence OHADA - Cameroun
/FOBE/
COUR D'APPEL DE L'OUEST
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE
BAFOUSSAM
Année judiciaire 2005 - 2006
Jugement n°33/civ DU 20 janvier
2006
Contradictoire
AFFAIRE
Polyclinique de Bafoussam S.A (Me
Bouobda)
CONTRE
NZOGANG Didier
OBJET DU DIFFEREND
-Nullité des actes
DECISION DU TRIBUNAL
(Lire dispositif)
REPUBLIQUE DU CAMEROUN
PAIX - TRAVAIL - PATRIE
Audience civile et commerciale du 20 janvier 2006
.A l'audience publique ordinaire du Tribunal
de Première Instance de Bafoussam statuant en en matière civile
et commerciale et siégeant en la salle des audiences du palais de
justice de ladite ville le vingt janvier deux mille six, tenue par Monsieur
Emmanuel ELANGA, Président audit Tribunal ;
---Avec l'assistance de Maître FOSSO
YOUTEMI Greffier et de M. DEFO
Jacob, 60
ans Interprète pour le dialecte
local,
régulièrement assermenté
;
A ETE RENDU LE PRESENT JUGEMENT ;
ENTRE
- La polyclinique S.A. B.P 88 Bafoussam ayant pour
conseil Me Tchouandem, Avocat au barreau du Cameroun, demanderesse comparant
.D'UNE PART;
Et
- Sieur Nzogang Didier, actionnaire à la
polyclinique S.A de Bafoussam, défendeur comparant D'AUTRE
PART; ---Sans que les présentes qualités puissent
nuire ou préjudicier aux droits et intérêts respectifs des
parties, mais au contraire sous les plus expresses;
Faits et procédure suivie
---Suivant exploit en date du 18 juillet 2002 (dûment
enregistré) instrumenté par Me Tchoua Yves, huissier de justice
à Bafoussam, la polyclinique de Bafoussam S.A BP 88
représentée par Noufele Jean a fait donner assignation à
sieur Nzogang Didier , domicilié à Bafoussam, d'avoir à se
trouver et comparaître en personne le 09 août 2002 à 07h
30mn par devant le Tribunal de Première Instance de Bafoussam statuant
en matière civile et commerciale pour les faits ci-dessous
exposés dans les motifs;
---Inscrite au rôle général sous le
N°96 du 23/06/2002, l'affaire a été appelée en son
rang à l'audience du 09/08/2002 et renvoyée au 06/09/2002 pour
comparution des parties et production des pièces ; puis ont suivi
plusieurs autres renvois utiles ;
---A l'audience du 05/09/2003, Me Tchouandem verse au dossier de
la procédure ses conclusions dont le dispositif suit:
108
Par ces motifs
---`' - Et tous autres à déduire, ajouter ou
suppléer s'il y a lieu;
I- Sur le défaut de qualité de sieur Noufele
Jean soulevé par le défendeur
---Vu l'extrait du journal `'Nouvel Expression» n°862
du 10/09/2001 ;
---Voir constater que dans ce journal sieur Nzongang a fait
publier un communiqué dans lequel il faisait allusion à Noufele
Jean en sa qualité de PCA de la polyclinique de Bafoussam S.A ;
---Lui donner acte de cet aveu judiciaire ;
---Constater que ce communiqué est bien
postérieur à l'ordonnance n°44 du 22/01/1999 excipée
par le défendeur pour réfuter la qualité de Noufele ;
---Retirer cette ordonnance des débats parce que
dépourvue de la moindre force probante ;
---Par conséquent, bien vouloir rejeter la fin de non
recevoir soulevée par le défendeur tirée du défaut
de qualité de sieur Noufele Jean comme non fondée ;
II- Sur le bien fondé de la demande de la concluante
---Vu l'article 33 de l'acte uniforme OHADA portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution ;
---Voir constater que l'ordonnance du 21/06/2002 est assortie
de l'exécution provisoire nonobstant voies de recours, et est par
conséquent un titre exécutoire ;
---Dire que cette ordonnance du 21/06/2002 ayant
rétracté celle n°119/01-02 du 02/04/2002 désignant Me
Kamté mandataire aux fins de convoquer l'assemblée
générale des actionnaires de la polyclinique, les
résolutions prises lors de cette assemblée sont nulles et de nul
effet ;
---Par conséquent bien vouloir débouter Nzogang
Didier de toutes ses prétentions comme non fondées et admettre
de plu fort à la concluante l'entier bénéfice des
moyens développés
dans l'exploit introductif d'instance ;»-Sous
toutes réserves-
---A l'audience du 24 octobre 2003, Me Dzeukou verse au dossier
de la procédure ses conclusions dont le dispositif suit:
Par ces motifs
---``Vu le litige opposant les parties;
---Vu les conclusions ensemble les pièces produites par
les demanderesses à l'audience du 15 sept. 2003 ;
---Constater que le défendeur concluant ne reconnaît
la paternité d'aucun communiqué (non signé par lui
d'ailleurs) inséré dans un soit disant journal (pièce de
la demanderesse) ; ---Constater qu'une procédure tendant en l'annulation
de la convocation de la réunion du conseil d'administration de la
Polyclinique le 17 août 2002 est pendante devant le Tribunal de
céans, et que la pièce n°2 produite aux
débats antérieurs à l'assignation de la demanderesse du 18
juillet 2003 ;
---En conséquence, bien vouloir écarter ces deux
pièces des débats ;
---Adjuger au concluant l'entier bénéfice de ses
précédentes écritures ;»
-Sous toutes réserves-
---A l'audience du 26 mars 2004, le Ministère public verse
au dossier de la procédure ses réquisitions dont dispositif
suit;
Par ces motifs
``Requérons qu'il plaise au Tribunal de céans ;
1) Nous recevoir en nos réquisitions;
2) En la forme, recevoir la polyclinique en sa demande ;
---Déclarer comme non fondée la fin de non-recevoir
soulevée par le défendeur ;
3) Au fond, dire que la demande formulée par la
polyclinique est fondée et l'y faire droit ;
---Condamner le défendeur aux entiers dépens
;»---A l'audience du 04 mars 2005, Me Dzeukou verse au
dossier
de la procédure ses conclusions dont dispositif suit:
Par ces motifs
---``Etant donner que l'arrêt n°60/civ de la Cour
d'Appel de l'Ouest en date du 14 janvier 2004 a annulé l'ordonnance
n°89 du 21 juin 2002 du juge des référés de Bafoussam
et déclaré l'action en rétractation de l'ordonnance sur
requête n°119 du 02 avril 2002 irrecevable pour défaut de
qualité du demandeur (Noufele Jean);
---Rejetant toutes conclusions contraires ;
---Adjugeant de plus fort au défendeur l'entier
bénéfice de ses précédentes conclusions;
---Débouter la demanderesse de toutes ses demandes, fins
et conclusions comme non fondées ;
---Le condamner en outre aux entiers dépens dontn
distraction au profit de Me Dzeukou, Avocat aux offres de droit»;
-Sous toutes réserves-
---A l'audience du 22 avril 2005, Me Tchouandem verse au dossier
de la procédure ses conclusions dont dispositif suit:
Par ces motifs
---``Et tous autres à déduire, ajouter ou
suppléer même d'office ;
---Vu les pièces versées au dossier de
procédure par la concluante ;
---Voir constater que l'arrêt n°60/civ du 14 janv. 04
brandi par le défendeur a fait l'objet d'un pourvoi, et que son
exécution est suspendue eu égard au sursis à
exécution engagé par la concluante ;
---Dire que le défendeur ne saurait se prévaloir de
cet arrêt dans cette cause;
---Rejetant la fin de non recevoir excipée par le
défendeur comme non fondée ;
110
---Bien vouloir adjuger à la concluante l'entier
bénéfice de ses précédentes
écritures»;
-Sous toutes réserves-
---Sur quoi l'affaire a été mise en
délibéré pour jugement être rendu le 30
décembre 2005, à cette date, le délibéré a
été prorogé au 20 janvier 2006 ;
---Advenu cette dernière audience, le Tribunal vidant son
délibéré a rendu le jugement dont la teneur suit:
.Le Tribunal .
