PARAGRAPHE III : L'ACTE FINAL DE L'URUGUAY ET
L'ENVIRONNEMENT
Déjà mis à mal au cours des
décennies passées par des politiques suicidaires, l'environnement
et le développement vont subir de plein fouet les effets pervers du
nouvel ordre marchand dirigé dorénavant par l'organisation
mondiale du commerce (OMC). Car comme l'a su bien le dire Mr Gil ARCOAT, entre
les accords du Gatt signés à Marrakech en Avril 1994 et la
déclaration de Rio de Janeiro de Juin 1992, on se trouve en
présence de deux logiques contradictoires dont on a quelque mal à
croire qu'elles aient pu être adoptées par les mêmes chefs
d'Etat à moins de deux ans d'intervalle(24). On ne peut pas
comprendre que, d'un côté, 150 pays signataires de la charte de la
terre reconnaissent que certaines activités de développement sont
responsables de la dégradation de l'environnement terrestre et de
l'épuisement des ressources et se prononcent en faveur d'un principe de
développement durable, et de l'autre, 125 Etats signataires de l'acte
final de l'Uruguay round optent pour la toute puissance du marché. Ils
érigent le libre échangisme en dogme et s'octroient les
prérogatives énormes leur permettant, encore plus que par le
passé, de gaspiller les ressources, aggravant ainsi l'avenir de la
planète(25).
Le problème paraît grave et les craintes
justifiées dès qu'on se rend compte que les documents de Rio ne
sont pas soumis au même pouvoir
(24)commerce, environnement,
développement: le marché prédateur, Politis
N°20 oct-nov, page 43. (25)Ibdem, page 43
contraignant que les accords de l'Uruguay round qui engagent,
avec menaces de rétorsion en cas de refus, tous les signataires. Cette
toute puissance des accords concoctés par des grandes firmes telles
Coca-Cola, Carry, General motors, Boeing etc. -à travers les
"comités de conseil en négociation commerciale"- paraît
encore plus grave lorsqu'on se rend compte que les questions touchant à
l'environnement étaient écartées de l'ordre du jour des
discussions par ces firmes. Pour ces grands bénéficiaires du
nouveau Gatt, il fallait bien entendu réussir le coup, car les mesures
de protection de l'environnement ne devraient pas constituer une "entrave aux
échanges commerciaux".
Avec le nouveau Gatt devenu OMC, les signataires dont 93 Etats
du tiers- monde sur 125 seront contraints d'ouvrir sans restrictions leurs
frontières aux multinationales, disposeront d'un bien plus grande
liberté de manoeuvre que par le passé; les accords du Gatt
jouissant d'une primauté sur les réglementations nationales.
L'article XIV nous renseigne mieux à ce sujet. Il stipule en effet que
"Chaque membre assurera la conformité de ses lois, ses
réglementations et procédures administratives avec ses
obligations telles qu'elles sont énoncées dans les accords",
ce qui veut dire que les Etats ne peuvent pas établir des politiques de
préservation de leurs milieux et édicter leurs propres normes et
contrôler l'exportation de leurs ressources naturelles. Ceci est plus
vrai pour les pays d'Afrique subsaharienne qui constituent le grand
réservoir d'espèces vivantes de la planète, une richesse
convoitée par les grandes firmes pharmaceutiques.
Dans le chapitre intitulé produits industriels,
l'accord décide de la suppression des droits de douanes de plusieurs
secteurs dont celui du bois et des produits de bois. On voit que là
aussi l'acte de l'Uruguay round ouvre une grande voie à l'exploitation
intensive des forêts, parce que la suppression des
droits de douane par définition veut dire favoriser la
multiplication des importations des bois d'Afrique et d'ailleurs.
Ces failles que présente l'acte final de l'Uruguay
round ne sont pas d'aujourd'hui. Depuis le début des négociations
plusieurs défenseurs de l'environnement en avaient fait état. La
création du Comité du commerce et de l'environnement de l'OMC est
une volonté de repréciser certains principes dans la relation
environnement-commerce. Mais la marge de manoeuvre du comité reste
très infime d'autant plus qu'il ne peut pas faire plus d'effort de
conciliation de ces deux secteurs sans que les Etats membres, les
ultralibéralistes notamment, puissent taxer ses recommandations de
dangereuses manifestations de protectionnisme commercial, comme ils l'ont fait
lors de sa création. Quoiqu'il en soit, ce n'est pas de l'OMC
lui-même que proviendra une juste protection de l'environnement, car
comme toute organisation incriminée, l'OMC tente de rejeter la
responsabilité de la destruction de l'environnement sur d'autres.
L'allocution du directeur général sortant du Gatt M. Peter
SUTHERLAND lors du symposium du Gatt sur le commerce, l'environnement et le
développement durable (10 Juin 1994) au siège de l'organisation
en dit long. En effet, selon M. SUTHERLAND, "on ne peut demander aux seules
politiques commerciales de résoudre tous les problèmes
d'environnement. Ces politiques, et en particulier l'élimination des
restrictions et distorsions commerciales qui sont préjudiciables
à l'environnement, ont un rôle important à jouer, mais le
commerce n'est que l'un des aspects de la politique économique à
prendre en compte pour la protection de l'environnement et le
développement. Les financements et le transfert de technologie
constituent des pièces du puzzle tout aussi
importantes."(26)
(26)Gatt press communiqué,
Gatt 1636 du 10 Juin 1994, page 2/3
Ces obstacles tant internes qu'externes que nous venons
d'examiner ont été pour certains déjà
analysés à l'occasion de la conférence de Rio de Janeiro
qui a arrêté un plan d'action visant à apporter des
solutions à ces problèmes, donc à mettre en place le
développement durable.
CHAPITRE II : LE PLAN D'ACTION DE RIO A
L'EPREUVE DE L'AFRIQUE.
" Le "test de vérité durable" du
succès ou de l'échec de la CNUED ne sera pas la reconnaissance
éphémère de l'événement en tant que tel,
mais la mise en oeuvre
effective des engagements pris"
Guy CORCELLE*
Dans l'engagement pris par la communauté internationale
-Action 21 ou Agenda 21-, l'Afrique fait partie des régions où il
y a plus de défis à relever. En dehors des programmes de lutte
contre la pauvreté, préalable au développement durable en
Afrique, les organismes des Nations unies se sont engagés à
relever le défi de l'augmentation de niveau de santé mais aussi
celui de lutte contre la désertification et l'augmentation de la
démographie.
Ainsi, 3 ans après l'adoption de l'Action 21 il nous
convient d'examiner la mise en oeuvre de celle-ci en dressant une sorte de
bilan préliminaire de l'action du système des Nations unies et
des gouvernements. Ce bilan se fera sur le plan institutionnel (I) et sur le
plan pratique (II).
*20 ans après Stockholm :la
conférence des Nations unies de Rio de Janeiro sur l'environnement et le
développement: point de départ ou aboutissement?,
revue du marché commun et de l'union européenne, n° 365,
février 1993, page 131
|