La polyarthrite rhumatoàŻde en milieu rural au Sénégal( Télécharger le fichier original )par Fernando KEMTA LEKPA Université Cheikh Anta Diop - DES Médecine Interne 2010 |
UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR FACULTE DE MEDECINE, DE PHARMACIE ET D'ODONTOSTOMATOLOGIE LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE EN MILIEU RURAL AU SENEGAL MEMOIRE POUR L'OBTENTION DU CERTIFICAT D'ETUDES SPECIALES PRESENTE ET SOUTENU PUBLIQUEMENT PAR Dr Fernando KEMTA LEKPA MEMBRES DU JURY PRESIDENTE : Mme Thérèse MOREIRA DIOP : Professeur MEMBRES : M. Mamadou Mourtalla KA : Professeur M. Abdoulaye POUYE : Professeur DIRECTEUR DE MEMOIRE : M. Souhaïbou NDONGO : Maître Assistant ANNEE: 2010 N° 282 SOMMAIRE ABBREVIATIONS 3 I INTRODUCTION 4 II RAPPEL 6
III METHODOLOGIE 12
III RESULTATS 17 IV DISCUSSION 25
2.1. Fréquence de la PR chez les patients vivant en milieu rural 27 2.2. Données sociodémographiques 28 2.3. Caractéristiques cliniques, biologiques et immunologiques 29 V CONCLUSION 31 VI REFERENCES 33 Annexes 39 Abstract 43 ABBREVIATIONS PR : polyarthrite rhumatoïde RIC : rhumatisme inflammatoire chronique ACR : American College of Rheumatology EULAR : European League Against Rheumatism CHU : Centre Hospitalier Universitaire IPP : inter-phalangiennes proximales MCP : métacarpo-phalangiennes MTP : métatarso-phalangiennes EVA : échelle visuelle analogique ACPA : Anti-citrullinated protein/peptide antibodies Ac anti-CCP : anticorps anti-peptides cycliques citrullinés FR : facteur rhumatoïde VS : Vitesse de sédimentation CRP : C réactive protéine DAS28 : disease activity score 28 INTRODUCTION La polyarthrite rhumatoïde (PR), autrefois appelée polyarthrite chronique évolutive, est une maladie inflammatoire du tissu conjonctif, à prédominance synoviale [1]. La PR est le rhumatisme inflammatoire chronique (RIC) le plus fréquent, avec une prévalence variable d'une région à une autre, estimée entre 0.3 et 1.2% dans les séries occidentales [1,2]. Comme beaucoup de maladies auto-immunes, c'est une affection polyfactorielle relevant de facteurs psychologiques, endocriniens, environnementaux, génétiques et immunologiques. Les facteurs génétiques ne représentent que 30 % des facteurs favorisant la PR. C'est dire l'importance des facteurs environnementaux qui expliquent peutêtre les différences de prévalence de la PR selon les pays [2]. En Afrique subsaharienne, les données disponibles retrouvent également une répartition inégale d'une région à l'autre du continent, parfois mrme dans le mrme pays, avec des prévalences variant de 0 et 3.3% [3-6], suggérant des facteurs environnementaux. Au Sénégal, l'incidence hospitalière au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) Aristide Le Dantec de Dakar est estimée à 0.16 % [7].Selon des études sud africaine et nigériane, la prévalence de la PR serait faible voire nulle en milieu rural, avec des taux de 0 à 0.68% [4-6], peut ~tre en raison de la rareté de l'épitope partagé HLA-DRB1 [6]. Cette rareté de la PR en milieu rural n'est pas retrouvée dans toutes les études [8-10]. Aussi avons nous initié ce travail avec pour objectifs :
RAPPEL
Des progrès considérables ont été réalisés dans la compréhension de la physiopathologie de la PR. Toutefois, son origine reste toujours inconnue. Plusieurs facteurs interviennent dans le déclenchement de la maladie : des facteurs hormonaux, le terrain génétique prédisposé, et les facteurs environnementaux. Lorsque tous ces facteurs sont réunis, ils activent une réponse immunitaire innée et acquise incontrôlées qui se traduit par une réaction inflammatoire exagérée, en particulier au niveau de la membrane synoviale [12]. La plus grande incidence de la PR chez la femme suggère une implication des hormones dans le déclenchement de la PR. Par ailleurs, pendant la grossesse, le risque de développer une PR est faible tandis que dans l'année qui suit le post partum, ce risque est nettement plus élevé. De plus, une rémission clinique est fréquente durant la grossesse [2]. Sur le plan génétique, l'association la plus forte est observée avec les gènes codant pour les molécules HLA de classe II. En Europe et en Amérique du Nord, la PR est associée aux allèles HLA-DRB1*0410, DRB1*0404 et DRB1*0101 [2]. Au Sénégal, dans une étude réalisée chez 34 patients ayant une PR, une association positive avait été retrouvée avec les allèles HLA DR10 et HLA DR3 [13]. Les facteurs environnementaux tiennent une place importante dans le déclenchement, voire l'entretien de la maladie. Les plus connus sont les agents infectieux ; viraux (Epstein Barr virus) ou bactériens (Escherichia coli, Mycobacterium tuberculosis...), le statut social, la vie urbaine par rapport au mode de vie rural, le stress et le tabagisme [1,2,12,14,15,16]. 