B L'application de la loi Informatique et Libertés
à la publicité ciblée sur Facebook
Les fournisseurs de contenus qui affichent les
publicités d'annonceurs, tels que les réseaux sociaux, affirment
que les données utilisées sont non-identifiantes en ce qu'elles
ne peuvent pas être rapprochées de l'identité de
l'individu. Le G29, dans son avis WP 136 considérait à cet
égard que « la possibilité d'identifier une personne
n'implique plus nécessairement la faculté de connaître son
identité »88. La CNIL en a conclu dans son rapport
sur la publicité ciblée en ligne qu'il «est possible de
considérer que les données qui sont dans les profils comme l'age,
le sexe ou la localisation sont des données à caractère
personnel dans la mesure où elles sont liées à cet
identifiant »89. La CNIL suit ainsi la position retenue
par le G29, WP 148 sur les aspects de la protection des données
liées aux moteurs de recherche. De ce fait, la CNIL revendique
l'application des mesures protectrices de la loi Informatique et
libertés aux systèmes de publicité ciblée. La loi
Informatique et Libertés serait donc applicable à la
publicité ciblée sur Facebook et les membres du site pourraient
donc bénéficier des droits qui leur sont reconnus dans cette loi
qui sont autant de solutions pour encadrer la publicité ciblée
sur Facebook (C).
C Les solutions pour encadrer la publicité
ciblée sur Facebook
L'article 7 de la loi Informatique et Libertés dispose
qu'un traitement de données à caractère personnel doit
avoir reçu le consentement de la personne concernée pour
être mis en place. Les exceptions prévues au même article
permettant de passer outre le consentement de la personne ne semblent pas
applicables aux réseaux sociaux qui proposent de la publicité
ciblée.
87 Rapport du 9 février 2009 « La publicité
ciblée en ligne » de la CNIL p. ??
88 Avis n°4/2007, 20 juin 2007, relatif au concept de
données à caractère personnel WP 136. p15.
89 CNIL, rapport du 9 février 2009 « La
publicité ciblée en ligne » de la CNIL p. 26.
Comme nous m'avons vu dans la section préliminaire, ce
consentement doit être libre, spécifique et informé. On
constate que les conditions concernant le consentement sur Facebook ne sont pas
remplies : en effet, le consentement n'est pas libre car la personne ne peut
refuser la publicité ciblée.
Le consentement n'est pas spécifique car la personne ayant
adhéré à Facebook n'a pas donné son accord à
l'utilisation de ces données à des fins de prospection
commerciale.
L'information sur l'utilisation des données à
caractère personnel par Facebook à des fins de publicité
ciblée n'est également pas respectée. Si la
possibilité d'utilisation des données à des fins de
publicité ciblée est indiquée dans la politique de
confidentialité du site, cette information n'est pas facile
d'accès dans ma mesure oü la politique de confidentialité
est un document très long et difficilement compréhensible par des
non-juristes. De plus, peu de membres de réseaux sociaux lisent les
conditions générales et la politique de confidentialité du
site ou se soucient de ce qu'il advient de leurs données.
Dans son rapport relatif à la publicité
ciblée, la CNIL réclame la mise en place d'une meilleure
information de l'internaute. Dans un souci de transparence, les sites de
réseaux sociaux devraient clairement indiquer que toutes les
informations publiées sur le site sont susceptibles d'être
utilisées pour proposer de la publicité ciblée. La mise en
place d'une politique de confidentialité accessible et
pédagogique serait un moyen d'obtenir le réel consentement des
membres de Facebook.
Des dispositions spécifiques relatives à la
prospection commerciales par voie électronique sont inscrites dans le
code des postes et des communications électroniques. L'article L 34-5 du
code des postes et des communications électroniques alinéa
190 prévoit que la prospection commerciale par automate
d'appel, par télécopieur ou par courrier électronique
à destination de consommateurs est subordonnée à l'accord
préalable de la personne démarchée (principe de «
l'opt-in »). Comme il s'agit d'une disposition pénale et
que le droit pénal est d'interprétation stricte91, on
ne peut a priori appliquer par analogie cette obligation aux
bannières publicitaires de Facebook. De ce fait, la prospection
commerciale sur Facebook serait donc soumise au principe de l'opt-out
c'est-à-dire à la possibilité de s'opposer à
l'utilisation des données à des fins de prospection
commerciale.
90 Modifié par l'article 10 de la loi n° 2004-669
du 9 juillet 2004 transposant la directive 2002/58 concernant le traitement des
données à caractère personnel et la protection de la vie
privée dans le secteur des communications électroniques.
91 Article 111-4 du code pénal, corollaire du principe de
légalité.
Ce principe est similaire à celui du droit d'opposition
prévu à l'article 38 alinéa 2 de la loi Informatique et
Libertés.
Le droit d'opposition n'est pas respecté par Facebook
à l'heure actuelle puisque l'utilisateur n'a pas la possibilité
de refuser les encarts publicitaires qui sont intégrés aux pages
Facebook. La seule possibilité dont dispose l'utilisateur est de cliquer
sur la flèche située sous la publicité afin qu'une autre
publicité prenne la place de la précédente. Le non-respect
du droit d'opposition de la personne dont les données à
caractère personnel font l'objet d'un traitement est un délit
sanctionné pénalement92, et le non respect du principe
de l'opt-in de l'article L34- 5 du code des postes et des
communications électroniques est puni par une amende de 750 euros par
message envoyé. Il conviendrait donc que Facebook prévoit dans sa
politique de confidentialité un moyen permettant à l'internaute
de s'opposer à cette prospection commerciale.
Pour lutter contre les pratiques irrespectueuses de la loi
Informatique et Libertés, La CNIL sollicite l'adoption de codes de
bonnes pratiques par les professionnels et d'une procédure de
labellisation93. La Commission européenne travaille ainsi
depuis 2007 sur le projet de label « Europrise »,
délivré aux sites respectant la réglementation
européenne de protection des données à caractère
personnel. De son coté, la Commission Fédérale du Commerce
des Etats-Unis a publié un ensemble de principes, reposant sur
l'autoréglementation pour encadrer la pratique des publicités
ciblées94. On y retrouve un certain nombre de principes
déjà proposés par la CNIL, comme la transparence dans la
collecte des données et dans l'information de l'utilisateur, la possible
opposition des consommateurs à l'utilisation de leurs données
dans le cadre de la publicité ciblée ou encore la conservation
limitée dans le temps des données.
La publicité ciblée et incontournable sur Facebook
pose donc un véritable problème dont la résolution
appellerait une réponse uniforme au niveau européen.
92 Article 226-18-1 du code pénal : « Le fait
de procéder ou de faire procéder à un traitement de
données à caractère personnel concernant une personne
physique malgré l'opposition de cette personne, lorsque ce traitement
répond à des fins de prospection, notamment commerciale, [...]
est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 € d'amende
».
93 CNIL, rapport du 9 février 2009 « La
publicité ciblée en ligne » p. 32.
94 F. Gilbert, gazette du Palais, 24 avril 2008 n°115, p. 17
« Le FTC américain propose des principes pour encadrer la
publicité comportementale sur Internet ».
L'autre difficulté importante liée aux
réseaux sociaux concerne la conservation des données à
caractère personnel (II).
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