Nancy-Université Formation Continue
Le projet collectif de la Mini-Entreprise au sein
de l'E2C d'Epinal
Répond t-il aux attentes,
en termes d'apprentissage, pour ce type de public
?
Mémoire professionnel présenté dans le
cadre du Titre : « Formateur D'adultes »
Guidant: Michel IGNASIAK
Jean Christophe VILATTE Année Universitaire 2009 /
2010
Remerciements
Je tiens à remercier l'ensemble des formateurs de
Nancy-Université Formation continue pour ce joli voyage qu'a
été la formation du « TFA ». Titre de
Formateur d'Adultes.
Petite pensée pour Catherine GRENON qui m'a
consacré une partie de son temps dans mes recherches d'ouvrages.
Je tiens également à remercier les formateurs et
ma tutrice pour m'avoir intégré et accompagné tout au long
de ma période de stage au sein de l'E2C d'Epinal (88)
Pour finir, je remercie mon guidant Jean Christophe VILATTE,
pour son accompagnement, sa disponibilité et ses précieux
conseils qui m'ont permis de réaliser ce mémoire et donc, de
clôturer ce joli voyage.
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE
5
CHAPITRE 1
8
1 MON HISTOIRE
PROFESSIONNELLE ET MON ORIENTATION EN TANT QUE FORMATEUR
8
1.1 MON PARCOURS
8
1.2 ORIENTATION PROFESSIONNELLE NUFC (NANCY
-UNIVERSITÉ FORMATION CONTINU.)
9
1.3 SITUATION DE
RÉFLEXIBILITÉ
10
1.4 DISPOSITIF ET ORIENTATION
10
1.5 MON RENDEZ-VOUS AVEC LA RESPONSABLE DE
FORMATION DU NUFC
11
2 LE CONTEXTE
INSTITUTIONNEL DE MON TERRAIN DE STAGE
12
2.1 L'ÉCOLE DE LA DEUXIÈME
CHANCE (E2C) EN FRANCE
12
2.2 RAPPEL HISTORIQUE DE L'E2C.
(EXTRAITS DES DOCUMENTS QUI M'ONT ÉTÉ REMIS PAR MA
TUTRICE)
12
2.3 LES OBJECTIFS DE L'E2C
13
2.4 LE FONCTIONNEMENT
13
2.5 L'ORGANISATION
14
3 L'E2C À
EPINAL (VOSGES OUEST 88)
14
3.1 HISTORIQUE
14
3.2 ORGANIGRAMME DE L'E2C D'EPINAL
15
3.3 L'ACCUEIL ET LE PARCOURS DES PUBLICS
15
3.4 ELÉMENTS STATISTIQUES DE L'E2C
À EPINAL VOSGES OUEST 88 (SOURCES 2009 E2C EPINAL)
17
3.5 PROFIL ET NIVEAU DU PUBLIC DE L'E2C
D'EPINAL
17
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
19
CHAPITRE 2.
20
4 LE PROJET DE LA
MINI-ENTREPRISE AUTOUR D'UNE PÉDAGOGIE DE PROJET
20
4.1 HISTORIQUE DU PROJET DE LA
MINI-ENTREPRISE
20
4.2 LES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
PRESCRITS
21
4.3 DESCRIPTION DU PROJET ET SON GUIDE
PÉDAGOGIQUE DE MISE EN oeUVRE
21
4.4 MON RÔLE ET MES PREMIÈRES
OBSERVATIONS DANS CE PROJET EN TANT STAGIAIRE EN FORMATION À L'E2C
D'EPINAL
22
5 PROJET ET
PÉDAGOGIE QUELLE DIFFÉRENCE ?
26
5.1 LA PÉDAGOGIE
26
5.2 LE PROJET
27
5.3 LA PÉDAGOGIE DU PROJET
28
5.4 LE PROJET PÉDAGOGIQUE
33
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
35
CHAPITRE 3
37
6 LA CONSTRUCTION
MÉTHODOLOGIQUE DE L'OBJET DE MON ÉTUDE
37
6.1 HYPOTHÈSES NAISSANTES
37
6.2 L'APPROCHE DE MA PROBLÉMATIQUE ET
MES PREMIÈRES QUESTIONS
37
6.3 FORMULATION DE MA QUESTION DE
DÉPART
38
6.4 LA RÉALISATION DE MON GUIDE POUR
L'ENTRETIEN EXPLORATOIRE
39
6.5 ANALYSE DE L'ENTRETIEN EXPLORATOIRE
41
6.6 EVOLUTION DE MON QUESTIONNEMENT
43
7 RECUEIL DE
DONNÉES OUTRE MES ENTRETIENS
44
7.1 RÉALISATION DE MON GUIDE
D'ENTRETIEN
44
7.2 MÉTHODE D'ANALYSE DE MES
ENTRETIENS
46
CONCLUSION DU CHAPITRE 3
48
CHAPITRE 4
49
8 LE PROJET DE LA
MINI-ENTREPRISE DU POINT DE VUE DE L'INSTITUTION
49
8.1 COMPRENDRE LES RAPPROCHEMENTS ENTRE LES
INSTITUTIONS
49
8.2 UNE RENCONTRE, UN PROJET, DES ENJEUX
51
8.3 LES OBJECTIFS D'APPRENTISSAGE
VISÉS PAR L'INSTITUTION ET SES LIMITES
53
9 LA MISE EN oeUVRE
DU PROJET ET L'APPRENTISSAGE AU SEIN DE L'E2C
61
9.1 LES DIFFICULTÉS DE LA MISE EN
oeUVRE DU PROJET
61
9.2 LE PROJET RESTE TROP SCOLAIRE ET PREND
TROP DE TEMPS SUR LE PARCOURS DU STAGIAIRE
62
9.3 L'APPRENTISSAGE DES APPRENANTS
66
10 LES RÔLES
ET LES STATUTS DANS LE PROJET DE LA MINI-ENTREPRISE
75
10.1 LE RÔLE DU FORMATEUR
75
10.2 LES STATUTS ET LE RÔLE DES
APPRENANTS DANS LA MINI-ENTREPRISE
77
10.3 L'ÉVALUATION DES APPRENANTS DANS
LE PROJET
83
CONCLUSION DU CHAPITRE 4
87
CONCLUSION GÉNÉRALE
88
A) RETOUR SUR HYPOTHÈSES
88
B) MON POSITIONNEMENT
91
BIBLIOGRAPHIE
95
ANNEXE 1
97
ENTRETIEN EXPLORATOIRE
97
ANNEXE 2
98
GUIDE PÉDAGOGIQUE DE LA
MINI-ENTREPRISE
98
Introduction
Générale
Mon stage s'est déroulé au sein de l'E2C
d'Epinal pour une durée totale de 10 semaines en alternance avec Nancy
Université Formation Continue, (NUFC) où je préparais un
diplôme de niveau III, de formateur d'adultes.
Ma formation à NUFC a consisté à
apprendre et comprendre le métier du formateur, explorer de nouveaux
concepts pédagogiques et acquérir de nouvelles connaissances
pour, non pas les ranger dans un cartable une fois sorti des cours, mais pour
me professionnaliser et construire des passerelles indissociables entre mon
terrain de stage et l'Université. Cette pratique qu'est l'alternance fut
pour moi un privilège, dans le sens où, j'ai pu de façon
concrète vérifier, expérimenter, conceptualiser et
articuler mes nouveaux savoirs. Il s'agissait là, de les tester, de me
tester, mais aussi de me projeter dans mon futur professionnel : celui de
formateur. L'alternance épouse à mon sens l'exigence, celle de
l'adaptabilité, de l'ouverture vers..., de la compréhension de
soi et des autres. Enfin, l'alternance entre le NUFC et mon stage professionnel
m'a aidé à me positionner sur : « qui je suis
aujourd'hui », et « qui je ne veux pas être
demain » dans le monde de la formation, mais aussi en dehors,
c'est-à-dire dans la vie de tous les jours.
Ces allés retour entre la théorie et la pratique
m'ont permis également d'orienter mes axes de réflexion à
la préparation et à la réalisation de mon mémoire
de fin d'année. Ma progression au sein de l'E2C, et ceci, tout au long
de mon stage, a été suivie et accompagnée par ma tutrice
Responsable de pôle au sein de l'E2C d'Epinal.
Mes objectifs au cours de mon stage étaient de
comprendre ce qu'est le dispositif de l'E2C, d'identifier les actions
menées au sein de ce dernier et de m'intégrer au fur et à
mesure, notamment en assistant à des modules de formation, en tant
qu'observateur, de « Co-formateur » puis formateur.
Après quelques temps d'immersion au sein de
l'école, j'ai pu accompagner et conseiller les stagiaires dans
différents modules, notamment dans celui d'un projet collectif
intitulé la mini-entreprise, organisé par EPA (Entreprendre pour
Apprendre).
Découvrir le monde de l'entreprise, venir à
l'E2C, respecter les consignes, se lever tôt, se préparer et
arriver à l'heure, fait partie intégrante d'une pédagogie
d'apprentissage pour ces jeunes en insertion. La préparation d'une
resocialisation vers le monde est le point de départ pour un nouveau
départ. Le projet collectif de la mini-entreprise fait parti de cet
apprentissage et a été mis en place au sein des E2C, avec pour
objectif « d'apprendre en faisant ». Ce projet est
annoncé par l'institution comme une pédagogie de projet.
Mon étude se portera donc essentiellement sur le projet
de la mini-entreprise au sein de l'E2C d'Epinal.
A ce titre, ma question centrale de mon étude
est :
« Le projet collectif de la
« mini-entreprise » au sein de l'E2C répond t-il
aux attentes, en termes d'apprentissage, pour ce type de public
? »
Mais, qu'en est-il du projet en lui-même : «
La mini-entreprise » ? D'où vient-il ? En quoi un tel
projet collectif apporte-t-il un plus ? À qui profite-t-il ? Et dans
quel but ? Les stagiaires de l'E2C apprennent quoi en réalisant un tel
projet ? Et comment le vérifier? Pour compléter cette
avalanche de questions, il me semble important de s'intéresser dans ce
mémoire, à ceux qui encadrent le projet, c'est-à-dire les
formateurs de l'E2C. Il s'agira donc dans ce mémoire de
décortiquer et d'analyser ce projet collectif afin d'en comprendre le
mécanisme et appréhender dans quelles conditions l'école
de la deuxième chance l'intègre dans son dispositif.
« Le projet est une méthode d'action
» dit J.P BOUTINET dans la préface de l'ouvrage de Jean
VASSILEFF1(*). Le projet est
au centre de nos sociétés, il participe à reconstruire des
envies, resocialiser des personnes en difficultés, quelques fois en
marge de notre société et aide à la découverte de
nouveaux métiers. Selon J.P BOUTINET : « il permet à
l'acteur d'effectuer une transformation de son rapport au monde ; plus qu'une
adaptation à ce monde, il se veut recherche d'une insertion locale qui
pour l'acteur ait un sens ».
Mais pour autant, peut-on créer des projets à
tout va et demander à l'acteur de trouver un sens à ces
projets ? Sachant que ces derniers n'ont pas été
pensés ni même réfléchis dans ce but, et par
l'acteur lui-même.
Le lecteur aura compris que ce mémoire est
consacré à la mini-entreprise qui est l'un de ces projets
clés en main. Il est destiné à la base aux
élèves de lycées et de collèges. L'E2C
expérimente ce qui lui semble être: « une
pédagogie de projet » par le biais de la mini-entreprise mais
qui pourrait, à mon sens, être contre productive car
inadaptée à ce type de public. C'est ce que je tenterais
d'analyser dans ce mémoire. Nous verrons également s'il s'agit
réellement d'une pédagogie de projet.
Afin que ce mémoire soit le plus objectif et le plus
proche de la réalité, je m'appuierai sur les différents
témoignages que j'ai recueillis lors de mes interviews auprès des
acteurs, directs et indirects, et qui participent à ce projet,
c'est-à-dire les institutions, les formateurs et bien entendu, les
stagiaires de L'E2C. Outre les interviews, il existe ce que l'on appelle des
discussions informelles, celles qui se font dans l'action, entre deux pauses,
le café à la main, ou encore dans les salles de classes et qui me
permettent également de comprendre certaines attitudes ou certains
comportements des uns et des autres. En tant que stagiaire formateur
impliqué dans l'accompagnement de ce projet, j'ai pu saisir et observer
ces moments de joie, de doute, de dégout et d'abandon de la part de
certains stagiaires. Il me semblait important d'en tenir compte et de les
retranscrire dans mon mémoire, ceci afin d'être le plus
authentique possible dans ma démarche d'écriture.
Mais avant de commencer la première partie de mon
étude à proprement dite, je voudrais donner quelques informations
sur mon parcours professionnel et sur mon orientation dans le domaine de la
formation. Cela permettra aux lecteurs d'établir des liens logiques lors
de la lecture, notamment du choix de mon questionnement.