---Vu l'exploit introductif d'instance ;
---Vu les pièces du dossier de la procédure;
---Vu les lois et règlements applicables ;
---Ouï les parties en leur demande, moyen fins et
conclusions; ---Après en avoir délibéré
conformément à la loi ;
---Attendu que par exploit du 18 juillet 2002 de Maître
TCHOUA Yves, Huissier de Justice à Bafoussam, enregistré à
Bafoussam le 20 août 2002, volume 01 folio 88, case et bd 1603/Bd/0227/2
aux droits fixes de 4000 F CFA dont quittance n°1266978 du 19 août
2002, la polyclinique S.A. B.P. 88 Bafoussam, agissant poursuites et diligences
de son représentant légal, Sieur NOUFELE Jean, Président
de son conseil d'Administration ayant pour conseils Mes BOUOBDA et TCHOUANDEM
DJOMNANG Elise, Avocats au Barreau du Cameroun, a fait donner assignation
à Sieur NZOGANG Didier actionnaire à la polyclinique S.A. de
Bafoussam et ayant pour conseil Me DZEUKOU Barthélemy, Avocat à
Bafoussam d'avoir à se trouver et comparaître par devant le
Tribunal de Première Instance de Bafoussam statuant en matière
civile et commerciale, pour est-il dit dans cet exploit;
---Vu l'ordonnance de référé rendue le 21
juin 2002 ;
---Bien vouloir constater que l'Assemblée
Générale ordinaire de la polyclinique S.A. de Bafoussam tenue le
20 avril 2002 est réputée n'avoir jamais eu lieu;
---En conséquence, bien vouloir dire et juger nul et de
nul effet les actes subséquents à cette pseudo Assemblée
Générale, notamment toutes les résolutions prises au cours
de ladite Assemblée Générale ;
---Condamner Sieur NZOGANG aux entiers dépens avec
distraction au profit des Mes BOUOBDA et TCHOUANDEM, Avocats aux offres de
droit ;
---Attendu que toutes les parties comparaissent et concluent par
le truchement de leurs conseils respectifs ;
---Qu'il échet de statuer contradictoirement à leur
égard ; ---Attendu qu'au soutien de son action, la polyclinique S.A.
expose qu'à la requête du Sieur NZOGANG Didier, le
Président du Tribunal de Première Instance de céans a
rendu l'ordonnance n°119/2001-2002 du 02 avril 2002 par laquelle il
désignait Me KAMTE Siméon, mandataire pour convoquer
l'Assemblée Générale des actionnaires de la polyclinique
S.A.
de Bafoussam ;
---Que s'appuyant sur cette ordonnance, le mandataire
susnommé a convoqué une Assemblée Générale
ordinaire pour le 20.04.2002, à l'issue de laquelle un
procès-verbal a été établi ;
---Que par requête, elle a obtenu du Président du
Tribunal de Première Instance de céans par le biais du
président de son Conseil d'Administration, NOUFELE Jean, l'ordonnance du
21 juin 2002, la rétractation de l'ordonnance n°119/01-02 rendue le
02 avril 2002 sus-indiquée;
---Qu'à cet égard, l'Assemblée
Générale ordinaire convoquée le 20 avril 2002 est
réputée n'avoir jamais eu lieu, Maître KAMTE Siméon
n'ayant aucune qualité puisque la décision de justice le
désignant fait l'objet d'une rétractation ;
---Que dès lors, les résolutions prises au cours de
cette Assemblées Générale sont nulles et de nul effet ;
---Qu'à l'appui de ses allégations, la
demanderesse produit au dossier, une expédition de l'ordonnance sur
requête n°119/2001-2002 du 02 avril 2002 ; un extrait du
journal« Nouvelle Expression» n°862 du 18 septembre 2001,
portant communiqué de Sieur NZOGANG Didier et désignant Sieur
NOUFELE Jean en sa qualité de Président de son Conseil
d'Administration, une copie du procès-verbal de son Conseil
d'Administration tenu le 17 août 2002 et portant Sieur NOUFELE Jean
à la tête dudit conseil, copies d'une déclaration de
pourvoi n°10/Rep. d'un certificat de dépôt de requête
aux fins de sursis à exécution, d'une notification d'un
certificat de dépôt d'une requête aux fins de sursis
à exécution;
---Attendu que pour faire échec à l'action de la
Polyclinique S.A., Sieur NZOGANG Didier sous la plume de son conseil
Maître DZEUKOU, soulève la fin de non recevoir tirée du
défaut de qualité de Sieur NOUFELE Jean et partant,
l'irrecevabilité de cette action, motif pris de ce que l'ordonnance de
référé d'heure à heure n°44 du 22 janvier 1999
a dit et jugé irrégulière la convocation d'une
Assemblée Générale ordinaire de la Polyclinique S.A., par
Sieur NOUFELE Jean qui n'avait réellement la qualité de
Président du Conseil d'Administration ;
---Qu'en outre, il fait valoir que la copie de l'ordonnance de
référé dont se prévaut la demanderesse est
illisible et doit être écartée des débats et est
dépourvue de l'autorité de chose jugée, car frappée
d'appel ;
---Qu'il produit à l'appui de ses prétentions,
une copie de l'expédition de l'ordonnance n°44 du 22 janvier 1999,
une copie de l'extrait du plumitif de l'audience civile et commerciale du 19
janvier 2004 de la Cour d'Appel de l'Ouest ;
---Attendu qu'en réplique, la demanderesse soutient que
la qualité de Sieur NOUFELE Jean ne souffre d'aucune contestation
puisque le défendeur a non seulement reconnu
112
cette qualité dans le communiqué qu'il a
publié et signé dans le journal «Nouvelle Expression»,
et qui est postérieure à l'ordonnance n°44 du 22 janvier
1999, mais que cette publication par voie de presse constitue un aveu
judiciaire par le défendeur ;
---Qu'en outre, Sieur NOUFELE Jean est resté à
son poste de Président du Conseil d'Administration où il y a
été reconduit le 17 août 2002 par les administrateurs ;
---Que sur le fond, bien que l'ordonnance du 21 juin 2002 qui
rétracte celle du 20 avril 2002 soit frappée d'appel, elle est
assortie de l'exécution provisoire sur minute et avant enregistrement,
et que cette voie de recours n'est donc pas suspensive d'exécution ;
---Que par conséquent, l'ordonnance du 21 juin 2002
demeure un titre exécutoire et qu'il y a lieu de déclarer nulle
et de nul effet l'Assemblée Générale ordinaire
convoquée le 20 avril 2002 par Maître KAMTE, ainsi que les
résolutions prises au cours de ladite Assemblée ;
Attendu que revenant à la charge, Sieur NZOGANG par le
biais de son conseil conclut au rejet de l'extrait du journal
susindiqué, motif pris de ce que sa signature n'y apparaît pas;
---Qu'il allègue qu'une procédure tendant à l'annulation
de la convocation de la réunion du conseil d'administration de la
polyclinique le 17 août 2002 est pendante devant le Tribunal de
