Section 2 : Le rôle de la Diaspora africaine :
Nous faisons ressortir ici l'enjeu que constitue l'intervention
de la Diaspora africaine en marge et ou en complément des programmes
d'aide au développement de l'AFRIQUE.
1- Une action en marge :
Après la proclamation en septembre 2000 des Objectifs
du Millénaire pour le Développement (OMD), de nouvelles valeurs
dites universelles comme le respect des droits de l'Homme, la bonne
gouvernance, etc. .., se sont affirmés sur la scène
internationale. Conséquemment les bailleurs de fonds ne sont plus seuls
sur l'échiquier international et doivent partager leurs espaces
d'influence avec des acteurs qui s'affirment : société civile au
Nord comme au Sud, Organisations Non Gouvernementales, Syndicats, Diplomatie
des villes qui cherchent à se positionner à côté de
celle traditionnelle des Etats, etc. Ainsi, la générosité
des migrants à travers les sommes d'argent qu'ils transfèrent et
qui parviennent directement à leurs familles restées dans le pays
d'origine, peut être canalisée sous la forme de montage et
financement de projets de développement locaux, au lieu de servir
à financer les dépenses de consommation courante (besoins
fondamentaux)16 des familles comme c'est généralement
le cas (tableau4)
Tableau 4 : Ratios d'utilisation des
fonds transférés (nombre de familles concernés par poste).
Source : INSEE, 2007, les migrants en France.
|
SENEGAL
|
MALI
|
MAROC
|
COMORES
|
Budget familial
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98%
|
94%
|
69%
|
96%
|
16 Alimentation, santé, habillement, éducation.
Santé
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81%
|
87%
|
30%
|
77%
|
Education/Formation
|
55%
|
59%
|
26%
|
39%
|
Immobilier familial
|
19%
|
47%
|
10%
|
52%
|
Immobilier Individuel
|
14%
|
29%
|
6%
|
17%
|
Investissement productif
|
11%
|
46%
|
13%
|
28%
|
Projet social
|
5%
|
25%
|
1%
|
39%
|
Graphique 3 : obtenu à partir des données du
tableau 4
.
120%
100%
40%
80%
60%
20%
0%
8% 94%
SENEGAL MALI MAROC COMORES
69%
96%
Budget familial Education/Formation Immobilier familial
Immobilier Individuel Investissement productif Projet social
Santé
A la suite de cette représentation graphique nous
pouvons dire que, lorsque les transferts des immigrés sont
utilisés intelligemment ils permettent de réduire la
pauvreté et permettent d'ouvrir le secteur financier officiel aux petits
épargnants.
Jusqu'ici, une Aide de mauvaise qualité a donné
naissance à l'idée fausse que l'Aide ne marche pas, et cela a
compromis l'appui que l'opinion publique peut donner à long terme
à la notion d'Aide au développement. Or l'Aide fonctionne, et
elle facilite la croissance économique et les progrès dans
certains secteurs précis quand elle est dirigée vers des
investissements réels sur le terrain dans des pays assez bien
gouvernés. La bonne gouvernance n'étant pas encore l'apanage des
gouvernements africains, la Diaspora africaine semble être une planche de
salut pour notre continent. Signalons que le problème ce n'est pas
l'Aide ; c'est la façon dont elle est fournie, quand, à quels
pays et dans quels montants. C'est ainsi que, prenant le cas d'un pays de
l'Afrique de l'ouest comme la Mali, on
constate que pendant les années 1990 les flux diasporiques
ont eu un effet négatif sur la productivité des ménages
ruraux (Tableau 5)
Tableau5 : Structure annuelle des revenus
des ménages maliens, 1996 (en FCFA).Source : Gubert F. (2000), «
Migrations et gestion collective des risques : l'exemple de la région de
Kayes au Mali »
Source de revenu
|
Revenu moyen/tête sans
migrant à l'étranger
|
Revenu moyen/tête avec
migrant à l'étranger
|
Activités agricoles
|
30. 400
|
22. 139
|
Activités non agricoles
|
19. 904
|
6. 214
|
Transferts des migrants
|
10. 415
|
53. 210
|
Transferts sociaux
|
7. 227
|
23. 714
|
Total
|
67. 947
|
105. 818
|
Les économistes institutionnalistes insistent sur
l'importance de la propriété privée comme facteur
d'incitation économique et de croissance. Partout dans le monde,
l'expérience montre qu'un secteur privé local dynamique est la
clé d'une croissance rapide, joue un rôle primordial dans le
développement. En AFRIQUE, ce secteur a difficilement accès aux
moyens de financement que ce soit de la part des pouvoirs publics ou de
l'étranger ; d'autant plus que l'AFRIQUE n'étant plus l'objet
d'une surenchère idéologique comme pendant le guerre
froide17, les Investissements Directs Etrangers (IDE) de même
que l'Aide au développement connaissent une variation baissière .
La Diaspora africaine peut donc soutenir ce secteur privé dans ses
initiatives de développement local via des transferts
d'argent18. Plus concrètement il est ici question pour nous
d'adopter des modèles de développement pour l'AFRIQUE
partiellement autocentrés sur nos réalités africaines. Des
sommes et des efforts considérables devraient être
consacrés au développement du secteur financier ainsi que des
petites et moyennes entreprises et de la microfinance. Il conviendrait de
promouvoir davantage les mécanismes de refinancement direct par les
établissements financiers privés au niveau local et d'introduire
sur une grande échelle de nouveaux outils tels que des initiatives
régionales d'établissements de microfinance, le financement en
monnaie locale, les garanties et les produits d'assurance. Ces actions de la
Diaspora africaine viseraient à toucher la tranche de la population qui
échappe aux différents filets de sécurité sociale
mis en place par les pouvoirs publics ou dans le cadre des programmes d'Aide au
développement. Notons aussi que sur le terrain de son
déploiement, la Diaspora peut
17 Dans de nombreux cas, les prêts étaient
destinés à corrompre des gouvernements s pendant la guerre
froide. Le problème n'était pas alors de savoir si l'argent
favorisait le bien-être du pays , mais s'il conduisait à une
situation stable, étant donné les réalités
géopolitiques mondiales.
18 Selon le rapport mondial sur le développement humain
du PNUD, les transferts financiers pour l'ensemble des PED en 2001, se
décomposaient ainsi qu'il suit (en milliards de dollars) : 51 pour
l'APD, 53 pour l'envoi des migrants, 55 pour les profits rapatriés par
les multinationales, 382 dans le cadre du service de la dette.
compter sur l'appui multiforme des communautés, des
organisations communautaires, des Organisations Non Gouvernementales (ONG) et
des collectivités territoriales décentralisées.
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