De la TICAD III à la TICAD IV: enjeux et mutations de la politique africaine de coopération du Japon( Télécharger le fichier original )par Patrick Roger Mbida Université de yaoundé II - Master professionnel 2011 |
ÉPÎTRE DÉDICATOIRE1(*) Ce modeste effort intellectuel est dédié à toi ma mère bien aimée Esther Beyene Ondoua .Puisse ce travail être le témoignage officiel de ma profonde et mon incommensurable gratitude pour tous les sacrifices que tu as eus à faire à mon endroit, toi qui a toujours cru aux vertus de l'éducation et qui me répétais sans cesse « les racines de l'éducation sont certes amères mais ses fruits sont doux comme du miel. » Sois en éternellement remerciée. REMERCIEMENTS Au seuil de ce propos, nous voudrions payer tribut à certaines personnes qui, tout au long de notre parcours jusqu'à l'enfantement de ce travail, nous ont assisté, guidé et fourni une aide quelconque. Tout d'abord, nous voulons exprimer notre profonde gratitude au Pr Jean-Emmanuel PONDI et au Dr Gabriel EBA EBE, respectivement superviseur et directeur de ce présent mémoire. Nous leur remercions pour tous les conseils reçus et l'esprit de rigueur dont ils ont fait montre et qui nous a guidés tout au long de ce travail. Nous remercions également le Dr Jean Joseph ATANGANA, Ministre Conseiller près de l'ambassade du Cameroun à Paris qui a été notre premier guide dans la conception de ce travail et avec qui les échanges fructueux nous ont permis de murir davantage notre analyse sur le sujet. Nos remerciements vont aussi aux Messieurs BENGONO de l'ambassade du Japon à Yaoundé ; ESSISSIMA, Pr Narcisse ABE, SOULEYMANOU du Ministère de l'Economie, de la Programmation et de l'Aménagement du Territoire (MINEPAT) ; Serge ONDOUA et Mme ONGOLA ONDOUA du Ministère de l'Environnement et de la Protection de la Nature (MINEP) pour leur grande disponibilité à échanger avec nous et dont les informations pertinentes récoltées ont permis de réaliser ce travail. A notre famille, particulièrement notre père Claude Marie ALIMA, dont les paroles encourageantes nous ont donné la force et la volonté suffisante pour aller plus loin et toujours faire mieux. A notre oncle et son épouse, M. et Mme ONDOUA et nos grands frères Valery Hilaire OTTOU et Etienne Romuald ONDOUA pour leur assistance significative et la confiance qu'ils ont eu en ce que nous faisions. A tous nos camarades de promotion Diplomatie 2008, particulièrement à Claude JABEA BEKOMBO pour sa disponibilité à lire ce travail à plusieurs reprises et qui nous a permis de corriger de manière substantielle ses erreurs de forme. A Marie - Christelle BENGONO, pour tout le soutient affectif et la grande tendresse qu'elle n'a sans cesse manifesté à notre égard et dont l'assistance psychologique permanente même dans les moments les plus difficiles, nous a permis de garder le cap. Et à tous ces amis (es), et bienfaiteurs que nous ne pouvons citer de façon exhaustive, afin qu'ils trouvent ici le témoignage de notre estime et de notre profonde reconnaissance. LISTE DES ACRONYMES AABF : African Asia Business Forum AAF: Asia Africa Forum AATIC: Asia-Africa Conference on Trade and Investment AELE: Association Européenne de Libre-Echange AICAD: Institut africain pour le développement de la capacité AMISOM : Mission de l'Union Africaine en Somalie APD : Aide Publique au Développement ARI : Initiative pour le Riz Africain BAD : Banque Africaine de Développement CMA : Coalition mondiale pour l'Afrique COMIFAC : Commission des Forêts de l'Afrique Centrale EPA: Economic Planning Agency FAAI: Forum Asie Afrique IDE : investissements directs étrangers IFO : International Financial Operations JBIC : Japan Bank for International Cooperation JICA : Agence japonaise de coopération internationale JOCV : Jeunes Volontaires japonais JSDF : Forces japonaises d'autodéfense MITI : ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie MOFA : ministère japonais des affaires étrangères MOF : ministère japonais des Finances NEPAD: Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique NERICA: New Rice for Africa OCDE : Organisation de Coopération et le Développement Economique ODA: Overseas Economic Operations OIBT : Organisation Internationale des Bois Tropicaux OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement OMP : Opération de Maintien de la Paix ONUMOZ : Mission des Nations Unies au Mozambique ONUSOM : Mission des Nations Unies en Somalie PAY: Plan d'Action de Yokohama PLD : Parti Libéral Démocrate PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement RECAMP: Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix RPC : République Populaire de Chine SSI : institutions somaliennes de sécurité TICAD: Tokyo International Conference on African Development UNAVEM : Mission des Nations Unies pour la Vérification des Accords de paix en Angola USAID : Agence Américaine pour le Développement international LISTE DES ANNEXES · Allocution introductive de junichiro KOIZUMI, premier ministre du japon à l'occasion de la TICAD III tenue à Tokyo le 29 septembre 2003. · Allocution d'ouverture de la 4eme TICAD du premier ministre du japon monsieur yasuo FUKUDA le 28 mai 2008 à Yokohama. · La déclaration commémorative du 10ème anniversaire de la TICAD. · La déclaration de Yokohama du 30mai 2008 SOMMAIRE PREMIERE PARTIE : LE JAPON DANS LA CONFIGURATION MONDIALE CONTEMPORAINE. 21 CHAPITRE I : LE JAPON DANS : L'ARCHICTECTURE INTERNATIONALE : UNE PUISSANCE MOYENNE ? 23 SECTION I : LA NOTION DE PUISSANCE MOYENNE : A LA RECHERCHE D'UN SENS 23 SECTION II : L'ENRACINEMENT DU CONCEPT DE PUISSANCE MOYENNE DANS LA POLITIQUE ETRANGERE DU JAPON 30 CHAPITRE II : LE JAPON EN ASIE : UNE PUISSANCE REGIONALE PARADOXALE ? ....................................................................................................................................................36 SECTION II : APERCU DE LA POLITIQUE DE COOPERATION ASIATIQUE DU JAPON. 40 CHAPITRE III : LE JAPON DANS LE PAYSAGE GEOPOLITIQUE AFRICAIN : UNE PUISSANCE D'APPOINT STRATEGIQUE ? 49 SECTION I : LES CADRES HISTORIQUE ET COGNITIF STRUCTURANTS LES RELATIONS NIPPO-AFRICAINES. 49 SECTION II : LES AMBITIONS AFRICAINES DU JAPON 56 DEUXIEME PARTIE : LE JAPON, LA TICAD IV ET L'AFRIQUE 64 SECTION I : DE « LA BIO COOPERATION » SOUS LA TICAD III... 66 SECTION II : ... A LA « BUSINESS COOPERATION » SOUS LA TICAD IV 71 SECTION III : LA REMANENCE DE LA « BIO COOPERATION » SOUS LA TICAD IV 82 CHAPITRE VI : LE JAPON ET LE CAMEROUN : VERS UN PARTENARIAT RENOVE SOUS LA TICAD IV? 97 SECTION I : LE RECHAUFFEMENT DES RELATIONS DIPLOMATICO-CULTURELLES 97 SECTION II : LES AXES DE COOPERATION NIPPO-CAMEROUNAIS TANGIBLES 101 REFERENCES 107 ANNEXES.....................................................................................................................112
PROLEGOMENESI- PRESENTATION DU SUJETL'année 1989 constitue une période charnière dans l'élaboration de la politique africaine du Japon. En effet, elle marque la fin de la «diplomatie duale » qui a depuis les années 1960 structuré les rapports entre l'Empire du Soleil - Levant et le continent africain. Diplomatie ayant fait l'objet de critiques acerbes venant des pays d'Afrique noire du fait non seulement de son caractère inéquitable, mais beaucoup plus de son orientation résolument pro apartheid.2(*) C'est pour rompre avec cette politique qui écornait significativement l'image de marque du Japon au sein de la majorité des pays africains que le ministère japonais des affaires étrangères (MOFA), déclarait que cette année constituait « l'inauguration de sa nouvelle politique extérieure vis-à-vis de l'Afrique ».Afin d'assumer pleinement cette annonce, il se réengagea dans un projet d'aide au développement de