céans ;
---Que bien plus, par son arrêt n°60/civ. du 14
janvier 2004, la Cour d'Appel de l'Ouest à Bafoussam a annulé
l'ordonnance n°89 du 21 juin 2002 dont se prévaut le demandeur ;
---Attendu que réagissant à ces arguments, le
demandeur rétorque qu'il a introduit un pourvoi en cassation contre
l'arrêt sus relevé assorti d'une requête aux fins de sursis
à exécution pour empêcher l'exécution de cette
décision de justice;
---Qu'en vertu de l'article 5 alinéa 1 de la loi
n°92/008 du 14 août 1992, fixant certaines dispositions relatives
à l'exécution des décisions de justice modifiée par
la loi n°97/018 du 17 août 1997, l'exécution de l'arrêt
dont s'agit est suspendue ;
---Attendu qu'avant l'examen au fond de la présente cause,
il échet de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du
défaut de qualité de Sieur NOUFELE Jean excipée par le
défendeur ; ---Attendu qu'il ressort des pièces du dossier de la
procédure que dans le communiqué signé du défendeur
et publié dans le journal, la «Nouvelle Expression» par le
défendeur, Sieur NOUFELE Jean est expressément
désigné comme Président du Conseil d'Administration de la
Polyclinique S.A. ;
---Que bien plus, le procès-verbal du Conseil d'
Administration de la Polyclinique S.A. tenu le 17 août 2002 a
formellement désigné Sieur NOUFELE Jean en qualité de
Président du Conseil d' Administration, représentant légal
de la structure hospitalière dont s'agit ;
---Qu'il est donc constant que Sieur NOUFELE Jean est bel et
114
bien le Président du Conseil d'Administration de la
Polyclinique S.A. ;
---Qu'il y a lieu de rejeter comme non fondée la fin de
nonrecevoir excipée par le défendeur et tirée du
défaut de qualité de Sieur NOUFELE Jean, représentant
légal de la Polyclinique S.A. de Bafoussam ;
---Attendu que sur le fond, les arguments du défendeur ne
sauraient davantage prospérer ;
---Qu'il ressort des pièces du dossier de la
procédure que par ordonnance n°89 du 21 juin 2002 celle
n°199/2001-2002 du 02 avril 2002, qui désignait Maître KAMTE
Siméon mandataire pour convoquer l'Assemblée
Générale ordinaire du 20 avril 2002 de la Polyclinique S.A. a
été purement et simplement rétractée, et par
conséquent, ladite Assemblée ainsi que les actes y
afférents devenant nuls et de nul effet ;
---Que malgré l'appel interjeté contre ladite
ordonnance par le défendeur, celle-ci a été assortie de
l'exécution provisoire sur minute et avant enregistrement et que le
pourvoi exercé contre l'arrêt n°60/civ du 24 janvier 2004 de
la Cour d'Appel de l'Ouest est assorti d'une requête aux fins de sursis
à exécution et d'un certificat de dépôt de ladite
requête régulièrement notifié au défendeur
;
---Que conformément à l'article 5 de la loi
n°92/08 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives
à l'exécution des décisions de justice, l'exécution
de la décision querellée est suspendue dès
présentation du certificat de dépôt, jusqu'à
l'intervention de l'ordonnance du Président de la Cour Suprême sur
le sursis à exécution;
---Que dès lors, l'ordonnance du 06 juin 2002 demeure
un titre exécutoire au sens de l'article 33 de l'Acte Uniforme OHADA
portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement
et des voies d'exécution ;
---Qu'en tout état de cause, l'Assemblée
Générale convoquée par Me KAMTE n'a aucune base
légale et il est de bon ton et de bon droit de déclarer celle-ci
nulle ainsi que tous les actes y afférents ;
Attendu que la partie qui succombe supporte les dépens
;
PAR CES MOTIFS
---Statuant publiquement, contradictoirement, en matière
civile et en premier ressort ;
---Rejette comme non fondée la fin de non-recevoir
excipée par le défendeur et tirée du défaut de
qualité de Sieur NOUFELE Jean, représentant légal de la
Polyclinique S.A. Bafoussam ; ---Reçoit ce dernier en son action;
---Constate la rétractation de l'ordonnance
n°119/01-02 du 02 avril 2002 désignant Me KAMTE mandataire pour
convoquer l'Assemblée Générale Ordinaire de cette
polyclinique ; ---Ordonne par conséquent la nullité des actes et
résolutions issus de cette Assemblée ;
---Condamne le défendeur aux dépens distraits au
profit des Mes BOUOBDA et TCHOUANDEM Elise, Avocats aux offres de droit ;
---Les dépens sont liquidés quant à
présent à la somme de :
---Ainsi fait, jugé et prononcé en audience civile
et commerciale les mêmes jour, mois et an que dessus ;
---En foi de quoi le présent jugement a été
signé par le Président qui l'a rendu et le Greffier en approuvant
lignes, renvois en marge et mots rayés nuls ;
LE PRESIDENT LE GREFFIER
ANNEXE 2 : Jurisprudence OHADA - Bénin
COUR D'APPEL DE COTONOU ARRET N°65/99 du 29/4/99
R.G. N° 359/98
COTONOU, 65/99, 29 AVRIL 1999 AU SOCIETES COMMERCIALES
ET GIE : ART 163, ART 328 - ACTION SOCIALE - INTERET LEGITIME DE LA SOCIETE
- EXERCICE DE L'ACTION SOCIALE PAR UN ASSOCIE (OUI)- SARL - POUVOIRS DES
GERANTS
Monsieur Guy BARBARA C/ Société SIVAPT LA COUR
I- FAITS ET PROCEDURE Par exploit d'huissier en date a Cotonou du 08 juin 1998,
la Société SIVAPT a attrait devant le Tribunal de Première
Instance en matière de référé civil Monsieur Guy
Barbara en restitution du véhicule marque Mercedes immatriculé N
6057 RB sous astreinte comminatoire de dix mille (10.000) francs CFA par jour
de retard ; Elle a sollicité en outre l'exécution provisoire sur
minute de la décision nonobstant toutes voies de recours ; Vidant son
délibéré le 25 juin 1998, le Tribunal saisi a
déposé ainsi qu'il suit : «Renvoyons les parties a se
pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès a présent, vu
l'urgence ; Ordonnons a Monsieur Guy BARBARA par Monsieur Cyrille ADAANDEDJAN,
le véhicule de marque Mercedes immatriculé N 6057 RB ; Disons que
l'exécution provisoire n'aura lieu qu'après enregistrement ;
Condamnons Monsieur Guy BARBARA aux entiers dépens » ; Suivant acte
d'huissier en date a Cotonou du 09 juillet 1998, Monsieur Guy BARBARA a
relevé appel de lé décision sus-citée ; II- MOYENS
DE L'APPELANT Attendu que pour le compte de Monsieur Guy BARBARA, Maître
Rafikou ALABI, son conseil, conclut a l'infirmation de l'ordonnance N°
073/1ère Chambre Civile du 25 juin 998 en ce qu'elle a été
