UNIVERSITE OUAGADOUGOU
UNITE DE FORMATION ET DE
RECHERCHE/ SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
MEMOIRE DE MAITRISE DE SOCIOLOGIE
LES COMPORTEMENTS DES ELEVES DU
LYCEE TECHNIQUE DE OUAGADOUGOU FACE
AU DEPISTAGE VIH VOLONTAIRE
Présenté et soutenu par Sous la direction
de
Pascal Louis Germain COMPAORE SOUBEIGA
André
Mai 2OO6 Maître-assistant de
Sociologie
INTRODUCTION
Le dépistage volontaire est un enjeu fondamental dans
la lutte contre le SIDA car il se situe à l'interface d'une politique
efficace de prévention et de soins. En effet, l'absence de connaissance
de la sérologie ôte toute légitimité aux propos sur
la prévention d'une part et d'autre part empêche l'importante mise
en oeuvre de soins précoces.
Si donc, le départ de la prise en charge c'est de
connaître son statut sérologique, savoir qu'on est
séropositif peut être cependant vécu comme la
révélation d'une mort proche ; cette appréhension peut
trouver son fondement dans le fait que la lutte contre la «
séro-ignorance » pèche par l'absence d'une prise en charge
effective et élargie à toutes les catégories sociales.
Alors, pourquoi faire un test sérologique en face d'une
maladie incurable si l'on sait qu'un résultat positif peut
entraîner un rejet social, sans garantie certaine d'accès aux
soins anti-rétroviraux ?
C'est donc dans un contexte de discriminations possibles,
d'absence de thérapie curative et d'accessibilité relative aux
soins anti-rétroviraux que chaque groupe social et chaque individu
«s'approprient et réinterprètent »1
les informations provenant des multiples canaux possibles de communication, y
compris le discours biomédical.
Effectivement, «dans le domaine de la santé,
certaines informations restent très souvent abstraites et les
perceptions qu'ont les individus de ces questions sont bien souvent
faussées. Chaque individu a son propre système
d'interprétation de la maladie (cause, manifestation clinique ...) et
définit sa propre grille d'explication en fonction, bien
évidemment, du discours médical, mais aussi de sa propre
perception, de son système de valeur et de la réaction de son
entourage. »2
Ainsi, l'assimilation du dépistage volontaire ne se
fait pas sur un mode passif mais bien plutôt actif c'est-à-dire
selon les informations à l'origine des perceptions que les individus ont
sur la question du VIH/SIDA.
1 « Le monde profane se révèle beaucoup plus
poreux aux connaissances scientifiques qu'on ne le suppose
généralement même si la circulation de l'information ne se
fait pas sur le mode de l'acquisition passive mais sur le mode de
l'appropriation et de la réinterprétation » FASSIN Didier et
DOZON Jean Pierre, L'universalisme bien
tempéré de la santé publique. In critique
de la santé publique. Une approche anthropologique, Balland, 2001,
p17
2 GUILLAUME Agnès,
Les conséquences du sida : les difficultés de
la mesure. In Les sciences sociales face au sida. Cas africains autour de
l'exemple ivoirien, ORSTOM, 1995, p214
De ce qui précède, on peut soutenir que les
stratégies de mise en oeuvre d'un programme de dépistage
volontaire ne pourraient faire l'économie du degré d'information
et des perceptions d'une population cible déterminée. A cet
égard, notre intention de recherche se circonscrit au secteur de
l'éducation considéré comme «l'un des
secteurs sociaux les plus vulnérables à l'infection du VIH en ce
qu'il constitue un environnement d'apprentissages, de brassages et
d'interactions entre les jeunes scolarisés.»3
Nous nous sommes plus particulièrement
intéressé au cas du Lycée Technique de Ouagadougou (LTO)
qui a servi comme l'un des cinq sites d'accueil de la campagne de
dépistage en milieu scolaire et universitaire du 13 au 23 avril 2004. La
campagne a enregistré au total 954 volontaires dépistés,
933 résultats négatifs contre 21 résultats positifs soit
respectivement les taux de 97,8% et de 2,2%.
En ce qui concerne exclusivement le seul site du LTO, 343
élèves ont été volontairement
dépistés dont O3 tests positifs. Malheureusement, le
rapport4 ne donne pas la distribution des effectifs par
établissements d'enseignement car chaque site prenait en compte les
lycées environnants ; cela ne nous permet pas dans notre cas, de
comparer l'effectif total des élèves du LTO au nombre de ses
volontaires dépistés. Néanmoins, on peut d'ores et
déjà observer que ce site d'accueil du LTO a enregistré un
nombre de volontaires (les 343 élèves) très en
deçà de l'effectif de ce seul lycée à la date de la
campagne (1211 élèves).
Par ailleurs, du point de vue de l'objectif, la campagne se
voulait d'atteindre 25 000 élèves, étudiants et
enseignants. Que faut-il alors conclure du quorum de 954 volontaires
dépistés ? Une recherche sur le comportement, entendu comme choix
d'adhésion ou de refus, des élèves face au test
sérologique VIH paraît donc primordiale. Qu'est-ce qui explique la
différence de comportement ?
L'étude comporte deux grandes parties. La
première partie définit le cadre théorique et la
méthodologie de recherche ; la seconde quant à elle,
déploie l'analyse des entretiens de l'enquête de terrain et
apporte la réponse à notre interrogation initiale.
3 Burkina Faso -PNUD, Rapport sur le
développement humain. La lutte contre le VIH/SIDA, Ouagadougou, 2001,
p81
4 Association Laafi La Viim, Rapport de la
campagne de dépistage en milieu scolaire et universitaire, avril 2004.
Tous les chiffres relatifs à ladite campagne sont tirés dudit
rapport.
PREMIÈRE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIE DE RECHERCHE
CHAPITRE I : cadre théorique
Nous avons pris connaissance des réflexions d'auteurs
dont les préoccupations nous permettent de dégager des axes de
discussions ainsi que la charpente conceptuelle de notre recherche.
I-1-Revue de littérature
« Une des principales contributions qu'attendent des
sciences sociales, les sciences biomédicales et les programmes nationaux
de lutte concerne le vaste sujet des causes et des ressorts de la dynamique du
sida en Afrique. »5 Si cette affirmation de
l'anthropologue Jean-Pierre DOZON est fondamentale, elle a cependant
été détournée aux fins d'une lecture culturaliste
et réductionniste de l'épidémie africaine aux
premières heures de mobilisation contre le fléau, avec pour
corollaires l'émergence et l'enracinement des représentations,
stéréotypes, attitudes... négatifs. C'est à cela
même que s'attaque Didier FASSIN en terme de «la distance abolie
».
En effet, les premières études anthropologiques
sur le SIDA en Afrique ont négligé les précautions
épistémologiques habituelles. Ainsi, d'une part, les
études se sont focalisées sur le seul thème de la
sexualité incriminant les pratiques sexuelles sans une «mise en
perspective sociologique sur les conditions de vie globalement
»6 ; d'autre part, cette réduction se double de
l'intention de prouver que l'origine du SIDA est africaine : « Serait-
il possible que le SIDA ait eu son origine dans le Rwanda rural [questionne
Douglas FELDMAN et qui conclut]: Je n'ai pas trouvé le remède
traditionnel guérissant le sida que je cherchais. Il n'est toutefois pas
inconcevable que l'on puisse le trouver plus à proximité du site
originel du sida, en Afrique centrale. »7
Cette approche culturaliste et réductionniste des
pionniers a entraîné non seulement le succès du
thème de la promiscuité sexuelle d'un sida africain mais surtout
a eu deux effets négatifs. En effet, d'une part la responsabilité
de la maladie est imputée à l'individu perçu comme un
déviant sexuel et d'autre part, on a assisté soit à la
dénégation de la maladie soit au rejet des programmes de
prévention axés sur l'utilisation du préservatif.
Ce détour par la dimension diachronique du
«phénomène sida » permet de resituer l'une des
principales sources des représentations et des perceptions sur le SIDA.
Ces représentations sont construites de façon théorique
par Claude FLAMENT comme «des ensembles non autonomes ou faiblement
structurés
5DOZON Jean Pierre, Des appropriations sociales et
culturelles du sida à sa nécessaire appropriation politique.
Quelques éléments de synthèse. In vivre et penser le sida
en Afrique, Karthala, 1999, p679
6 FASSIN Didier, L'anthropologie entre engagement
et distanciation. Essai de sociologie des recherches en sciences sociales sur
le sida en Afrique. In vivre et penser le sida en Afrique, Karthala, 1999,
p50
7 FELDMAN Douglas, cité par FASSIN Didier,
Op.cit p49
parce qu'elles seraient organisées autour de
principes organisateurs divers (mort /amour) activés alternativement, en
fonction des contextes. »8 L'observation par Laurent9
VIDAL du vécu de personnes atteintes montre que ces
représentations gravitent autour de réflexions sur l'origine de
la contamination, de la mort, du rôle des médecins et du message
préventif tout en confondant séropositivité et sida en
tant qu'état physique grabataire. Enfin, analysant les perceptions,
Marc-Eric GRUENAIS et Patrice Juste N'DOLO10 concluent que
dès lors que les populations ont une meilleure perception des
conséquences de la connaissance de son statut sérologique, elles
développent une plus grande peur d'être testées. Ainsi, la
prégnance de perceptions négatives au sein de notre population
d'étude n'éclipse-t-elle pas les avantages qui pourraient
être liés à la connaissance du statut sérologique?
Par ailleurs, quelle perception les élèves ont-ils de la notion
du risque ?
Le risque est le plus souvent lié aux comportements
sexuels des élèves. En effet, par rapport à
l'activité sexuelle, le constat demeure que les jeunes en
général et plus particulièrement les élèves
commencent leurs activités amoureuses sans informations sur la
sexualité (Thomas BALIMA :1999)11. Cette expérience
individuelle de la sexualité est pourtant socialement influencée
: «le quartier, l'école, les groupes de pairs et les
soirées dansantes constituent des cadres de rencontres entre filles et
garçons, au sein desquels se construisent des réseaux de
sociabilité. »12 Ainsi, l'âge au premier
rapport sexuel tourne autour de 14 ans mais l'âge moyen varie et surtout
se déplace vers 16 ans et plus avec toutefois une propension plus grande
de la précocité masculine.
Le risque observé est le fait du multipartenariat
sexuel: « il ressort que les groupes cibles en l'occurrence les
élèves (...) ont plus d'un partenaire ou entretiennent des
rapports sexuels avec des partenaires occasionnels. »13 Il
est également lié à une utilisation
irrégulière du préservatif, remarque toujours Thomas
BALIMA; ce même constat est relevé par Théodore KOUAMA qui
observe toutefois que « la raison souvent avancée de cette non
utilisation du préservatif est la prétendue connaissance du
partenaire sexuel. »14 Cela est le fait que l'utilisation
du préservatif semble décroître avec l'accroissement du
sentiment
8 FLAMENT Claude cité par SECA Jean Marie,
Les représentations sociales, Armand Colin, 2002, p44
9 VIDAL Laurent, Le
silence et le sens. Essai d'anthropologie du sida en Afrique,
Anthropos-economica, 1996,218p.
10 GRUENAIS Marc-Eric, N'DOLO Patrice Juste,
L'acceptabilité du dépistage, fonction des contexte. In Le
dépistage VIH et le conseil en Afrique au sud du Sahara, Karthala,
Paris,1997, 321p.
11 BALIMA Thomas, Entrée dans la
sexualité d'étudiants burkinabé aux temps du sida,
mémoire de maîtrise en sociologie, FLASHS, Université de
Ouagadougou, 1999.
12 BALIMA Thomas, Op. Cit. P5.
13 BALIMA Thomas, Op. Cit, p4.
14 KOUAMA Théodore, Les infections sexuellement
transmissibles et les comportements sexuels à l'école secondaire:
cas des lycéens du département de saponé,p42.
amoureux. Cependant, comme il l'observe fort justement, cette
connaissance apparaît secondaire puisqu'elle n'implique pas une
connaissance du statut sérologique. Ces analyses ne peuvent certainement
pas être appliquées en tant que comportements homogènes
à l'ensemble des élèves. Par ailleurs, la perception du
risque dès lors se focalise sur les comportements sexuels.
Pourtant, pour chaque société, chaque groupe et
sous groupe social, les ressources socioculturelles utilisées pour
appréhender la notion de risque opèrent une stratification
sociale.
En effet, pour Marcel CALVEZ «la mise en oeuvre des
politiques de prévention du sida peut alors être regardée
comme un procès de stratification quihiérarchise les
positions sociales en fonction du risque.»15 Dit
autrement, le
risque est en fait attribué à des
catégories groupales selon les limites de la critique morale de chaque
société. Ainsi, dans notre contexte, les «prostituées
», les chauffeurs routiers, les orpailleurs etc. sont dans la perception
populaire aux premières loges des «groupes à risque »
ou «groupes vulnérables». Cependant, cette stratification peut
développer chez d'autres catégories sociales une
altérité négative consistant non seulement au
rejet du risque à l'autre mais parce qu'elles ne sont pas
identifiées comme «groupes à risque » ne se sentent pas
forcement concernées par le SIDA. C'est ce qu'a
révélé l'enquête d'alors du Ministère de la
Santé et de l'Action Sociale concernant les élèves : sur
un échantillon de 466 individus «seulement 11% des
élèves se voient eux-mêmes comme étant sujets
à risque. »16
Cette mise en question de la notion du risque éclaire
sous un jour nouveau en montrant que sa mise en circulation dans l'information
implique une appropriation et une réinterprétation en tant
qu'attribut d'identité des différents groupes sociaux.
L'altérité négative observée chez nombre
d'élèves peut bien aussi expliquer la différence de
comportement si les élèves ne perçoivent pas le
dépistage sérologique VIH, indépendamment de ce
procès d'accusation de l'autre, en tant que moyen d'une meilleure
prévention de s'infecter ou de développer le SIDA.
Or la prévention s'inscrit dans des constructions
sociales en fonction du sens donné à la maladie, sens
lui-même objet de construction sociale. Ainsi, retenons avec Jean-Pierre
DOZON 17 trois mises en sens émique du sida
15 CALVEZ Marcel, Le risque comme ressource
culturelle dans la prévention du sida. In Critique de la santé
publique. Une approche anthropologique, Balland, 2001, p121
16 Ministère de la santé et de
l `action sociale, Sexualité et sida en milieu scolaire secondaire
à Ouagadougou, octobre 1989, p8
17 DOZON Jean Pierre (1999). Les modèles de
préventions sont tirés du même auteur mais dans :
Quatre modèles de prévention. In Critique de la santé
publique. Une approche anthropologique, Balland, 2001, p26
auxquelles peuvent être joints deux modèles de
préventions. Premièrement, le «phénomène sida
» est appréhendé à partir des catégories
nosologiques et étiologiques locales. Le savoir biomédical est
alors relégué au dernier plan, ce qui engage une lecture
culturelle de la maladie (amaigrissements, diarrhée, etc. pouvant le
confondre d'ailleurs à d'autres catégories nosologiques). Il se
range alors avec le registre des interdits et transgressions sociales,
notamment l'adultère. Le modèle de prévention dans ce cas
de figure est celui magicoreligieux qui se présente comme un dispositif
de prévention ordonnant préalablement les causes ou les
étiologies.
La seconde mise en sens interprète le SIDA comme une
nouvelle maladie liée aux transformations des sociétés
africaines, particulièrement aux désordres et
dérèglements affectant les relations entre sexes et
générations. Cette construction sociale recoupe en certaine
manière la prévention magico-religieuse. Elle diffère en
effet des protections contre des agressions ou des punitions d'entités
transcendantes ou des attaques sorcellaires mais elle met en jeu des
métaphores qui imagent la sanction due au désordre social d'une
modernité chaotique.
La troisième mise en sens résulte des diverses
constructions de l'altérité (la prostituée,
l'étranger, le chauffeur routier, en un seul mot l'autre). Seul l'autre
est donc concerné par l'infection et la prévention.
Toutes ces constructions sociales du SIDA appellent des
modèles de préventions qui s'éloignent de l'exigence du
modèle contractuel que commande le dépistage volontaire. En
effet, dans le modèle contractuel de prévention, la maladie ne se
rapporte plus aux manifestations d'entités18 invisibles ou
transcendantes mais à l'organisation pratique rationnelle19de
la société. La prévention suppose alors une logique
d'action de sujets agissant de façon éclairée
c'est-à-dire que la prévention (y compris le dépistage
VIH), se protéger et protéger les autres, relève du
ressort d'une responsabilité individuelle informée et
éclairée. Or, en mettant en jeu le consentement
éclairé des populations, ce modèle de prévention
fonctionne dans l'idéal en tant que rapport dont la nature se veut
essentiellement pédagogique pour justement permettre aux populations
d'accéder et d'adhérer aux propositions de prévention
énoncées par le savoir biomédical. De ce point de vue
donc, tous les élèves ne disposent pas de ressources suffisamment
déterminantes pour les décider à faire un test
sérologique VIH : « la faible fréquentation des
structures de lutte (...) la superficialité des informations
entre
18 LAPLANTINE François théorisant les
modèles étiologiques rend compte ainsi du modèle
exogène: "la maladie a son origine dans la volonté mauvaise d'une
puissance anthropomorphe ou anthropomorphiseé" In Anthropologie de la
maladie, Paris, Payot, 1992, p77.
19 « L'idée de rationalité est utilisée
comme un réflexe visant à mettre en avant la civilisation
occidentale dans le cadre de la science occidentale. Par là elle
dénie la rationalité inhérente à la
diversité culturelle. » DISSAKE Emmanuel, Feyerabend,
Epistémologie, anarchisme et société libre, 2001,
p88.
camarades d'école, le silence des parents
»20 sont des facteurs de vulnérabilité,
autant ils peuvent expliquer la différence de comportement face au
dépistage volontaire.
En arrière plan, c'est en fait toute la question de la
médecine préventive qui se trouve soulevée. En effet, elle
est selon Bernard HOURS un phénomène occidental né du
développement de la biomédecine et de la prise de conscience
d'une solidarité entre malades et bien-portants par le biais de la
contamination, de la contagion et de la transmission.
Or en tant que cadre de gestion de la maladie, la
médecine préventive est venue se superposer à des
systèmes antérieurs propres aux diverses sociétés
non occidentales. Et pourtant, comme le remarque fort bien Bernard HOURS
«anticiper l'occurrence de la maladie pour l'empêcher est une
autre logique que celle qui traque les causes du mal et qu'on relève
dans toutes les sociétés. »21 Ainsi, c'est toute la
philosophie de la démarche volontaire de dépistage qui est remise
en cause car elle sous-tend une logique inhabituelle dans les
sociétés où la médecine préventive est peu
développée.
I-2- Problématique
Le test sérologique VIH volontaire est
considéré comme l'un des axes stratégiques dans la lutte
contre le VIH/SIDA. En effet, l'adhésion au conseil dépistage
ainsi que son développement permettraient une plus grande
lisibilité de la maladie et surtout pourraient servir de catalyseur de
la mise en oeuvre de soins précoces pour éviter que le sida ne
soit assimilé à la mort.
Mais il demeure difficile à l'intégrer dans la
réalité des différents groupes et sous groupes sociaux en
raisons de : d'une part il s'agit d'une maladie incurable et l'accès aux
soins anti-retroviraux demeure limité et d'autre part, les
représentations, perceptions, stéréotypes etc.
négatifs peuvent jeter sur un sujet séropositif l'opprobre social
; par ailleurs, la prééminence de la connotation sexuelle de
l'infection peut faire de l'entreprise de la démarche volontaire un acte
d'aveu public d'une sexualité «vagabonde et culpabilisante
».
Les élèves entrant assez tôt dans
l'activité sexuelle sans souvent en possession d'informations en la
matière encourent des risques. Ces risques s'observent à travers
leurs comportements sexuels. En effet, le multipartenariat sexuel ou le
partenariat sexuel occasionnel, la non utilisation systématique du
15 Université de Ouagadougou,
département de sociologie. Sous la direction de SOUBEIGA André,
Rapport de stage de terrain. La vulnérabilité des jeunes
lycéens face au VIH/SIDA dans la ville de Ouagadougou, juin 2004,
p11
21 HOURS Bernard, In Les pratiques de santé
dans un monde globalisé, Karthala, 2003, p38
préservatif sont autant de facteurs de risque
d'infection. La perception du risque forte d'une promiscuité sexuelle
entraîne le plus souvent son analyse sur le seul aspect comportemental
sexuel. Pourtant, la notion du risque ainsi vue éclipse facilement les
autres modes de transmissions et les éléments
socio-économiques qui sous-tendent l'infection mais surtout opère
une stratification sociale en identifiant des catégories sociales. Il
peut en suivre que des élèves ne se reconnaissant pas à
travers les catégories d'identité dites à risque
développent une altérité négative qui les exclut de
«l'aire du SIDA » donc de la justification du test
sérologique.
Au-delà des préoccupations
précédentes, les élèves appartiennent à
différents milieux sociaux d'immersion, relèvent de divers
réseaux relationnels et s'informent par une multiplicité de
canaux possibles. Or le «phénomène SIDA » en tant que
maladie est lue suivant le prisme de diverses constructions sociales engageant
elles-mêmes des constructions sociales des modes de prévention.