l'Afrique, parallèlement à l'examen d'aspects politiques tels que les problèmes de l'Afrique australe et à la promotion d'une compréhension mutuelle à travers des échanges personnels et culturels3(*). Cependant, dans un contexte international où les questions africaines étaient devenues marginales dans le système politico-économique mondial avec la libéralisation économique et politique de l'après-guerre froide, c'est dans ces circonstances que le gouvernement japonais par la voix son Premier ministre de l'époque Toshiki Kaïfu qui, devant la tribune de la 46ème session de Assemblée Générale des Nations Unies en décembre 1991 déclinait l'intention de son pays, d'organiser une conférence sur le développement de l'Afrique dans la finalité de forger un consensus au niveau des partenaires internationaux sur la nécessité d'agir et de mobiliser des ressources pour ce continent. Cette déclaration arrivait à point nommé au moment où l'Assemblée Générale des Nations Unies avait adopté le Nouvel Ordre du jour des Nations Unies pour le développement de l'Afrique dans les années 1990. L'année 1993 fut ainsi choisie par le Japon pour organiser une plate forme mondiale devant inciter l'Afrique et l'Asie à collaborer en vue d'assurer le développement de l'Afrique. Cette plate forme fut baptisée la Tokyo International Conference on African Development : TICAD. Articulé principalement autour du double concept de « l'appropriation » par l'Afrique de son propre programme de développement et de l'édification d'un véritable « partenariat » avec la communauté internationale dans la mise en oeuvre dudit programme, le Processus de la TICAD a également joué le rôle de pont entre l'Asie et l'Afrique tout en servant de mécanisme à travers lequel les aspects pertinents de l'expérience acquise par l'Asie en matière de développement peuvent être appliqués à l'Afrique ; dans le même temps, et à chaque fois que cela a été convenu d'accord parties, le processus a pu tirer le meilleur profit de la coopération triangulaire/trilatérale entre le Japon et des pays africains4(*). L'initiative TICAD est décrite par le gouvernement japonais comme le noyau même de la politique africaine du Japon. En effet, le Livre bleu de la diplomatie 2003, qui est le rapport annuel officiel du MOFA consacre plus de 85 % de sa partie sur la politique africaine à la TICAD et indique que, «ces dernières années, le Japon a renforcé les efforts pour les problématiques auxquelles est confronté l'Afrique. Ainsi, le noyau même de ces efforts est le processus TICAD». Ainsi, d'après la formulation officielle, le gouvernement japonais se propose d'organiser un forum international, où les pays africains, les bailleurs de fonds et les organisations internationales discutent des grandes problématiques de l'Afrique, d'où la co-organisation par les agences internationales, telles que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), les Nations unies (le Bureau du conseiller spécial pour l'Afrique), la Coalition mondiale pour l'Afrique (CMA) ou la Banque mondiale5(*). Néanmoins, derrière le visage multilatéral de ce grand forum qui est présenté, il n'en demeure pas moins qu'en réalité, l'on peut s'accorder avec Obayashi que cette conférence est non seulement organisée par le Japon, mais également pour le Japon, du moins si on s'en tient seulement à l'investissement significatif de ce dernier pour la réussite de cette grande messe. C'est ainsi par exemple, tous les frais liés à son organisation, des préparatifs au suivi, et même une grande partie de ceux liés à la participation des pays africains, sont pris en charge par le gouvernement japonais. De même, l'agenda, le contenu, ainsi que les documents et déclarations issus de la conférence sont scrupuleusement étudiés, point par point, par le gouvernement japonais avant d'être proposés à d'autres organisateurs et