obtenue en violation de l'article 1134 du Code Civil ; Qu'il expose a l'appui
de sa demande que, courant octobre 1997, Monsieur Guy BARBARA a acquis en
France un autobus d'occasion de marque Mercedes de type 1013 qu'il a
envoyé au Bénin ; Qu'une Société
dénommée Société Internationale des Ventes et
Achats de Produits Tropicaux (SIVAPT) représentée par un certain
Roger GBOTCHE, a demandé a lui acheter ledit véhicule ; Que
Monsieur Guy BARBARA dut accepter cette offre et la Société
SIVAPT ne pouvant payer le véhicule au comptant s'engagea a payer
l'intégralité de la somme de six millions (6.000.000) de francs
CFA convenue dès le premier virement de l'opération de
café en cours ; Qu'après avoir pris possession dudit bus et
l'avoir immatriculé en son nom sous le numéro N6057 RB, la
Société SIVAPT exploita allègrement ledit véhicule
sans se soucier de payer son créancier ; Que ne pouvant honorer son
engagement, la Société SIVAPT dut renoncer a l'achat dudit
véhicule et le restitua amiablement a son légitime
propriétaire suivant acte signé des deux parties le 7 mai 1998 ;
Qu'il est écrit dans l'acte susindiqué : « Le
véhicule appartenant a la Société SIVAPT n'est plus sa
propriété... Cet autobus apparient désormais a Guy BARBARA
...» Que ledit véhicule a été ainsi restitué
en l'état a son propriétaire ainsi que les pièces y
afférentes aux fins de changement de nom ; Qu'il fut surpris de recevoir
le 28 août 1998 un exploit de signification d'une ordonnance de
référé rendue par défaut le 25 juin 1998 par le
Président du Tribunal de céans a la requête de la
Société SIVAPT laquelle serait représentée par un
certain Cyrille ADANDEDJAN suivant procuration du Président du Conseil
d'Administration de ladite Société, lui enjoignant de restituer
le bus ; Qu'il soutient d'une part le défaut de qualité de
Monsieur Félix BIAOU Président du Conseil d'Administration a agir
en justice subséquemment ; et de son mandataire Cyrille ADANDEDJAN ;
Qu'en effet, une Société doit agir en principe par l'entremise de
ses représentants légaux et statutaires ; Que la
société SIVAPT étant une société a
responsabilité limitée (SARL) doit en principe agir par
l'entremise de son gérant, lequel ne peut déléguer son
pouvoir sauf dans le cas où la loi et les statuts prévoient cette
délégation ; Que dans
116
ce cas il doit être fait mention de l'article qui
prévoit cette délégation dans l'assignation ;
Qu'il ressort de l'extrait du Registre du commerce de la
société SIVAPT que celle-ci a pour seul gérant Monsieur
Roger GBOTCHE ; Que le défaut de qualité étant
sanctionnée par une fin de non recevoir liée au fond, peut
être invoquée en tout état de cause même pour la
première fois en appel ; Qu'il s'en suit que l'action de la
société SIVAPT doit être déclarée irrecevable
et l'ordonnance querellée infirmée de ce chef ; Que d'autre part
l'ordonnance entreprise a été obtenue en fraude des droits de
Monsieur BARBARA ; Que l'acte du 07 mai 1998, par lequel la
Société SIVAPT a renoncé à l'achat du bus et
reconnu la propriété de Monsieur Guy BARBARA sur ledit
véhicule vaut en effet transaction entre les parties conformément
aux dispositions des articles 2044 et suivants du Code Civil ; Que l'article
2052 dudit Code dispose : `'les transactions ont entre les parties,
l'autorité de la chose jugée en dernier ressort...» ; Que
l'acte du 7 mai 1998, en vertu duquel le véhicule automobile de marque
Mercedes immatriculé sous le numéro N 6057 RB est
désormais la propriété de Guy BARBARA, a donc acquis
l'autorité de chose jugée en dernier ressort ; Que la
Société SIVAPT est mal fondée à réclamer
ledit véhicule devant le juge des référés sur
présentation de la carte grise et l'ordonnance querellée doit
être infirmée de ce chef ; I MOYEN DE L'INTIMEE Attendu qu'en
réplique aux moyens de l'appelant, Maître Alphonse C. ADANDEDJAN,
conseil de la société SIVAPT expose sur le moyen tiré du
défaut de qualité du mandataire de monsieur Félix BIAOU,
Président du conseil d'Administration, que la société
SIVAPT est une société à responsabilité
Limitée qui a plusieurs associés ; Que Monsieur Félix
BIAOU est l'un des associés de cette société comme
Monsieur Guy BARBARA ; Que les statuts de la société ont
prévu parmi les Administrateurs de la société un
Président Directeur Général ; Que Monsieur Félix
BIAOU, en sa qualité Président Directeur Général, a
le droit de saisir la juridiction compétente de tout litige
intéressant la société ; Qu'il a en outre le droit de
donner mandat à qui bon lui semble ; Que surabondamment, en
qualité d'associé, Monsieur Félix BIAOU a le droit d'agir
en justice pour sauvegarder les intérêts de la
société SIVAPT dont il est un associé ; Qu'il justifie en
sa qualité d'associé d'un intérêt légitime
pour agir ; Que cette faculté découle des articles 163, 326 al 2
et 328 du Traité de L'OHADA portant droit uniforme des
sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique ; Que le moyen tiré du défaut de qualité
est donc à rejeter en raison de ce qu'il est radicalement infondé
;Que s'agissant de l'acte du 7 mai 1998 sur lequel Monsieur Guy BARBARA fonde
son droit de propriété sur le véhicule dont s'agit, il
soutient que le gérant doit agir dans l'intérêt de la
société ; Qu'il ne peut logiquement pas seul céder un bien
social à un associé à savoir, Monsieur Guy BARBARA ;
Qu'une telle décision excéderait son pouvoir de gérant ;
Qu'elle ne peut être que collective ; Que conformément à
l'article 284 du Traité de l'OHADA précité : << les
décisions collectives sont prises en Assemblée ou par
consultation écrite si la réunion d'une assemblée n'est
demandée par l'un des associés » ; Qu'ainsi est de plein
droit inopposable aux associés l'acte en date du 07 MAI 1998
signé entre Monsieur Guy BARBARA et Monsieur Roger GBOTCHE et en fraude
des droits de la Société SIVAPT ; Que dans ces conditions, la
Société SIVAPT au nom de laquelle est immatriculée le
véhicule dont s'agit, pour l'avoir régulièrement acquis,
est fondée à en réclamer restitution ; Qu'il échet
donc de confirmer l'ordonnance querellée ; II DISCUSSION A/ En la forme
Attendu que Monsieur Guy BARBARA a relevé appel dans les forme et