Pourquoi certains élèves disposent de ressources
déterminantes pour se décider de façon informée et
éclairée (modèle contractuel de la prévention)
d'accepter volontairement le test VIH en tant que moyen de prévention
alors que d'autres n'en disposent pas ?
Alors, est-ce que la différence de comportement des
élèves en face du dépistage s'explique tout simplement par
une différence de rapport au dépistage?
- Quelles perceptions les élèves ont-ils du
dépistage volontaire ?
- Les rapports des élèves aux structures de
luttes contre le VIH/SIDA sontils de nature à leurs apporter à
tous l'éclairage souhaité pour une adhésion au
dépistage ?
- Enfin, la vulnérabilité de
l'élève et les interactions dans l'environnement social des pairs
et de la famille influencent-ils le comportement, face au dépistage ?
I-3-Intérêt de la recherche I-3-1-
Justification
L'étude répond d'abord à une
préoccupation de recherche car la problématique du VIH/SIDA
déborde largement les cadres des sciences médicales à
cause de ses multiples implications : sociales, culturelles, économiques
etc.
Ensuite, nous nous mettons au diapason de la politique actuelle
de lutte qui met l'accent sur le dépistage volontaire.
I-3-2- Objectifs et but
Le comportement des élèves du LTO face au
dépistage volontaire est un objet socialement construit. Nous visons
à une compréhension du comportement d'adhésion et de refus
des élèves du LTO face au test VIH.
Au-delà de cet objectif général, nous
cherchons spécifiquement à appréhender les perceptions des
élèves sur le dépistage, le niveau de connaissance des
élèves sur la prise en charge, et à mettre en
évidence des déterminants de comportement.
Le but visé est de parvenir à produire des
connaissances scientifiques sur la question du dépistage en milieu
scolaire.
I-4- Hypothèses
Afin de pouvoir élucider notre problème, nous
proposons une explication théorique à partir de
l'hypothèse suivante :
Hypothèse principale
La connaissance du statut sérologique se
présente aux élèves du LTO comme étant
désavantageuse parce qu'ils perçoivent plus les
conséquences négatives d'une sérologie positive que les
possibilités de la prise en charge. La différence de comportement
s'explique par des déterminants qui sont la vulnérabilité
et les interactions dans l'environnement social des pairs et de la famille.
Sous hypothèses
- La prééminence des perceptions négatives
sur les possibilités de la prise en charge s'explique par une faiblesse
de l'information ;
- La vulnérabilité et les interactions
influencent le comportement des élèves. D'une part, plus
l'élève est vulnérable plus il refuse le dépistage
; d'autre part, l'élève bénéficiant d'interactions
favorables au dépistage s'y conforme.
I-5- Les variables I-5-1- La variable
dépendante
La variable dépendante est celle que la recherche veut
expliquer : le comportement des élèves face au test
sérologique VIH.
I-5-2- Les variables indépendantes
Ce sont celles ayant une influence sur la variable
dépendante et susceptibles de l'expliquer ainsi que ses variations.
I-5-2-1-Les variables personnelles
Ce sont l'âge, le sexe, la religion, le niveau scolaire.
Ils permettent de rapporter des analyses aux caractéristiques
socio-démographiques des enquêtés.
I-5-2-2-Les variables liées aux aspects du
phénomène
- Les perceptions et l'information : ce couple de variables
permet de décrire et de mettre en évidence les différentes
perceptions et le degré d'information ; une lecture croisée
permettra ensuite de montrer l'influence de ces variables sur le comportement
des élèves.
- La biographie sexuelle : cette variable permet de
décrire la vulnérabilité de l'élève.
Rapportée aux deux variantes de comportements observés, elle en
fournira l'explication.
- La conformité permet de rendre compte des
interactions dans le cadre familial et dans le cadre relationnel : cette
variable permettra aussi une explication du comportement d'adhésion.
I-6- Définition des concepts
Définir les concepts est une tâche indispensable
dans une recherche sociologique afin que l'on sache ce qui est en question sans
équivoque. Nous tenterons dans les lignes suivantes de trouver le sens
sociologique des concepts essentiels à notre étude.
· Vulnérabiité
«Le concept de vulnérabilité prend en
compte des facteurs personnels et externes, la dimension temporelle, ainsi que
les interactions entre ces différents facteurs qui peuvent varier
suivant les cultures et les sociétés. Ces facteurs sont
«l'inadéquation » des programmes sur le SIDA,
«l'inaccessibilité » de tels
services due à leur éloignement et leur
coût, et «l'incapacité » du système de
santé à répondre à une demande de soins et d'aides
des personnes infectées et affectées par le VIH. »22
Laurent VIDAL ironise en critiquant la définition en
termes de la vulnérabilité du concept de
vulnérabilité. En effet le concept ainsi défini par l'ONU
/SIDA «se heurte à
l'hétérogénéité des situations
englobées et la diversité des interprétations dont il est
l'objet. »23 Effectivement, son utilisation tend à
se focaliser sur des groupes sociaux identifiés comme vulnérables
en raison de leur statut dans une société donnée,
d'où très souvent l'association généralisatrice du
concept au genre alors que pour chaque société et pour chaque
individu, la vulnérabilité correspond à des situations
bien précises dont les facteurs objectifs de réalisation (risque)
sont observables.
Alors comment procéder à une définition
prenant en compte autant de diversités tout en restant
générale ? Cette question pose un problème classique
d'ordre épistémologique en l'occurrence la
prééminence entre une définition empiriste ou rationaliste
des concepts. En effet, «pour les empiristes, la
généralité du concept résulte de la somme
d'expériences, de situations qui leur étaient commune
»24 alors que pour les rationalistes cette
généralité procède de la définition
même du concept «c'est-à-dire de l'existence d'une
propriété essentielle, abstraite, commune à toutes les
situations qui relèvent du concept. »25 Ainsi, les premiers
privilégient une démarche se fondant sur la valeur de
l'observation alors que pour les seconds il s'agit de constructions logiques,
avant tout déductives, allant du général au
particulier.
Fort de ce débat, nous ne pouvons donc pas dans l'a
priori définir le concept de la vulnérabilité prenant en
compte la diversité voulue dans notre échantillon. Cependant,
dans les limites déductives de nos hypothèses, nous pouvons
désigner par vulnérabilité l'ensemble des
expériences précises vécues par un individu, l'exposant
à l'infection du VIH.
Cette définition, bien que dans l'apparence large, est
analytiquement opératoire pour notre cas. En effet, elle nous permet
d'abord d'éviter de voir spontanément la
vulnérabilité selon le contexte ou à coller de
façon tendancielle le concept à des catégories sociales
présumées vulnérables. Outre de nous épargner cette
réduction, elle nous offre l'avantage de voir en quoi un individu est
vulnérable par l'examen de sa biographie, notamment les
expériences sexuelles.
22 ONU/SIDA (La situation des risque et la
vulnérabilité : 1998) cité par VIDAL Laurent,
Anthropologie d'une distance : le sida, de
réalités multiples en discours uniformes. In Le sida des autres.
Constructions locales et internationales de la maladie, IRD, 1999, p23
23 VIDAL Laurent, Op.cit, p23
24 GRAWITZ Madelaine, Méthodes des sciences
sociales, DALLOZ, Paris, 2001, p18
25 GRAWITZ Madelaine, Op.cit, p18
· Risque
Madelaine GRAWITZ définit le risque comme «la
probabilité plus ou moins grande que survienne un
événement dangereux. »26Le concept ainsi
défini est détaché de tout champ social précis
d'application. Ainsi, dans le domaine de la santé, il n'a pas toujours
servi de mesure probable notamment lorsqu'il se lie au SIDA.
Karine DELAUNAY note dans le cas du SIDA qu'en
«l'absence d'un modèle étiologique établi[la
construction sociale du risque] a conduit à rechercher ce que ces
malades avaient en commun et, partant, à les constituer en groupes.
» Selon cette logique épidémiologique de classement, le
risque désigne un vecteur du SIDA en association à des
catégories sociales dites « groupes à risque ».
Ensuite, le risque est passé d'une «recomposition de la logique
de classement en logique de classification fondée sur les modes de
transmission du virus. »27 Il désigne alors la
possibilité de s'infecter à travers des «comportements
à risque». Enfin, le risque est mis en relation avec les conditions
de vie des individus et des groupes sociaux désignant de ce fait les
différents facteurs exposant à l'infection du VIH. A ce niveau de
l'analyse, la marge entre le concept de risque et celui de
vulnérabilité n'est que mince. En outre les différents
facteurs de risque ne sont pas exhaustifs et même sont difficilement
définissables puisqu'ils ne le peuvent être qu'en fonction de la
diversité individuelle et sociale.
C'est pourquoi nous préférons le rattacher au
concept de vulnérabilité pour définir le risque comme la
probabilité d'infection prenant sa valeur avec le degré de
vulnérabilité d'un individu.
Cette définition nous offre aussi l'avantage de ne pas
appliquer le concept en tant que catégorisation de comportements dits
à risque. Ainsi, le risque devient une variable qualitative dont les
valeurs graduelles (nulle, peu élevée, élevée)
prennent leur signification en fonction de la vulnérabilité.
· Altérité
négative
L'altérité est de façon
générale la construction d'une identité par rapport
à un groupe social ou une société donnée. «
L'autre » est alors regardé à partir de valeurs
portées par celui qui regarde. L'altérité négative
dans ce cas-ci est l'association négative de l'autre au
phénomène SIDA lui imputant la responsabilité de la
prévention, de la transmission, et de tout autre rapport au
26 GRAWITZ Madelaine, Lexique des sciences sociales,
Dalloz, 1994, p341
27 DELAUNAY Karine, des groupes à risque
à la vulnérabilité des populations africaines. Discours
sur une pandémie. In Le sida des autres. Constructions locales et
internationale de la maladie, IRD,1999, p37
VIH /SIDA. L'altérité négative devient en
fait la reconnaissance de ma personne quant à ses impossibles rapports
sociaux ou biologiques à la maladie et ses implications tout en les
légitimant pour « l'autre »
CHAPITRE II : Méthodologie de recherche
La méthodologie a pour objectif d'exposer la
procédure de recherche. Ainsi, dans ce chapitre, après avoir
présenté le champ de l'étude, nous présenterons les
différents procédés, outils et techniques utilisés
pour les besoins de l'étude.
II-1-Le champ d'étude
II-1-1-Présentation du Lycée Technique de
Ouagadougou
Le lycée technique industriel et commercial de
Ouagadougou, communément appelé LTO jouxte l'Université de
Ouagadougou à son côté Nord. Il compte un bâtiment
administratif, trente trois (33) salles de classes, deux (2) laboratoires
d'informatique, un (1) laboratoire de science physique, quatre (4) ateliers
(genie-civil, mécanique générale, électronique, et
électrotechnique), une (1) bibliothèque, une (1) cantique
scolaire et un (1) complexe sportif.
Les services offerts par ledit lycée sont la formation
professionnelle continue et cinq filières d'enseignement :
- l'enseignement général (série E ou
mathématique et technique)
- l'enseignement tertiaire (la série G1 ou techniques
administratives et la série G2 ou techniques quantitatives de
gestion)
- l'enseignement industriel (la série F1 ou
mécanique générale, la série F2 ou
électronique et la série F3 ou électronique) ; ces trois
filières d'enseignements préparent les élèves
à un baccalauréat. Quant aux deux autres filières, elles
préparent les bénéficiaires au Brevet d'Etudes
professionnelles (BEP) et sont :
- l'enseignement tertiaire (BEP secrétariat, BEP
comptabilité et BEP technique de vente et de commerce)
- l.'enseignement industriel (BEP génie civil et BEP
topographie).
II-1-2- Critères de choix
Le LTO est le plus grand établissement public mixte
d'enseignements général puis technique industriel et commercial
ayant servi de site d'accueil à la campagne de dépistage
volontaire en milieu scolaire du 13 au 23 avril 2004. IL y existe un club sida.
Pour l'année scolaire 2004-2005, l'établissement compte
143728 élèves, 130 enseignants, 26 personnels
administratifs et 12 personnels de soutien.
28Il s'agit de
l'effectif de l'année scolaire 2004-2005. Le chiffre de 1211
élèves indiqué dans l'introduction correspond à
l'effectif de l'année scolaire précédente, à la
date de la campagne de dépistage, avril 2004.
A côté de ces critères, la dimension
sociale a aussi guidé notre choix. En effet, tous les
élèves proviennent d'autres établissements où ils
ont achevé le premier cycle de l'enseignement secondaire. Ils ont un
âge compris entre 16 et 25 ans. Il s'agit donc d'un espace social en
mosaïque d'acteurs de clivages sociaux différents, d'appartenances
culturelles, religieuses, etc. diverses, et dans une tranche d'âge de
recherche d'épanouissement, notamment sexuel.
II-2 - Echantillonnage II-2-1- La population
cible
Notre étude se situait à cheval sur deux
années scolaires, 2003 - 2004 puis 2004-2005. Nous avons donc
considéré les seuls élèves des classes de
1ère , de 2ème année BEP et de terminales de
l'année en cours (2004-2005 au moment de l'enquête) ; ainsi nous
ne prenons en compte que la population qui a vécu l'expérience de
la campagne de dépistage volontaire du 13 au 23 avril 2004 au sein dudit
établissement.
Les entretiens ont visé le plus grand nombre possible,
selon ce critère d'éligibilité afin de recueillir, selon
la diversité, les discours sur les perceptions, la
vulnérabilité de l'élève, et les interactions
familiales et relationnelles.
II-2-2- Les personnes ressources
Le choix des personnes ressources s'est fait selon le profil
socioprofessionnel des personnes susceptibles d'apporter un éclairage
à notre étude. Ainsi, nous avons pris en compte un certain
personnel du lycée ; outre ces personnes, nous avons pris en compte un
médecin chargé de prise en charge médicale et un
psychologue chargé de l'accompagnement psychosocial de PVVIH. Enfin nous
avons considéré le discours de quelques parents
d'élèves.
II-3 - La collecte des données
II-3-1-L'entretien
L'outil de collecte des données demeure intimement
lié à l'objet construit. C'est cette exigence qui nous a
imposé le choix de l'entretien comme répondant aux mieux à
notre objet de recherche. Il s'agit d'«un procédé
d'investigation scientifique, utilisant un processus de communication verbale,
pour recueillir des informations, en relation avec le but visé.
»29
29 GRAWITZ Madelaine, Méthodes des
sciences sociales, Dalloz, 2001, p644
Pour Nomma MAYER30, il existe plusieurs types
d'entretien en fonction du degré de liberté laissé aux
interlocuteurs et du type de connaissance visé.
L'entretien semi-structuré ou semi-directif que nous
avons utilisé se présente comme une technique d'enquête
qualitative structurée par un guide d'entretien. Elle réalise une
situation intermédiaire entre l'entretien structuré ou directif
et non structuré ou non directif. Cette technique intermédiaire
nous a permis d'explorer notre objet dans les axes définis par nos
hypothèses d'étude et conformément à nos
variables.
II-3-2- L'observation directe
Afin de nous rendre compte par nous-mêmes de certains
aspects liés à la circulation de l'information au sein du
lycée et pendant la campagne de dépistage, nous avons
visité les tableaux d'affichage et avons suivi une séance
d'information sur le dépistage, animée par ALAVI.
II-4- Approche analytique
La nature qualitative de l'étude impose une description
analytique des discours recueillis.
Pour ce faire, nous avons procédé par une
analyse de contenu «parce qu'elle offre la possibilité de
traiter de manière méthodique des informations et des
témoignages qui présentent un certain degré de profondeur
et de complexité comme par exemple les rapports d'entretien
semi-directifs. »31 L'analyse de contenu nous a permis
donc de décrire et d'agréger d'abord les informations en
thèmes pertinents suivant les objectifs de la recherche. Mais, la
tâche du sociologue étant d'expliquer, l'analyse proprement dite
suivra les descriptions et se saisira de la teneur des discours pour en donner
une explication.
Mais, afin de garder l'anonymat des enquêtés
à cause de la délicatesse des questions abordées par
l'étude, nous annoncerons les extraits d'entretiens avec des sobriquets
que nous aurons nous-mêmes attribués aux interviewés. Pour
ce faire, nous avons retenu l'initial du vrai prénom de
l'interviewé ; ensuite, nous avons utilisé cet initial pour la
formation du sobriquet en respectant ce que le prénom représente
(prénom masculin ou féminin, et chrétien ou musulman). Les
autres caractéristiques individuelles demeurent sans changement.
30 MAYER Nomma, `entretien', Dictionnaire
de sociologie, Larousse-Bordas, 1999, p86
31 QUIVY Raymond, CAMPENHOUDT Luc Van, Manuel de
recherche en sciences sociales, DUNOD , Paris, 1995, p230.
II-5- Le terrain
Nous avons été sur le terrain d'enquête du 7
avril 2005 au 14 mai 2005. Au total quarante-trois (43) entretiens ont
été réalisés :
- trente-trois (33) entretiens avec les élèves
(population cible) ainsi réparti :
· dix-huit (18) adhérents et quinze (15)
réticents
· seize (16) du sexe féminin et dix-sept (17) du
sexe masculin ; toutes les classes concernées par l'études ont
été prises en compte ;
- dix (10 ) entretiens avec les personnes ressources
composées de :
· quatre (4) personnes du lycée ( le
président du cercle de relai sida, une infirmière, une
enseignante en économie sociale et familiale puis marraine du club
ABBEF, une surveillante puis marraine du club FAWE) ;
· un (1) médecin chargé de prise en charge
médicale dans une association de lutte contre le VIH/SIDA ;
· un (1) psychologue chargé de l'accompagnement
psychosocial dans une association de lutte contre le VIH/SIDA ;
· un (1) médecin du comité ministériel
de lutte contre le VIH/SIDA et chargé du programme national de la prise
en charge médicale ;
· et trois ( 3 ) parents d'élève.
Nous avons conduit seul tous les entretiens qui ont
été enregistrés par dictaphone, transcrits
fidèlement et dépouillés manuellement.
II-6- Limites de l'étude
La première limite de l'étude est
inhérente à la nature même de l'étude. En effet, en
optant pour une étude qualitative de cas, notre propos sur la question
du dépistage ainsi que les analyses produites sont restrictifs au seul
cas des élèves du LTO.
Ensuite, nous n'avons pas pu joindre les deux animateurs de la
campagne de dépistage du site du LTO. Ils avaient été
recrutés pour la circonstance. Cela n'a pas permis de recueillir leur
discours sur la question.
Enfin nous n'avons entendu que trois parents
d'élèves, ce qui rend également une réalité
étriquée sur cet aspect.
DEUXIÈME PARTIE : RESTITUTION ANALYTIQUE DES
DONNEES
CHAPITRE I Description du profil
socio-démographique des élèves
La description du profil socio-démographique des
élèves est avant tout une présentation des
caractéristiques individuelles comme l'âge, le sexe, la religion,
etc. l'objectif étant de s'imprégner un tant soit peu de la
constitution de la population cible. Le rapport de ces caractéristiques
aux discours produits ou aux comportements ne pouvant être totalement
neutre, il est donc nécessaire de voir en quoi elles peuvent influencer
les discours ou les comportements.
I-1- Le sexe
Nos entretiens ont touché seize (16) élèves
du sexe féminin et dix-sept (17) du sexe masculin.
Par rapport au type de comportement observé, la
répartition selon le sexe est la suivante :
- neuf (9) adhérentes et neuf (9) adhérents soit
un total de dix-huit (18) adhérents au dépistage ;
- huit (8) réticentes et sept (7) réticents soit un
total de quinze (15) réticents au dépistage.
L'apparence de la symétrie de cette répartition
par sexe entre les deux types de comportements, loin d'être
préméditée, est plutôt le reflet de la saturation.
Dans nos interprétations, le sexe apparaît comme une
caractéristique essentielle qui rend compte des interactions favorables
dans le sous groupe masculin alors qu'elle apparaît quasi
inopérante dans le sous groupe féminin.
I-2- L'âge
L'âge de nos interviewés oscille entre dix-sept
(17) ans, âge minimal, et vingt-deux (22) ans, âge maximal. Ainsi,
nous avons de façon exhaustive la répartition suivante :
Age
|
Nombre d'élèves
|
Dix-sept (17) ans
|
Un (1)
|
Dix-huit (18) ans
|
Sept (7)
|
Dix-neuf (19) ans
|
Neuf (9)
|
Vingt (20) ans
|
Huit (8)
|
Vingt-un (21) ans
|
Quatre (4)
|
Vingt-deux (22) ans
|
Quatre (4)
|
Nous pouvons aisément remarquer une concentration de
l'âge de nos enquêtés entre la tranche de dix-huit (18) ans
à vingt (20) ans qui rassemble vingt- quatre (24) élèves
sur les trente-trois (33).
L'âge au premier rapport sexuel est de quinze (15) ans dans
le sous groupe féminin et de dix-sept (17) ans dans le sous groupe
masculin.
Si aucune régularité de la distribution de
l'âge en fonction du sexe et du type de comportement ne peut être
sollicitée pour rendre une explication dans le cadre de cette
étude qualitative, nous pouvons tout de même constater que la
majorité des élèves de notre échantillon sont dans
une tranche d'âge d'épanouissement, notamment sexuel. Ceci
pourrait rendre compte de certains aspects des comportements sexuels.