Chapitre 1
1 Mon histoire professionnelle et mon orientation en tant que
formateur
1.1 Mon parcours
Je suis issu du monde de l'entreprise, mon parcours
professionnel de plus de 20 années dans le commerce m'a permis
d'apprendre comment fonctionne une entreprise. J'ai débuté en
tant qu'attaché commercial à l'âge de 23 ans dans la grande
distribution, mon rôle était de promouvoir les produits de mon
entreprise de l'époque dans les grandes surfaces alimentaires. Puis,
j'ai pu dès l'âge de 26 ans orienter ma carrière vers un
poste stratégique en tant que directeur des ventes dans un grand groupe
de plus de 5000 salariés. Mon rôle consistait à
gérer un réseau de professionnels, plus ou moins
franchisés, sur la moitié de la France. Ce poste exigeait une
rigueur de travail à toutes épreuves. Quelques années plus
tard, je quittais ce groupe pour m'orienter cette fois-ci, dans un tout autre
domaine. C'est en 2004 que je pris la décision de créer ma
société. Grâce à mes compétences acquises au
fil des années, j'ai pu implanter un réseau de 17 revendeurs sur
tout le territoire Français. Je m'occupais également du Nord de
l'Italie. Les produits que je proposais étaient hautement techniques et
destinés dans le secteur du bâtiment, notamment pour l'isolation
thermique haute température. En parallèle j'avais
créé une autre société indépendante de la
première et qui avait pour objectif de distribuer les isolants sous un
autre nom, afin de créer ma propre concurrence et de barrer la route
à d'éventuels concurrents. Je revendis ma société
quelques années plus tard pour enfin, prendre quelques vacances...
Mon parcours professionnel s'est construit durant une
vingtaine d'année dans le milieu du commerce. C'est en tant
qu'entrepreneur que j'ai pu mettre mes connaissances dans la création de
sociétés et de faire ce que l'on appelle du
« business ». Lorsque l'on veut créer son
entreprise, il faut, à mon sens, être conscient des efforts qu'il
va falloir fournir, des sacrifices personnels qu'il va falloir assumer.
Créer une société est un projet à part
entière à condition d'en avoir l'envie et les compétences.
Outres les compétences que l'on a acquises ou que l'on va
acquérir, et qu'il va falloir mettre en oeuvre à bon
escient ; créer une entreprise relève d'une action choisie,
personnelle et je dirais même, presque intime. C'est une sorte de voyage
que l'on désire, que l'on réfléchie et prépare en
harmonie avec soi même et ses futures collaborateurs. Le hasard n'a
aucune exigence, il se moque du temps et de ses conséquences. Faire
confiance au hasard vous conduit à la faillite assurée et ce dans
tout les sens du terme.
1.2 Orientation
professionnelle NUFC (Nancy -Université Formation Continu.)
C'est en lisant le journal que mon regard fut attiré
par une annonce, et dans laquelle il était inscrit :
« Devenez formateur ».
Je décidais donc de me rendre au pôle emplois
pour plus d'informations. On m'orienta vers Nancy Université Formation
Continue (NUFC) en me précisant que l'AFPA proposait également
cette formation, mais que cette année (2009) il y avait des soucis de
financement et donc, que j'aurais de toute façon plus de chances avec
Nancy Université Formation Continue.
Je pris un rendez-vous avec une personne du NUFC pour voir si
effectivement je pouvais dès cette année m'inscrire dans cette
formation. Nous étions en avril 2009. Quelques jours plus tard, je me
rendais sur les lieux et fut accueilli par une chargée d'orientation
à qui j'avais envoyé au préalable et à sa demande,
une lettre de motivation, exprimant mon désir de réorientation,
accompagnée d'un curriculum vitae.
Notre rendez-vous a duré environ une heure trente.
Dès mon arrivée, elle m'installa dans la salle d'orientation et
me proposa d'expliquer mon parcours scolaire, professionnel, mes centres
d'intérêts et mes motivations quant à mon désir de
changement. Elle me parla en italien afin de vérifier si j'étais
à l'aise dans cette langue. Car, elle me racontait que certaines
personnes annonçaient sur leur CV la maitrise de telle ou telle langue,
mais lorsqu'il s'agissait de la parler, il n'y avait pas vraiment le niveau que
ces personnes prétendaient avoir. Finalement, au vu de mon parcours,
qu'elle considérait très riche, elle me proposa de
réfléchir à différentes possibilités qui
pouvaient s'offrir à moi, telles que des formations diplômantes,
de management ou encore, une validation des acquis, ceci afin d'obtenir un BTS
en action commerciale. Il est vrai que je n'avais aucun diplôme
supérieur dans le domaine dans lequel j'avais travaillé depuis
toutes ces années. Elle avait même l'ambition de m'orienter vers
un Master « Commerce International » ; mais je lui
précisais que je ne m'en sentais pas du tout capable et qu'il fallait
revoir mon orientation à la baisse. Cette personne avait sorti de ses
rayonnages, des revues et des supports avec lesquels je pouvais approfondir mes
recherches. Cet entretien ressemblait en effet, à une orientation
éducative ; car la chargée d'orientation utilisait ses
compétences et ses outils pour analyser mes aptitudes cognitives, mes
capacités, mes compétences et le potentiel que je pouvais
développer pour mon projet professionnel. Les
théoriciens du choix professionnel tels que Guinzberg-Super confirment
que : « s'orienter c'est actualiser une certaine image
de soi qui évolue avec l'environnement »2(*). C'est dans cette optique,
me semble t-il, que ma chargée d'orientation a conduit nos
entretiens.
1.3 Situation de
réflexibilité
Finalement, j'étais un peu déboussolé car
j'étais venu dans l'idée de m'informer sur le métier de
Formateur d'adultes et pour le coup, je me rendais compte grâce à
cette personne que j'avais d'autres possibilités. Elle me donna des
documents et me proposa de réfléchir plus longuement sur ce que
je désirais réellement faire. Elle me donna un rendez-vous pour
la semaine suivante en me précisant que si je n'étais pas
déterminé, il y avait également la possibilité de
réaliser un Bilan de Compétences. Il est vrai que mon
interlocutrice avait choisi de comprendre ma situation avant même de me
diriger vers quoi que ce soit. Il s'agissait aussi, à mon sens, de me
faire comprendre que mon projet devait être murement
réfléchi pour réussir une bonne orientation. Il me semble
que la chargée d'orientation du NUFC a rempli son rôle
« d'éducateur de l'intentionnalité »
c'est-à-dire qu'elle m'a fourni une multitude de moyens,
d'alternatives afin que je puisse réfléchir concrètement
à ma situation.
1.4 Dispositif et
orientation
La semaine suivante, je retournais à notre rendez-vous
en ayant bien réfléchi sur ce que je voulais faire. Finalement,
je n'avais pas changé d'avis, je voulais toujours m'orienter vers la
formation d'adultes et ce, malgré les différentes
possibilités qui m'étaient offertes. J'avais étudié
à l'aide de la documentation reçue lors de mon entretien à
NUFC, tous les aspects et le contenu du programme de formation pour le Titre de
Formateur d'Adultes. (TFA). La chargée d'orientation m'accueilli
à nouveau dans la salle et me demanda si j'avais bien
réfléchi à ce que je désirais. Je confirmais mon
choix sans aucune hésitation. Elle m'encouragea et me dirigea vers
l'assistante de Formation qui gérait les inscriptions pour la formation
diplômante du T.F.A. Mais avant de m'envoyer vers le bureau
d'inscription, elle insista pour me présenter un stagiaire
présent au sein du NUFC qui réalisait la formation TFA 2008/2009.
Elle me disait que cela me permettrait d'avoir un avis extérieur et qui
plus est, dans l'action. Nous avons discuté tous les trois plus d'une
heure, en abordant la formation, ses pré-requis, son contenu et du stage
qu'il fallait réaliser. Cette discussion ouverte conforta mon choix.
Ma motivation avait décuplé, car effectivement
je réalisais à ce moment là, grâce à mes
entretiens préalables, que mon projet de formation était sans
équivoque.
Si je devais conclure, je résumerais les phases de mon
orientation selon le modèle opératoire de Noiseux, Pelletier et
Bujold,3(*)
c'est-à-dire : Exploration (je découvre) ;
Cristallisation (je comprends) ; Spécification (je
décide) ; Réalisation (j'agis).
Pour finir, j'ai pu ancrer ma décision grâce
à la personne qui m'a orienté (NUFC) en me proposant
différentes possibilités et dont l'objectif fut, que mon projet
initial soit véritablement un projet réfléchi et
choisi.
1.5 Mon rendez-vous
avec la responsable de formation du NUFC
Lors de mon dépôt de dossier pour l'inscription
à la formation du Titre de Formateur d'Adultes (TFA), je fus
convoqué pour un entretien individuel avec la responsable de formation
du NUFC. Cette dernière m'expliqua le contenu et les pré-requis
pour intégrer cette formation. Puis, elle m'interrogea sur mon parcours
et mes motivations quant à mon désir de devenir formateur. Je
lui expliquais qu'au travers de mon parcours, je désirais partager et
transmettre mes connaissances à des personnes désirant
créer leur société. En effet, mon projet professionnel
était orienté vers la formation de l'auto-entrepreneur. Puis,
elle me précisa qu'il fallait réaliser un stage professionnel en
alternance avec la formation. Je lui confirmais que j'en avais
déjà trouvé un ; car étant informé au
préalable, j'avais pris les devants.
Mais un doute s'installa chez mon interlocutrice, car mon
stage devait se faire à l'école de la deuxième chance et
finalement selon ses dires, ne correspondait pas avec mon parcours, ni
même, à mon projet professionnel. Je lui répondis que
l'insertion et l'entreprise n'étaient pas, selon moi, si
éloignées que cela. De plus, je savais lors d'un rendez-vous avec
le responsable de l'E2C d'Epinal, qu'un projet collectif intitulé :
« mini-entreprise » devait être réalisé
au sein du dispositif. Par conséquent, je pouvais parfaitement envisager
une intégration et faire le parallèle avec mon projet
professionnel.
C'est ainsi que je démarrais ma formation à NUFC
au mois d'octobre 2009. J'étais et je suis convaincu que j'ai fait le
bon choix. Les modules enseignés par les formateurs me passionnent et
c'est peu de le dire...
Aujourd'hui, j'estime que mon stage au sein de l'E2C m'a
apporté une certaine humilité dans le domaine de l'accompagnement
et de l'insertion. C'est pourquoi, la première partie de mon
mémoire y est consacrée. Je voudrais que les lecteurs
s'imprègnent du contexte de stage dans lequel j'ai évolué,
et ce, pour enfin mieux appréhender mon étude.
2 Le contexte institutionnel de mon terrain de stage
2.1 L'école de
la deuxième chance (E2C) en France
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est primordial
à mon sens que le lecteur puisse comprendre ce qu'est l'école de
la deuxième chance, son historique, ses objectifs et son public mais
surtout, comment fonctionne un tel dispositif dans la réalité, en
prenant comme référence l'E2C d'Epinal Ouest, où je
réalise mon stage. Il m'est impossible de traiter ma
problématique dans ce mémoire sans expliciter le contexte dans
lequel elle a pris toute sa dimension. Ce recueil de données est bien
évidemment extrait de mes expériences en stage, mais
également de mes lectures permettant ainsi mon questionnement concernant
le projet collectif de la mini-entreprise. Un projet collectif qui fait partie
intégrante du dispositif de l'E2C.
Comprendre l'E2C, c'est comprendre les institutions et les
formateurs. Ces derniers sont au deuxième plan et oeuvrent pour une
seule et unique cause : l'accompagnement et l'insertion des jeunes adultes
en difficulté ; qui eux, sont au premier plan dans ce dispositif.
Enfin, comprendre ces jeunes en difficulté c'est
comprendre le projet collectif de la mini-entreprise.
2.2 Rappel historique
de l'E2C. (Extraits des documents qui m'ont été remis par ma
tutrice)
L'association « Réseau E2C France s'est
créée le 23 juin 2004, autour d'une « chartre des
principes fondamentaux » qui s'inscrit dans la continuité
des principes contenus dans le « livre blanc » de
la Commission Européenne « Enseigner et apprendre - vers la
société cognitive », présentée par Madame
Edith Cresson en 1995. Les écoles de la deuxième chance en France
s'engageaient ainsi à la création d'un organe technique
associatif avec pour objets :
D'établir et de défendre les principes
fondamentaux qui structurent les écoles de la 2 ? chance en France
comme en Europe,
De concourir à l'obtention d'une reconnaissance la
charte des principes et de la démarche pédagogique des
écoles de la 2 ? chance en France.
Aujourd'hui, les Ecoles de la Deuxième Chance forment
4.500 stagiaires sur 41 sites implantés dans 12 régions et 25
départements.
2.3 Les objectifs de
l'E2C
La vocation de l'E2C en partenariat avec les missions locales,
est d'apporter une réponse formation nouvelle et adaptée aux
besoins spécifiques des publics de 16 à 25 ans en voie
d'exclusion sociale et professionnelle, tout en créant une structure
ouverte sur le monde de l'entreprise, sur les pédagogies actives, sur
l'individualisation des parcours et sur les outils du multimédia.