délai prescrits par la loi ; Qu'il échet de l'y déclarer
recevable ; B/ Sur le fond Sur le défaut de qualité du mandataire
de Monsieur Félix BIAOU Attendu qu'il ressort de la déclaration
aux fins d'immatriculation au registre de commerce en date à Cotonou du
30 décembre 1994 que Monsieur Félix BIAOU est fondé
à la Société SIVAPT ; Qu'avant d'être Fondé
de Pouvoir, Monsieur Félix BIAOU est un associé de la
Société SIVAPT ;
Qu'au terme de l'article 323 du Traité
précité << la Société à
Responsabilité Limitée est gérée par une ou
plusieurs personnes physiques associées ou non... » ; Que
contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, Monsieur Roger
GBOTCHE n'est pas la seule personne ayant qualité pour agir en justice
pour le compte de la Société SIVAPT ; Qu'en effet, tout
associé a qualité, pour agir en justice toutes les
Juriscope 2006
fois que cela se situe dans l'intérêt
légitime de la Société ; Que dans le cas d'espèce,
Monsieur Félix BIAOU a donné mandat à Monsieur Cyrille
ADANDEDJAN pour empêcher Monsieur Guy BARBARA de sortir de manière
frauduleuse le véhicule dont il s'agit du patrimoine de la
Société SIVAPT. Que Monsieur Félix BIAOU, associé
de la Société SIVAPT ayant un intérêt
légitime à agir, a pu valablement donner mandat à Monsieur
Cyrille ADANDEDJAN ; Que le moyen tiré du défaut de
qualité du mandataire de l'associé et Fondé de Pouvoir de
la Société SICAPT, Monsieur Félix BIAOU, n'est pas
fondé ; Qu'il y a lieu de le rejeter ; Sur la propriété du
véhicule de marque Mercedes immatriculé N 6057 RB Attendu qu'il
résulte des pièces faisant foi que le livre de bord, la carte
grise du véhicule de marque Mercedes objet du litige est
immatriculé au nom de la Société SIVAPT sous la N 6057 RB
; Que l'acte du 7 mai 1998 sur lequel Monsieur Guy BARBARA semble vouloir
fonder son droit de propriété sur le véhicule dont s'agit
est contestable et contesté ; Qu'en effet, s'il est vrai que l'article
2052 du Code Civil dispose que les transactions entre les parties ont
l'autorité de la chose jugée, encre faudrait-il que lesdites
parties aient pu librement exprimer leur accord ; Que dans le cas
d'espèce, l'acte du 7 mai 1998 a été signé entre
Monsieur Guy BARBARA et Monsieur Roger GBOTCHE à a Brigade Territoriale
de Gendarmerie de Cotonou ; Qu'une brigade de gendarmerie n'est pas le lieu le
plus indiqué pour exprimer librement son consentement ; Que Monsieur
Roger GBOTCHE, gérant de la société SIVAPT devant agir
dans l'intérêt de la Société, ne peut logiquement
pas seul céder un bien social de la Société SIVAPT
à un autre associé ;Que l'acte du 7 mai 1998 est inopposable aux
autres associés ; Qu'il s'en suit que ledit acte sur lequel Monsieur Guy
BARBARA fonde tout son droit de propriété n'est pas valable ;
Qu'il y a lieu de dire que c'est à bon droit que le premier juge saisi a
ordonné la restitution du véhicule de marque Mercedès
immatriculé N 6057 RB par Monsieur Guy BARBARA à la
Société SIVAPT et de confirmer l'ordonnance entreprise ; PAR CES
MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de
référé civil, en appel et en dernier ressort ; EN LA FORME
Déclare Monsieur Guy BARBARA recevable en son appel ; AU FOND L'y
déclare mal fondé ; Confirme purement et simplement en toutes ses
dispositions l'ordonnance N° 073 rendue le 25 juin 1998 par la
Première Chambre Civile du Tribunal de Première Instance de
Cotonou ; Condamne l'appelant aux dépens ; Ainsi fait, jugé et
prononcé publiquement par la Cour d'appel de Cotonou les jour, mois et
an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER COMPOSITION DE LA COUR
PRESIDENT : Monsieur Arsène CAPO-CHICHI ; CONSEILLERS : Madame Ginette
AFANWOUBO épouse HOUNSA Messieurs Francis HODE, Mathieu NOUDEVIWA ;
MINISTERE PUBLIC : Madame Bernadette HOUNDEKANDJI épouse CODJOVI ;
GREFFIER : Madame Reine TSAWLASSOU
118
ANNEXE 3 : Jurisprudence OHADA - Côle
d'Ivoire
ABIDJAN,
CIV. COM, 25
FEVRIER 2000 AU SOCIETES COMMERCIALES ET GIE : ART. 147 ET 159 - MESENTENTE
ENTRE ASSOCIES - NOMINATION D'UN ADMINISTRATEUR PROVISOIRE - EXPERTISE DE
GESTION - NECESSITE DE CONSTATER LA REALITE DE LA PARALYSIE
(OUI)
COUR D'APPEL D'ABIDJAN - COTE D'IVOIRE CHAMBRE CIVILE ET
COMMERCIALE AUDIENCE DU VENDREDI 25 FEVRIER 2000
La Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale,
séant au Palais de justice de ladite ville, en son audience publique
ordinaire du vendredi vingt-cinq février deux mil, a laquelle
siégeaient : Monsieur KHOUADIANI KOUADIO KOUAKOU BERTIN, Premier
Président, PRESIDENT, Mr COULIBALY HMAED et Mme ZEBEYOUX AIMEE,
CONSEILLERS a la Cour, MEMBRES, Avec l'assistance de Maître ISSOUFOU
OUATTARA, GREFFIER, A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause ;
ENTRE : La Société NEGOCE AFRIQUE COTE D'IVOIRE dite NACI - S.A,
au capital de 25 millions de FCFA siège social a Abidjan R.C. N°
168469, 01 BP 1787 Abidjan 01 représenté par Mr ANGOUA KOUASSI
RAMAND, né en 1971 a Abidjan, de nationalité ivoirienne,
Directeur de société domicilié a Cocody les 2 Plateaux ;
APPELANTE Représentée et concluant par Maître FLAN GOUEU
GONNE LAMBERT, Avocat a la Cour, D'UNE PART ET : La société WIN
SARL, Société de droit de la principauté d'ANDORRE ayant
son siège social a Massana Principauté d'ANDORRE
représentée par Mr MANUEL TERREN PARCERISAS ; INTIMEE
Représentée et concluant par Maître N'GUETTA GERARD, Avocat
a la Cour, son conseil D'AUTRE PART Sans que les présentes
qualités puissent nuire ni préjudicier en respectifs des parties
en cause, mais au contraire sous les plus expresses réserves des faits
et de droit. FAITS : La juridiction Présidentielle du Tribunal de
Première Instance d'Abidjan, statuant en la cause, en matière de
référé d'heure a heure, a rendu le 13 août 1999 une
ordonnance N° 3878 aux qualités du de laquelle il convient de se
reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé ; Par
exploit en date du 28 Septembre 1999 de Maître TE BIEGNAND ANDRE MARIE,
huissier de justice a Abidjan ; La société NEGOCE AFRIQUE COTE
D'IVOIRE a déclaré interjeter appel de l'ordonnance
sus-énoncée et a par le même exploit assigné la