I-3- La religion
Les religions chrétiennes et l'islam sont les
appartenances religieuses apparues dans notre échantillon
d'élèves. Dix-neuf (19) élèves sont
chrétiens catholiques, deux (2) élèves sont
chrétiens protestants et les douze (12) autres restant sont musulmans.
Nous observons donc une prédominance de la religion chrétienne
dans notre échantillon.
Par rapport au comportemental, là aussi, la nature
qualitative de notre étude ôte la légitimité et la
signification d'une distribution de chiffres. Cependant, la religion peut
apparaître dans le cadre familial comme un facteur déterminant de
la position familiale face à la question du dépistage.
I-4- La classe
Nous voulons entendre par classe la répartition des
élèves de l 'échantillon en classe d'examen et en classe
intermédiaire. Ainsi, sur les trente-trois (33) élèves
touchés par l'enquête, vingt (20) sont en classe d'examen et
treize (13) en classe intermédiaire.
Parmi ceux qui sont en classe d'examen, douze (12) sont
allés au dépistage et les huit (8) autres n'ont pas fait le test
de dépistage.
Quant aux treize (13) élèves qui sont en classe
intermédiaire, huit (8) ne sont pas allés au dépistage et
cinq (5) ont accepté de se faire dépister.
Les proportions ci-dessus ne peuvent, bien évidemment pas,
faire l'objet d'une lecture croisée et comparée. Cependant, le
fait d'être en classe d'examen se
présente de certaine manière comme une influence
sur la perception du futur. Toutefois, cela n'est pas l'apanage exclusif des
élèves en classe d'examen.
I-5- La résidence et le statut socioprofessionnel
des parents I-5-1- La résidence
La résidence des élèves de notre
échantillon est celle de leurs parents. La résidence peut
être scindée en deux catégories : quartiers populaires et
cités.
Ainsi, en ce qui concerne les élèves
résidant dans une cité, cinq (5) élèves s'y
retrouvent de la sorte :
- Cité 1200 logements : trois (3) élèves ; -
Cité AN II : un (1) élève ;
- Cité AN III : un (1) élève.
La résidence des vingt-huit (28) autres
élèves est disséminée dans des quartiers populaires
et de la façon suivante :
- Boulmiougou :deux (2) élèves ; - Cissin : trois
(3) élèves ;
- Dassasgho : cinq (5) élèves ; - Gounghin :
deux (2) élèves ; - Kossodo : un (1) élève ;
- Ouidi : un (1) élève ;
- Pag-la-yiri : deux (2) élèves ; - Patte d'oie
: deux (2) élèves ; - Pissy : trois (3) élèves ;
- Sã-yiri :un (1) élève ;
- Tampouy : quatre (4) élèves ; - Tanghin : un (1)
élève ;
- Zone une : un (1) élève.
La majorité de nos interviewés résident donc
dans des quartiers populaires de la ville de Ouagadougou.
I-5-2- Le statut socioprofessionnel des parents
Sans pouvoir ici donner en détail le statut
socioprofessionnel des parents d'élèves de notre
échantillon, nous rassemblerons en grands traits celui des pères
et celui des mères.
Ainsi, le statut socioprofessionnel des pères se
concentre plus autour des professions de niveau élevé tels que
chirurgien, expert-comptable, conseiller des affaires économiques,
conseiller juridique, conseiller pédagogique, ingénieur en
informatique, proviseur de lycée, etc. Cependant, certains ont pour
profession : chauffeur, artisan, agent de bureau, militaire, instituteur;
d'autres sont à la retraite.
Quant au statut socioprofessionnel des mères, la
tendance de concentration est inverse. Outre les treize (13)
ménagères, la plupart des professions sont de niveau moyen telles
qu'institutrice, infirmière, accoucheuse auxiliaire. Cependant, on
rencontre quelques professions de niveau élevé tels que
conseiller des affaires étrangères, conseiller des affaires
économiques, inspectrice de l'enseignement, secrétaire de
direction.
L'association des différentes professions dans un couple
de parents est majoritairement du type profession de haut niveau-profession de
moindre niveau.
Notre échantillon est constitué
d'élèves des deux sexes, âgés de dix-sept ans
à vingt-deux ans, d'appartenance religieuse chrétienne ou
musulmane. Ils résident avec leurs parents, dans une grande
majorité dans des quartiers populaires de la ville de Ouagadougou. Les
familles d'origine ont dans l'ensemble une situation économique non
précaire mais non point trop élevée.
CHAPITRE II Les élèves face au
dépistage : la réalité en une pluralité de
discours
La perspective de connaissance du statut sérologique
place d'emblée l'élève au coeur d'un rapport
d'évaluation du dépistage. La préoccupation des
interviewés peut être de ce fait bien rendue par ce propos :
« Quand on se décide à aller faire le
test, il faut d'abord s'asseoir voir le pour, le contre avant d'aller.
»
Des discours recueillis, aussi bien ceux
d'élèves adhérents que réticents au
dépistage, ce rapport d'évaluation porte aussi bien sur les
avantages et les désavantages du test sérologique VIH que sur la
confidentialité et la fiabilité du test, le tout sur fond
d'angoisse.
II-1- Les avantages du dépistage
Selon le rapport32 du Ministère de la
santé, les avantages et les inconvénients du dépistage
peuvent être formalisés en termes de comportements. En effet,
l'ajustement du comportement tant préventif du point de vue sexuel que
les possibilités d'engagement aux protocoles thérapeutiques sans
oublier celui nutritionnel ne peuvent être mis en oeuvre sans une
connaissance préalable de la sérologie. Le fait est qu'en
l'absence de connaissance de la sérologie la légitimité du
comportement paraît moins évidente alors que seul le
dépistage permet un comportement en toute connaissance de cause comme le
reconnaît Salam (22 ans, musulman, 2ème année
topographie, adhérent) qui s'est fait dépister :
« C'est très intéressant de savoir si on
est positif ou négatif puisque ça peut contribuer à bien
organiser le futur en quelque sorte. Si toutefois tu es atteint, tu peux
essayer de t'abstenir, de poursuivre les centres médicaux pour les
traitements. Et si tu n'es pas atteint, tu peux essayer de prendre plus de
précautions pour ne pas un jour l'avoir. »
L'un des avantages du dépistage est effectivement la
connaissance précoce du statut sérologique pour une mise en
oeuvre de soins préventifs et traitements contre les infections
opportunistes et ultérieurement, au regard de l'état biologique,
la mise en oeuvre du traitement anti-rétroviral, en cas d'infection.
Cet avantage de pouvoir ajuster le comportement
thérapeutique semble connu et reconnu par certains élèves
. Cependant, la question de la prévention des infections opportunistes
est ignorée et seul l'aspect du traitement ARV fait l'objet des
discours. Ainsi, Amadou (19ans, musulman, terminale F1, réticent)
32 Ministère de la santé, Normes et
procédures. Prise en charge de l'adulte infecté par le VIH,
présente à la page 8 les différents comportements
avantageux liés au test négatif ou positif ainsi que les
comportements désavantageux qui peuvent se lier au test positif.
bien que n'ayant pas fait son test reconnaît cet
avantage du dépistage en ces termes :
« Il y a des avantages puisque si on est au courant
tôt, on peut se faire prendre en charge ; là peut-être que
ça va diminuer un peu la progression du virus parce que le nombre de
virus qui était dans le sang par rapport à la prise des ARV, on
peut diminuer ça. Ça peut te permettre de vivre plus longtemps
que si tu laisses les virus se propager, se multiplier rapidement. Mais si on
est au courant et qu'on a la chance, on peut se faire prendre en charge.
»
L'ajustement du comportement est aussi sexuel et se
présente dans les deux cas de figures pouvant résulter du
dépistage à savoir en cas de sérologie positive ou en cas
de sérologie négative.
Dans le premier cas, l'ajustement du comportement sexuel
consiste à se protéger contre la réinfection et la
surinfection et à protéger ses éventuels partenaires
sexuels de l'infection. Cette double exigence du comportement sexuel est connue
des élèves et Robert (22 ans, catholique, terminale F3,
adhérent) qui n'est pas sans savoir cela, dit ceci :
« Je sais que faire le test de dépistage c'est se
mettre en confiance avec soi-même d'abord. Et puis, ça permet si
on est atteint de limiter les dégâts si on est conscient bien
sûr. Par exemple si on n'avait pas fait le test, si on est infecté
on peut par là infecter pleins d'autres personnes sans le savoir,
involontairement. Mais si on a fait le test et puis on est infecté, on
sait qu'en continuant de faire[des rapports sexuels], tu perds tes forces et tu
es exposé à être en contact avec d'autres sidéens.
»
Dans le second cas, le comportement sexuel de
prévention acquiert toute sa légitimité et peut de ce fait
faire l'objet de plus de précaution pour ne pas s'infecter. Ce
comportement de prévention n'est pas ignoré non plus et Lauraine
(20 ans, catholique, terminale G2, réticente) qui n'a pourtant pas fait
le dépistage se disposerait à pareil comportement en
déclarant :
« Si je fais et puis je me rends compte que je ne suis
pas atteinte, je serai tellement contente que je vais tout faire pour ne pas
contracter le sida. »
Les avantages du dépistage sont l'ajustement des
comportements en toute connaissance de cause de la sérologie.
L'ajustement du comportement sexuel de prévention de soi et de
prévention des autres est un avantage connu par nos interviewés.
L'ajustement du comportement thérapeutique en cas d'infection est aussi
connu comme un avantage mais est réduit au seul aspect de la mise sous
traitement ARV. Les autres avantages tels que le conseil nutritionnel, l'appui
psychosocial ne sont pas mentionnés par les élèves. Si
l'on ne peut absolument pas dire que tous les enquêtés connaissent
tous les avantages, tous ont pourtant envisagé négativement au
moins un scénario du type que se passera-t-il si le test est positif
?
1I-2- Les désavantages du dépistage en cas
d'infection
Les désavantages du dépistage sont des perceptions
que les élèves lient à la connaissance du statut
sérologique surtout dans le cas de la sérologie positive.
1I-2-1- Le futur menacé
En face du dépistage, l'hypothèse de l'annonce
d'un statut sérologique positif est perçue comme la survenue d'un
événement redoutable. La perception négative de
soi-même en tant que personne amoindrie des points de vue psychologique
et social due à l'infection par VIH se pose alors sur le futur comme le
montre ce propos de Rose qui se demande comment elle continuera sa vie :
« L'année passée ils sont venus, il y a des
élèves de notre classe qui l'ont fait mais je l'ai pas fait. Si
toutefois je partais faire le test du sida et j'étais
séropositive, toute ma vie allait être bouleversée par
cette nouvelle. Ce qui fait que je ne veux vraiment pas faire le test. C'est
pas la peur de l'entourage ! C'est surtout ma vie à moi. Quand je vais
savoir que je suis séropositive, ça va beaucoup changer ma vie.
Je me demande si j'aurai vraiment le courage encore de persévérer
; je me demande si je ne vais pas tout abandonner...l'école... »
(Rose : 20 ans, catholique, 2ème année
comptabilité, réticente)
Ainsi, la conséquence immédiatement
perçue ici paraît inhérente d'abord au statut même
d'élève qui s'effondrait avec l'annonce d'un statut
sérologique positif.
Mais en fait, derrière l'anéantissement du
statut d'élève, ce sont les perspectives même du futur,
compte tenu du statut actuel d'élève, qui s'évanouissent
comme le pense Amadé (19ans, musulman, terminale 1ère
G2, réticent) qui voit tous ses efforts simplement réduits
à rien :
« Le fait même que je suis élève, je
continue le combat ; j'allais perdre beaucoup de courage et en ce moment tout
mon combat c'était pour rien maintenant. »
Cette catégorie de perception est
particulièrement présente chez les interviewés en classe
d'examen comme le rapporte Sanatou (21 ans, musulmane, 2ème année
comptabilité, réticente) qui craint d'être perturbée
à son examen :
« Ils sont venus faire ça [le dépistage]
à l'école mais moi je n'avais pas envie pas de faire ça
cette année. Moi je supporterai mal quoi ! je pense pas que je pourrai
tenir dans une classe d'examen si j'apprends une mauvaise nouvelle ... avec le
BEP et le bac...Je préfère attendre l'année prochaine
après les examens. »
Ce conflit interne à la personne elle-même
faisant qu'elle n'arrive plus à se projeter dans l'avenir peut se
doubler soit d'une perception de culpabilité envers son entourage proche
ou un mépris de soi. Natacha (20 ans, catholique, terminale G1,
réticente) confie à ce sujet :
« C'est un cauchemar, je n'ose même pas imaginer !
Parce que en fait, quand tu as le sida, toimême, c'est pas toi-même
le problème, c'est l'entourage, l'effet que tu fais aux proches. Par
exemple, il ne serait pas intéressant que mon papa apprenne que sa fille
est atteinte du sida. Moralement il sera abattu. Tout, en fait tout, même
s'il a des projets, il a des millions, en fait tout d'un côté
ça va basculer. »
Et Amadou (18 ans, musulman, 1ère F3,
adhérent) tient ce propos :
« Même si autour de toi on ne te méprise
pas, toi-même tu vas te mépriser si tu vois tous les projets que
tu as eus à mettre en place pour le futur. »
L'annonce d'un statut sérologique positif est
perçu comme une menace du futur. Cette perception de leur futur qui
«s'écroule » par certains élèves, abandon de
tout, incapacité à se projeter dans l'avenir, est en fait la
perception des conflits multiples et multiformes qui peuvent survenir avec
l'avènement d'une sérologie positive. Ces conflits se rencontrent
dans la réalité des personnes infectées comme le rapporte
Issa (psychologue et chargé de l'accompagnement psychosocial des PVVIH
dans une association) en ces propos :
« Les problèmes sont multiformes. Il y a des gens
qui ont des conflits intra familiaux c'est-àdire un conflit qui a
été suscité par le VIH et il y a beaucoup
d'incompréhensions, beaucoup de souffrances. A côté de
ça, il y a aussi comment la personne vit cette maladie personnellement ;
parfois cela les amène à une autodépréciation qui
fait qu'ils baissent les bras ou peut les amener à ne plus se battre
alors que non ! Donc, ils sont multiformes, multidimensionnels, des conflits
inter relationnels entre l'intéressé et son entourage, des
conflits internes à la personne elle-même soit qu'elle se
culpabilise, soit qu'elle n'arrive plus à se projeter dans l'avenir, ce
qu'on peut appeler la dépression pure et dure. »
Le «monde qui s'écroule » est présent
chez nombre de nos interviewés, adhérents comme réticents.
Il s'agit d'une perception des nombreux conflits multiples et
multidimensionnels que peut susciter l'infection du VIH.
1I-2-2-L'accusation
Elle se présente dans les discours comme une
déviance sur le plan comportemental sexuel et l'élève a
peur d'en être accusé. La perception populaire de l'infection du
VIH donne une place prééminente à la transmission par voie
sexuelle sur les autres modes de transmission mettant systématiquement
en cause le comportement sexuel. L'infection est alors perçue comme la
conséquence d'un écart avec l'ordre social régissant le
comportement sexuel. C'est la déviance portant le cliché social
de `vagabondage sexuel '.
Sanatou (21 ans, musulmane, 2ème
année comptabilité, réticente) rapporte à ce sujet
:
« Si on dit :'j'ai le sida', les gens voient seulement que
c'est sur le côté sexuel qu'on a attrapé ; donc on vous
qualifie de quelqu'un qui n'est pas du tout sérieux. »
De même, Léonard (21 ans, catholique, terminale G2,
réticent) préfère rester dans l'ignorance de son statut
sérologique que d'affronter cette étiquette :
« Les gens ont tendance à dire que quand tu as le
VIH c'est le vagabondage sexuel. Pourtant !
Comme on ne peut pas changer la mentalité des gens, je
préfère rester dans l'ignorance. »
Cette mise en accusation du comportement sexuel, à tort
ou à raison est le fait que le dépistage volontaire est
présenté par la Santé Publique comme la norme à
laquelle il convient de souscrire. Or, «les propositions qu'elle [la
Santé Publique] énonce, aussi bien en termes de
réalité observée qu'en termes de normes prescrites,
s'inscrivent dans un rapport à la fois symbolique et matériel au
monde social... » 33
Ainsi, le dépistage paraît dans la perception
populaire non pas comme un but ( connaître son statut sérologique
pour agir conséquemment) mais plutôt comme un moyen
(contrôler l'éventuelle déviance sexuelle de l'individu).
Cet hiatus entre la norme et la perception de la norme s'explique par le fait
que la logique que sous-tend le dépistage (démarche volontaire)
est inhabituelle et se perçoit populairement comme un aveu de
culpabilité du comportement sexuel. Indépendamment donc de la
réalité comportementale sexuelle d'un individu, toute personne
infectée est dans l'apriorité perçue comme déviant
sexuel. Cette réaction sociale d'accusation de la sexualité est
perçue par les élèves.
Léonard (21 ans, catholique, terminale G2,
réticent) imaginant l'accusation la présente en ces termes :
« On t'indexe :'est-ce que tu sais que celui c'est un
vagabond sexuel ? »
Valérie (18 ans, catholique, 1ère G2
adhérente) elle, perçoit la scène d'accusation de la sorte
:
« On te regarde bizarrement, toujours tu es le vif du sujet
: `ouais! c'est comme ça, je savais que ç'allait être comme
ça... »
Le procédé d'accusation est donc sans
équivoque : l'infection par VIH sera perçue comme la
conséquence d'une déviance sexuelle que le dépistage
permet de révéler indépendamment donc de tout comportement
sexuel. C'est à cette conclusion que parviennent les discours y relatifs
et bien résumés par Georgette (21 ans, catholique, terminale G2,
adhérente) qui se dit qu'en cas de séropositivité, elle
est certaine d'être accusée et culpabilisée sur le plan
sexuel :
« Si aujourd'hui j'ai le sida, je sais que c'est pas par
rapport aux rapports sexuels [mais] je sais forcément que quand-
même les gens vont dire :'elle n'était pas sérieuse'.
»
33 DOZON Jean Pierre, , in Critique de la Santé
Publique. Une approche anthropologique, Balland, Paris, 2001, p9.
La très forte connotation sexuelle de l'infection
engendre une accusation systématique d'une «sexualité
vagabonde ». Ce cliché social de déviance sexuelle est
perçu et redouté aussi bien par des élèves
réticents qu'adhérents au test sérologique VIH.
1I-2-3-Le rejet
La réaction de rejet par l'entourage est perçue
comme la perte des liens sociaux avec l'environnement immédiat (famille,
amis) soit comme un rejet total par la société. L'origine de la
crainte, c'est donc «l'autre » : comment réagira-til en face
d'une personne infectée ? Cette perception de rejet est fondée
sur l'altérité négative qui est la réaction
négative à l'égard des «autres » en cas
d'infection. Issouf (24 ans, musulman, terminale E, adhérent) tient
à ce propos, la préoccupation suivante :
« Sincèrement dit (...) j'avais peur d'aller faire
le test et puis voir que j'étais séropositif. Au fait,
c'était vis-à-vis des autres que j'avais peur d'aller faire le
dépistage. (...) leurs regards, la manière dont mes amis vont me
considérer ; ils ne seront plus comme ils étaient avant sachant
que j'ai la maladie : ils allaient me repousser. »
Mais, «l'autre » qui pourrait réagir de
façon négative, c'est aussi la famille :
« Supposons que tu as le VIH !Qu'est-ce que ton entourage va
dire ?
Tes parents, comment ils vont réagir ? Tout
ça-là, ça ne pousse pas hein ! »
déclare Sylvie (18 ans, catholique, 1ère
G1, réticente) .
L'incertitude de la réaction que l'entourage pourrait
développer est pourtant bien fondée dans la réalité
comme le témoigne Emile (médecin chargé de la prise en
charge médicale dans une association ) qui relate l'expérience
décevante d'une de ses patientes:
« Les gens n'ont toujours pas compris ! Moi, ce matin,
parmi mes patients, il y a une qui m'expliquait que elle a discuté avec
son grand frère ; le grand frère, il semblait être
informé et il dit que vraiment, actuellement il y a beaucoup de trucs
pour les malades du sida. Donc, elle s'est dit que c'est le moment pour l'en
informer parce qu'elle a fait son dépistage depuis deux ans et elle ne
savait pas comment dire à son frère. Maintenant que son
frère à commencé à parler comme ça, elle a
confié sa sérologie et la réaction de son frère,
c'était le contraire. Il dit qu'il imagine ça chez les autres
mais pas chez lui. Donc il a commencé à repousser sa petite
soeur, il ne veut même plus utiliser les mêmes objets qu'elle :
commencer à la rejeter carrément. »
La réaction de rejet toujours actuelle dans la
société peut se justifier du fait de l'ancrage historique des
images négatives sur le sida avec particulièrement
l'altérité négative consistant au rejet de l'infection
uniquement imaginée possible chez l'autre. L'altérité
négative est la conséquence de l'ancrage historique de la
«sexualisation du sida » aboutissant à «faire porter
la responsabilité de la transmission et de la prévention sur les
individus, selon le principe classique
consistant à blâmer la victime
»34 comme déviant sexuel et opprobre familial. De
même, les premières informations diffusées sur le sida
l'ont présenté comme une maladie grave :
« Quand vous prenez les premières
publicités qu'on a fait du sida, on a fait voir le sida comme
étant une maladie grave, pas comme les autres quand bien même
après on a essayé de rattraper l'information. Mais c'est
resté quand-même ancré dans les mentalités
aujourd'hui. » Ahmed (président du cercle de relais sida du LTO)
La menace de rejet perçue demeure donc réelle.
Elle s'étend et apparaît comme une menace de rejet venant de la
société. « L'autre », dont on a peur de la
réaction, c'est tout le monde et à la fois personne, c'est la
réaction de la société en général. comme le
présume Assita (20 ans, musulmane, terminale E, adhérente) par ce
propos:
« Imagine, tu as le sida ! Tout le monde va de minimiser.
Qui va s'approcher de toi ? Même tes parents vont te fuir. Faut pas !
Parce que tout le monde va te fuir. »
La perception du rejet est présente chez nos
interviewés, adhérents et réticents. Cette perception de
la réalité est assez fondée, le contexte étant
toujours marqué par une image négative de l'infection par le
VIH.
1I-2-4-L'issue fatale
La perception de l'issue fatale de l'infection par VIH
présente la mort inexorable comme intervenant au terme d'une
déchéance physique profonde et comme fondant la différence
entre le sida et les «autres maladies » :
« C'est une maladie comme les autres mais les autres
maladies...je peux dire des maladies tolérantes, des maladies qu'on peut
soigner. Mais le sida ! Le sida vraiment, compte tenu qu'on n'a pas de produit
qui puisse soigner, c'est une maladie qui fini chaque fois par la mort
»
déclare Salam (22 ans, musulman, 2ème
année topographie, adhérent) .
Cette issue fatale se présente donc en dépit de
tout ce dont on peut disposer pour s'arracher de la mort. C'est en fait la
perception d'une impuissance due à l'absence de traitement curatif
assimilant l'infection par VIH à la mort. Mais cette perception de la
réalité fausse la réalité elle-même à
cause de la confusion entre traitement prophylactique et traitement curatif
d'une part et d'autre part entre séropositivité et « sida
maladie », ravalant ainsi toute possibilité médicale comme
dans ces propos:
« ça évoque la mort bien sûr !Tu as
ça, quand tu as ça, c'est la mort parce que de toute
manière même si tu luttes comment comment ça va finir par
t'emporter : il n'y a pas de médicament ! » Sylvie (18 ans,
catholique, 1ère G1, réticente)
34 FASSIN Didier, L'anthropologie entre engagement et
distanciation. Essai de sociologie des recherches en sciences sociales sur le
sida en Afrique, Karthala, 1999, p51.
« On est sûr seulement qu'on va mourir ! Sinon parlant
même des ARV et consorts-là, ça ne va nulle part. Ce qui
est sûr, c'est le tombeau seulement. » Marcel (20 ans, catholique,
1ère G2, adhérent)
A cette confusion de l'information à l'origine de la
perception s'ajoute un élément subjectif non moins important,
également consubstantiel de cette catégorie de perception.
En effet, « la connaissance de son statut
sérologique impose en elle-même la recherche d'un traitement,
indépendamment d'une quelconque souffrance physique. »
35. Autrement dit, l'une des principales préoccupations en
face de la «maladie », c'est le désir de guérir. La
connaissance de son statut sérologique impose donc en elle-même ce
désir de guérison qui demeure cependant sans solution, du reste
pour le moment. C'est cette préoccupation qui apparaît dans cet
extrait d'entretien avec Rose (22ans, catholique, 2ème
année comptabilité, réticente) qui déclare ceci
:
« C'est vrai qu'on voit souvent à la
télé des associations qui proposent la prise en charge des
malades du sida. Mais pour moi ça ne resoud pas le
problème puisque ça ne guérit pas. »
L'écho direct de cette absence de traitement curatif
est alors la perception du traitement anti-rétroviral comme le
prolongement des souffrances des personnes infectées. En fait, c'est
toute la dimension chronique36 du SIDA qui est ainsi perçue
dans ces deux traits caractéristiques : la longue durée et le
problème de la gestion des implications sociales de la maladie
chronique. En effet, en tant que maladie chronique, «la personne
malade doit être appréhendée non seulement à partir
de sa trajectoire de maladie mais aussi de sa biographie personnelle dans
laquelle cette même trajectoire s'insère.
»37Autrement dit, la gestion du malade implique les liens
sociaux du malade, parents, amis, etc. autant que durera la maladie dans toutes
ses phases :
« Avec le sida tu vas souffrir, tu vas faire souffrir tes
parents, ton entourage, tes amis. Ils vont mettre beaucoup de capitaux mais
ça ne va rien donner, ça ne va rien changer. Ce qui est sûr
tu vas mourir. Mais si c'était une autre maladie, peut-être... Y a
des maladies qui durent comme ça mais c'est pas comme le sida ; tu vas
mourir pour les libérer aussi. Mais avec le sida, y en a qui sont
là, qui traînent mais on ne peut pas les laisser parce que il y a
les sentiments qui sont toujours là. Mais si c'est les autres maladies,
c'est mieux, tu vas même pas traîner. » Marcel (20 ans,
catholique, 1ère G2, adhérent)
« De toute façon tu va partir [mourir] un jour
(rire). C'est pas la peine de prendre les anti retro ou bien c'est quoi
là même ! Tu prolonges ta vie, tout le monde sera fatigué
de toi. Tu es là, tu ne meures pas, c'est pas cela ! De toute
façon tu ne vas même pas vivre. » Assita (20 ans, musulmane,
terminale E, adhérente)
35 VIDAL Laurent, Le silence et le sens. Essai
d'anthropologie du sida en Afrique, Paris, 1996, p29.
36 GODENZI Alberto, et al , 2001, pp 11-12 citant
BASZANGER Isabelle caractérisent la chronicité par la longue
durée mais surtout par le problème de la gestion quotidienne de
la maladie sur cette longue durée.
37 GODENZI Alberto et al, op.cit, p13
Ce qui fonde toujours une telle perception peut aussi être
l'ignorance des atouts actuels de la médecine. En effet, comme le
déclare Issa, psychologue : « iiy a aussi l'ignorance qui fait
que les gens croient qu'on ne peut pas soigner une
personne qui est malade. Jusque là beaucoup de gens
ont ce raisonnement-là alors qu'ils ne savent pas que aujourd'hui les
médecins sont formés, ils peuvent traiter les infections
opportunistes. Les gens ignorent les atouts de la médecinei
L'infection par VIH est perçue par certains
élèves comme la mort. Cette perception se fonde sur une confusion
entre soigner et guérir et une ignorance des possibilités
médicales actuelles.
II-3- l'incertitude de la confidentialité et de la
fiabilité du test
La fiabilité du test ainsi que la
confidentialité du résultat sont revenues dans une moindre mesure
dans certains discours qui les présentent comme incertaines.
II-3-1- La confidentialité du résultat
Dans le milieu scolaire, la confidentialité du
résultat n'apparaît pas comme la chose la mieux garantie. Cette
crainte de certains élèves n'est pas à négliger car
elle peut engendrer une méfiance du dépistage en milieu scolaire.
En effet, la question de la confidentialité est particulièrement
chère en milieu scolaire à cause de la peur de la réaction
des camarades. Elle semble d'autant plus fondée que Valérie (18
ans, catholique, 1ère G1, adhérent) rapporte ceci :
«Je n'ai pas fait ça [le dépistage]
à l'école ici. C'est peut-être la peur puisque je me disais
que c'est risqué d'aller m'arrêter avec les élèves
pour faire. Vous savez, les rumeurs-là ça courent hein ! Deux
jours après, on a entendu qu'il y avait parmi ceux qui ont fait, deux
séropositifs. Donc tout ça, ça fait que vraiment j'ai
préféré faire ça seule dans l'anonymat.»
En fait, la procédure de dépistage a failli au
post-conseil car la remise de certains résultats a été
confiée à la surveillance comme le rend ce témoignage :
« Les responsables du test ne pouvaient pas se promener
de classe en classe pour remettre les résultats. Comme j'étais
chef de classe, et quand je suis allé pour prendre mon cahier de texte,
on me fait comprendre que tous ceux qui ont fait le test de dépistage
peuvent passer prendre leurs résultats (...). A la surveillance,
c'était le surveillant général qui remettait ça.
» Salam ( 22 ans, musulman, 2ème année
topographie, adhérent)
Pourtant, le counselling ou conseil «devrait
obligatoirement accompagner [toute remise de résultat afin d'aider] la
personne dont le résultat est négatif à s'approprier
l'information, à prendre conscience de ses risques et à mieux se
protéger par la suite. En cas de séropositivité, cet
encadrement permet de
proposer une prise en charge précoce aux personnes
nouvellement contaminées. »38
En outre, dans un contexte toujours marqué par la
stigmatisation des personnes infectées et malades du VIH/SIDA, la
confidentialité du test sérologique demeure une
préoccupation majeure. Cette préoccupation qui existe dans le
milieu scolaire est bien reconnue par Ahmed (Président du cercle de
relai sida du LTO) qui déclare :
« Je me rappelle une fois, lors d'une activité de
sensibilisation, on avait demandé aux élèves de sortir de
la salle et de bien vouloir aller se faire dépister. Il y en a qui ont
dit que vraiment, ce n'est pas qu'ils ne veulent pas mais ils ont peur. Ils ont
peur de l'anonymat, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas sûrs que la
chose puisse être gardée de façon secrète. »
L'incertitude d'une garantie de la
confidentialité39 du résultat a été
présente dans le milieu scolaire du LTO et a déterminé
chez certains le comportement de refus.
II-3-2- La fiabilité du test
La fiabilité du test est aussi mise en cause dans le
milieu scolaire par certains élèves. Georgette (21 ans,
catholique, terminale G2, adhérente) témoigne ceci à
l'endroit de certains de ses camarades qui ont refusé le
dépistage :
« Ils n'avaient pas confiance en ce que les gars
là faisaient. Ils ont dis que tous ceux qui ont fait ça ici,
c'est pas sûr qu'ils ne sont pas positifs, que donc ils
préfèrent ne pas faire ça. »
Effectivement, il existe «la possibilité de
résultats faussement positifs accompagnés d'un traumatisme
psychologique »40. Une marge d'erreur possible sur le
résultat du test sérologique VIH est reconnue par le
Ministère de la Santé. Mais cet état de fait ne peut
être affiché comme une réalité récurrente.
Par ailleurs, la répétition41 du test
sérologique a aussi pour fonction d'éliminer tout doute en
confirmant ou en infirmant les résultats précédents.
Néanmoins, cette appréhension a été perçue
comme s'en plaint avec méfiance Amado (18 ans, musulman,
1ère F3, adhérent) qui a pourtant fait son test :
« Il y a d'autres tests qui viennent malheureusement avec
des erreurs ! Donc, c'est ça moi j'avais peur qu'ils fassent une erreur
et me coller quelque chose que je n'aimerai pas entendre. »
38 TRANSVERSAL, 'le journal des acteurs de la lutte
contre le sida', février-mars 2001, n°1, p16.
39 " SANOU Paul-Thomas précise que "la notion de la
confidentialité partagée [avec une tierce personne] se comprend
comme étant le partage de la confidentialité dans le cadre de la
prise en charge, qu'elle soit médicale ou psychosociale." In Le
dépistage et le conseil au sud du sahara, Paris, Karthala, 1997,
p172.
40 Ministère de la santé, Normes et
procédures. Prise en charge de l'adulte infecté, p8.
41 "En cas de difficulté
d'interprétation de la sérologie, le patient est
reconvoqué dans un délai de 2 à 4 semaines, pour un
nouveau prélèvement." Ministère de la santé, Normes
et procédures. Prise en charge de l'adulte infecté, p12
Bernard (18 ans, protestant, 1ère E,
réticent) lui, par exemple, estime que les conditions du test ne sont
pas bonnes et voit même une possibilité de se faire contaminer
:
« J'aime un travaille qui est fait dans de bonnes
conditions. Parce que ces gens, par déficit de seringues, ils peuvent
utiliser la même seringue pour te contaminer. »
Bien qu'étant apparue dans peu de discours, la
fiabilité du test est récusée dans le milieu scolaire du
LTO.
II-4- Au creuset de la peur
La peur est incontestablement le sentiment qui a le plus
habité la plupart de nos interviewés, adhérents comme
réticents.
II-4-1-La peur des réticents
Pour ceux qui ne sont pas parvenus à dominer leur peur,
la raison essentielle peut être le manque, la faiblesse ou une non
assimilation des informations relatives au dépistage ce qui n'a pas
changé les perceptions négatives sur l'infection du VIH. En
effet, comme le déclare Ahmed (président du cercle de relai sida
du lycée) :«l'un des facteurs qui semble être important,
c'est la sensibilisation. Si au niveau des établissements la
sensibilisation n'a pas bien porté, il va sans dire que les
élèves ne se décideront pas. L'approche est très
importante. Il faudrait faire comprendre aux élèves que c'est une
maladie comme toutes les autres maladies sinon ils auront une peur bleue
d'aller se faire dépisteri
Cette peur fait adopter par certains élèves une
attitude catégorique de refus du dépistage comme c'est le cas
chez Rose (22 ans, catholique, 2ème année
comptabilité, réticente) qui tient ce discours :
« Une fois que je découvre que je suis
séropositive, je me dis qu'aucun soutien ne pourra vraiment changer ce
qui est en moi. Peut-être que c'est parce que je n'ai pas encore fais le
test que je parle comme ça ; peut-être que c'est parce que aussi
je n'ai pas encore parlé avec des gens qui me fait penser comme
ça. En tout cas, pour le moment, c'est ma manière de voir les
choses. »
Chez d'autres réticents, l'attitude vis-à-vis du
dépistage est moins catégorique. En fait, le côté
avantageux du dépistage est perçu et la peur semble le dernier
rempart à franchir pour passer de l'attitude positive au comportement
concret. C'est dans une telle position favorable que se trouve par exemple
Narcisse (19 ans, catholique, 1ère G2, réticent) qui
déclare :
« J'avais peur ! Mais je pense que, qu'il y ait la peur
ou pas, je vais le faire parce que le dépistage c'est le seul moyen de
savoir si on a le VIH ou pas. Donc, qu'il y ait la peur ou pas, je crois que
c'est mieux de le faire. »
La peur a habité les réticents au
dépistage. Sa présence peut s'expliquer par une faiblesse de
l'information ou sa non-assimilation sur la nécessité du
dépistage.
II-4-2-La peur des adhérents
Si pour les réticents la peur se présente comme
l'obstacle à franchir pour aller au dépistage, les termes se
posent en l'envers pour les adhérents. En effet, pour ces derniers qui
sont allés au dépistage, la peur n'est pas au début mais
à la fin c'est-à- dire la période d'attente du
résultat mais surtout le face à face de l'annonce du
résultat, comme le résume ce propos : « C'est pas facile
! C'est plus facile d'aller faire son test que d'aller retirer son
résultat. Ça fait peur ! »
La période d'attente est présentée par
Robert (22 ans, catholique, terminale F3,adhérent) comme une
période d'angoisse à cause sans doute de l'inconnu qui s'imposera
pourtant en deux solutions possibles, positif ou négatif :
« Pendant la semaine d'attente, j'étais là,
je ne savais pas ce qui m'attendait au résultat mais au fur et à
mesure que les jours passaient, je m'habituais. »
Cependant, le summum de la peur est vécu au moment de
la connaissance du résultat comme le témoigne Djénabou (20
ans, musulmane, 2ème année CAS, adhérente) qui
raconte ce jour-là :
« Je ne savais pas qu'on peut avoir aussi peur que
ça. Je ne savais pas pour quelle raison j'avais peur. Mais, quand je
partais pour faire le test je n'avais pas peur. C'est pour prendre le
résultat que j'avais peur. Je suis arrivée, on m'a appelée
et je suis entrée seule. Quand je suis entrée, le gars il m'a
rassurée de ne pas avoir peur. Il m'a posé des questions et puis
ils m'ont donné l'enveloppe, j'ai ouvert, j'ai lu les résultats,
c'était bien (rire). Après il m'a donné certains conseils,
de continuer dans ma lancée, de ne pas faire des vagabondages [sexuels]
de me protéger, des trucs comme ça. »
La peur a été aussi le lot des adhérents
au dépistage. Elle se présente comme un sentiment fort ressenti
surtout au moment du face à face avec le résultat du test
sérologique VIH.
CHAPITRE III La faiblesse des connaissances sur la
prise en charge et les Limites de l'information
Dans les lignes qui suivent, nous traiterons de la faiblesse
des connaissances des élèves sur les possibilités de la
prise en charge. Cette faiblesse se saisie autour des possibilités
médicales, du coût des traitements et des mécanismes public
et associatif de la prise en charge. Mais avant de clore le chapitre, nous
essayerons de montrer les origines de cette faiblesse.
III-1-La possibilité de la prise en charge
médicale
Tous les interviewés connaissent l'existence de
traitement par ARV et la prise en charge médicale. Mais comme
précédemment montré, il subsiste une persistance des
perceptions négatives qui peut être par ignorance.
Pour appréhender cet état de fait,
intéressons-nous d'abord à la définition de la prise en
charge esquissée par certains élèves :
«Je crois que la prise en charge, par exemple il y a des
centres, au niveau des malades on prend des ARV». «La prise en
charge, c'est quand tu es malade et puis tu pars à l'hôpital on te
donne des médicaments, des ARV ou dans une association ; je crois que
c'est ça. »
Cette situation d'incertitude est générale
à tous les enquêtés. Néanmoins, dans cette
matière définitoire hésitante, les éléments
de définition caractérisent toutefois le moyen (ARV), le lieu
(hôpital ou association), et l'état biologique (malade).
III-1-1- L'état biologique
Les modalités de la prise en charge médicale
sont mises en oeuvre en fonction de l'état biologique d'une personne
infectée. De ce fait, la prise en charge médicale
«regroupe d'abord la prévention et le traitement des infections
opportunistes, ensuite la prise en charge même du sida par les anti-
rétroviraux dont la mise en oeuvre du traitement anti-rétroviral
et du suivi de ce traitement anti-rétroviral avec tout ce que cela
implique comme le suivi des effets indésirables, le suivi des rechutes
du traitement voire les complications liées au traitement, les
échecs de traitement. » Emile (médecin chargé de
la prise en charge médicale dans une association)
A la lumière de cette définition, l'examen du
discours de la plupart des élèves révèle qu'ils
prennent pour équivalents `séropositivité asymptomatique '
et `sida maladie', en témoignent ces deux exemples :
« Si tu fais le test et puis tu as le sida... »
« Si jamais je me lève pour aller faire, c'est pour
savoir si j'ai le sida ou pas... »
Or, de cette confusion découle une seconde qui est celle
entre `soigner' et `guérir' en témoignent également ces
bouts de discours :
« Le sida vraiment ! Compte tenu qu'on n'a pas de produit
qui puisse soigner... »
« Du moment que tu vas te mettre dans la tête que tu
as cette maladie qu'on ne peut pas soigner... »
C'est cette connaissance confuse qui conduit non seulement
à occulter la prévention et le traitement des infections
opportunistes mais surtout qui place d'emblée l'après-test
positif non pas comme la révélation d'une sérologie
positive contrôlable médicalement mais comme le sida commandant la
mise sous traitement ARV42. Pourtant, comme l'affirme Emile
(médecin chargé de la prise en charge médicale dans une
association) : «ce n'est pas seulement avec un test positif qu'on doit
bondir sur les médicaments. On fait d'abord un examen initial pour
mettre le patient dans une étape bien donnée et pour les patients
qui sont en très bonne situation, qui ont une immunité toujours
forte, on leur dit d'attendre. Mais, on leur donne un traitement
préventif pour éviter les infections opportunistes.
»
En tout état de cause, comme précédemment
montré, même le traitement ARV est perçu par certains comme
vain et ceci justement à cause de la confusion entre `soigner' et
`guérir' ; par ailleurs, le traitement ARV demeure inaccessible selon
nombre de discours recueillis.
III-1-2- Le traitement anti-rétroviral
La connaissance sur le traitement anti-rétroviral
accuse des limites par l'inactualité des coûts rendant de ce fait
la prophylaxie ou le traitement par ARV inaccessible :
« Si on remarque, il n'y a pas beaucoup de personnes qui
ont accès aux ARV. Donc je trouve que ça c'est parce que les
coûts sont élevés. » Syprien (20 ans, catholique,
terminale topographie, adhérent)
Cette déclaration présente le coût comme
l'obstacle à l'accès du traitement anti-rétroviral. Or la
source de connaissance sur ces coûts relève de l'imagination
personnelle puisant elle-même sa source dans l'information informelle et
imprécise comme le confirme ce propos de Robert (22 ans, catholique,
terminale F3, adhérent):
« Je pense, j'imagine comme ça ! Façon que les
gens parlent-là, je peux dire que les coûts sont chers. »
42 Les modalités de la mise en oeuvre du
traitement ARV ou pas selon la charge virale sont décrites à la
page 23 des Normes et procédures. Prise en charge de l'adulte
infecté, recommandées par le Ministère de la
Santé.
Or, dans la source informelle, l'information n'est pas
forcément au diapason des coûts actuels comme le
révèlent ces deux déclarations :
« On parle souvent de traitement, des
anti-rétroviraux comme ça. Mais il paraît que pour avoir
ces produits-là, il faut dépenser à peu près
200.000fcfa. » (Osée, 19 ans, catholique, terminale E,
réticent)
« Le coût des traitements, vraiment ! Les ARV,
j'aurais appris par des amis, je sais pas si les informations sont
fondées ou pas, que c'est cher, que ça dépasse en tout cas
les 500.000fcfa. » Amadou (18 ans, musulman,1ère F3,
adhérent)
L'inactualité de l'information rend donc toujours le
traitement ARV inaccessible du point de vue coût. Pourtant,
«actuellement, hormis les médicaments les plus récents
qui sont sortis, la plupart des médicaments utilisés dans le
monde sont disponibles au Burkina et la trithérapie la moins
chère coûte 12.000fcfa par mois et la plus chère doit
être entre 50.000-60.000 fcfa contrairement aux années 99-2000
où les traitements se payaient à coût de centaines de
mille, 200, 300, parfois 400.000 fcfa. » Emile (médecin
chargé de prise en charge médicale dans une association)
L'origine de la cherté des ARV remonte donc à
cinq ans et cette sous information peut susciter une réaction de
mépris comme le manifeste Assita (20 ans, musulmane, terminale E,
adhérente) :
« C'est qui même qui a mis en place les
anti-rétroviraux là- même ! Vous dites que vous voulez
aider les gens et puis avec un médicament qui coûte plus cher
même que... Mieux vaut mourir même que si tu ne sais même pas
[qu'il existe des médicaments]. »
La sous information sur le traitement par ARV présente
ce traitement comme inaccessible du point de vue du coût. Mais ça
serait voir la réalité de la sorte avec des «lentilles
grossissantes » car tout de même certains élèves
connaissent les avantages des ARV ainsi que les coûts actuels voire la
"gratuité des soins". C'est ce qui ressort de la déclaration
suivante de Narcisse, pourtant réticent au dépistage :
« Je sais que pour que la maladie ne se déclenche
pas, il faut se soigner. Je sais qu'il y a les ARV pour ça. Je sais que
maintenant ça doit être gratuit pour les malades. Donc, avec les
soins, on peut facilement contrôler la maladie puis ensuite si tu suis
les indications du médecin c'est facile de contrôler la maladie.
» Narcisse (19 ans, catholique, 1ère G2,
réticent)
Par ricochet, la notion des infections
opportunistes43 (et surtout leur prévention primaire et
secondaire ainsi que leur traitement ) ne sont pas non plus bien connues de nos
enquêtés.
43 La prévention et le traitement des
infections opportunistes sont synthétisés dans: Normes et
procédures. Prise en charge de l'adulte infecté par le VIH, pp
14-21.
Les infections opportunistes sont définies par Emile
(médecin chargé de prise en charge médicale) comme
« des maladies qui surviennent quand l'immunité de l'homme est
affaiblie. Et ce sont des maladies qui sont directement imputables au
VIH.»
Josiane à l'évidence semble ne pas ignorer ce
qu'elles sont mais c'est difficilement qu'elle parvient à en donner un
énoncé clair :
«Je sais mais je ne sais pas comment expliquer. Je pense
que c'est une maladie...puisque quand on est atteint su sida, l'organisme
s'affaiblit. Donc eh! On est exposé à plusieurs maladies.
L'organisme n'a plus de...le système de défense n'est plus du
tout ça. » (Josiane,19 ans, catholique, 1ère G1,
réticente)
C'est également avec peine et moindre précision
que Carine parvient à en donner l'esquisse suivante:
«Les infections opportunistes, je ne sais pas! Ça
ne serait pas les... quand par exemple la maladie [le sida] est
déclarée chez un malade du sida, ça ouvre les portes
à toutes les maladies.» Carine (18 ans, protestante,
1ère G2, réticente)
Toute mention de la prévention et du traitement
médicalement possible des infections opportunistes n'apparaît dans
aucun discours.
Le coût du traitement anti-rétroviral
apparaît pour la plupart de nos interviewés comme inaccessible.
Mais, certains ont une connaissance exacte du bénéfice des ARV et
son coût `social gratuit'(ceci demeure assez relatif selon les
catégories sociales). Concernant les infections opportunistes, les
interviewés ne parviennent tout juste qu'à une esquisse de leur
définition. Quel est l'état des connaissances des
élèves au sujet des mécanismes d'accès à la
prise en charge médicale ?
III-2- Les mécanismes d'accès à la
prise en charge médicale
« Où trouver les ARV ! Je me dis à
l'hôpital ou bien dans les associations de lutte contre le sida.
» Tous les interviewés le répètent, c'est
à l'hôpital ou dans une association de lutte contre le sida qu'ils
pourront trouver des ARV. Par contre, ce qu'aucun discours ne mentionne, c'est
comment accéder à ces médicaments ?
III-2-1- La faible connaissance des procédures de la
prise en charge publique
Au niveau public, on peut regrouper en quatre catégories
les structures de prise en charge médicale dite structures de gestion de
«file active » qui sont :
- les trois (3) Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) ;
- les neuf (9) Centres Hospitaliers Régionaux (CHR) ;
- les Centres Médicaux avec Antenne chirurgicale (CMA);
- et des structures spécifiques tels le centre de
traitement ambulatoire, la clinique El Fateh Suka, le centre médical
Saint-Camille, etc.
Comme le décrit Germaine (médecin chargé
du programme de prise en charge au CNLS : «théoriquement, le
patient dépisté séropositif est
référé, à son gré, à l'une de ces
structures par une fiche de référence et de contre
référence délivrée par la structure qui a
procédé au dépistage. Le patient (PVVIH) est alors
répertorié dans un registre de «file active » et une
carte de suivi lui est délivrée pour bénéficier de
la gratuité. »
Dans le fait, le patient répertorié contribue
mensuellement un forfait de 5.000fcfa pour les ARV et 3.000fcfa pour le bilan
de suivi. Mais il existe une possibilité d'exonération totale
pour le patient insolvable ; le mécanisme consiste en un certificat
d'indigent délivré par le CNLS et donnant accès
gratuitement aux
ARV et au bilan de suivi médical. Cependant, comme le
reconnaît Germaine, «iin'y a aucune
disposition particulière pour les élèves et des
difficultés résident
aussi dans l'enregistrement si bien que des patients
après avoir essayé en vain se découragent et abandonnent
».
Mais, en tout état de cause, ce mécanisme est
totalement méconnu de tous les enquêtés. Issouf (20 ans,
musulman, terminale E, adhérent) en donne la preuve :
« Selon moi en tout ça, c'est à
l'hôpital. Si tu es malade, tu peux pas rester à la maison puis te
soigner. Il faut que ce soit à l'hôpital. Tu vas aller voir ce
qu'on peut faire pour toi. »
Les propos suivants illustrent toujours cette
méconnaissance totale :
« Comment accéder à ces soins ! Je n'ai pas
beaucoup d'idées là-dessus mais ce que je pense, je crois que
dans certains centres hospitaliers je vois ces soins. » Amadé (19
ans, musulman, 1ère G2, réticent)
« Je ne suis pas informé. Peut-être en
emmenant le patient à l'hôpital, ils vont se débrouiller
làbas avec les traitements des docteurs et consorts-là. Sinon
d'autres moyens, je vois pas ; même s'il y en a , je suis pas
informé. » Marcel, (20 ans catholique, 1ère G2,
adhérent)
Le mécanisme public de la prise en charge
médicale est totalement absent des discours recueillis qui ne
mentionnent que des lieux et encore, de façon imprécise.
III-2-2- La faible connaissance des procédures de la
prise en charge associative
. Quant aux mécanismes associatifs, ils dépendent
de la nature même de
l'association. Ainsi, les associations, qui ont principalement
pour activité la prise en charge psychosociale, jouent le rôle
d'informateur en regroupant et en référant les membres
séropositifs et malades répertoriés aux structures de
prise en charge médicale dites les «files actives » ; elles se
contentent donc de l'éducation thérapeutique et de l'appui
à l'observance et n'assurent pas elles-mêmes le suivi
médical comme l'atteste Emile :
« Il y a des associations qui n'ont pas de
médecins mais qui réfèrent leurs malades dans les
hôpitaux et après ils les récupèrent pour faire le
suivi. Donc, tout le groupe de parole se fait au niveau de l'association et le
suivi médical se fait dans les hôpitaux . C'est là que les
associations jouent leur rôle : on met les gens en confiance, on les
rassemble, on leur donne l'information et on leur dit d'aller dans tel lieu
qu'il y a des médicaments. Donc, l'association fait son travail
d'accompagnement psychosocial, de suivi alimentaire et maintenant pour le suivi
médical on leur dit « allez-y dans telle structure ». »
Emile (médecin chargé de prise en charge médicale dans une
association)
Pour les associations de prise en charge médicale
proprement dite, elles sont en convention avec le Ministère de la
Santé et offrent en leur sein, à coût social, l'ensemble
des modalités de la prise en charge médicale tout en
intégrant des activités psychosociales.
Si les associations apparaissent comme une issue plus
favorable parce qu'elles intègrent les dimensions psychosociale et
médicale, des difficultés se posent néanmoins, notamment
l'accès effectif à la prise en charge. En effet, il arrive que
des patients répertoriés après un test positif ne
bénéficient pas de cette opportunité à cause de
certaines contraintes structurelles propres à l'organisation :
« Cette possibilité [la prise en charge effective
de toutes les PVVIH répertoriées] est limitée parce que
nous avons plus de 1500 personnes inscrites mais nous n'avons que 200 qui
prennent des ARV. Avec les perspectives qu'on a pour 2005, on va
peut-être atteindre 500 personnes mais pour le moment nous sommes
limités et à cause de cette limite nous sommes obligés de
sélectionner nos patients. » Emile (médecin chargé de
prise en charge médicale dans une association)
Bien qu'en tout état de cause également, le
constat demeure que l'information sur les mécanismes associatifs ne
ressortent pas des discours. Cette situation peut de prime abord s'expliquer
par des rapports distants entre les associations et les élèves
comme le montre ces déclarations :
« J'en connais pas. J'entends seulement parler qu'il y a des
associations sinon je ne connais pas une association. » Marcel (20 ans,
catholique, 1ère G2, adhérent)
« Selon ce que j'ai entendu, d'après les gens, il
y a des associations qui distribuent des ARV mais franchement je n'ai aucun nom
ni la localité d'un d'eux. » Syprien (20 ans, catholique, terminale
topographie, adhérent)
L'information sur les mécanismes public et associatif
de la prise en charge médicale peut tout simplement se résumer en
une situation donnée par ce propos :
« Ce que je sais des traitements ! J'entends seulement
parler de traitements juste pour calmer, pour ralentir mais vraiment je ne sais
pas par quelle acrobatie il faut passer pour avoir ces traitements. »
Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie,
adhérent)
Cette situation de méconnaissance des recours de
gestion (les structures et les mécanismes) de la
séropositivité, présente chez tous les
enquêtés, engendre en eux un état d'égarement bien
traduit par des expressions tels que :'comment j'allais me débrouiller',
`comment j'allais faire'. La gestion des aspects sociaux liés à
l'infection ainsi que la gestion médicale de l'infection elle-même
demeurent des questions posées et sans solutions pour les
élèves. C'est ce même constat que résume bien Ahmed
(président du cercle de relais sida au LTO) : «...quand on est
positif, comment on va se comporter, comment on va être pris en charge,
tout ça, c'est des équations que les enfants se posent. Ça
fait qu'ils ont une peur de la chose [le dépistage]i
Tous nos interviewés connaissent l'existence de la
prise en charge. Ils savent également que c'est dans une structure
sanitaire publique ou une association de lutte contre le SIDA que peut se
trouver cette prise en charge. Mais, comment y accéder ? Même si
l'accès effectif à la prise en charge connaît des limites
qui méritent d'être élucidées (mais ceci n'est pas
l'objet de notre étude) la question demeure posée.
III-3- Les origines de la faiblesse des connaissances des
élèves.
La faiblesse des connaissances sur la prise en charge,
générale à nos enquêtés, peut être
cernée par les limites de l'information autour de quatre points
essentiels permettant d'apprécier globalement la situation.
III-3-1-La faible fréquentation des structures
associatives de lutte contre le sida
Au sein de l'établissement, il existe un club sida
fonctionnel et dynamique selon Ahmed (Président du cercle de relais sida
) qui assure en outre «qu'ils sont déjà à
plusieurs activités et même qu'il est question d'installer ici
[LTO] un centre d'écoute pour jeunes dans le cadre du sida.
»
Pourtant, la surprise peut être la réaction de
certains élèves à l'évocation de ce sujet comme le
montrent ces deux réactions :
« Au lycée ici ! Au LTO ici, un club sida! Moi je
savais même pas. » Assita (20 ans, musulmane, terminale E,
adhérente)
« Donc l'information ne passe pas ! Je n'ai jamais entendu
parler ; depuis la seconde je suis là. » Elise (18 ans, catholique,
1ère G2, adhérente)
Cette surprise au sujet de l'existence d'un club sida au sein
du lycée est revenue dans plusieurs discours par des expressions : `je
ne savais pas', `jamais entendu', `je ne suis pas au courant'. En fait,
l'accessibilité à l'information est en partie tributaire de la
proximité de l'élève par rapport au bâtiment
administratif. En effet, les salles de cours de la section commerciale jouxtent
le bâtiment administratif, pôle de l'information, alors que celles
de la section industrielle en sont éloignées. C'est ce constat
qui est bien rendu par cet extrait :
« A l'école ici ! Je pense pas qu'il y a un club
sida ici. Même s'il y en a, vraiment moi je n'en sais pas. Je n'ai jamais
entendu parler. Parce que des trucs comme ça quand ça se
crée ici, ils passent dans chaque classe, ils présentent les
membres ; mais nous, comme on est un peu à l'écart, ils partent
là-bas [la section commerciale],
ils ne viennent jamais chez nous [la section industrielle].
» Issouf (20 ans, musulman, terminale E, adhérent)
La polarisation de l'information ne favorise pas son
accessibilité par tous les élèves. Toutefois, la
fréquentation de ce club, par ceux qui en ont l'information parmi nos
enquêtés, est quasiment aléatoire. Ce sont pareils discours
qui sont tenus :
« C'est pas que ça ne m'intéresse pas mais je
n'avais pas pensé à ça. Je n'ai pas encore pensé
à ça. » Natacha (20 ans, catholique, terminale G1,
réticente)
« Une fois j'ai participé à l'élection
du délégué, de la trésorière, depuis ce
temps-là je ne sais
pas quels genres d'activités ils mènent. »
Valérie (18 ans, catholique, 1ère G1,
adhérente)
« Non, je ne participe pas ; sauf tout dernièrement
ils ont fait une projection sur le sida, on est parti suivre. » Josiane
(19 ans, catholique, 2ème année comptabilité,
réticente)
Ce qui ressort des discours recueillis montre une
aléatoire participation aux activités ou simplement la
méconnaissance de l'existence de ce club. Par ailleurs, du point de vue
du contenu de l'information, «il s'agit d'activités de
sensibilisation sur les modes de transmission du VIH et les moyens de
prévention, la question du dépistage n'étant
abordée que par des structures qui interviennent de façon
ponctuelle. » Ahmed (président du cercle de relais sida du
lycée)
Ces structures, les associations de lutte contre le sida, ne
connaissent pas non plus une fréquentation « fervente » ;
Sylvie (18 ans, catholique, 1ère G1, réticente) a une
tante formatrice dans une association, elle déclare :
« C'est elle qui fait les formations sur les IST/SIDA mais
j'ai oublié le nom de leur association. »
Puis elle ajoute :
« L'association passe d'école en école. Ce
jour-là, il y avait plusieurs écoles; ils ont donné une
petite formation mais à part ce jour je ne suis pas encore allée.
»
La situation de rapports distants avec les structures
susceptibles d'apporter l'information juste et éclairante sur les
questions du VIH/SIDA en général et particulièrement
celles du dépistage volontaire apparaît comme une
réalité dans laquelle l'élève perd
l'opportunité de s'informer :
« Quand on faisait le test, il y avait une association,
c'est une association même qui
est venue mener les causeries avec les élèves
même. Une association qui se trouve aux cités 1.200 logements mais
vraiment je n'ai pas eu de contact avec eux. En réalité, j'ai un
peu oublié le nom de cette association. » Yvon (19 ans, catholique,
1ère E, adhérent)
« Il y a ALAVI qui fait le test de dépistage
régulièrement mais vraiment je ne sais pas quels soins ils
prennent. Je n'ai jamais eu l'occasion d'échanger avec eux comme
ça, savoir maintenant ce qu'il faut faire quand les gens sont atteints.
» Amadé (19 ans, musulman, 1ère G2,
réticent)
Cette association avec laquelle certains affirment n'avoir pas
eu de contacts est pourtant ALAVI, la structure même qui a
parrainé et animé la campagne de dépistage au LTO.
En fait, ce rapport distant des élèves avec les
structures de lutte contre le sida tient à l'altérité
négative qui rejette l'intérêt prioritaire à
accorder à ces structures, aux « autres » comme seuls
concernés par les questions du VIH/SIDA. Sandrine (infirmière au
LTO) reconnaît la prégnance de cette altérité
négative dans le milieu scolaire en ces termes :
« C'est la jeunesse, l'insouciance... comme on le dit,
ils se disent que ça n'arrive qu'aux autres, c'est pas nous d'abord.
»
Les premiers intéressés par des structures de
luttes contre le sida seraient donc les premiers concernés
c'est-à-dire les personnes séropositives ou malades du sida.
III-3-2- L'abstraction de l'information par les structures
associatives
En retournant la perspective, l'information allant de ces
structures aux élèves accuse aussi une limite car du point de vue
de son contenu elle n'éclaire pas sur les modalités et
mécanismes de la prise en charge qui est pourtant mise en avant pour
encourager au dépistage. L'information demeure abstraite,
imprécise quant à son contenu :
« Lors de la formation que j'ai suivie, on nous a dit que
non seulement il y avait des bons pour
le dépistage, il y avait des bons aussi pour la prise en
charge mais ils n'ont pas précisé »,
déclare Sylvie (18 ans, catholique,
1ère G1, réticente). Cette absence de précision
est également déplorée par Alexis en ces termes:
« On nous avait dit, lorsque tu étais
séropositif, on te prenait en charge pour les ARV et lorsque tu
étais négatif ça te permet toi-même de changer un
tant soit peu ton comportement. ( ...) Ils n'ont pas précisé tout
ça. Ils ont juste dit que si tu étais séropositif tu avais
une prise en charge. » Alexis (22 ans, catholique, 2ème
année comptabilité, adhérent)
Cette abstraction de l'information, nous l'avons
nous-mêmes constatée en observateur direct lors d'une
séance d'animation pendant la campagne de dépistage. En effet,
les animateurs ont focalisé la sensibilisation sur les modes de
transmission et les moyens de prévention du VIH avec des
démonstrations des aspects `pratiques et techniques' de l'utilisation du
préservatif masculin. Or « l'inefficacité relative des
actions d'information en milieu scolaire (...) semble provenir du fait que ces
actions abordent principalement et exclusivement les questions techniques de la
sexualité44 ». Ainsi, la question du
dépistage a été effectivement résumée
à : "il y a une prise en charge".
L'information par les structures de lutte contre le sida est
limitée. Le développement de l'altérité
négative conduit à un désintérêt
vis-à-vis de ces structures qui elles-mêmes ne livrent pas une
information concrète permettant une connaissance éclairée
sur la question de la prise en charge.
III-3-3-L'information limitée par le cercle des
pairs
L'information par le cercle des pairs accuse également
les mêmes limites. Elle ne touche pas directement la question du
dépistage car, comme nous l'avons montré
précédemment, l'ensemble des interviewés ignorent les
mécanismes de la prise en charge.
L'information dans le cercle des pairs se présente donc
dans les discours plutôt sous forme de discussions sur les modes de
transmission du VIH et les moyens de s'en prévenir. A ce titre, Rose (22
ans, catholique, 2ème année comptabilité,
réticente) et Elise (18 ans, 1ère G2,
adhérente) respectivement rapportent :
« Entre camarades, on discute seulement, on parle du sida...
C'est pas une bonne maladie, une maladie qui n'a pas de remède donc il
faut faire tout pour éviter cette maladie. »
44 ' Le journal du sida' une expérience pédagogique
au-delà de l'éducation sexuelle, n°42, août-septembre
1992, p38
« Presque tout le temps on parle principalement du sida,
des IST, comment les prévenir, est-ce que c'est possible de s'abstenir
jusqu'au mariage... Ce sont ces genres de choses-là. »
Lorsque les discussions touchent à la question du
dépistage, c'est en termes d'évaluation en avantage et
désavantage. Or le côté inconvénients apparaît
plus perceptible que le côté avantageux comme le rapporte ce
témoignage encore :
« Souvent d'autres disent que eux ils vont attendre le
mariage pour aller faire, comme ça c'est pour se marier en même
temps. D'autres sont là qu'ils vont faire,
s'ils font ça et puis ils sont malades, ils
préfèrent se suicider que de souffrir. » Sylvie (18 ans,
catholique, 1ère G1, réticente)
La nature (assez lacunaire) donc des discussions ne porte pas
essentiellement et de façon efficiente sur le dépistage. Par
ailleurs, ces discussions peuvent véhiculer des informations
erronées comme ce discours l'atteste :
« Souvent quand j'en parle avec des amis, ils donnent des
pourcentages. La fois passée on a parlé de 43% je crois ; la fois
passée on parlait de 43% de sidéens au Faso. » Bernard (18
ans, protestant, 1ère E, réticent)
Des informations erronées pouvant circuler entre
élèves est reconnue par Yolande (enseignante d'Economie Sociale
et Familiale au LTO et marraine du club ABBEF) qui déclare :
« Les élèves se donnent souvent des
informations qui sont fausses. J'ai des élèves qui m'ont dit que
les garçons ont dit que le sperme rajeunit, ça soigne le cancer
de sein... »
Dans le cercle des pairs, l'information peut être
limitée aux discussions portant sur la prévention du VIH, et
éventuellement sur une évaluation du dépistage, sans avoir
vraisemblablement une très grande incidence sur la connaissance des
enjeux du test sérologique VIH.
III-3-4-L'information limitée par le cercle
familial
Concernant l'information dans le cercle familial, elle ne se
rattache pas non plus directement au dépistage mais se présente
plutôt sous forme de conseils de prévention adressés par
les parents à l'endroit des élèves comme ce qui ressort de
ces extraits de discours :
« Mon papa, il n'est pratiquement pas à la maison.
C'est ça qui fait qu'on ne discute pas. La maman est là mais on
ne discute pas trop comme ça. Elle me donne des conseils, elle dit que
si on ne peut pas s'abstenir d'utiliser le préservatif. » (Josiane,
19 ans, catholique, 1ère G1, réticente)
« Avec les parents, tout ce qu'ils disent... On discute
pas pour longtemps hein ! Par exemple à travers la télé,
pour quelques cinq minutes ils ouvrent la page mais chaque fois ils
insistent...ils n'insistent pas à ce qu'on n'ait pas des rapports
[sexuels] mais ils insistent à ce que nos rapports soient toujours
protégés. » Amadé (19 ans, musulman,
1ère G2, réticent)
Il s'agit donc essentiellement de conseils dont la
prodigalité se fait souvent difficilement, l'opportunité
étant saisie par le biais d'émissions télévisuelles
; mais pour certains, c'est le silence à rompre comme le rapporte
Djénabou (20 ans, musulmane, 2ème année
communication, administration, secrétariat , adhérente)
« Je n'ai jamais essayé mais eux aussi n'ont
jamais essayé (rire). Faire le premier pas ! Non. Je crois que c'est
à mon papa de commencer à parler. C'est quelque chose qui est un
peu tabou. »
Cette difficulté de communication réside aussi
chez les parents. En effet la connexion directe du VIH/SIDA à la
sexualité45 rend la question difficile et comprendre cette
difficulté suppose d'élucider toute la question de la
socialisation sexuelle dans notre contexte.
Néanmoins, on peut faire appel à l'analyse de
Laurence WYLIE, dans autre contexte et époque, qui affirme que
«cette attitude devant les problèmes sexuels se reflète
dans l'éducation des enfants. Les parents ne parlent jamais de ces
questions à leurs enfants. Cela leur semblerait ridicule, inconvenant et
contraire à la pudeur d'expliquer les «choses de la vie »
à leurs enfants. »46 C'est ce constat que ressort
ce discours :
« C'est difficile ! Rarement. Sauf s'il y a un film qui
passe souvent, mais c'est comme ça , en un clin d'oeil. C'est même
pas... bon ! C'est la société africaine, c'est comme ça.
Rare de fois les parents parlent de sexualité à leurs enfants.
Ils éprouvent une gêne à ça et les enfants
mêmes ont peur de poser certaines questions aux parents. » Mohamed
(inspecteur du trésor, parent d'élève)
Cependant, aucune situation ne pouvant être vraie et
valable globalement à tous, cette situation de silence n'est pas
l'apanage de tous les parents. Madeleine (éducatrice sociale, parent
d'élève) tient en effet ce propos :
« Bon ! C'est une maladie qui est vraiment dangereuse,
donc il faut vraiment s'abstenir. Et puisque j'ai trois filles, elles sont
quand-même grandes, je discute avec elles du sida. La dernière,
elle a seize ans cette année donc elle n'est pas une petite fille.
Surtout, je mets l'accent sur l'abstinence. J'attire l'attention des filles
aussi, souvent c'est pas la faute des garçons... ` y a des filles aussi
qui vont provoquer des garçons, maintenant que il est en érection
vous ne savez plus quoi faire ! Donc, je leur dis d'éviter, quand on ne
veut pas avoir des rapports sexuels, on évite les circonstances
où il peut avoir des... ces excitations. Donc je leur explique comme
ça. »
Concernant le dépistage, elle poursuit en ces termes :
« Je me dis que si les élèves refusent,
c'est qu'ils ne connaissent pas, ils n'ont pas été
sensibilisés, ils ne connaissent pas réellement les avantages du
dépistage volontaire, ce que ça peut leur garantir. Si tu sais
que tu es séronégatif par exemple, tu vas prendre toutes les
précautions pour le rester, pour ne pas être dans la vague du
sida, de te protéger et protéger les
45 La sexualité telle que vue par BALANDIER
Georges, c'est-à-dire « un phénomène social total
» `Le sexuel et le social. Lecture anthropologique' In Cahiers
internationaux de sociologie, vol LXXVL, 1984, pp 5-19.
46 WYLIE Laurence, Un village du Vaucluse, Gallimard,
1979 édition augmentée, p144.
autres. Mais il y a aussi la peur ! Bon, avant comme il n'y
avait pas de traitements, c'était en tout cas être deux fois
sûr de sa mort.»
Mais, on peut pencher que le rôle des parents peut se
résumer en rôle de protection concordant avec le discours des
élèves c'est-à-dire que la plupart des parents peuvent
tout juste être limités à donner que des conseils de
prévention qui n'incluent pas le dépistage VIH :
« Je pense que les parents, c'est leur rôle
même ; c'est leur premier rôle même de pouvoir en tout cas
protéger leurs enfants et puis leur donner tous les conseils
nécessaires pour que, en tout cas ils se préservent de ça.
» Justine (institutrice, parent d'élève)
L'information par le cercle familial se présente plus
sous forme de discussions et de conseils sur les aspects de la
prévention saisie de façon opportune par certains parents au
cours d'émissions télévisuelles. Elle peut ne pas toucher
la question du dépistage et par connexion celle de la prise en charge.
Sa nature peut donc ne pas contribuer à donner à tous les
élèves une connaissance du dépistage et de la prise en
charge.
CHAPITRE IV Les déterminants au dépistage
et leurs influences
Le choix de comportement développé par nos
enquêtés peut être rendu compréhensible par la mise
en évidence de déterminants dont la vulnérabilité
de l'élève et les interactions favorables dans le cadre familial
ou celui des pairs.
IV-1-La vulnérabilité
La biographie sexuelle, vulnérable ou non
vulnérable par la présence ou l'absence de rapports sexuels
protégés ou non protégés influence le choix de
comportement.
1V-1-1- Les influences de la biographie sexuelle non
vulnérable
L'absence de tout rapport sexuel dans la biographie sexuelle
peut rendre la nécessité du dépistage injustifiable
à cause de la très forte connotation sexuelle de l'infection. En
effet, parmi les élèves qui n'ont pas fait le test de
dépistage, comme le rapporte Ahmed (Président du cercle de relais
sida au LTO), «il y en a qui disent carrément qu'ils ont un
comportement normal, ils n'ont pas à s'en faire. Ce qui est sûr
ils savent qu'ils ne sont pas atteints ; et ils ne sont pas atteints parce
qu'ils n'ont pas eu d'approches sexuelles. Donc ça fait qu'ils
préfèrent ne même pas venir. »
Ce discours, rapporté, est effectivement celui que
présentent certains réticents dont la biographie sexuelle est
vierge de tout rapport sexuel. C'est cela qui est clairement exprimé par
Carine (18 ans, protestante, 1ère G2, réticente) qui
bannit toute possibilité de contamination par la voie sexuelle :
« Dès le début, j'ai été
catégorique. Je lui [son amoureux] ai dit ce que j'avais choisi comme
méthode pour éviter... c'est pas seulement pour éviter le
sida et les IST ! Je pense qu'en faisant cela [rapport sexuel] avant le
mariage, cela va porter atteinte à ma paix intérieure. Donc, on
ne parle même pas de ça. C'est à bannir. Je suis sûre
à 99% que je ne suis pas atteinte. »
Il apparaît alors qu'une fois la principale voie
d'infection bannie, le risque comme probabilité d'infection en fonction
de la vulnérabilité sexuelle, est quasiment nul. Une
«légitime assurance » certaine contre le VHI est alors
développée, rendant du même coup le dépistage sans
nécessité : en effet, pourquoi chercher à connaître
sa sérologie si «l'on sait » déjà qu'on n'est
pas infecté ? C'est alors que le but proposé par le
dépistage devient nul.
La réduction de l'infection au seul aspect sexuel de la
transmission peut donc développer un refus du dépistage. La
nature de ce refus est une altérité négative consistant
ici à se disculper. C'est ainsi que Carine (18 ans, protestante,
1ère G2, réticente) poursuit en ces termes :
« En tout cas, ce qui est sûr je ne me
soupçonne pas (rire). Je veux dire que je n'ai rien fait qui puisse me
donner le sida. Donc, je ne me soupçonne pas d'avoir le sida. C'est pour
cela que je ne suis pas allée faire. »
En se réfugiant derrière cette
altérité négative `de refus', en fait, le contentement
n'est pas uniquement de se «blanchir » mais aussi et surtout de
culpabiliser la sexualité de «l'autre » :
« Tu sais ce que tu as fait avant d'aller faire le
dépistage. Donc moi je sais ce que j'ai fait ; je ne suis pas
pressé d'aller faire le dépistage »,
insinue Bernard (18 ans, protestant, 1ère E,
réticent).
« L'autre », celui qui accepte de se faire
dépister, c'est alors celui qui reconnaîtrait sa
vulnérabilité par la sexualité. Ce témoignage de
Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie,
adhérent) confirme cette altérité négative
présente chez les réticents immaculés de rapport sexuel
:
« A voir la manière dont le gars il explique les
choses, que lui il n'est pas une personne qui drague les filles, qui a des
rapports sexuels avec des filles, lui il n'a jamais des rapports sexuels avec
des filles... Il veut faire comprendre seulement que lui il n'a pas de rapports
avec les filles donc il ne peut pas être atteint. »
L'absence de rapport sexuel dans la biographie sexuelle est un
déterminant au dépistage sous-tendu par une
altérité négative qui accuse la sexualité de
l'autre comme la justification de son adhésion au dépistage.
Mais le cas inverse peut se produire. En effet, si la
biographie sexuelle vierge peut entraîner le refus, elle peut être
à l'origine aussi d'un comportement d'acceptation du dépistage.
Ce cas est le plus observé parmi les adhérents. Ce comportement
d'adhésion se trouve également soutenu par une
altérité négative dont l'expression est l'envers de
l'altérité négative conduisant au refus. Alexis (22 ans,
catholique, 2ème année comptabilité,
adhérent) en donne l'essence par ce propos :
« J'étais confiant. Je ne peux pas dire à
100% mais j'étais sûr que j'étais
séronégatif. Là où je pouvais douter,
c'était concernant les objets souillés ;mais sinon,
jusqu'à présent je n'ai pas encore connu de rapports sexuels. Ce
qui me mettait en confiance, qui me poussait en tout cas à faire le
dépistage. »
L'altérité négative d'adhésion
confère donc la même «légitime assurance » contre
l'infection. L'absence de vulnérabilité sexuelle inhibe aussi
presque
totalement le risque et tout comme dans le cas de refus,
l'altérité négative d'adhésion accuse
également «l'autre » d'être vulnérable sur le
plan sexuel et donc ayant une raison nécessaire de refus :
« Moi j'ai fait mon test ! moi j'ai pas peur là. !
C'est parce que tu sais que tu as fait quelque chose que tu as peur. Il y a des
élèves qui ont refusé de faire » ,
accuse clairement Assita (20 ans, musulmane, terminale E,
adhérente) .
` Je suis confiant', `je n'ai rien fait', `je n'ai rien
à me reprocher', `mon coeur est blanc' sont autant d'expressions
d'accusation qui se relèvent dans les deux cas de
l'altérité négative. Il se crée alors comme un
paradoxe de l'altérité négative :dans le cas de refus,
l'altérité négative consiste en ceci : « ceux qui
vont faire le dépistage ont un motif de doute qui est leur
vulnérabilité sexuelle. Je n'ai pas eu de relations sexuelles,
donc je ne vois pas pour quelle raison je ferai le dépistage » ; au
contraire, l'altérité négative d'adhésion affirme
ceci : « Il n'y a pas de raison que je refuse le dépistage puisque
je n'ai pas eu de relations sexuelles. Ceux qui refusent le test se reprochent
leur vie sexuelle ».
En réalité, ce qui apparaît comme un
paradoxe ne l'est pas. Il s'agit plutôt de l'expression unique et totale
de l'accusation (II-2-2). Comme on peut le constater, l'accusation de
déviance sexuelle apparaît clairement et de façon
réciproque entre élèves adhérents et
élèves réticents. Ce qui nous permet de conclure de
façon réaliste que l'accusation spontanée de la
sexualité de «l'autre », perçue par les
élèves et mise en oeuvre par eux également, est le reflet
exact de la perception populaire prégnante dans la
société.
En dernière analyse, nous constatons que parmi les
élèves qui présentent une biographie sexuelle non
vulnérable, les adhérents au dépistage ont un âge
oscillant entre 18 ans et 22 ans avec toutefois une concentration de
l'âge entre 20 et 22 ans. En observant l'âge de la minorité
non vulnérable réticente au dépistage, il varie entre 17
ans et 21 ans avec une concentration entre 18 ans et 19 ans. La tendance
globale est donc que les adhérents non vulnérables sont plus
âgés que les réticents. L'altérité
négative caractérisant le refus se lie donc beaucoup plus
à la jeunesse des enquêtés. Au contraire,
l'altérité négative caractéristique de
l'acceptation semble plus le comportement des plus âgés.
1V-1-2- Les influences de la biographie sexuelle
vulnérable
La vulnérabilité sur le plan sexuel ôte
à l'élève la «légitime assurance » contre
le VIH au contraire des cas précédents. La perte de cette
«légitime assurance » se comprend aisément, la voie
sexuelle se présentant comme le principal mode de transmission. Le
risque prend ici une valeur probable non
nulle, peu élevée ou élevée ; et
plus le risque sera évalué grand moins l'élève
vulnérable se sent assuré.
A ce titre, le cas d'Amadé (19 ans, musulman,
1ère G2, réticent) illustre à souhait cette
influence de la vulnérabilité. Il a déjà eu des
relations sexuelles non protégées avec de multiples partenaires
:
« Parfois c'est dans les show comme ça, moi je
suis un jeune, je m'intéresse au show. Donc parfois dans ça,
c'est des amies du quartier, on se rencontre, on échange, on finit par
s'engager dans la chose. Elles n'ont jamais dit qu'elles auraient dû
avoir des relations sans être protégées mais moi
particulièrement ça me venait instinctivement comme ça
d'avoir des relations [sexuelles] non protégées. Mais maintenant,
j'ai vraiment pris position pour ne pas risquer »,
raconte-t-il.
L'influence de cette vulnérabilité due au
multipartenariat sexuel, et aggravée par la non protection des rapports
sexuels se fait sans appel pour Amadé qui poursuit :
« C'était la peur. Je me disais que je n'allais
même pas faire le test jusqu'en ce moment. Le fait d'avoir eu des
rapports sexuels parfois protégés, parfois non
protégés, il y avait la crainte, la peur même tout en
sachant que c'est une maladie fatale. »
Ce même cas est celui d' Awa (19 ans, musulmane,
terminale G1, réticente). Elle a eu son premier rapport sexuel à
17 ans et a déjà connu deux partenaires sexuels et avec le
dernier, la protection n'a pas été observée. Elle confie
:
« Je ne suis pas confiant. J'ai eu une aventure non
protégée avec quelqu'un qui n'est pas vraiment du tout
conseillé. Je parle parce que j'ai appris que la personne n'était
pas... C'est quelqu'un qui n'est pas du tout tranquille, qui a beaucoup de
relations avec les filles ; le genre de pas du tout conscient pour ne pas dire
dangereux. »
La vulnérabilité sexuelle ne met donc pas
l'élève dans une position d'être motivé de faire le
test VIH car le risque prend une valeur probable élevée. C'est ce
que ce témoignage d'Alexis (22 ans, catholique, 2ème
année comptabilité, adhérent) achève de convaincre
:
« Par exemple l'année passée, parmi mes
amis, certains ont refusé de faire le test soi-disant qu'ils avaient eu
des comportements à risque et cela ça ne les mettait pas dans une
position d'être motivés de faire le test. Le plus souvent, ce sont
des rapports sexuels non protégés et avec des personnes que ces
personnes considèrent douteuses. »
La présence de la vulnérabilité sexuelle
peut conduire au refus du dépistage. L'élève perd la
« légitime assurance» conférée par la non
vulnérabilité sexuelle. Mais, en dépit de leur
vulnérabilité sexuelle, certains enquêtés ont
accepté le dépistage.
Ces cas observés ne sont pas nombreux. En outre, d'une
part il s'agit d'élèves ayant bénéficier
d'interactions favorables et d'autre part, il s'agit tous de rapports sexuels
protégés qui n'enlèvent donc pas totalement à
l'élève sa «légitime assurance » contre le VIH.
La valeur probable du risque dans ce cas est peu élevée. Le
dépistage fonctionne alors comme un moyen de recouvrer sa
«légitime assurance» en éliminant un doute minimal,
jugé quelconque. Valérie (18 ans, catholique,
1ère G1, adhérente) confie à ce sujet :
« Il n'y a pas ce jour-là où on a fait [des
rapports sexuels] sans préservatif »,
et elle poursuit :
« Chaque jour on voit à la télé,
dans ce pays, il y a tant de séropositifs, partout on parle de sida ; je
me suis dit pourquoi ne pas aller faire ton test pour voir ce que ça va
donner parce que on n'en sait jamais. J'ai fait et puis je suis
séronégative, donc ça me permet de positionner sur quelque
chose de précis. »
On peut aisément remarquer qu'elle voulait se rassurer
en éliminant définitivement tout doute sur la question de son
statut sérologique. C'est ce même besoin d'extirper le doute qui a
conduit aussi Djénabou (20 ans, musulmane, 2ème
année CAS, adhérente) au dépistage :
« En fait, je me suis dis : même si je me
protège, peut-être que j'ai pu l'avoir comme ça. Donc
ça fait que je voulais être sûre de moi. »,
déclare-t-elle.
La vulnérabilité due aux rapports sexuels non
protégés peut influencer négativement et conduire au refus
du test. Le risque est évalué élevé par le sujet
qui s'exclut de ce fait de l'aire de toute assurance. Mais en situation de
risque évalué peu élevé, (situation de moindre
vulnérabilité évidemment) l'acceptation du
dépistage apparaît comme une réassurance.
En examinant le comportement des élèves
vulnérables en fonction de leur âge et de leur sexe, les tendances
observées sont inverses aux cas des élèves non
vulnérables. En effet, les expériences vulnérables
apparaissent plus dans la biographie sexuelle des filles que des
garçons. Concernant l'âge, celui des réticents
vulnérables varie de 18 ans à 22 ans avec une concentration entre
19 ans et 21 ans alors que l'âge des adhérents vulnérables
court entre 18 ans et 20 ans. En situation de vulnérabilité, les
plus jeunes adhèrent alors que les plus âgés refusent le
dépistage.
Les facteurs favorisant cette vulnérabilité sont
multiples et divers. Les espaces sociaux des rencontres entre filles et
garçons sont préférentiellement le lycée et le
quartier sans un marquage de disjonction entre ces deux espaces car les
réseaux de sociabilité les lient. C'est cet
emboîtement des espaces de rencontres que livre le discours de
Djénabou (20 ans, musulmane, 2ème CAS,
adhérente) qui a rencontré son amoureux par l'entremise du
frère de celui-ci qui fréquentait la même classe
qu'elle:
« On s'est rencontré dans le quartier! Je faisais
la même classe que son petit frère, donc je partais chez eux, chez
son petit frère quoi! Là il m'a vue... c'est comme ça..
»
Les circonstances prisées par les élèves
pour leurs expériences amoureuses sont les sorties en boîte de
nuit, aux projections cinématographiques, et les nuits culturelles des
lycées. Valérie (18 ans, catholique, 1ère G1,
adhérente) rapporte:
« On est sorti, on est parti à la projection
cinématographique de notre école; et on est allé en
boîte tout dernièrement le 27 [avril 2005] à
côté »
Par rapport à l'origine sociale des
élèves vulnérables, nous ne pouvons qu'affirmer prudemment
qu'elle peut constituer un facteur déterminant de
vulnérabilité; en effet, le multipartenariat sexuel tout comme la
non protection des rapports sexuels sont des comportements présents
aussi bien chez des élèves d'origine sociale assez aisée
que chez des élèves d'origine sociale moins aisée. En
revanche, l'origine sociale assez aisée détermine chez les
garçons le choix de l'espace où ont lieu les rapports sexuels.
