3.2. Des débats « faussement vrais
»
Outre les << débats vraiment faux >>
(relatifs notamment aux invités permanents, qui furent abordés
dans notre Titre II), Pierre BOURDIEU distingue ce qu'il appelle les <<
débats faussement vrais >>.
Ces derniers possèdent << toutes les apparences
du débat démocratique >>, tout en recelant << une
série d'opérations de censure >>. Dans ces
dernières, le journaliste joue un rôle essentiel : C'est lui qui
<< distribue la parole >>, ainsi que - et c'est le cas qui nous
occupe dans notre Titre III - << les signes d'importance >>.
Ces signes peuvent être << les différentes
manières de dire merci >>, mais aussi << questionner sans
remettre en question >>, sans << sommation à comparaitre
>> (la différence entre expliquer et s'expliquer) 88.
Dit autrement, il y a le << temps de parole >> et, ici, le <<
ton de parole >> 89.
De ce << ton de parole >>, de cette condescendance
journalistique à l'égard de l'ExtrêmeGauche, les exemples
sont légion.
87 Journal parlé, édition de 18 heures,
RTBF, 22 mars 2009.
88 CARLES P., Enfin pris ?, Arrapèdes
& C-P Productions, Montpellier, 2002, 90 minutes.
89 BOURDIEU P., Sur la
télévision, Raisons d'agir, Paris, 1996, 33e
édition, pages 33-35.
En ce qui concerne la Belgique, on relèvera d'abord les
inévitables questions sur l'URSS. Exemple avec Controverse, le
17 mai 2009.
A un moment, Pierre EYBEN (Porte-parole du Parti Communiste)
décide de réagir à des petites phrases d'invités :
<< Je voudrais repartir de ce qui est dit, parce que je vois que c'est
évoqué directement : Mur de Berlin... >>
Il est alors interrompu par Pascal VREBOS, qui lâche que
<< Le PC a quand même une histoire, hein ! >> Et le
porte-parole de répondre : << Oui, une histoire qui est
précisément de s'opposer depuis plus d'un demi-siècle
à ce qui a été fait au nom du communisme >>. Eyben
enchaine : << Quand quelqu'un est libéral aujourd'hui, on va
rarement associer son libéralisme avec Pinochet, qui pourtant est un bel
exemple de quelqu'un qui a libéralisé un pays >> 90.
Dans le même ordre d'idées, dans la même
émission d'ailleurs, Raoul HEDEBOUW (Porte-parole du Parti du Travail de
Belgique) déclare : << Nous sommes un parti de Gauche. C'est
important quand même de rappeler que, chez les libéraux,...
>>
Il est alors, lui aussi, sèchement interrompu par
Pascal VREBOS, qui ressent le besoin de mettre les choses au net : <<
D'Extrême-Gauche ! >> Raoul HEDEBOUW rétorque : << Je
suis pas extrémiste, je suis de Gauche, tout simplement >> 91.
Même parti même chaine, mais le 2 juin 2009, dans
le Talk élections : Pierre ETIENNE (PTB) précise :
<< Je n'aime pas l'appellation Extrême-Gauche. Le PTB
représente vraiment la Gauche en Belgique, étant donné...
>> Grégory GOETHALS le coupe à son tour : << La
Gauche radicale ! >>
Rejeter l'héritage soviétique, rejeter
l'adjectif d'extrémiste. Outre le fait bien sûr que cela n'est pas
vendeur, pendant tout ce temps pourtant si chichement accordé, le
programme n'est du coup pas abordé. Et lorsque (si ?) il l'est enfin,
<< Les positions de ces candidats sont disqualifiées a priori
>> 92. Voyons voir en quoi...
90 Rajoutons que ça n'est pas parce que la
Corée du Nord se nomme << République populaire
démocratique de Corée >> qu'elle est une république,
ni qu'elle est populaire, ni qu'elle est démocratique.
91 Lors de cette émission, Raoul HEDEBOUW dit
préférer la dénomination << partis alternatifs
>>.
92 REYMOND M. & RZEPSKI G., Op. Cit.,
pages 86 & 88.
|