société WIN SARL a comparaître par devant la cour de ce
siège a l'audience du vendredi 8 Octobre 1999 pour entendre, annuler ou
infirmer ladite ordonnance ; Sur cette assignation, la cause a
été inscrite au rôle général du greffe de la
cour sous le numéro 983 de l'an 1999 ; Appelée a l'audience
sus-indiquée, la cause, après des renvois, a été
utilement retenue le 31 décembre 1999 sur les pièces, conclusions
écrites et orales des parties ; DROIT : En cet état, la cause
présentait a juger les points de droit résultant des
pièces, des conclusions écrites et orales des parties ; La cour a
mis l'affaire en délibérer pour rendre son arrêt a
l'audience du 21 Janvier 2000, délibérer qui a été
prorogé jusqu'au 25 Février 2000 ; Advenue l'audience de ce jour
25 Février 2000, la cour vidant son délibérer
conformément a la loi, a rendu l'arrêt suivant : LA COUR Vu les
pièces du dossier ; Oui les parties en leurs demandes, fins et
conclusions ; Après en avoir délibéré
conformément a la loi ; EXPOSE DU LITIGE.
La société NEGOCE AFRIQUE COTE D'IVOIRE dite
NACI, société anonyme comprenait en son sein plusieurs
actionnaires, dont la société WIN SARL, dirigé par MANUEL
TERREN PARCERISAS ; Aux termes des statuts de la société NACI,
ANGOUE KOFFI MAURICE était désigné Président
directeur général, pendant que Manuel Terren Parcerisas
exerçait les fonctions de Directeur Général ; Le 06 Juin
1996, Angoua Koffi Maurice déléguait ses pouvoirs a son Directeur
Général, pour une période d'une année ; Par la
suite, le 23 octobre 1997 ladite délégation de pouvoirs
était rapportée ; Un litige survenait alors entre les parties,
quant a la gestion et la direction de la societé NACI ; Aussi par
exploit en date du 06 Juin 1999, Manuel Terren Parcerisas agissant en
qualité de représentant de la société WI SARL
donnait-il assignation a la société NACI
représentée par Angoua Koffi Maurice, a l'effet de voir la
juridiction des référés du tribunal de
Première instance d'Abidjan ; - Désigner un Administrateur
provisoire ; Au soutien de son action, la demanderesse expliquait qu'au sein du
capital de la NACI, elle détenait 1.125 actions sur les 2.400 actions
que comprenait ladite société ; Cependant, poursuivait-elle, en
dépit en sa qualité d'Administrateur de la NACI, elle avait
été tenue dans l'ignorance des différents conseils
d'Administration, dont un au cours duquel il avait notamment été
décidé de l'arrêt d'activité de ladite
société ; Dans le flou généré par la
décision d'arrêt de toute activité, le contenu du coffre de
la NACI Qui comprenait 26 Kilogrammes d'or, ainsi que la somme de 17 millions
de francs, avait été emporté par les dirigeants de la
société, et ce au mépris des règles gouvernant le
fonctionnement des sociétés anonymes ; Ainsi, compte tenue des
intérêts de la société NACI qui, manifestement,
étaient en péril, la société WIN SARL
entendait-elle voir désigner un Administrateur provisoire ; A tout
effet, la demanderesse sollicitait-elle que ledit Administrateur provisoire
puisse mettre sous séquestre les 26 Kilogramme d'or, et les 17 millions
de francs, constituaient une partie des biens sociaux ; La
société NACI pour sa part, s'opposait à ladite demande de
nomination d'un Administrateur provisoire ; Vidant son
délibéré, le juge des référés saisi
rendait la décision dont le dispositif est le suivant : «- Au
principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront
; Mais dès à présent et par l'urgence et par provision
;Recevons la société WIN SL en sa demande ; L'y disons bien
fondée ; Désignons Mr TIEMOKO KOFFI, Expert comptable à
Abidjan, en qualité d'Administrateur provisoire de la
société NACI, à l'effet de la gérer et
séquestrer les 26 kilogrammes d'or, ainsi que la somme de 17.000.000 F,
constituant les biens sociaux jusqu'à ce qu'un accord intervienne entre
les parties ; Estimant que la décision ainsi rendue lui faisait grief,
la NACI SA, par acte d'Huissier en date du 28 septembre 1999, relevait appel de
l'ordonnance de référé N°3878/99 en date du 13
août 1999, sus-visée, à l'effet de voir la Cour d'Appel de
céans ; L'infirmer en toutes ses dispositions ; En effet, contestations
entre associés ou dissensions entre ceux-ci, décrivaient une
seule et même réalité, en l'occurrence une
altération de la confiance mutuelle conduisant à des
mésententes entre associés ; SUR CE, L'intimée ayant
conclu, il y a lieu de rendre une décision contradictoire ; EN LA FORME
La Société NACI a relevé, par acte d'Huissier appel d'une
décision qui ne lui a été signifiée ; Ledit appel
est donc recevable pour avoir été interjeté dans les forme
et délai légaux ; AU FOND DU BIEN FONDE DE LA NOMINATION D'UN
ADMINISTRATEUR PROVISOIRE AU SEIN DE LA SOCIETE NACI Il ressort des
débats que le 23 octobre 1997, MANUEL TERREN exerçant les
fonctions de Directeur Général de la société NACI a
été révoqué ;Postérieurement à ladite
révocation la société NACI a tenu différents
conseils d'Administration tel qu'il résulte de la production des
procès-verbaux de délibération, établis à
cet effet ; Dès lors, quand bien même l'effectivité d'un
litige entre MANUEL TERREN et les autres associés de la
société NACI, ne peut faire l'objet de contestation, i n'en
demeure pas moins, qu'il n'a existé de fait, aucun blocage dans
l'Administration et la gestion de ladite société ; Ainsi, le
Premier Juge, en ne fondant sa décision de nomination d'un
Administrateur provisoire au sein de la société NACI, sur le seul
fait que ladite mesure ne lésait aucune des parties au litige alors
qu'il eut fallu rechercher en l'espèce, l'existence ou non, d'une
paralysie dans le fonctionnement de ladite société, n'a
donné de base légale à sa décision ; Il y a donc
lieu d'infirmer l'ordonnance querellée ; Statuant à nouveau, il
convient de dire que la demande en nomination d'un Administrateur provisoire de
la société NACI n'est en l'état, nécessaire ; en
sorte que les organes dirigeants de ladite société demeure
toujours en fonction ; L'intimée ayant succombée, il lui faut
supporter les dépens ; Statuant à nouveau ; Déclarer la
société WIN SL mal fondée en sa demande ; En
conséquence, la débouter ; Au soutien de son acte d'appel, la
