DIPLOME INTERUNIVERSITAIRE DE FORMATION A L'EXPERTISE
JUDICIAIRE
FACULTE DE MEDECINE DE NANCY
ANNEE UNIVERSITAIRE 2005/2006
MEMOIRE
INFECTIONS NOSOCOMIALES ET EXPERTISES
JUDICIAIRES
(La loi du 4 Mars 2002)
PRESENTE
PAR : DR ESSOMBA NOEL
GUIDANT
UNIVERSITAIRE : DR C. ANDRE BOTTE
REMERCIEMENTS :
Au Professeur H. Coudane, pour tous ses enseignements, son
dévoiement dans la formation des étudiants en expertise
judiciaire.
Au Dr Christine A. Botte pour sa disponibilité et la
bonne humeur permanente avec laquelle elle m'a orienté dans ce
travail.
A son excellence Monsieur Eyeya Zanga Louis dont les
encouragements ne cessent de me galvaniser.
A ma fille Jessica Essomba dont, seule la pensée, me
motive dans l'effort.
A toute ma famille qui m'accompagne dans la prière
depuis le lointain Cameroun.
SOMMAIRE
I- INTRODUCTION
II- RAPPELS
1- Définitions
2- Voies de contamination
3- principaux germes et services incriminés
4- recommandations
III- LOI DU 4 MARS 2002
a- l'information du patient ou de sa famille, en cas de
dommage
b- la reconnaissance de la responsabilité uniquement en
cas de faute prouvée
c- la solidarité nationale en l'absence de faute
d- la procédure de règlement à
l'amiable
e- l'assurance obligatoire des professionnels et
établissements de santé
IV- RECOURS EN JUSTICE - FAUTE -
INDEMNISATION
1- la commission de conciliation et d'indemnisation
2- les responsabilités civiles et administratives
3- les responsabilités pénales
V- RECOURS A L'EXPERTISE JUDICIAIRE
a- l'expertise judiciaire
b- l'expertise amiable de la loi du 4 Mars
c- cas de jurisprudence et apport des expertises
judiciaires
VI- CONCLUSION
VII- LISTE DES ABREVIATIONS
VIII- BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
Les infections nosocomiales constituent encore un
véritable problème de santé publique en France, bien que
des résultats des études épidémiologiques montrent
que la France se situent en position favorable par rapport à ses voisins
européens. Elles représentent environ 22% des accidents
médicaux répertoriés sur le territoire. Un accent
particulier doit être mis sur cette problématique qui aujourd'hui
constitue un moteur important dans l'amélioration de la qualité
des soins et qui est surtout source d'un nombre de plus en plus croissant de
recours devant les juridictions dans la recherche d'indemnisations.
Ainsi le calcul du coût des infections nosocomiales doit
également et de plus en plus, prendre en compte celui de
l'indemnisation du dommage. Depuis la loi du 4 mars 2002 relative au droit des
malades et à la qualité du système de santé, les
victimes d'infections nosocomiales postérieurs au 5 septembre 2001
bénéficient d'un régime d'indemnisation favorable aux
autres accidents médicaux. Une indemnisation quasi automatique
subordonnée à une présomption de la faute reconnue aux
établissements et professionnels de santé, mais qui doit
être prouvée par le patient.
L'expertise s'avère donc être ici incontournable
et primordiale, permettant outre l'évaluation du dommage, une
caractérisation de la faute médicale le cas
échéant, quoique la loi du 4 mars a voulu aller au-delà de
la faute et procéder à une indemnisation au sens large.
Apres un bref rappel sur les infections nosocomiales, les
moyens pour les combattre, des organismes impliqués dans la gestion de
cette problématique et les différents recours envisageables, ce
modeste travail évoquera et commentera brièvement certaines
jurisprudences ressortant l'apport des expertises en vue du dénouement
de certaines situations conflictuelles.
RAPPELS
1- Définition
On appelle infection nosocomiale, une infection
contractée dans un établissement de soins, et qui n'était
ni en incubation, ni présente à l'admission.
Autrement on parle d'infection communautaire. Un délai
de 48h est généralement observé pour distinguer une
infection communautaire d'une infection nosocomiale.
En outre pour les infections du site opératoire, est
acceptée comme infection nosocomiale, toute infection survenue 30 jours
après l'intervention (ou un an après la pause d'une
prothèse.)
La définition des IN a connu une évolution ces
dernières années rejoignant celle des pays anglo-saxons, en
élargissant le concept à l'ensemble des infections
associées aux soins (IAS) qui englobent tout événement
infectieux en rapport plus ou moins proche avec un processus, une
démarche de soins, une structure de soins [non seulement les
établissements de soins de tous types (centres de dialyse, dispensaires
de soins, établissements d'hébergement pour personnes
âgées dépendantes, etc.) mais aussi le domicile du patient
(hospitalisation à domicile, services de soins à domicile,
consultation à domicile), les cabinets ou laboratoires de ville...].
Cette nouvelle définition ouvrirait donc le champ dans
l'espace et dans le temps des infections possiblement acquises puisque l'IAS
couvre la dispensation des soins en continuum de l'établissement de
santé aux soins extrahospitaliers.
2-Voies de contamination
Deux voies de contamination sont possibles :
- La voie endogène : les sites
normalement stériles sont contaminés puis colonisés par la
flore dont est porteur le patient lui-même, à la faveur d'un acte
invasif et/ou en raison d'une fragilité particulière ce qui
implique chez le patient la présence d'une sensibilité
particulière à développer une telle infection (facteur
génétique, âge, co-morbidités, etc.) ; ces
facteurs de risque ne peuvent donc pas être éliminés.