L'E2C est un espace de progression individualisée qui
répond aux besoins d'un public de jeunes et de jeunes adultes de faible
niveau de formation initiale et de faible niveau de qualification.
L'objectif est :
- De donner l'accès à la qualification et
à l'emploi par l'alternance en entreprise
- De développer les savoirs fondamentaux et
l'autonomie des publics
- De favoriser le maintien dans l'emploi du public
formé, grâce à la démarche de formation et
d'accompagnement mise en oeuvre par l'E2C
2.4 Le
fonctionnement
Les trois grands principes de l'école fondés sur
le livre blanc
- Faire bénéficier les jeunes d'une
discrimination positive en tenant compte de leur situation et de les placer au
centre du dispositif.
- Associer d'emblée les entreprises à
l'effort de formation et particulièrement en formation
professionnelle
- Utiliser des pédagogies actives facilitant la
mise en action à l'inverse de l'apprentissage passif.
La mission de l'E2C est programmée sur deux à
trois ans et ceci en 3 étapes.
Etape 1 et 2,
- en première année, le temps de formation est
de trois semaines à l'école et de trois semaines en entreprise,
en fonction des besoins du parcours de chaque jeune. Le statut de stagiaire en
formation professionnelle leur est attribué. Les entreprises fortement
engagées permettent la réalisation des stages, l'acquisition et
le développement de compétences professionnelles, mais aussi la
concrétisation d'un emploi ou la signature d'un contrat en
alternance.
Etape 3,
- en deuxième et troisième année, l'E2C
assure le suivi et l'assistance des jeunes qui ont un contrat d'apprentissage
ou de professionnalisation, ceci pour répondre aux attentes des
entreprises et aux difficultés des jeunes. Les jeunes n'ayant obtenu
aucune solution en termes d'emplois seront suivis, accompagnés et
conseillés pendant deux ans afin de leur donner toutes les chances
d'insertion professionnelle.
2.5 L'organisation
Un important travail de sensibilisation et d'information est
réalisé en amont, avant tout démarrage de groupe de jeunes
au sein de l'E2C, auprès des entreprises, tous secteurs
d'activités confondus, de la région. Des contacts sont pris afin
de proposer des recrutements de stagiaires (apprentissage, contrat de
professionnalisation, emplois directs etc....)
L'idée est de mettre en place un fichier d'entreprises
détaillant leurs besoins afin de les mettre en relation avec les
stagiaires.
L'accueil des stagiaires est réalisé par groupe
de 8 à 12 personnes. Un suivi individuel est mise en place, pour chaque
stagiaire, sa progression déterminera son rythme d'apprentissage,
d'immersion en entreprise et le type d'ateliers techniques ou professionnels
qu'il devra suivre.
3 L'E2C à Epinal (Vosges Ouest 88)
3.1 Historique
Il existe neuf écoles de la deuxième chance
(E2C) en Lorraine dont celle d'Epinal, créée en 2008 où je
réalise mon stage. Le groupe CCI Formation 54, service formation et
emploi de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Meurthe et Moselle, en
accord avec les engagements de la CRCI de Lorraine, et en partenariat avec
ALAJIL s'engagent conjointement à piloter les écoles de l'E2C en
Loraine
3.2 Organigramme de
l'E2C d'Epinal
La responsable de formation était ma tutrice, mais au
cours de l'année elle prit la responsabilité de l'école en
tant que responsable de pôle. C'est pourquoi, à ce jour le poste
de responsable de formation reste vacant.
3.3 L'accueil et le
parcours des publics
Rappel : Les stagiaires seront
intégrés à l'E2C par petits groupes de 8 à 12
personnes. Les stagiaires évolueront au sein de l'école dans le
cadre d'un parcours et d'un suivi individuels. La progression de chaque
stagiaire déterminera son rythme d'apprentissage, son rythme d'immersion
en entreprise et le type d'ateliers techniques ou professionnels qu'il devra
suivre.
L'individualisation des parcours est une notion essentielle,
car elle permet à chaque stagiaire d'évoluer et de réussir
en fonction de ses capacités et non en fonction de la progression du
groupe.
Le parcours au sein de l'E2C peut se présenter
schématiquement, comme suit :
Etape 1 :
9 semaines (dont 4 semaines en entreprise)
Ce volume est modulable en fonction des besoins de
chaque stagiaire.
- Mobilisation personnelle et professionnelle.
- Travail sur la mobilité et les freins personnels.
- Ouverture vers les métiers et vers le monde de
l'entreprise, communication, approche des outils multimédia.
- Activités sportives et socio culturelles.
- Enseignements fondamentaux.
- Adaptation au rythme de stage, à la vie de groupe.
- Adaptation au rythme de l'entreprise d'accueil et aux
règles de l'entreprise.
- Evaluation du parcours en entreprise.
Etape 2 :
20 semaines (dont 9 semaines en entreprise)
Ce volume est modulable en fonction des besoins de
chaque stagiaire.
- Validation du projet professionnel
- Expérimentation technique au sein d'ateliers
professionnels
- Acquisition des gestes techniques
- Développement des capacités et des
apprentissages fondamentaux
- Communication, expression orale
- Développement des capacités à utiliser
des outils multimédia
- Projection vers un métier et vers un emploi
- Evaluation de la progression personnelle et professionnelle
en entreprise
- Appréhender la recherche d'emploi et
développer des capacités à l'employabilité
Etape 3 :
12 à 24 mois
Ce volume est modulable en fonction des besoins de
chaque stagiaire.
- Suivi dans l'emploi.
- Evaluation de la progression du stagiaire au sein de
l'entreprise.
- Suivi et accompagnement des jeunes sans emploi ou
formation.
Les points essentiels du dispositif
- L'individualisation des parcours de formation.
- Un système d'entrée et de sorties
permanentes.
- Une approche pédagogique utilisant fortement le
Multimédia comme outil relais des apprentissages et des progressions
individuelles.
- L'accompagnement individualisé et permanent des
stagiaires, tout au long de leurs parcours
- La mise en oeuvre d'une démarche partenariale avec
les organismes de formation pré-qualifiant et qualifiant du
département, afin d'apporter la réponse de formation
professionnelle adaptée aux besoins de chaque stagiaire.
- Le partenariat construit en amont, avec les entreprises, la
participation et l'engagement des entreprises étant essentiels au
fonctionnement de l'E2C.
3.4 Eléments
statistiques de l'E2C à Epinal Vosges Ouest 88 (sources 2009 E2C
Epinal)
Les éléments statistiques dates de
l'année 2009, il est important à mon sens de connaitre certains
chiffres de façon à pouvoir quantifier le nombre d'heures
attribuées à l'E2C d'Epinal. Car toutes les écoles ne sont
pas au même niveau. De plus, l'E2C d'Epinal est la seule école
pour le moment à accueillir des jeunes de 16 à 25 ans venue des
quatre coins des Vosges. Leur niveau scolaire ne passe pas le niveau V et la
majorité sont des jeunes femmes.
3.5 Profil et niveau
du public de l'E2C d'Epinal
Le dispositif, construit sur la base d'un fonctionnement
d'entrées et de sorties permanentes a pu accueillir sur son site 154
stagiaires.
?42 033 heures de formation ont été
dispensées en CENTRE
?29 309 heures d'immersion et d'accompagnement en ENTREPRISE
ont été réalisées 20 % sont issus d'un milieu rural
80 % sont issus d'un milieu urbain 56 % sont sans AUCUNE expérience
professionnelle 27 % sont demandeurs d'emploi inscrits depuis d'un an 17% sont
bénéficiaires ou ayant-droits RMI
Répartition par sexe
Conclusion du chapitre
1
Le chômage et l'exclusion sont les fardeaux de notre
époque, notamment pour les plus fragilisés que sont les jeunes
sortis du système scolaire très tôt, sans diplôme et
sans formation. Ajoutés à cela des problèmes familiaux, de
divorces, d'abandons, de viols, de ségrégations ou encore, des
problèmes avec la justice, les stagiaires de l'E2C sont des êtres
humains souvent en arrière plan de notre société. Ce sont
dans ces conditions que certains d'entre eux, entre 16 et 25 ans, arrivent
à l'Ecole de la Deuxième Chance. Cassés,
désorientés, ils intègrent le dispositif, tel un sas de
décompression dans lequel des formateurs ont pour mission de les
accompagner et leur redonner les moyens d'appréhender des remises
à niveau individuelles et acquérir des savoirs en
français, en mathématiques et en informatique. La mission des
formateurs ne s'arrête pas là, elle est également dans
l'accompagnement, pour un projet professionnel (savoir faire et être) en
rapport avec le choix et le désir du stagiaire lorsqu'il en a un ;
mais aussi en lien avec le potentiel offert par le marché de l'emploi
local. Pour cela, des stages en entreprise sont intégrés dans
leur parcours et ce, en alternance avec l'E2C. En complément à
leur parcours, des projets collectifs tels que la mini-entreprise sont
obligatoires au sein de l'E2C et s'adressent à des volontaires
stagiaires.
Je comprends désormais, que le formateur, et ce de
façon méthodique, doit être organisé
pédagogiquement pour faire face à sa mission. C'est-à-dire
qu'il doit s'adapter à son public, proposer des apprentissages
cohérents où le stagiaire y trouve un sens. Le formateur doit
être une personne ressource pour l'apprenant.
« L'utilisation d'aides pédagogiques variées permet
de consolider la communication par l'attaque multiple de plusieurs sens. Le
choix des moyens pédagogiques adéquats dépends des
objectifs que l'on poursuit ».4(*)
Chapitre 2.
4 Le projet de la mini-entreprise autour d'une
pédagogie de projet
4.1 Historique du
projet de la mini-entreprise
« Entreprendre pour Apprendre (EPA) France est
une fédération nationale d'associations. Elle adhère au
réseau européen JUNIOR ACHIEVEMENT - YOUNG ENTERPRISE. Son but
est d'initier les publics scolaires à la vie économique. Elle
contribue pour cela principalement à la création de
Mini-Entreprises dans les collèges, lycées et
établissements d'enseignement supérieur.
Né aux Etats-Unis dans les années 1920 sous
l'appellation « JUNIOR ACHIEVEMENT », ce mouvement a rapidement
gagné l'Europe, (1970) d'abord anglo-saxonne (« YOUNG ENTERPRISE
») puis l'Hexagone. Entreprendre pour Apprendre
France s'appuie ainsi sur une histoire très dense bâtie sur
des expériences capitalisées à l'échelle
internationale.
La fédération française est
aujourd'hui membre du réseau européen « JUNIOR ACHIEVEMENT -
YOUNG ENTERPRISE » présent dans près de quarante
pays.
L'association « Entreprendre pour
Apprendre », fondée en France à la fin des
années 1980. EPA lorraine a été créée en
Lorraine en septembre 2008 par les membres fondateurs :
- Le MEDEF de Lorraine (Mouvement des Entreprise de
France).
- La Caisse d'Epargne Lorraine - Champagne
Ardenne.
- Le Centre de Jeunes Dirigeants (CJD).
- L'Association Jeunesse et Entreprise.
- L'Académie de Nancy-Metz.
- L'Union Nationale de l'Enseignement Technique
Privé (L'UNETP).
L'association EPA Lorraine est présidée par
Patrice LOMBARD (Président du MEDEF Lorraine). Laurent BARBIER
(Président du CJD Lorraine) en est le Vice Président.
Forte de son expérience dans les collèges et
dans les lycées, l'association EPA a été sollicitée
par la Chambre de Commerce et de l'Industrie de NANCY (CCI) également
partenaire avec le MEDEF, pour instaurer le projet dans les E2C de
lorraine ».
4.2 Les objectifs
pédagogiques prescrits
« Entreprendre pour Apprendre France a pour
vocation d'initier les publics scolaires - du collège à
l'université - et depuis peu à l'insertion, à la vie
économique et plus particulièrement à la création
d'entreprise. Cette mission s'articule autour d'une pédagogie de projet
(Apprendre en Faisant) et de trois objectifs principaux selon Entreprendre pour
Apprendre »5(*) :
- Pour les jeunes :
découvrir l'entreprise et son fonctionnement, acquérir des
clés de lecture leur permettant de comprendre le monde des affaires,
développer des compétences nouvelles qui sont autant de savoir
être utile au monde du travail et à la société dans
son ensemble. La mini-entreprise favorise la confiance en soi, la prise de
risques calculés, la méthodologie, la persévérance,
la capacité à travailler en équipe, la responsabilisation,
la prise en main de son avenir, la découverte des
métiers.
- Pour les enseignants :
établir un autre mode de relations avec les élèves qui ne
soit pas uniquement fondé sur des rapports hiérarchiques,
s'impliquer dans des projets transversaux ouverts sur la vie économique,
appliquer leurs connaissances académiques à des
expériences de terrain.
- Pour les professionnels d'entreprise
bénévoles : s'investir dans des projets
pédagogiques d'ordre intergénérationnel, promouvoir la
responsabilité sociale, environnementale et éthique de
l'entreprise, valoriser l'image des métiers.
4.3 Description du
projet et son guide pédagogique de mise en oeuvre
La mini-entreprise est un projet pédagogique de
création d'entreprise, réalisé par un groupe de
volontaires accompagnés par leurs enseignants ou formateurs, un parrain
et un référent de l'association EPA. Pour réaliser ce
projet, EPA a mis à disposition pour les apprenants et pour les
formateurs un guide pédagogique qui est un outil d'aide à la mise
en oeuvre du projet. En quelque sorte les règles du jeu de la
mini-entreprise. Ce guide reprend toute les étapes obligatoires que les
apprenants devront respecter. Il comporte 7 étapes majeures. (Annexe
2)
Résumé des étapes :
- 1 Présentation du projet
- 2 Brainstorming
- 3 Etude de marché
- 4 Montage de la mini-entreprise
- 5 Mini-entreprise en activité
- 6 Préparation des championnats
- 7 Bilan
4.4 Mon rôle
et mes premières observations dans ce projet en tant stagiaire en
formation à l'E2C d'Epinal
Lorsque je suis arrivé sur le lieu de mon stage, ma
tutrice avait organisé une réunion avec la formatrice
référente et moi-même, afin de me parler du projet de la
mini-entreprise. Elle m'expliqua ce qu'est ce projet et ses objectifs. Il est
vrai que j'étais au courant de ce projet car lors de mon entretien avec
le responsable de pôle, ce dernier m'avait vaguement informé que
les E2C mettaient en place un projet, « une pédagogie de
projet »t, basé sur la création d'entreprise. A
l'époque, il est vrai aussi que je ne savais pas vraiment ce que voulait
dire « pédagogie de projet ». Pour ce faire, ma
tutrice et la formatrice m'invitèrent donc à prendre connaissance
du guide pédagogique et ceci pour en parler plus longuement lors d'une
réunion de travail prévue pour le lendemain matin. Le lendemain
donc, après les salutations à toute l'équipe et une tasse
de café à la main, la réunion, comme prévue la
veille, fut engagée. La première question de la part de ma
tutrice fut pour moi ; elle me demanda si le projet me paraissait
intéressant, et pourquoi ? Je répondis spontanément:
« oui, parce que j'avais une longue expérience dans le domaine
». La formatrice me demanda si le produit, que les stagiaires avaient
choisi, et ce avant même d'avoir commencé le projet, était
viable ? Il s'agissait de tee-shirts sur lesquels figuraient des slogans
tels que : « dites non à l'exclusion ! » ou encore :
« participez au développement durable pour protéger notre
planète ». C'est alors que je demande à mes
interlocutrices : « pourquoi ont-ils choisi ce produit et pourquoi
veulent-ils y inscrire des slogans ? » La formatrice me
répondit simplement que : « les stagiaires ont
été influencés par les exemples cités par la
responsable de région « Entreprendre pour
Apprendre » lors de la réunion d'information au sein
de l'école ». Sur le coup, je ne savais pas quoi penser,
je préférais attendre la réunion de travail avec les
stagiaires pour vérifier leur choix. La réunion se finit à
12h30. Je ressentis à ce moment là, que ma présence
était la bienvenue ; car la formatrice m'avoua entre deux portes,
avoir une appréhension quant à la mise en oeuvre de ce projet,
plutôt ambitieux aux dires de toute l'équipe. Le timing
était effectivement très serré, les étapes devaient
être rigoureusement respectées, et pour ce faire, le projet aurait
dû démarrer en octobre. Mais par manque de temps, il
démarra concrètement en novembre 2009, pour finir fin juin 2010
avec le concours National organisé par EPA. La formatrice me confirma
que pour participer à ce concours, il fallait d'abord franchir le cap du
régional qui se déroulerait à Metz entre les E2C de
Lorraine début mai 2010. » Si les stagiaires le
gagnent », me dit-elle, « ils pourront aller à
Paris disputer le concours National entre les E2C des régions de
France ». L'objectif me dit-elle « c'est de
réussir et d'emmener les stagiaires d'EPINAL le plus loin possible dans
ce projet ». Je crus comprendre, à ce moment là,
que « plus loin » voulait dire :
« concours ». Elle me dit également que
cela tenait à coeur à la direction de la CCI. A ce moment
là, je ne mesurais pas encore les enjeux institutionnels. Ce
n'était que plus tard, lors de la séquence de travail avec les
stagiaires, que je commençais à me poser quelques questions. Car
je ressentis profondément un stress de la part de la formatrice et
à la façon dont elle parlait aux stagiaires :
« Il va falloir maintenant vous bouger, ce n'est pas en faisant
les idiots que l'on va créer une société ».
Il était vrai que les stagiaires n'écoutaient guère
ce que la formatrice disait. Sur le moment, je me disais que c'était
normal, j'étais présenté comme stagiaire formateur et
parrain de la mini-entreprise, donc des blagues par ci par là, sortaient
de la bouche des stagiaires. Du style : « parrain, vous avez
oublié nos cadeaux » Ou
encore : « parrain elle est où
marraine ? » Bref, pas très méchant mais
énervant pour la formatrice. Pour ma part, je découvrais
l'ambiance agitée des stagiaires de la mini-entreprise.
Finalement, me disais-je, « cela tombe bien que
j'arrive au début de ce projet, de cette façon, je pourrai les
accompagner jusqu'à la fin de ce projet ». Malgré
tout, il était convenu dès le départ avec l'institution
que le projet de la mini-entreprise devait être réalisé,
non pas en fonction de ma présence au sein de l'école, mais en
fonction de l'emploi du temps de la formatrice et celui des stagiaires. Et tout
ceci, en tenant compte également de la contrainte d'alternance des
apprenants (3 semaines en Centre et 3 semaines en Entreprise). A ma charge de
reprendre les étapes auxquelles je n'aurais pas pu assister et de me les
approprier afin d'être en phase avec les acteurs du projet et le projet
en lui-même.
Je commençai à comprendre désormais
d'où venait ce stress de la part de la formatrice : ces 9
mini-entrepreneurs volontaires n'étaient pas tous en stage en même
temps. De plus, ils n'étaient pas non plus, dans la même promo. En
effet, certains avaient une formatrice référente autre que la
formatrice responsable de projet, d'où la difficulté d'être
dans le timing et d'organiser ce projet. C'est au bout de la deuxième
rencontre avec les stagiaires que je vérifiais mes observations. En
effet, ce jour là il s'agissait de mettre en place la mini-entreprise.
Par conséquent, la formatrice m'informa qu'il était important de
leur lire le contenu de la première étape qui figurait dans le
guide pédagogique et qui s'intitulait : « l'engagement du
Mini-Entrepreneur ». C'est-à-dire un contrat didactique et
pédagogique entre les stagiaires et EPA. Cette première
étape consista à faire prendre connaissance aux stagiaires de
leur responsabilité concernant ce projet. A ce moment là, la
formatrice me dit : « Bon Michel, tu veux leur
lire ? » Je lui suggérais qu'il était
préférable que l'un des stagiaires commence à lire la
première partie du document à haute voix puis un autre la
deuxième partie etc... Ce fut fait, mais avec d'énormes
difficultés de la part des stagiaires. Je me rendais compte qu'ils
avaient pour la majorité beaucoup de mal à lire, chaque phrase
était saccadée. De plus, il fallait en permanence expliquer ce
que tel ou tel mot voulait dire. J'observais les stagiaires et je me rendais
compte également, qu'ils avaient des difficultés de
compréhension. La lecture et les explications des quatre documents
prescrits se finissaient en fin de matinée. Après quoi, chaque
stagiaire apposa sa signature au bas du document « l'engagement du
Mini-Entrepreneur ».
Lors de la pause de midi, la formatrice me demanda ce que je
pensais de cette matinée. Pour le coup, je lui répondis que je ne
m'attendais pas du tout à cela, car je ne savais pas que les stagiaires
avaient autant de difficultés à lire et à se concentrer.
Elle me répondit : « bienvenue au
club ». Je lui souris en lui demandant naïvement pourquoi
elle me disait cela ? Elle me répondit que la majorité des
stagiaires de l'E2C avait un niveau très bas et qu'ils y auraient
certainement des difficultés pour les emmener au terme du projet.
J'étais un peu déstabilisé, car elle me disait auparavant
qu'il fallait les emmener le plus loin possible dans ce projet. Le professeur
de Français était présent à table, elle confirma
les dires de la formatrice en disant : « le projet est
super, mais je crois qu'avec un niveau CM2, voir 6eme, ils ne vont pas pouvoir
tout comprendre ». Ainsi, je lui demandais si je
pouvais assister à son cours de français, pour me rendre compte.
Elle accepta avec plaisir. Il s'agissait de travailler la conjugaison des
verbes du premier groupe, au présent et au passé composé.
Par la suite, j'ai pu accompagner le professeur de maths puis une formatrice
référente dans un module
intitulé : « Ouverture vers
l'entreprise ». Ces premières semaines de stage m'ont permis
de me questionner sur les stagiaires. En effet, le niveau était
très bas, en mathématiques, certains stagiaires de la
mini-entreprise réalisaient des additions, des soustractions et des
divisions avec d'énormes difficultés. Concernant
« l'ouverture vers l'entreprise », je sentais un manque
d'intérêt pour ce module. Un jour en cours, il y avait tellement
de brouhaha, que j'intervins gentiment en prenant la parole et en demandant
aux stagiaires, s'ils se croyaient encore à l'école ? Tous
me répondirent que oui. Je demandais pourquoi ? La réponse
était : « parce que ça s'appelle
l'école de la deuxième chance ». Alors, je leur
posais la question suivante : « Avez-vous de bons souvenirs
de l'école ? » La réponse était sans
hésitation : « non ». Je leur posais
la question : « pourquoi ? » Ils me
répondirent que l'école n'était pas faite pour eux. J'en
conclus que finalement les stagiaires reproduisaient les mêmes
schèmes qu'ils avaient vécus lors de leur scolarité.
C'est-à-dire, qu'ils ne trouvaient pas de sens « De toute
façon, si on est là, c'est parce que on a besoin de
tunes » me dit un stagiaire de la mini-entreprise.
Naturellement, je tiens à préciser que tous les stagiaires ne
réagissent pas comme ça. Certains ne disent rien et se laisse
guider, tellement ils sont désorientés.
Au fur et à mesure des étapes du projet,
l'ambiance se fit plus électrique entre les stagiaires, certains
même avaient abandonné, tandis que d'autres travaillaient sans
motivation et sans intérêt. Seuls deux stagiaires s'accrochaient
au projet, mais ils éprouvaient de très grandes
difficultés quant au suivi des étapes, notamment au niveau
administratif. Finalement, je m'apercevais que le groupe n'était pas
soudé, le directeur commercial me dit lors d'une séance, qu'il ne
désirait pas être à ce poste et qu'il ne comprenait pas
tout ce qu'on lui demandait. La directrice financière éprouvait
des difficultés pour la comptabilité, car elle manquait de
connaissances théoriques. La directrice administrative était
désorganisée. Elle oubliait souvent les choses, elle était
ailleurs, elle ne comprenait pas à quoi servaient tous ces papiers, me
disait-elle souvent. La directrice technique me répétait à
chaque séance, qu'elle en avait « marre », que
ça ne servait à rien et qu'elle désirait
démissionner. Tandis que le PDG, considéré comme bipolaire
par le psychologue de l'E2C, était instable et irrégulier dans ce
projet. Il avait été choisi comme PDG par le reste du groupe et
jouait un rôle décalé. C'est-à-dire, qu'il
considérait que c'était les autres qui devaient travailler et lui
devait donner les ordres. En observant son attitude, je me dis que les statuts
et les rôles de chacun n'avaient peut-être pas été
suffisamment explicités. Je me souviens aussi d'une stagiaire, qui me
disait : « De toute façon moi je suis ouvrière
dans la mini-entreprise, je ne sais rien faire d'autre ». Je lui
demandai pourquoi elle pensait ça ? « Parce que tout
ma famille, mon père, ma mère sont ouvriers ».
Là aussi, je sentis qu'il y avait de sa part une sorte de fatalisme dans
son discours. Je compris petit à petit que les stagiaires
éprouvaient une souffrance à réaliser ce projet, car il ne
faisait pas sens pour eux. La question du sens dans cette situation repose, me
semble t-il, sur le fait que les apprenants ne comprennent pas pourquoi ils
font ce projet et quelle est son utilité puisque, l'institution a cru
tenir compte de leurs besoins sans faire une analyse de la situation et de
certains aspects que je détaille ci-dessous : dans « la
pédagogie du projet ». (Paragraphe 5.3)
Dans l'ouvrage de Jean Paul MARTIN et Emile SAVARY6(*), les auteurs nous disent
que : « si la formation est un changement, chercher à
connaître les apprenants, c'est vouloir identifier le point de
départ, l'état initial, la culture de ceux qu'il faudra guider
vers l'objectif ». Parmi ces informations à recueillir
chez l'apprenant, trois sont essentielles selon les auteurs :
« les motivations et attentes, les pratiques et les acquis dans
le domaine concerné, les représentations du sujet
traité ». Les étapes administratives
étaient le calvaire des stagiaires mais aussi de la formatrice. Car
cette dernière était obligée, quand ce n'était pas
moi, de faire une partie du travail à leur place. Ceci pour plusieurs
raisons : la première était que les apprenants ne voulaient
pas lire et encore moins écrire. La deuxième raison qui
justifiait la première, était que les apprenants n'avaient pas le
niveau requis pour remplir certaines étapes, comme la
comptabilité par exemple. La troisième raison était que la
mini-entreprise devait aller à tout prix jusqu'au bout aux yeux de la
formatrice, par conséquent, il n'était pas question de prendre du
retard sous prétexte que les apprenants n'y arrivaient pas. Et, je
ressentis une certaine fierté, légitime à mon sens, de la
part de la formatrice à ne pas abandonner le projet ; car une
compétition entre les E2C était en jeu. Après ces
premières observations et discussions de ce projet collectif avec les
stagiaires et la formatrice, je commençais à m'intéresser
sur ce qu'était exactement une pédagogie de projet, un projet
pédagogique puis un projet. Car il régnait une
ambigüité quant à ce qu'était ce projet et sa
pédagogie. Je décidais donc de lire des ouvrages tels que
« Education permanente » qui traite de ce sujet par le
biais d'auteurs spécialistes, tels que VASSILEFF, J.P. BOUTINET.
Finalement, après mes recherches, je me rendis compte que le sujet
était vaste et complexe. C'est pourquoi, à présent, je
décide de faire le point et de l'éclaircir dans ce
mémoire.
5 Projet et pédagogie quelle
différence ?
5.1 La
pédagogie
Tout d'abord, il me semble important avant de comprendre ce
qu'est le projet, de comprendre ce qu'est la pédagogie. La
définition que propose « WIKIPEDIA7(*) » est :
« La pédagogie est,
étymologiquement, l'action de "conduire les enfants", du grec
PAIDAGÔGIA. C'est donc l'art d'éduquer. Le terme désigne
les méthodes et pratiques d'enseignement et d'éducation ainsi que
toutes les qualités requises pour transmettre un savoir quelconque.
Faire preuve de pédagogie signifie enseigner un savoir ou une
expérience par des méthodes adaptées à un individu
ou un groupe d'individus ». « Le terme de
« pédagogie » dérive du grec
ðáéäáãùãßá, de
ðáéäüò (/'pa?d?s/),
« l'enfant », et ?ãù (/'a.g?/),
« conduire, mener, accompagner, élever ». Dans
l'Antiquité, le pédagogue était un esclave qui
accompagnait l'enfant à l'école, lui portait ses affaires, mais
aussi lui faisait réciter ses leçons et faire ses devoirs.
« Pédagogie » est un mot remontant à 1495
d'après le dictionnaire Le Robert. L'Académie française
l'admet depuis 1762 ». Être pédagogue signifie
être praticien-théoricien de l'action éducative. Il cherche
à conjoindre la théorie et la pratique à partir de sa
propre action ». L'exemple du module de la « Grande
Séquence »8(*) que nous avons réalisées à NUFC,
nous a permis, à nous, futurs formateurs, de construire un dispositif de
formation, dans lequel il s'agissait de transmettre des savoirs à des
apprenants. Mais pour transmettre ces savoirs, nous avons dû d'abord
réfléchir sur des méthodes adaptées aux individus,
ceci dans le but qu'ils apprennent et changent leurs représentations. La
pédagogie est donc une réflexivité du formateur, sur des
méthodes d'apprentissages adaptées à des apprenants. Dans
l'article de sciences humaines9(*), l'auteur nous dit que : «
L'andragogie c'est-à-dire la pédagogie pour adultes et la
pédagogie sont des sciences appliquées. Elles puisent leurs
sources théoriques dans les sciences fondamentales, en
l'occurrence les sciences humaines11(*). » Il est vrai que cette
définition me permet de comprendre le sens exact du terme, mais ne
suffit pas pour tout expliquer et ce que ce terme vient faire dans le projet.
Donc ma deuxième réflexion est sur ce qu'est un projet. Pour
cela, je fais appel également au site internet de WIKIPEDIA, mais aussi
à mes différentes lectures.
5.2 Le projet
WIKIPEDIA12(*) : « Un projet est
un engagement irréversible de résultat incertain, non
reproductible a priori à l'identique, nécessitant le concours et
l'intégration d'une grande diversité de contribution, et
répondant à un besoin exprimé ». Nos
sociétés modernes sont devenues des
« sociétés à projets ». Les projets
concernent autant les institutions (projet scolaire, projet
d'établissement hospitalier, projet de loi, projet politique, projet de
société...) que les individus, à tous les stades de la vie
(du projet éducatif au projet de retraite, en passant par les projets
professionnels, familiaux, existentiels...). Cette omniprésence du mode
projet dans tous les aspects de l'activité humaine renvoie à une
vision idéalisée de ce mode d'action. Le projet semble alors
devenu un instrument qui donne l'espoir à l'homme de ne plus seulement
subir les évènements, mais de pouvoir maîtriser le cours de
l'histoire et forger le futur à sa façon. De quoi parle-t-on
exactement ? Que se cache-t-il réellement derrière ce mot
magique, supposé constituer un remède miracle pour les hommes et
les organisations de ce début de siècle ? Cette
définition nous montre que le projet est devenu dans nos
sociétés modernes un besoin essentiel pour répondre
à des besoins. Je décide de pousser plus loin mes recherches en
me penchant sur l'ouvrage de Jean Vassileff qui dit que : « Le
Pro-jet » = La projection « Jeter devant. C'est une action
de prendre quelque chose en soi et de le jeter devant soi, d'apporter dans la
réalité de l'environnement une part plus ou moins large de son
désir. C'est la démarche de projection ». C'est la
dimension spatiale du projet, celle qui se réalise dans le
présent, dans l'ici et maintenant, tandis que le projet s'inscrit dans
l'ailleurs et plus tard.13(*)
Pour résumer ce que dit l'auteur :
« le projet est donc le produit de la
projection ». Alors que la projection, considérée
comme action, fait partie intégrante de l'individu qui la
réalise. Tandis que le projet lui, peut être dissocié de la
personne qui le met en place. C'est en effet le résultat d'une action,
un produit et se transpose dans le futur. Exemple de l'auteur avec le
métier de boulanger, que je remplace par celui de directeur commercial
qui est un des statuts que les stagiaires sont obligés d'endosser dans
le cadre de la mini-entreprise: Si Fred veut devenir Directeur Commercial, le
projet « devenir directeur commercial », peut
être séparé du projecteur Fred. On sait ce qu'est un
Directeur Commercial sans être obligé de savoir qui veut
l'être. Par contre, la projection de Fred dans l'ici et maintenant dans
le cadre de la mini-entreprise ne peut se détacher de lui. On a besoin
de la référence à son projecteur Fred, pour la comparer
avec la projection de Nelly qui elle est directrice de production.
Comme le projet peut-être dissocié du projecteur,
il permet de donner à celui-ci, une identité sociale (celle
d'ailleurs et plus tard) distincte de celle de l'ici et maintenant. Dès
le moment où Fred produit son projet il est toujours stagiaire à
l'E2C, mais il devrait si ce projet était le sien, être un futur
Directeur Commercial. L'auteur nous dit que : « cette
faculté intrinsèque au projet est primordiale dans le processus
de socialisation, ou de resocialisation, des
formés ». Je comprends dès lors, au travers
de mes recherches et de mes observations sur le terrain, que ce projet de la
mini-entreprise n'est pas un projet en relation avec le projet des apprenants
et ne répond pas à un besoin précis. En effet, ces
derniers participent à un projet décidé par
l'institution, sans même y voir un lien avec leurs propres besoins. Etre
Directeur Commercial du projet de la mini-entreprise est un statut
emprunté dans une mise en situation, pour jouer un rôle dans l'ici
et maintenant, mais sans pouvoir en faire un projet dans l'ailleurs et plus
tard.
5.3 La
pédagogie du projet
Le projet est donc considéré comme un besoin
exprimé par l'individu et dans lequel, le projet joue un rôle
essentiel dans la socialisation ou la resocialisation des formés. Pour
compléter mes recherches, je désire maintenant comprendre ce
qu'est la pédagogie du projet.
WIKIPEDIA14(*) me donne la définition suivante :
« La pédagogie de projet est une pratique de
pédagogie active qui fait passer des apprentissages à travers la
réalisation d'une production concrète. Le projet peut être
individuel (exposé, maquette) ou collectif (organisation d'une
fête, voyage, spectacle). C'est une "entreprise qui permet à un
collectif d'élèves de réaliser une production
concrète, socialisable, en intégrant des savoirs
nouveaux ».
Mes recherches montrent que d'un point de vue
théorique, la mini-entreprise pourrait être une pédagogie
de projet. Or, mes observations quant à la mise en oeuvre de ce projet
au sein de l'E2C, montrent que dans la pratique, cette pédagogie de
projet se voit déformée. Voici donc une synthèse de mes
recherches concernant la pédagogie du projet.
Au début du XXème siècle, John
Dewey,15(*) un
pédagogue américain, propose sa théorie du « learning
by doing : Apprendre en faisant » et annonce le
début de la pédagogie de projet.
En France, Célestin Freinet16(*), instituteur, inspiré
par les recherches menées en Europe par d'autres chercheurs comme
Piaget17(*),
Wallon18(*), observe
l'inefficacité des méthodes traditionnelles pour construire des
savoirs adaptés au monde qui évolue. Il va mettre en oeuvre les
pratiques de ces recherches et de ces expériences en les conceptualisant
dans des techniques connues sous le nom de « techniques
Freinet » ou de « pédagogie
coopérative ». Le principe est évolutif et permet de
créer un projet d'action et de recherche pour construire des
connaissances. L'exemple le plus connu est la classe qu'il dirige. En effet,
elle est organisée sous forme de coopérative et produit puis
diffuse ses propres outils de travail. L'objectif est de rendre l'enfant acteur
et autonome dans cette démarche, donnant ainsi un sens social et
authentique à l'écrit que fournit l'élève. Son
implication dans un tel projet lui fait prendre conscience que ce qu'il
apprend, lui servira ici et maintenant mais aussi dans le futur.
a) L'apprenant est l'acteur privilégié
de ses apprentissages
L'institution prépare le formé à sa
future vie sociale, à son autonomie physique et intellectuelle, à
sa capacité d'adaptation et à celle de décontextualiser
ses savoirs. Dans la pédagogie de projet, l'idée de J.Dewey, est
centrale. C'est-à-dire que l'apprenant va se construire en
agissant, il devient l'acteur principal. Cette pédagogie est
différente de l'enseignement traditionnel et propose des contenus dont
les apprenants trouvent un sens à ce qu'ils font. Dans le cadre d'une
pédagogie de projet, le formateur n'est plus celui qui transmet des
savoirs, mais il est celui qui joue un rôle de médiateur. Il
organise et propose un éclaircissement didactique, aux apprenants.
L'apprenant devient donc un acteur de ses propres
apprentissages et apprend à devenir autonome et responsable
(individuellement et collectivement).
De plus, la pédagogie de projet peut se comparer
à une résolution de problèmes, c'est-à-dire qu'il
faut que l'apprenant soit dans des situations de questionnement. La
démarche d'apprentissage y est déductive (la théorie ne
précède pas la pratique)19(*). Au cours du projet, les apprenants doivent
construire eux-mêmes leurs outils de résolution et leurs nouveaux
savoirs.
Ainsi l'apprenant développera une
réflexivité personnelle et pour le coup, donnera du sens à
son apprentissage.
b) Projet et appropriation de l'espace temps et
planification.
La pédagogie du projet serait-elle concept dans lequel
il y a un projet ? Par conséquent, il est impératif de se
poser les bonnes questions en tant que formateur et ce dès le
début de la formation. Notamment sur ce que les apprenants doivent
apprendre et quels sont leurs besoins et pour quelles disciplines ? Le
projet en tant que tel, doit faire partir d'une analyse de situation et de
besoins. Le projet en plus de répondre à ces besoins, va devoir
motiver les apprenants afin que ces derniers y trouvent un sens leur permettant
ainsi de les aider dans la mise en oeuvre dudit projet.
De plus, Jean Vassileff nous explique que dans le cadre d'une
pédagogie de projet « le concept de
propriété de l'espace-temps formation20(*) » peut se
concevoir uniquement si un état d'esprit de confiance et de
liberté s'instaure entre le formateur et le
formé. « Se projeter dans l'ici et maintenant de la
formation, donner du sens par soi-même à ses actes dans
l'espace-temps immédiat de la formation, tout cela suppose que cet
espace-temps soit considéré par les formés comme leur
propriété ».