participants6(*). Conférence quinquennale, cette « grand-messe » incarne aussi une conception du développement de l'Afrique qui prend en compte le principe du partenariat mondial fondé sur l'égalité entre tous les partenaires. Elle s'est déjà tenue en quatre sessions connues sous les vocables de TICAD I, TICAD II, TICAD III, et TICAD IV. La première TICAD s'est tenue en octobre 1993. Près de 1000 participants issus de 48 pays africains, de 13 pays donateurs, de 10 organisations et plus de 45 pays et organismes venus en qualité d'observateur ont assisté à la conférence7(*). La conférence s'est penchée sur des thèmes tels que la réforme politique et économique, le développement du secteur privé, l'intégration et la coopération régionale, l'expérience de l'Asie au service du développement de l'Afrique, ainsi que la coopération internationale. Le Premier ministre japonais, Moriteru Hosokawa a annoncé l'intention du Japon d'offrir son soutien à la démocratisation en Afrique et à l'ajustement structurel, à la coopération en matière de formation en priorité, ainsi qu'à l'exercice d'une aide efficace8(*). Les participants ont adopté la « déclaration de Tokyo sur le développement de l'Afrique », prônant une coopération dynamique qui servirait de base aux nouvelles orientations de l'ONU pour le développement du continent dans les années 1990. Les trois points essentiels de la déclaration de Tokyo ont concerné la critique de la dépendance excessive de l'Afrique par rapport à l'Aide Publique au Développement (APD), un encouragement à l'appropriation par les pays africains de leur démocratisation et de leur bonne gouvernance, ainsi qu'une proposition d'organiser dans le cadre de la coopération Sud -Sud, un séminaire Asie-Afrique9(*). C'est ainsi que le premier forum Asie-Afrique (FAAI) s'est tenu en Indonésie en 1994 et a identifié les secteurs spécifiques où l'expérience asiatique serait utile. Le second a eu lieu en Thaïlande en 1997 dont l'objet a été d'évaluer les progrès effectués depuis le FAAI et de préparer les bases de la TICAD II. La deuxième TICAD a été organisée du 19 au 21 octobre 1998. Ainsi, ont participé 80 nations y compris 51 pays d'Afrique, 10 pays10(*) d'Asie et 16 pays donateurs ainsi que 40 organisations internationales, 13 chefs d'Etat et de gouvernement y ont assisté ainsi que des représentants du secteur privé et des ONG. Un progrès depuis la TICAD I a été observé, celui du cadre des réformes économiques et politiques destinées à promouvoir les principes démocratiques ainsi que des activités commerciales orientées vers le marché. La conférence a dû également se pencher sur les problèmes de paupérisation croissante ainsi que sur les problèmes de gouvernance qui continuent d'entraver le développement de l'Afrique. Les délibérations de la TICAD II étayées par de vastes consultations lors des réunions préparatoires ont culminé avec le « plan d'action de Tokyo », évoqué supra. Le Premier ministre japonais Keizo Obushi a saisi cette occasion pour annoncer que son gouvernement envisage d'accorder une somme d'environ 90 milliards de yens (près de 450 milliards de FCFA) au cours des cinq années suivantes, répartie entre les domaines de l'éducation, de la santé, de la médecine et de l'eau. L'agenda politique a occupé une place centrale dans la TICAD II que lors de la première. En marge de celle-ci, le Japon a organisé 14 rencontres bilatérales entre le Premier ministre nippon et les chefs d'Etat africains, et 15 autres entre le ministre japonais des affaires étrangères et ses homologues africains11(*). La troisième TICAD a eu lieu du 29 septembre au 1er octobre 2003. Des délégués de 89 pays, dont 50 pays africains et 47 organismes internationaux, ainsi que des organisations civiles, y ont participé. Elle a eu pour ordre du jour la question d'un soutien unifié au NEPAD, lequel incarne l'appropriation