Vers un nouveau cadre d'analyse du gouvernement d'entreprise : la gouvernance des PME( Télécharger le fichier original )par Ikbel kerkeni Faculté des sciences économiques et de gestion de tunis - Mastère en sciences economiques 2008 |
2-2 : l'utilité du conseil d'administration dans une PMELe conseil d'administration est le principal mécanisme de contrôle d'influence et d'orientation des décisions stratégiques des dirigeants. Le rôle du conseil, exclusivement disciplinaire dans la perspective actionnariale, s'enrichit dans les autres perspectives pour prendre en compte non seulement son utilité pour sauvegarder les intérêts des autres parties prenantes, mais surtout sa fonction cognitive et, au travers des administrateurs, permettant d'accéder à des ressources et d'aider le dirigeant à élaborer de nouvelles stratégies. a) Rôle du conseil d'administration :
§ La vision financière : L'approche financière privilégie l'investissement financier et fonde l'efficience sur la mesure de performance actionnariale et les systèmes incitatifs permettent d'aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires. Le conseil d'administration a normalement pour fonction de gérer la relation d'agence entre actionnaires et dirigeants. Dans la théorie de l'agence, Fama et Jensen attribuent au conseil d'administration la mission de contrôler les principaux dirigeants. Leur analyse part du cas particulier de la firme managériale où la séparation entre la fonction de propriété et de décision est très prononcée. Dans cette situation, l'efficacité du contrôle du conseil d'administration est censée reposer d'une part, sur la surveillance mutuelle entre dirigeants présents au conseil et d'autre part sur la présence d'administrateurs externes64(*). Ces derniers doivent avoir les compétences et l'indépendance nécessaire pour exercer leur fonction de contrôle et d'arbitrage65(*). Cependant, l'approche financière du CA66(*) comporte de nombreuses failles. D'une part, cette théorie ne trouve à priori à s'appliquer qu'aux grandes sociétés cotées à capital dispersé, dans les autres cnfigurationstels que les PME, le rôle disciplinaire du CA est faible puisque la discipline est assurée directement par le propriétaire dirigeant. D'autre part elle ne peut pas expliquer la présence de parties prenantes telles que les salariés ou les banquiers au conseil. § La vision synthétique : Dans le cas d'une PME où il y a une dépendance envers les ressources, la survie de la firme est conditionnée par sa capacité à contrôler certaines ressources indispensables et à offrir un environnement de confiance entre ces différents partenaires en particulier ses compétences clés. Selon l'approche partenariale, l'analyse du SG67(*) doit porter sur les mécanismes destinés à sauvegarder et à valoriser le capital par une appropriation de la rente managériale. Dans ce schéma, le rôle du CA dépasse la seule défense des intérêts des actionnaires, il constitue un mécanisme chargé d'assurer la meilleure coopération possible entre le dirigeant et les autres parties prenantes, notamment, en garantissant un partage équitable de la rente. Williamson (1985), 68(*)dans le cadre de la théorie des coûts de transaction, considère le conseil d'administration comme un organe hiérarchique qui, outre son rôle d'arbitre dans le partage de la rente, doit encourager le travail en équipe. Le CA constitue alors un mécanisme organisationnel permettant de garantir, en premier lieu, la sécurité entre les actionnaires apporteurs de ressources et les dirigeants qui louent leur capacité managériale. Et il peut également assurer le même rôle pour gérer des relations avec d'autres partenaires tels que les salariés et les créanciers. Complétée par l'approche cognitive le conseil peut être vu comme un organe facilitant la coopération entre les partenaires de l'entreprise. Il permet d'harmoniser les schémas cognitifs. Par exemple on peut prétendre que certains conflits d'intérêts apparent ne résulte que de divergence d'interprétations liées aux modèles cognitives des administrateurs, que les débats au sein du conseil peuvent permettre d'éliminer, ou au moins d'atténuer les conflits par une explication des points de vue.
