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L'étude d'impact en droit international de l'environnement: sa mise en oeuvre dans les projets de développement au Gabon

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par Russel MEZEME MBA
Université de Limoges - Master 2 2008
  

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Section 2- Difficultés liées au contrôle de l'étude d'impact

Dans les cas ou une étude d'impact a été réalisée et a suivi un processus jugé régulier, elle doit faire l'objet d'un contrôle, en particulier pour s'assurer que le promoteur du projet de développement exécute fidèlement le plan de gestion environnemental qui a fait l'objet d'approbation par l'autorité compétente, ou l'administration de l'environnement. Le contrôle dont il est question se situe à trois niveaux, au regard du Décret relatif à l'étude d'impact sur l'environnement. D'abord au niveau de la population, puis sur le plan administratif, et enfin sur le plan judiciaire. Ces différents mécanismes de contrôle semblent ne pas donner des résultats escomptés, car s'avérant le plus souvent inefficaces. D'abord le contrôle populaire qui est difficilement applicable (Paragraphe 1) puis le contrôle administratif tout à fait approximatif (Paragraphe 2), et enfin le contrôle judiciaire quasiment inexistant (Paragraphe 3).

(a) Un contrôle populaire difficilement applicable

Au regard du Décret du 15 juillet 2005, l'étude d'impact, une fois établie, doit être déposée en quinze exemplaires au Ministère en charge de l'environnement ou il peut faire l'objet d'une consultation par le public dans les quinze jours qui suivent ce dépôt. Les deux derniers alinéas du paragraphe 3 de l'article 2, disposent à cet effet que le promoteur du projet ou son mandataire est tenu d'organiser des consultations publiques dont la notification doit être faite par voie d'affichage ou par tout autre moyen audiovisuel. Il doit, en outre, établir les procès verbaux des séances de consultation signés, selon le cas par l'autorité locale ou par le Ministre chargé de l'environnement ou son représentant.

Cette disposition est une illustration parfaite de la mise en oeuvre des mesures issues de la Conférence de Rio sur la participation du public à la prise de décision concernant les projets susceptibles d'avoir un impact sur l'environnement76(*). Les populations affectées par les projets de développement doivent, en effet, pleinement participer aux processus décisionnels. Cette disposition vise, en réalité, une frange de la population particulièrement attachée à leur terre. C'est l'exemple de celle souvent qualifiée de population autochtone, très nombreuse au Gabon et faisant souvent les frais lors de la réalisation des projets de développement. Combien de fois des populations pygmées ont été contraints soit au déplacement forcé, soit voir la forêt leur seule et unique source de subsistance faire l'objet d'une destruction par le fait de l'exploitation forestière ? Il est donc tout à fait indiqué que ces populations puissent s'imprégner des contenus des études d'impact environnemental de tous ces projets.

La participation populaire telle que prévue dans le Décret du 15 juillet 2005 connait cependant de sérieuses difficultés à se mettre en pratique. La première réside dans la place qui lui est réservée dans le texte du Décret. En effet la consultation par le public apparaît dans une partie consacrée aux définitions, et particulièrement à la définition de l'étude d'impact sur l'environnement. Il aurait été plus judicieux de prévoir un article spécifique réservé à la participation populaire dans l'étude d'impact environnemental. Une telle option aurait permis de la rendre plus claire et facilement décelable. L'autre difficulté a trait au fond de la question. La consultation populaire est organisée par le promoteur du projet de développement. C'est également ce dernier qui sera chargé de l'établissement des procès verbaux des séances de consultation. Lorsqu'on sait que le promoteur est en même temps l'auteur de l'étude d'impact, son rôle premier sera de défendre coûte que coûte le contenu de ce document, et d'éviter au maximum toutes les formes d'entrave qui pourraient l'affecter. On voit alors très mal le promoteur d'un projet de développement s'empresser d'organiser les consultations populaires relatives à l'étude d'impact sur l'environnement. L'on pourrait également se poser des questions sur la fiabilité des procès verbaux établis par un promoteur qui tient absolument à ce que l'étude d'impact fasse l'objet d'une approbation. Il devra être un parfait juge en étant également partie.

La dernière difficulté réside en la valeur juridique des procès verbaux des consultations populaires, ou plus exactement à la place qui leur est accordée lors de la décision d'approbation qui sera prise par l'autorité compétente. Le Décret ne donne aucune précision sur cet aspect pourtant essentiel. La consultation populaire serait, en effet, dénuée de tout intérêt si lors de la décision finale on ne tenait pas compte des avis émis par ceux-là qui sont directement touchés, sur le terrain, par projet de développement.