par l'Afrique du processus de développement, et a envisagé l'expansion du partenariat mondial pour le développement de ce continent en encourageant la coopération Asie-Afrique. Une attention particulière a été accordée à la sécurité des personnes et à la consolidation de la paix pour les peuples africains. En dépit de l'annonce faite par le premier ministre japonais Junichori Koïzumi, dans son allocution d'ouverture d'un objectif d'aide japonaise à l'Afrique d'un montant total de 1 milliard de dollars US (sous formes de dons) pour les cinq années à venir dans les domaines de la santé , des soins médicaux et de la fameuse « déclaration commémorative du 10ème anniversaire de la TICAD »12(*), la TICAD III ne « comportera aucune nouveauté de fond, ni même l'annonce d'une augmentation de l'APD en direction de l'Afrique ». En revanche, l'agenda politique a occupé une place toujours aussi centrale. Le Japon a organisé 23 entretiens bilatéraux entre le Premier ministre japonais et les chefs d'Etat africains, qui avaient pour objectifs la consolidation de la paix en Afrique, point crucial du discours du président de la conférence de la TICAD III13(*) La TICAD IV La quatrième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (TICAD IV), s'est tenue quant à elle à Yokohama du 28 au 30 mai 2008 pour marquer le quinzième anniversaire de l'initiative nippone. Sous la présidence du premier ministre japonais Yasuo Fukuda, elle a rassemblé 51 pays africains, 74 organisations internationales et régionales, le secteur privé, des organisations issues de la société civile et des personnalités éminentes, qui ont contribué aux débats14(*). Organisée sous le thème « Vers une Afrique qui gagne : un continent d'espoir et d'opportunités », la TICAD IV s'est fixée les trois priorités suivantes : · Encourager la croissance économique ; · Assurer la « sécurité humaine », y compris la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), la consolidation de la paix et la démocratisation ; et · Traiter des questions de l'environnement et du changement climatique15(*). Les résultats de la TICAD IV devaient nourrir les travaux du Sommet du G-8 de Hokkaido Toyako qui s'est déroulé du 7 au 9 juillet 2008. Trois documents piliers ont été adoptés, à l'issue de cette Conférence internationale, à savoir, « La Déclaration de Yokohama », « Le Plan d'action de Yokohama », « Le mécanisme du suivi de la Ticad ». Le premier confirme l'engagement politique du Japon et d'autres partenaires en faveur du développement de l'Afrique. Le deuxième définit les mesures à mettre en oeuvre au cours des cinq prochaines années. Et le 3ème document, pour en surveiller la mise en oeuvre et en évaluer les impacts. Cependant, une lecture attentive de l'évaluation critique qui est faite au processus de la Ticad I à III qui, non seulement « manque d'originalité des discussions contrairement à d'autres réunions internationales. En effet, la plupart d'entre elles se limitent à la reprise des débats et des thèmes déjà abordés dans d'autres instances internationales, et sans valeur ajoutée. » Mais bien plus, la Ticad I à III semble se résumer à un simple « instrument de visibilité pour une meilleure présence diplomatique en Afrique et dans le monde. » N'étant pas dans sons orientation jusqu'ici destiné à renforcer ou concrétiser son engagement au développement africain16(*). S'agissant de la Ticad III, reproche lui est fait d'avoir un manque d'intérêt de la part des autorités japonaises. En effet, sur le site Internet du MOFA, une page est consacrée à «TICAD III - descriptif et évaluation». Elle se limite principalement à énumérer les participants (le nombre de chefs d'Etat, les personnalités) et à résumer l'accueil que la TICAD a reçu de l'ensemble de ces participants ; la substance n'est évoquée que de façon partielle. Ceci est significatif du rôle