De la TICAD III à la TICAD IV: enjeux et mutations de la politique africaine de coopération du Japon( Télécharger le fichier original )par Patrick Roger Mbida Université de yaoundé II - Master professionnel 2011 |
PARAGRAPHE 2 : LES CONVOITISES PRESSANTES DE L'INDE EN AFRIQUEEn organisant le premier sommet du Forum Inde-Afrique du 8 au 9 avril 2008, New Delhi a voulu envoyer un signal fort à la communauté internationale : montrer que l'Inde a les moyens, et surtout la volonté, de devenir un acteur économique et commercial majeur sur le continent africain. L'ambition indienne repose sur la convergence des intérêts des deux parties. L'offensive diplomatique de New Delhi vise à lui assurer l'accès aux matières premières africaines (essentiellement du pétrole et des ressources minérales) nécessaires pour soutenir sa forte croissance économique. Ce pays importe 70 % de ses besoins pétroliers alors que les prévisions de croissance de sa demande étaient évaluées par les autorités indiennes, avant la crise de 2008-2009, à près de 10 % par an. Huit pays africains (Burkina Faso, Tchad, Côte d'Ivoire, Ghana, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Mali et Sénégal) sont concernés, depuis mars 2004, par l'Initiative Team 9 lancée par le gouvernement indien. Elle prétend aussi mobiliser les pays de la région en sa faveur pour obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU).191(*) La dimension stratégique de l'Afrique de l'Est est, en particulier, évidente pour New Delhi. Cette région fait partie de son " étranger proche ", où elle se doit d'investir pour ne pas laisser le champ libre à sa rivale chinoise qui y est déjà très présente. Dans ce contexte, elle peut s'appuyer sur une histoire commune aux deux rives de l'océan Indien grâce une forte diaspora indienne présente en Afrique. En effet, les échanges entre l'Inde et la côte orientale de l'Afrique sont anciens, mais il faut attendre la domination britannique sur cette région, au XIXe siècle, pour que la diaspora indienne, souvent originaire du Gujarat ou du Punjab, s'installe en nombre en Afrique de l'Est (Kenya, Tanzanie, Ouganda, etc.) et en Afrique du Sud. Dans ce pays où résident actuellement plus d'un million de citoyens d'origine indienne, le Mahatma Gandhi a d'ailleurs passé une vingtaine d'années cruciales pour l'élaboration de son combat politique. L'Inde est une puissance émergente à plus d'un titre : de par sa population, sa forte croissance économique, sa stratégie d'ouverture, ses performances dans les secteurs à haut niveau technologique, son arsenal militaire. Liée aujourd'hui aux Etats-Unis sur le plan des relations internationales, l'Inde entretient avec l'Afrique des relations géopolitiques nettement moins stratégiques que la Chine. Les échanges commerciaux entre l'Inde et l'Afrique ont quintuplé en cinq ans pour atteindre plus de 30 milliards USD en 2007. On observe également des transferts de technologies (par exemple le réseau électronique panafricain pour la télémédecine ou la télé-éducation)192(*) En somme, dans un environnement africain marqué fondamentalement par des jeux plus ouverts et concurrentiels entre les différents acteurs de développement qui s'y déploient ; dans un environnement où les alliances sont aussi contingentes qu'éphémères, le pays du Soleil-Levant ne peut que, si il veut avoir voix au chapitre ici, ajuster ses stratégies et remodeler son offre de coopération en tenant compte du comportement des autres acteurs qui, tout comme lui, affichent de réelles prétentions à jouer les premiers rôles sur le continent africain. L'orientation téléologique de la 4ème TICAD semble donc s'inscrire dans cette logique. * 191 Raphaël Gutmann, « L'Inde et le nouveau partage de l'Afrique : l'affirmation d'une puissance émergente » in Lettre du Centre Asie 23, avril 2008 * 192 Philippe Hugon (2010), op.cit |
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