3. Diagnostic La PR est classée parmi les maladies systémiques (existence de manifestations extraarticulaires), les maladies auto-immunes (présence d'auto-anticorps, le facteur rhumatoïde, ACPA...) et les rhumatismes inflammatoires chroniques (caractère inflammatoire de la polyarthrite et évolution chronique, c'est à dire supérieure à 3 mois). La PR réalise un tableau de polysynovite, caractérisé par une évolution chronique, progressive et une tendance érosive ou destructrice vis-à-vis des éléments constituant l'articulation [1,2]. Le diagnostic se fait actuellement à partir des Critères de classification de la PR de l'American College of Rheumatology (ACR) définis en 1958 puis révisés en 1987. Ces critères ont une sensibilité de 91% et une spécificité de 89% [17]. Les critères ACR de 1987 sont souvent pris à défaut à la phase de PR débutante. En effet, il est rare qu'une PR débutante soit d'emblée séropositive, nodulaire et érosive. De plus, ces critères n'intègrent pas les anticorps anti-peptides cycliques citrullinés (Ac anti-CCP ou ACPA), dont la valeur diagnostique est reconnue et validée. Ainsi, le diagnostic repose sur un faisceau d'arguments cliniques, biologiques, immunologiques et radiologiques. La nécessité d'un diagnostic précoce est actuellement primordiale du fait de l'évolution des traitements utilisés dans la PR. Au début de la maladie, le traitement à le plus de chance d'rtre efficace. En effet, à ce stade, il n'existe pas encore de lésions irréversibles et les traitements de fonds actuels, conventionnels ou les biothérapies, sont capables de limiter la progression de la maladie [2]. Le principal objectif thérapeutique actuel (traiter vite et fort !) est de mettre le patient en rémission clinique et de prévenir la destruction articulaire par une intervention aussi précoce que possible, comme l'atteste les données issues du suivi des cohortes de patients ayant une PR débutante [18]. L'ACR et l'European League Against Rheumatism (EULAR) ont proposé de nouveaux critères lors du congrès annuel de l'ACR en octobre 2009 (cf. Annexe 1) [19-23] avec pour objectif d'identifier des patients avec une arthrite inflammatoire récente et de les traiter pour prévenir le développement de la maladie qui pourrait remplir les critères ACR de 1987. L'activité de la maladie peut ~tre évaluée par plusieurs indices composites : le disease activity score (DAS ou DAS44) et sa version réduite, le DAS28, le simplified disease activity index (SDAI) et sa version modifiée, le clinical disease activity index (CDAI) [24]. Le DAS28 est actuellement l'indice le plus utilisé. Il est plus permissif dans sa définition de la rémission. Le DAS28 tient compte de l'indice articulaire, de l'indice synovial, de la première heure de la VS ou la CRP et de l'appréciation global du patient (évalue le retentissement global de la PR sur les activités quotidiennes sur une échelle EVA de 0 à 100 selon la sévérité) [25]. En dépit des limites du plateau technique, toutes les composantes du DAS 28 sont accessibles dans nos contrées. Le DAS28 est obtenue à partir de la formule suivante [25] : DAS28 (VS) = 0,55 x v (Indice articulaire) + 0,284 x v (synovites) + 0,33 x log VS + 0,0142 x EVA globale du patient. OU DAS28 (CRP) = 0,56 x v (Indice articulaire) + 0,28 x v (synovites) + 0,36 x ln CRP + 0,014 x EVA globale du patient + 0.96. Les 28 sites articulaires (épaules, coudes, poignets, MCP, IPP, genoux) sont évalués par mobilisation ou par pression (cf. Annexe 2). La PR est considérée comme [25] :
Des calculatrices de poche (DAS28 calculator) existent pour le calcul rapide du DAS28.
