A Dieu Tout-Puissant ;
A nos chers parents ;
A nos chers frères et soeurs ;
A nos camarades de la promotion ;
A tous nos amis et connaissances ;
Nous dédions ce mémoire.
REMERCIEMENTS
La rédaction d'un mémoire est un travail de
longue haleine qu'on ne peut prétendre mener seul. Plusieurs personnes
ont contribué tant moralement que matériellement à la
réalisation du présent mémoire. Nous tenons donc à
leur témoigner l'expression de notre reconnaissance.
Nous tenons à remercier particulièrement
Monsieur Hervé GOGO, coordinateur de jugements au TPIR, qui a
accepté la direction de ce travail malgré ses multiples
responsabilités. Puisse-t-il trouver ici l'expression de notre gratitude
pour ses conseils, son dévouement et la patience dont il a fait preuve
pour que ce travail aboutisse. Nous n'oublierons pas tout le personnel de la
Section de Bibliothèque et référence au sein du
TPIR-Arusha, celui de la Bibliothèque du Bureau du Procureur Adjoint
à Remera, et celui du Centre d'Information Umusanzu mu Bwiyunge
pour la documentation qu'ils ont mise à notre disposition.
L'accès à cette documentation nous a été utile dans
la réalisation de ce travail.
Nos sincères remerciements s'adressent également
au personnel de l'Université Nationale du Rwanda, plus
particulièrement aux enseignants de la Faculté de Droit qui ont
contribué à notre formation intellectuelle. Leur encadrement,
leurs conseils et leur encouragement nous furent d'une grande utilité.
Nous sommes particulièrement reconnaissant envers nos
parents, nos frères et soeurs et amis pour leur soutien
indéfectible. Nous pensons également à la famille Naphtal
KARAKE, la famille Saïd RWAGASANA, la famille Elisée BISENGIMANA,
la famille Vedaste NGIRINSHUTI, la famille Eric SEZIBERA, la famille Laurent
SIBORUREMA, Anastase HAKIZIMANA, Placide K. HABINEZA, Claude MANIRAKIZA, Alice
UWITUZE, Anastasie URUSARO, Lambert HAKIZIMANA, Charles MUNYAMBONERA, Vedaste
NKURUNZIZA et René Christian UMUKUNZI.
Nous remercions également toutes les personnes qui, de
loin ou de près, nous ont soutenu dans la réalisation du
présent mémoire mais que l'espace réduite de cette page ne
nous permet malheureusement pas de citer nommément.
J. Baptiste UWIHOREYE-MUKARAGE
SIGLES
ET ABREVIATIONS
§ : Paragraphe
§§ : Paragraphes
A.F.D.I. : Annuaire Français de Droit International
A.J.P.I. : Actualité de la jurisprudence
pénale internationale
al. : Alinéa
Art. : Article
c. : Contre
C.I.C.R. : Comite International de la Croix-Rouge
C.P.C.C.S.A. : Code de procédure civile, commerciale,
sociale et administrative
CREDHO : Centre de Recherches et d'études sur les
Droits de l'Homme
D.L. : Décret-loi
Dir. : Directeur
Ed. : Edition
et al. : et alii (et autres)
ETO : Ecole Technique Officielle
F.A.R. : Forces Armées Rwandaises
F.P.R. : Front Patriotique Rwandais
Htm : Hyper Text Markup
http : Hyper Text Transfer Protocol
I.C.T.R : International Criminal Tribunal for
Rwanda
I.T : International Tribunal
Ibid. : Ibidem (au même endroit)
Id. : Idem (le même)
Infra : ci-dessus (plus bas,
plus loin, ci-après)
J.O.R.R. : Journal Officiel de la République du
Rwanda
L.R.T.W.C : Law Reports of Trials of War
Criminals
M.R.N.D. : Mouvement Révolutionnaire National de
Développement
MINUAR : Mission des Nations Unies pour l'Assistance au
Rwanda
n° : Numéro
O.N.U. : Organisation des Nations Unies
O.U.A. : Organisation de l'Unité Africaine
Op. cit. : opere citato (ouvrage
déjà cité)
p. : Page
pp. : Pages
R.D.I. : Revue de Droit International
R.D.P.B. : Revue de Droit Public Belge
R.P.P. : Règlement de procédure et
de preuve
RTLM : Radio Télévision de Mille
Collines
S.S. : Schutzstaffel (Echelon de
protection)
Sec. : Section
ss. : Suivants
Supra : Plus haut
T. : Tome
T.M.I. : Tribunal Militaire International
T.P.I.R : Tribunal Pénal International pour le
Rwanda
T.P.I.Y. : Tribunal Pénal International pour l'ex.
Yougoslavie
U.L.K. : Université Libre de Kigali
U.N.R. : Université Nationale du Rwanda
U.R.S.S. : Union des Républiques Socialistes
Soviétiques
Vol. : Volume
Voy. : Voyez
WWW : World Wide Web
TABLE DES MATIERES
Pages
REMERCIEMENTS
ii
SIGLES ET ABREVIATIONS
iii
TABLE DES MATIERES
v
INTRODUCTION GENERALE
1
1. Présentation du sujet
1
2. Choix et intérêt du sujet
4
3. Problématique
5
4. Hypothèses du travail
6
5. Méthodes et techniques
utilisées
6
6. Délimitation du sujet
7
7. Subdivision du travail
8
CHAPITRE I :LA MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE
PENALE INDIVIDUELLE EN MATIERE DE VIOLATIONS DE L'ARTICLE 3 COMMUN AUX
CONVENTIONS DE GENEVE ET D U PROTOCOLE ADDITIONNEL IIDEVANT LE TPIR
9
SECTION I : LA COMPETENCE DU TRIBUNAL A
L'EGARD DES VIOLATIONS DE L'ARTICLE 3 COMMUN AUX CONVENTIONS DE GENEVE ET DU
PROTOCOLE ADDITIONNEL II
10
§1. Compétence personnelle
10
§2. Compétence territoriale et
temporaire
12
§3. Compétence matérielle
13
SECTION II : LA DETERMINATION DE LA
RESPONSABILITE PENALE INDIVIDUELLE DE L'ACCUSE
15
§1. La responsabilité pénale au
regard de l'article 6 (1) du Statut du TPIR
15
I. La participation au fait incriminé
(Actus reus)
16
II. L'élément moral (Mens
rea)
19
§2. La responsabilité pénale au
regard de l'article 6 (3) du Statut du TPIR
20
I. Les conditions d'existence de la
responsabilité du supérieur hiérarchique
20
A. Le lien de subordination entre le
supérieur hiérarchique et les auteurs de
l'infraction
21
B. La connaissance ou les informations permettant
le supérieur de conclure qu'un crime était ou allait être
commis
22
C. Défaillance du supérieur
hiérarchique de prendre les mesures pour empêcher ou
réprimer le crime
24
I. La portée de la responsabilité du
supérieur hiérarchique
26
A. La responsabilité pénale des
supérieurs hiérarchiques militaires
26
B. La responsabilité pénale des
supérieurs hiérarchiques civils
27
CHAPITRE II : LES CRITERES D'APPLICATION DE
L'ARTICLE 3 COMMUN AUX CONVENTIONS DE GENEVE ET DU PROTOCOLE ADDITIONNEL II
30
SECTION I : LES CRITERES D'ORDRE GENERAL
30
§1. L'élément légal
31
I. La légalité des incriminations
32
II. La légalité des peines
37
§2. L'élément
matériel
38
§3. L'élément moral
40
SECTION II : LES CRITERES D'ORDRE
SPECIFIQUE
42
§1. Un conflit armé de caractère
non international
43
I. Un conflit ne présentant pas un
caractère international
43
II. Un conflit répondant aux exigences de
l'article 3 commun et du Protocole additionnel II
44
§2. Champ d'application personnel
49
I. L'auteur de l'infraction
49
II. Les personnes victimes des violations de
l'article 3 commun et du Protocole additionnel II
52
§3. Le champ d'application
« ratione loci »
54
§4. Un lien de connexité entre la
violation et le conflit armé
56
CHAPITRE III : LA REPRESSION PAR LE TPIR DES
VIOLATIONS DE L'ARTICLE 3 COMMUN ET DU PROTOCOLE ADDITIONNEL
II
60
SECTION I : LES CRIMES DEFERES DEVANT LE TPIR
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 3 COMMUN ET DU PROTOCOLE ADDITIONNEL
II
60
§1. Le meurtre
60
§2. La torture
62
§3. Le viol et les violences sexuelles
64
SECTION II : LES DIFFICULTES DANS
L'APPLICATION DE L'ARTICLE 3 COMMUN ET DU PROTOCOLE ADDITIONNEL II
66
§1. L'état actuel de la
répression par le TPIR des violations de l'article 3 commun et du
Protocole additionnel II
66
§2. Quelques raisons qui sous-tendent
l'attitude du TPIR au regard des violations de l'article 3 commun et du
Protocole additionnel II
68
I. La superposition des crimes relevant de la
compétence matérielle du TPIR
68
II. L'approche restrictive du TPIR dans
l'appréciation du lien de connexité entre le crime
allégué et le conflit armé
72
CONCLUSION GENERALE
77
BIBLIOGRAPHIE
80
ANNEXES..............................................................................................
86
INTRODUCTION GENERALE
1.
Présentation du sujet
Depuis l'apparition de l'homme sur la terre, la guerre est
considérée comme le phénomène social le plus
constant1(*). Comme nous
l'enseigne l'histoire, la vie dans la société se
caractérise par des luttes, le plus souvent armées, dont les
effets toujours hostiles ne cessent de causer des souffrances
déplorables à toute l'humanité.
Face à cette réalité, les hommes
animés par un esprit d'humanité ont toujours prouvé
combien la guerre mérite d'être réglementée, en vue
d'atténuer les souffrances des combattants et d'assurer la protection
aux populations civiles en période de conflit armé. A partir du
XIVème siècle, les chefs d'armées adverses
avaient l'habitude de mettre sur pied les conventions ayant pour but de
régir le traitement des victimes. La répétition de ces
clauses donne naissance à des règles coutumières
humanitaires mais de caractère épisodique2(*).
Cependant, l'aggravation des souffrances a imposé
l'élaboration des nouvelles règles pour tenter sinon d'y mettre
fin, du moins de les limiter3(*). Ainsi, sous l'impulsion du Comité
International de la Croix-Rouge (C.I.C.R.), la quasi totalité des Etats
ont, à plusieurs reprises, adopté des instruments
internationaux4(*) dont le
but majeur est d'éviter les souffrances aux personnes humaines et de
limiter les destructions matérielles pendant les guerres.
Jusqu'en 1949, les Conventions du droit international
humanitaire (Conventions de Genève, traités de la Haye, etc.)
avaient toujours été considérées comme s'appliquant
principalement aux conflits armés internationaux. Le sort des conflits
armés internes n'était pas réglementé. Cela
paraît très étonnant étant donné que la
première tentative de codification du droit de la guerre a eu lieu dans
le contexte d'un conflit interne. En effet, c'est entre 1860 et 1863 que
Francis LIEBER5(*)
préparait des instruments destinés à l'armée
américaine, alors engagée dans la guerre de
sécession6(*).
Les rédacteurs des Conventions de Genève de 1949
pensèrent trouver la réponse à ces difficultés en
introduisant dans l'arsenal juridique une disposition qui s'appliquerait en cas
« de conflit armé ne présentant pas un caractère
international et surgissant sur le territoire de l'une des parties
contractantes »7(*). C'est l'article 3 commun aux Conventions de
Genève, qui prévoit un certain nombre de dispositions minimales
que chacune des parties au conflit, signataire ou non signataire des
Conventions, doit appliquer. Cet article sera renforcé
ultérieurement par le Protocole additionnel II aux Conventions de
Genève relatif à la protection des victimes des conflits
armés non internationaux.
A côté des règles humanitaires ayant pour
but principal de limiter les souffrances causées par la guerre, la
Charte des Nations Unies retire aux Etats leur jus ad
bellum assimilé, dans l'ordre interne, à
la justice illicite8(*).
Ainsi, le recours à la menace ou à l'emploi de la force comme
moyen de règlement des différends au sein des Etats ou dans les
relations entre les Etats, demeure strictement interdit.
Pourtant la réalité demeure toute autre. La
violence armée n'a pas disparu de la société
internationale, qu'il s'agisse des guerres interétatiques9(*) ou tout particulièrement
des conflits armés d'un caractère non international10(*). Les conflits armés
d'un caractère non international ont de tout temps engendré
proportionnellement davantage de souffrances que les conflits armés
internationaux en raison de leur caractère haineux et
acharné11(*).
En dépit de l'existence de ces différents
instruments internationaux ayant pour but l'interdiction du recours à la
guerre et l'apaisement des souffrances causées par la guerre ;
en octobre 1990, à la frontière entre l'Ouganda et le
Rwanda, éclatent les premiers combats entre les soldats du Front
Patriotique Rwandais (FPR), composés de Rwandais dont les parents
s'étaient exilés dans des pays frontaliers du Rwanda dans les
années soixante, et les Forces Armées Rwandaises (FAR). De
multiples tentatives de médiation sont alors engagées, notamment
par les présidents de l'Ouganda et de la Tanzanie, sous l'égide
de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), puis de l'ONU. Elles
conduisent à l'Accord de Paix d'Arusha, signé le
6 août 1993.
Toutefois, le 6 avril 1994, l'avion qui
transporte le Président rwandais Juvénal HABYARIMANA et le
Président burundais Cyprien NTARYAMIRA, est abattu par un missile
d'origine inconnue lors de son atterrissage à Kigali. Le 8 avril,
le Premier Ministre Agathe UWIRINGIYIMANA est assassiné à son
tour. Il s'ensuit une vague de massacres à grande échelle,
perpétrés contre des membres de l'ethnie tutsi et des membres
modérés de l'ethnie hutu. Orchestrés par des
éléments incontrôlés de la garde
présidentielle soutenus par des milices Interahamwe12(*), ces massacres se muent en un
véritable génocide qui fait entre 800 000 et un million de
victimes13(*), et qui ne
s'achève qu'avec la victoire militaire du FPR, le 17 juillet
1994.
En juillet 1994, le Conseil de sécurité charge
une commission d'experts indépendants d'établir un rapport sur
d'éve ntuelles violations des droits de l'homme au Rwanda.
Présenté en septembre 1994, ce rapport est sans
équivoque : il conclut à l'existence de « preuves
accablantes attestant que des actes de génocide ont été
commis à l'encontre du groupe tutsi par des éléments hutus
[...]» ; puis il recommande que les auteurs de ces violations graves
du droit international humanitaire soient traduits devant un tribunal
pénal international14(*).
Le 8 novembre 1994, la
résolution 955 du Conseil de sécurité décide
la création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda dont
le siège est établi à Arusha (Tanzanie). Ce Tribunal est
compétent pour juger les auteurs de violations graves du droit
international humanitaire ainsi que les actes de génocide
perpétrés au Rwanda entre le 1er janvier et le 31
décembre 1994. Son action doit contribuer au « processus de
réconciliation nationale et au rétablissement et au maintien de
la paix »15(*).
La création d'une juridiction implique directement
l'adoption de règles de droit applicables devant cette
juridiction ; le droit applicable devant le TPIR est contenu dans le
Statut et dans le Règlement de procédure et de preuve. La
compétence matérielle en ce qui concerne les violations graves du
droit international humanitaire est prévue à l'article 4 du
Statut. Ce dernier reproduit les dispositions relatives à la protection
de la personne humaine contenues dans l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et dans l'article 4 du Protocole additionnel II.
2. Choix et intérêt du
sujet
Le choix de ce sujet n'a pas été pour nous le
résultat d'un pur hasard. L'idée est venue de le traiter à
cause de la réalité qui prévaut dans le monde entier en
général et au Rwanda en particulier.
La question de la justice rendue par le TPIR est non seulement
d'actualité, mais témoigne de l'engagement de la
communauté internationale à favoriser la construction de
l'unité et la réconciliation du peuple rwandais.
L'intérêt de la présente étude est
d'apporter au peuple rwandais quelques connaissances en rapport avec la justice
internationale dans le but de dépasser le cadre juridique interne. Cela
aura pour effet d'atténuer les conséquences néfastes
telles que la vengeance et/ou les divergences de vue entre le TPIR et les
autorités rwandaises sur
l'interprétation de quelques notions de droit et de leur application.
3. Problématique
Les violations de l'article 3 commun et du Protocole
additionnel II sont prévus à l'article 4 du Statut du TPIR.
Cependant, les juges du TPIR divergent sur le point de savoir si les actes
commis pendant le génocide rwandais ont un rapport avec le conflit qui
existait entre les forces gouvernementales et le FPR. Pour certains16(*), ces actes sont constitutifs
de crime de génocide ou de crimes contre l'humanité et ne sont
pas des violations du droit humanitaire. Pour d'autres17(*), il existe bel et bien un lien
de connexité entre les actes de participation au génocide et le
conflit armé rwandais. Signalons ici que c'est la deuxième
solution qui devrait servir de référence en la matière
car la décision de la chambre d'appel fait foi.
Dans le cadre de l'exercice de l'action publique devant le
TPIR, dans différents procès, le Procureur avait retenu certains
chefs d'accusation relatifs aux violations de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II contre les
accusés, mais seuls 3 accusés ont été,
jusqu'à présent, reconnus coupables de ces violations. Pour les
autres accusés, les chambres de première instance du TPIR les ont
déclaré non coupables de ces violations.
L'état actuel de la répression par le TPIR des
violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II appelle 5 grandes interrogations qui constituent une
problématique réelle et peuvent être résumées
comme suit : le TPIR applique-t-il l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et le Protocole additionnel II ? Si tel est le cas, quelle
est l'importance que le TPIR attache aux crimes prévus par ces deux
textes légaux ? Quels sont les critères de leur application
retenus par le TPIR ?
Aussi, faut-il se demander si l'état actuel de la
répression par le TPIR des violations de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II est
satisfaisant ? Si tel n'est pas le cas, quelles sont les raisons qui
sous-tendent l'attitude du TPIR en ce qui concerne la répression de ces
violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II ?
C'est à travers une analyse de ces différentes
questions que nous comptons apporter quelques éléments de
réponse sur l'administration de la justice en matière des
violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II.
4. Hypothèses du travail
Dans la conception et la réalisation de ce travail,
nous avons été guidé par les hypothèses
suivantes :
- Devant le TPIR, c'est l'article 4 du Statut qui porte
incrimination des violations de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II ;
- Jusqu'à présent le TPIR a retenu la
responsabilité pénale d'un petit nombre d'accusés pour
violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II et par conséquent le bilan de la
répression dans ce domaine n'est pas satisfaisant ;
- Cette insuffisance de répression est
constatée dans plusieurs jugements et est le produit de divers facteurs,
notamment la superposition des crimes relevant de sa compétence et
l'approche restrictive adoptée dans l'appréciation du lien de
connexité entre le conflit et les violations.
5. Méthodes et techniques utilisées
Afin d'atteindre les objectifs que nous nous sommes
assignés dans ce travail, nous avons eu recours aux méthodes
suivantes :
- La méthode
exégétique :
Cette méthode nous a aidé à
interpréter et à analyser les dispositions du Statut et du
Règlement de procédure et de preuves applicables devant le TPIR
en rapport avec le sujet. Par cette méthode, nous avons également
recherché et analysé la doctrine, les publications des juristes,
les dispositions des Conventions internationales. De plus, la jurisprudence du
TPIR a été exploitée en vue d'étayer la
matière traitée et de trouver la source des idées
avancées dans notre travail ;
- La méthode comparative :
Elle nous a permis de rapprocher les cas de répression
d'autres tragédies humaines, figurant dans l'histoire de
l'humanité, similaires à celle qu'a connue le Rwanda. Dans ce
cadre nous nous sommes servi de la jurisprudence des autres juridictions
pénales internationales pour mieux éclaircir la matière et
pour justifier les recommandations que nous avons formulées.
- La technique d'interview directe :
L'interview directe est celle dont les questions visent
à savoir directement ce que les sujets pensent, savent, font ou
désirent18(*).
Cette technique nous a permis de collecter les points de vues
de certains juristes notamment les conseillers juridiques et les magistrats qui
travaillent au sein du TPIR.
6. Délimitation du sujet
Pour être précis et concis, une
délimitation du sujet dans tous les sens s'avère
nécessaire. Notre thème s'intitule :
« L'application par les juridictions répressives
internationales de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II auxdites Conventions: Cas du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda ».
Dans le cadre de notre travail, nous nous sommes basés
principalement sur la pratique du TPIR en la matière. Toutefois,
référence est faite aussi à la jurisprudence du TPIY et
des autres juridictions pénales internationales, ceci dans le cadre de
l'analyse comparative et non pas pour effectuer une analyse profonde et
systématique de la pratique de ces juridictions en matière des
violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II.
Etant donné que l'article 3 commun et le Protocole
additionnel II prévoient beaucoup de violations et qu'il n'est pas
facile d'analyser chacune d'elles au cours de la présente étude,
seules les violations déférées devant le TPIR en
application desdits textes légaux retiendront notre attention.
Enfin, du fait que notre sujet doit être limité
dans le temps et dans l'espace, notre étude s'étend sur les
violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire
rwandais et celui des Etats voisins entre le 1er janvier et le 31
décembre 1994.
7. Subdivision du travail
En plus de l'introduction et la conclusion, notre travail est
subdivisé en trois chapitres. Le premier chapitre portera sur la mise en
oeuvre de la responsabilité pénale individuelle en matière
des violations de l'article 3 commun au Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II ; le second chapitre portera sur les
critères d'application de ces dispositions; enfin le troisième
chapitre fait l'objet d'une étude sur la répression par le TPIR
des violations de ces articles.
CHAPITRE I :
LA MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE
PENALE INDIVIDUELLE EN MATIERE DE VIOLATIONS DE
L'ARTICLE 3 COMMUN AUX CONVENTIONS DE GENEVE ET DU PROTOCOLE ADDITIONNEL II
DEVANT LE TPIR
Bien que la notion de la responsabilité pénale
individuelle pour les violations du droit international humanitaire soit
ancienne, ce sont en fait les procès contre les grands criminels de
guerre à l'issue de la seconde guerre mondiale, qui en font une
réalité incontestable19(*). Devant le TPIR, la notion de la
responsabilité pénale individuelle est réglementée
à l'article 6 du Statut. Cet article traite les différentes
formes de la responsabilité pénale pour tous les crimes20(*) qui entrent dans la
compétence du Tribunal.
Pour un Tribunal chargé de juger les individus, il
faut non seulement démontrer la légalité des instruments
légaux qui fondent la compétence matérielle définie
à l'article 4 du Statut mais aussi démontrer que l'individu,
l'auteur d'infractions graves aux règles coutumières encourt une
responsabilité pénale de son chef. A défaut, on pourrait
faire valoir que ces instruments se bornent à poser des règles
liant les Etats et les parties à un conflit et qu'ils ne sont pas
applicables aux individus.
La question de savoir si les normes de droit humanitaire
s'appliquent uniquement aux Etats, en tant que personnes morales, ou
s'adressent aussi à l'individu, qui est alors susceptible de violer
directement par son comportement, semble aujourd'hui résolue en faveur
de la seconde possibilité21(*).
Dans ce chapitre, nous aborderons successivement la question
de la compétence du TPIR en matière des violations de l'article 3
commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II (Section
I), et la détermination proprement dite de la responsabilité
pénale individuelle (Section II).
SECTION I : LA COMPETENCE DU TRIBUNAL A L'EGARD
DES VIOLATIONS DE L'ARTICLE 3 COMMUN AUX CONVENTIONS DE GENEVE ET DU PROTOCOLE
ADDITIONNEL II
La compétence d'une juridiction est
« l'ensemble des affaires dont cette juridiction a vocation de
connaître22(*) ». Dans tout ordre juridique, il est
nécessaire non seulement de créer les juridictions afin de
régler les différends qui surgiraient entre les personnes vivant
dans une société donnée, mais aussi de déterminer
la nature des différends pour lesquels ces juridictions sont
compétentes. Il s'ensuit qu'une juridiction ne peut trancher un
différend qui n'entre pas dans sa compétence ; elle doit se
déclarer incompétente si le cas se présente.
Dans l'ordre juridique international où les Etats ont
la pleine personnalité juridique (souveraineté), la
compétence des organisations internationales - comme celle du TPIR- est
essentiellement une compétence d'attribution.
Comme pour toute autre institution juridique, la
compétence du TPIR peut être analysée en
se basant sur 3 points : d'abord par rapport aux personnes à
l'égard desquelles la poursuite peut être engagée, c'est la
compétence personnelle (§1) ; ensuite, par rapport à la
circonscription géographique et à la période à
laquelle les infractions ont été commises, c'est la
compétence territoriale et temporelle (§2) ; enfin , par
rapport à la nature des infractions qui rentrent dans la
compétence du TPIR, c'est la compétence matérielle
(§3).
§1. Compétence personnelle
La compétence personnelle du TPIR est prévue
à l'article 5 de son Statut. Aux termes de cet
article : « Le Tribunal international pour le Rwanda
a compétence à l'égard des personnes physiques
conformément aux dispositions du présent Statut ».
A la lecture de ce texte, force est de constater que le
Conseil de Sécurité a réaffirmé ici le principe de
la responsabilité pénale individuelle. C'est le Tribunal de
Nuremberg qui a affirmé pour la première fois ce principe en
jugeant que ce sont des hommes et non les entités abstraites qui
commettent les crimes dont la répression s'impose comme sanction du
droit international23(*).
Dans ce sens, avant que le TPIR ne soit créé,
la commission d'experts indépendants, dans son rapport, avait
souligné que le principe était clairement établi en droit
international et universellement reconnu par la communauté
internationale24(*). C'est
pourquoi le Conseil de Sécurité n'a pas hésité
à accorder au TPIR une compétence à l'égard des
personnes physiques.
Cependant, la compétence du TPIR à
l'égard des personnes physiques a été contestée par
la défense dans l'affaire Kanyabashi relativement à la
compétence du Tribunal25(*). Dans cette affaire, la défense soutenait
qu'il ne devrait pas y avoir de compétence à l'égard des
individus en vertu du droit international car l'octroi au Tribunal d'une
compétence vis-à-vis les particuliers est incompatible avec la
charte de l'ONU, au motif que le Conseil de Sécurité n'a aucune
autorité sur les individus et que seuls les Etats peuvent constituer une
menace contre la paix et la sécurité internationale.