Issouf par exemple habite à la cité AN III mais pour ces
expériences sexuelles, il les vit chez ses amis qui ont leurs chambres
à l'extérieur du bâtiment des parents.
. « Moi je suis à la cité AN III.
Là-bas, bon! Dans les immeubles, pour amener une fille à
l'intérieur, c'est un peu compliquer »
. « Rarement [les rapports sexuels] en famille! De fois chez
des copains, des amis qui habitent en famille mais leurs chambres se trouvent
un peu à l'écart des parents quoi! »
. « ça se passe la plupart du temps la nuit. On
sort du maquis et puis on revient là-bas. Ça fait que les parents
sont couchés, soit peut-être ils ont voyagé. Ça fait
que les parents ne sont jamais au courant. » Issouf (20 ans, musulman,
terminale E, adhérents)
De même, Osée habitant la cité 1200
logements à vécu sa première expérience sexuelle
chez un de ses amis dont la chambre est extérieure au bâtiment des
parents:
. « Il se trouvait que bon! jusqu'à, c'est
l'année passée seulement que j'ai eu ma propre chambre. Donc, je
n'avais pas de chambre, au fait ma chambre était à
l'intérieur de la grande maison! Donc pour passer avec une fille la nuit
et puis entrer, ç'allait être trop dur. Donc je suis allé
chez un ami (...)qui a une chambre à l'extérieur. »
A parler proprement de l'utilisation du préservatif, il
y a chez certains élèves une persistance de comportements sexuels
(rapports sexuels) sans protection. C'est par exemple le cas d' Awa qui a
déjà eu plusieurs rapports sexuels sans protection:
. «Bon! Quelquefois, quelquefois mais bon! Une fois en
passant quoi! Mais c'est arrivé, c'est ... c'est pas arrivé
volontairement. C'est arrivé comme ça seulement quoi! Ça
n'a pas dépassé deux à trois fois. » ( Awa, 19 ans,
musulmane, terminale G1, réticente)
reconnaît-elle.
Cependant, d'autres semblent catégoriques sur la
question et n'envisagent pas des relations sexuelles non
protégées. Natacha affirme qu'elle romprait sa relation amoureuse
si l'utilisation du préservatif n'en est pas le " credo". Elle
confie:
. « Il n'a pas intérêt à se plaindre
hein! [d'utiliser le préservatif] Mon type, tu te plains on se laisse
hein! Moi je ne vais pas risquer ma vie : on se connaît à peine 9
mois, on ne peut pas se permettre de faire des choses comme ça [rapports
sexuels non protégés] . » (Natacha, 20ans, catholique,
terminale G1, réticente)
Toutefois nous pouvons penser, en ce qui la concerne, que sa
prise de position catégorique s'affaiblira avec le temps en fonction de
l'accroissement de son sentiment amoureux ( KOUAMA Théodore : 2002).
Effectivement, la raison qu'elle avance pour son comportement d'utilisation
stricte du préservatif semble se fonder sur le temps (connaissance
à peine de son partenaire) qui n'implique pas la connaissance de
l'état sérologique.
Le multipartenariat sexuel et les rapports sexuels non
protégés sont des comportements qui persistent chez certains
élèves d'où leur plus grande vulnérabilité
face au VIH/SIDA qui les conduit au refus du dépistage.
1V-2- Les interactions influentes
IV-2-1- Croisement de biographie avec un malade du sida
Le contact avec un proche parent malade du sida peut affecter
profondément l'élève et en être un
déterminant de son comportement. Sylvie (18 ans, catholique,
1ère G1, réticente) a été
bouleversée. Elle raconte au sujet de sa tante
décédée du sida :
« Elle était chez nous à la maison, puisque
quand elle est tombée malade, elle avait des enfants, comme elle ne
pouvait pas s'occuper de ses enfants, on a pris une autre personne pour
s'occuper de ses enfants ; elle était venue à la maison, il y
avait grand-mère puis nous aussi on était là. »
Elle retient de cette expérience vécue avec sa
tante malade des images douloureuses des souffrances chroniques :
« C'est grave ! Tu vis avec une maladie, tu sais que
coûte que coûte, quel que soit ce que tu vas faire, tu vas
mourir. Et puis, si seulement on meurt ! On sait que tout le monde va mourir
un jour, mais ça dépend de comment tu vas mourir. Si tu
mourais simplement sans souffrir ! Tu vas
passer ton temps à traîner, de temps en temps
ça va mieux, de temps en temps ça rechute ; tu va maigrir,
n'avoir que la peau sur les os comme on aime le dire. C'est trop de souffrances
! »
Mais à côté de ces souffrances, il y a
aussi l'expérience de l'impuissance de la médecine face à
la mort de sa tante laissant des orphelins. Elle poursuit tristement son
discours (au bord des larmes) :
« Les médicaments, elle en prenait beaucoup. Je ne
sais pas combien on a dépensé pour ça ? Quand on veut voir
les cartons de médicaments qu'on a achetés, c'est trop ! Moi je
vois à présent ses enfants, ils sont toujours petits. On les a
fait faire le test de dépistage, ils sont séronégatifs
mais qu'est-ce qu'ils vont devenir sans la maman à côté.
»
Ces mêmes effets du croisement de biographie sont
présents chez Amadé (19 ans, musulman, 1ère G2,
réticent). En effet, la vision des souffrances et de l'état
physique grabataire tout comme la médecine révélée
dans son impuissance se relèvent également dans son
expérience vécue aux côtés de son oncle malade:
« Il prenait des soins. Il avait vraiment, je peux dire
qu'il avait le maximum de soins parce qu'il avait un docteur à sa
disposition. Chaque fois il venait. Si c'est les soins,
il a eu les soins. Si c'est les soins qui devaient contribuer
au fait qu'il ne mourrait pas, il ne devait pas mourir. Ça je peux le
dire ! »
Il tire lui-même la conclusion d'une telle
expérience :
« Vraiment, c'est tout ça qui m'a vraiment fait
peur ; et puis ça m'a donné comme une leçon aussi. J'ai vu
comment la maladie se manifeste. J'ai vu vraiment que c'est une maladie, on
sent que tu souffres ; tu es vraiment dans une souffrance, tu traînes, tu
ne meures pas vite. Tout ça m'a fait peur. Ça me faisait vraiment
peur d'aller faire le test et puis savoir peut-être... »
L'aboutissement donc de l'expérience de tant de
souffrances sans issue vitale peut être la peur d'aller au
dépistage ou tout simplement aller à la rencontre de ce que l'on
connaît par expérience.
Cependant, il peut arriver le contraire. En effet,
l'interaction avec un parent malade du sida peut susciter aussi le désir
de connaître son statut sérologique. C'est le cas par exemple de
Tatiana (17 ans, catholique, terminale G2, adhérente) qui a vécu
près de son oncle malade :
« Je vivais avec un oncle qui avait le sida. Il est
décédé il n'y a pas longtemps. C'est que, quand quelqu'un
a le sida, je l'accepte comme tel. Il était tombé gravement
malade, sa femme est décédée, donc il était chez
nous à la maison. »
Et comme elle le précise, cela ne l'a pas
bouleversée négativement mais l'a emmenée au
dépistage :
« Moi ça ne m'a rien dit ! C'est à cause
même de tout ça que je suis allée faire mon test. »
Le croisement de biographie entre l'élève et un
proche parent malade du sida peut influencer favorablement ou
défavorablement son rapport au dépistage.
IV-2-2- La contrainte parentale
Elle se présente comme une conformité et est en
ce sens «le fait d'une discipline imposée.
»47par un membre autoritaire de la famille et qui l'impose
aux autres membres. Le choix de comportement individuel se retrouve
enrobé par une seule volonté influente d'adhésion au
dépistage. C'est donc cette volonté superlative qui produit
l'effet de coercition à l'origine de la conformité. Parmi les
interviewés, certains ont été sous cet effet.
C'est ainsi qu'Elise, membre de la Jeunesse Catholique pour la
Chasteté, (18 ans, catholique, 1ère G2,
adhérente) voit la volonté paternelle comme le contre poids
à sa propre volonté irrésolue face au dépistage.
Elle raconte :
« Comme on est une famille catholique, le papa a
décidé que toute la famille allait faire le test. Donc on est
parti ensemble faire le test. »
Mais, comme elle le reconnaît, la peur qui a
hanté ses camardes en face du dépistage au lycée avait
été sienne aussi et sans l'effet de coercition sur sa propre
volonté elle n'irait pas au dépistage :
« En tout cas beaucoup ont peur. Ils se disent que c'est
préférable de ne pas savoir.
C'est la peur surtout, c'est la peur ! Même moi,
peut-être c'est parce que c'était avec la famille, j'étais
un peu contraint sinon volontairement comme ça, c'est pas sûr
que
je serai partie faire le test. »
C'est cette même coercition parentale qui a conduit
Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie,
adhérent) à faire le test. Il confie d'abord :
« Au début d'abord, c'est le papa même qui
nous a obligés de faire le test. Le papa, à partir de ma soeur
qui fait la 3ème, l'an passé c'était elle et moi le papa a
obligés d'aller faire le test puisque les autres là ils
étaient jeunes. Le papa nous a obligés d'aller faire le test et
moi j'ai fait le test. Je ne voulais pas partir prendre le résultat
mais il m'a chauffé plusieurs fois et je suis
allé prendre le résultat mais c'était négatif. Je
suis venu le montrer et depuis lors, bon ! »
Et il ajoute :
« Vous savez, chez nous on est éduqué
à base du Coran. Ça fait que quand notre papa te voit avec une
fille même, il a cette réaction, c'est comme une
malédiction, il parle beaucoup. Ça fait que chez nous on n'est
pas bien placé pour fréquenter les filles. »
La contrainte parentale n'offre pas à
l'élève la possibilité de s'astreindre du
dépistage. La décision de faire le test VIH émane d'une
volonté transcendant la
47 MENDRAS Henri, Eléments de sociologie,
Armand Colin, Paris, 1996, p94 explique que la conformité peut
être enthousiaste ou le fait d'une discipline imposée.
propre volonté de l'élève qui adopte un
comportement y conforme. La religion apparaît comme le facteur
déterminant l'adhésion familiale au dépistage. La
conformité familiale semble alors s'ajuster elle-même à une
conformité idéale religieuse prescrivant un ordre sexuel
(abstinence, fidélité...).De ce fait, le registre
d'intérêt du dépistage (le but proposé par la
Santé Publique étant de connaître pour mieux ajuster les
comportements) peut glisser en moyen de contrôle de la sexualité,
le VIH se transmettant principalement par voie sexuelle.
Cependant, la coercition à l'origine de la
conformité peut aussi provenir d'un membre de la famille et dont le
statut socioprofessionnel a un rapport privilégié avec le champ
de la «santé ». A ce titre, Cader (19 ans, musulman, terminale
topographie, adhérent) tient ce propos :
« Le premier grand frère, c'est un docteur. Comme
lui-même c'est un docteur, donc il est venu faire le test pour tout le
monde. Tout le monde a fait, il n'y a pas eu quelqu'un qui n'a pas voulu.
»
Dans le cercle familial, l'interaction peut être une
contrainte favorable au dépistage.
IV-2-3- L'enthousiasme des pairs
Elle se présente sous forme d'effet
d'entraînement par le groupe de pairs. Sans cet effet, la propre
volonté de l'élève ne l'aurait pas décidé
à faire le dépistage comme le témoignent ces deux cas :
« Sans l'effet du groupe, c'est pas sûr que je
serais allé seul, parce que je peux dire que le courage m'aurait
manqué ; je me dis que c'est parce qu'on était nombreux. Comme on
est en groupe, on est motivé ; ça donne le moral. Sinon, si
c'était seul, ce n'est pas sûr que ce soit faisable. »
Syprien (20 ans, catholique, terminale topographie, adhérent)
« Les amis de classe, ceux à qui moi je
fréquente fréquemment, on est toujours ensemble. Eux en tout cas
ils sont partis et puis comme je ne voulais pas partir, donc ils m'ont dit
seulement : il faut venir, que y a rien, que c'est mieux, il faut
connaître son statut sérologique, que c'est bien. C'est ce qui m'a
amené à partir. En tout cas, mon courage ne me permettra pas de
partir. S'il n' y avait pas ces conseils là, je n'allais pas partir.
» Marcel (20 ans, catholique, 1ère G2,
adhérent)
Le soutien du groupe paraît orienter favorablement le
comportement individuel. En effet, dans la conformité «il faut
être soutenu par un groupe d'amis qui vous convainc qu'il n'y a pas de
raison d'avoir peur...»48
Mais, en fait, ce qui sous-tend la conformité, c'est la
peur de la réaction des pairs, en cas de non-conformité car comme
des élèves l'affirment : « ceux qui ont fait se moquent de
ceux qui n'ont pas fait ». Amadou (18 ans, musulman,
1ère F3, adhérent) en rend le témoignage
suivant :
48 MENDRAS Henri, Eléments de sociologie,
Armand Colin, Paris, 1996, p97.
« Je les [les réticents] ai montré le
résultat bien sûr ! C'était la moindre des choses pour leur
prouver en fait que c'était des « mouillards »49 .
Là où je suis, si on me demande : toi-même :ta
sérologie ? je suis capable de le dire. Mais eux, quand on va parler
dans une discussion du sida, eux ils seront persécutés. »
Moins donc que le bénéfice d'information pour
une adhésion enthousiaste, l'entraînement au dépistage
s'explique plus par le courage qui est une qualité à prouver,
préserver et conserver au sein de la sphère relationnelle car :
« certains sont venus se faire dépister par orgueil parce que
leurs camarades vont, eux aussi ils vont aller» précise Aline
(Surveillante et marraine du club FAWE du LTO). A ce sujet toujours, Robert (22
ans, catholique, terminale F3, adhérent) en donne le discours suivant
:
« Moi je ne voulais pas aller. Je les ai laissés
partir et puis entre temps, je ne me suis dis pourquoi pas ? Il faut aller
faire, ça fait partie du courage. Parce que moi je sais que celui qui
n'est pas courageux ne peut pas faire le test. Le courage- là, dire que
je suis courageux, je suis courageux, c'est en ce genre de test. Donc je les ai
rejoint après, on a fait le test. »
La conformité est présente dans le sous groupe
masculin alors que dans le sous-groupe féminin elle n'apparaît
pas. Ce constat peut être un reflet de la différence de
socialisation entre sexe qui induit une différence de comportement en
face d'une situation de risque en tant qu'événement probable
dangereux.
49 Dans le jargon scolaire, l'expression «
mouillard » désigne une personne qui fuit les situations
difficiles.
Conclusion
Le dépistage volontaire se présente comme un axe
stratégique dans la lutte contre le VIH / SIDA, ce qui a suscité
l'intérêt de l'étude.
Le choix d'adhésion au test sérologique ou de
son refus par les élèves du Lycée Technique de Ouagadougou
ne paraît pas forcément commandé par la possession d'une
information précise sur les enjeux de la connaissance de son statut
sérologique. Parlant d'avantages liés au dépistage, nos
interviewés ont une connaissance du bénéfice de
l'ajustement comportemental sexuel en cas de sérologie négative
ou positive et la mise en oeuvre du protocole thérapeutique est connue
mais sans réelles précisions.
Mais en ce qui concerne la prise en charge, la seule
connaissance à la fois sûre et incertaine qui apparaît pour
nos 33 enquêtés c'est qu' «il y a une prise en charge ».
Sûre, parce que la multitude50 des institutions des services
de conseil dépistage volontaire et de prise en charge en font le
leitmotiv de leurs discours pour une adhésion au dépistage ;
incertaine, parce que cette information demeure abstraite puisqu'elle ne livre
pas les modalités et les mécanismes de la prise en charge dont il
est tant question. Une certaine faiblesse de l'information est aussi due
à la fréquentation aléatoire sinon à
l'indifférence (du fait de l'altérité négative) des
élèves vis-à-vis des structures associatives ; aux niveaux
de la sphère relationnelle et familiale, l'information apparaît
également limitée.
Or, le dépistage volontaire en tant que moyen de
prévention commande un modèle de prévention fondée
sur la mise en oeuvre d'information à nature pédagogique entre
les émetteurs (institutions, pairs, parents) et les récepteurs
(élèves) afin que ces derniers puissent connaître les
avantages liés au test positif ou négatif et
particulièrement connaître les modalités et les
mécanismes de la prise en charge pour adhérer de façon
éclairée à la proposition de dépistage.
Par défaut, les avantages de l'après
dépistage sont moins perceptibles que les conséquences
négatives pouvant se lier à une sérologie positive. Ces
perceptibles conséquences négatives sont multiformes et
multidimensionnelles. La perception de cette mosaïque de souffrances, qui
se combinent en une seule réalité complexe de conflits entre
l'individu et lui-même et l'individu et son environnement social, a
apeuré aussi bien les élèves adhérents que les
élèves réticents au test VIH. C'est pour ainsi dire que
l'enjeu qui a sous-tendu les choix
50 Selon le Répertoire National des service de
conseil et dépistage volontaire et de prise en charge des PVVIH/SIDA,
CNLS-IST, juin 2003, le Burkina en compte 59 dont 18 à Ouagadougou. Mais
seules 7 structures assurent effectivement une prise en charge
médicale
de comportements se justifie ailleurs que dans le
bénéfice des possibilités d'une prise en charge d'autant
plus qu'elle n'est pas perceptible51.
Ainsi, la non-vulnérabilité conduit à la
fois à l'acceptation et au refus du test. Ce paradoxe est soutenu par
deux formes d'altérité négatives (altérité
négative d'adhésion et altérité négative de
refus) dont le trait commun est le développement d'une
«légitime assurance» contre le VIH en l'absence de risque.
Cependant, elles diffèrent par leur mise en oeuvre contradictoire avec
toutefois une même finalité qui est la mise en accusation de la
biographie sexuelle de « l'autre » comme son motif de refus ou son
motif d'acceptation. Sur l'ensemble des cas de biographie sexuelle non
vulnérable, la majorité des élèves ont
accepté le dépistage. Autrement dit, l'absence de
vulnérabilité sexuelle penche plus pour un comportement
d'adhésion, même si le contraire s'est produit chez d'autres (la
minorité) dû au développement de l'altérité
négative de refus.
La vulnérabilité conduit également soit
au refus du test soit à son acceptation. Dans le premier cas, la
vulnérabilité due aux rapports sexuels non protégés
ôte à l'élève la «légitime
assurance» contre le VIH du fait de la «sexualisation » de
l'infection, elle-même s'expliquant par la prééminence de
la transmission sexuelle sur les autres modes de contamination. Le risque prend
alors ici sa valeur maximale. La majorité des réticents
vulnérables avaient tous eu des rapports sexuels non
protégés. Dans le second cas, le dépistage fonctionne
comme une re-assurance, les rapports sexuels protégés
altérant la «légitime assurance » sans que le risque
soit élevé. Les adhérents vulnérables avaient tous
eu des rapports sexuels protégés. En clair, la plus grande
vulnérabilité sur le plan sexuel penche plus pour un comportement
de refus.
Concernant les interactions, le croisement de biographie de
certains élèves avec celle d'un malade du SIDA a laissé
les traces de souffrances chroniques et d'impuissance de la médecine.
Mais ce contact des vécus peut aussi enclencher chez d'autres le
désir de la connaissance du statut sérologique. Quant à
l'interaction favorable dans le cercle familial, elle se présente sous
une conformité positive et imposée qui enrobe l'évaluation
personnelle du dépistage et ôte ainsi la possibilité du
refus. L'interaction favorable dans le cadre relationnel des pairs, elle met en
jeu également une conformité positive prévalant au sein du
groupe de pairs et conduisant à l'adhésion au dépistage.
Mais cette interaction influente n'apparaît pas dans le sous-groupe
féminin.
51 « Au Burkina, nous avons besoin de mettre sous traitement
pas moins de 45.500 personnes, seules 2.700 ont actuellement accès aux
ARV. » RAME, `Le médicament' n° 005 juillet-septembre 2005,
p16
BIBLIOGRAPHIE
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méthodologiques
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prévention du sida'. In DOZON Jean Pierre, FASSIN Didier Critique de
la santé publique. Une approche anthropologique, Paris, Balland,
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DELAUNAY Karine, `Des groupes à risques à la
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pandémie'. In FAY Claude, Le sida des autres. Constructions locales
et internationales de la maladie. Paris, l'Aube, IRD, 1999, pp. 37-52
DOZON Jean Pierre, `Des appropriations sociales et culturelles
du SIDA à sa nécessaire appropriation politique. Quelques
éléments de synthèse'. In BECKER Charles, DOZON Jean
Pierre, OBBO Christian, TOURE Moriba, Vivre et penser le Sida en
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DOZON Jean Pierre, `Quatre modèles de
prévention'. In DOZON Jean Pierre, FASSIN Didier, Critique de la
santé publique. Une approche anthropologique, Paris, Balland, 2001,
pp. 23-46.