que le gouvernement japonais accorde à ce processus, qui est avant tout une vitrine diplomatique17(*). Mais également, lorsqu'on observe toute la frénésie qui a entouré la préparation de la Ticad IV, aussi bien dans le cadre de la production scientifique18(*) que sur le plan des déclarations des autorités officielles nippones19(*) De même, de toute l'effervescence mobilisatrice qu'elle a connue20(*). La convergence de tous ces indicateurs laissent entrevoir il nous semble, par le biais de la TICAD IV, qu'une certaine configuration nouvelle de la politique africaine de coopération du Japon tendrait ainsi à prendre forme21(*). Le présent effort intellectuel en gestation présente à nos yeux un double intérêt : un intérêt heuristique (a) et un intérêt pratique (b). a) l'intérêt heuristiqueUne lecture attentive de la scène internationale fait ressortir qu'elle est « habitée de stratégies multiples d'Etats qui s'affaiblissent, résistent ou prospèrent en jouant sur des registres variés, mêlant et bricolant des partitions, passant tour à tour dans la force et la faiblesse des compromis puissants ou boiteux »22(*). Longtemps dominée par les puissances occidentales, la sphère de la coopération, particulièrement avec l'Afrique subit aujourd'hui des mutations car elle voit l'irruption en son sein des pays dits « émergents »23(*). Tous ces pays viennent ainsi concurrencer sérieusement les pays occidentaux en matière d'offre de développement à l'Afrique. Face aux multiples critiques qui ont été adressées au modèle occidental de coopération qui est jugé inéquitable, infructueux, vicié...24(*)Le modèle asiatique en revanche, jugé juste et équitable, le continent africain tend à devenir un vaste champ de déploiement des puissances asiatiques qui trouvent un écho favorable à leurs offres de développement. Le Japon n'échappe donc pas à cette tendance. Que le Japon entende élargir sa zone d'influence en prenant appui sur le continent africain, confirme que l'étendue du changement de politique étrangère dépend de l'intensité du changement de la configuration de puissance à l'échelle internationale ; mais aussi que l'orientation de ce changement de politique étrangère dépend du processus interne. Ce revirement d'attitude met en lumière les motivations et indicateurs essentiels qui déterminent les tendances générales de la politique étrangère nippone, en soulignant ce que le Pr Luc Sindjoun appelle « l'articulation entre l'interne et l'international »25(*). Aussi, dans le cadre de notre thématique, les observateurs que nous sommes, au rythme même de l'évolution des sociétés et de l'état du monde, nous sommes contraints de revenir sur des questions inhérentes à la politique étrangère, la coopération, l'interdépendance, la diplomatie ou la puissance, auxquelles sont soumises notre intelligibilité26(*). Ceci est d'autant plus pertinent que pour certains auteurs à l'instar de Zaki Laidi27(*), la temporalité politique de l'Empire du Soleil-Levant « redonne vie à des grilles de lecture classiques du système international ». Le Japon qui apparaît aujourd'hui, dans le paysage géopolitique africain comme « une puissance d'appoint stratégique » suivant la formule consacrée par Joseph Vincent Ntuda Ebode28(*), constitue à notre avis une piste de recherche intéressante. * 1 Nous avons emprunté ce néologisme à T. HOBBES, philosophe Anglais qui a dédicacé son ouvrage séminal Le Léviathan (paru en 1651) à son « très honorable ami » Francis GODOLPHIN de Godolphin * 2 Pour plus de détails sur cette « diplomatie duale » du Japon à l'égard de l'Afrique, cf. Jun Morikawa (1997), Japan and Africa. Big business and diplomacy. London: Hust and Company. * 3 S. Kamo. (2004), "De l'engagement économique à l'engagement politique africain du Japon ". Afrique Contemporaine. N° 212. 