A cet effet, la Chambre de première instance du TPIR a
rejeté la requête de la défense et a conclu comme
suit :
Le Conseil de Sécurité a étendu
expressément aux particuliers les obligations et les
responsabilités pénales internationales en ce qui concerne les
violations du droit international humanitaire, mais l'exception du conseil de
la défense n'établit en rien que cette extension de
l'applicabilité du droit international aux particuliers n'était
pas justifiée et exigée par les circonstances, notamment la
gravité et l'ampleur des crimes commis pendant le conflit. Toutefois la
Chambre de première instance refuse donc de suivre le conseil de la
défense lorsque celui-ci prétend que le Tribunal n'a pas de
compétence à l'égard des particuliers .
Par ailleurs, l'article premier du Statut du TPIR stipule que
le Tribunal est compétent pour juger les personnes
présumées coupables des violations graves de droit international
humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais
présumés responsables de tels crimes commis sur le territoire des
pays voisins. Il s'ensuit que pour les crimes commis sur le territoire
rwandais, la compétence du Tribunal s'étend à toute
personne présumée responsable de ces crimes sans tenir compte de
sa nationalité. C'est ce qui a permis au TPIR de juger un ressortissant
belge, Georges RUGGIU. Cependant, pour les crimes commis en dehors du
territoire rwandais, la compétence du Tribunal est limitée
uniquement aux citoyens Rwandais.
Enfin, la lecture de l'article 5 du Statut du TPIR nous
conduit à conclure que la responsabilité pénale des
personnes morales est en revanche exclue de la compétence du Tribunal.
Mais par contre, la responsabilité pénale des personnes morales
avait été utilisée à Nuremberg où elle avait
notamment permis de criminaliser des organisations telles que les SS26(*), la
Gestapo27(*) et
les Einsatzgruppen28(*). L'appartenance à ces organisations permettait
dès lors d'imputer l'intention criminelle, facilitant d'autant
l'administration de la preuve29(*). Sur ce, nous déplorons que la
possibilité de criminaliser certaines organisations telles que les
milices Interahamwe qui eurent un rôle très important
dans les événements tragiques de 1994, n'ait pas
été retenue pour le TPIR.
§2. Compétence territoriale et temporaire
C'est l'article 7 du Statut du TPIR qui consacre les
compétences territoriale et temporelle du Tribunal. Aux termes de cet
article, la compétence ratione loci du Tribunal
international pour le Rwanda s'étend au territoire du Rwanda y compris
son espace terrestre et son espace aérien, et au territoire d'Etats
voisins en cas des violations graves du droit international humanitaire
commises par des citoyens rwandais. La compétence ratione
temporis du Tribunal international s'étend à la
période commençant le 1er janvier 1994 et se terminant
le 31 décembre 1994.
D'après cette disposition, la compétence
territoriale du tribunal couvre non seulement les crimes commis au Rwanda mais
aussi ceux commis dans les Etats voisins lorsqu'ils ont été
commis par les ressortissants rwandais. Cette extension de la compétence
du Tribunal aux crimes commis en dehors du territoire rwandais se justifie par
le fait qu'une partie de la population rwandaise, dans les mois suivant le
génocide, a pris refuge dans les camps des réfugiés dans
l'ex-Zaïre et dans d'autres pays. Ainsi, il est probable que des
violations du droit international humanitaire similaires à celles
commises au Rwanda aient été commises dans ces camps de
réfugiés30(*).
Quant à la compétence temporelle du TPIR, ce
dernier est compétent pour juger les personnes s'étant rendues
coupables de violations graves du droit international humanitaire du 1er
janvier au 31 décembre 1994. Bien que la compétence du
Tribunal ait été poussée dans le temps jusqu'à
inclure les trois mois qui précèdent le déclenchement des
massacres, elle a été critiquée par le Rwanda au motif,
d'une part, que des projets pilotes d'extermination avaient eu lieu avant 1994,
et d'autre part qu'une période de planification avait
précédé les massacres de 199431(*). En conséquence, le
Rwanda proposait que la compétence ratione temporis du TPIR
commence le 1er octobre 1990, date qui correspond au début
de la guerre entre le FPR et les ex-FAR.
§3. Compétence
matérielle
La compétence du TPIR en matière de violations
de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole
additionnel II est prévue à l'article 4 du Statut. Il s'agit des
crimes qui sont réprimés s'ils sont commis pendant une
période de guerre.
Dans son rapport, le Secrétaire Général
a noté que les massacres et les tueries continuaient d'une
manière systématique sur la quasi-totalité du territoire
rwandais et que seule une enquête permettrait d'établir les faits
et la responsabilité32(*). Par la suite, on a mis sur pied une Commission
d'experts indépendants ayant pour mission d'enquêter sur la
situation au Rwanda. Dans son rapport final33(*), la Commission a conclu que les actes de
génocide avaient été commis à l'encontre du groupe
tutsi par les éléments Hutus agissant de manière
concertée, planifiée, systématique et méthodique,
en violation de la Convention de 1948 pour la prévention et la
répression du crime de génocide et que ces mêmes individus
avaient commis des crimes contre l'humanité et des violations graves du
droit humanitaire.
De ce qui précède, il est remarquable que la
compétence matérielle du TPIR a été
déterminée par le Conseil de sécurité sur base du
rapport de la Commission d'experts. Ce dernier indiquait, comme
déjà dit ci-dessus, la nature des crimes que l'on pouvait
supposer qu'ils avaient été commis au Rwanda à partir
d'avril 1994 d'une part, et justifiaient l'applicabilité du droit
international, d'autre part.
Cependant, en ce qui concerne les violations prévues
à l'article 4 du Statut, il convient de constater que le Conseil de
sécurité a opté pour une solution plus extensive en
incluant des instruments internationaux sans tenir compte du fait que ces
derniers ne font pas partie de la coutume internationale34(*) ou qu'ils engagent la
responsabilité pénale individuelle de l'auteur du crime. Cette
question figurait parmi les questions importantes qui attendaient le Tribunal
à ses débuts.
Sur ce, le TPIR a retenu deux solutions pour cette
question : premièrement, le Tribunal s'inspirant de la
jurisprudence du TPIY35(*), a démontré le caractère
coutumier de l'article 3 commun aux Conventions de Genève en jugeant que
ledit article avait acquis le statut de règle du droit coutumier en ce
sens que la plupart des Etats répriment dans leur code pénal des
actes qui, s'ils étaient commis à l'occasion d'un conflit
armé interne, constitueraient des violations de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève. Pour le Protocole additionnel II, en vertu du
principe qui veut que « l'accessoire suit le principal »,
seules les garanties énoncées à son article 4 (2) ont
été retenues car elles viennent affirmer et compléter
l'article 3 commun aux Conventions de Genève36(*).
Quant à la deuxième solution, jugeant non
nécessaire d'analyser le caractère coutumier des instruments en
question, le Tribunal a cherché le fondement de leur inclusion dans la
ratification par le Rwanda desdits textes légaux. Ceci a
été illustré dans l'affaire Kayishema et
Ruzindana dans ces termes :
« La Chambre est instruite du fait que la question
de savoir si les instruments susmentionnés doivent être
considérés comme des dispositions du droit international
coutumier dont les violations graves engagent la responsabilité
pénale des auteurs continue de faire l'objet de débats dans des
cadres autres que celui du Tribunal. En l'espèce, une telle analyse lui
semble superflue dans la mesure où la situation est assez claire. Le
Rwanda est devenu partie aux Conventions de 1949 le 5 mai 1964 et au Protocole
II le 19 novembre 1984. Par conséquent, ces instruments étaient
bien en vigueur au Rwanda au moment où les tragiques
événements de 1994 se déroulaient sur son sol
[...]»37(*).
Il convient de noter que ces deux solutions sont
proposées par le TPIR dans le cadre de sa recherche du fondement
légal des incriminations de l'article 4 de son Statut afin qu'il ne lui
soit reproché de violer le principe
« nullum crimen sine lege » lors de
leur mise en oeuvre. Sur ce, que ce soit la première ou la
deuxième solution, force est de constater que ce qui est essentiel est
de rendre la justice aux victimes de ces atrocités et comme l'a
écrit Claude LOMBOIS, la règle « nullum crimen sine
lege » a été édictée pour
protéger des innocents contres les abus éventuels de
l'administration étatique et non ceux qui commettent des actes odieux en
se tenant en dehors des termes des textes38(*).
SECTION II : LA DETERMINATION DE LA
RESPONSABILITE PENALE INDIVIDUELLE DE L'ACCUSE
La responsabilité pénale individuelle est
consacrée par l'article 6 du Statut. Cet article prévoit deux
sortes de responsabilités : la responsabilité
pénale individuelle de l'accusé pour ses propres actes (§1)
et la responsabilité pénale du supérieur
hiérarchique pour les actes commis par ses subordonnés
(§2).
§1. La
responsabilité pénale au regard de l'article 6 (1) du Statut du
TPIR
L'article 6 (1) stipule que : quiconque a
planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de
toute autre manière aidé et encouragé à planifier,
préparer ou exécuter un crime visé aux articles 2 à
4 du présent statut est individuellement responsable dudit crime.
Cette disposition énonce un certain nombre de modes
d'imputation de la responsabilité qui établissent les principes
de base de responsabilité pénale individuelle pour action. Il
s'agit d'une responsabilité pénale en vertu de laquelle une
personne n'est poursuivie que pour ses propres actes criminels.
En effet, pour que cette forme de responsabilité soit
établie, il faut que soient démontrés deux
éléments : tout d'abord la participation au fait
incriminé, c'est-à-dire que l'accusé doit avoir
contribué, par sa conduite à la Commission de l'acte
illégal (I), et ensuite la connaissance ou l'intention,
c'est-à-dire que l'auteur doit avoir été conscient qu'il
participait à la Commission d'un crime (II)39(*).
I. La participation au fait incriminé (Actus
reus)
L'article 6 (1) du Statut du TPIR envisage différentes
étapes de la Commission d'un crime, dès sa planification initiale
à son exécution, en passant par son organisation. Toutefois, pour
le TPIR, le principe de la responsabilité pénale figurant audit
article suppose que la planification ou la perpétration débouche
effectivement sur la Commission, exception faite du crime de
génocide40(*).
En outre, pour satisfaire aux exigences de l'article 6 (1) du
Statut du TPIR, il faut que la participation de l'accusé ait eu un effet
important sur la Commission41(*). C'est une question de fait et il appartient au juge
d'apprécier sur la base des éléments de preuve qui ont
été fournis.
Il convient de noter que l'article 6 (1) du Statut du TPIR
énonce 5 formes de participation, à savoir : la
planification, l'incitation, ordonner, commettre, et enfin l'aide et
encouragement.
- La planification :
Cette planification rappelle la notion d'entente en Civil
Law, ou de conspiracy en Common Law, figurant à
l'article 2 (3) du Statut, à la différence que la planification,
contrairement à l'entente ou à la complicité, peut
être le fait d'une seule personne. Ainsi, la planification pourrait
être définie comme supposant qu'une ou plusieurs personnes
envisagent de programmer la Commission d'un crime, aussi bien dans ses phases
de préparation que d'exécution42(*).
- Incitation de commettre un crime :
Selon la jurisprudence du TPIR, l'incitation consiste dans le
fait de provoquer autrui à commettre une infraction. L'incitation n'est
punie que si elle a abouti à la commission effective de l'infraction
voulue par l'instigateur, à l'exception du crime de génocide,
pour lequel la responsabilité pénale individuelle d'un
accusé peut être engagée pour le crime d'incitation
à commettre le génocide, sur la base des dispositions de
l'article 2 (3) (c) du Statut, même si cette incitation n'est pas suivie
d'effet43(*).
Dans le cadre du conflit rwandais, l'incitation semble
revêtir une grande importance devant le TPIR, tant il est vrai que les
crimes commis au Rwanda n'auraient sans doute jamais eu lieu sans la propagande
massive des tristement célèbres médias de la
haine44(*). Toutefois, le
caractère direct ou public n'est pas requis pour l'incitation45(*).
- Ordonner la commission d'un
crime :
Selon le TPIR, cette forme de participation suppose une
relation de subordination (relation supérieur-subordonné) entre
la personne donnant l'ordre et l'exécutant, la personne étant en
position d'autorité pour persuader autrui de commettre une
infraction46(*).
Sur cette forme de participation, les Chambres de
première instance du TPIR ont considéré que la seule
présence et la participation personnelle de l'accusé à la
commission des actes criminels pouvait faire valoir à ses
subordonnés hiérarchiques de les commettre47(*). L'utilisation d'un langage
imagé, si son sens était clair pour les subordonnés, ne
s'oppose pas à ce que la responsabilité de l'accusé
soit établie. Ça pourrait être le cas d'un chef qui dirait
à ses hommes : Ici il y a beaucoup de saleté qui doit
être nettoyée. en distribuant les machettes et des armes à
feu. Cela équivaut à un ordre de tuer48(*).
- Commettre :
La Chambre de première instance dans l'affaire
Semanza49(*), a
considéré que par commettre on entend la participation directe et
physique ou personnelle de l'accusé à la perpétration des
actes qui constituent effectivement les éléments matériels
d'un crime visé par le statut.
- Aide et encouragement :
Même si aider et encourager peuvent apparaître
comme synonymes, les deux termes ont des sens distincts puisque l'aide consiste
dans le fait d'apporter une assistance à quelqu'un tandis que
l'encouragement consisterait plutôt à favoriser le
développement d'une action en lui exprimant sa sympathie. Le
problème se pose de savoir si la responsabilité pénale
individuelle prévue à l'article 6 (1) du Statut n'est
engagée que s'il y a eu à la fois aide et encouragement. La seule
aide ou le seul encouragement peut suffire à engager la
responsabilité individuelle de son auteur50(*).
Il s'ensuit qu'il n'est pas nécessaire pour aider que
l'accusé soit présent au moment des faits, à condition que
la contribution à la Commission soit substantielle. Dans ce sens la
Chambre de première instance du TPIR, dans l'affaire Rutaganda, a conclu
comme suit :
Dans l'un et l'autre, peu importe que la personne qui aide ou
encourage autrui à commettre une infraction soit présente ou non
lors de la Commission de ladite infraction. L'acte concourant à la
perpétration et l'acte constituant la perpétration proprement
dite peuvent être séparés dans le temps et dans l'espace.
La Chambre estime que l'aide et l'encouragement couvrent tous les actes
d'assistance, qu'elle soit matérielle ou morale, mais souligne
néanmoins que toute forme de participation doit directement concourir
à la perpétration du crime51(*).
Quant à l'encouragement, le fait pour un fonctionnaire
d'envoyer un signal clair de tolérance officielle, d'être
témoin de violences sexuelles ou même de ne pas les
désapprouver suffisent52(*), à condition que le spectateur approbateur ne
soit pas un simple subalterne53(*).
Il convient de remarquer que l'encouragement comme fondement
de la responsabilité pénale à l'égard de l'article
6 (1) ne peut pas être assimilé à une infraction par
omission de l'article 6 (3) du Statut du TPIR. En effet, le spectateur n'est
responsable que s'il a agi en sachant que sa présence et son
comportement seraient regardés par l'auteur de l'infraction comme
approbation tacite, une incitation ou un soutien moral54(*) ; ce qui constitue une
aide sous forme de soutien moral, c'est-à-dire l'actus reus du
crime. Il s'agit, à notre avis, d'une responsabilité
pénale par Commission tandis que la responsabilité pénale
de l'auteur sous l'empire de l'article 6 (3) est une forme de
responsabilité pénale par omission qui n'exige pas
nécessairement que le supérieur hiérarchique ait
connaissance des conséquences de son comportement (Voir. infra
Chap. I., Sect. II, §2).
II. L'élément moral (Mens rea)
Pour les formes de participation prévues
à l'article 6 (1) du Statut, leur auteur ne peut être tenu
responsable que s'il a agi en connaissance de cause. Cet élément
permet de distinguer la responsabilité pénale au regard de
l'article 6 (1) du Statut de la responsabilité pénale du
supérieur hiérarchique de l'article 6 (3) du statut, qui sera
analysée infra (§.2). L'article 6 (3) du Statut n'exige
pas nécessairement que le supérieur hiérarchique ait su,
pour que sa responsabilité pénale soit engagée ; il
suffit seulement qu'il ait eu des raisons de savoir que ses subordonnés
étaient sur le point de commettre un crime ou l'avaient commis et qu'il
n'ait pas pris les mesures nécessaires ou raisonnables pour
empêcher que ledit acte ne soit commis ou pour en punir les auteurs.
C'est une sorte de responsabilité par omission ou abstention55(*).
Par ailleurs, un accent particulier doit être mis sur
l'élément moral exigé pour les formes de participation
autres que la Commission car deux ou plusieurs personnes sont
impliquées. Dans ce cas d'espèce, il n'est pas nécessaire
que l'accusé soit habité par la même mens rea que
l'auteur principal, y compris de l'intention qui animait ce dernier.
§2. La responsabilité pénale au regard de
l'article 6 (3) du Statut du TPIR
L'alinéa 3 de l'article 6 du Statut du TPIR est
libellé comme suit : Le fait que l'un quelconque des actes
visés aux articles 2 à 4 du présent Statut a
été commis par un subordonné ne dégage pas son
supérieur de sa responsabilité pénale s'il savait que ou
avait des raisons de savoir que le subordonné s'apprêtait à
commettre cet acte ou l'avait commis et que le supérieur n'a pas pris
des mesures nécessaires pour empêcher que ledit acte ne soit
commis ou en punir les auteurs.
A la lecture du présent texte, il ressort qu'il s'agit
d'une responsabilité pénale du supérieur
hiérarchique par suite d'une infraction par omission. La formulation de
l'article 6 alinéa 3 du Statut du TPIR ne crée pas
expressément une infraction d'omission proprement dite du
supérieur hiérarchique car la formule négative
utilisée semble en effet exclure un fait justificatif
et créer une responsabilité propre du supérieur
hiérarchique56(*).
La responsabilité du supérieur
hiérarchique pour les actes du subordonné a été
reconnue par la Convention de La Haye de 1907. La possibilité d'imposer
la responsabilité sur les personnes en position d'autorité qui
ont failli à leur devoir de prévenir les violations des lois et
coutumes de la guerre commises au cours de la première guerre mondiale
était reconnue par la Commission des auteurs de la guerre et sur le
renforcement des pénalités57(*).
Ceci étant, dans le présent paragraphe, nous
analyserons tout d'abord les conditions d'existence de la responsabilité
du supérieur hiérarchique (I), ensuite la portée de cette
responsabilité (II).
I. Les
conditions d'existence de la responsabilité du supérieur
hiérarchique
La responsabilité pénale individuelle du
supérieur hiérarchique au regard de l'article 6 (3) du Statut du
TPIR est engagée pour cause d'une omission ou d'une infraction commise
par une personne placée sous son contrôle. Pour qu'il en soit
juridiquement ainsi, il faut qu'il y ait un lien de subordination entre la
personne et les auteurs de l'infraction (A) ; le supérieur
hiérarchique savait ou avait des raisons de savoir qu'un crime
était sur le point d'être commis ou avait été commis
(B) ; et enfin le supérieur hiérarchique n'a pas pris des
mesures nécessaires et raisonnables pour prévenir le crime ou en
punir les auteurs (C)58(*).
A. Le lien de subordination entre
le supérieur hiérarchique et les auteurs de l'infraction
La qualité du supérieur hiérarchique joue
un rôle très important dans l'établissement de la
responsabilité pénale individuelle au regard de l'article 6 (3)
du Statut du TPIR. Dans l'affaire Semanza, la Chambre de première
instance a jugé que le lien de subordination suppose que de par sa
position dans la hiérarchie officielle ou non, l'intéressé
ait un rang supérieur à son subordonné59(*). Il ne s'agit pas de n'importe
quel supérieur placé dans la chaîne de commandement, mais
seulement d'un supérieur qui a une responsabilité personnelle
à l'égard de l'auteur des agissements en question, parce que ce
dernier, étant son subordonné, se trouvait placé sous son
contrôle60(*).
Le critère d'un lien direct qui doit exister entre le
supérieur hiérarchique et le subordonné découle
visiblement du devoir d'agir exprimé au paragraphe 1 de l'article 86 du
Protocole additionnel I, qui est ainsi libellé : Les hautes
parties contractantes et les parties au conflit doivent réprimer les
infractions graves et prendre les mesures nécessaires pour cesser toutes
les autres infractions aux Conventions et au présent Protocole qui
résultent d'une omission contraire au devoir d'agir61(*).
En outre, seul ce supérieur est normalement en mesure
de posséder des informations lui permettant de conclure que ce
subordonné a commis ou va commettre une infraction. Certes, il faut que
les activités criminelles des subordonnés relèvent du
domaine effectif de la responsabilité du supérieur
hiérarchique. A cet effet, selon la Chambre de première instance
du TPIR, dans l'affaire Kayishema et Ruzindana :
« Le principe de la responsabilité
pénale du supérieur hiérarchique ne doit s'appliquer
qu'aux supérieurs qui exercent un contrôle effectif sur leurs
subordonnés [...] La Chambre souscrit, à cette occasion, au
jugement du TPIY dans l'affaire Mucic et al.62(*), où il est
indiqué [...] qu'il faut que le supérieur contrôle
effectivement les personnes qui violent le droit international humanitaire,
autrement dit qu'il ait la capacité matérielle de prévenir
et de sanctionner ces violations. Etant entendu qu'il peut s'agir aussi bien
d'un pouvoir de facto que d'un pouvoir de jure
[...] » 63(*).
La capacité de contrôle effectif du
supérieur hiérarchique est certes un critère pertinent,
mais il n'est pas nécessaire qu'il ait été juridiquement
habilité à empêcher ou punir les actes commis par ses
subordonnés. L'élément qu'il convient de retenir est sa
capacité matérielle qui, au lieu de donner des ordres ou de
prendre des mesures disciplinaires, peut par exemple se traduire par le fait
d'adresser des rapports aux autorités compétentes afin de prendre
des mesures appropriées.
La notion de supérieur hiérarchique est plus
large et doit être prise dans un sens hiérarchique englobant la
notion de contrôle64(*). En réalité, la notion du
supérieur s'applique à toute personne investie d'un pouvoir
hiérarchique. C'est dans ce sens que la qualité officielle n'est
pas déterminante. Le principe de la responsabilité du
supérieur ne se limite pas aux personnes ayant été
officiellement désignées comme commandants, il couvre aussi bien
l'autorité de facto que de jure65(*). Il s'ensuit que la
responsabilité pénale du supérieur hiérarchique est
engagée non pas pour ses propres actes mais pour ceux commis par
personnes placées sous sa garde. Contrairement au spectateur en cas
d'encouragement, il n'est pas nécessaire que le supérieur
hiérarchique sache les conséquences de sa défaillance
d'empêcher ou de punir le crime.
B. La connaissance ou les
informations permettant le supérieur de conclure qu'un crime
était ou allait être commis
A ce niveau, il s'agit d'analyser l'intention ou la mens
rea qui animait le supérieur hiérarchique lors de la prise
de sa décision face aux circonstances du moment. Il n' y a pas de
problème si le supérieur savait ou si la preuve peut être
apportée qu'une infraction était commise ou allait être
commise par exemple parce qu'il y a eu connaissance d'actes
préparatoires ou des violations antérieures.
Comme le constatent les juges du TPIR dans l'affaire
Akayesu66(*), les
interprétations relatives à la mens rea exigée
pour constituer la responsabilité pénale du supérieur
hiérarchique divergent. Certains soutiennent qu'elle découle
d'une norme de responsabilité objective ou vicariale,
c'est-à-dire que le supérieur hiérarchique est responsable
des actes commis par son subordonné, sans qu'il soit nécessaire
de prouver que le supérieur était animé d'une quelconque
intention délictueuse. D'autres, par contre, considèrent qu'une
négligence patente, au point qu'elle s'assimile à un consentement
ou à une intention délictueuse, est au moins à prouver. La
question de savoir la nature de la responsabilité pénale du
supérieur hiérarchique semble être résolue par les
tribunaux internationaux (TPIR et TPIY) en faveur de la seconde
thèse.
Il n'est pas exigé que le supérieur ait su
qu'une infraction était commise ou allait être commise pour que sa
responsabilité pénale soit engagée; il suffit seulement
qu'il ait eu des raisons de savoir67(*) que ses subordonnés étaient sur le
point de commettre un crime ou l'avaient commis et qu'il n'ait pas pris les
mesures nécessaires ou raisonnables pour empêcher que ledit acte
ne soit commis ou pour en punir les auteurs. C'est une sorte de
responsabilité par omission ou abstention. Il convient, comme le
précise le jugement Akayesu, de s'assurer d'une intention
délictueuse, ou, pour le moins, d'une négligence si flagrante
qu'elle s'assimile à un consentement ou même à une
intention délictueuse68(*).
D'une manière ou d'une autre, on remarque que la
responsabilité pénale du supérieur hiérarchique
n'est pas fondée sur une responsabilité objective. Nous sommes
de l'avis du TPIR dans l'affaire Semanza, où les juges de la
Chambre de première instance ont renoncé à imposer
à l'accusé une responsabilité pénale
objective69(*). Dans cette
affaire la Chambre de première instance a donné son avis en ces
termes :
« La responsabilité pénale du
supérieur hiérarchique n'est pas une responsabilité
objective. Ainsi une personne qui appartient à la chaîne de
commandement ne voit pas sa responsabilité engagée en tant que
supérieur hiérarchique du seul fait qu'il avait autorité
sur un tel ou tel territoire. Encore que la position de commandement puisse
constituer un indice sérieux permettant de penser que le
supérieur hiérarchique était au courant des agissements de
ses subordonnés ou qu'il avait des raisons d'être au courant, elle
ne serait à elle seule fonder une présomption de connaissance
».
A la lecture de ce passage, force est de constater que la
connaissance ne saurait être présumée. Cependant, comme
l'affirme la jurisprudence du TPIY en la matière, cette connaissance
peut être établie sur la base des moyens de preuves directs ou
conjecturaux70(*). Il est
à noter que ce n'est pas à la défense de prouver l'absence
de la connaissance mais il appartient à l'accusation de prouver que les
informations concrètes sont portées à la connaissance du
supérieur hiérarchique indiquant que ses subordonnés vont
commettre ou ont commis des infractions. Chaque cas doit être
appréciée en fonction de la situation où se trouvait le
supérieur hiérarchique intéressé et des
circonstances qui l'entourent.
Par ailleurs, si un commandant a exercé la diligence
due dans l'accomplissement de ses devoirs mais ignore pourtant que les crimes
sont sur le point d'être commis ou l'ayant été, cette
ignorance ne peut être retenue contre lui. Par contre, si l'ignorance
résulte d'une négligence dans l'accomplissement de ses devoirs,
elle ne serait constituer un moyen de défense car ce commandant avait
des raisons de savoir71(*).
C. Défaillance du
supérieur hiérarchique de prendre les mesures pour empêcher
ou réprimer le crime
En principe le supérieur hiérarchique
responsable et informé doit agir pour empêcher ou réprimer
l'infraction sous peine de voir sa responsabilité engagée.
Concrètement, la règle exige aussi bien des actions
préventives que des actions répressives. Les devoirs
exprès des commandants font l'objet de dispositions
détaillées à l'article 87 du Protocole additionnel I.
En effet, le texte prévoit simplement que des mesures
nécessaires doivent être prises par le supérieur
hiérarchique sans indication expresse du genre de mesures à
prendre par celui-ci. Dans l'affaire Bagilishema, la Chambre de
première instance a donné des éclaircissements sur cette
notion et a conclu en ces termes:
[...] l'expression "mesures nécessaires" s'entend des
mesures indispensables que doit prendre le supérieur pour s'acquitter de
l'obligation d'empêcher ou de punir la Commission d'une infraction dans
les circonstances du moment, l'expression "mesures raisonnables" s'entendant
des mesures que le supérieur est à même de prendre dans les
circonstances du moment 72(*).
Il s'ensuit que le supérieur ne peut toutefois
être tenu responsable que pour ne pas avoir pris les mesures qui
étaient en son pouvoir de prendre. En effet, c'est le degré de
contrôle effectif du supérieur - la capacité
matérielle de contrôle qui est la sienne - qui doit permettre
à la Chambre de déterminer s'il a pris les mesures raisonnables
pour empêcher ou punir les crimes de ses subordonnés. Une telle
capacité matérielle ne peut se concevoir dans l'abstrait, mais
doit être appréciée au cas par cas, compte tenu de toutes
les circonstances73(*).
D'une manière générale, nous constatons
que l'obligation qui s'impose au supérieur hiérarchique comprend
deux facettes : prévenir la Commission du crime et punir les
auteurs. Ceci étant, l'auteur ne peut se dégager de sa
responsabilité pénale en alléguant par exemple que
même s'il n'a pas pu empêcher la Commission du crime, il a au moins
puni les auteurs. C'est dans ce sens que dans l'affaire Bagilishema la
Chambre de première instance du TPIR a estimé que :
« [...] l'obligation faite au supérieur
d'empêcher ou de punir le crime ne place pas l'accusé face
à plusieurs options. Ainsi le supérieur qui savait ou avait des
raisons de savoir que ses subordonnés étaient sur le point de
commettre des crimes et qui ne les en a pas empêchés ne peut-il
compenser ce manquement en punissant après coup lesdits
subordonnés » 74(*).
A la lumière de l'analyse qui précède,
force est de constater que le supérieur hiérarchique est soumis
à une obligation de moyen. Sa responsabilité sera
appréciée en tenant compte des moyens ou des mesures qu'il avait
à sa disposition pour empêcher le crime ou en punir les auteurs.
La responsabilité du supérieur ne peut pas être
engagée par le fait qu'il n'a pas réussi à empêcher
ses subordonnés de commettre les crimes ou les punir. La
responsabilité qu'il encourt découle d'une intention coupable ou
d'une omission de sa part. Evidemment, les mesures à prendre
dépendent du poste occupé par le supérieur ; dans
certaines circonstances, il peut s'acquitter de son obligation d'empêcher
ou de punir en signalant aux autorités compétentes.
I. La
portée de la responsabilité du supérieur
hiérarchique
La notion de supérieur hiérarchique doit
être prise dans un sens large75(*). Sur le plan juridique, quelles sont les personnes
qui peuvent être considérées comme occupant un poste de
supérieur hiérarchique ? Concrètement, il s'agit de
déterminer le champ d'application personnel du principe de la
responsabilité pénale du supérieur hiérarchique.
Deux points feront l'objet de notre analyse, à
savoir : la responsabilité pénale des supérieurs
hiérarchiques militaires (A) et celle des supérieurs
hiérarchiques civils (B).
A. La responsabilité
pénale des supérieurs hiérarchiques militaires
Cette forme de responsabilité est prévue
à l'article 87 du Protocole additionnel I. Aux termes dudit article, les
commandants ont une obligation de prendre toutes les mesures nécessaires
et raisonnables pour empêcher que les infractions soient commises ou les
dénoncer à l'autorité compétente. Il s'agit d'une
responsabilité qui est encourue par tout commandant militaire lorsque
ses subordonnés violent gravement les règles du droit
international humanitaire tant en matière de conflit armé interne
que de conflit armé international.
Compte tenu de la particularité de la hiérarchie
militaire, la notion de commandant ne vise pas seulement les hautes
personnalités de l'ordonnancement militaire, elle vise aussi toute
personne ayant des responsabilités de commandement depuis des
commandants supérieurs jusqu'aux chefs de peloton n'ayant que quelques
hommes sous leurs ordres76(*). Ceci est vrai car il n' y a aucun
élément de l'armée qui ne soit pas subordonné
à un commandement militaire, à quelque échelon que ce
soit. La responsabilité des commandants s'exerce de haut en bas de la
hiérarchie, du commandant en chef au simple soldat qui reprend la
tête du peloton lorsque son chef se trouve dans l'incapacité
de poursuivre sa mission.
En outre, il est à noter que l'obligation
s'étend dans le cadre des compétences qui sont dévolues
à chaque échelon de la hiérarchie et que les devoirs d'un
sous-officier ne sont pas identiques à ceux d'un commandant de division.
Pour chacun, et dans le cadre desdites compétences, la
responsabilité s'étend à tous les membres des forces
armées qui sont placés sous son commandement. Dès qu'il a
la possibilité de savoir ou même des raisons de savoir que ses
subordonnés commettaient des infractions, le supérieur
hiérarchique est automatiquement mis en accusation. Il ne pourrait se
soustraire à cette responsabilité que s'il prouve qu'il a pris
des mesures pour empêcher la Commission d'une infraction ou qu'il en a
puni les auteurs.
Les décisions du TPIR divergent sur le degré de
contrôle des subordonnés exigé aux supérieurs
hiérarchiques militaires par rapport à leurs homologues civils.
Certaines Chambres soutiennent qu'il ne devrait pas y avoir de
différence entre supérieurs hiérarchiques militaires et
civils et que l'intention criminelle du supérieur doit être
prouvée dans les mêmes conditions tant pour un militaire que pour
un civil77(*).
Pour les autres Chambres78(*), le degré de contrôle du
supérieur hiérarchique militaire est beaucoup plus
élevé que celui d'un supérieur hiérarchique civil
car le premier doit prendre l'initiative de s'informer sur les activités
de ses subordonnés dès qu'il savait ou en raison de
circonstances, aurait dû savoir, que ses forces commettaient ou allaient
commettre des crimes. Par contre, le supérieur hiérarchique civil
n'est pas tenu, de prime abord, à être informé de chacune
des activités menées par les diverses personnes placées
sous son contrôle.
La distinction faite entre le supérieur
hiérarchique militaire et civil a des répercussions sur
l'élément intentionnel exigé pour constituer la
responsabilité du supérieur hiérarchique. Ceci
étant, les tenants de la théorie uniforme (égalité
dans le traitement), soutiennent que le supérieur hiérarchique
sans distinction aucune doit avoir eu une négligence grave pour que sa
responsabilité pénale soit engagée. Pour les tenants de la
théorie duale, une distinction est faite entre deux formes d'intention
coupable selon qu'il s'agit d'un supérieur militaire ou civil :
dans le premier cas, c'est la négligence simple et pour le
deuxième cas, c'est la négligence aggravée ou le dol
éventuel79(*).
B. La responsabilité
pénale des supérieurs hiérarchiques civils
La possibilité que la responsabilité des civils
soit engagée au titre de la responsabilité hiérarchique
est traditionnellement contestée80(*). En effet, la TPIR, tout en reconnaissant que la
responsabilité du supérieur est issue du droit militaire, a
cependant considéré que le principe peut également
s'appliquer aux responsables hiérarchiques civils, y compris le cas de
crimes de guerre, à condition que les pouvoirs de ces derniers soient
assimilables à celui des militaires81(*).
Etant donné que cette responsabilité
pénale soulève des controverses dans son application, le TPIR a
toujours insisté qu'une analyse s'avère nécessaire pour
s'assurer que l'accusé avait le pouvoir dévolu au
supérieur afin de décider s'il avait la capacité effective
d'imposer des mesures pour empêcher la Commission des crimes ou en punir
les auteurs82(*).
Dans l'affaire Kayishema et Ruzindana, il a été
considéré que le fait de rapporter la preuve que l'accusé
était le supérieur de jure ou de
facto, et que c'est pour donner effet à ses ordres que les
atrocités ont été commises, suffit pour
établir sa responsabilité en tant que supérieur
hiérarchique83(*).
Il s'ensuit que c'est à partir du degré effectif
de contrôle du supérieur hiérarchique que l'on peut
déterminer s'il a raisonnablement pris des mesures requises pour
empêcher le crime ou en punir les auteurs. Par conséquent, dans
certaines circonstances, un commandant peut s'acquitter de son obligation
d'empêcher ou de punir en signalant l'affaire aux autorités
compétentes84(*).
Il convient de constater que la question de
l'évaluation du pouvoir dévolu à l'accusé a
été pertinente dans le cas d'Alfred Musema, ancien directeur de
l'usine à thé de Gisovu, dans l'ex-préfecture de Kibuye.
Musema était accusé en vertu de l'article 6 (3) d'avoir
profité de son influence locale en tant que directeur de l'usine
à thé pour amener les habitants de cette région à
participer aux massacres. La Chambre note que l'accusé jouissait d'une
renommée certaine et d'une bonne assise sociale dans l'ex-commune
Gisovu85(*).
Dans cette affaire, la Chambre de première instance du
TPIR, a admis que l'influence est un pouvoir de commande informel et qu'elle
peut constituer une base suffisante à l'application de la notion de
responsabilité pénale du supérieur
hiérarchique86(*).
Un tel pouvoir de contrôle, même factuel, implique
le plus souvent un lien de « subordination indirecte » dont
le concept a été dégagé à l'article 87 du
Protocole additionnel I aux Conventions de Genève qui, en l'opposant au
lien de « subordination directe », le définit comme
supposant une obligation du commandant de prévenir les infractions aux
Conventions de Genève qui s'étend, par delà ses
subordonnés directs, « aux autres personnes sous son
autorité87(*) ».
Cependant, la Chambre n'a pas retenu la responsabilité
de Musema sur base de l'article 6 (3) du Statut du TPIR. Elle a, à
cette occasion, motivé sa décision en ces termes :
[...] s'agissant des autres membres de la population de la
préfecture de Kibuye, y compris les ouvriers des plantations de
thé villageois, la Chambre se déclare convaincue que Musema
était considéré comme un personnage occupant une position
d'autorité, investi d'un pouvoir considérable dans la
région mais estime qu'il n'a pas été établi
au-delà de tout doute raisonnable, sur la foi des preuves qui lui ont
été soumises que Musema exerçait effectivement
une autorité de jure et un contrôle de facto sur
ces individus88(*).
En effet, la lecture de ce passage nous amène à
conclure que le TPIR reconnaît que l'influence peut constituer un indice
d'un pouvoir ou l'autorité que l'influant peut avoir sur des personnes
données et que ces dernières peuvent être
considérées comme des subalternes placées sous son
autorité. Et partant, il sera responsable de leurs actes s'il est
établi que ce supérieur n'a pas pris des mesures requises pour
empêcher le crime ou en punir les auteurs. Dans tous les cas,
l'imputation au supérieur civil des actes de ses subordonnés doit
se faire en considération du contrôle effectif qu'il
exerçait sur les auteurs du crime.
Comme déjà dit, le supérieur civil n'est
pas au pied d'égalité que son homologue militaire. Le
supérieur civil n'est pas de prime abord tenu au devoir d'être
informé de chacune des activités de ses subordonnés dans
la mesure où il n'a pas les mêmes pouvoirs de contrôle, de
commandement et de répression que ceux attribués à un
supérieur militaire.
Sur ce point, nous partageons l'avis de M. HENZELIN selon
lequel une responsabilité étendue du supérieur
hiérarchique civil, sans que ce dernier ait les mêmes pouvoirs que
son homologue militaire, irait à l'encontre du principe de
l'égalité et du principe in dubio pro
libertate89(*).
Cependant, il faut admettre que les supérieurs civils qui se trouvent
de facto dans la même situation que les militaires en termes de
contrôle et de commandement soient tenus responsables, lorsqu'ils
omettent d'agir par négligence consciente ; alors que les civils
ordinaires ayant des positions de garant ne peuvent encourir une
responsabilité pénale que lorsqu'ils omettent intentionnellement
d'agir, y compris par dol éventuel90(*).
La responsabilité pénale individuelle de
l'accusé, étant mise en oeuvre, nous allons dans le
deuxième chapitre étudier les critères retenus par le TPIR
en application de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II.
CHAPITRE II :
LES CRITERES D'APPLICATION DE L'ARTICLE 3 COMMUN AUX
CONVENTIONS DE GENEVE ET DU PROTOCOLE ADDITIONNEL II
Toute infraction suppose l'existence d'un certain nombre de
critères en l'absence desquels l'acte visé ne saurait être
incriminé. Ces critères sont soit d'ordre
général soit d'ordre spécifique. Le caractère
international des violations de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II, entraîne cependant
certaines différences quant au contenu de ces éléments
constitutifs.
Deux sections feront l'objet de
notre analyse sous ce chapitre a savoir : les critères d'ordre
général (Section I), ensuite les critères d'ordre
spécifique (Section II).
SECTION I : LES CRITERES D'ORDRE GENERAL
Comme
les autres infractions, toute violation de l'article 3 commun ou du Protocole
additionnel II, doit comprendre trois éléments pour être
retenue, à savoir l'élément légal (§1),
l'élément matériel (§2) et l'élément
moral (§3).
§1. L'élément légal
L'élément légal d'une infraction est le
texte légal qui réprime ce genre de comportement. C'est
l'application du principe de la légalité des incriminations et
des peines. Ce principe exprimé par le célèbre adage
latin nullum crimen nulla, poena sine lege, consacre la règle
de droit pénal qui interdit qu'une personne puisse être poursuivie
pour les faits dont l'incrimination n'était pas établie au
moment de leur Commission, ni condamnée à d'autres peines que
celles prévues par la loi pour de tels faits.
Certes, chaque droit pénal national reconnaît
l'importance de ce principe. Beaucoup de législations
nationales91(*) consacrent
ce principe en reprenant l'article 11 al. 2 de la Déclaration
Universelle des Droit de l'Homme qui stipule que : « Nul
ne sera condamné pour des actions ou omissions où elles ont
été commises, ne constituaient pas un acte délictueux
d'après le droit national ou international ».
Particulièrement en matière pénale, un
Etat peut imposer certaines limites aux droits fondamentaux de ses citoyens
notamment le droit à la liberté et le droit à la vie. Le
principe de la légalité des incriminations et des peines
constitue donc une précieuse garantie des citoyens contre l'arbitraire
des pouvoir exécutif et judiciaire. Si les incriminations
n'étaient pas déterminées d'avance, le citoyen
s'exposerait à des poursuites injustes92(*).
L'application du principe de la légalité des
incriminations et des peines est l'une des questions les plus
controversées de la doctrine contemporaine du droit international. Cette
règle qui, en droit interne, joue un rôle important dans la
protection des intérêts tant publics que privés, se heurte
à un obstacle de taille en droit international93(*). En effet, il n'y a pas
formellement de législateur international et partant il ne pourrait y
avoir de loi internationale.
Ceci étant, la première question qui se pose est
celle de savoir les sources sur la base desquelles les individus peuvent
pénalement être tenus responsables. Concrètement, quelles
sont les sources de droit applicable pour déterminer que tel acte ou
comportement constitue ou non un crime au regard du droit international.
Pour mieux cerner les contours du principe de
légalité criminelle internationale, nous aborderons la
légalité des incriminations et la légalité des
peines.
I. La
légalité des incriminations
Nous aborderons, dans ce point, la signification du principe
de la légalité des incriminations (A) et ensuite son application
devant le TPIR (B).
A. Signification
Elle signifie qu'aussi longtemps qu'un fait
déterminé n'est pas présenté par la loi comme une
transgression ou une violation d'une règle qu'elle énonce
expressément, il ne peut exister aucune infraction et aucune poursuite
judiciaire ne peut se justifier94(*).
En droit international en général, et en droit
international des conflits armés en particulier, ce sont les Conventions
et la coutume internationales qui, en l'absence d'organe législatif
international, jouent un rôle important dans la détermination de
l'infraction internationale. Les Conventions internationales viennent
généralement exprimer officiellement des principes
déjà consacrés par une coutume internationale et leurs
dispositions sont en général fixées dans un cadre
préétabli par la coutume95(*).
Dans ce sens, le jugement de Nuremberg a constaté qu'
indépendamment des traités, les lois de la guerre se
dégagent d'usages et coutumes progressivement et universellement
reconnus, de la doctrine des juristes, de la jurisprudence des tribunaux, etc.
Souvent les textes ne font qu'exprimer et préciser les principes d'un
droit déjà en vigueur 96(*). Dès lors, l'exigence d'une disposition
expresse pour pouvoir considérer un comportement comme infraction
internationale est remplie à partir du moment où il existe un
texte ou plus précisément une convention à ce sujet.
Les tenants de cette théorie, soutiennent que seuls les
Conventions, les traités, le accord écrits entre les Etats,
peuvent constituer les sources de droit applicable sur la base desquelles la
responsabilité individuelle peut être engagée. Cette
position consacre l'idée selon laquelle seul le droit positif
international prime.
Cette manière de voir n'a pas été
reconnue par tous. Une certaine doctrine97(*), accordant à ce principe une valeur absolue
aussi bien en droit international qu'en droit interne, considère en
effet, que l'équité et la raison autorisent que des raisons ou
circonstances exceptionnelles puissent justifier ou excuser la violation d'un
principe aussi essentiel pour la vie des individus en communauté.
Selon un autre point de vue, le principe de la
légalité des incriminations n'est pas une règle de droit
mais plutôt un principe d'éthique ou d'ordre moral qui n'a pas de
force contraignante dans le contexte de crimes d'ordre international98(*).
Enfin, selon les autres, les règles de droit
international coutumier ainsi que les traités, constituent la source de
droit applicable dans la détermination de la responsabilité
pénale individuelle ; partant, dans le cadre du droit
international, le principe nullum crimen sine iure semble être
une meilleure alternative du principe nullum crimen sine lege en
droit pénal international. Ainsi, une notion dérivée du
droit pénal national est interposée dans le système de
droit international. En l'absence d'un droit pénal international
codifié, le principe de la légalité des incriminations
doit avoir un sens différent de celui de l'ordre juridique
interne99(*).
Il est à noter qu'en l'absence d'organe
législatif international qui puisse édicter des lois
écrites, ce sont les Conventions et la coutume internationales qui sont
les sources du droit international.
Etant donné que le TPIR est le centre de notre
recherche, il sied de voir comment il a justifié la
légalité des violations de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II, les incriminations
qui sont prévues par l'article 4 de son Statut.
B. Mise en oeuvre
Le TPIR est un tribunal international crée par la
résolution 955 du Conseil de Sécurité de l'ONU,
adoptée en application du chapitre VII de la charte de l'ONU, pour juger
les personnes présumées responsables d'actes de génocide
ou autres violations graves du droit international humanitaire commis au
Rwanda, ainsi que les citoyens rwandais qui auraient perpétré ces
crimes dans les pays frontaliers du Rwanda. Tous les crimes qui entrent dans la
compétence du TPIR relèvent du droit international en vigueur
lors de sa création. N'étant pas un organe législatif, le
Conseil de sécurité ne pouvait pas créer de lois, mais
inclure dans le Statut des instruments faisant partie du droit coutumier
existant.
Le sort des violations du droit des conflits armés qui
matériellement s'apparentent aux faits incriminés, mais qui ne
sont pas produits dans un contexte interne, a longtemps fait l'objet de
controverses. Jusqu'au début des années 90, la tendance
générale était de considérer que les violations
même massives et graves de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève ou des dispositions du Protocole additionnel II, ne pouvaient en
aucun cas être qualifiées de crimes de guerre au sens du droit
humanitaire en vigueur et n'engendraient donc pas les conséquences qui
se rattachent à cette notion100(*). Parmi ces conséquences, on peut citer
notamment la reconnaissance desdits textes comme étant des normes de
jus cogens101(*).
Au vu des exigences du principe de la légalité
des incriminations dans le cadre du droit pénal international, notamment
le caractère coutumier de la norme, force est de constater qu'en
adoptant le Statut du TPIR, le Conseil de sécurité est
allé plus loin que celui du TPIY dans le choix du droit applicable et a
inclus dans la compétence matérielle, surtout en matière
de crimes de guerre, des instruments qui n'étaient pas
nécessairement considérés comme faisant partie du droit
international coutumier ou dont la violation n'était pas
généralement considérée comme engageant la
responsabilité pénale de son auteur. L'article 4 du Statut du
TPIR inclut donc les violations de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II, qui dans son ensemble, n'a pas
encore été universellement reconnu comme faisant partie de droit
international coutumier102(*).
Les juges du TPIR dans l'affaire Akayesu sont néanmoins
revenus sur l'avis du Secrétaire Général de l'ONU lors de
la création du TPIY et ont affirmé qu'en application du principe
nullum crimen sine lege , le Tribunal international devrait
appliquer les règles du droit humanitaire qui faisaient partie, sans
aucun doute possible, du droit coutumier. Dans ce sens, la Chambre de
première instance I a considéré qu'il est bon de
répondre à la question de savoir si l'article 4 du Statut
renferme des règles qui, à l'époque où les crimes
allégués dans l'acte d'accusation ont été commis,
ne faisaient pas partie du droit international coutumier
existant103(*).
Dans la même affaire, le Tribunal a essayé de
justifier le caractère coutumier de deux textes légaux en
question. Selon la Chambre, il est clair aujourd'hui que l'article 3 commun a
acquis le statut de règle du droit coutumier en ce sens que la plupart
des Etats répriment dans leur code pénal des actes qui, s'ils
étaient commis à l'occasion d'un conflit armé interne,
constitueraient des violations de l'article 3 commun104(*).
A cette occasion, la Chambre de première instance s'est
référée au jugement Tadic105(*) rendu par la Chambre de
première instance du TPIY dans lequel il a été jugé
que l'article 3 commun faisait sans aucun doute partie du droit international
coutumier et qu'il existait un ensemble de principes et de normes
généraux relatifs aux conflits armés internes qui couvrent
l'article 3 commun mais qui ont également une portée plus
large.
Cependant, le Protocole additionnel II dans son ensemble n'a
pas été reconnu par le Secrétaire Général
comme faisant partie du droit international coutumier. Dans ce sens, la Chambre
de première instance I du TPIR, dans l'affaire Akayesu, a
jugé qu'elle est en accord avec cette opinion dans la mesure où
de nombreuses dispositions dudit Protocole peuvent maintenant être
considérées comme déclaratives de règles existantes
ou comme ayant cristallisé des règles naissantes du droit
coutumier, mais non toutes106(*).
Toutefois, les juges du TPIR dans cette affaire, en cherchant
les dispositions qui pourraient leur servir de règles de droit, ont fait
un choix parmi les dispositions du Protocole additionnel II et ont conclu que
l'article pertinent dans le contexte du TPIR est le paragraphe 2 de l'article 4
(garanties fondamentales) dudit Protocole car toutes les garanties
énoncées à l'article 4 du statut reprennent et
complètent celles prévues à l'article 3 commun107(*).
Par ailleurs dans l'affaire Kayishema et Ruzindana, la Chambre
de première instance a adopté une autre solution. Dans cette
affaire, la Chambre a considéré qu'il n' y a pas lieu de se
pencher sur la question de savoir si les instruments repris dans l'article 4 du
Statut du TPIR font partie du droit coutumier. Pour la Chambre, une telle
analyse lui semble superflue dans la mesure où la situation est assez
claire. Etant donné que le Rwanda est devenu partie aux Conventions de
1949 le 5 mai 1964 et au Protocole II le 19 novembre 1984, la Chambre
considère que ces instruments étaient bien en vigueur au Rwanda
au moment où les tragiques événements de 1994 se
déroulaient sur son sol108(*).
De plus, les infractions énumérées
à l'Article 4 du Statut constituaient également toutes des crimes
au regard des lois rwandaises en vigueur en 1994, par conséquent, il ne
fait aucun doute que les personnes coupables de violations de ces instruments
internationaux au cours des événements survenus au Rwanda en 1994
peuvent parfaitement être l'objet de poursuites. La question qui se pose
à la Chambre ne porte donc pas sur l'applicabilité de ces
instruments au sens général du terme mais plutôt sur leur
seuil d'applicabilité au cas d'espèce. Une analyse juridique
détaillée de ces instruments et du contexte historique dans
lequel leur adoption est intervenue s'avère nécessaire pour y
répondre109(*).
En somme, ni le statut du TPIR ni celui du TPIY ne
prévoit une disposition consacrant le respect du principe
« nullum crimen sine lege ». Bien que le
Secrétaire Général de l'ONU ait expressément
mentionné ce principe dans son rapport lors de la création du
TPIY, il n'a pas donné d'explications sur l'applicabilité de ce
principe. Les deux tribunaux se déclarent généralement
être compétents de poursuivre les personnes
présumées avoir violé des règles de droit
international coutumier susceptibles d'engager la responsabilité
pénale des individus. Le principe de la légalité des
incriminations tel qu'appliqué par les deux tribunaux concerne plus la
prévisibilité du caractère coutumier des normes et non la
garantie contre les poursuites arbitraires qu'exerceraient ces
tribunaux110(*).
II. La
légalité des peines
En vertu de ce principe, aucune peine ne peut être
appliquée si elle n'était pas prévue par la loi
pénale avant la Commission de l'acte punissable.