Par contre, d'autres facteurs de risque connus peuvent
l'être, ou du moins fortement réduits, comme certaines
procédures invasives (par exemple le sondage vésical pour les
infections urinaires, IN la plus fréquente), des facteurs
environnementaux (chambres à plusieurs lits), des facteurs
organisationnels (absence de personnels dédiés à
l'hygiène, mauvaise accessibilité aux postes de lavage des mains)
et une charge de travail trop importante des infirmières, des
puéricultrices, etc.
- la voie exogène, associée
à la colonisation du patient par des bactéries
extérieures, provenant d'autres malades, du personnel ou de
l'environnement, transmises de manière indirecte (aérosols, manu
portage, matériels...). Ces contaminations peuvent être
limitées en grande partie (mais pas totalement) par une bonne observance
de l'hygiène des mains, un entretien de l'environnement et des
matériels adéquats.
Plus précisément, il est possible de lister les
facteurs qui prédisposent aux IN, en les rangeant dans 4
catégories :
Facteurs liés à l'état
du patient :
Âge avancé / nouveau-nés
Malnutrition, éthylisme, tabagisme, maladie chronique
pulmonaire, diabète, immunodépression (VIH, hémopathie,
néoplasie...)
Facteurs liés à un processus
aigu :
Traumatisme, brûlures
Facteurs liés à une
intervention invasive :
Intervention chirurgicale, intubation endotrachéale ou
nasale, cathétérisation veineuse centrale, dialyse, drains
chirurgicaux, tube nasogastrique, trachéotomie, cathéter urinaire
Facteurs liés au traitement :
Transfusions, traitement récent anti-bactérien,
traitement immunosuppresseurs (comme les corticostéroïdes),
prophylaxie de l'ulcère de stress, position du patient, nutrition
parentérale
3-Principaux germes et services
incriminés
Les réseaux de surveillance permettent de fournir des
données chiffrées établies sur ces dernières
années (2001 - 2004) :
Les 3 germes les plus fréquemment retrouvés
sont Escherischia Coli (infections urinaires), Staphylococcus aureus
(infections respiratoires, et du site opératoire, en particulier en
chirurgie ostéo-articulaire) et Pseudomonas aeruginosa (infections
respiratoires, infections urinaires). La résistance des germes aux
antibiotiques est élevée, mais ce taux de résistance
évolue favorablement grâce aux efforts effectués ces
dernières années (plan national d'action pour préserver
l'efficacité des antibiotiques 2001-2005).
La distribution des micro-organismes les plus
fréquemment retrouvés est présentée dans le tableau
suivant :
%
|
Pont. coro.
|
Chol.
|
Colon
|
César.
|
Hanche
|
Total
|
Staph. aureus
|
43,7
|
11,7
|
7,7
|
28,9
|
48,6
|
30,4
|
Coagulase-négative staph.
|
34,9
|
10,8
|
7,1
|
15,8
|
12,7
|
13,9
|
Gram -, entérobactéries
|
15,1
|
46,7
|
53,9
|
13,2
|
9,4
|
36,9
|
Gram -, non entérobactéries
|
2,4
|
8,3
|
10,1
|
4,4
|
8,7
|
7,9
|
la prévalence des patients infectés est
d'environ 7% ; en grande majorité, il s'agit d'une infection
urinaire (40% des IN) ;
1,5% des infections chirurgicales ont été
suivies d'une IN sachant que pour les patients dits `à risque faible',
ce taux était de 0,62% ;
14,9% des patients en réanimation ont acquis une
IN ; les pneumopathies sont les infections plus fréquemment
observées, particulièrement chez les malades sous respiration
artificielle ;
L'origine de l'infection de type
« bactériémie » (bactéries dans le
sang), infection grave car mortelle dans 20 à 30% des cas, est une IN
dans 40% des cas étudiés ;
Ces valeurs sont toutefois à prendre avec
précaution car les pratiques médicales ne sont pas les
mêmes d'un pays à l'autre (indications d'intervention, classement
des patients selon le risque, etc.)
Beaucoup moins étudiées que les IN dues à
des bactéries, les affections causées par des virus sont
probablement très fréquentes. Elles n'ont pas de traitement
spécifique, contrairement aux bactéries pour lesquelles nous
disposons des antibiotiques, et sont le plus souvent bénignes. Les virus
les plus fréquemment impliqués lors d'une IN sont les virus
influenza et para influenza, qui provoquent une infection de type respiratoire
(grippe par exemple) et les virus ayant pour cible le tractus digestif, les
entérovirus comme les adénovirus, les rota virus, etc. La
transmission de la grippe entre personnels de santé et patients conduit
à supposer que la vaccination des personnels de santé pourrait
être utile (et pas seulement pour éviter cette
transmission.)
4- Les recommandations
La prévalence de ces infections est
importante, on estime que 5 - 6% des hospitalisations se compliquent d'une IN.
Comme il y a 15 millions d'hospitalisations par an, il y aurait environ
750 000 IN/an » déclarait Pr. Bernard Regnier dans `Pour
la Science', en avril 2005. Ces IN entraînent des conséquences
sanitaires parfois tragiques. Si la mesure précise du nombre de
décès directement dus à une infection nosocomiale reste un
exercice délicat - les patients entrent en effet souvent à
l'hôpital avec une pathologie grave et dans un état de
fragilité générale - plusieurs études
récentes estiment que 6,6 % des décès qui
interviennent chaque année à l'hôpital ou à la suite
d'une hospitalisation surviendraient en présence d'une infection de ce
type.
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