FASSIN Didier, `L'anthropologie entre engagement et
distanciation. Essai de sociologie des recherches en sciences sociales sur le
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Moriba, Vivre et, penser le Sida en Afrique, Paris, Karthala, CODESRIA
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FASSIN Didier, DOZON Jean Pierre. `L'universalisme bien
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`L'acceptabilité du dépistage, fonction des contextes'. In
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ANNEXES
Guide d'entretien individuel/ élèves
I- Identification
A- Profil socio-démographique
- Prénom
- Sexe
- Age
- Religion
- Classe (niveau d'étude)
B- Origine sociale
- Statut socioprofessionnel des parents ou tuteurs - Quartier de
résidence
II- Perceptions et informations sur le sida
A- Perceptions
- Ce à quoi renvoie le sida
· Peur
· Mort
· Rejet social
- Métaphores utilisées pour désigner le
sida
- Différence entre le sida et les «autres maladies
»
- Utilité et efficacité de la prise en charge
médicale
B- Informations
- Avantage du dépistage
- Connaissances de la prise en charge médicale et
psychosociale
· Gestion de l'annonce de la
séropositivité
· Gestion des infections opportunistes
· Gestion de la mise sous traitement ARV
- Connaissances sur les coûts du traitement
- Connaissances sur les structures publiques de prises en charge
médicale
- Connaissances des structures associatives de prise en charge
médicale et psychosociale - Fréquentations des structures
d'informations et de lutte contre le sida
III- Vulnérabilité ou expériences
précises vécues
A- Biographie sexuelle - Partenariat sexuel
· Identité du ou des partenaires
· Circonstances de rencontre
· Précautions prises lors des rapports sexuels
B- Autres expériences -
Antécédents de MST - Transfusion sanguine
IV- les interactions
A- interaction familiale
- Croisement de biographie avec une personne infectée
(malade) - expérience du dépistage par un membre de la famille
- conversations sur le sida/dépistage
- imposition du dépistage par une autorité de la
famille B- interaction relationnelle
- conversations avec les pairs sur le sida/dépistage -
adhésion ou refus des pairs
- influence des pairs sur la décision individuelle
Guide d'entretien individuel/ personnes ressources -
Guide d'entretien individuel/personnel du LTO
- Qu'est-ce qui explique le refus du dépistage volontaire
par des élèves ?
- Qu'est-ce qui explique la différence de comportement
entre élèves adhérents et élèves
réticents?
- Guide d'entretien individuel/chargés de prise en
charge médicale et psychosociale
- Qu'est-ce la prise en charge médicale ?
- Qu'est-ce que l'accompagnement psychosociale ?
- Quels en sont les avantages ?
- Quel est le mécanisme public de la prise en charge
médicale ?
- Quel est le mécanisme associatif de la prise en charge
médicale et psychosociale ?
- Guide d'entretien individuel/parents
d'élèves
- Discussion sur sexualité / VIH-SIDA avec les enfants -
Discussion du dépistage volontaire en famille
Extrait d'entretien
Sobriquet :Amadé Classe: 1ere G2
Age: 19
Religion : musulman
- Vous avez fait votre test ?
- Non, non. Pour le moment non. J'ai pas encore fait le test mais
je pense le faire un jour en tout cas.
- Au moment de la campagne de dépistage l'année
dernière vous étiez là ?
- Oui, c'était une journée exceptionnelle, une
journée très animée. Il y avait beaucoup
d'élèves. Moi-même je voulais faire le test mais la queue
était longue. J'ai essayé de m'aligner plusieurs fois, mon tour
n'était pas arrivé donc j'étais impatient. C'était
une belle journée ! on aimerait revoir ces journées-là
encore.
- Cela veut dire que vous êtes prêt à faire le
test alors ?
- Oui, moi particulièrement je suis prêt à
faire le test maintenant. Avant, j'avais peur pour certaines raisons ;
maintenant on est arrivé à me conscientiser, je suis
prêt.
- Quelles sont les raisons qui vous amenaient à avoir peur
?
- Bon ! les raisons qui m'amenaient à avoir peur de
faire le test... par exemple si je faisais , je sais que si je faisais et puis
j'obtenais un résultat positif ç'allait jouer sur ma vie. Le fait
même que suis élève, je continu le combat. J'allais perdre
beaucoup courage et en ce moment je pensais que tout mon combat c'était
pour rien maintenant. Parce que je savais qu'en ce moment d'un jour à
l'autre je pouvais mourir. Je n'allais pas avoir beaucoup de courage pour mon
combat encore. C'est ce qui me faisait peur. Bon ! Maintenant avec certaines
sensibilisations, je me dis que non ! Même si je fais le test et que je
trouve que je suis positif, c'est pas tellement une fatalité. Je peux
toujours continuer mon combat, c'est vrai il n'existe pas de remède pour
ça pour le moment mais il y a des soins et avec beaucoup de courage on
pense que y aura quelque chose contre ça un jour.
- Vous savez comment accéder à ces soins ?
- Bon ! Comment accéder à ces soins ? Je n'ai
pas beaucoup d'idées là-dessus mais c'est ce que je pense, je
crois que dans certains centres hospitaliers je vois ces soins. Mais je sais
pas s'ils sont à des coûts acceptables ou pas, mais je sais qu'il
y a ces soins dans certains centres en tout cas.
- Au niveau des associations, est-ce que vous avez des
informations concernant la prise en charge des malades ?
- Bon ! tout ce que je sais, je connais un certains nombre
d'associations, même dans un village eh ! à 25 Km ,
Tanghin-Dassouri ; ici, il y a une association , ALAVI qui fait
régulièrement le dépistage mais vraiment je ne sais pas
quels
soins ils prennent en charge ? Je n'ai jamais eu l'occasion
d'échanger avec eux comme ça et savoir maintenant ce qu'il faut
faire quand les gens sont atteints.
- Vous n'êtes pas au courant des possibilités de
prise en charge médicale et psychosociale ?
- Non. Tout ce que je sais, c'est que j'entends parfois dans
les radios, à la télé, qu'il y a des prises en charge pour
ça, c'est un combat, plusieurs pays luttent contre ça, donc ce
qui fait que des prises en charge ont été
élaborées. Mais je n'ai pas d'idées comme ça
là-dessus : comment ça se passe, je n'ai aucune idée. Tout
ce que je sais, je sais qu'il y a une prise en charge mais comment ils prennent
ça, je n'ai aucune idée.
- Est-ce que vous fréquentez une association ?
- Non, non. Je n'ai jamais fréquenté une
association comme ça. C'est dans les sensibilisations seulement, je
consacre mon temps juste quinze minutes, je m'arrête, j'écoute
comme ça et je continue. Mais je n'ai jamais fréquenté une
association avec beaucoup d'échanges davantage.
- Ça ne vous intéresse pas ?
- Bon : ça m'intéresse mais pour le moment... A
partir de maintenant si j'ai l'opportunité je pourrai me renseigner
beaucoup. Sinon avant ça ne ... je n'aimais même pas entendre
parler du sida. Vraiment ça me mettait en boule déjà.
- Pourquoi avant ça ne vous intéressait pas de
parler du sida ?
- Bon ! Avant ça ne m'intéressait pas comme
ça parce que peut-être tout ça c'était quoi ?
C'était la peur ! Je me disais que je n'allais même pas faire le
test jusqu'en ce moment mais je vais le faire maintenant. Avant, c'était
la peur, tout ça, le fait d'avoir eu des rapports [sexuels] parfois
protégés, parfois non protégés, il y avait la
crainte, la peur même tout en sachant que c'est une maladie fatale qui
ravage. C'était à cause de ça.
- Combien de fois vous avez déjà eu des rapports
sexuels non protégés ?
- Bon ! Une ou deux fois, mais actuellement, à partir
d'aujourd'hui je ne m'engage plus dans des rapports non protégés.
Je sais vraiment que le sida c'est vraiment une fatalité, ça
ravage de gauche à droite, je prends toutes mes précautions
maintenant. Je sais que si je ne suis pas atteint, s'il plaît à
Dieu je ne serai plus atteint quoi ! Je prendrai toutes mes
précautions.
- Avec combien de filles vous avez eu des aventures sexuelles
?
- Bon ! disons avec cinq filles comme ça.
- Vous vous êtes rencontrés comment ?
- Bon ! Parfois c'est dans les shows comme ça, moi je
suis un jeune, je m'intéresse aux shows. J'aime le show biz. Donc
parfois dans ça, c'est des amies du quartier, on se rencontre, on
échange, on finit par s'engager dans la chose.
- Et elles ont consenti à avoir des relations sexuelles
non protégés avec vous ?
- Bon ! Elles n'ont jamais dit qu'elles auraient dû avoir
des relations sans être protégées. Mais moi
particulièrement, parfois ça me venait instinctivement
comme ça, involontairement d'avoir des relations non
protégées ; ne pas avoir la maîtrise de sa personne
même. Mais maintenant, j'ai vraiment pris position pour ne pas risquer,
avoir des relations sans préserver.
- Vous habitez dans quel quartier ?
- J'habite au secteur 17, Pissy.
- Vous êtes avec vos parents ?
- Oui, je suis avec mes parents.
- Qu'est-ce que le père fait comme travail ?
- Il travaille dans une ONG, ma maman ne travaille pas, elle est
ménagère. - Vous avez des frères et soeurs ?
- Ouais, j'ai jusqu'à cinq petits frères et puis
deux grands frères, donc on est huit dans la famille.
- Qu'est-ce que vos grands frères font ?
- Bon ! Mes grands frères, tous les deux sont des
instituteurs ; mes petits frères, ils bossent toujours, moi aussi je
bosse toujours.
- Il vous arrive d'avoir des discussions sur le thème du
sida en famille ?
- Bon ! Parfois à travers la télé comme
ça, la radio, quand on entend parler on
essaye de discuter. Parfois, les grands frères
conseillent toujours : « vous
voyez que c'est une fatalité, ça tue, il n'y a
rien contre ça, donc chacun n'a
qu'à faire beaucoup attention pour que ça ne passe
pas par lui aussi quoi. » - Et avec les parents, vous discutez aussi ?
- Bon ! Avec les parents, tout ce qu'ils disent, on discute
pas pour longtemps hein ! Par exemple pour quelques cinq minutes, ils ouvrent
la page, mais chaque fois ils insistent, ils n'insistent pas à ce qu'on
ait pas des rapports [sexuels] mais ils insistent toujours à ce que nos
rapports soient toujours protégés quoi.
- Est-ce que quelqu'un dans votre famille a déjà
fait son test ?
- Oui, mes deux frères, ils ont déjà fait le
test.
- Et vos « potes » ?
- Certains amis ont fait leur test l'année
passée. Ils ont reçu tous un résultat négatif.
Ça m'a encouragé même un peu plus. S'ils peuvent le faire,
moi aussi je peux prendre mon courage et puis le faire.
- Est-ce que vous avez des mots pour désigner le sida ?
- Parfois on remplace ça par « la maladie de la
jeunesse », « la maladie qui ravage », « la fatalité
» On aime vraiment prononcer des mots comme son nom l'indique, le sida.
Certains disent «la chose » ; par exemple, on dirait qu'une telle
personne souffre de la «chose-là »
- Est-ce que vous avez déjà été en
contact avec un malade du sida ?
- Malheureusement, actuellement il n'est plus là, il est,
il y a une année de cela
il est parti. Mais on essayait de l'encourager ; il ne perdait
pas courage en
tout cas. Mais malheureusement, il est parti, il n'est plus.
- C'était un proche à vous ?
- Oui, c'était un parent proche à moi.
- Et ça se passait comment en famille ?
- Bon ! En fait dans la famille on arrive tous à le
comprendre ; vraiment il n'y avait pas de problème en famille comme
ça. La famille, en fait, moi je vis dans une famille
alphabétisée, pas une famille, vous savez parfois dans les
familles qui n'ont pas l'école en tant qu'il est malade chacun le fui,
aucun ne veut l'approcher, personne ne veut manger avec lui... C'était
pas le cas en famille ; tout le monde arrivait à le comprendre, on
savait que c'était pas en causant avec lui comme ça, en essayant
de le moraliser [relever le moral] qu'on allait être contaminé.
- Et quand vous causez avec lui, qu'est-ce qu'il disait sur sa
maladie ?
- Franchement quand on causait, lui-même il
répétait qu'il savait qu'un jour il allait mourir, bon ! et puis
dans sa causerie il faisait parfois pitié. Dans sa causerie il faisait
vraiment ressentir qu'il savait qu'il allait mourir d'un jour à
l'autre.
- Et c'est en quel moment il a accepté vous dire qu'il
était séropositif ?
- Bon ! Vraiment, moi principalement, il ne m'a jamais dit
ça. C'est à travers ses paroles parfois j'arrivais à
constater ça ; et puis on connaît les signes que ça
manifeste ; et puis quand ça devient grave tout le monde connaît
les signes que ça développe.
- Il n'a pas fait un test pour confirmer ?
- Peut-être qu'il a fait un test mais ça s'est
passé entre les autorités de la familles ; vous savez, nous, on
n'a pas été en contact tout ça.
- Il était marié ?
- Il n'était pas marié d'abord. Il était
célibataire. C'était quelqu'un, son travail lui permettait pas de
se marier. Il voyageait dans les pays, il allait au Ghana, même en Europe
parfois. C'était en quelque sorte un homme d'affaire quoi ! Donc,
ça fait qu'il n'était pas encore marié.
- Il a quel lien de parenté avec vous ?
- C'était mon oncle..
- Il était jeune ?
- Il avait environ 30 ans comme ça.
- Au moment de la campagne de dépistage l'année
dernière, il était toujours là ?
- Il était toujours là mais sa santé
était devenue très critique. Il se sentait gravement malade, on
attendait maintenant... parce que en ce moment-là, pour qu'il se
relevait ç'allait être dur. On sentait qu'il était vraiment
fatigué quoi. Il était fatigué.
- Est-ce que cette situation de contact avec un malade a
influencé votre refus d'aller faire le test ?
- Oui, vraiment, c'est tout ça qui m'a vraiment fait
peur ; et puis ça m'a donné comme une leçon aussi. J'ai vu
comment la maladie se manifeste, j'ai vu vraiment que c'est une maladie, non
seulement la personne est amenée à mourir un jour mais c'est une
maladie, on sent que tu souffres ; tu es vraiment dans une souffrance quoi ! et
tu traînes, tu ne meures même pas vite. Tout ça
m'a fait peur, ça m'a conscientisé de prendre
davantage de précautions et puis ça me faisait vraiment peur
d'aller faire le test et puis savoir peut-être... Si je suis
séronégatif, ça va ! Mais si je suis séropositif,
ç'allait me décourager. Mais maintenant, j'ai enlevé cette
peur-là, cette crainte-là de moi ; je me suis dis je vais faire
le test et dans tous les cas je pense que je suis séronégatif.
Dans les jours avenir, si je gagne un laps de temps seulement, je vais le
faire.
- Est-ce que votre oncle prenait des soins ?
- Oui, il prenait des soins. Il avait vraiment, je peux dire
qu'il avait le maximum de soins parce qu'il avait un docteur à sa ...
chaque fois il venait. Si c'est les soins, il a eu les soins. Si c'est les
soins qui devaient contribuer au fait qu'il ne mourrait pas, il ne devait pas
mourir ! Ça, je peux le dire !
- Il le faisait avec l'aide de la famille ou avec ses propres
moyens ?
- Bon ! C'était avec l'aide de la famille puisque bon !
Quand quelqu'un est malade comme ça, c'est ce que je vous disais,
c'était un homme d'affaires ; toutes ses affaires étaient
bouchées, il n'avait plus d'argent comme ça, donc c'est la
famille qui le supportait.
- Vous l'avez déjà une fois accompagné
à l'hôpital ou dans un centre ?
- Moi, je l'ai jamais accompagné à l'hôpital
? Tout ce que j'ai vu, il était à la
maison il était devenu faible et il ne pouvait plus
sortir ; le docteur venait à la
maison.
- Vous discutez souvent de ça avec vos amis ?
- Oui, parfois on discute. On se donne des conseils pour
vraiment échapper à ça. - Et vos amis qui refusent de
faire le test, qu'est-ce qu'ils avancent comme raisons ?
- Bon ! ils avancent comme raisons, la peur, la crainte
d'aller faire et de constater qu'ils sont séropositifs ; et dans ce cas,
ils ne pourront pas continuer la vie quoi ! Leur durée de vie sera
réduite parce que en ce moment ils pensent qu'ils sont amenés un
jour à mourir ; ils ne pourront plus continuer leur combat, ils seront
découragés. Ils se disent qu'en faisant le test, le
résultat du test ne peut pas les empêcher de ne pas mourir ; selon
eux, faire le test, ne pas faire le test, c'est la même chose. Et selon
eux, la meilleure solution c'est de ne pas faire parce qu'en ne faisant pas, on
n'a pas de doute, on a toujours confiance en soi.
- Vous savez comment on procède, quand on est
déclaré séropositif, pour accéder aux soins ?
- Quand on est déclaré séropositif, il
faut immédiatement contacter un centre médical ou une association
qui s'occupe... dont le projet a pour but d'aider les gens atteints du VIH
parce qu'ils auront les soins à te diffuser qui ne seront pas trop
chers, parfois des produits gratuits même que tu pourras prendre.
Profil des interviewés Population cible
(élèves)
Variables Identification
|
sexe
|
âge
|
religion
|
classe
|
Comportement
|
Josiane
|
Féminin
|
19
|
Catholique
|
1ère G1
|
Réticente
|
Sanatou
|
Féminin
|
21
|
Musulmane
|
2ème AC
|
Réticente
|
Amadou
|
Masculin
|
19
|
Musulmane
|
Terminale F1
|
Réticent
|
Djénabou
|
Féminin
|
20
|
Musulmane
|
2ème CAS
|
Adhérente
|
Natacha
|
Féminin
|
20
|
Catholique
|
Terminale G1
|
Réticente
|
Awa
|
Féminin
|
19
|
Musulmane
|
Terminale G1
|
Adhérente
|
Rose
|
Féminin
|
22
|
Catholique
|
2ème AC
|
Réticente
|
Béatrice
|
Féminin
|
18
|
Catholique
|
1ère G1
|
Réticente
|
Valérie
|
Féminin
|
18
|
Catholique
|
1ère G1
|
Adhérente
|
Sylvie
|
Féminin
|
18
|
Catholique
|
1ère G1
|
Réticente
|
Léonard
|
Masculin
|
21
|
Catholique
|
Terminale G2
|
Réticent
|
Balkissa
|
Féminin
|
20
|
Musulmane
|
Terminale G1
|
Adhérente
|
Amadé
|
Masculin
|
19
|
Musulman
|
1ère G2
|
Réticent
|
Elise
|
Masculin
|
18
|
Catholique
|
1ère G2
|
Adhérent
|
Narcisse
|
Masculin
|
19
|
Catholique
|
1ère G2
|
Réticent
|
Lauraine
|
Féminin
|
20
|
Catholique
|
Terminale G2
|
Réticente
|
Salam
|
Masculin
|
22
|
Musulman
|
2ème AT
|
Adhérent
|
Alexis
|
Masculin
|
22
|
Catholique
|
2ème AC
|
Adhérent
|
Georgette
|
Féminin
|
21
|
Catholique
|
Terminale G2
|
Adhérente
|
Robert
|
Masculin
|
22
|
Catholique
|
Terminale F3
|
Adhérent
|
Carine
|
Féminin
|
18
|
Protestante
|
1ère G2
|
Réticente
|
Marcel
|
Masculin
|
20
|
Catholique
|
1ère G2
|
Adhérent
|
Tatiana
|
Féminin
|
17
|
Musulmane
|
1ère G2
|
Adhérente
|
Issouf
|
Masculin
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20
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Musulman
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Terminale E
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Adhérent
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Assita
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Féminin
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20
|
Musulmane
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Terminale E
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Adhérente
|
Osée
|
Masculin
|
19
|
Catholique
|
Terminale E
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Réticent
|
Ernest
|
Masculin
|
19
|
Catholique
|
Terminale F1
|
Adhérent
|
Amadou
|
Masculin
|
18
|
Catholique
|
1ère F3
|
Adhérent
|
Yvon
|
Masculin
|
19
|
Musulman
|
1ère E
|
Adhérent
|
Bernard
|
Masculin
|
18
|
Protestant
|
1ère E
|
Réticent
|
Paul
|
Masculin
|
21
|
Catholique
|
2ème AC
|
Réticent
|
Cader
|
Masculin
|
19
|
Musulman
|
Terminale T
|
Adhérent
|
Syprien
|
Masculin
|
20
|
Catholique
|
Terminale T
|
Adhérent
|
Envoyer
Personnes ressources
Sandrine
|
Infirmière d'Etat / infirmière au LTO
|
Ahmed
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Proviseur/Président du cercle de relais sida du LTO
|
Aline
|
Surveillante/marraine du club FAWE du LTO
|
Emile
|
Médecin chargé de prise en charge
médicale/association
|
Yolande
|
Enseignante d'économie sociale et familiale/marraine club
ABBF du LTO
|
Issa
|
Psychologue chargé de l'accompagnement
psychosociale/association
|
Germaine
|
Médecin chargé de prise en charge/CNLS-IST
|
Mohamed
|
Inspecteur du trésor/ parent d'élève
|
Madelaine
|
Educatrice sociale/parent d'élève
|
Justine
|
institutrice/parente d'élève
|
|