NACI SA faisait grief à l'ordonnance querellée, d'avoir en
violé l'acte uniforme des sociétés commerciales issu du
traité OHADA ; notamment en ses articles 147 et 159 ; En effet, il
résulte desdites dispositions légales qu'en cas de litige entre
associés, il devrait être procédé à la
désignation d'un ou de plusieurs experts, chargés de
présenter un rapport de gestion ;En outre, suivant ledit acte uniforme,
l'arrêt d'activité ne constituait un motif pour lequel, l'on
devrait procéder à la désignation d'un Administrateur
provisoire ; En tout état de cause, articulait la société
NACI SA, la jurisprudence constante exigeait pour la désignation d'un
Administrateur provisoire deux conditions cumulatives, à savoir : Une
mésentente caractérisée entre actionnaires et non de
simples divergences de vue ; Un risque de paralysie de la
société, du fait
Juriscope 2006
120
notamment d blocage de ses organes d'Administration ; De fait,
soutenait-elle en l'espèce, il n'y avait aucune mésentente
caractérisée entre actionnaires ;En effet, selon elle, il avait
seulement été demandé à TERREN PARCERISAS de
produire les bilans et les comptes de la société, depuis
l'ouverture, ainsi que les relevés bancaires ; Aucune suite favorable
n'ayant été donnée par TERRE PARCERISAS, il avait
été procédé à sa révocation en sa
qualité de Directeur Général, à l'issue d'une
réunion tenue le 23 juin 1999 et à la désignation d'un
nouveau Président Directeur Général ayant pour mission de
redémarrer les activités de la société après
un audit ; Ainsi, selon la NACI, ses activités n'étaient
arrêtées ;En réponse, en cause d'appel la
société WIN SL sollicitait la confirmation de l'ordonnance
querellée, dans la mesure où il existait bel et bien une
mésintelligence entre associés au sein de la
société NACI ; Selon la société WIN SL n'y avait
pas lieu de rentrer dans des considérations sémantiques pour
traduire le climat malsain qui prévalait au sein de la
société NACI SA ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement,
contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ; EN LA
FORME Déclare la Société NACI recevable en son appel
régulièrement relevé de l'ordonnance N° 3878 rendue
le 13 août 1999, par le juge des référés du Tribunal
de Première Instance d'Abidjan ; AU FOND L'y dit bien fondée ;
Infirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions ;Statuant à nouveau
; Dit n'y avoir lieu à la nomination d'un Administrateur provisoire au
sein de la société NACI ; Met les dépens à la
charge de l'intimée ; En foi de quoi, le présent arrêt
prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile,
commerciale et en dernier ressort par la Cour d'Appel d'Abidjan, (1ère
Chambre civile), a été signé par le PRESIDENT et le
GREFFIER
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
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III- COURS
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IV- ARTICLES DE DOCTRINE ET CHRONIQUES
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3- FENEON (A.), << La mésentente entre
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prévention et modes de règlement », Penant, juil-sept.
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dans l'Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et le
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éthique de l'Acte uniforme au droit des sociétés
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10- PAILLUSSEAU (J.), << Droit de l'OHADA, un droit
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l'OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE sur
le contrôle et le développement des entreprises locales.>>,
in Juridis Périodique, n°66, avrilmai-juin 2006.
V- LEGISLATION
1- Acte Uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d'intérêt économique.
2- Acte Uniforme relatif au droit commercial
général.
3- Acte Uniforme portant organisation des procédures
collectives d'apurement du passif.
4- Loi n 2006/015 portant organisation judiciaire de l'Etat du
Cameroun.
5- Arrêté du 16 décembre 1954 portant Code
de procédure civile et commerciale au Cameroun
TABLE DES MATIÈRES
DEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS iii
SOMMAIRE iv
RESUME v
ABSTRACT vi
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : LA SAUVEGARDE DES DROITS DES
ACTIONNAIRES EN
ASSEMBLEES 9
CHAPITRE I : L'EXPRESSION DES DROITS DES ACTIONNAIRES
10
SECTION I : LES MOYENS D'ACTION DES ACTIONNAIRES EN
ASSEMBLEES 10
§1- L'EXERCICE DES DROITS POLITIQUES : MANIFESTATION DU
PRINCIPE
D'EGALITE ENTRE LES ACTIONNAIRES 11
A- Le droit de faire partie de la société et de
participer aux assemblées 11
1- Le droit de faire partie de la société 11
2- Le droit de participer aux assemblées 12
B- L'exercice des droits de vote et d'information par les
actionnaires 13
1-La jouissance d'un droit de vote 13
a) L'exercice du droit de vote des actionnaires présents
14
b) L'exercice du droit de vote des actionnaires absents 14
2-Le droit d'information des actionnaires 15
§2- LA GARANTIE OU LE CARACTERE OBLIGATOIRE DES DROITS
PECUNIAIRES DES ACTIONNAIRES 16
A- Les réserves et le droit aux bénéfices
distribuables 16
B- Le droit aux dividendes 17
SECTION II- LES SANCTIONS AFFERENTES A LA VIOLATION DES
DROITS
DES ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES 18
§1- LES SANCTIONS DE PRINCIPE 18
A-L'annulation des actes préjudiciables 18
1- L'annulation timide des actes modificatifs faisant grief 19
a) La nullité résultant de la violation d'une
disposition expresse de l'Acte uniforme19
b) La nullité tirée du droit des contrats 21
i) Nullité provenant de la violation des règles
générales de la validité des contrats 22
a- Vices de consentement et incapacités 22
f3 - Illicéité ou défaut d'objet et absence
ou illicéité de cause 23
ii- Nullité résultant de la violation des
règles particulières à la formation du contrat
de société 24
2- L'annulation facile des actes non modificatifs faisant grief
25
126
128
a)Les nullites resultant de la violation des dispositions
imperatives de l'Acte
uniforme 26
i- Sens et justification de la formule « disposition
imperative » 26
