CONCLUSION GENERALE
En définitive, il ressort clairement au terme de notre
étude que toutes nos hypothèses ont été
vérifiées et confirmées. Rappelons-le, ces
hypothèses avancent l'idée qu'en dépit de l'inclusion dans
le Statut du TPIR des violations de l'article 3 commun au Conventions de
Genève et du Protocole II, la répression de ces violations par ce
Tribunal n'est pas satisfaisante.
Dans un premier temps, nous avons évalué et
présenté la compétence du TPIR en la matière. Puis
nous avons analysé les critères de l'application des dits textes
légaux, et enfin les résultats obtenus nous ont permis de
dégager certaines raisons qui font le que l'état actuel de la
répression des violations de l'article de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève ne soit pas satisfaisant.
L'examen de la jurisprudence du TPIR démontre que la
répression des violations de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II soulève certaines
difficultés depuis les premières affaires portées devant
cette juridiction. On constate que pendant longtemps, le Procureur n'avait
obtenu aucune condamnation surtout dans le cas des civils.
En effet, l'une des questions les plus importantes à
laquelle était confrontée le TPIR à ses débuts
était celle du fondement de l'inclusion des violations du droit
international humanitaire commises en période de conflit armé non
international. Si l'on a vu en effet que le Conseil de sécurité
n'avait pas hésité à inclure les violations de l'article 3
commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II, il
n'était pas évident à l'époque que ces dispositions
puissent engager la responsabilité pénale de leur auteur en droit
international.
Certes, la mention par l'article 4 du Statut du TPIR de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et le Protocole additionnel
II, à défaut d'une reconnaissance stricto sensu de leur
caractère coutumier intrinsèque, constituait une manifestation du
caractère innovateur du Statut du TPIR en ce sens qu'il est le premier
instrument juridique international qui consacre la criminalisation des
violations graves du droit humanitaire dans un conflit armé interne.
Certains jugements du TPIR se sont contentés, comme
l'avait fait la Commission d'experts, de rappeler l'adhésion du Rwanda
à ces textes pour fonder leur applicabilité. Le Tribunal ne s'est
pas pour autant systématiquement dérobé à sa
responsabilité sur ce point, et a cherché à
démontrer que, même en l'absence d'adhésion
spécifique, les dispositions pertinentes seraient de toute façon
applicables du fait de leur statut coutumier en droit international.
La question était un peu plus complexe pour le
Protocole II qui représentait la véritable marge de
créativité du Tribunal. Ce dernier a cependant
considéré que si l'intégralité du Protocole
additionnel II n'avait pas basculé dans le champ coutumier, les articles
reproduits dans son statut étaient ceux relatifs aux garanties
fondamentales, qui ne font que compléter les garanties de l'article 3
commun aux Conventions de Genève.
De plus, nous avons constaté que si le TPIR est parvenu
à s'acquitter de sa tâche de justifier le caractère
légal des ces textes légaux en trouvant le fondement de l'article
4 de son Statut tant dans le droit international conventionnel que dans le
droit international coutumier, la mise en application de cet article devant ce
Tribunal a posé quelques problèmes quant à la
répression des violations contenues dans ledit article. Certains des ces
problèmes sont liés à la preuve du lien de
connexité entre le conflit armé et l'acte incriminé, ainsi
qu'au traitement inégal des infractions poursuivies par le TPIR.
Les problèmes relatifs à la preuve du lien de
connexité entre le conflit et l'acte incriminé sont dus au fait
que dans un premier temps les chambres de première instance du TPIR ont
adopté une approche restrictive dans l'appréciation de la
responsabilité pénale pour les violations de l'article 3 commun
et du Protocole additionnel II. Pour ce faire, les juges ont souvent
estimé que les actes commis par les accusés étaient
constitutifs d'une participation au génocide et ne présentent
aucun rapport avec le conflit armé rwandais. En 2003, cette attitude des
chambres a été critiquée et sanctionnée par le
Chambre d'appel du TPIR dans l'affaire Rutaganda. Ce bon déductif ayant
fait défaut dans les affaires précédentes rendues par les
Chambres de première instance, on espérait que ces
dernières exerceraient leur compétence relativement à ces
violations.
Cependant, le constat qui s'impose est que les Chambres de
première instance du TPIR, malgré la décision de la
Chambre d'appel dans l'affaire Rutaganda, ont continué à
maintenir leur position. En 2004 par exemple, le Tribunal n'a pas retenu la
responsabilité pénale de Kamuhanda au titre de ces violations. Le
motif de la position du Tribunal est toujours l'inexistence du lien de
connexité entre les crimes qu'il a commis et le conflit armé.
Pour remédier à cela, nous plaidons en premier
lieu pour une interprétation plus large et une application plus souple
non sujette à des conditions rigides de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II. De cette
manière, comme nous l'avons déjà indiqué
supra, s'ouvrira la possibilité de rapprocher les actes de
participation au génocide et les violations du droit humanitaire commis
lors du conflit armé rwandais. Partant, nous constatons, qu'on ne
devrait pas limiter la responsabilité pénale pour violations de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel
II à une certaine catégorie de personnes et proposons aux
Chambres de première instance du TPIR d'adopter une attitude unanime
qui va dans le sens de celle de la Chambre d'appel du TPIR. Une telle attitude
contribuera sûrement pour le Tribunal à exercer sa
compétence en la matière et à éviter les
conséquences futures pouvant résulter de cette divergence sur la
scène internationale.
Il ressort que parmi les infractions qui entrent dans la
compétence du TPIR, il existe un traitement inégal
découlant du fait que le TPIR a fait une hiérarchisation des
infractions selon leur ordre d'importance et que d'après cette
construction les violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel
II occupent la dernière place et sont considérées comme
les crimes moindres. Il sied de déplorer que cette construction
hiérarchique pourrait conduire à une disproportion des peines
voire à l'absence de poursuite ou de condamnation. Le juge ne devrait
pas se référer exclusivement au rang qu'occupe l'acte dans la
hiérarchie mais plutôt à la gravité des
dégâts causés par un tel ou tel acte.
En définitive, nous n'avons aucune prétention
d'avoir épuisé la question de l'application de l'article 3 commun
aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II car c'est une
matière complexe. Le cadre du mémoire dans lequel nous avons
travaillé ne permet pas d'être exhaustif. Cependant, nous
espérons que les points essentiels que nous avons pu développer
peuvent constituer un apport constructif en droit international humanitaire et
plus spécialement en ce qui concerne la pratique des juridictions
pénales internationales sur la répression des violations commises
dans un conflit armé de caractère non international.
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