L'Objet de cette recherche était de savoir si
l'hypothèse de l'existence d'un « paradoxe de la
crédibilité » des Banques Centrales (BCs) constaté
dans les pays de l'OCDE, se vérifie dans les pays de la Zone BEAC ; en
établissant la corrélation (et non la causalité)
négative entre la stabilité des prix et l'instabilité
financière en Zone CEMAC. En clair, il s'agissait de savoir si la
crédibilité des politiques monétaires encourage un
comportement pro cyclique et spéculatif des banques dans la CEMAC.
Ce travail reposait sur deux hypothèses principales qu'il
fallait tester :
· les pays de la CEMAC évoluent dans ce que
certains économistes ont appelé : le « nouvel environnement
» (crédibilité des politiques monétaires,
marchés de plus en plus concurrentiels, essor des NTICs) ;
· on ne peut pas parler du « paradoxe de la
crédibilité » en ce qui concerne la BEAC, du moins, «
au sens de Goodfriend ».
En Première Partie, nous avons dressé un
parallèle entre l'amélioration de la crédibilité
des BCs dans les pays de l'OCDE [chap. I], et l'amélioration des
politiques monétaires dans la Zone BEAC ces dernières
années [chap. II]. En confrontant la théorie aux faits, nous
avons vu que la prise en compte des concepts de règle,
d'indépendance, et de transparence, permettait dans
une certaine mesure, aux autorités compétentes - i.e.
les BCs-, de résoudre le problème de l'incohérence
temporelle. En particulier, le respect d'une règle
préalablement annoncée par une BC indépendante [ou
plus autonome] du pouvoir politique, permet aux Etats de réaliser des
taux d'inflation bas, mettant ainsi les agents à l'abri de l'incertitude
liée aux variations imprévues de leur pouvoir d'achat.
Ainsi avons-nous vérifié que, la BEAC a
gagné des points importants en matière de
crédibilité dans sa conduite de la politique
monétaire de la sous région, suivant une tendance observée
dans la plupart des pays développés : en Zone BEAC, les taux
d'inflation en 1995, 1998 et 2005 ont été respectivement de 9.9%,
2.4% 2.9% ; alors que dans le monde, on enregistrait (en moyenne, et aux
mêmes dates respectivement) des taux d'inflation de 14.6%, 5.5%, 3.7%.
Quant aux pays industrialisés (dont la crédibilité des BCs
est généralement admise), ils avaient un taux d'inflation moyen
de 2.3% en 2005.
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Mémoire de DEA/Master II- NPTCI Economie
présenté et soutenu par : Ntonga Efoua Fabien Clive, UY II
(2009)
En Deuxième Partie, nous avons établi le conflit
d'objectif entre l'engagement antiinflationniste des BCs et la
récurrence des crises financières d'envergure dans le monde
contemporain. En effet, une inflation basse encourage un optimisme excessif qui
se transforme en comportement spéculatif. Celui-ci pousse les agents
à s'endetter massivement et de façon concomitante. Le gonflement
- puis l'éclatement - des bulles financières qui résulte
de cette « exubérance irrationnelle », débouche sur des
crises aux conséquences récessives graves, ainsi que nous l'avons
constaté dans les secteurs de la « nouvelle économie »
en 2001, et de l'immobilier » en 2007. Ainsi, sous certaines conditions,
la recherche de stabilité des prix se ferait au détriment de la
stabilité financière : c'est l'existence de ce « paradoxe de
la crédibilité » des BCs que nous avons mis en
évidence, en ce qui concerne les pays développés [chap.
III].
Le quatrième -et dernier- chapitre nous a permis
d'infirmer l'hypothèse sur l'existence de ce « paradoxe » (au
« sens de Goodfriend ») en Zone BEAC. Plus
précisément, malgré la tendance des économies de la
Zone CEMAC à évoluer dans un « nouvel environnement »,
elles [les économies de la CEMAC] semblent suivre une marche
rétrograde - comparativement à celles de l'OCDE. L'observation
graphique (plus aisée que l'estimation d'une régression) du lien
entre les variables « exubérance financière » et «
inflation », nous a donné des résultats auxquels nous nous
attentions au départ. Nous avons relevé pour la BEAC ; une «
forme de paradoxe » différente de celle à laquelle
Goodfriend [2001] fait référence, ce qui
justifie l'emploi de l'expression « le paradoxe de la BEAC » :
· la surliquidité des banques contraste largement
avec le fait que le crédit bancaire soit systématiquement
rationné dans la CEMAC. Cela est d'autant plus paradoxal que le FMI en
particulier fait état d'un risque de crédit croissant dans la
Zone, faisant planer la menace d'une crise de l'envergure de celle des
années 1980. En effet, comment peut-on parler de risque de
crédit, si les banques le rationnent systématiquement ?
· Par ailleurs, le fait que la
crédibilité de la BEAC soit « importée
», nous a même fait relativiser la validité de
l'hypothèse sur un « nouvel environnement » dans la CEMAC.
Ainsi, les prévisions font état d'un regain d'inflation dans la
Zone, en relation avec la hausse des cours mondiaux du blé et du
pétrole en particulier. L'inflation dépasserait les 7% en 2008,
ce qui
constitue un gap important par rapport au maximum de
3% qu'imposent les critères de convergence de la Zone BEAC.