4e trimestre, P. 58 * 4 Cf. Rapport annuel 2008 sur la réalisation du Plan d'Action de la 4ème TICAD.P 04 * 5 M.Obayashi (2004), " Ticad, un processus favorable pour le développement de l'Afrique ? " Afrique Contemporaine, n°212. 4e trimestre. p.78 * 6 Idem * 7 dont notamment cinq pays africains conduits par leurs Présidents à savoir l'Ougandais Yoweri Museveni, le Ghanéen Jerry Rawlings, le Burkinabé Blaise Compaoré, le Botswanais Keith Masire et le Béninois Nicéphore Soglo * 8 S. Kamo (2004), op.cit; J. Morikawa (1997), Japan and Africa. Big business and diplomacy. London: Hust and Company. * 9 M. Aicardi de Saint-Paul, (1993), " Le Japon et l'Afrique : la Ticad et la déclaration de Tokyo ". Marchés Tropicaux. N° 2503. Pp. 2624 - 2625. * 10 Brunei, Chine, Inde, Indonésie, Corée du Sud, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam. * 11 M. Aicardi de Saint Paul, (1998)." Un donateur atypique : le Japon " in Afrique Contemporaine N° 188. 4eTrimestre, p.159. * 12 Cf annexe * 13 S. Kamo (2004), op. cit, p.65 * 14 Participaient également à la conférence des représentants de 34 pays partenaires, y compris le G8 et des pays d'Asie. * 15 Résumé par le président de la TICAD IV, Yokohama 30 mai 2008, pp : 1-2 in www.ticad.net * 16 Obayashi (2004), op.cit, pp : 79-81. * 17 Idem, p.80 * 18 J. Kita (a), « Vers un changement politique majeur au Japon ? », La lettre du Centre Asie Ifri, n°22 du 15 Avril 2008. J. Kita. (b), « La 4ème TICAD : accélération de la coopération Japon-Afrique », la lettre du Centre Asie Ifri, n° 26 du 10Juin 2008. * 19 Le moment est venu pour le Ticad de faire un pas en avant significatif» a déclaré à la veille du sommet le ministre des Affaires étrangères japonais, Masahisko Koumoura, soulignant que la rencontre représentera l'occasion de définir des mécanismes et des stratégies de développement pour l'Afrique à long terme. Aussi, le Japon, comme le souligne le Financial Times dans un article publié le 27 Mai 2008, avait regardé le continent africain avec une certaine «distraction» ces dernières années, comme le prouve la récente diminution de 30% des aides au développement allouées par Tokyo à l'Afrique. C'est ainsi qu'à la veille de la conférence, la capitale japonaise s'est empressée d'annoncer une hausse de l'aide au développement qui, entre subventions et lignes de crédits préférentielles, devrait arriver à dépasser, selon l'agence de presse mozambicaine Aim, les cinq milliards d'euros d'ici 2012. * 20 Jamais depuis 1993, année de la Ticad I, cette conférence n'a connu une telle audience internationale en termes de participation au sommet, du nombre de réunions préparatoires ou encore d'engagement significatif de la part du Japon. * 21 Même si ses contours et ses lignes directrices restent tout de même à préciser. * 22 B. Badie (1999), Un monde sans souveraineté. Les Etats entre ruse et responsabilité. Paris: Fayard, p.16 * 23 Parmi eux, figurent le Brésil, l'Inde, la Chine... * 24 A ce titre, il existe une abondante littérature parmi laquelle nous pouvons citer les travaux de Sogge (2003) ; Goulet et Hudson (1970) ; Mende Tibor (1975) ; Hayter (1971) ; Mbida (2007). * 25 L. Sindjoun (1999), Sciences politiques réflexives et savoirs sur les pratiques politiques en Afrique noire. Dakar : Codesria, p.13 * 26 S.C Alima Zoa (2008), « Les clés de l'offensive politico-diplomatique du Japon en direction Afrique et du Cameroun depuis 1991 » ; Mémoire de DEA/Science Politique, FSJP, Université de Yaoundé II- Soa, p.09 * 27Z. Laidi (dir.) (1992), L'ordre mondial relâché. Sens et puissance après la guerre froide. Paris : Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, p.62 * 28J.V Ntuda Ebode (2005), " Le Japon dans le paysage géopolitique africain : Une puissance d'appoint stratégique ". Revue Africaine d'Etudes Politiques et Stratégiques. Université de Yaoundé II, N°04. |
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