L'application par les juridictions répressives internationales de l'article 3 commun aux conventions de Genève et du protocole additionnel II auxdites conventions: cas du tribunal pénal international pour le Rwanda( Télécharger le fichier original )par Jean Baptiste UWIHOREYE MUKARAGE Universite Nationale du Rwanda - Licence en Droit 2006 |
C. Défaillance du supérieur hiérarchique de prendre les mesures pour empêcher ou réprimer le crimeEn principe le supérieur hiérarchique responsable et informé doit agir pour empêcher ou réprimer l'infraction sous peine de voir sa responsabilité engagée. Concrètement, la règle exige aussi bien des actions préventives que des actions répressives. Les devoirs exprès des commandants font l'objet de dispositions détaillées à l'article 87 du Protocole additionnel I. En effet, le texte prévoit simplement que des mesures nécessaires doivent être prises par le supérieur hiérarchique sans indication expresse du genre de mesures à prendre par celui-ci. Dans l'affaire Bagilishema, la Chambre de première instance a donné des éclaircissements sur cette notion et a conclu en ces termes: [...] l'expression "mesures nécessaires" s'entend des mesures indispensables que doit prendre le supérieur pour s'acquitter de l'obligation d'empêcher ou de punir la Commission d'une infraction dans les circonstances du moment, l'expression "mesures raisonnables" s'entendant des mesures que le supérieur est à même de prendre dans les circonstances du moment 72(*). Il s'ensuit que le supérieur ne peut toutefois être tenu responsable que pour ne pas avoir pris les mesures qui étaient en son pouvoir de prendre. En effet, c'est le degré de contrôle effectif du supérieur - la capacité matérielle de contrôle qui est la sienne - qui doit permettre à la Chambre de déterminer s'il a pris les mesures raisonnables pour empêcher ou punir les crimes de ses subordonnés. Une telle capacité matérielle ne peut se concevoir dans l'abstrait, mais doit être appréciée au cas par cas, compte tenu de toutes les circonstances73(*). D'une manière générale, nous constatons que l'obligation qui s'impose au supérieur hiérarchique comprend deux facettes : prévenir la Commission du crime et punir les auteurs. Ceci étant, l'auteur ne peut se dégager de sa responsabilité pénale en alléguant par exemple que même s'il n'a pas pu empêcher la Commission du crime, il a au moins puni les auteurs. C'est dans ce sens que dans l'affaire Bagilishema la Chambre de première instance du TPIR a estimé que : « [...] l'obligation faite au supérieur d'empêcher ou de punir le crime ne place pas l'accusé face à plusieurs options. Ainsi le supérieur qui savait ou avait des raisons de savoir que ses subordonnés étaient sur le point de commettre des crimes et qui ne les en a pas empêchés ne peut-il compenser ce manquement en punissant après coup lesdits subordonnés » 74(*). A la lumière de l'analyse qui précède, force est de constater que le supérieur hiérarchique est soumis à une obligation de moyen. Sa responsabilité sera appréciée en tenant compte des moyens ou des mesures qu'il avait à sa disposition pour empêcher le crime ou en punir les auteurs. La responsabilité du supérieur ne peut pas être engagée par le fait qu'il n'a pas réussi à empêcher ses subordonnés de commettre les crimes ou les punir. La responsabilité qu'il encourt découle d'une intention coupable ou d'une omission de sa part. Evidemment, les mesures à prendre dépendent du poste occupé par le supérieur ; dans certaines circonstances, il peut s'acquitter de son obligation d'empêcher ou de punir en signalant aux autorités compétentes. * 72 Jugement Bagilishema, op. cit., §. 47. * 73 Id., §. 48. * 74 Id., §. 49. |
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