L'organisation de la conférence islamique et les droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Sami KILIC Université Panthéon-Sorbonne - Master 2 droit des pays arabes 2009 |
CONCLUSION GENERALEEn 1970, Maurice Flory écrivait : « Il est à craindre que la Conférence islamique ait grand peine à survivre »155(*). Elle a bien survécu. Elle a quarante ans. Elle s'est transformée en mastodonte, s'est ramifiée (trop, peut-être), s'est déployée. L'OCI a su s'adapter à la sémantique qu'imposait l'air du temps en matière de droits de l'Homme mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Tant qu'une sincère mise à jour, une réelle relecture, une « rénovation de l'entendement » n'est pas opérée au sein de l'OCI, il nous semble impossible de parler de promotion et de protection des droits de l'Homme. Elle maintient encore trop jalousement des positions qui vont à contre-courant de l'universalité, principe pourtant cardinal en la matière156(*). Pour autant, l'insistance des « Occidentaux » n'est pas de nature à faire évoluer les Etats membres de l'OCI dans la voie de la réforme ; bien au contraire, elle crispe les conservateurs, et ce qui devait être considéré comme une exigence humaine devient un diktat de l'Occident. « Pour l'occidental, il ne fait aucun doute que les droits de l'homme constituent l'essentiel de sa contribution à la civilisation universelle, ce que, politiquement, le moderniste musulman ne peut admettre sans prêter le flanc à l'argument radical des islamistes qui verront dans cet acquiescement la preuve de ce que la théorie des droits de l'homme est une invention occidentale, étrangère à l'Islam et dirigée contre lui (...) »157(*). On se perd alors dans les anathèmes et on escamote la problématique initiale : le respect de l'Homme et de ses droits fondamentaux. Il nous semble qu'au-delà de cette sclérose, c'est le degré d'intégration des Etats membres à l'OCI qui pose problème. Celle-ci prend les allures d'une structure de soutien moral et diplomatique aux Etats en difficulté ; tel Etat sollicite l'Organisation pour qu'il l'épaule dans sa lutte (la Turquie pour Chypre ; l'Azerbaïdjan pour le Haut-karabakh, le Pakistan pour le Cachemire), tel autre s'y rapproche pour obtenir un soutien financier158(*), tant d'autres restent concentrés sur le seul problème palestinien, etc. En outre, elle est traversée par les blocs ordinaires entre les pays d'Afrique, d'Asie ou les pays arabes, les Etats riches et les Etats pauvres. Chacun vient à la porte de l'OCI avec son lot de désolations et d'espérances. On est donc fondé à s'interroger sur la pertinence du défi de la promotion et de la protection des droits de l'Homme. Déjà en 1984, Guy Feuer soulignait les deux options possibles qui se présentaient à l'OCI : « centrée sur elle-même et soucieuse des seuls intérêts du monde musulman ou l'orientation de cette communauté vers le service des intérêts de l'humanité tout entière, à la paix et à la prospérité de laquelle les nations musulmanes, de concert avec les autres nations de bonne volonté, apporteraient la leçon de leur grande et noble tradition et accepteraient de recevoir celle d'autrui »159(*). Il nous semble que, s'agissant des droits de l'Homme, la question reste posée. * 155 Maurice FLORY, « Les conférences islamiques », A.F.D.I 1970, pp. 233-243 : p. 242. * 156 Abdelfattah Amor a raison lorsqu'il rappelle que « les progrès en matière de droits de l'Homme proviennent de sédimentations successives, l'épaisseur de chaque couche de sédiments variant en fonction des circonstances historiques particulières qui l'ont engendrée. C'est dire, aussi, que les droits de l'homme ne peuvent pas ne pas être conjugués dans le temps, ne pas composer avec lui. Ils constituent un phénomène qui obéit à une logique processuelle », Abdelfattah AMOR, Rapport introductif, Les droits fondamentaux, Jacques-Yvan MORIN (dir.), op. cit, pp. 31-40 : p. 33. Mais, ici, le temps s'est figé ; il s'est même retourné puisque l'islam a connu la Renaissance avant le Moyen-Age... * 157 Slim LAGHMANI, « Islam et droits de l'Homme », op. cit., p. 43. * 158 Le Président de l'Albanie, Sali Berisha, avait justifié l'adhésion de son Etat à l'OCI par le souci de trouver des fonds nécessaires au développement du pays. Voir Odile DANIEL, « La situation de l'islam albanais dans le nouveau contexte politique », Islam et laïcité, Approches globales et régionales, Michel BOZDEMIR (dir.), L'Harmattan, 1996, pp. 121-135 : « Berisha souligna qu'il fallait considérer la réalité que le pays était majoritairement musulman, ce qui, en conséquence, le conduisait à ne pas négliger l'aide susceptible d'être apporté par des pays musulmans disposant d'un potentiel important de ressources financières » (p. 130). D'ailleurs, l'OCI, par le biais de la Banque islamique de développement, « octroie aux Albanais des crédits avantageux sur vingt ans dans le domaine de l'éducation, de l'agriculture et des transports » (p. 131). * 159 Guy FEUER, « L'organisation de la conférence islamique », L'Islam et les relations internationales, Actes du IVè colloque franco-pakistanais, Paris, mai 1984, EDISUD, Aix-en-Provence, 1986, p. 16. |
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