Westphal souligne, pour sa part, que les échanges entre les participants aux CA favorisaient l'existence de relations sociales denses entre les membres du conseil. Ces relations réduisent l'activité de contrôle et son efficacité tandis qu'elle augmente l'implication des membres de conseil dans l'accompagnement des décisions stratégiques de la firme. Ces liens étroits, au lieu de provoquer un rôle passif du conseil, augmentent la communication et la confiance interpersonnelle. Une des interprétations que les dirigeants sont plus enclins à accepter les conseils venant de personnes proches dont ils connaissent la loyauté. Westphal valide cette argumentation en montrant, à partir d'une étude sur des membres de conseil d'administration de 600 firmes américaines, que la collaboration entre les membres du CA et les dirigeants est positivement corrélé à la performance de la firme69(*). Le conseil peut être aussi interprété comme un organe permettant d'encourager les stratégies de développement de l'apprentissage organisationnel et de la construction des compétences nécessaires à l'innovation. Plus particulièrement, Lazonick et O'Sullivan (1998)70(*), dans le cadre de leur réflexion sur la firme innovatrice, analysent le système de gouvernance en fonction de sa capacité à encourager les stratégies de développement de l'apprentissage organisationnel. Cela les conduit à recommander que le CA comprenne des représentants de toutes les entités (organisations de salariés, entreprises, institutions financières et de formation, collectivités publiques ... Dans la mesure ou l'existence de différents schémas cognitifs constituent une source d'innovation et que la confrontation de différents points de vue favorise le déclenchement de progrès cognitifs chez les participants. Wirtz en 200271(*) confirme, il montre que l'interaction complexe entre les partenaires de l'entreprise par un mécanisme de gouvernance permet de résoudre les conflits cognitif toute en déclanchant un processus d'apprentissage d'où le schémas suivant :
Influence l'ampleur du conflit et, donc
Favorise plus au moins Dispositif de GE en place à l'instantT1 Déroulement d'un processus d'apprentissage, qui Mécanisme de GE mobilisé à l'instant T2 T1 T2 Source : Peter WIRTZ « Le dirigeant : intendant fidèle ou agents opportuniste ? » 2002 - p 9. b) Composition du conseil d'administration :
Dans la perspective financière, la performance dépend du contrôle du dirigeant par le conseil qui devrait être composé très majoritairement d'administrateurs indépendants. Pour Williamson, le CA ne doit contenir dans des conditions normales que les actionnaires, les dirigeant et des administrateurs indépendants. Mais lorsque l'environnement devient plus incertain ou menaçant, la présence d'autres partenaires s'avère possible. À cette fin, la firme incorporera à son CA des représentants des ressources les plus critiques par exemple des banquiers, de façon à garantir sa survie72(*). Selon Charreaux et Desbrièrs(1998), le CA doit contenir les parties prenantes qui participent à la création de valeur : les salariés, les prêteurs, les actionnaires, les dirigeants, les clients et les fournisseurs, mais Williamsson considère que l'analyse des relations avec les fournisseurs et les clients permet rarement de justifier leur présence au sein du conseil. Lorsque la transaction présente un caractère spécifique fort, le sauvegarde des intérêts des différentes parties est assuré par d'autres mécanismes : par exemple, les clients sont protégés par l'existence des marques et les associations de consommateurs. Les dimensions cognitives permet d'en mieux comprendre la composition, notamment la place qu'y occupent, à l'occasion, les représentants des salariés, voire ceux des représentants de certaines banques, mais aussi la présence très fréquente des cadres internes et des dirigeants d'autres sociétés, dont l'expertise peut servir d'autres fins que celle du contrôle ou de la protection des investissements en capital humain spécifique. Dans la perspective stratégique cognitive, le conseil doit être composé très majoritairement d'administrateurs pouvant le mieux contribuer à la création de compétences, aider le dirigeant à concevoir une vision facilitant l'apprentissage organisationnel ou, encore, faciliter la réduction des conflits cognitifs. Les qualités demandées aux administrateurs ne se conçoivent plus alors en terme d'indépendance et d'expertise en matière de contrôle, selon la distinction interne/externe, mais en fonction des contributions cognitives à même de s'intégrer dans un projet collectif. Wirtz (2005) synthétise les principales différences entre la théorie de l'agence traditionnelle et le référentiel cognitif dans le tableau suivant : Comparaison de l'approche dominante avec le référentiel cognitif