La pratique gabonaise vient de toute évidence confirmer toutes ces craintes, car sur les études d'impact sur l'environnement qui ont été réalisées dans différents secteurs, très peu ont fait l'objet d'une publicité aux fins de leurs consultations par le public. Les annonces pour consultation sont le plus souvent publiés dans le journal « l'union » qui ne peut être accessible qu'a une partie très limitée de la population. Dans les rares cas très peu de personnes sont informées des modalités de consultation de ces documents. A cela s'ajoute un autre élément, c'est celui des difficultés d'accès, sur le plan intellectuel à l'étude d'impact. Ce document, très technique, ne peut être à la portée de toutes les couches de la population, notamment celles qui ne maîtrisent pas le langage scientifique y afférant. On ne peut imaginer les pygmées habitant en pleine forêt équatoriale être informés des dégâts écologiques que pourra causer un projet économique sur la base d'une étude impact que l'on consulterait dans les locaux du Ministère de l'environnement. Cette difficulté aurait pu être contournée par l'existence des Organisations de la société civile de défense de l'environnement, qui regorgent en leur sein de personnes ayant des connaissances avérées en matière environnementale, et qui serviraient de conseil. On pourrait tout aussi imaginer d'autres mécanismes appropriés par lesquels l'on informerait des populations locales des incidences environnementales de tels projets de développement. Pourquoi ne pas explorer la piste des séances et séminaires de sensibilisation à l'instar de ceux organisés pour sensibiliser les populations contre la maladie du SIDA, même si aucune similarité ne peut être dégagée entre le fléau de cette maladie et les désastres écologiques77(*).

Il apparaît donc évident que les populations auront du mal à connaître le contenu des études d'impact sur l'environnement. La conséquence logique de cet état de fait est qu'elles exerceront difficilement un contrôle sur l'exécution fidèle du plan de gestion de l'environnement. Les populations seront, comme cela est de pratique, confrontées à l'exhibition par le promoteur des documents administratifs délivrés par les autorités compétentes lorsqu'elles tenteront d'initier la moindre contestation sur la manière avec laquelle les promoteurs du projet gèrent l'environnement. Plusieurs exemples pratiques au Gabon montrent que parfois des accrochages ont lieu entre populations locales et promoteurs des projets de développement, tout simplement parce que celles-là n'ont pas suffisamment été sensibilisées par celles-ci sur les effets néfastes de leurs projets de développement.

(b) Un contrôle administratif approximatif

Le contrôle administratif est celui que les autorités administratives vont exercer sur la régularité de l'étude d'impact. Il doit, en principe, revenir à l'administration de s'assurer que tous les projets de développement visés par les lois et règlements aient fait l'objet d'une étude d'impact sur l'environnement. L'administration doit également s'assurer de l'exécution fidèle de toutes les recommandations qui y figurent, et en particulier le plan de gestion de l'environnement qui fait partie intégrante de l'étude d'impact. C'est dire que l'administration de l'environnement ainsi que les autres départements ministériels devront exercer leur contrôle sur deux niveaux : d'abord au niveau du respect strict des normes en matière d'élaboration des EIE, puis au niveau des clauses en matière de protection de l'environnement contenues dans le document de l'étude d'impact sur l'environnement. Ce contrôle peut être exercé non seulement par l'administration de l'environnement (A) mais également par d'autres départements ministériels techniques (B)