Une fois de plus, on est confronté, en droit
international, à un sérieux problème car aucun instrument
international ne prévoit de manière précise de sanctions
pénales à appliquer si une règle de droit international
est violée. Dans le cas du TPIR, le statut se limite à
préciser que le Tribunal n'impose que des peines
d'emprisonnement111(*).
Le manque de précision de sanctions pénales
contre les infractions d'ordre international découle du fait que pendant
longtemps il a été considéré que la violation des
normes de droit international n'engageait que la seule responsabilité de
l'Etat. Dès lors, les seules sanctions applicables à la personne
morale de l'Etat étaient les sanctions économiques, politiques
et diplomatiques, il ne semblait pas nécessaire d'édicter des
sanctions pénales sur le plan international112(*).
C'est ainsi que, pour trouver des sanctions pénales aux
infractions internationales, l'on recourt à la solution fournie par la
théorie générale du droit pénal. En effet, en droit
pénal, lorsqu'une disposition fait uniquement allusion à
l'infraction sans parler de la peine c'est-à-dire en cas de lex
imperfecta, on recourt à la méthode analogique.
On appliquera ainsi en fonction de l'analogie que
présente l'infraction internationale avec les infractions de droit
interne, la sanction prévue par la disposition la plus proche de celle
qui constitue la lex imperfecta113(*).
C'est dans ce sens que les rédacteurs du Statut du TPIR
en son article 23 (1) ont prévu que les Chambres de première
instance aura recours, pour fixer les peines d'emprisonnement applicables,
à la grille générale des peines appliquées par les
tribunaux du Rwanda.
Par ailleurs, le recours à la méthode analogique
est l'objet de critiques. D'aucuns seraient en effet enclins à affirmer
qu'en appliquant ces peines, on est en contradiction avec le principe de la
légalité des peines étant donné que les
dispositions pénales doivent être interprétées
restrictivement114(*).
D'autres rétorquent qu'en admettant qu'il s'agisse effectivement d'une
violation du principe, on opterait, vu les intérêts en
présence, pour une telle violation plutôt que pour son respect
absolu qui aboutirait à assurer l'impunité de tous les
criminels115(*). Il
s'ensuit que si l'interprétation restrictive est érigée en
principe quasi-incontournable en droit interne, elle ne s'impose pas en droit
international des conflits armés.
Paradoxalement, les juges du TPIR n'ont pas abordé la
question de la légalité des peines imposées par le TPIR
alors que la légalité des incriminations a fait l'objet de
plusieurs débats. Aucun jugement ne fait allusion à la
légalité des peines.
Sans prétendre trancher de manière
définitive cette question, et en étendant le débat au
droit international, il paraît facile de faire le point en citant pour
répondre à ceux qui invoquent la violation du principe
nulla poena sine lege , les articles 11 § 2 de la déclaration
universelle des Droits de l'Homme, et 15 du pacte international relatif aux
doits civiques et politiques, ou encore l'article 7 § 2 de la convention
européenne des Droits de l'homme qui stipulent que ce principe ne peut
porter préjudice à la condamnation ou à la punition pour
un acte ou omission qui, au moment de son règlement, était
punissable conformément aux principes juridiques de base
généralement reconnu par la communauté internationale .
§2. L'élément matériel
Dans le droit pénal interne, l'infraction est une faute
qui consiste en la transgression de la loi pénale. Cette violation se
réalise par l'accomplissement, voire la tentative d'accomplissement de
l'acte décrit et interdit par un texte légal116(*). Il va sans dire que la
simple pensée coupable n'est pas punissable comme l'exprime l'adage
latin « nemo cogitationis poenam patitur 117(*)». L'infraction n'existe
comme telle qu'avec un minimum de matérialisation de l'attitude
coupable. L'élément matériel de l'infraction est donc le
comportement décrit et réprimé par le loi.
Néanmoins, il demeure que la loi ne peut incriminer que
des actes, en raison du principe « pas d'infraction sans
activité matérielle ». Ce principe signifie que seul un
acte, c'est-à-dire une action voire une abstention, est susceptible de
constituer une infraction. Concrètement, l'infraction consiste à
commettre un acte interdit par la loi (infraction de Commission118(*)) ou à omettre un acte
prescrit par la loi (infraction d'omission119(*)).
Comme toute autre infraction de droit commun, une violation de
l'article 3 commun et du Protocole additionnel II peut se produire sous forme
d'une action ou d'une omission ; ces deux notions étant
conçues de manière plus large en droit international qu'en droit
interne120(*).
Ainsi, l'élément matériel des violations
de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II pourrait consister aussi
bien en un homicide intentionnel qu'en un défaut pour le
supérieur, de prendre les mesures nécessaires pour empêcher
la Commission d'un acte dont il savait ou avait de raisons de savoir qu'il
s'apprêtait à être commis. Dans le premier cas, il s'agit
d'une infraction de Commission et dans le second cas, il s'agit d'une
infraction par omission ou par abstention.
En ce qui concerne les violations de l'article 3 commun et du
Protocole additionnel II sous forme d'infractions de Commission, l'article 6
(1) du statut du TPIR envisage différentes formes d'accomplissement par
l'agent des actes prohibés. Ainsi, la responsabilité
pénale individuelle sera retenue si une fois il est prouvé que
l'accusé a planifié, incité à commettre,
ordonné, commis les violations de l'article 4 du Statut du TPIR.
La lecture de l'article 6 (1) du Statut du TPIR nous permet de
mieux appréhender les contours de la Commission d'un crime de sa
préparation initiale à son exécution. La
responsabilité pénale envisagée pour les violations de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel
II suppose que la planification débouche sur sa Commission121(*). Il va sans dire que si,
pour des raisons indépendantes de la volonté de l'agent, les
agissements criminels sont interrompus avant le stade d'exécution,
l'infraction n'est pas retenue contre l'accusé122(*).
Toutefois, l'attitude du TPIR face à cette forme de
Commission d'une infraction est en contradiction avec le principe du droit
pénal interne selon lequel la tentative est punissable comme
l'infraction consommée. La jurisprudence du TPIR ne donne aucune
explication en ce qui concerne l'exclusion de la possibilité de punir
l'auteur de la tentative au même titre que l'auteur de l'infraction.
Force est de constater que l'attitude du TPIR révèle que les
juges tiennent compte de l'acte matériel plus que la puissance de
nuire. A notre avis, comme dans le cas de tentative où l'auteur ne
parvient pas à accomplir intégralement l'acte incriminé
pour des raisons indépendantes de sa volonté, la tentative dans
le cas d'espèce devrait être punie mais un abaissement de la peine
s'avère nécessaire du fait que l'infraction n'est pas
consommée.
§3. L'élément moral
Pour qu'une infraction soit constituée, il ne
suffit pas que l'agent soit l'auteur matériel de l'acte. L'acte n'est
une infraction punissable que s'il émane d'un être humain
jouissant de ses facultés mentales (imputabilité) et ayant commis
une faute (culpabilité). L'infraction n'est constituée qu'autant
qu'il existe un lien entre les faits et la volonté de l'agent. Il
s'ensuit que la responsabilité pénale de l'auteur n'est pas
retenue en cas d'insuffisance123(*) ou d'altération passagère124(*) des facultés
intellectuelles.
Comme toutes les autres infractions d'ordre international, les
violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II, sont commises avec l'intention coupable et
délibérée de l'auteur. Il s'agit de la cause morale de la
conduite de l'auteur, de la volonté de transgresser la loi
édictant l'infraction. En commettant l'infraction, l'auteur a voulu,
atteindre un résultat donné. Etant donné que la
responsabilité pénale en cas des violations de l'article 3 commun
aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II exige
l'existence d'un lien de connexité entre les actes de l'accusé et
le conflit armé, le Procureur doit prouver que l'accusé avait une
volonté dirigée vers un but qui est celui de mettre en oeuvre, de
coordonner ou de soutenir les efforts de la guerre125(*).
Les responsabilités et devoirs définis par les
Conventions de Genève et les Protocoles additionnels II ne s'appliquent
traditionnellement qu'aux membres des forces armées. L'intention
coupable requise pour les militaires n'a posé aucun problème
devant le TPIR. C'est dans ce cadre que la Chambre de première instance
n'a pas hésité de retenir la responsabilité de Samuel
Imanishimwe126(*)
l'ancien Lieutenant des Forces Armées Rwandaises, alors que ses
coaccusés Ntagerura et Bagambiki, des civils, ont été
déclarés non coupables de ces violations127(*).
Dans le cadre du conflit rwandais la preuve de
l'élément moral pour les civils s'est
révélée difficile à prouver. Même si le TPIR
a reconnu que les civils peuvent être tenus responsables des violations
de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole
additionnel II, les Chambres de première instance du TPIR ont souvent
déclaré les accusés non coupables faute de lien de
connexité entre les actes commis et le conflit armé.
Monsieur Mohammed AYAT, conseil juridique principal
chargé de la coopération entre le TPIR et le Gouvernement
rwandais auprès du Bureau du Procureur à Kigali, nous a
déclaré au cours d'un entretien que la raison de l'attitude du
TPIR pourrait être recherchée dans le fait que les civils
étant en position de facto de commettre les violations de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel
II, la preuve factuelle de l'intention de l'accusé d'aider les
militaires dans leurs opérations a été pour l'accusation
difficile à prouver128(*). La question qui se pose dans le cas du conflit
rwandais, est celle de savoir si le génocide des Tutsis a
été commis dans le but de soutenir les efforts de la guerre entre
le FPR et les forces armées rwandaises de l'époque (les FAR).
Dans cette optique, le Procureur a souvent estimé que les attaques
dirigées contre la population tutsie ont été, à un
certain degré, motivé par le conflit armé entre le FPR et
les FAR129(*).
Même si au niveau des Chambres de première instance cette
représentation a été réfutée par les
juges130(*), la Chambre
d'appel du TPIR dans l'affaire Rutaganda, a fait une déduction en
concluant que la participation au génocide rwandais est liée au
conflit armé131(*).
Par ailleurs, la responsabilise pénale de
l'accusé peut également être retenue du fait d'une faute
d'imprudence ou de négligence. La faute d'imprudence ou de
négligence ou de manque à une obligation ne comporte pas le
désir du résultat, mais suppose la prévision du
résultat comme possible et consiste à ne pas avoir pris des
précautions qui auraient empêché le dommage de
survenir132(*).
C'est le cas par exemple, d'un supérieur
hiérarchique qui savait ou avait des raisons de savoir que le
subordonné s'apprêtait à commettre un crime ou l'avait fait
et que le supérieur n'a pas pris des mesures nécessaires et
raisonnables pour empêcher que ledit crime ne soit commis ou en punir les
auteurs133(*). Dans ce
cas, la responsabilité pénale du supérieur
hiérarchique n'est pas engagée non pour ses propres actes, mais
parce qu'il a failli à son devoir de prévenir et de punir les
auteurs.
SECTION II : LES CRITERES D'ORDRE SPECIFIQUE
Ni le Statut du TPIR ni le règlement de
procédure et de preuve ne détermine les conditions
que l'acte incriminé doit remplir pour qu'il puisse tomber sous le
coup de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II. Tout simplement le
Statut dans son article 4 dresse une liste des actes qui sont qualifiés
de violations graves du droit international humanitaire.
S'inspirant des décisions rendues par les autres
tribunaux internationaux en la matière et des commentaires du CICR sur
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et le Protocole additionnel
II, le TPIR a développé une jurisprudence relative aux
critères d'applicabilité de l'article 3 commun et du Protocole
additionnel II, notamment l'existence d'un conflit armé à
caractère non international (§1), les crimes doivent être
commis par les personnes visées par les textes légaux et contre
les personnes juridiquement protégées (§2), les crimes
doivent être commis sur un territoire visé par les textes
légaux (§3), et enfin un lien de connexité doit exister
entre le crime et le conflit armé (§4) 134(*).
§1. Un conflit armé de caractère non
international
La jurisprudence du TPIY définit un conflit armé
comme étant un recours à la force armée entre Etats ou un
conflit prolongé entre les autorités gouvernementales et des
groupes armés organisés ou entre de tels groupes au sein d'un
Etat135(*).
Cette définition a été reprise à
son compte par le TPIR136(*) qui y a apporté certains
éclaircissements. Il convient de noter que ce n'est pas n'importe quel
conflit qui puisse tomber sous le coup desdits textes légaux. Pour
tomber sous le coup de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et
du Protocole additionnel II, le conflit armé doit présenter un
caractère non international (I) et satisfaire aux exigences
prévues par les deux instruments internationaux (II).
I. Un conflit ne
présentant pas un caractère international
Tout en reconnaissant l'absence d'une définition
générale du conflit armé non international, le TPIR dans
le jugement Musema a fait savoir que la nature du conflit doit
s'apprécier par référence aux objectifs qui le
caractérisent137(*).
Selon le TPIR, un conflit armé non international est
différent d'un conflit armé international en raison du statut
juridique des parties en présence : les parties en conflit ne sont pas
des États souverains mais le gouvernement d'un seul et même
État en conflit avec une ou plusieurs factions armées à
l'intérieur de son territoire138(*). Les critères pris en considération
sont le statut juridique des parties au conflit, c'est-à-dire un Etat
contre les forces ne répondant pas à la définition de
l'Etat, et la circonscription dans laquelle se déroulent les combats,
c'est-à-dire le territoire intérieur du pays.
Sur base de ce qui précède, le TPIR a
proposé la définition des conflits armés non
internationaux en concluant que les conflits armés non internationaux
sont des situations dans lesquelles des hostilités interviennent entre
des forces armées ou des groupes armés organisés à
l'intérieur d'un même État 139(*).
Cependant, en ce qui concerne la définition d'un
conflit armé non international, le TPIR dans l'affaire Rutaganda a
précisé que cette définition en soi est donc abstraite et
le caractère de "conflit armé" répondant aux exigences de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève doit s'apprécier au
cas par cas140(*).
Ainsi, s'agissant de cette question, la Chambre de première instance
à cette occasion s'est référée au jugement Akayesu
dans lequel il a été proposé un "critère de
référence" en vertu duquel il convient d'apprécier
l'intensité des combats et l'organisation des parties au conflit afin de
se prononcer sur l'existence d'un conflit armé141(*).
Dans le cas du conflit rwandais, les juges du TPIR142(*) ont toujours affirmé,
à l'unanimité, l'existence au Rwanda d'un conflit armé
interne durant l'époque des faits allégués dans les actes
d'accusation. Ceci est vrai car un conflit armé opposait les forces
gouvernementales de l'époque, les FAR, d'une part, et des forces
armées dissidentes, le Front Patriotique Rwandais, d'autre part. De
plus, le conflit se déroulait à l'intérieur du territoire
rwandais.
II. Un conflit répondant
aux exigences de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II
Dans la jurisprudence du TPIR143(*), il est établi que le
seuil d'application du Protocole additionnel II est plus élevé
que celui de l'article 3 commun aux Conventions de Genève. Ceci
entraîne une différence dans la définition du conflit
armé dans ces deux dispositions. Cependant, le Tribunal a refusé
de prendre en compte cette différence dans la mise en oeuvre de
l'article 4 du Statut et a décidé qu'il doit être satisfait
aux conditions de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II pris ensemble pour qu'une infraction entre dans le
cadre de l'article 4 du Statut144(*).
En effet, ces conditions sont utiles en ce qu'elles permettent
de distinguer un véritable conflit armé d'un simple acte de
banditisme, ou d'une insurrection inorganisée et sans lendemain. Ceci
étant, nous allons faire un bref aperçu sur les conditions
imposées par l'article 3 commun (A) et celles imposées par le
Protocole additionnel II (B).
A. Les exigences de l'article 3 commun aux Conventions
de Genève
La simple lecture de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève ne nous permet pas de savoir les critères à prendre
en compte pour définir le conflit ne présentant pas un
caractère international. Il se contente d'énoncer les
dispositions que chacune des parties au conflit armé ne
présentant pas un caractère international est tenue d'appliquer.
Il est clair que l'expression est générale,
vague et qu'elle risque de couvrir tout acte commis par la force des armes,
c'est-à-dire n'importe quelle forme d'anarchie, de rébellion,
même le banditisme145(*).
C'est pour répondre à cette question que le
CICR, dans son commentaire sur l'article 3 commun, a proposé un certain
nombre de critères qui, bien que n'ayant aucun caractère
obligatoire, constituent autant de critères commodes permettant aux
juges de pouvoir discerner le conflit armé de caractère non
international et celui qui ne l'est pas146(*). Les conditions en question sont extraites des
divers amendements discutés lors de la conférence diplomatique de
Genève de 1949 dont notamment :
1) La partie rebelle au gouvernement légitime
possède une force militaire organisée, une autorité
responsable de ses actes, agissant sur un territoire déterminé et
ayant les moyens de respecter et de faire respecter la convention.
2) Le gouvernement légitime est obligé de faire
appel à l'armée régulière pour combattre les
insurgés organisés militairement et disposant d'une partie du
territoire national.
3) a) Le gouvernement légal a reconnu la qualité
de belligérant aux insurgés; ou bien b) Il a
revendiqué pour lui-même la qualité de belligérant;
ou bien
c) Il a reconnu aux insurgés la qualité de
belligérant aux seules fins de l'application de la convention; d) Le
conflit a été porté à l'ordre du jour du Conseil de
Sécurité ou de l'Assemblée générale des
Nations Unies comme constituant une menace contre la paix internationale, une
rupture de la paix ou un acte d'agression.
En effet, la Chambre de première instance du TPIR, dans
l'affaire Akayesu, n'a retenu que les 3 premiers critères
susmentionnés et a conclu que le conflit armé qui se
déroulait au Rwanda pendant la période des faits
allégués dans l'acte d'accusation d'Akayesu remplissait toutes
les conditions de l'article 3 commun aux Conventions de Genève147(*).
En ce qui concerne le premier et le deuxième
critère, toujours dans cette affaire, le Tribunal a reconnu que les
éléments de preuves produits relativement aux paragraphes 5
à 11 de l'acte d'accusation, notamment le témoignage du
Général Roméo DALLAIRE148(*), ont démontré qu'il y a eu une guerre
civile entre deux groupes, à savoir d'un côté, les forces
gouvernementales, les FAR, et le FPR, d'un autre côté. Les deux
groupes étaient bien organisés et considérés comme
de véritables armées. La partie rebelle au gouvernement à
savoir le FPR agissait sur un territoire bien déterminé et avait
des moyens de respecter et de faire respecter la convention149(*).
Pour ce qui est du 3ème critère qui
est la reconnaissance de la qualité de belligérant aux
insurgés, si le gouvernement de l'époque ne l'a pas fait
aussitôt après le déclenchement des hostilités, il a
reconnu le FPR comme force belligérante par la suite en acceptant
à maintes reprises de négocier avec le FPR des cessez-le-feu et
le rétablissement de la paix dans le pays.
B. Les exigences du Protocole additionnel II
Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la
majorité des conflits armés sont de caractère non
international. Ces conflits ont causé de grandes souffrances et de
nombreuses victimes.
Bien que l'article 3 commun aux Conventions de Genève
énonce les principes fondamentaux de protection, des difficultés
d'application se sont relevées dans la pratique, et cette
réglementation sommaire n'a pas toujours permis de faire face de
manière adéquate aux besoins humanitaires urgents150(*).
L'article 3 commun aux Conventions de Genève se borne
à énoncer des règles fondamentales minimales dont la
concision du libellé pose les principes sans les développer,
donnant lieu parfois à des interprétations restrictives. C'est le
cas des critères pouvant permettre de distinguer ce qu'est un conflit
armé non international de ce qui ne l'est pas. C'est le cas
également de la portée des garanties judiciaires
énoncées à l'alinéa 1, chiffre 1, lettre d. La
situation précaire des combattants insurgés doit être
précisées et renforcées. En effet, le combattant
insurgé ne jouit pas de l'immunité pour le fait d'avoir pris les
armes, à l'instar d'un membre de forces armées dans un conflit
interétatique; au contraire, il peut être puni pour avoir
transgressé le droit national151(*).
En fait, il était nécessaire que les
règles de l'article 3 commun aux Conventions de Genève puissent
être réaffirmées et précisées. C'est la
raison pour laquelle un projet du CICR portant Protocole additionnel II a
été adopté en 1977 pour compléter et
développer les principes énoncés par l'article 3 commun
aux Conventions de Genève. Le Protocole additionnel II constitue le
premier véritable instrument juridique relatif à la protection
des victimes des conflits non internationaux.
Aux termes de son article 1 al. 1, le champ d'application du
Protocole additionnel II s'étend à tous les conflits armés
qui ne sont pas couverts par l'article premier du Protocole additionnel aux
Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la
protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I),
et qui se déroulent sur le territoire d'une haute partie contractante
entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des
groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement
responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel
qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et
concertées et d'appliquer le présent Protocole.
Il est à noter que la nouveauté du Protocole
additionnel II est qu'il a essayé de circonscrire les situations dans
lesquelles un conflit armé non international peut se concevoir. La
lecture de son article premier, alinéa 1 nous permet de dégager 4
conditions qui doivent être réunies pour qu'un conflit armé
entre dans le cadre de ce Protocole. Ces conditions sont les
suivantes :
i) qu'un conflit armé se déroulait sur le
territoire d'une haute partie contractante, entre ses forces armées et
des forces armées dissidentes ou des groupes armés
organisés;
ii) que les forces armées dissidentes ou les groupes
armés organisés agissaient sous la conduite d'un commandement
responsable;
iii) que les forces armées dissidentes ou les groupes
armés organisés exerçaient sur une partie de son
territoire un contrôle tel qu'il leur permettait de mener des
opérations militaires continues et concertées; et
iv) que les forces armées dissidentes ou les groupes
armés organisés étaient en mesure d'appliquer le Protocole
additionnel II.
A la différence de l'article 3 commun aux Conventions
de Genève 152(*),
le Protocole additionnel II exclut expressément de son champ
d'application les situations de tentions internes, de troubles
intérieurs, comme les émeutes, les actes isolés et
sporadiques, de violence et autres actes analogues153(*).
Malgré qu'il existe quelques différences entre
l'article 3 commun et le Protocole additionnel II, le TPIR a
décidé de ne prendre en compte aucune différence et a
conclu que si un conflit armé interne répond aux conditions
matérielles d'application du Protocole additionnel II, il satisfait
ipso facto aux conditions minimum d'application de l'Article 3 commun
aux Conventions de Genève, dont la portée est plus
vaste154(*).
Cependant, cette assertion ne veut pas dire que l'article 3
commun aux Conventions de Genève est exclu de la qualification d'une
infraction entrant dans le cadre de l'article 4 du Statut du TPIR. En effet,
devant le TPIR, c'est l'article 4 du Statut qui justifie l'application par le
Tribunal des dispositions de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II qui est une combinaison de ces
deux instruments internationaux. Il doit donc être satisfait aux
conditions matérielles d'application de l'article 3 commun et du
Protocole additionnel II pris ensemble pour qu'une infraction entre dans le
cadre de l'article 4 du Statut155(*).
Dans ces différents jugements, le TPIR a reconnu que le
conflit armé rwandais entre dans le cadre du Protocole additionnel
II156(*). Dans l'affaire
Rutaganda, la Chambre de première instance a conclu ce qui
suit :
Sur la foi des éléments de preuve
présentés [...], la Chambre conclut qu'à l'époque
des faits allégués dans l'acte d'accusation, à savoir
avril, mai et juin 1994, un conflit armé interne opposait d'une part les
forces gouvernementales et, d'autre part, des forces armées dissidentes,
le FPR. Le FPR était sous la conduite du commandement responsable du
Général Paul KAGAME et exerçait sur une partie du
territoire du Rwanda un contrôle tel qu'il lui permettait de mener des
opérations militaires continues et concertées. Le FPR avait
également déclaré au CICR qu'il se considérait
comme lié par les prescriptions du droit humanitaire
international157(*).
§2. Champ d'application personnel
Dans ce paragraphe, il sera question d'identifier les
personnes susceptibles d'être jugées pour des violations de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et le Protocole additionnel
II (A) et les personnes protégées par ces mêmes instruments
juridiques internationaux (B).
I.
L'auteur de l'infraction
A travers la jurisprudence des tribunaux militaires nationaux
et du Tribunal Militaire de Nuremberg, ainsi que de la jurisprudence du
TPIY158(*), il est
à remarquer que la responsabilité pénale individuelle en
matière de violations du droit humanitaire n'était pas
limitée aux seuls agents publics et membres des forces armées.
Les civils peuvent voir leur responsabilité pénale engagée
sur la base des règles du droit humanitaire.
Par contre, les Chambres de première instance du
TPIR159(*) ont
tenté d'imposer une définition restrictive de l'auteur des
violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II. Selon la Chambre de première instance I, dans
l'affaire Akayesu 160(*), ces dispositions ne s'appliquent qu'aux individus
de tous rangs qui appartiennent aux forces armées sous le commandement
militaire de l'une ou l'autre partie belligérante, ou aux individus qui
ont été dûment mandatés et qui sont censés
soutenir ou mettre en oeuvre les efforts de guerre du fait de leur
qualité de responsables ou agents de l'Etat ou de personnes occupant un
poste de responsabilité ou de représentants de facto du
Gouvernement . Concrètement, il faut qu'il y ait un rapport particulier
entre l'auteur et l'une des parties au conflit.
Pour le TPIR, les civils seraient ainsi exclus de la
définition du criminel de guerre. C'est en ce sens que dans l'affaire
Akayesu, la Chambre de première instance I a décidé de ne
pas retenir la responsabilité pénale individuelle contre
l'accusé pour violations de l'article 3 commun et du Protocole
additionnel II sous prétexte qu'il n'est pas allégué que
l'accusé était officiellement membre des forces armées
rwandaises et l'on pourrait dès lors opposer qu'en sa qualité de
civil, il n'entre dans le champ d'application de l'article 4 du Statut du TPIR,
qui est consacré à la loi des conflits armés.
Même si dans cette affaire, la Chambre de
première instance admet que l'article 4 du Statut s'applique
également aux civils161(*) et que l'accusé s'est comporté comme
un militaire tout en portant une assistance aux militaires162(*), elle a
déclaré l'accusé non coupable des violations de l'article
3 commun et du Protocole additionnel II. La raison qui motive une telle
décision est la définition restrictive de l'auteur de ces
violations qu'a adopté la Chambre de première instance dans cette
affaire.