La prise en charge thérapeutique de la PR a connu de profonds changements au cours de ces dernières années [26]. Ces changements ont été motivés par :
- traitements de fonds ou DMARDs (méthotrexate, hydroxychloroquine, leflunomide, sulfasalazine...) - biothérapies : inhibiteurs du TNFá ou anti-TNFá (infliximab, etanercept, adalimumab, golimumab), rituximab, abatacept, tociluzumab, anakinra...
stratégies thérapeutiques et à des objectifs plus ambitieux : - nécessité de l'instauration d'un traitement efficace le plus rapidement possible (traiter vite et fort !) - supériorité des traitements « intensifs » précoces - surveillance étroite de l'activité de la maladie afin de réadapter régulièrement la stratégie thérapeutique. Les objectifs du traitement de la PR sont le contrôle de la douleur et de l'inflammation, le maintien de la qualité de vie, de la fonction et de l'insertion socioprofessionnelle [2,26]. Le traitement médicamenteux initial repose actuellement sur l'association de corticoïdes à « dose rhumatoïde » (0,15mg/kg/24h, soit moins de 10mg/j de prednisone) et de traitements de fond, d'autant plus efficace qu'ils sont instaurés tôt dans l'évolution [26]. En cas d'efficacité insuffisante, l'utilisation des biothérapies, en particulier les anti-TNFá est envisagée [26]. En raison des conditions socioéconomiques défavorables en Afrique subsaharienne, le choix thérapeutique dépend des disponibilités locales [16]. Le méthotrexate (« pierre angulaire » du traitement) et l'hydroxychloroquine sont les principaux traitements de fond utilisés en Afrique noire [27-31]. METHODOLOGIE
3.1. Critéres d'inclusion Ont été inclus tous les dossiers de patient de la consultation de rhumatologie ayant un diagnostic de PR, définie selon les critères de l'ACR révisés en 1987 [17]. Ces critères sont les suivants :
Les critères 1 à 4 doivent Etre présents depuis au moins 6 semaines. Le diagnostic de PR est posé lorsque 4 critères ou plus sur les 7 sont présents. 3.2. Critères de non inclusionOnt été exclus :
3.3.Définition du milieu géographique (urbain et rural) Le territoire sénégalais est compris entre 12°8 et 16°41 de latitude Nord et 11°21 et 17°32 de longitude Ouest. Le milieu rural englobe l'ensemble de la population et du territoire situés en dehors des agglomérations urbaines. Le milieu rural, essentiellement agro-pastoral, constitue le lieu de production d'une grande partie des denrées et des matières premières. Ainsi, nous avons défini le milieu urbain comme étant constitué essentiellement par la ville de Dakar, mais aussi les différents chefs lieux de régions du Sénégal. Le milieu rural quant-à lui regroupait toutes les autres localités du Sénégal (Annexe 3 : carte du Sénégal). Source : http://www.habitation.gouv.qc.ca/bibliotheque/habitat_en_bref/HB024.pdf; http://environnement.wallonie.be/pedd/C0e 5-2b.htm. 4. Recueil des données Pour chaque dossier de patient retenu, une fiche de recueil des données comportant les éléments suivants a été établie :
;
Les patients ont été classés en :
Données immunologiques :
Les informations recueillies dans cette étude ont été obtenues lors de l'interrogatoire des patients, avec leur consentement. L'anonymat et la confidentialité des informations recueillies ont été préservés. Rappelons que cette étude était non interventionnelle : aucun examen complémentaire spécifique (hormis ceux ayant un intérêt diagnostique et thérapeutique validé), ni intervention thérapeutique n'ont été réalisé. RESULTATS Cent quatre vingt douze cas de PR ont été recrutés dans la période d'étude. Douze patients ont été exclus car le lieu d'habitat n'était pas clairement défini. Finalement, nous avons inclus 180 patients dans cette étude. L'lge médian de ces patients était de 40.5 ans [31.0 - 52.5]. Les femmes représentaient 90.6% (n = 163) de l'ensemble des effectifs, rural et urbain. Parmi ces 180 patients, 143 (79.4%) habitaient en milieu urbain, contre 37 patients (20.6%) en milieu rural (Figure 1). Figure 1 : Répartition des patients en fonction de l'habitat L'kge médian des patients vivant en milieu rural au moment du diagnostic était de 44 ans [34 - 55]. Cet âge était de 41 ans [30 - 53] pour le milieu urbain. La différence n'était pas statistiquement significative (p = 0.24). Par contre, il y avait significativement plus de sujets de moins de 60 ans au moment du diagnostic en milieu urbain (p = 0.03) (Figure 2). Figure 2 : Répartition des patients en fonction du lieu d'habitation et de la tranche d'âge En milieu urbain il y avait plus de femmes, alors qu'il n'existait pas de différence pour les hommes. En effet, 30 femmes (18,4%) vivaient en milieu rural contre 133 (81,6%) pour le milieu urbain. Cette différence était statistiquement significative (p = 0.05). Ceci n'était pas le cas pour les hommes dont 7 (41,2%) vivaient en milieu rural contre 10 (58,8%) en milieu urbain. La répartition des patients selon le sexe et l'habitat est présentée dans la Figure 3. Figure 3 : Répartition des patients selon le sexe et l'habitat Un RIC familial (40.6%) et les avortements (26.1%) étaient les principaux antécédents rapportés. Chez 39.9% des patients, il n'existait pas d'antécédent déclaré. La notion de RIC familial n'a été renseignée que chez 92 patients inclus dans notre étude. Un RIC familial était déclaré par 15 patients dont 11 (80.0%) vivaient en milieu rural et 4 (20.0%) en milieu urbain. Chez 77 patients, aucun antécédent de RIC dans la famille n'a été retrouvé, parmi lesquels 17 (22.1%) vivaient en milieu rural et 60 (77.9%) en milieu urbain. La répartition des patients selon l'existence ou non d'un RIC familial est résumée dans la Figure 4. Figure 4 : Profil des patients ayant un antécédent de RIC familial La répartition des patientes selon l'existence ou non d'un antécédent d'avortement est présentée dans la Figure 5. La notion d'avortement a été recherchée chez 118 patientes lors de l'interrogatoire au moment du diagnostic. L'existence d'un antécédent d'au moins 1 avortement a été déclarée par 36 patientes, dont 13 (36.1%) vivaient en milieu rural et 23 (63.9%) en milieu urbain. Aucun antécédent d'avortement n'a été retrouvé chez les 82 autres patientes sur les 118 initiales. Dans ce groupe, elles étaient 10 patientes à vivre en milieu rural contre 72 en milieu urbain. Figure 5 : Profil des patientes ayant un antécédent d'avortement Les caractéristiques cliniques, biologiques et immunologiques de la répartition des patients en fonction du milieu d'habitation sont résumées dans les Tableaux I et II. Les manifestations extra-articulaires étaient significativement plus fréquentes chez les patients vivants en milieu rural (p = 0.02) (Figure 6 ; Tableau I). Tableau I : Nombre de signes extra-articulaires en fonction du lieu d'habitation
Figure 6 : Nombre de signes extra-articulaires en fonction du milieu d'habitation Il n'existait pas de différence statistiquement significative selon le lieu d'habitation pour le retard diagnostique, les déformations des mains, le nombre d'articulations gonflées, l'activité de la maladie (DAS28) et le taux des auto-anticorps (FR et ACPA). Tableau II : Caractéristiques des patients en fonction du lieu d'habitation(1)
1 Les variables qualitatives sont exprimées en nombres (%), les variables quantitatives en médiane [intervalle interquartile]. 2Test exact de ficher. DISCUSSION Depuis l'année 1965, la PR a fait l'objet de plusieurs publications au Sénégal [7,13, 28- 43]. Toutes ces publications ont concernée les différents aspects de la PR : épidémiologiques [7,32-34], cliniques [7,32-37], immuno-biologiques [7,32-34], génétiques [13], radiographiques [7,32-34,38], évolutifs [7,32-37,39-43] et thérapeutiques [28-31]. Malgré cet engouement pour cette pathologie déclarée comme rare voire inexistante en Afrique subsaharienne, en milieu rural en particulier [4-6], aucune étude ne s'est spécifiquement intéressée à la PR en milieu rural sénégalais. C'est ainsi que cette étude a été réalisée dans l'optique d'apprécier la réalité de la PR et de déterminer ses caractéristiques en milieu rural sénégalais. Les résultats obtenus grâce à ce travail princeps nous permettent de faire les commentaires suivants : |
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