Source : Peter Wirtz : « meilleur pratique de gouvernance et création de valeur :une appréciation critique des bonnes conduite » ;2005,page150
Le CA ne joue plus un rôle disciplinaire mais il attribue un rôle de production de nouvelles opportunités de production et il privilégie la collaboration et la construction des compétences. Le conseil sera composé de toutes les parties qui contribuent à la création de valeur. Cela n'exclut toutefois pas la présence d'administrateurs externes car il est nécessaire d'avoir des experts compétents pour prodiguer des conseils au dirigeant. c) Le rôle d'un administrateur externe : S'il est facile de déléguer ou de confier une tâche à un administrateur externe indépendant dans une grande entreprise, c'est là une commodité qui n'est pas tolérable dans une PME. Or, selon la théorie de l'agence, notamment le modèle de Jenson et Meckling : 73(*)« il est aisée de montrer que l'embauche de collaborateurs de haut niveau entraîne des coûts d'agence et de transaction interne qui peuvent être dissuasifs pour le propriétaire dirigeant : celui-ci se trouve alors obligé de recourir à des conseillers externes ». Il est préférable d'avoir des individus formés, non seulement à analyser la réalité dans sa complexité, mais aussi à avoir la compétence pour la traiter comme telle. Surtout que dans une PME les procédures de travail des consultants sont peu normalisables et la clarification des enjeux et contraintes se révèle souvent longue. Un accompagnement dans l'entreprise nécessitant un consultant de haut niveau à la fois très expérimenté, capable de comprendre la culture de l'entreprise et d'entraîner l'adhésion s'avère nécessaire. Il ne serait pas tant demandé à cette personne d'apporter toujours des solutions à des problèmes qui se posent. Il aurait son rôle opérationnel en gestion administrative, une position d'interprète auprès de chef de l'entreprise pour traduire le langage de spécialiste et veiller à ce que l'intérêt de la PME soit bien pris en compte. A titre d'exemple, en cas d'extension à l'international ou de développement stratégique sur la base d'un partenariat, il orienterait les choix en préparant les dossiers pour les avocats. En cas de mise en place d'un système d'information, il participerait à l'élaboration du cahier de charge et surveillerait les dysfonctionnements ultérieurs induits par les transformations de l'organisation74(*). Il pourrait aussi enrichir l'espace de discussion dans lequel s'échangerait les interprétations de l'environnement dont on sait que les transformations sont souvent mal perçu par les PME et grâce à son apport de spécialiste il facilitera la tâche. * 64Cette présence est obligatoire pour les sociétés américaines cotées. Un organisme spécialisé a été par ailleurs été mis en place au royaume unis pour favoriser le recrutement d'administrateur externe * 65 G.Charreaux et J. Pitol-Belin « théories contractuelles des organisations, une application au CA », in G.Charreaux, le gouvernement des entreprises : corporate governance, théories et faits, 1997, p170 * 66 Conseil d'administration * 67 Système de gouvernance * 68 G. Charreaux « conseil d'administration et pouvoir dans l'entreprise », 1997, p65 * 69D.Catherine et F.Corolle : « gouvernance par le réseau dans les PME intensive en recherche », 2003, p7 * 70 G.Charreaux : « à la recherche de nouvelles fondations pour la finance et la gouvernance d'entreprise » 2002, p50 * 71 P. Wirtz « le dirigeant : intendant fidèle ou agent opportuniste ? », 2002, p9 * 72 G.Charreaux « conseil d'administration et pouvoir dans l'entreprise », 1997, p 70 * 73 Groupe de recherche en économie et gestion des PME (G .R.E.P.M.E): « Les PME bilan et perspective »sous la direction de Pierre.André.Julien, Economica, 1994, p121 * 74 J. Quére « quelle formation à la gestion de la PME », 2003, p126 |
|