A notre avis, l'attitude de cette Chambre est à
déplorer pour diverses raisons. D'une part, ni l'article 3 commun ni le
Protocole additionnel II ni l'article 4 du Statut du TPIR ne précisent
quelles sont les personnes visées par ses dispositions et, d'autre part,
la Chambre n'a pas pris en compte la situation particulière du conflit
rwandais où pendant le génocide l'Administration du pays
était précaire et beaucoup de personnes, profitant du
désordre, se sont données le pouvoir d'agir comme les
dépositaires de l'autorité publique en appuyant de l'autre
coté l'effort de la guerre qu'elles considéraient comme le leur
pour empêcher le FPR de renverser le pouvoir et de restaurer le
gouvernement des tutsi. C'est donc en tuant les Tutsi et les Hutus
modérés qu'elles pouvaient empêcher le FPR de remporter une
victoire militaire et politique.
De plus, les Conventions de Genève et les Protocoles
additionnels ont pour objet principal d'assurer une protection humanitaire et
par conséquent il ne faut pas trop limiter la catégorie de
personnes qui entrent dans le champ d'application des dispositions du droit
international humanitaire. Cependant, on pourrait se demander si cette position
n'aurait pas pu être mieux motivée par le choix de la
qualification la plus adéquate, les faits qualifiés de violations
de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II étant, de toute
façon, également poursuivis sous le chef de génocide.
La décision de la Chambre de première instance,
dans l'affaire Akayesu, a été suivie par d'autres Chambres de
première instance du TPIR et a servi de référence dans les
autres jugements rendus ultérieurement en la matière163(*). Dans lesdits jugements,
aucune responsabilité pénale n'a été retenue contre
les accusés pour violations de l'article 3 commun et du Protocole
additionnel II.
Fort heureusement, la définition restrictive
adoptée par les Chambres de première instance du TPIR a
été rejetée par la Chambre d'appel du TPIR dans l'affaire
Akayesu. Cette dernière a rappelé que le rapport particulier
entre l'auteur de l'acte et l'une des parties au conflit n'est pas un
préalable à l'application de l'article 3 commun aux Conventions
de Genève et du Protocole additionnel II et, par conséquent
à celle de l'article 4 du Statut.DU TPIR De l'avis de la Chambre d'appel
du TPIR, l'erreur commise par la Chambre de première instance est
d'exiger que ce rapport particulier soit une condition autonome de mise en
oeuvre de la responsabilité pénale pour une violation de
l'article 4 du Statut164(*).
A cette occasion, la Chambre d'appel du TPIR a rappelé
également que la protection minimum des victimes énoncées
à l'article 3 commun aux Conventions de Genève et au Protocole
additionnel II implique nécessairement la sanction effective des auteurs
de violations de celui-ci. Selon la Chambre d'Appel, cette sanction doit
être applicable à toute personne sans distinction, comme le
commandent les principes de la responsabilité pénale individuelle
établis notamment par le Tribunal de Nuremberg165(*). La Chambre d'appel du TPIR
est d'avis que le droit international humanitaire serait
déprécié et remis en cause si l'on admettait que certaines
personnes puissent être exonérées de la
responsabilité pénale individuelle pour violations de l'article 3
commun aux Conventions de Genève t du Protocole additionnel II sous
prétexte qu'elles n'appartiendraient pas à une catégorie
particulière166(*).
Dans cette affaire, la Chambre d'appel du TPIR167(*), faisant
référence à l'arrêt rendu par le TPIY dans l'affaire
Kunarac, a conclu comme suit :
« Bien que la Chambre d'appel du TPIY ait eu plusieurs
occasions de se pencher sur l'interprétation de l'article 3 commun, il
est à noter qu'elle n'a jamais considéré nécessaire
de limiter la catégorie de personnes susceptibles de tomber sous le coup
de cet article. Aucune précision sur ce point n'a donc jusqu'à
présent été formulé dans la jurisprudence des
tribunaux, si ce n'est dans les récentes considérations d'une
Chambre de première instance du TPIY. Cette dernière a en effet
indiqué que l'article 3 commun pourrait également
exiger l'existence d'un lien entre l'auteur et une partie au conflit. La
Chambre d'appel fait cependant observer que cette assertion n'est
étayée ni sur le plan normatif ni sur le plan jurisprudentiel. En
tout état de cause, la Chambre de première instance Kunarac n'a
pas estimé nécessaire de développer ce point au regard des
circonstances de la cause » 168(*).
II.
Les personnes victimes des violations de l'article 3 commun et du Protocole
additionnel II
En rejetant la définition restrictive de l'auteur des
violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II, la Chambre d'appel du TPIR a, par la même
occasion, repoussé la définition de la victime qui en
découlait169(*).
Les personnes protégées par l'article 3 commun aux Conventions de
Genève sont celles qui ne participent pas directement aux
hostilités et les personnes protégées par le Protocole
additionnel II sont celles qui ne participent pas directement ou ne participent
plus aux hostilités170(*).
Dans ses commentaires, le CICR explique que le Protocole
additionnel II a un champ d'application extrêmement large et vise aussi
bien les membres des forces armées que les personnes qui ne prennent pas
part aux hostilités. Cependant, il est bien entendu que c'est avant tout
aux personnes civiles, c'est-à-dire celles qui ne portent pas les armes,
que cet article s'applique171(*).
Contrairement au Protocole additionnel II, l'article 3 commun
aux Conventions de Genève essaie de dresser une liste des personnes qui
bénéficient de la protection. Il s'agit de membres de forces
armées qui ont déposé des armes et les personnes qui ont
été mises hors de combat par maladie, blessure, détention
ou pour toute autre cause172(*).
Ni les Protocoles ni l'article 3 commun aux Conventions de
Genève ni l'article 4 du Statut du TPIR ne fournissent la
définition de la personne civile à proprement parler. Le premier
paragraphe de l'article 50 du Protocole additionnel I précise en outre
qu'est considérée comme civile toute personne n'appartenant pas
à l'une des catégories visées à l'article 4 A, (1),
(2), (3), et (6) de la IIIème Convention et à
l'article 43 du présent Protocole. Chacune de ces articles
énumère les différents types de combattants173(*). Donc, toutes les personnes
qui ne sont pas des combattants au sens juridique du terme devraient être
considérées comme des civils174(*).
Aux termes de l'article 13 (2) du Protocole additionnel II,
ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles ne devront
être l'objet d'attaques. Il s'ensuit que, si les personnes civiles
participent directement aux hostilités, elles perdent leur droit
à la protection en tant que civils à proprement parler et
pourraient tomber dans la catégorie des combattants175(*).
Cependant, la Chambre de première instance du TPIR,
dans l'affaire Kayishema et Ruzindana, a considéré qu'il existe
une certaine distinction entre le terme civils et l'expression la population
civile . De l'avis de la Chambre de première instance, les civils
peuvent même se retrouver parmi les combattants qui participent
directement aux hostilités. Ce fait trouve manifestement sa confirmation
dans les dispositions du Protocole additionnel II qui prévoient que les
personnes civiles jouissent de la protection accordée par le
présent titre si elles participent directement aux hostilités et
pendant la durée de cette participation. Toutefois, la population
civile, en tant que telle, ne participe pas au conflit armé176(*).
Par ailleurs, la présence au sein de la population
civile de personnes isolées ne répondant pas à la
définition de personne civile ne prive pas cette population de sa
qualité aussi longtemps que cette dernière ne participe pas aux
hostilités177(*).
Dans ce cadre, la Chambre de première instance du TPIR, dans l'affaire
Rutaganda, a expliqué ce qu'elle entend par « participer
directement » aux hostilités en considérant que c'est
commettre des actes de guerre que leur nature ou leur objet destinent à
frapper concrètement le personnel ou le matériel des forces
armées de l'adversaire178(*).
Cette solution traduit l'idée selon laquelle la
population civile n'est pas armée et n'est, en aucune façon,
impliquée dans le conflit armé. Il est évident qu'en
principe, elle demeure en dehors des hostilités179(*). Cependant, dans la mesure
où la catégorie des personnes civiles est définie
grosso modo, il s'agira d'apprécier au cas par cas si la preuve
a été rapportée qu'une victime a le statut de personne
civile ou appartient aux "forces armées180(*)".
La protection accordée à la population civile en
vertu de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole
additionnel II ne se conçoit pas dans le vide, elle se limite sur un
territoire bien déterminé. Dans ce sens, le Tribunal doit
apprécier si les conditions d'application « ratione
loci » sont réunies.
§3. Le champ d'application
« ratione loci »
Ni l'article 3 commun aux Conventions de Genève ni le
Protocole additionnel II ne stipulent expressément leur application
ratione loci. Toutefois, le Protocole additionnel II
paraît légèrement plus explicite dans la mesure où
il prévoit que ses dispositions s'appliquent, sans distinction aucune,
à toutes les personnes affectées par un conflit armé au
sens de l'article premier181(*) et que les violations prévues à
l'article 4 du Protocole sont et demeurent prohibés en tout temps et en
tout lieu182(*).
En effet, le commentaire du CICR sur le Protocole additionnel
II précise que les personnes affectées par le conflit, sont
protégées par le Protocole où qu'elles se trouvent sur le
territoire de l'Etat en conflit183(*). L'applicabilité ratione loci lors
des conflits armés non internationaux, auxquels s'applique le seul
article 3 commun aux Conventions de Genève, doit être
envisagée de la même manière. En d'autres termes, ledit
article doit s'appliquer sur l'ensemble du territoire de l'Etat engagé
dans le conflit. C'est la solution que la Chambre d'Appel du TPIY a retenue
dans son arrêt relatif à la compétence en l'affaire Tadic,
où elle a estimé que les règles figurant à
l'article 3 commun aux Conventions de Genève s'applique aussi à
l'extérieur du contexte géographique étroit du
théâtre effectif des combats184(*).
En ce qui concerne le TPIR, pour les affaires dans lesquelles
les accusés sont poursuivis pour avoir commis les violations de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel
II, les Chambres185(*)
ont décidé dans le même sens que la Chambre d'appel dans
l'affaire Tadic. Par exemple, dans l'affaire Kayishema et Ruzindana, la Chambre
de première instance a rappelé que l'article 4 du Protocole
additionnel II dispose clairement que les actes criminels
énumérés demeurent prohibés en tout temps et en
tout lieu. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que les
violations graves de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II surviennent sur le théâtre même des
opérations186(*).
Ce qui importe, c'est l'existence d'une relation entre ce conflit et leur
perpétration.
A cet égard, la solution adoptée par le TPIR est
juste car les personnes capturées, par exemple, pourraient être
conduites vers d'autres points du territoire national. Toutefois, nonobstant le
fait qu'elles soient déplacées, ces personnes devront continuer
à être traitées humainement.
Etant donné que la compétence territoriale
s'étend non seulement au territoire du Rwanda mais aussi au territoire
d'Etats voisins en cas de crimes commis par les Rwandais187(*), la question reste de savoir
si les violations qui seraient survenues dans les pays frontaliers du Rwanda
peuvent être poursuivies sur base de l'article 3 commun aux Conventions
de Genève et du Protocole additionnel II. Sur ce point, nous constatons
qu'il existe une contradiction entre l'article 7 du Statut du TPIR et les
principes qui gouvernent l'application territoriale de l'article 3 commun et du
Protocole additionnel II188(*). De toute façon, nous pensons que c'est
l'article 7 du Statut qui doit être appliqué car la règle
spéciale déroge à la règle
générale.
Toutefois, ce n'est pas n'importe quelle violation qui tombe
sous le coup de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II. La
preuve du lien de connexité entre la violation et le conflit doit
être apportée.
§4. Un lien de connexité entre la violation et le
conflit armé
L'établissement d'un lien de connexité entre
l'infraction et le conflit est un élément essentiel de la mise en
oeuvre de la compétence des tribunaux internationaux en matière
des violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II. Ce lien
permet de distinguer ces violations des crimes de droit commun189(*).
Il convient de noter que si le TPIR a rendu jusque-là
beaucoup de jugements en rapport avec les violations de l'article 3 commun et
du Protocole additionnel II, il n'a pas retenu aucune définition du lien
de connexité. Pour trouver cette définition, on a attendu
jusqu'au 26 mai 2003, date à laquelle la Chambre d'appel du TPIR a rendu
son arrêt dans l'affaire Rutaganda190(*). Par contre, le TPIY avait déjà fourni
une définition in abstracto du lien de connexité. Dans
l'affaire Tadic191(*),
le TPIY a d'abord souligné que le crime et le conflit devaient
être étroitement liés puis dans l'affaire Kunarac, il a
décrit ce lien dans les termes suivants :
[...] les crimes de guerre se distinguent des infractions de
pur droit interne en ce qu'ils sont déterminés par le contexte
dans lequel ils sont commis - le conflit armé -, ou en dépendent.
Le crime de guerre n'est pas nécessairement un acte planifié ou
le fruit d'une politique quelconque. Un lien de cause à effet n'est pas
exigé entre le conflit armé et la perpétration du crime
mais il faut, à tout le moins, que l'existence du conflit armé
ait considérablement pesé sur la capacité de l'auteur du
crime à le commettre, sa décision de le commettre, la
manière dont il l'a commis ou le but dans lequel il l'a commis. Partant,
s'il peut être établi, comme en l'espèce, que l'auteur du
crime a agi dans l'optique de servir un conflit armé ou sous le couvert
de celui-ci, cela suffit pour conclure que ses actes étaient
étroitement liés audit conflit 192(*).
Pour être clair sur ce point, le TPIY a, dans ce
même arrêt, dressé une liste d'indices susceptibles de
guider le juge lors de l'établissement de l'existence du lien de
connexité. Selon la Chambre d'Appel du TPIY pour déterminer si un
acte est suffisamment lié au conflit armé, la Chambre peut tenir
compte, entre autres, des indices suivants : le fait que l'auteur du crime
est un combattant ; le fait que la victime n'est pas un combattant ;
le fait que la victime appartient au camp adverse ; le fait que l'acte
pourrait être considéré comme servant l'objectif ultime
d'une campagne militaire ; et le fait que la commission du crime participe
des fonctions officielles de son auteur ou s'inscrit dans leur
contexte193(*).
C'est après le prononcé de l'arrêt
Rutaganda que les jurisprudences de deux Tribunaux pénaux internationaux
se sont enfin réconciliées sur la définition
épineuse du lien de connexité. Dans cette affaire, la Chambre
d'appel du TPIR a repris la définition retenue par le TPIY et a
apporté quelques précisions y relatives. Selon elle, l'expression
« sous le couvert du conflit armé » ne signifie pas
simplement « en même temps qu'un conflit
armé » et/ou « en toutes circonstances
créées en partie par le conflit armé ». A titre
d'exemple, si un non-combattant profite du relâchement de
l'efficacité policière dans une situation de troubles
engendrés par un conflit armé afin de tuer un voisin qu'il
haïssait depuis des années, cela ne constitue pas, en tant que tel,
un crime de guerre aux termes de l'article 4 du Statut194(*).
D'autres précisions que la Chambre d'appel a
apportées concernent l'utilisation de la liste d'indices de l'existence
du lien de connexité établie par le TPIY. Pour la Chambre d'appel
du TPIR, la détermination de l'existence d'un lien étroit entre
des infractions données et un conflit armé nécessitera, en
règle générale, la prise en considération de
plusieurs facteurs et non pas d'un seul des facteurs
énumérés. Une prudence toute particulière est de
mise lorsque la personne accusée est un non-combattant195(*).
Sur la base de cette définition du lien de
connexité, la Chambre d'appel du TPIR a annulé la
définition restrictive retenue par la Chambre de première
instance à laquelle elle reproche de n'avoir pas fait le dernier bon
déductif lui permettant de conclure à l'établissement,
au-delà de tout doute raisonnable, de l'existence du lien de
connexité entre le conflit armé et les actes imputés
à Rutaganda au titre du chef 4 de l'Acte d'accusation196(*). Ce « dernier bon
déductif » ayant fait défaut dans les affaires
précédentes, le TPIR a toujours déclaré les
accusés non coupables des violations de l'article 3 commun et du
Protocole additionnel II même dans les cas où les preuves
apportées par l'accusation auraient poussé les juges à
conclure à la culpabilité de l'auteur.
Cette attitude a engendré certains jugements fort
contestables. A titre d'exemple, nous pouvons citer le cas de l'affaire
Rutaganda. L'accusé était, à l'époque des faits
allégués dans son acte d'accusation, le second
vice-président de la jeunesse du MRND connues sous le nom
d'Interahamwe za MRND. En vertu de l'article 4 (a) du Statut,
Rutaganda était accusés des chefs 4, 6 et 8, à savoir pour
les 3 chefs de meurtre en tant que violation de l'article 3 commun et du
Protocole additionnel II. L'accusé, selon le Procureur, aurait
participé aux massacres à l'Ecole Technique Officielle (ETO) de
Kicikiro et à Nyanza (de Kicukiro).
Dans cette affaire, il a été prouvé que
l'accusé a exercé une autorité et contrôle sur les
Interahamwe, leur a distribué des armes lors des faits, les a
aidé et encouragé à commettre des crimes. Il a
été approuvé également que les Interahamwe
ont joué un rôle aux cotés des FAR contre le FPR en
soutenant l'effort de guerre contre le FPR et en tuant les Tutsis qui
étaient considéré comme les complices du FPR197(*). De plus dans les attaques
de l'ETO et à Nyanza, les Interahamwe étaient en
compagnie de membres de la garde présidentielle et l'accusé
était présent sur les lieux et a participé aux
attaques198(*).
Néanmoins, la Chambre de première instance n'a
pas retenu la responsabilité pénale individuelle de
l'accusé pour les violations de l'article 3 commun et du Protocole
additionnel II au motif qu'il n'a pas été démontré
au-delà de tout doute raisonnable qu'il existait un lien de
connexité entre les actes répréhensibles imputées
à l'accusé et le conflit armé. Cette décision n'a
pas donné satisfaction aux attentes du Procureur et ce dernier a
interjeté appel en arguant que, sur la base des éléments
de preuve présentés au procès, aucun Tribunal n'aurait pu
conclure, comme l'a fait la Chambre de première instance, qu'il n'avait
pas établi au-delà de tout doute raisonnable que les infractions
reprochées à Rutaganda étaient étroitement
liées au conflit armé ou avaient été
perpétrées dans le contexte du conflit armé.
Toutefois, il convient de constater que le jugement de la
Chambre de première instance dans cette affaire était
entachée d'une erreur de fait entraînant un déni de
justice. Le fait que les Tutsis étaient recherchés car ils
étaient globalement considérés comme des opposants et
soupçonnés de sympathie pour le FPR, l'autorité et la
direction exercée par les soldats des FAR sur les Interahamwe
lors des massacres de Nyanza et d'ETO témoignent de l'existence du lien
de connexité requis entre ces massacres et le conflit armé
rwandais.
Enfin, en définissant le lien de connexité entre
les violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II et le conflit armé dans l'arrêt
Rutaganda, de même qu'en rejetant, dans l'arrêt Akayesu,
l'idée selon laquelle un rapport particulier doit exister entre l'auteur
et l'une des parties au conflit, le TPIR a fait un grand pas dans l'exercice de
sa compétence en matière des violations de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II. Les conditions
dans lesquelles des actes délictueux peuvent être
considérés comme des violations de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II étant
connues, nous allons évaluer l'attitude du TPIR face aux dites
violations graves.
CHAPITRE III :
LA REPRESSION PAR LE TPIR DES VIOLATIONS DE L'ARTICLE 3 COMMUN ET DU PROTOCOLE
ADDITIONNEL II
L'article 4 du Statut du TPIR établit toute une liste
des violations qui peuvent engager la responsabilité pénale
individuelle de l'auteur si elles sont commises en temps de guerre. Comme la
justice est rendue au nom du peuple pour réparer le préjudice
moral subi par la société, à tout acte incriminé
doit correspondre une sanction pour décourager dans l'avenir la
Commission dudit acte. Toutefois, avant de prononcer une peine, le juge doit
définir l'acte délictueux et établir la
responsabilité de l'auteur.
Dans le présent chapitre, nous analyserons
successivement les crimes déférés devant le TPIR en
application de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II (Section I) et les difficultés auxquelles sont
confrontées les juges du TPIR dans l'application desdits textes
légaux (Section II).
SECTION I : LES CRIMES DEFERES DEVANT LE TPIR EN
APPLICATION DE L'ARTICLE 3 COMMUN ET DU PROTOCOLE ADDITIONNEL II
L'article 4 du Statut comprend 8 paragraphes et chacun d'eux
comprend un ou plusieurs actes délictueux indépendants. Il
convient de remarquer que toutes les violations de l'article 4 du Statut
n'ont pas été commises dans le cadre du conflit rwandais. Pour ce
faire, cette section ne va porter que sur les violations pour lesquelles le
Procureur a saisi le TPIR en application de l'article 3 commun et du Protocole
additionnel II. Ces violations sont notamment le meurtre (§1), la torture
(§2), le viol et les violences sexuelles (§3).
§1. Le meurtre
La définition du meurtre a été
donnée pour la première fois par la Chambre de première
instance du TPIR dans l'affaire Akayesu199(*). Selon elle, le meurtre est le fait de donner
illégalement et volontairement la mort à un être humain. A
cette occasion, la Chambre de première instance a précisé
les critères requis pour qu'il y ait meurtre. Premièrement, la
victime doit être morte ; deuxièmement, la mort doit
résulter d'un acte illégal ou d'une omission illégale de
l'accusé ou de son subordonné ; et enfin, le coupable doit,
au moment de la Commission du meurtre, avoir été habité
par l'intention de donner la mort à la victime ou de porter atteinte
grave à son intégrité physique, sachant que cette atteinte
était de nature à entraîner la mort et il lui était
indifférent que la mort de la victime en résulte ou non.
En effet, le terme assassinat a été
utilisé quelques fois par les chambres du TPIR indifféremment
avec le terme meurtre200(*). A notre avis, cette pratique est contestable non
seulement parce que le terme assassinat n'apparaît pas sur la liste des
violations de l'article 4 du Statut, mais également parce que les deux
actes diffèrent quant aux circonstances qui entourent leur mise en
oeuvre.
La Chambre de première instance du TPIR, dans l'affaire
Kayishema et Ruzindana, a donné la différence entre ces deux
termes. Selon elle, le meurtre s'entend du fait de donner volontairement la
mort à autrui. Il n'est pas nécessaire de démontrer que
cet homicide a été commis avec préméditation. La
Chambre a dégagé cette conclusion après avoir
examiné l'utilisation du terme meurtre par opposition au terme
assassinat dans la version française du statut201(*).
Bien que le meurtre et l'assassinat soient deux formes
d'homicide, ils divergent sur leur élément moral. Pour
l'assassinat, il faut qu'il y ait préméditation tandis que pour
le meurtre elle n'est pas requise. La préméditation exige,
à tout le moins, que l'accusé ait patiemment conçu le
projet de tuer avant de commettre l'acte qui donne la mort, et non qu'il ait
nourri cette intention en même temps qu'il accomplissait l'acte. Il n'est
pas nécessaire qu'il ait nourri cette intention pendant très
longtemps : un calme moment de réflexion suffit202(*).
Normalement, un combattant au sens juridique du terme a le
droit de rendre infirme ou tuer son adversaire soldat. Le meurtre peut
s'élever au niveau d'une violation de l'article 3 aux commun Conventions
de Genève et du Protocole additionnel II s'il est commis contre les
personnes juridiquement protégées à savoir les personnes
qui ne participent pas directement aux hostilités. Par
conséquent, les dégâts humains survenus à la
population civile au cours d'une attaque armée ne peuvent être
justifiés que s'ils peuvent constituer une légitime
défense. Dans ce cas, les conditions d'existence de la légitime
défense doivent être réunies203(*).
§2. La torture
La torture relève de la compétence du TPIR
à divers titres. Elle peut être constitutive d'un crime de guerre
(violation de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II) en vertu de
l'article 4 du Statut du TPIR. Elle est également
énumérée comme l'un des actes constitutifs d'un crime
contre l'humanité à l'article 3 du Statut du TPIR. Cependant,
aucun des ces articles n'apporte de précision quant à la
définition de cet acte.
Dans l'affaire Musema, la Chambre de première instance
a donné la définition de la torture dans les termes
suivants :
« La torture s'étend à tout acte par
lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales sont
intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment
d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de
la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis, de l'intimider ou
de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce
personne ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination
ou une autre, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont
infligées par un agent de la fonction publique ou tout autre personne
agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son
consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à
la douleur ou aux autres souffrances résultant uniquement de sanctions
légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées
par elles » 204(*) .
Il convient de remarquer que pour dégager cette
définition, la Chambre de première instance du TPIR s'est
référée à la définition retenue par la
convention de 1984 sur la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants. Cette définition a été
confirmée également par le TPIY dans les affaires Celebici,
Furundzija, et Kunarac205(*).
Dans l'affaire Celebici par exemple, le débat
judiciaire s'est établi autour de la question du but spécifique
dans lequel l'acte constitutif de la torture doit avoir été
perpétré. En effet, la défense faisait valoir que le but
de l'acte de torture était l'obtention d'informations. A l'inverse, le
Procureur estimait que la torture pouvait être qualifiée dans des
cas où il n'est pas seulement question d'obtenir des informations mais
également de punir ou d'intimider la victime206(*). La Chambre a rejeté
la position de la défense et a affirmé en effet que la
définition de la convention de 1984 sur la torture doit être
utilisée en ce qu'elle reflète le plus exactement la notion
coutumière de torture207(*).
La définition de la torture telle que donnée par
la convention de 1984 indique différentes circonstances dans lesquelles
la torture peut se commettre. Dans l'affaire Celebici, la Chambre de
première instance a estimé que cette définition
présente une liste non exhaustive des fins permettant de qualifier la
torture et précise en outre que ces fins peuvent ne constituer que l'une
de motivations de la conduite de l'agent208(*). En définitive, la Chambre considère
que l'infliction de souffrances aiguës par un agent agissant à
titre officiel pourra être qualifiée de torture dès lors
que la conduite de l'agent n'aura pas été motivée par des
raisons d'ordre privé209(*).
Par ailleurs, il n'est pas exigé que la torture soit
commise uniquement par un agent de la fonction publique ; elle peut
être retenue contre toute autre personne sans distinction dès que
les éléments sont réunis. Ceci a été
confirmé par la Chambre de première instance du TPIR dans
l'affaire Semanza, qui a considéré qu' « en dehors
du cadre fixé par la convention contre la torture, le droit
international coutumier n'exige pas que le crime soit commis par un agent de la
fonction publique dans les cas où la responsabilité pénale
d'un individu est retenue à raison d'actes de torture210(*) ».