Puis il rajoute concernant le concept de droit
pédagogique que : « La question de la
propriété de l'espace-temps formation pose le problème de
l'organisation des pouvoirs dans les rapports sociaux entre formateurs et
formés, c'est-à-dire, le problème du Droit qui va
régir ces rapports. Comme il existe un droit Civil, un droit
Commercial, un droit du travail, etc., il y a lieu d'élaborer un droit
pédagogique : quels sont les droits pédagogiques des
formés ? Quels sont les droits pédagogiques des
formateurs ? Quels sont les obligations qui en
découlent ? »
Pour résumer, il faudra donc ne pas négliger les
aspects cités ci-dessus ; et en analyser toutes les ressources et
toutes les contraintes. Puis, négocier les différentes phases et
les moyens que l'on se donne avec les apprenants pour la réalisation du
projet. Ensuite vient l'étape de la planification qui consistera
à ce que les apprenants organisent les objectifs pour enfin, structurer
et adapter leurs apprentissages. L'étape de la réalisation se
fait dans la continuité de celle de la planification. Il n'y a pas de
coupure entre la théorie et la pratique.
c) L'individu et le collectif dans le projet
collectif
Dans la pédagogie de projet, tout n'est pas
réalisé en travail collectif. Il faut articuler temps de travail
collectif et temps de travail individuel, « il faut aussi
favoriser les conflits socio-cognitifs, en créant un écart entre
les savoirs déjà acquis et ceux à
acquérir »21(*) (travailler dans la zone proximale de
développement,22(*)
définie par Vygotski)23(*). Par conséquent, le travail en groupe
entraîne une nécessaire pédagogie de différenciation
pour répondre aux besoins spécifiques de chacun. Le rôle du
formateur est absolument indispensable en amont du travail du formé,
afin de créer les conditions d'apprentissage optimales.
Vassileff dit que : « la pédagogie
du projet est une pédagogie personnalisée. Elle implique donc une
individualisation de l'acquisition de connaissances. Des tests de connaissances
et d'aptitudes seront utiles et appréciés des formés dans
la mesure où ils ne seront pas utilisés à les orienter
mais à les aider à se situer et à mesurer la nature et
l'ampleur de l'effort à accomplir ».24(*)
d) Les dérives d'une pédagogie de projet
Selon Vassileff, donner du sens ou motiver un apprenant sous
prétexte qu'il doit à tout prix apprendre, peut créer un
blocage ou l'emmener vers un productivisme où les moyens pour la
réalisation d'un projet, occulte l'objectif principal qui est le
processus d'apprentissage, c'est-à-dire l'acquisition des nouveaux
savoirs. De plus, le formateur ne doit pas faire à la place de
l'apprenant par peur de perdre du temps ; et encore moins de tout
préparer sous prétexte que l'apprenant ne sait pas s'organiser.
Le formateur ne peut pas être le chef du projet et les apprenants les
exécutants soumis à des règles strictes. Le projet
malgré tout doit être cadré et ne doit pas rester sans
objectif et être inventé au fur et à mesure par les
protagonistes.
Pour finir, Marc BRU et Louis NOT25(*) définissent en cinq
fonctions cette pédagogie :
1. Fonction de motivation : La situation a une valeur
affective et intellectuelle pour l'enfant. Il va s'y engager individuellement
et volontairement parce qu'il perçoit le sens, il sait à quoi,
pourquoi et comment il s'engage.
2. Fonction didactique : Les connaissances acquises
pour réaliser le projet, doivent être mobilisées par
l'apprenant ceci afin de développer de nouvelles
compétences.
3. Fonction sociale : Il faut coopérer avec
les autres partenaires et médiateurs, ceci dans le but d'échanger
les compétences, de définir le rôle de chacun dans la
réalisation du projet et enfin de s'engager, en vue d'une
production.
4. Fonction économique : Pour la
réalisation du projet, il faut prendre en compte les différents
aspects tels que les contraintes de temps, économiques,
matérielles et humaines. Par conséquent, les apprenants doivent
gérer leur environnement.
5. Fonction politique: Le projet demande une implication
participative et donc collective. Le projet devient alors une formation
à la vie civique.
La pédagogie de projet est donc celle de l'action, de
l'implication des apprenants dans un projet choisi et réfléchi.
Le besoin de l'apprenant est indissociable du projet.
Pour finir mes recherches, je désire savoir maintenant
ce qu'est un projet pédagogique et d'en comprendre la différence
avec la pédagogie du projet. L'objectif est de comprendre de quoi il
s'agit lorsque l'on parle du projet de la mini-entreprise, ceci dans le but
d'essayer de répondre à ma question principale de ce
mémoire.
5.4 Le projet
pédagogique
La définition de
WIKIPEDIA : « Un projet pédagogique est
généralement élaboré à l'échelle
d'une structure (école, crèche, classe d'université,
collège ou lycée, etc). Il peut se traduire et décliner en
plans d'action éducative, en projets annuels, thématiques,
coopératifs, collaboratifs, ouverts sur d'autres pays et cultures, etc.
Il peut éventuellement s'appuyer sur des intervenants extérieurs
(dans les limites autorisées par les ministères et lois
concernant l'éducation, par exemple sans prosélytisme en
France) »
Le projet pédagogique utilise la même
démarche que la pédagogie du projet, sauf qu'elle met le
formateur au centre ou en périphérie du projet. C'est lui qui
construit la formation en fonction d'un cahier des charges, il se place entre
l'institution et les stagiaires. Néanmoins, le projet pédagogique
doit répondre, comme la pédagogie du projet, aux besoins de
formation des élèves/stagiaires, il doit être adapté
à leurs possibilités et répondre à leurs
motivations. Le projet pédagogique ne permet pas à l'apprenant
d'être acteur de son projet au sens d'une pédagogie de projet car
le formateur ou l'enseignant maitrise le contenu à transmettre aux
apprenants. Jean Pierre BOUTINET nous dit que : « Dans
tous les cas, les enseignants gardent, sur le projet pédagogique, le
pouvoir de proposition, mais d'une proposition toujours négociée,
si l'on ne veut pas réduire le projet pédagogique à un
simple projet d'enseignement (d'enseignant) ou d'apprentissage
(d'apprenant).26(*)
Contrairement à la pédagogie du projet qui ne
met pas les objectifs au centre du projet, le projet pédagogique est
centré autour du but à atteindre et se construit avec des
caractéristiques qui se vérifient lors de la formation face aux
stagiaires. Des ajustements seront mis en place en fonction des
décalages entre le contenu de la formation prévue et les
connaissances des stagiaires.
Sur ce point, J P BOUTINET fait la différence avec le
projet pédagogique et celui de la pédagogie du projet. Je
cite 27(*):
« Alors que le projet pédagogique décrit de
façon opératoire une intention portée sur un objet
à promouvoir, la pédagogie du projet entend valoriser une
méthodologie basée sur le projet ; du projet-objet nous
passons au projet méthode ».
Pour reprendre les points cités par mon
guidant : « Lors d'un projet pédagogique,
une négociation entre les enseignants ou formateurs et les
élèves ou stagiaires est essentielle puisqu'il n'y a de
pédagogie que dans le relationnel.
Si la négociation est court-circuitée, on
n'est plus dans un projet pédagogique, mais dans un projet d'enseignant
ou de formateur.
La négociation entre enseignant-formateur et
élève-formé a au moins deux fonctions
essentielles :
- elle permet d'effectuer un diagnostic de la situation
pédagogique, notamment ne prenant en compte les acquis des
élèves-stagiaires
- elle donne l'occasion aux
élèves-stagiaires au travers d'une démarche active et
concrète de s'interroger sur ce qu'ils veulent ; la
négociation est alors la dimension essentielle d'une pédagogie
qui se présente comme ouverture, en stimulant la motivation et
l'imagination de tous les intéressés, en leur permettant de
s'approprier la situation dans laquelle ils sont acteurs »
Conclusion du chapitre
2
Après ces distinctions concernant le projet et ses
outils pédagogiques, il me semble que le projet de la mini-entreprise
pourrait, et je dis bien pourrait à si méprendre, être un
projet pédagogique plutôt qu'une pédagogie de projet. En
effet, le projet est élaboré par EPA, c'est-à-dire
l'institution et non pas, comme le veut une pédagogie de projet, par les
apprenants ; il vise et valorise un objectif précis qu'est la
création d'une mini-entreprise. Or, la pédagogie de projet tend
à valoriser la méthodologie basée sur le projet. De plus,
l'outil clé en main conçu par EPA, (le guide pédagogique)
impose des étapes aux apprenants dans lesquelles tout est
préparé et réfléchi à l'avance et à
la place des formés. Il « suffirait » de suivre les
étapes pour ne pas se tromper de direction. Tandis que la
pédagogie du projet laisse aux apprenants le soin de construire leurs
propres outils et de chercher des réponses à leurs questions, de
résoudre les problèmes lié aux étapes et ce, au fur
et à mesure de l'avancement de leur projet. Finalement, Il semblerait
malgré tout, que ce projet pédagogique n'en est pas un, car si
l'on regarde de plus près, il ne tient pas compte des acquis des
apprenants et de leurs besoins, puisqu'il s'adresse aussi bien aux
lycées, aux collèges qu'à l'insertion. Si les apprenants
pouvaient s'approprier ce projet, nous serions effectivement dans un projet
pédagogique, me semble t-il, or le contenu du guide est le même
pour tout le monde et ne tient pas compte des pré-requis des apprenants
de l'E2C. En fait, il est programmé pour un public, sans que ce dernier
puisse négocier quoi que ce soit. Les objectifs ont été
fixés par l'institution sans même savoir s'ils sont
réalisables par les apprenants. Pour finir, le projet est
programmé sur la période scolaire des élèves ou des
stagiaires. Or si l'on regarde le fonctionnement de l'E2C, l'institution n'a
pas non plus tenue compte de l'alternance des stagiaires, ce qui pose un
problème supplémentaire dans l'organisation et le temps. En
effet, il semblerait que l'institution porteuse du projet de la mini-entreprise
n'a pas analysée la situation.
Pour reprendre les points essentiels de mon
guidant à propos de l'analyse : « Analyser la
situation c'est prendre en compte l'ensemble des paramètres qui
momentanément agissent sur l'auteur, le groupe, l'institution entrain de
décider de son projet :
- Les contraintes et les ressources de
l'environnement,
- Les dysfonctionnements et problèmes
observés,
- L'auteur (sujet, groupe, institution,...) son histoire,
ses désirs, ses aspirations, ses inclinaisons, etc.
Analyser, c'est se représenter objectivement la
situation pour juger et décider. Cette analyse implique une assez longue
interrogation sur soi même (sujet, groupe, institution,...) comme sur son
environnement. Elle pourra prendre des médiations plus ou moins longues,
utiliser des personnes ressources, faire appel à des personnes
patentées qui procéderont à un diagnostic ou effectueront
un audit ».
Ces recherches me permettent désormais de faire mes
premières hypothèses sur le projet de la mini-entreprise. Il
s'agit pour moi de vérifier ce que les stagiaires apprennent dans cette
pédagogie du projet qui à mon sens n'en est pas une. Le slogan
EPA est : « Apprendre en faisant ». Oui mais,
« apprendre quoi ? » « Et
comment ? »28(*)
Chapitre 3
6 La Construction méthodologique de l'objet de mon
étude
6.1
Hypothèses naissantes
Mes observations sur le terrain de stage m'ont permis de faire
les hypothèses suivantes :
- Le projet collectif de la mini-entreprise pourrait
être contre-productif car inadapté aux stagiaires de l'E2C. De
plus, l'institution n'a pas, me semble t-il, tenu compte des besoins des
stagiaires, c'est le projet de l'institution et non celui des stagiaires.
- La pédagogie du projet utilisée comme outils
pédagogique par les institutions, ne l'est que dans sa théorie,
concernant ce projet pour les stagiaires de l'E2C.
- Le guide pédagogique clé en mains conçu
par EPA s'adresse aussi bien aux lycées, aux collèges qu'aux E2C.
Son contenu ne tient pas compte des écarts de niveau qui
pourraient-être abyssaux pour les stagiaires de l'E2C.
6.2 L'approche de
ma problématique et mes premières questions
Désormais, j'arrivais à l'E2C avec des
interrogations concernant le projet de la mini-entreprise. Mon sentiment
était mitigé et rejoignit les dires de l'équipe, à
savoir que ce projet n'était peut-être pas adapté à
ce type de public. Il est vrai que j'avais analysé le contenu du guide
et je me disais : « Mais comment vont-ils faire pour remplir
les tableaux comptables, les statistiques etc...? ». Je
décidai donc d'en savoir un peu plus en allant voir la formatrice. Je
lui demandais s'il y avait dans le projet un lien avec les cours
enseignés à l'E2C. Elle me dit que non, car ce n'était pas
réalisable étant donné la charge de travail à faire
pour les formateurs. De plus, elle me dit outre le fait que les stagiaires ne
faisaient pas tous partis de la même promo et qu'ils étaient en
stage à des dates différentes, qu'il n'était pas possible
de mobiliser des formateurs pour un projet de cette envergure. Puis elle
rajouta que ce n'était pas le même rythme que dans les
écoles. C'est alors que je commençais à comprendre que ce
projet n'était peut-être pas vraiment adapté à
l'E2C.
Mon retour en formation à CNUF, me permis de faire le
point concernant ce projet. Je m'interrogeais sur la façon dont un
projet pouvait être mis en place pour ce type de public.