ii- Application de l'art. 244 AUSC 28
b) Les nullites dues à la violation des dispositions
statutaires 28
2-Les conditions d'exercice de l'action en nullite 30
a) Le droit d'agir en nullite 30
i- L'action en nullite absolue 30
ii- L'action en nullite relative 31
b) Prescription de l'action en nullite et possibilite de
regularisation 32
i- Prescription de l'action en nullite 32
ii-Regularisation spontanee et/ou forcee de la nullite 34
c) Consequences de la nullite 35
B- Les responsabilites decoulant du desequilibre des pouvoirs
des actionnaires : la
responsabilite des coactionnaires fautifs 36
1- L'abus de majorité 37
2- L'abus de minorité 38 §2- LA SANCTION
D'EXCEPTION OU LA MESURE DE GESTION DES CRISES:
L'INTERVENTION D'UN ADMINISTRATEUR PROVISOIRE 41
A- Les conditions de nomination de l'administrateur provisoire
41
1-L'exigence de paralysie des organes sociaux 42
2-Necessite d'un peril imminent 43
B- Les missions de l'administrateur provisoire 44
CHAPITRE II - LES LIMITES A UNE EXPRESSION SIGNIFICATIVE
DES DROITS DES ACTIONNAIRES 45
SECTION I- LES DIFFICULTES D'EXERCICE DES DROITS
DES ACTIONNAIRES EN ASSEMBLEES 45
§1- LES LIMITES RELATIVES A LA FAIBLESSE DE PARTICIPATION
DES
ACTIONNAIRES AUX ASSEMBLEES 46
A- L'absence de vote par correspondance 46
B- L'indifférence des actionnaires vis-à-vis
des TIC 47
§2- LES ENTORSES RELATIVES A LA REPRESENTATION DES
ACTIONNAIRES
48
A- Les difficultes de representation par le conjoint ou par tout
autre actionnaire 48
1- La defiance à l'egard du conjoint 49
2- Les difficultes de representation par un actionnaire 49
B- L'isolement des actionnaires 50
SECTION II- LES MESURES CORRECTRICES 52
§1- LA QUESTION DES ASSOCIATIONS D'ACTIONNAIRES ET LA
CREATION
D'UN MARCHE DE DROITS DE VOTE 52
A- La question des associations d'actions d'actionnaires 52
B- Les avantages d'une dissociation du droit de vote de l'action
: l'institution d'un marche des droits de vote 54
§2- L'EFFECTIVITE DU ROLE DES ORGANES SOCIAUX 54
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE 56
DEUXIEME PARTIE : PROTECTION DES ACTIONNAIRES CONTRE
LES
ACTES DE GESTION 57
CHAPITRE I- PROTECTION CONTRE LES ACTES DE GESTION ET
LES CONTROLES DEFAILLANTS 58
SECTION II- LA DETECTION PRECOCE DES ACTES FAUTIFS
DES DIRIGEANTS ET DU COMMISSAIRE AUX COMPTES 58
§1- LA PROCEDURE JURIDICTIONNELLE DE CONTROLE :
SOLLICITATION DE
L'EXPERTISE DE GESTION 59
A- L'utilité, le domaine et la nature de l'expertise de
gestion 59
1 - L'utilité de l'expertise de gestion 60
2- Domaine de l'expertise de gestion 62
3- Nature de l'expertise gestion 63
B- L'exercice de l'expertise de gestion 63
1- La qualité requise 64
a)Une action prioritairement minoritaire 64
b) Action ouverte à d'autres requérants 65
i- Faculté offerte aux actionnaires majoritaires 65
ii- Action reconnue au groupement d'actionnaires 66
2- Bien fondé de la demande et résultat de l'action
67
a) Le bien fondé de la demande 67
b) Résultat positif de l'action : la désignation
d'un expert 68
§2- LA PROCEDURE NON JURIDICTIONNELLE DE CONTROLE : L'ALERTE
69
A- Les détenteurs de l'exercice de l'alerte 69
1- Le devoir d'alerte du commissaire aux comptes 69
2- Le droit d'alerte des actionnaires 71
B- L'exercice de l'alerte 72
1-Conduite de l'alerte par le commissaire aux comptes 72
a) La demande d'explication 72
b) Provocation d'une délibération 73
c) L'établissement d'un rapport spécial à
la destination des actionnaires 74
2-Responsabilité du commissaire et des dirigeants 74
3-Procédure de déclenchement de l'alerte par les
actionnaires 75
SECTION II- LES SANCTIONS CONSECUTIVES AUX INVESTIGATIONS
76
§1- LA RESPONSABILITE CIVILE DES DIRIGEANTS SOCIAUX 77
A- L'organisation de la responsabilité civile des
dirigeants sociaux 78
1- La responsabilité des dirigeants de la
société in bonis 78
a) Responsabilité pour violation des lois et
règlements 79
b) Responsabilité pour violation des statuts et pour
faute de gestion 80
i- La violation des statuts 80
ii- La faute de gestion 80
2- L'aggravation de la responsabilité des dirigeants en
cas de faillite de la société 82
a) Incessibilité des droits sociaux des dirigeants et
comblement du passif 82
b) Extension des procédures collectives et faillite
personnelle 83
i- Extension des procédures collectives aux dirigeants
fautifs 83
ii- La faillite personnelle des dirigeants 84
B- L'exercice des actions en responsabilité contre les
dirigeants fautifs 85
1- L'exercice de l'action individuelle ou personnelle 85
2- L'exercice de l'action sociale : action ut singuli 87
3- Prescription des actions en responsabilité 89
C- Le droit de révocation des dirigeants 89
§2- La responsabilité des tiers : le cas du
commissaire aux comptes 90
CHAPITRE II- LA FAIBLESSE DES MOYENS DE PROTECTION EN
PLACE ET LES IMPERATIFS DE REFORMES 93
SECTION I- LES DEFAILLANCES DU DISPOSITIF DE PROTECTION
93
§ 1- LES LIMITES DES MOYENS DE DETECTION PRECOCE DES ACTES
DE
GESTION FAUTIFS 93
A- Les dangers d'une intervention intempestive du juge dans la
société commerciale.94
B- L'absence de consécration expresse d'une
responsabilité de l'expert de gestion 95
§2- DIFFICULTÉS D'EXERCICE DES ACTIONS EN
RESPONSABILITE 96
A- Obstacles liés au difficile établissement des
responsabilités : faible probabilité de découverte des
fautes 96
1- Obstacles relatifs au régime des preuves et à
la vague détermination des fautes faisant grief 96
2- Les difficultés particulières soulevées
par l'exercice « ut singuli » de l'action
sociale 98
B- Le caractère bénin de la responsabilité
civile en tant que sanction 98
SECTION II- AXES DE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION
DES
ACTIONNAIRES 99
§1-Vers une responsabilité sans faute ? 99
§2-L'obligation de souscription d'une assurance par les
dirigeants sociaux et les commissaires aux comptes 100
CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE 102
CONCLUSION GÉNÉRALE 103
ANNEXES 106
ANNEXE 1 : Jurisprudence OHADA - Cameroun 107
ANNEXE 2 : Jurisprudence OHADA - Bénin
115
ANNEXE 3 : Jurisprudence OHADA - Côte d'Ivoire
118
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 121
TABLE DES MATIÈRES 125
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