En somme, le renvoi à la définition
coutumière de la torture telle qu'exprimée par la Convention de
1984 contre la torture conduit à dépasser la figure de la
souffrance infligée dans un but spécifique d'information, pour
couvrir la souffrance infligée par un agent public dès lors qu'il
n'agit pas pour des raisons d'ordre privé. Ce modèle se trouve
également dépassé par l'affirmation que le viol commis par
des agents officiels contre des femmes satisfera toujours aux critères
de l'acte de torture211(*).
En effet, s'attachant à la torture exercée sous
forme du viol commis par des agents officiels contre les femmes, la Chambre de
première instance dans l'affaire Akayesu a considéré
qu' « à l'instar de la torture, le viol est
utilisé à des fins d'intimidation, de dégradation,
d'humiliation, de discrimination, de sanction, de contrôle ou de
destruction d'une personne. Comme elle, il constitue une atteinte à la
dignité de la personne et s'assimile en fait à la torture
lorsqu'il est commis par un agent de la fonction publique ou par toute autre
personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec
son consentement exprès ou tacite »212(*).
Enfin, comme ce n'est pas n'importe quel acte qui peut
être considéré comme constitutif de torture, la Chambre de
première instance, dans l'affaire Musema a précisé que le
terme « torture » ne s'étend pas à la douleur
ou aux autres souffrances résultant uniquement de sanctions
légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées
par elles213(*). Ce qui
distingue la torture retenue par la convention de 1948 d'une sanction
légale est le caractère illégal de l'acte. Pour qu'une
douleur ou une souffrance ne puisse pas être considérée
comme une torture, il faut que la personne ait été
condamnée par une décision d'une juridiction
régulièrement constituée.
§3. Le viol et les violences sexuelles
C'est le TPIR qui a tenté le premier, de donner une
définition du viol et des violences sexuelles. Les juges dans l'affaire
Akayesu commencent par énoncer ce qui, dans les définitions
classiques, ne suffit pas à expliquer le viol dans un contexte de
guerre. Selon eux, si le viol s'entend traditionnellement en droit interne de
rapports sexuels non consensuels, il peut en ses diverses formes comporter des
actes consistant dans l'introduction d'objets et/ou l'utilisation d'orifices du
corps non considérés comme sexuels par nature214(*). La Chambre a
considéré, à cette occasion, que le viol est une forme
d'agression dont une description mécanique d'objets et de parties du
corps ne permet pas d'appréhender les éléments
constitutifs215(*).
Sur la base de ces constats, la Chambre de première
instance du TPIR dans cette affaire a donné une définition large
du viol et de violences sexuelles. Pour la Chambre, constitue le viol tout acte
de pénétration physique de nature sexuelle commis sur la personne
d'autrui sous l'empire de la coercition. La Chambre considère la
violence sexuelle, qui comprend le viol, comme tout acte sexuel commis sur la
personne d'autrui sous l'empire de la coercition. A cette même occasion,
la Chambre a donné ce qui permet de différencier le terme viol
et les violences sexuelles en ces termes : L'acte de violence sexuelle,
loin de se limiter à la pénétration physique du corps
humain peut comporter des actes qui ne consistent pas dans la
pénétration ni même dans des contacts physiques 216(*).
Pour clarifier la notion de violence sexuelle, la Chambre a
donné l'exemple d'un incident qui a été décrit par
le témoin KK217(*) à l'occasion duquel l'accusé a
ordonné aux Interahamwe de déshabiller une jeune fille
et de la contraindre à faire la gymnastique toute nue dans la cour
publique du bureau communal, devant une foule218(*). A cet égard, il convient de constater que la
distinction entre le viol et les violences sexuelles réside dans le fait
que le viol se limite surtout à la pénétration du corps
humain et aux contacts physiques tandis que la violence sexuelle s'étend
même à toute autre forme d'agression sexuelle quelle qu'elle soit.
Les Chambres de première instance du TPIR219(*) se sont servies de la
définition donnée par la Chambre de première instance I
dans l'affaire Akayesu. La même définition a été
retenue par les juges du TPIY dans l'affaire Celebici lorsqu'ils
avaient eu à définir le viol. A cette occasion, la Chambre de
première instance du TPIY a conclu qu'elle accepte le raisonnement du
TPIR retracé dans l'affaire Akayesu et qu'elle ne voit aucune raison de
s'écarter de la conclusion formulée en la
matière220(*).
Relativement à cette définition, la Chambre de
première instance du TPIR, toujours dans l'affaire Akayesu, a fait
observer, dans ce contexte, que la coercition ne doit pas nécessairement
se manifester par une démonstration de force physique. Les menaces,
l'intimidation, le chantage et d'autres formes de violence qui exploitent la
peur ou le désarroi peuvent caractériser la coercition, laquelle
peut être inhérente à certaines circonstances, par exemple
un conflit armé ou la présence militaire d'Interahamwe
parmi les réfugiées tutsies au bureau communal221(*).
A cette occasion, la Chambre a donné un
définition qui tient compte au maximum du contexte troublé dans
le cadre duquel ces agissements ont lieu en disant finalement que le contexte
lui-même permet d'établir une quasi-présomption de
coercition en ce qu'il est par nature source de peur et de désarroi.
En conséquence, au regard du climat de terreur
caractéristique de la vie des populations civiles en période de
conflits, et plus particulièrement dans des conflits rwandais et
yougoslave, le consentement de la victime de violences sexuelles n'est
certainement pas un moyen de défense pertinent. C'est cette même
idée qui a servi de postulat pour les rédacteurs des statuts des
tribunaux pénaux internationaux qui ont introduit l'article 96 dans
chacun des deux règlements de procédure. Cet article
prévoit des exceptions de procédure propres aux violences
sexuelles en matière de preuve222(*).
SECTION II : LES DIFFICULTES DANS L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 3 COMMUN ET DU PROTOCOLE ADDITIONNEL II
Dans cette section, nous montrerons la tâche accomplie
par le TPIR en matière de répression des violations de l'article
3 commun et du Protocole additionnel II (§1) et nous dégagerons les
raisons de l'attitude du TPIR à l'égard de ces crimes
(§2).
§1. L'état actuel de la répression par le
TPIR des violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II
En ce qui concerne les Chambres de première instance du
TPIR, force est de constater que jusqu'à présent, sur les 17
personnes accusées de violations de l'article 3 commun aux Conventions
de Genève et du Protocole additionnel II, un seul individu, Samuel
IMANISHIMWE, l'ancien lieutenant des FAR, a été condamné
pour avoir commis ces violations.
Dans cinq affaires (affaire Gacumbitsi, Kambanda,
Nahimana, Ndindabahizi, Ngeze, Serushago, Simba et Ruggiu) le Procureur n'a pas
formulé aucun chef d'accusation contre les accusés. Dans
l'affaire Niyitegeka, par ailleurs, le Procureur a retiré deux chefs
d'accusation au titre des violations de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II. Dans quatre affaires (affaire
Bagilishema, Barayagwiza, Kajerijeri et Muhimana), le Tribunal n'a pas
donné son avis quant aux accusations dirigées contre les
accusés à titre desdites violations.
La
Chambre d'appel, quant à elle, a retenu la responsabilité
pénale de trois individus, à savoir Akayesu, Rutaganda et
Imanishimwe pour avoir commis les violations de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II. A cette occasion,
la Chambre d'appel a critiqué et annulé les décisions
rendues par les Chambres de première instance en la matière.
Toutefois, malgré les jugements d'acquittement
prononcés par les Chambres de première instance du TPIR en la
matière, le Procureur n'a interjeté appel à titre
principal qu'une seule fois. Ce dernier n'a saisi la Chambre d'appel que dans
l'affaire Rutaganda pour motif des violations de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II. Dans d'autres cas,
le réexamen de la décision du Tribunal au niveau de
première instance a eu lieu à titre d'appel interjeté par
l'accusé. Alors, pourquoi cette attitude du TPIR ? Dans les lignes
qui suivent, nous allons dégager quelques raisons de cette attitude.
§2. Quelques raisons qui sous-tendent l'attitude du TPIR
au regard des violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel
II
C'est au 25 février 2004 qu'une condamnation pour
violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II a été, pour la première fois,
prononcée au niveau de première instance devant le TPIR224(*).
A cette date, la Chambre de première instance a retenu
la responsabilité pénale de Samuel IMANISHIMWE, ancien Lieutenant
des Forces Armées Rwandaises (FAR), pour avoir commis lesdites
violations contre les réfugiés civils rassemblés dans les
divers endroits à Cyangugu (au stade Kamarampaka, au terrain de
Gashirabwoba, à Kirambo, etc.) et contre les autres civils Tutsi de la
préfecture225(*).
Par ailleurs, comme nous avons eu l'occasion de le dire, c'est
dans l'affaire Rutaganda que la Chambre d'appel a adopté pour la
première fois une définition in abstracto du lieu de
connexité226(*).
Beaucoup de raisons expliquent cette attitude du TPIR surtout au premier
degré de juridiction, notamment la superposition des crimes qui
relèvent de la compétence matérielle du TPIR (I), et enfin
l'approche restrictive du TPIR dans l'appréciation du lien de
connexité avec le conflit armé (II).
I. La
superposition des crimes relevant de la compétence matérielle du
TPIR
Les crimes qui relèvent de la compétence
matérielle du TPIR sont le crime de génocide, les crimes contre
l'humanité et les violations de l'article 3 commun et du Protocole
additionnel II. Chacune de ces trois catégories comporte une
série d'actes qui sont réprimés aussi longtemps que les
conditions spécifiques sont réunies. A cet égard, certains
actes peuvent apparaître dans toutes ces trois catégories. Ainsi,
le meurtre peut être constitutif d'un crime de génocide en vertu
de l'article 2 1. (a) du Statut du TPIR. Il peut également être
énuméré comme l'un des actes constitutifs d'un crime
contre l'humanité à l'article 3 (f) du Statut du TPIR et enfin il
peut être considéré comme crime de guerre en vertu de
l'article 4 (a) du Statut du TPIR. Cette situation rend plus difficile le
travail de qualification par le juge du comportement criminel et a des
répercussions sur la peine à prononcer.
Originellement, comme l'écrit R. MAISON, la
jurisprudence de deux tribunaux ad hoc a tenté une
différenciation hiérarchique des infractions. Face à une
accusation présentant des qualifications plurielles pour des mêmes
faits, les juges s'interrogent sur la qualification la plus adéquate du
comportement criminel, et ne retiennent que celle-ci. Il s'ensuit que le choix
de la qualification part de l'idée d'une hiérarchie dans la
gravité intrinsèque des différents crimes227(*). C'est dans ce sens que les
Chambres du TPIR ont jugé que le génocide, véritable
plaie, est bien le crime des crimes 228(*), que le génocide et crimes contre
l'humanité sont tous susceptibles de choquer la conscience de
l'humanité 229(*), et que les violations de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II, malgré
leur gravité, sont des crimes moindres230(*).
Il s'ensuit qu'une personne accusée d'un assassinat ou
d'un viol, peut voir son comportement qualifié soit de crime contre
l'humanité, de violation de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II ou de génocide. Il s'agit
d'une violation de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II lorsque l'accusation parvient à établir
que le crime a été commis dans le cadre d'un conflit armé
et que la victime est une personne protégée c'est-à-dire
un non-combattant pour l'assassinat et tout individu pour le viol. Car ce
dernier est prohibé en toutes les circonstances.
Par contre, on est en présence d'un acte de
participation à un crime contre l'humanité si cet assassinat ou
ce viol s'inscrit dans le cadre d'un phénomène criminel
organisé d'une plus grande ampleur, touchant la population civile pour
des raisons discriminatoires. Enfin, s'il est établi que l'entreprise
criminelle dont le meurtre et le viol font partie intégrante, en plus
d'être massive, organisée et discriminatoire a pour but de
détruire un groupe, on est en présence d'un acte constitutif de
génocide.
En effet, les juges du TPIR ont cherché, dans un
premier temps, à ne retenir que la qualification la plus
adéquate, en excluant les autres. Cette démarche construit une
forme de hiérarchie des infractions : une violation de l'article 3
commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II se
transforme en crime contre l'humanité par adjonction de facteurs
matériels et intentionnels aggravants à savoir le
caractère massif et organisé ainsi que l'intention
discriminatoire. De même, le crime contre l'humanité se transforme
en génocide par adjonction d'un élément intentionnel
aggravant spécifique : l'intention de détruire, en tout ou
en partie, un groupe humain. Cette construction hiérarchique a
été illustrée dans différents jugements et
arrêts rendus par le TPIR, les juges n'ayant retenu que le crime de
génocide231(*).
Plusieurs raisons ont été données pour
justifier cette démarche. Par exemple, dans l'affaire Semanza, la
Chambre a estimé que les actes pour lesquels l'accusé est
poursuivi constituent des violations de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II mais que la responsabilité
de l'accusé n'est pas retenu pour ces violations en raison, selon elle,
du concours idéal apparent entre les violations qui lui sont
reprochées et les crimes contre l'humanité et le
génocide232(*).
En revanche, cette démarche présente pourtant un
défaut. D'après cette construction hiérarchique, plus une
infraction occupe la première place plus elle sera sanctionnée
plus lourdement qu'une infraction considéré comme moindre. Il
serait alors absurde que le meurtre d'un grand nombre de personnes,
qualifié de violation de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II, emportât, en raison de
cette seule qualification une peine moins lourde qu'un seul acte inhumain
perpétré dans un contexte massif et avec une intention
discriminatoire, acte de participation à un crime contre
l'humanité233(*).
D'autre part, la faille de cette construction réside
également dans le fait que tous les éléments de
l'infraction tenue pour moins grave (violation de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II) ne se retrouvent
nécessairement pas dans l'infraction la plus grave (crime contre
l'humanité ou génocide). Ainsi, le crime contre l'humanité
et le génocide peuvent, en principe, être perpétrés
en l'absence de tout conflit armé.
Il convient de remarquer que la construction
hiérarchique a eu des répercussions sur l'action du Procureur.
Comme nous avons eu l'occasion de le démontrer, le Procureur n'a pas,
dans certaines affaires234(*), formulé aucun chef d'accusation contre les
accusés ou a retiré les chefs d'accusation.
De l'autre côté, le Tribunal a passé outre
sans motiver sa décision à l'égard des accusations
dirigées contre les accusés235(*). Cette attitude témoigne l'importance moindre
qu'attache le Tribunal aux violations de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II par rapport aux autres crimes qui
entrent dans sa compétence.
Au fil du temps, la phase de hiérarchisation a
été progressivement dépassée au profit d'une
démarche tendant à retenir plusieurs qualifications pour un
même comportement dès lors que les infractions comportent chacune
des éléments matériels distincts, des
éléments uniques. Aussi la condamnation pour violation de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel
II sera-t-elle prononcée même si le comportement est
également constitutif d'un génocide. En revanche, il faut
signaler que la qualification de crime contre l'humanité pourrait
être aspirée par celle de génocide, le crime contre
l'humanité ne comportant pas d'élément matériel
distinct et unique par rapport au génocide. Ces condamnations plurielles
s'accompagnent généralement du prononcé de la confusion
des peines236(*).
En somme, si la qualification est un exercice très
important car elle permet d'avoir une image judiciaire des
événements qui se sont déroulés, elle n'a pas
d'incidence directe sur la peine. Elle est un élément parmi
d'autres tout aussi importants comme, par exemple, la bonne collaboration avec
le Procureur ou la situation personnelle de l'accusé237(*). Dans le cas du TPIR, ce qui
est paradoxal, est que quelques fois l'acquittement des accusés pour
chefs de violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et
du Protocole additionnel II n'est pbas justifié par le choix de la
qualification la plus adéquate, mais plutôt par l'inexistence du
lien de connexité entre les actes imputés
à l'accusé et le conflit armé.
Compte tenu de la situation et le but dans lequel les crimes
commis au Rwanda ont eu lieu, il ne serait également instructif
d'associer une telle attitude à la définition restrictive que le
TPIR a adoptée dans l'appréciation du lien de
connexité.
II.
L'approche restrictive du TPIR dans l'appréciation du lien de
connexité entre le crime allégué et le conflit
armé
Il convient, pour qu'un crime de l'article 4 du Statut du
TPIR soit retenu, que le Procureur ait prouvé au de-là de tout
doute raisonnable tous les éléments imposés par le droit
international humanitaire existant dont notamment l'existence d'un conflit
armé, l'application personnelle et territoriale ainsi que le lien de
connexité entre le crime et le conflit armé238(*).
Devant le TPIR, l'existence d'un conflit armé au Rwanda
et l'application personnelle et territoriale sont généralement et
aisément mise en lumière par les chambres dans les
différentes affaires, en l'absence même de contestation de la
défense. En revanche, l'appréciation du lien de connexité
que doivent présenter les actes poursuivis avec le conflit armé
paraît susciter de plus grandes difficultés.
Il convient de noter que le lien de connexité peut
être envisagé sous deux angles, d'une part, par rapport à
la qualité ou au titre de l'accusé dans la mise en oeuvre des
efforts de la guerre, et d'autre part, par rapport au rattachement des actes
incriminés à l'exécution des buts de la guerre.
Pour ce qui est du lien de connexité de l'auteur du
crime et l'une des partie au conflit, il a souvent été
considéré, et le TPIR reconnaît volontiers que cela est
vrai dans la plupart des cas, que le droit international humanitaire s'imposait
exclusivement aux parties au conflit et aux forces armées239(*). Par ailleurs, le TPIR admet
également sur principe que les civils peuvent commettre des infractions
graves240(*).
La difficulté est cependant de savoir si des conditions
particulières sont requises avant que la responsabilité d'un
civil puisse être engagée. A cette question, les Chambres de
première instance ont longtemps répondu par l'affirmative. Le
TPIR exigeait notamment que les crimes aient été commis non
seulement pendant le conflit armé, mais aussi en conjonction ou du fait
de celui-ci241(*).
Concrètement, il s'agissait pour le Procureur de prouver que
l'accusé avait agi pour le compte d'une des parties au conflit dans
l'exécution de leurs objectifs de guerre.
C'est ainsi qu'il sera considéré comme agissant
pour le compte de l'une des parties au conflit celui qui lance les
hostilités, qui les poursuit, qui est dûment mandaté et
censé soutenir ou mettre en oeuvre les efforts de la guerre du fait de
sa qualité de responsable ou agent de l'Etat ou de personne occupant un
poste de responsabilité ou de représentant de facto du
gouvernement242(*).
Or, la preuve factuelle de ce lien de connexité avec
les opérations militaires s'était avérée une
véritable pierre d'achoppement pour les accusations au titre de
l'article 4 du Statut du TPIR. Par exemple, dans l'affaire Akayesu, la Chambre
de première instance I a considéré que le fait pour un
accusé portant un veste militaire et un fusil, d'avoir assisté
les militaires à leur arrivée en accomplissant un certain nombre
de tâches, y compris la reconnaissance et l'établissement de la
carte de la commune, la mise en place de services de transmission radio et
qu'il a autorisé les militaires à utiliser les locaux de son
bureau, n'équivaut pas à un soutien actif à l'effort de la
guerre mené par le gouvernement243(*).
Cette formule, apparemment fort restrictive, est en
vérité motivée par l'absence de position militaire des
accusés, qui occupaient des fonctions autres que militaires. Cette
absence de position militaire fonde, pour les Chambres de première
instance du TPIR, la nécessité d'établir un lien autre que
formel ou in abstracto entre l'accusé et le conflit
armé. Ainsi le Procureur devait-il démontrer comment et en quelle
qualité les accusés épaulent le gouvernement dans son
action contre le FPR244(*).
Etant une question de fait, il n'a pas été
facile pour l'accusation de prouver ce lien. Si cette nécessité
d'établir un lien de connexité peut apparaître
contraignante, eu égard à la position officielle des
accusés dont les actes se sont de surcroît conformés
à des directives gouvernementales, les Chambres du TPIR devaient tenir
compte du contexte rwandais dans l'appréciation de la qualité en
vertu de laquelle les accusés ont contribué à l'effort de
la guerre. A notre avis, le lien de connexité devrait être formel
ou in abstracto en ce sens qu'il n'est pas nécessaire que
l'accusé soit nommé officiellement ou qu'il ait reçu un
mandat exprès de soutenir l'effort de la guerre. De plus, la
responsabilité pénale individuelle ne devrait pas être
limitée à une catégorie des personnes pour exclure les
autres.
Le problème qui se pose encore, est celui de savoir si
la chasse au Tutsi lancée à partir du 6 avril 1994 au Rwanda
relève du conflit armé ou en constitue un aspect
collatéral. Les Chambres de première instance du TPIR semblent
avoir résolu cette question en faveur de la seconde
possibilité245(*). Nous pensons que les Chambres de première
instance n'ont pas tenu compte du fait que même si le génocide a
été préparé depuis longtemps, les racines les plus
récentes de cette tragédie remontent aux années 1990,
période à laquelle la guerre fut déclarée entre les
forces gouvernementales et le FPR.
Pour DE VILLERS, c'est l'agression du FPR qui aurait
été la catalyseur de la crise, le facteur qui, conjugué
à une situation économique et sociale fortement
dégradée et la compétition croissante entre les
élites pour le partage des richesses du pays, aurait provoqué une
sorte de crise et son éclatement dans la violence246(*). Depuis le début de
la guerre de 1990, on a assisté à une propagation massive d'une
idéologie de génocide qui devait servir d'arme au régime
de Juvénal HABYARIMANA pour conserver le pouvoir. Cependant, si on
remonte dans l'histoire du Rwanda, le constat est que le racisme ethnique
anti-tutsi a été le fondement idéologique de la
révolution de 1959, pour qui l'extermination des tutsis de 1994 a
été une réponse dictée par la haine raciale des
extrémistes hutus face à la menace du FPR, identifié comme
tutsis. Dans ce sens, tout acte commis contre eux était destiné,
selon les assaillants, à anéantir leur soutien en faveur du FPR.
Ce constat nous permet de conclure qu'il existe un rapport entre les actes
commis tant par les militaires que par les civils et la guerre qui opposait les
FAR et le FPR.
La définition restrictive que le TPIR a adoptée
dans l'appréciation du lien de connexité a fait que le Procureur
n'avait pas pendant longtemps obtenu de condamnation sur le fondement des
violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II. Spectaculaire sans doute en théorie,
l'inclusion des crimes commis à l'occasion d'un conflit non
international ne semblait donc pas devoir déboucher dans la pratique sur
un résultat concret.
Cette situation semble avoir changé avec la
décision de la Chambre d'appel dans l'affaire Akayesu, rejetant la
théorie dite de l' agent public . Pour la Chambre d'appel, en effet,
s'il est vrai que les violations du droit international risquaient souvent
d'être dans la pratique le fait de personnes entretenant probablement un
rapport particulier avec une partie au conflit, ce rapport particulier ne
saurait être une condition autonome de mise en oeuvre de la
responsabilité pénale pour une violation de l'article 4 du Statut
du TPIR , car la protection minimum des victimes énoncée
à l'article 3 commun aux Conventions de Genève et dans le
Protocole additionnel II implique nécessairement la sanction effective
des auteurs de violations de celui-ci sans distinction247(*).
En effet, le lien de connexité entre l'auteur et l'une
des parties au conflit va de paire avec le lien de connexité entre le
crime et le conflit armé. Toutefois, il convient de remarquer que
l'exclusion de l'un emporte directement celui de l'autre. Si l'auteur
n'était pas dans la position de commettre un crime, les actes qu'il
aurait commis devaient s'inscrire dans une autre catégorie
criminelle.
En ce qui concerne le lien de connexité entre la
violation et le conflit armé, les Chambres de première instance
du TPIR ont souvent conclu que le Procureur n'a pas établi de lieu de
connexité entre le crime et le conflit armé248(*). Par exemple dans l'affaire
Kayishema et Ruzindana, le Procureur prétendait que les massacres des
Tutsis ont eu lieu parce que les hostilités avaient
éclatées entre le FPR et les FAR, qu'ils étaient les
ennemis du Rwanda et qu'il étaient responsables de la mort du
président. Selon le Procureur, il existait un lien entre ces crimes et
le conflit que se déroulait au Rwanda249(*).
Toujours dans cette affaire, la Chambre de première
instance saisie s'opposa avec force à une telle représentation en
écartant définitivement toute velléité
d'explication du crime par crainte des ennemis internes et en rejetant la
qualification de violations de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II. Selon la Chambre, les crimes
visés dans l'acte d'accusation ont été commis par les
autorités civiles du pays contre une partie de sa propre population en
raison de son appartenance à un certain groupe ethnique et il est vrai
que les atrocités commises sont survenues au cours du conflit
armé. Toutefois, leur Commission s'inscrit dans le cadre d'une politique
génocidaire clairement définie ; ces infractions ont
été commises parallèlement au déroulement du
conflit armé et non comme conséquence de celui-ci250(*).
Cependant, il convient de signaler que la Chambre d'appel du
TPIR, dans l'affaire Rutaganda, a eu l'occasion de trancher la question du lien
de connexité. Selon elle, les crimes de participation au génocide
présentaient un lien avec le conflit armé et que la qualification
de violation de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du
Protocole additionnel II devait être également retenue251(*).
CONCLUSION GENERALE
En définitive, il ressort clairement au terme de notre
étude que toutes nos hypothèses ont été
vérifiées et confirmées. Rappelons-le, ces
hypothèses avancent l'idée qu'en dépit de l'inclusion dans
le Statut du TPIR des violations de l'article 3 commun au Conventions de
Genève et du Protocole II, la répression de ces violations par ce
Tribunal n'est pas satisfaisante.
Dans un premier temps, nous avons évalué et
présenté la compétence du TPIR en la matière. Puis
nous avons analysé les critères de l'application des dits textes
légaux, et enfin les résultats obtenus nous ont permis de
dégager certaines raisons qui font le que l'état actuel de la
répression des violations de l'article de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève ne soit pas satisfaisant.
L'examen de la jurisprudence du TPIR démontre que la
répression des violations de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et du Protocole additionnel II soulève certaines
difficultés depuis les premières affaires portées devant
cette juridiction. On constate que pendant longtemps, le Procureur n'avait
obtenu aucune condamnation surtout dans le cas des civils.