L'existence d'un tel « paradoxe » fait courir
à la Zone, le risque d'être toujours taxée de «
mauvais élève » sur la scène internationale : la
CEMAC fournit les indicateurs économiques les plus médiocres, et
ce malgré l'inestimable potentiel de croissance dont elle dispose,
surtout en matière de ressources naturelles et de capital humain
(population jeune) par rapport au reste du monde.
Il nous semble donc logique d'affirmer que :
« le paradoxe de la
crédibilité » ne se vérifie pas en Zone BEAC, parce
qu'il ne se double pas d'un « paradoxe de la tranquillité
».
En l'état actuel, nos recherches nous permettent de
relever des faits pouvant servir à réduire les contrastes dans la
Zone BEAC, par rapport au reste du monde :
- il faut dire- et paradoxalement- que, l'atonie des
investissements du secteur privé (du fait que le crédit soit
rationné dans la CEMAC), est susceptible d'attirer des IDE dans la Zone:
les multinationales et grands groupes bancaires internationaux, trouveraient un
terrain fertile (puisque dénué de concurrent local
sérieux) pour leurs affaires. Mais cette situation aurait des effets
pervers : l'intégration de la sous région dans l'économie
mondiale, pourrait plutôt accroître les effets de contagion d'une
crise d'envergure née en Occident, car si l'Afrique en
général ne subit pas de plein fouet les effets de la crise
actuelle (subprimes), c'est en grande partie du fait de la quasi
inexistence des marchés financiers qui contribuent à la
dissémination et à la propagation des crises d'un pays à
l'autre à travers la planète [cf. chapitre
troisième]. En même temps, en refusant de s'ouvrir à la
mondialisation, les économies de la CEMAC se mettraient en
difficulté, car la concurrence qui en résulte est de nature
à créer une certaine émulation, non seulement de la part
des entreprises (nationales), mais aussi du secteur financier, qui serait dans
l'obligation de répondre aux demandes de crédit de la
clientèle, sous peine de la perdre et de réaliser de lourdes
pertes au plan comptable. La crise de 2007 offre donc des opportunités
à la Zone BEAC pour combler une partie de son retard sur le reste du
monde, notamment en matière d'obtention de financements pour les
investissements.
Une autre solution pour faciliter l'accès des
entreprises au crédit rationné par les banques dans la CEMAC (au
Cameroun en particulier), solution qui consiste à mettre sur
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Mémoire de DEA/Master II- NPTCI Economie
présenté et soutenu par : Ntonga Efoua Fabien Clive, UY II
(2009)
pied des institutions qui apporteraient des financements
complémentaires à l'économie de la Zone (les
sociétés d'assurance, de capital-risque, et de
crédit-bail), mais cette dernière recommandation n'est pas
différente de ce qui vient d'être dit à propos de l'afflux
des capitaux étrangers.
- La recommandation la plus importante à faire est sans
doute celle de l'amélioration du cadre des affaires de la Zone avec
notamment :
· la mise en place d'un système fiscal incitatif
pour encourager l'activité des entreprises. Une baisse des taux
(d'imposition) se traduirait par des recettes accrues du fait d'une moindre
prime à la fraude, d'un accroissement du nombre des assujettis suite
à la création d'entreprises, et au passage de certaines au
secteur formel. Ce serait un facteur d'accroissement de la
compétitivité, et de diversification des économies dans la
CEMAC. D'après la Banque Mondiale, la perte des parts de l'Afrique dans
le Commerce international lui a coûté plus de USD 3000 milliards
(en raison de USD 70 milliards /an depuis les années 1960). Ceci tient
du fait que les pays africains en général n'ont pas su
diversifier leurs productions ;
· une amélioration du cadre juridique, (mise en
place d'un système de garanties, des procédures de recouvrement),
afin de permettre aux banques de recouvrer leurs créances. Ceci rendrait
les banques moins frileuses, et réduirait le risque de crédit
dans la CEMAC. En effet, la surliquidité des banques semble jouer, pour
ces dernières, un rôle de garantie, étant donnée
l'incertitude liée au climat des affaires [cf. fin du chap. IV]
dans l'ensemble des pays de la Zone. Cet autre aspect du problème, qui
consisterait à considérer la surliquidité des banques de
la Zone BEAC, non plus comme un « paradoxe », mais plutôt comme
une « couverture » contre la réalisation de l'«
état défavorable de la nature » dans la Zone ; cet
aspect disions-nous, peut aussi faire l'objet de recherches plus approfondies
;
· améliorer la gestion des affaires publiques, et
éviter les conflits. Ce sont peut-être là, les conditions
les plus fondamentales de l'accélération du développement
en Afrique en général. En effet, les conflits perpétuent
la pauvreté, créant un cercle vicieux qui ne peut être
brisé que grâce à des efforts spéciaux de
développement - y compris des mesures à long terme de maintien de
la paix- et des réformes politiques. Si ces efforts aboutissent, les
pays peuvent connaître une croissance rapide et
bénéficier du retour des capitaux enfuis.
Les pays africains en général, ceux de la CEMAC
en particulier, doivent donc redoubler d'efforts pour inverser la tendance
à la marginalisation économique et à l'exclusion
constatée depuis des décennies. Cela passe par une réelle
volonté politique des dirigeants de la région, et un consensus
avec les partenaires (nationaux et internationaux) au développement.
Mémoire de DEA/Master II- NPTCI Economie
présenté et soutenu par : Ntonga Efoua Fabien Clive, UY II
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