C'est lors du module « Apprentissage »
à CNUF, que je découvris ce qu'était la notion
d'apprentissage et le projet. Je comprenais que ce cours était
indispensable pour mes recherches futures « L'apprentissage est
partout et dans chacun de nous, il n'y a pas une seule façon
d'apprendre ». Je découvrais alors des concepts inconnus au
bataillon. Jamais entendu parler ! Je compris que le processus
d'apprentissage était capital pour le formateur et pour le formé,
cela lui permettait d'être conscient de son propre apprentissage en
étant réflexif « Etre capable de se remettre en
question, de s'auto-former afin d'apprendre et devenir autonome dans leur
processus d'apprentissage ». Je comprenais ainsi que ce module
n'était pas simplement un module pour engranger des concepts en tout
genre, mais que celui-ci m'aiderait dans mon propre apprentissage en tant que
futur formateur. Mais surtout, qu'il m'aiderait à vérifier et
à comprendre ma question principale sur l'apprentissage des stagiaires
de l'E2C au travers du projet de la mini-entreprise.
Au fur et à mesure que j'avançais, des liens
commençaient à se mettre en place dans mon esprit, concernant le
projet de la mini-entreprise. Je me posais beaucoup de questions.
Désormais, le module de l'apprentissage accentuait ces questions, en
rajoutait, les éclaircissait et quelques fois semait le doute. Et je
dirais « heureusement » car cela me permettait de
réfléchir plus longuement, quant à la
responsabilité du formateur face à des apprenants et notamment
dans ce type projet qu'était la mini-entreprise.
En effet, plusieurs questions me venaient à l'esprit,
notamment sur les objectifs d'un projet collectif. Quelles étaient les
pédagogies utilisées pour les mener à terme ? Quels
rapprochements pouvait-on faire entre un projet collectif et l'insertion ?
Quel était le rôle et la place du formateur et ceux de
l'apprenant, dans un projet? Un projet pouvait-il contribuer à
l'autonomie des personnes en difficulté ? La mini-entreprise
était-elle un projet d'apprentissage, un projet tout court ou simplement
une vulgarisation pour la création d'une entreprise ?
6.3 Formulation de
ma question de départ
Après plusieurs jours de réflexion, je
désirais vérifier désormais si le projet collectif de la
mini-entreprise au sein de l'E2C était adapté aux stagiaires?
Qu'en était-il réellement de ce projet en termes
d'apprentissage ? Et quelle place le formateur avait-il dans ce
projet ? Ces questions devenaient primordiales. Je me sentais
impliqué dans ce projet et je ne pouvais pas simplement faire une
analyse du haut de mes 1,85 m en m'interrogeant uniquement sur le projet en
tant que tel. Je devais aussi m'intéresser aux apprenants et à
leur apprentissage dans ce type projet. Les cours du NUFC m'aidaient à
construire mon raisonnement, mes réflexions. J'arrivais à
réfléchir plus posément et faire le tri. Les modules de
l'apprentissage, de méthodologie, d'outils du formateur, me permettaient
d'organiser mes pensés. Finalement, plus je réfléchissais
et plus ce projet me paraissait peut-être trop ambitieux. Il est vrai
que, au regard de mon expérience dans ce domaine, je me demandais
à ce moment là : « comment peut-on
créer une entreprise en si peu de temps avec des personnes qui n'ont
aucune connaissance théorique et pratique, aucune compétence, que
ce soit en termes d'organisation, de gestion administrative, commerciale et ou,
de négociation ? » Qui plus est :
« des personnes qui ont de grosses difficultés que se
soient : cognitives, personnelles, socioculturelles
etc... »
6.4 La
réalisation de mon guide pour l'entretien exploratoire
Finalement, l'entretien exploratoire m'a permis de
cristalliser mes premières questions de départ. En effet, je
décidais donc d'interviewer la formatrice responsable du projet de la
mini-entreprise. Ce choix était important pour moi, car lorsque
j'étais en stage, et que nous étions en accompagnement avec les
mini-entrepreneurs, je ressentais toujours une certaine ambigüité
sur la façon de mener ce projet. Elle me dit souvent :
« Tu comprends Michel, il faut que les jeunes apprennent par
eux-mêmes dans ce projet, c'est d'ailleurs l'objectif, car on est sur un
projet où le stagiaire apprend en faisant, c'est une pédagogie de
projet». Puis, lorsque nous sortions d'une séquence, elle me
demandait si je ne pouvais pas faire le compte rendu de la séance avec
la responsable administrative de la mini-entreprise, ou encore les statistiques
de l'étude de marché. Pour justifier cette demande, elle me
disait : « tu comprends Michel, on a très peu de
temps, ils ne peuvent pas le faire, ils n'ont pas les compétences, ils
ne sont pas autonomes, ils font plein de fautes etc... » Je
reconnaissais que ses dires étaient fondés mais ne
correspondaient pas, selon moi, à un apprentissage pour les
stagiaires.
Exemple : lors de l'étape de l'étude de
marché, les apprenants devaient remplir un questionnaire en interrogeant
un panel de 60 personnes et dans lequel des questions vérifiaient si
leur produit était viable et donc vendable sur le marché. Or,
lors de la synthèse, je m'aperçus d'une part que les stagiaires
avaient fait leur étude de marché n'importe comment et qu'ils
s'en moquaient comme de l'an 40. D'autre part, le directeur commercial de la
mini-entreprise se trouvait incapable de remplir les tableaux imposés
par l'étape et encore moins de faire les statistiques justifiant ainsi
la faisabilité du produit. Les pourcentages étaient pour lui une
sorte de trou noir dans lequel il ne voyait strictement rien. Impossible pour
lui de trouver un sens à cette science
« socio-économico-commerciale ». Pour le coup, je
fis tout à sa place. Je lui demandais si cela l'intéressait de
voir comment on réalisait des pourcentages ? Il me répondit
que « non » et que cela ne lui servirait à
rien parce qu'il voulait devenir agent de sécurité. Alors
j'essayais de comprendre pourquoi il avait choisi d'être dans la
mini-entreprise, il me répondit qu'il ne savait pas et qu'il fallait
bien faire quelque chose. Je restais « bouche bé »
devant ses réponses. J'en parlais à la formatrice, et elle me
répondit que cela ne l'étonnait pas, car ce stagiaire
n'était pas fiable et ne s'intéressait à rien.
Bref, c'est alors que je compris effectivement que ce projet
était réalisé dans l'urgence et qu'il comportait des
étapes insurmontables pour les apprenants. De plus, ces derniers
s'étaient engagés dans un projet sans vraiment savoir de quoi il
était fait. La réunion d'information n'avait pas
explicité, me semblait-il, ni aux formateurs ni aux apprenants, certains
pré-requis pour la mise en place d'un projet de ce type. La gestion
administrative était une corvée pour les apprenants et
l'organisation s'en faisait ressentir.
Voici un exemple de statistiques qu'il fallait réaliser
dans le cadre du projet. Or le stagiaire qui devait produire ces tableaux
n'était pas formé pour ce type d'exercices. Son niveau en
mathématique et en informatique était trop faible pour
réaliser ceci.
Ces discussions et observations que je cite, sont informelles
et ne franchissent pas les couloirs ou les salles de l'E2C ; et bien
entendu ne figurent pas dans l'entretien exploratoire.
Malgré tout, au cours de notre entretien, les
réponses de la formatrice sont suffisamment explicites quant à ce
projet, les apprenants et sa mise en place au sein de l'école.
Cinq thèmes ressortent de mon analyse de l'entretien
exploratoire.
Le premier thème est la question du projet en
lui-même, je voudrais vérifier si ce projet a
été conçu pour les stagiaires de l'E2C. Cela me permettra
de répondre à la question que je me pose. A savoir si ce projet
est adapté au public de l'E2C et d'en connaître ses limites.
Le deuxième thème concerne les apprenants et
leur apprentissage. En effet, ce projet se dit être basé sur
une pédagogie de l'action comme il est précisé dans le
guide. Or, mes observations montrent qu'il en est tout autre et se
vérifie lors des séances, lorsque la formatrice et moi-même
faisons une grande partie du travail administratif tout simplement parce que
les stagiaires ne veulent pas s'impliquer plus que cela dans le projet, dont
certaines étapes sont infaisables par les stagiaires. Notamment les
statistiques ou la comptabilité. Alors qu'apprennent-ils au bout du
compte ?
Le troisième thème est de vérifier
pourquoi ce projet est difficile pour la formatrice et pour les apprenants.
Cela m'aidera à comprendre ce stress permanent?
Le quatrième thème concerne les statuts et
les rôles de l'apprenant dans le projet. Cela m'aide à
comprendre si les stagiaires sont conscients du rôle qu'ils doivent
jouer.
Le cinquième thème concerne l'autonomie des
stagiaires dans le projet. Car je me demande comment les stagiaires
peuvent-ils être autonomes au travers d'un tel projet ?
6.5 Analyse
de l'entretien exploratoire
Cette analyse m'a permis de mettre en évidence les
points suivants :
Premier thème : La formatrice me fait
comprendre que ce projet n'est pas compatible avec les stagiaires :
« Bon alors, je vais dire que le projet de la mini-entreprise tel
qu'il est écrit, conçu comme il est là n'est pas
forcément adapté au public de l'E2C... »
« ...ces jeunes là, des problèmes d'adaptation, des
problèmes de travailler dans le temps, d'organisation, je dirais aussi
des problèmes de s'adapter sur un projet comme ça qui est sur la
durée, c'est des jeunes qui ne se projettent pas donc qui travaillent
quasiment au jour le jour sur un projet comme ça qui est et qui n'aura
de résultats réellement visibles que dans la durée,»
L 3-13
Deuxième thème : Concernant
l'apprentissage des apprenants :
« La partie administrative, apprentissage qui
nécessite des connaissances de base quand même assez solides,
beaucoup d'autonomie. Ca c'est des choses que la plupart de nos jeunes n'ont
pas hein » L14-16
« ... L'apprentissage il est plus au niveau des
« savoir être » parce que ça va être
construire quelque chose en groupe » L 109-110
Elle compare le système scolaire et ses méthodes
de travail que l'E2C n'a pas :
« ces phases administratives qui sont
indispensables mais qui sont longues, elles sont difficiles à faire pour
eux et d'AUTANT PLUS difficiles que j'pense que ils n'y mettent pas
l'investissement que quelqu'un qui est déjà dans un processus
scolaire, qui est déjà dans un dispositif d'apprentissage
quotidien, ils ont déjà des méthodes de travail, des
habitudes de travail, des habitudes d'être dans des cours de 8h du matin
à 18h, ces choses-là, nous, on les a pas ici, nos jeunes ici ne
les ont pas. » L26-32
Troisième thème : Le temps pose des
difficultés quant à la mise en oeuvre du projet, elle me fait
comprendre qu'elle a une surcharge de travail et par conséquent un
manque de temps pour accompagner les apprenants dans leur projet.
« Il faut être là, ça veut
dire que dans un planning, ça représente énormément
de temps, que les projets collectifs pour les formateur
référents, sont des choses qui sont en plus de leur quotidien de
formateur. Il faut gérer ça en plus des groupes, en plus des
problèmes que l'on a sur nos groupes. Et, on considère ces jeunes
là, comme si c'était un groupe finalement. Je me rends compte
finalement que la mini-entreprise, c'est comme si j'avais intégré
une nouvelle promotion, ça me prend pratiquement autant de temps. Mais
ce n'est pas du tout le même objectif » L 273-279
Quatrième thème : Puis elle parle
des rôles que la mini-entreprise impose aux stagiaires :
« Donc le risque de confusion, j'vais dire que chez
certains c'est possible. Ca, ça va dépendre de l'état
psychologique de chacun, et du moment. En fait finalement je
réfléchissais à ça et je pense quand ils se sentent
surchargés par le travail que demande la mini, à un moment il
peut y avoir confusion effectivement hein parce que parce que finalement c'est
un rôle, un rôle qu'on leur demande de jouer et mais effectivement
quand ils quittent les locaux eh ben ils ne sont plus dans c'rôle
là, ils sont eux-mêmes, » L222-228
Cinquième thème : L'autonomie fait
défaut aux stagiaires, la formatrice semble dire qu'ils ne sont pas
suffisamment impliqués dans le projet pour devenir autonome.