En effet, l'une des questions les plus importantes à
laquelle était confrontée le TPIR à ses débuts
était celle du fondement de l'inclusion des violations du droit
international humanitaire commises en période de conflit armé non
international. Si l'on a vu en effet que le Conseil de sécurité
n'avait pas hésité à inclure les violations de l'article 3
commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II, il
n'était pas évident à l'époque que ces dispositions
puissent engager la responsabilité pénale de leur auteur en droit
international.
Certes, la mention par l'article 4 du Statut du TPIR de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et le Protocole additionnel
II, à défaut d'une reconnaissance stricto sensu de leur
caractère coutumier intrinsèque, constituait une manifestation du
caractère innovateur du Statut du TPIR en ce sens qu'il est le premier
instrument juridique international qui consacre la criminalisation des
violations graves du droit humanitaire dans un conflit armé interne.
Certains jugements du TPIR se sont contentés, comme
l'avait fait la Commission d'experts, de rappeler l'adhésion du Rwanda
à ces textes pour fonder leur applicabilité. Le Tribunal ne s'est
pas pour autant systématiquement dérobé à sa
responsabilité sur ce point, et a cherché à
démontrer que, même en l'absence d'adhésion
spécifique, les dispositions pertinentes seraient de toute façon
applicables du fait de leur statut coutumier en droit international.
La question était un peu plus complexe pour le
Protocole II qui représentait la véritable marge de
créativité du Tribunal. Ce dernier a cependant
considéré que si l'intégralité du Protocole
additionnel II n'avait pas basculé dans le champ coutumier, les articles
reproduits dans son statut étaient ceux relatifs aux garanties
fondamentales, qui ne font que compléter les garanties de l'article 3
commun aux Conventions de Genève.
De plus, nous avons constaté que si le TPIR est parvenu
à s'acquitter de sa tâche de justifier le caractère
légal des ces textes légaux en trouvant le fondement de l'article
4 de son Statut tant dans le droit international conventionnel que dans le
droit international coutumier, la mise en application de cet article devant ce
Tribunal a posé quelques problèmes quant à la
répression des violations contenues dans ledit article. Certains des ces
problèmes sont liés à la preuve du lien de
connexité entre le conflit armé et l'acte incriminé, ainsi
qu'au traitement inégal des infractions poursuivies par le TPIR.
Les problèmes relatifs à la preuve du lien de
connexité entre le conflit et l'acte incriminé sont dus au fait
que dans un premier temps les chambres de première instance du TPIR ont
adopté une approche restrictive dans l'appréciation de la
responsabilité pénale pour les violations de l'article 3 commun
et du Protocole additionnel II. Pour ce faire, les juges ont souvent
estimé que les actes commis par les accusés étaient
constitutifs d'une participation au génocide et ne présentent
aucun rapport avec le conflit armé rwandais. En 2003, cette attitude des
chambres a été critiquée et sanctionnée par le
Chambre d'appel du TPIR dans l'affaire Rutaganda. Ce bon déductif ayant
fait défaut dans les affaires précédentes rendues par les
Chambres de première instance, on espérait que ces
dernières exerceraient leur compétence relativement à ces
violations.
Cependant, le constat qui s'impose est que les Chambres de
première instance du TPIR, malgré la décision de la
Chambre d'appel dans l'affaire Rutaganda, ont continué à
maintenir leur position. En 2004 par exemple, le Tribunal n'a pas retenu la
responsabilité pénale de Kamuhanda au titre de ces violations. Le
motif de la position du Tribunal est toujours l'inexistence du lien de
connexité entre les crimes qu'il a commis et le conflit armé.
Pour remédier à cela, nous plaidons en premier
lieu pour une interprétation plus large et une application plus souple
non sujette à des conditions rigides de l'article 3 commun aux
Conventions de Genève et du Protocole additionnel II. De cette
manière, comme nous l'avons déjà indiqué
supra, s'ouvrira la possibilité de rapprocher les actes de
participation au génocide et les violations du droit humanitaire commis
lors du conflit armé rwandais. Partant, nous constatons, qu'on ne
devrait pas limiter la responsabilité pénale pour violations de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel
II à une certaine catégorie de personnes et proposons aux
Chambres de première instance du TPIR d'adopter une attitude unanime
qui va dans le sens de celle de la Chambre d'appel du TPIR. Une telle attitude
contribuera sûrement pour le Tribunal à exercer sa
compétence en la matière et à éviter les
conséquences futures pouvant résulter de cette divergence sur la
scène internationale.
Il ressort que parmi les infractions qui entrent dans la
compétence du TPIR, il existe un traitement inégal
découlant du fait que le TPIR a fait une hiérarchisation des
infractions selon leur ordre d'importance et que d'après cette
construction les violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel
II occupent la dernière place et sont considérées comme
les crimes moindres. Il sied de déplorer que cette construction
hiérarchique pourrait conduire à une disproportion des peines
voire à l'absence de poursuite ou de condamnation. Le juge ne devrait
pas se référer exclusivement au rang qu'occupe l'acte dans la
hiérarchie mais plutôt à la gravité des
dégâts causés par un tel ou tel acte.
En définitive, nous n'avons aucune prétention
d'avoir épuisé la question de l'application de l'article 3 commun
aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II car c'est une
matière complexe. Le cadre du mémoire dans lequel nous avons
travaillé ne permet pas d'être exhaustif. Cependant, nous
espérons que les points essentiels que nous avons pu développer
peuvent constituer un apport constructif en droit international humanitaire et
plus spécialement en ce qui concerne la pratique des juridictions
pénales internationales sur la répression des violations commises
dans un conflit armé de caractère non international.
BIBLIOGRAPHIE
I. LES TEXTES NORMATIFS
A. Les textes fondamentaux du TPIR et du
TPIY
1. Statut du Tribunal Pénal International pour le
Rwanda tel qu'adopté le 8 novembre 1994 par la résolution
955(1994) du Conseil de sécurité du 8 novembre 1994, Conseil de
sécurité des NU, doc. off. S/res1955 (8 novembre 1994) et
modifié jusqu'au 26 Mars 2004.
2. Règlement de Procédure et de Preuve du
Tribunal Pénal International pour le Rwanda tel qu'adopté le 5
juillet 1995 et modifié jusqu'au 15 Mai 2004.
3. Statut du Tribunal Pénal International pour
l'ex-Yougoslavie tel qu'adopté le 25 mai 1993, par la
résolution 827 du Conseil de
sécurité et amendé
jusqu'au 19 mai 2003.
4. Règlement de Procédure et Preuve du Tribunal
Pénal International pour l'ex-Yougoslavie tel qu'adopté le 11
Février 1994 et amendé jusqu'au 10 juillet 1998.
B. Autres instruments juridiques
internationaux
1. Accord du 8 août 1945 sur la mise sur pied du
Tribunal Militaire International de Nuremberg.
2. Charte de l'ONU tiré in Département de
l'information des NU, ABC des NU, NU, New York, 1995.
3. Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des
traités.
4.
Convention de Genève (Ière) relative à
l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces
armées de campagne adoptée le 12 août 1949 par la
Conférence Diplomatique pour l'élaboration de Conventions
internationales destinées à protéger les victimes de la
guerre, réunie à Genève du 21 avril au 12 août
1949.
5.
Convention de Genève (IIème) relative à
l'amélioration du sort des blessés, des malades et des
naufragés des forces armées sur mer adoptée le 12
août 1949 par la Conférence Diplomatique pour l'élaboration
de Conventions internationales destinées à protéger les
victimes de la guerre, réunie à Genève du 21 avril au 12
août 1949.
6. Convention de Genève (IIIème )
relative au traitement des prisonniers de guerre adoptée le 12
août 1949 par la Conférence Diplomatique pour l'élaboration
de Conventions internationales destinées à protéger les
victimes de la guerre, réunie à Genève du 21 avril au 12
août 1949.
7.
Convention de Genève (IVème) relative à la
protection des personnes civiles en temps de guerre adoptée le 12
août 1949 par la Conférence Diplomatique pour l'élaboration
de Conventions internationales destinées à protéger les
victimes de la guerre, réunie à Genève du 21 avril au 12
août 1949.
8. Déclaration Universelle de Droits de l'homme, in
Droits de l'homme, Recueil d'instruments internationaux, vol. 1, nations unies,
Genève, 2002.
9. Protocole additionnel I aux Conventions de Genève du
12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés internationaux (Protocole I) adopté le 8 juin 1977.
10. Protocole additionnel II aux Conventions de Genève
du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés non internationaux adopté le 8 juin 1977.
11. Statut de la Cour pénale internationale, tel
qu'adopté le 17 Juillet 1998 par la Conférence diplomatique des
Plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une Cour
Criminelle Internationale à Rome.
C. La législation rwandaise
1. Constitution de la République du Rwanda du 4/6/2003,
telle que modifiée à ce jour, in JORR n° spécial
du 4/6/2003.
2. D.L. n° 21/77 du 18 août 1977 instituant le code
pénal rwandais, in JORR, 1978, n° bis.
II. LA JURISPRUDENCE
A. La jurisprudence du TPIR
1. Le Procureur c. Jean Paul Akayesu, affaire n°
ICTR-64-4-T, jugement, 2 septembre 1998.
2. Le Procureur c. Akayesu, affaire n° ICTR-96-4-A,
Arrêt, 1er juin 2001.
3. Le Procureur c. Ignace Bagilishema, affaire n°
ICTR-95-1A-T, jugement, 7 juin 2001.
4. Le Procureur c. Jean Bosco Barayagwiza, affaire n°
ICTR-99-52-T, jugement, 3 décembre 2003.
5. Le Procureur c. Sylvestre Gacumbitsi, affaire n°
ICTR-2001-71-T, jugement, 17 juin 2004.
6. Le Procureur c. Samuel Imanishimwe et al., affaire n°
ICTR-99-46-T, 25 février 2004.
7. Le Procureur c. Juvénal Kajerijeri, affaire n°
ICTR-98-44 AA-T, jugement, 1er décembre 2003.
8. Le Procureur c. Jean Kambanda, affaire n°
ICTR-97-23-S, jugement, 4 septembre 1998.
9. Le Procureur c. J. de Dieu Kamuhanda, affaire n°
ICTR-99-54-T, jugement, 22 janvier 2004.
10. Le Procureur c. Kanyabashi, affaire n° ICTR-96-15-T,
Décision de la Chambre de première instance sur la
compétence, 18 juin 1997.
11. Le Procureur c. Clément Kayishema et Obed
Ruzindana, affaire n° ICTR-95-1-T et ICTR-96-10-T, jugement, 21 mai
1999.
12. Le Procureur c. Mikaeli Muhimana, affaire n°
ICTR-95-1-T, jugement, 28 avril 2005.
13. Le Procureur c. Alfred Musema, affaire n°
ICTR-96-13-T, Jugement, 27 janvier 2000.
14. Le Procureur c. Ferdinand Nahimana et al., affaire n°
ICTR- 99-52-T, jugement, 12 décembre 2003.
15. Le Procureur c. Emmanuel Ndindabahizi, affaire n°
ICTR-2001-17-I, jugement, 15 juillet 2004.
16. Le Procureur c. Elizaphan Ntakirutimana et Gérard
Ntakirutimana, affaire n° ICTR-96-10-Tet ICTR-96-17-T, jugement, 21
février 2003.
17. Le Procureur c. Eliezer Niyitegeka, affaire n°
ICTR-96-14-T, jugement, 16 mai 2003.
18. Le Procureur c. George Ruggiu, affaire n°
ICTR-97-32-T, jugement,1er juin 2000.
19. Le Procureur c. Georges Rutaganda, affaire n°
ICTR-96-3-T, jugement, 6 décembre 1999.
20. Le Procureur c. Rutaganda, affaire n° ICTR-96-3-A,
Arrêt, 26 mai 2003.
21. Le Procureur c. Vincent Rutaganira, affaire n°
ICTR-95-1C-T, jugement, 14 mars 2005.
22. Le Procureur c. Laurent Semanza, affaire n°
ICTR-97-20-T, jugement, 27 janvier 2000.
23. Le Procureur c. Omar Serushago, affaire n°
ICTR-98-39-S, jugement, 5 février, 1999.
24. Le Procureur c. Aloys Simba, affaire n° ICTR-01-76,
jugement, 13 décembre 2005.
B. Jurisprudence du TPIY
1. Le Procureur c. Blaskic, affaire n° IT-95-14-T,
jugement, 3 mars 2003.
2. Le Procureur c. Mucic et al.( jugement celebici), affaire
n° IT-96-21-T, jugement, 16 novembre 1998.
3. Le Procureur c. Mucic et al.(arrêt celebici), affaire
n° IT-96-21-A, arrêt, 23 février 2001.
4. Le Procureur c. Furundzija, affaire n°IT-95-17/1-T,
jugement, 10 décembre 1998.
5. Le procurer c. Kordic et Cerkez, affaire n°
IT-95-14/2-T, jugement, 26 février 2001.
6. Le Procureur c. Kunarac, affaire n° IT-96-23-T et
96-23/1, jugement, 2 août 2001.
7. Le Procureur c. Kunarac, affaire n° IT-96-23 et
IT-96-23/1-A, Arrêt, 12 juin 2002.
8. Le Procureur c. Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-T,
jugement, 7 mai 1997, par. 609.
9. Le Procureur c. Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-A,
arrêt, 15 juillet 1999.
10. Le Procureur c. Tadic, affaire n° IT-94-1-AR72,
Arrêt relatif à l'appel de la défense concernant
l'exception préjudicielle d'incompétence, 2 octobre 1995.
III. OUVRAGES GENERAUX
1. BASSIOUNI, M.C., Crimes against humanity in
international law, London, Nijhhoff, 1992.
2. BOOT, M., Genocide, crimes against humanity,
war crimes: nullum crimen sine lege and the subject matter jurisdiction of the
international criminal court, New York, Intersenia, Antwerpen, 2002.
3. CHRISTOPHE, P., Droit pénal
général, Paris, Litec, 2000.
4. GASSER, H. P., Un minimum d'humanité dans les
troubles et tensions internes, proposition d'un code de conduite, CICR,
Janvier-février 1988.
5. GRADITZKY, T., La responsabilité pénale
individuelle pour des actes commis en situation de conflit armé non
international, Genève, 1997.
6. HENZELIN, M., Les raisons de savoir du supérieur
hiérarchique qu'un crime va être commis par un
subordonné, Bruxelles, Bruylant, 2004.
7. KIMONYO, J.P., Revue critique des
interprétations du conflit rwandais, éd. de l'UNR, Centre de
Gestion des conflits, Butare, 2000.
8. LARGUIER, J., Droit pénal
général, 16ème éd., Paris, Dalloz,
2002.
9. MERGRET, F., Le Tribunal Pénal International
pour le Rwanda, n° 23, Paris, Ed. Pédone, 2002.
10. PICTET, J., PILLOUD, C. et al., Commentaire des
Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12
août 1949, C.I.C.R., Genève, Martinus Nijhoff Publishers,
1986.
11. VESPASSIEN, V.P., La guerre-crime et les criminels de
guerre, Neuchâtel, Bacconière, 1964.
12. WEMBOU, M. C. D. et FALL, D., Le droit humanitaire-
Théorie générale et réalité africaine,
Paris, L'Harmattan, 2000.
13. WORTZEL, R., The Nuremberg trials in international
law, London, Praeger, 1960.
IV. MEMOIRES ET NOTES
DE COURS
1. BARINDA, R., Cours d'initiation au travail de recherche
scientifique, note de cours, Kigali, ULK, Faculté de droit,
1999-2000, (non publié).
2. KARURETWA, P., La responsabilité individuelle du
criminel et la défense tirée de l'ordre du supérieur
militaire en droit international, mémoire, Butare, UNR,
Faculté de droit, 2001, (non publié).
3. NDIKUMANA, M. L., La responsabilité
pénale de l'individu en droit international, mémoire,
Butare, UNR, Faculté de droit, 1997, (non publié).
4. NDAYISHIMIYE, A., De la légitime défense
en droit pénal rwandais, mémoire, Butare, UNR,
Faculté de droit, 1998, (non publié).
5. NGANGO, I. M., Protection des populations civiles en
cas d'un conflit armé, mémoire, Butare, UNR, Faculté
de droit, 1997, (non publié).
6. RUSHEMA, C., De l'application du droit international
humanitaire par les acteurs non étatiques dans un conflit armé
non international : Cas du Rwanda et du Liberia, mémoire,
Butare, UNR, 2002, Faculté de droit, (non publié).
V. ARTICLES D'OUVRAGES, DE REVUES ET DE
JOURNAUX
1. ABI-SAAB, R., « Le droit humanitaire et les
troubles internes », in LIBER AMICORUM ABI-SAAB, G.,
L'ordre juridique international, un système en quête
d'équité et d'universalité, Kluwer, La Haye, 2001.
2. ASCENSIO, H., et MAISON, R., « L'activité
des tribunaux internationaux (1998) », in AFDI,
vol. XLIV, 1998.
3. RENAUT, C., La place des crimes de guerre dans la
jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux, in AJPI,
2004.
4. ZAKR, N., « L'imputabilité des faits et
actes criminels des subalternes au supérieur hiérarchique devant
le TPIR », in RDI, vol. 78, n° 1, 2001.
VI. AUTRES
DOCUMENTS
1. C.I.C.R., Le C.I.C.R. et les troubles et tensions
internes: Activités de protection et d'assistance du C.I.C.R. dans des
situations non couvertes par le droit international humanitaire,
Genève, 1986.
2. CRONU, G. (dir.), Vocabulaire juridique,
6ème éd., Association Henri Capitant, 1996.
3. REYNTJENS, F. et GORUS, J., in Codes et lois du
Rwanda, vol. I, 1995, pp. 121-131.
4. Rapport préliminaire de la Commission d'experts
constitué conformément à la résolution 935 du
Conseil de Sécurité de l'ONU, septembre 1994, UN DOC.
S/1994/1125.
5. Rapport de la Commission d'experts présenté
conformément à la résolution 935 du conseil de
sécurité, 9 décembre 1994, UN DOC. S/1994/1125.
6. Rapport de la Commission d'experts, 9 décembre 1994,
UN DOC. S/1994/1405.
7. Rapport de juin 1994 sur la situation des droits de l'homme
au Rwanda, E/CN.4/1995/7.
8. Rapport du Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de
l'homme, Sur sa mission au Rwanda, 11-12 mai 1994.
9. Rapport du Secrétaire Général sur la
situation au Rwanda, 31 mai 1994, UN DOC.S/1994/604.
10. Rapport du Secrétaire Général,
S/PV.3453, 8 novembre 1994, UN DOC. S/RES/955.
11. Résolution 955(1994) adoptée par le Conseil
de Sécurité des Nations Unies à sa 3453ème
séance du 8 novembre 1994.
VII. SOURCES ELECTRONIQUES
1. Encyclopédie Microsoft Encarta 2006,
« L'Allemagne nazie », [en ligne sur]
<http://fr.encarta.msn.com/text76155732183/Allemagnenazie.html>,
consulté le 29 juin 2006.
ANNEXES
* 1 M. C. D. WEMBOU et D.
FALL, Le droit humanitaire- Théorie générale et
réalité africaine, L'Harmattan, Paris, 2000, p. 29.
* 2 I. M. NGANGO,
Protection des populations civiles en cas d'un conflit armé,
mémoire, Butare, U.N.R., Faculté de droit, 1997, p. 1.
* 3 Ibid.
* 4 Les instruments
juridiques adoptés sont multiples mais actuellement le droit
international humanitaire applicable est contenu dans les quatre Conventions de
Genève du 12 août 1949 et dans leurs Protocoles additionnels du 8
juin 1977.
* 5 Un juriste
américain qui, en 1863, a été demandé par le
Président Abraham LINCOLN de mettre au point une série
d'instructions pour les troupes engagées dans la guerre de
Sécession. Ces instructions constituent un premier essaie de
codification du droit de la guerre.
* 6 ABI-SAAB, R.,
« Le droit humanitaire et les troubles internes »,
in LIBER AMICORUM ABI-SAAB, G., L'ordre juridique international, un
système en quête d'équité et
d'universalité, Kluwer, La Haye, 2001, p. 15.
* 7 Id., p. 13.
* 8 Voy. Art. 2 paragraphe 4
de la Charte des Nations Unies.
* 9Par exemple le conflit
armé opposant l'Iran et l'Irak entre 1980 et 1988, la guerre entre la
Corée du Sud (République de Corée) et la Corée du
Nord (République Populaire Démocratique de Corée) de juin
1950 à juillet 1953, etc.
* 10 Par exemple : les
conflits libérien, somalien, angolais, sierra-léonais, ougandais,
tchadien, mozambicain, soudanais, libanais, burundais, etc.
* 11 I. M. NGANGO, op.
cit., p. 2.
* 12 Milice du parti
politique MRND. Elle a été considérée comme une
unité paramilitaire ou gouvernementale. Elle épaula le
régime de Juvénal HABYARIMANA dans la préparation et la
réalisation du Génocide au Rwanda. Voy. C. RUSHEMA, De
l'application du droit international humanitaire par les acteurs non
étatiques dans un conflit armé non international : Cas du
Rwanda et du Libéria, mémoire, Butare, UNR, Faculté
de droit, 2002, pp. 69-72.
* 13 Le nombre exact des
victimes n'est pas sans doute connu avec précision mais on estime
qu'entre 300 000 et
800000 personnes sont décédées ou ont
disparu. Voy. Rapport du juin 1994 sur la situation des droits de l'homme au
Rwanda, E/CN.4/1995/7, §. 24.
* 14 Voy. Rapport
préliminaire de la Commission d'experts constitué
conformément à la résolution 935 du Conseil de
Sécurité de l'ONU, septembre 1994, UN DOC. S/1994/1125.
* 15 Voy. La
résolution 955 du Conseil de Sécurité de l'ONU, 8
novembre 1994, UN DOC. S/RES/955.
* 16 Le Procureur c. Laurent
Semanza, affaire n° ICTR-97-20-T, jugement, 27 janvier 2000, §.
616-622 ; le Procureur c. Clément Kayishema et Obed Ruzindana,
affaire n° ICTR-95-1-T et ICTR-96-10-T, jugement, 21 mai 1999,
§§. 598-604, 615 ; le Procureur c. Georges Anderson Rutaganda,
affaire n° ICTR-96-3-T, jugement, 6 décembre 1999, §§.
439-444 ; le Procureur c. Alfred Musema, affaire n° ICTR-96-3-T,
jugement, 27 janvier 2000, §§. 973-974.
* 17 Le Procureur c. Georges
Anderson Rutaganda, affaire n° ICTR-96-3-A, arrêt, 26 mai 2003,
§§. 556-585.
* 18 R. BARINDA, Cours
d'initiation au travail de recherche scientifique, note de cours, Kigali,
ULK, Faculté de droit, 1999-2000, p. 15.
* 19 Affaire Etats Unis c.
Yamashita, 327 US I (1945), ILR, 1946, pp. 256-257 cité par M.
HENZELIN, Les raisons de savoir du supérieur hiérarchique
qu'un crime va être commis par un subordonné, Bruxelles,
Bruylant, 2004, p. 81.
* 20 Il s'agit du crime de
Génocide, crimes contre l'humanité et les violations de l'article
3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II.
* 21 Le Procureur c.
Jean-Paul Akayesu, affaire n° ICTR-64-4-T, jugement, 2 septembre
1998, §§. 256-257.
* 22 G. CRONU (dir.),
Vocabulaire juridique, 6ème éd., Association
Henri Capitant, 1996, p. 173.
* 23 Jugement du 30
septembre-1er octobre 1946, Procès des grands criminels
de guerre devant le TMI, Doc. Off, Nuremberg, 1947, vol. 1, p. 235
cité par T. GRADITZKY, La responsabilité pénale
individuelle pour des actes commis en situation de conflit armé non
international, Genève, 1997, p. 2.
* 24 Rapport de la
commission d'experts présenté conformément à la
résolution 935 du conseil de sécurité, 9 décembre
1994, S/1994/1125, p. 29, §§. 171-172.
* 25 Le Procureur c. Joseph
Kanyabashi, affaire n° ICTR-96-15-T, Décision de la Chambre de
première instance sur la compétence, 18 juin 1997, §§.
33-36.
* 26 Abréviation de
Schutzstaffel (Echelon de protection), organisation du parti nazi
formant une police militarisée. La création des SS remonte aux
années vingt, où elles constituèrent la garde personnelle
d'Hitler. Le pouvoir des SS s'étendit et, à partir de 1934, elles
furent chargées de diriger les premiers camps de concentration. Voy.
Encyclopédie Microsoft Encarta 2006, « L'Allemagne nazie
», [en ligne sur]
<http://fr.encarta.msn.com/text76155732183/Allemagnenazie.html>,
consulté le 29 juin 2006.
* 27 Contraction de
l'allemand Geheime Staatspolizei « police secrète d'Etat
», police politique de l'Allemagne nazie. La Gestapo fut
créée par HERMANN GÖRING, Ministre de l'Intérieur de
Prusse, le 26 avril 1933 à partir de la section politique de la police
de la République de Weimar dont il étendit
considérablement les pouvoirs en la plaçant hors de toute
contrainte constitutionnelle et légale. Elle fut chargée
d'éliminer toute opposition au régime national-socialiste ou
nazisme. La Gestapo procéda à un nombre considérable
d'arrestations, sans compter les rafles massives comme à
Clermont-Ferrand, Marseille, Grenoble et Cluny. Voy. Encyclopédie
Microsoft Encarta 2006, « L'Allemagne nazie», [en ligne sur]
<http://fr.encarta.msn.com/text76155732183/Allemagnenazie.html>,
consulté le 29 juin 2006.
* 28 Organisation du parti
nazi et l'un des groupes d'intervention mobiles de policiers chargés
d'exécuter dans les territoires conquis sur l'URSS les communistes et
les Soviétiques juifs.
* 29 MERGRET, F., Le
Tribunal Pénal International pour le Rwanda, n° 23, Paris, Ed.
Pédone, 2002, p. 31.
* 30 Rapport du
Secrétaire Général, 8 novembre 1994, S/PV. 3453, §.
13.
* 31 Id. §.
15.
* 32 Rapport du
Secrétaire Général sur la situation au Rwanda, 31 mai
1994, UN DOC.S/1994/604.
* 33 Rapport de la
commission d'experts, 9 décembre 1994, UN DOC. S/1994/1405.
* 34 La coutume
internationale est définie comme étant une preuve d'une pratique
générale acceptée comme étant le droit. Elle tire
son essence dans certaines pratiques des Etats qui se sont
répétées au cours des années et ont acquis avec le
temps un caractère obligatoire pour constituer le droit international
coutumier. Voy. art. 38 paragraphe 1 du Statut de la Cour Internationale de
Justice.