(i) Contrôle exercé par l'administration de l'environnement

L'un des fondements juridiques du contrôle de l'étude de l'impact par l'administration de l'environnement constitue l'article 8 du Décret du 15 juillet 2005, qui dispose que « le promoteur titulaire d'une autorisation d'une autorité administrative est tenu de faire parvenir au Ministre chargé de l'environnement un rapport annuel d'exécution et de surveillance de son plan de gestion et de protection de l'environnement ». Le second alinéa de ce même article précise que « ce rapport doit mentionner toutes les informations nécessaires sur les mesures de gestion et de protection de l'environnement du projet ». Ces dispositions établissent clairement les rapports de force existant entre les autorités administratives de protection de l'environnement et les promoteurs des projets de développement. Le problème se pose sur le respect scrupuleux de ces dispositions dans la pratique gabonaise, à cause de la pluralité de tutelle administrative des projets de développement78(*).La question est partiellement résolue par l'article 9 du Décret du 15 juillet 2005 qui énonce que « outre les sanctions prévues au chapitre 2 du titre IV de la Loi 16/93 du 26 août 1993, tout promoteur qui n'observe pas les conditions et les obligations de l'Arrêté d'autorisation, d'approbation ou du récépissé de déclaration s'expose à la suspension des travaux de son projet par Arrêté du Ministre ». Le problème aurait été entièrement résolu si le texte donnait le pouvoir au Ministre en charge de l'environnement de pouvoir décider de la suspension des travaux. Or aucune précision n'est donnée dans ce sens. Ce vide juridique créé par le Décret du 15 juillet 2005 peut être interprété comme si la seule autorité ministérielle pouvant prononcer l'arrêt des travaux n'est autre que l'autorité compétente, à qui le texte a aussi confié la responsabilité de la délivrance de ces mêmes documents aux promoteurs des projets de développement79(*). La pratique gabonaise a aussi révélé que plusieurs incompréhensions entre les autorités administratives environnementales et les promoteurs des projets de développement ont été tranchées par le Conseil des Ministres.80(*)

En définitive, il est difficile d'affirmer en l'état actuel du droit de l'environnement gabonais que l'administration de l'environnement dispose d'un réel pouvoir de contrôle des études d'impact sur l'environnement, du moins dans la phase d'exécution du plan de gestion environnemental.

(ii) Le contrôle exercé par les autres départements ministériels

Il a été indiqué que plusieurs textes juridiques issus des autres départements techniques ont prévu les mécanismes des études d'impact sur l'environnement. Les cas les plus cités étant le Code forestier et le Code minier. Il en est de même du Code des pêches et de l'aquaculture, sans omettre de citer dans cette liste la Loi sur les Parcs nationaux. Il doit, en principe, revenir à ces différentes administrations d'en assurer le contrôle et le suivi. Les pouvoirs confiés à l'administration de l'environnement en ce sens étant le plus souvent limités.

Le constat qui se dégage est plutôt au silence de ces différents textes juridiques quant au contrôle de la manière avec laquelle les promoteurs des projets de développement économique vont pouvoir gérer l'aspect environnemental. En effet ni le Code forestier, ni le Code minier et ses décrets d'application n'ont prévu de mécanisme de suivi du plan de gestion de l'environnement, encore moins des sanctions envers le promoteur du projet de développement qui ne respecte pas les normes environnementales.

Cependant on peut se satisfaire des dispositions l'article 17 alinéa 2 de la Loi 3/2007 du 27 août 2007 sur les Parcs nationaux, qui prévoie que l'autorité de gestion de ces Parcs peut s'opposer à une recherche industrielle qui se situerait dans les périphéries du Parc national protégé. Ce contrôle, même s'il ne donne pas des pouvoirs réels à l'autorité de gestion des parcs nationaux mais au Conseil des Ministres,81(*) constitue un bon exemple dont devrait logiquement s'inspirer les départements techniques auxquels sont issues les études d'impact sur l'environnement, et contribuer ainsi à une meilleure prise en compte des préoccupations environnementales lors de la réalisation des projets de développement.

* 76 Particulièrement la Déclaration de Rio dans son principe 10 affirme que la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient.

* 77 Dans l'affaire Belinga par exemple l'on pu voir des populations locales qui avaient elle-même intérêt a ne pas voir certains projets se réaliser organiser, contre toute attente des marches de soutien au projet. La cause réside dans l'ignorance totale des conséquences écologiques dramatiques du projet

* 78 Voir chapitre premier ci-dessus

* 79 Dans l'affaire Belinga, il a été clairement dénié au département en charge de l'environnement le pouvoir de prononcer l'arrêt des travaux pour les raisons environnementales, Cette faculté étant du seul ressort du département ministériel sous la tutelle duquel le projet de développement est réalisé

* 80 Voir l'exemple de l'affaire du parc de la Loango ci-dessus. Il semble d'ailleurs que cette procédure soit spécifique aux projets de développement entrepris dans les périphéries des parcs nationaux. Au regard de l'article 17 alinéa 2 de la Loi 3/2007 du 27 août 2007 relative aux parcs nationaux qui laisse au Conseil des Ministres le pouvoir de trancher dans le cas ou l'autorité de gestion des parcs donnerait un avis défavorable au déclassement d'un parc pour cause de projet de développement économique.

* 81 Voir commentaires ci-dessus au numéro 76

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand