II. UN EMBARGO MÉDIATIQUE
2.1. De l'utilité de ce chapitre
Cela peut paraître de prime abord superflu, a fortiori
dans le cadre étroit d'un mémoire, que de consacrer un chapitre
entier à la sous-représentation médiatique dont est
victime l'ExtrêmeGauche.
On pourrait en effet se dire qu'il n'y a pas besoin de
tableaux pour savoir que l'ExtrêmeGauche de notre plat pays ne se fait
pas recevoir par des Pascal VREBOS (animateur des débats du dimanche
midi sur RTL TVI) ou des Johanne MONTAY (désormais rédactrice en
chef Politique et social de la RTBF). Il suffit d'allumer sa
télévision pour s'en rendre compte.
Et certains diront que cela est justifié. Car il s'agit
là d'extrémistes, de nostalgiques du goulag, etc. Ou, plus
souvent, on entendra dire que ces partis ne sont pas suffisamment
représentatifs de la population.
Mais peu importe au fond la justification, tout le monde
semble concéder le fait que les représentants de notre
Extrême-Gauche ne sont pour ainsi dire pas reçus sur les plateaux,
ni dans les colonnes de la presse. Cependant, chiffrer tout cela nous semblait
nécessaire à plusieurs points de vue.
Tout d'abord, pour montrer que l'ampleur du
phénomène est, nous le verrons, sous-estimée.
Ensuite, à reprendre Serge HALIMI : << Tout
ça, on le sait déjà est la plaidoirie habituelle de qui,
ne souhaitant pas diffuser un savoir, prétexte qu'il est répandu
». Mais que << Il n'existe qu'une seule politique possible,
que la France qui tombe ait besoin de réformes, que
le peuple soit trop populiste, les patrons
écrasés par les charges, et le monde devenu de plus en
plus complexe, on le sait déjà ». Pourtant, <<
Cela n'empêche pas les chroniqueurs économiques et les
intellectuels de pouvoir nous le répéter matin, midi et soir.
Pour, justement, qu'on ne l'oublie pas » 24.
24 HALIMI S., << L'art et la manière
d'ignorer la question des médias » in PINTO E., Pour une
analyse critique des médias. Le débat public en danger,
Editions du Croquant, Collection << Champ social »,
Bellecombe-en-Bauges, 2007, page 197.
Et la raison pour laquelle il ne faudrait pas l'oublier n'est pas
que préoccupation partisane. Deux éléments peuvent
à eux seuls justifier cet intérêt.
D'une part, comme l'explique Noam CHOMSKY, les médias
remplissent un << rôle crucial >>, celui de <<
permettre au public de contrôler le processus politique >>. Des
médias garants de la démocratie. Une démocratie qui
<< requiert le libre accès à l'information, aux
idées et aux opinions >> 25, et non une forme de
paternalisme.
D'autre part, comme le pense Philippe BENETON, <<
L'inexprimé tend à devenir l'impensé >>. Car en
effet, << Les idées sont vivantes, elles gagnent en consistance et
en clarté quand elles sont exprimées publiquement et font l'objet
de débats >>.
De là découle le problème que, quand
<< Les questions cessent d'être posées, elles cessent de se
poser >>. Que << La transmission ne se fait plus d'une
génération à l'autre >>. Que << L'opinant est
[alors] prisonnier d'un mode de pensée parce qu'il ne voit pas d'autre
mode de pensée possible >> 26, ce qui est tout de même un
fameux grain de sable dans la machine à démocratie.
Pas que préoccupation partisane, disions-nous. Un souci de
vitalité démocratique, plutôt.
Il est maintenant temps de nous pencher sur le principal argument
déployé par les journalistes pour justifier l'absence,
malgré tout, de l'Extrême-Gauche.
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