* 35 Le Procureur c. Dusko
Tadic, Affaire n° IT-94-1-T, jugement, 7 mai 1997, §.
609 ; le Procureur c. Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-AR72,
arrêt relatif à l'appel de la défense concernant
l'exception préjudicielle d'incompétence, 2 octobre 1995,
§§. 116-117 et 134.
* 36 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §§.
608-609 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité
à la note 16, §§. 86-89 ; le Procureur c. Musema,
jugement, cité à la note 16, §. 242.
* 37 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16,
§§. 156-158. Voy. Egalement §§. 597-598.
* 38 C. LOMBOIS, Droit
pénal international, Paris, Dalloz, 1979, p. 51 cité par M.
L. NDIKUMANA, La responsabilité pénale de l'individu en droit
international, mémoire, Butare, 1997, UNR, Faculté de droit,
p. 22.
* 39 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 198.
* 40 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §.
473 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note
16, §. 34 ; Le Procureur c. Semanza, jugement, cité
à la note 16, §.378.
* 41 Le Procureur c.
Semanza, jugement, cité à la note 16, §. 379.
* 42 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 480 ; le
Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 17, §.
37 ; le Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note 16,
§.380 ; le Procureur c. Musema, jugement, cité à la
note 16, §. 119.
* 43 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 481 ; le
Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §.
38 ; L e Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16,
§. 120.
* 44 F. MEGRET, op.
cit., p. 204.
* 45 Le Procureur c.
Akayesu, affaire n° ICTR-96-4-A, arret, 1er juin 2001,
§§. 474-483.
* 46 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 483 ;
Le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §.
39 ; le Procureur c. Musema, jugement, cité à la
note 16, §. 121.
* 47 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16,
§. 568 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la
note 16, §. 391; le Procureur c. Musema, jugement, cité à
la note 16, §§. 902-903, 911-912.
* 48 F. MEGRET, op.
cit., p. 204.
* 49 Le Procureur c.
Semanza, jugement, cité à la note 16, §. 383.
* 50 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 484
* 51 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 43.
* 52 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §§. 422,
452, 693, 704-706 ; Le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité
à la note 16, §§. 311-313 ; Le Procureur c. Kayishema et
Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 468 ; Le
Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note 16,
§§. 865-926.
* 53 Le Procureur c.
Bagilishema, Affaire n° ICTR-95-1A-T, jugement, 7 juin 2001, §§.
34-36.
* 54 Ibid.
* 55 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 479.
* 56 M. HENZELIN, op.
cit., p. 90.
* 57 N.
ZAKR, « L'imputabilité des faits et actes criminels des
subalternes au supérieur hiérarchique devant le
TPIR », in R.D.I., vol. 78, n° 1, p. 51.
* 58 Le Procureur c.
Bagilishema, jugement, cité à la note 53, §. 38 ; Voy.
aussi Le Procureur c. Kordic et Cerkez, Affaire n° IT-95-14/2-T,
jugement, 26 février 2001, §. 401 ; le Procureur c. Blaskic,
Affaire n° IT-95-14-T, jugement, 3 mars 2003, §. 294.
* 59 Le Procureur c.
Semanza, jugement, cité à la note, §. 401.
* 60 N. ZAKR, op.
cit., p. 54.
* 61 J. PICTET,
Commentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de
Genève du 12 août 1949, C.I.C.R., Martinus Nijhoff
Publishers, Genève, 1986, p. 1029.
* 62 Le Procureur c. Mucic
et al. (Affaire Celebici ), affaire n° IT-96-21-A, arrêt, 23
février 2001, §. 256.
* 63 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement , cité à la note 16,
§§. 229-231.
* 64 N. ZAKR,
op.cit., p. 56.
* 65 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16,
§§. 217-231 ; Le Procureur c. Bagilishema, jugement,
cité à la note 53, §. 39 ; Le Procureur c. Semanza,
jugement, cité à la note 16, §. 141.
* 66 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 488.
* 67 Le supérieur
hiérarchique a « des raisons de savoir » s'il est en
possession d'informations suffisantes le mettant en garde contre un risque de
perpétration d'actes illicites par ses subordonnés, en d'autres
termes si les éléments dont il dispose suffisent à
justifier la demande d'un complément d'information. Voy. Jugement Kordic
et Cerkez, op. cit., §. 437.
* 68 Id., §.
488.
* 69 Le Procureur c.
Semanza, jugement, cité à la note 16, §. 404. Voy.
aussi Le Procureur c. Bagilishema, jugement, cité à la
note 53, §§. 44-46.
* 70 On peut citer entre
autre le nombre d'actes illégaux, leur type et leur portée, la
période durant laquelle les actes illégaux se sont produits, le
nombre et le type de soldats qui y ont participé, les moyens logistiques
éventuellement mis en oeuvre, le lieu des crimes, la multiplicité
des actes, la rapidité des opérations, les officiers et les
personnels impliqués et le lieu où se trouvait le commandant
quand les actes ont été accomplis. Le Procureur c. Mucic et al.
(Affaire Celebici), arrêt, cité à la note 62, §. 386.
Voy. aussi le Procureur c. Kordic et Cerkez, jugement, cité à la
note 58, §§. 427-428 ; Le Procureur c. Blaskic, jugement,
cité à la note 58, §§. 307-308.
* 71 Le Procureur c.
Blaskic, jugement, cité à la note 58, § 332.
* 72 Jugement Bagilishema,
op. cit., §. 47.
* 73 Id., §.
48.
* 74 Id., §.
49.
* 75 Voy., supra,
Chap. I, Sect. II, §. 2, I, A.
* 76 Actes IX, page 129,
CDDH/I15R50, §. 70 cité par N., ZAKR, op. cit., p. 59.
* 77 Le Procureur c. Musema,
jugement, cité à la note 16, §§. 147-148; le Procureur
c. Bagilishema, jugement, cité à la note 53, §§.
40-43.
* 78 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16,
§§. 227-228.
* 79 M. HENZELIN, op.
cit., pp. 81-125.
* 80 F. MEGRET, op.
cit., p. 209.
* 81 Le Procureur c. Musema,
jugement, cité à la note 16, §. 148 ; le Procureur c.
Bagilishema, jugement, cité à la note 53, §§.
42-43 ; le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité
à la note 16, §. 213.
* 82 Le Procureur c. Musema,
jugement, cité à la note 16, §. 135 ; le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 491 ;
* 83 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16,
§. 223.
* 84 Le Procureur c.
Blaskic, jugement, cité à la note 58, §. 335.
* 85 Le Procureur c. Musema,
jugement, cité à la note 16, §§. 109, 868-878.
* 86Id.,
§§. 138-140.
* 87Id., §.
143.
* 88 Id., §.
881.
* 89 Cet adage n'est qu'une
variante de in dubio pro reo, commandant de libérer le
prévenu des liens de la poursuite dès l'instant que subsiste la
plus petite incertitude quant à la participation à
l'infraction ; il intéresse, aussi, la matière extra
pénale et signifie, alors, que l'on doit reconnaître à
l'individu une totale liberté d'agir lorsque le domaine d'application
d'un texte restrictif laisse place à la discussion.
* 90 M. HENZELIN, op.
cit., p. 124.
* 91 Voy. Par exemple l'art.
20 de la Constitution de la République du Rwanda du 4/6/2003, telle que
modifiée jusqu'à ce jour, in JORR n° spécial du
4/6/2003.
* 92 M. L. NDIKUMANA,
op. cit., Mémoire, Butare, U.N.R., Faculté de droit,
1997, p. 22.
* 93 C. LOMBOIS, Droit
pénal international, Paris, Dalloz, 1979, p. 51, cité par P.
KARURETWA, La responsabilité individuelle du criminel et la
défense tirée de l'ordre du supérieur militaire en droit
international, mémoire, Butare, U.N.R., Faculté de droit,
2001, p. 21.
* 94 P. KARURETWA,
op. cit., p. 22.
* 95 S. PLAWSKI, Etude
des principes fondamentaux du droit international pénal, Librairie
Général de droit et de jurisprudence, P. Pichon et R.
Durand-Auzias, Paris, 1972, p. 146-147 cité par P. KARURETWA, op.
cit., p. 22.
* 96 Procès des
grands criminels de guerre devant la TMI, op. cit., p. 233.
* 97 V. P. VESPASSIEN,
La guerre-crime et les criminels de guerre, Neuchâtel,
Bacconière, 1964, p. 81
* 98 R. WORTZEL, The
Nuremberg trials in international law, London, Praeger, 1960, p. 112.
* 99 M. C. BASSIOUNI,
Crimes against humanity in international law, London, Nijhhoff, 1992,
p. 112.
* 100 L. CONDORELLI, p. 11
cité par P. KARURETWA, op. cit., p. 14.
* 101 La norme de jus
cogens est définie comme étant une norme acceptée et
reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble,
en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et
qui ne peut plus être modifiée que par une nouvelle norme de droit
internationale ayant le même caractère. Le caractère de
jus cogens fait que des règles ne peuvent pas faire l'objet de
réserve par conséquent ne sont pas soumises au principe de
réciprocité, c'est-à-dire que ce n'est pas
nécessaire que le pays soit lié par le traité. Voy. art.
53 de la Convention de Vienne du 25 mai 1965 sur le droit des traités.
Texte tiré : F. REYNTJENS et J. GORUS, in Codes et lois du
Rwanda, vol. I, 1995, pp. 121-131.
* 102 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, § 604.
* 103 Id., §.
605.
* 104 Id., §.
608.
* 105Le Procureur c. Tadic,
jugement, §. 609.
* 106 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 609.
* 107 Id., §.
610.
* 108 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16,
§. 156.
* 109 Id.,
§§. 157-158.
* 110 M. BOOT,
Genocide, crimes against humanity, war crimes: nullum crimen sine lege and
the subject matter jurisdiction of the international criminal court, New
York, Intersenia, Antwerpen, 2002, p. 19.
* 111 Article 23 1) du
Statut du TPIR.
* 112 V. P. VESPASSIEN,
op. cit., pp. 146-147.
* 113 PLAWSKI, p. 149
cité par P. KARURETWA, op. cit., p. 24.
* 114 Voy. par exemple
l'art. 3 du D.L. n° 21/77 du 18 août 1977 instituant le code
pénal rwandais, in J.O.R.R., 1978, n° bis.
* 115 V. P. VESPASSIEN,
op. cit., p. 81 et ss.
* 116 P. CHRISTOPHE,
Droit pénal général, Paris, 2000, Litec, p.
45.
* 117 « Nemo
cogitationis poenam patitur » signifie que nul ne peut
être puni pour de simples pensées.
* 118 L'infraction est dite
de commission lorsque son élément matériel consiste dans
l'accomplissement par l'agent. Voy. Ibid.
* 119 L'infraction est dite
d'omission lorsqu'est incriminée la passivité de l'agent,
s'abstenant d'accomplir un acte exigé. Voy. Ibid.
* 120 P. KARURETWA, op.
cit. p. 48.
* 121 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 34; le Procureur
c. Akayesu, jugement, cité à la note 21,
§. 473 ; le Procureur c. Musema, jugement, cité à la
note 16, §§. 116-116 ; le Procureur c. Semanza, jugement,
cité à la note 16, §. 378.
* 122 J. LARGUIER,
Droit pénal général, 16 e éd.,
Paris, Dalloz, 2002, p. 26.
* 123 C'est le cas par
exemple de minorité ou des troubles psychiques et neuropsychiques. Voy.
P.CHRISTOPHE, op. cit., p. 42.
* 124 C'est le cas par
exemple d'ivresse, de somnambulisme et d'hypnose. Voy. Ibid.
* 125 Le Procureur c.
Akayesu , jugement, cité à la note 21, §. 631.
* 126 Le Procureur c.
Samuel Imanishimwe et al., Affaire n° ICTR-99-46-T, jugement, 25
février 2004, §§. 784-803.
* 127 Ibid.,
§§. 768-770, 771-783.
* 128 Ces propos ont
été recueillis lors d'un entretien que nous avons eu avec
Mohammed AYAT le 24/01/2006.
* 129 Le Procureur c.
Musema, jugement, §. 148 ; le Procureur c. Bagilishema, jugement,
cité à la note 53, §§. 43-43.
* 130 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §.
601.
* 131 Le Procureur c.
Rutaganda, arrêt, cité à la note 17, §§.
556-585.
* 132 J. LARGUIER, op.
cit., p. 44.
* 133 Art. 6 (3) du Statut
du TPIR.
* 134 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §.
169.
* 135 Le Procureur c.
Tadic, arrêt, cité à la note 35, §. 70.
* 136 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 619
* 137 Le Procureur c.
Musema, jugement, cité à la note 16, §. 246.
* 138Id., §.
247 ; Voy. également le Procureur c. Rutaganda, jugement,
cité à la note 16, §. 92 ; le Procureur c. Kayishema et
Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 170.
* 139 Le Procureur c.
Musema, jugement, cité à la note 16, §. 248.
* 140 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 93.
* 141 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 620.
* 142 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §§. 627 et
639 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note
16, §. 436 ; le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement,
cité à la note 16, §. 597 ; Jugement Musema, op.
cit., §§. 970-971.
* 143 Le Procureur c.
Bagilishema, jugement, cité à la note 53, §. 99-100 ;
le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §.
94.
* 144 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 424.
* 145Voy. Comité
International de la Croix Rouge, Commentaire I sur la Convention de
Genève I, article 3. §.1.
* 146Ibid.
* 147 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 619 et 621.
* 148 Roméo DALLAIRE
était le responsable chargé de la Mission des Nations Unies pour
l'Assistance au Rwanda (MINUAR).
* 149 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 621.
* 150 Voir Comité
international de la Croix Rouge, Commentaire sur le protocole additionnel II du
8 juin 1977, §. 4361
* 151 Id., §.
4363.
* 152 L'article 3 commun ne
dit rien en ce qui concerne l'exclusion des situations de tensions internes.
* 153 Voy. Art. 1 al. 2 du
protocole additionnel II aux conventions de Genève du 12 août 1949
relatif à la protection des victimes des conflits armés non
internationaux du 8 juin 1977.
* 154 Le Procureur c.
Musema, jugement, cité à la note 16, §. 252 ; le
Procureur c. Bagilishema, jugement, cité à la note 53, §.
100 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note
16, §. 94.
* 155 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 434-435.
* 156 Le Procureur c.
Musema, jugement, cité à la note 16, §§. 970-971 ;
le Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note §.
514 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note
16, §. 436.
* 157 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 436.
* 158 Le Procureur c.
Kunarac, Affaire n° IT-96-23 et IT-96-23/1-A, Arrêt, 12 juin 2002,
§§. 147-148.
* 159 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 631; le Procureur
c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note
16, §. 171; le Procureur c. Musema, jugement, cité
à la note 16, §. 266, ect.
* 160 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 632.
* 161 Id., §.
640.
* 162 Akayesu portait un
treillis militaire et un fusil, il a aidé les militaires à leur
arrivée à Taba en accomplissant un certain nombre de
tâches, y compris la reconnaissance et l'établissement de la carte
de la commune, la mise en place de services de transmission radio et il a
autorisé les militaires à utiliser les locaux de son bureau. Voy.
Id., §. 641.
* 163 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §§. 97-98; le
Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la
note 16, §. 175; le Procureur c. Musema, jugement, cité à la
note 16, §. 266, etc.
* 164 Le Procureur c.
Akayesu, arrêt, cité à la note 45, §§. 437 et
444.
* 165 Affaire Zyklon B.,
Affaire du Lynchage d'Essen, affaire Hadamar, LRTWC, vol. I, p. 103,
88, 46-55, cité dans le jugement Akayesu, cité à la note
21, §. 633.
* 166 Le Procureur c.
Akayesu, arrêt, cité à la note 45, §. 443.
* 167Id., §.
439.
* 168 Le Procureur c.
Kunarac, Arrêt, cité à la note 158, §. 407.
* 169 Le Procureur c.
Akayesu, arrêt, cité à la note 45, §§.
441-442.
* 170 Art. 4 al. 1 du
Protocole additionnel II.
* 171 Comité
International de la Croix Rouge, Commentaire I sur la Convention de
Genève I, p. 40..
* 172 Alinéa de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève.
* 173 Il s'agit de membres
des forces armées d'une partie au conflit, de membres des autres milices
et les membres des autres corps de volontaires, de membres des forces
armées régulières qui se réclament d'un
gouvernement ou d'une autorité non reconnue par la puissance
détentrice et enfin de la population d'un territoire occupé qui
prend spontanément les armes pour combattre les troupes d'invasion.
* 174 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 179;
le Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §.
277.
* 175 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 100 ; le
Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §. 279.
* 176 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §.
180.
* 177 Ibid; Voy.
aussi l'art. 50 3) du Protocole additionnel I.
* 178 Le Procureur c.
Semanza, jugement, cité à la note 16, §. 366; le Procureur
c. Musema, jugement, cité à la note 16, §.
279 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note
16, §. 100 ; le Procureur c. Bagilishema, jugement, cité
à la note 53, §. 104.
* 179 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §.
181.
* 180 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 101.
* 181 Voy. Le paragraphe 1
de l'article 2 du Protocole additionnel II.
* 182 Voy. Le paragraphe 2
de l'article 4 du Protocole additionnel II.
* 183 Le commentaire sur le
protocole additionnel II, §. 4490.
* 184 Le Procureur c.
Tadic, arrêt, cité à la note 35, §. 69.
* 185 Le Procureur c.
Semanza, jugement, cité à la note 16, §. 367; le Procureur
c. Musema, jugement, cité à la note 16, §. 284 ; le
Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16,
§§. 102-103 ; le Procureur c. Bagilishema, jugement, cité
à la note 53, §. 101 ; le Procureur c. Kayishema et Ruzindana,
jugement, cité à la note 16, §§. 182-183 ; le
Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §.
635.
* 186 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §.
182.
* 187 Art. 7 du Statut du
TPIR.
* 188 Cette contradiction
se fait remarquer parce que selon le commentaire du CICR c'est le territoire de
l'Etat en conflit, c'est-à-dire le Rwanda, qui est pris en
considération pour déterminer les bénéficiaires de
la protection du Protocole additionnel II alors que l'article 7 du Statut du
TPIR étend la compétence de ce dernier même aux actes
commis sur le territoire des pays frontaliers du Rwanda.
* 189 C. RENAUT, La place
des crimes de guerre dans la jurisprudence des tribunaux pénaux
internationaux, in AJPI, 2004, p. 30.
* 190 Le Procureur c.
Rutaganda, arrêt, cité à la note 17, §. 570.
* 191 Le Procureur c.
Tadic, arrêt, cité à la note 35, § 70
* 192 Le Procureur c.
Kunarac, arrêt, cité à la note 158, §. 58.
* 193Id., §.
59.
* 194Le Procureur c.
Rutaganda, arrêt, cité à la note 17, §. 570
* 195Ibid.
* 196Id., §.
577.
* 197 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 439-441.
* 198Id., §.
299-300.
* 199 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 589.
* 200 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 445.
* 201 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §.
137-140.
* 202 Le Procureur c.
Semanza, jugement, cité à la note 16, §. 339.
* 203 Les accusés
doivent démontrer qu'ils étaient agressés et que
l'agression était actuelle, imminente et injuste. Ensuite l'attaque pour
riposter doit être nécessaire, mesurée ou
proportionnée à l'attaque de la population civile. Voy. A.
NDAYISHIMIYE, De la légitime défense en droit pénal
rwandais, mémoire, Butare, UNR, Faculté de droit, 1998, p.
50.
* 204 Le Procureur c.
Musema, jugement, cité à la note 16, §. 285; Voy.
également jugement Akayesu, op. cit., §§. 594-595,
681.
* 205 Le Procureur c. Mucic
et al. ( arrêt Celebici ), jugement, cité à la note 62,
§. 459; le Procureur c. Furundzija, jugement, cité à la note
§§. 160- 161; Jugement Kunarac, op. cit., §§.
149-151.
* 206 Jugement Mucic et al.
( arrêt Celebici ), op. cit., §§. 447-451.
* 207 Id., §.
459.
* 208 Id., §.
470.
* 209 Id., §.
471.
* 210 Le Procureur Semanza,
jugement, cité à la note 16, §. 597.
* 211 H. ASCENSIO, et R.
MAISON, « L'activité des tribunaux internationaux »,
in AFDI, 1998, pp. 371-411.
* 212 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 597.
* 213 Le Procureur c.
Musema, jugement, cité à la note 16, §. 285.
* 214 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 686.
* 215 Id., §.
687.
* 216 Id., §.
688.
* 217 Id., §.
429.
* 218 Id., §.
688.
* 219 Voy. par exemple le
Procureur Musema, jugement, cité à la note 16, §§.
220-221, 226-229.
* 220 Le Procureur c. Mucic
et al. (Affaire Celebici), cité à la note 62, §. 479.
* 221 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 688.
* 222 Aux termes de cet
article, la corroboration du témoignage par des témoins n'est pas
requise, le consentement de la victime ne pourra être utilisé
comme moyen de défense, la crédibilité et la pertinence
des preuves de consentement de la victime doivent être
démontrées à la chambre à huis clos, et enfin le
comportement sexuel antérieur de la victime ne peut être
invoqué comme moyen de défense.
* 223 Notre étude
porte sur la période allant du 8 novembre 1994 au 06 octobre
2006, respectivement date de la création du Tribunal et date de la
présentation de notre travail.
* 224Bien que dans
l'affaire Semanza, la Chambre de première instance du TPIR ait conclu
que les actes pour les quels l'accusé est poursuivi constituent des
violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II, elle a
déclaré l'accusé non coupable de ces chefs à
raison, selon elle, du concours idéal apparent entre les violations qui
lui sont reprochées et les crimes contre l'humanité et le
génocide (Voy. Le Procureur c. Semanza, jugement, cité à
la note 16, §§. 535-536, 551-552).
* 225 Le Procureur c.
Imanishimwe, jugement, cité à la note 126, §§.
792-803.
* 226 Voir supra
(Chapitre 2, Section II, §. 4).
* 227 R. MAISON, op.
cit., p.11.
* 228 Du fait, notamment de
l'intention spéciale qui le caractérise. Voy. Le Procureur c.
Jean Kambanda, affaire n° ICTR-97-23-S, jugement, 4 septembre 1998,
§. 16 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la
note 16, §. 451; le Procureur c. Omar Serushago, affaire n°
ICTR-98-39-S, jugement, 5 février, 1999, §. II. B. 3.
* 229 Le Procureur c.
Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 450.
* 230 Le Procureur c.
Kambanda, jugement, cité à la note 228, §. 14.
* 231 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, cité à la note 16, §. 577-579, le
Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note 16, §§.
535-536, 551-552.
* 232 Le Procureur c.
Musema, jugement, cité à la note 16, §§. 535-536,
551-552.
* 233 R. MAISON, op.
cit., p. 11.
* 234 Voy. Par exemple les
affaires : le Procureur c. Sylvestre Gacumbitsi, affaire n°
ICTR-2001-71-T, jugement, 17 juin 2004; le Procureur c. Jean Kambanda,
jugement, cité à la note 228; le Procureur c. Ferdinand
Nahimana et al., affaire n° ICTR- 99-52-T, jugement, 12 décembre
2003 ; le Procureur c. Emmanuel Ndindabahizi, affaire n°
ICTR-2001-17-I, jugement, 15 juillet 2004 ; le Procureur c . Omar
Serushago, jugement, cité à la note 228; le Procureur c. Aloys
Simba, affaire n° ICTR-01-76, jugement, 13 décembre 2005 et le
Procureur c. Eliezer Niyitegeka, affaire n° ICTR-96-14-T, jugement, 16 mai
2003.
* 235 Voy. Par exemple les
affaires : le Procureur c. Ignace Bagilishema, jugement, cité
à la note 53; le Procureur c. Juvénal Kajerijeri, affaire n°
ICTR-98-44 AA-T, jugement, 1er décembre 2003 ; le
Procureur c. Mikaeli Muhimana, affaire n° ICTR-95-1-T, jugement, 28 avril
2005 et le Procureur c. Jean Bosco Barayagwiza, affaire n° ICTR-99-52-T,
jugement, 3 décembre 2003.
* 236 Voy. Par exemple les
dispositifs des jugements rendus par le TPIR dans les affaires : le
Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16 ; le
Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16 ; le
Procureur c. Imanishimwe et al., jugement, cité à la
note 126; le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note
21 ; le Procureur c. Bagilishema, jugement, cité à la note
53, etc.
* 237 R. MAISON, op.
cit., p. 11.
* 238 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 169.
* 239 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §§. 630 ; le
Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16,
§§. 174-175.
* 240 Le Procureur c.
Musema, jugement, cité à la note 16, §. 266 ; le
Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16,
§§. 96-97 ; le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, cité
à la note 16, §§. 175-176 ; le Procureur c. Akayesu,
cité à la note 21, §. 630-634, 640.
* 241 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 643 ; le Procureur
c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16,
§§. 174-176 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité
à la note 16, §§. 102-105 (La charge de ce lien revient au
Procureur et ne serait seulement être démontré in
abstracto).
* 242 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §§. 631-640.
* 243 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §§. 641-642. Dans
ce sens Voy. Le Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16,
§§. 488-489, 877, 974-975 ; le Procureur Rutaganda, jugement,
cité à la note 16, §§. 439-445.
* 244 Le Procureur c.
Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 639.
* 245 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, §§. 598-604, 615 ; le
Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §§.
973-974 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la
note 16, §§. 439-444; le Procureur c. Semanza, jugement, cité
à la note 16, §§. 616-522.
* 246 G. DE VILLERS,
« L'Africanisme belge et le Rwanda » in Politique
africaine, n° 59, pp. 121-126 cité par J.P. KIMONYO, Revue
critique des interprétations du conflit rwandais, éd. de
l'UNR, Centre de Gestion des conflits, Butare, 2000, p. 20.
* 247 Le Procureur c.
Akayesu, arrêt, cité à la note 45, §§.
443-444.
* 248 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16,
§§. 615 ; le Procureur c. Musema, jugement, cité à
la note 16, §. 974 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité
à la note 16, §§. 444
* 249 Le Procureur c.
Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16,
§§. 601.
* 250 Ibid.,
§§. 621-622.
* 251 Le Procureur c.
Rutaganda, arrêt, cité à la note 17, §§.
556-585.
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