« Si les jeunes étaient
complètement autonomes, qu'on avait juste à leur dire
voilà : « aujourd'hui vous êtes réunis pour la
mini, vous savez qu'elle est l'étape, que vous devez gérer
aujourd'hui, gérez votre étape. Hein, voilà, est ce qu'ils
sont capable d'aller chercher leur clé USB, d'aller lire l'étape,
de bien comprendre l'étape, de bien voir où ils en sont, ou faire
la synthèse de ce qui......................... ! Ils ne sont pas
suffisamment autonomes pour ça. On est obligé d'instruire quand
même. Et puis aussi, faut leur dire non parce que, on ne doit pas faire,
on ne fait pas pour eux. » L282-288
Ce cinquième thème mérite une analyse
critique quant à l'autonomie. En effet, il me semble que le formateur
doit se positionner dans ce type de projet, en tant que personne ressource pour
l'apprenant. Il n'est pas concevable de laisser l'apprenant se
« dépatouiller » avec son projet. Il s'agit de le
guider et de l'aider dans ses recherches. L'idée est de lui faire
prendre conscience de son apprentissage tout en lui laissant le choix. Lui
faire dire les choses ; faire en sorte que chaque apprenant pose des
questions et qu'il cherche par lui-même les réponses. Le
rôle du formateur devient dans ce cas, celui de tuteur ; il devient
la personne ressource qui fournit des conseils pour la planification et
l'exécution du projet. Le tuteur doit gérer la dynamique propre
au groupe et les processus de réflexion, mais ne prend pas de
décisions à la place du formé. Il ne mène pas le
projet, il veille au bon déroulement de ce dernier. Si les apprenants
rencontrent des difficultés, le rôle du tuteur est de se
positionner en tant que personne d'aide, mais sans résoudre les
problèmes à leur place. Ce rôle est comparable à
celui de mon guidant pour mon mémoire. En effet, il me donne les grandes
orientations, des conseils, etc... mais jamais ne fait à ma place. C'est
de cette façon que je deviens et me sens autonome. L'autonomie n'est pas
possible sans une aide de conseil extérieur, me semble t-il.
Cette première analyse me permet de faire
évoluer mon questionnement et de voir plus clair. Ceci dit, je
reviendrai sur cet entretien que j'analyserai plus en profondeur dans le
chapitre 4, consacré à l'analyse des contenus de mes
entretiens.
6.6 Evolution de mon questionnement
Mon entretien exploratoire me fait prendre conscience que le
projet de la mini-entreprise n'est pas aussi simple qu'il y paraît pour
les apprenants, mais aussi pour la formatrice. Car ce projet n'est pas
adapté aux apprenants en terme de contenu, n'est pas adapté au
fonctionnement du parcours d'alternance d'un stagiaire de l'E2C et finalement,
ce projet ne tient pas compte non plus de la surcharge de travail pour la
formatrice à qui l'on a confié ce projet, trop lourd à
porter par une seule personne. Ce qui m'amène à penser que ce
projet n'est pas non plus un projet pédagogique. Car la formatrice ne
maîtrise pas le contenu du guide pédagogique et encore moins les
objectifs à atteindre. (Voir projet pédagogique page 33) De plus,
je ressens une contradiction permanente de la part de la formatrice qui me
répète souvent que c'est le projet des stagiaires et qu'il ne
faut pas faire à leur place. Or, je me trouve en permanence devant
l'ordinateur pour faire ce que les stagiaires ne peuvent pas ou ne veulent pas
faire. J'ai le sentiment que la formatrice se donne « un mal de
chien » à vouloir aller jusqu'au bout du projet, malgré
le fait qu'elle considère ce projet comme inadapté, et ce, dans
tous les sens du terme. D'autre part, les stagiaires qui au départ
étaient 9, se trouvent à 8 dès la première semaine,
quatre mois plus tard à 6 et quelque fois à 4 pour continuer le
projet. La directrice administrative est enceinte et a dû arrêter
pour cause de santé. Une autre stagiaire qui s'occupait de la
fabrication a été renvoyée de l'E2C pour motif de vol sur
les lieux de son stage. L'assistant du directeur commercial lui aussi a
été renvoyé de l'E2C (motif : irrespectueux). Un
autre stagiaire a fait des allers-retours dans le projet jusqu'à ce
qu'il décide d'abandonner. Cela ne l'intéressait pas parce qu'il
trouvait ça trop dur. Il ne m'en a pas dit plus, mais je pense, pour
l'avoir vu lors des séances, qu'il était ailleurs, il ne
s'impliquait pas. A chaque question il
répondait : « ch'sais pas ». Je crois
qu'il ne savait pas non plus ce qu'il faisait à l'E2C. Il a
quitté l'E2C également pour cause d'absences
répétées. Au mois de février, 4 stagiaires tiennent
le projet et encore, ils ne sont pas toujours présents en même
temps. Le PDG de la mini-entreprise avait disparu de la circulation pendant
deux semaines. Il ne venait plus aux séances. La formatrice me disait
que l'on ne pouvait pas le licencier car il fallait organiser une
Assemblée Générale et que cela nous obligerait, soit
à fermer la mini-entreprise soit à renommer un autre PDG. Or, il
nous manquait du temps et de toute façon aucun des stagiaires ne voulait
prendre ce poste. Je comprends que l'important maintenant, c'est d'aller au
concours.
Dans ce contexte, des questions me trottaient dans la
tête: « en quoi un projet collectif tel que la
mini-entreprise, apporte-t-il un plus en terme d'apprentissage? À qui
profite-t-il ? Et dans quel but ? Où se place le
formateur dans ce type de projet ? ».
7 Recueil de données outre mes entretiens
7.1
Réalisation de mon guide d'entretien
A partir de toutes ces données, je conçois alors
ma grille d'entretien pour les interviews définitives.
Finalement, je souhaite vérifier d'où vient ce
projet et comment est-il venu s'intégrer dans les E2C, notamment
à EPINAL. Je souhaite connaître les enjeux et les objectifs
institutionnels à travers ce projet. Pour cela, je prends rendez-vous
avec l'association « Entreprendre pour Apprendre »
partenaire de la CCI et responsable des E2C de Lorraine. Ensuite, je
m'intéresse également au responsable de formation de la CCI, ceci
pour croiser les informations des deux institutions mais aussi pour comprendre
pourquoi ce projet est aux E2C et quels en sont les objectifs
pédagogiques pour les apprenants ?
Pour finir, je désire interviewer les apprenants afin
de savoir si le projet leur apprend quelque chose et quoi ? Pour
construire mon guide d'entretien, j'ai dû adapter mes questions aux
institutions et aux apprenants. Je n'ai pu interroger que deux apprenants, car
les autres n'ont pas accepté que je les enregistre. Je comprends
derrière cette attitude que les stagiaires de la mini-entreprise ont du
mal à s'exprimer et n'ont pas confiance en eux, ils
préfèrent dire les choses à l'instant
« T ». Les interroger ressemble à un interrogatoire
m'ont-ils dit. C'est pourquoi, mes observations relevées au fur et
mesure sont attrapées au vol, entre une pose cigarette des apprenants
dans la cour, ou dans les couloirs de l'E2C.
Grille de questionnement pour le responsable formation des
E2C Lorraine
La CCI a mis en place un projet collectif «
Mini-entreprise » au sein des écoles de la deuxième
chance avec pour partenariat l'association « Entreprendre pour
Apprendre ».
Questions
|
Ce que je veux vérifier et comprendre
|
1) Parlez-moi de ce projet qui a été mis en
place, pourquoi avoir retenu ce projet ?
|
Je désir comprendre les enjeux et les objectifs de la
CCI.
|
2) Quels sont les avantages d'un tel projet : pour les
apprenants ? Pour les formateurs ? L'institution ?
|
Je voudrais comprendre « en quoi un tel projet
collectif « la mini-entreprise », apporte-t-il un plus en
terme d'apprentissage? À qui profite-t-il ? Et dans quel but ? Ou
se place le formateur dans ce type de projet ? ».
|
3) Pensez-vous qu'il y a des limites dans ce type
projet ?
|
Cette question me permet de voir si le projet peut s'appliquer
dans sa totalité aux E2C
|
4) Pensez vous qu'il y ait des pistes d'amélioration
pour ce type de projet et ..., lesquelles ?
|
Ainsi je peux comprendre les difficultés non dites ou
mal interprétées par l'ensemble des protagonistes de ce projet
|
5) Et enfin, pensez-vous que ce projet soit adapté au
public de l'E2C ?
|
Cela me permet de vérifier si l'institution est
consciente que ce projet n'est pas adapté aux apprenants
|
6) Comment évaluer les apprenants dans ce type de
projet ? (Apprentissage : social, culturel, professionnel)
(même remarque que pour la première grille)
|
Je veux comprendre quelle est l'évaluation dans un tel
projet et comment cela se passe
|
Grille de questionnement pour la responsable du projet de
l'association : « Entreprendre pour Apprendre »
Votre association « Entreprendre pour
Apprendre » propose un projet collectif qui consiste à
créer une Mini-entreprise au sein des établissements. Ce type de
projet au départ est destiné aux élèves des
collèges et des Lycées.
Questions
|
Ce que je veux vérifier et comprendre
|
1) Pouvez-vous m'en dire un peu plus ?
|
Je veux comparer les informations que j'ai réunies avec
les siennes. (L'historique et les enjeux institutionnels) Comprendre si c'est
une pédagogie de projet
|
2) Comment vous est venue l'idée de proposer ce projet
aux E2C ?
|
Cette question me permet de vérifier et de croiser la
réponse de la CCI.
|
3) Quelles sont les objectifs de ce projet pour les apprenants
?
|
Je veux vérifier si les objectifs sont en harmonies
avec la CCI et les apprenants.
|
4) Quels sont les avantages d'un tel projet : pour les
apprenants ? Pour les formateurs ? L'institution ?
|
Je voudrais comprendre comme pour la CCI « en quoi
un tel projet collectif « la mini-entreprise »,
apporte-t-il un plus en terme d'apprentissage? À qui profite-t-il ? Et
dans quel but ? Ou se place le formateur dans ce type de
projet ? ».
|
5) Pensez-vous qu'il ait des limites dans ce type
projet ?
|
Sur ce point, je veux savoir si elle ressent des
difficultés quant à la mise en oeuvre du projet au sein de
l'E2C
|
6) Pensez vous qu'il y ait des pistes d'amélioration
pour ce type de projet et ..., lesquelles ?
|
Ainsi je peux comprendre les difficultés non dites ou
mal interprétées par l'ensemble des protagonistes de ce projet
|
7) Avez-vous des retours sur ce projet ? Qu'est-ce qu'on
vous en dit ? (de positif et/ou de négatif)
|
Cette question me permet de vérifier si, ce que je
constate sur le terrain notamment les difficultés de mise en oeuvre sont
remontés par les formateurs des E2C
|
8) Et enfin, pensez-vous que ce projet soit adapté au
public de l'E2C par rapport à la cible de départ que
sont les collèges et les Lycées ?
|
Me permet de savoir si elle est consciente que les apprenants
ont des difficultés d'appropriation du projet, car non adapté
|
9) Comment évaluer les apprenants dans ce type de
projet ? (Apprentissage : social, culturel, professionnel)
|
Je veux comprendre si l'évaluation repose uniquement
sur un concours
|
Grille de questionnement les stagiaires de l'E2C
d'Epinal
1) Pouvez-vous me dire ce que représente ce projet pour
vous ?
|
Je veux vérifier si le fait qu'ils participent au
projet est un vrai choix ou un passe temps
|
2) Pour vous, quels est votre objectifs ?
Créer le débat
|
Cette question m'aide à comprendre
l'intérêt de ce projet pour l'apprenant
|
3) Pensez-vous être aidé
|
Qu'est ce qui les dérange dans ce projet
|
4) Quelles sont les difficultés ?
Créer le débat
|
Je veux vérifier pourquoi les apprenants
éprouvent-ils des difficultés et à quels moment
|
5) qu'avez-vous appris dans ce projet ?
|
Important au niveau de l'apprentissage
|
6) Avez-vous la sensation d'apprendre quelque chose ?
Créer le débat
|
Je pourrais savoir si l'apprenant trouve un sens à ce
projet et de quelle façon il va pouvoir utiliser ce qu'il a appris.
|
7) Si vous deviez changer quelque chose dans ce projet, ce
serait quoi ?
Créer le débat
|
Cela me permet de croiser tout ce qui vient de me dire et de
vérifier son implication dans un tel projet.
|
7.2 Méthode
d'analyse de mes entretiens
Ces entretiens m'ont permit de croiser les informations
recueillies et ceci dans le but de les analyser, de comprendre le projet de la
mini-entreprise et de vérifier mes hypothèses. De cette
façon je pouvais construire un tableau à double entrée
avec 5 colonnes représentant chaque interview et dans lesquelles, il
s'agissait d'intégrer les thèmes et les sous-thèmes selon
les propos de chaque interviewé. Pour identifier les thèmes, j'ai
lu et relu attentivement chaque interview pour comprendre le point de vue de
chacun.
Cette analyse transversale m'a permis de faire ressortir les
grands thèmes qui me semblaient apporter des éléments de
réponse par rapport à mon questionnement central.
Chaque propos est classé dans le tableau et se croise
avec les autres. Certains propos concordent tandis que d'autres sont en
contradictions.
Conclusion du chapitre
3
Pour construire cette méthodologie, j'ai dû
observer, prendre des notes, les analyser pour essayer de comprendre chaque
instant, chaque événement, que ce soit sur mon terrain de stage,
mais aussi à NUFC. Il m'a fallu prendre du recul, poser les choses et ne
pas me laisser influencer par les discours des uns et des autres,
c'est-à-dire essayer d'être le plus objectif possible dans mon
étude. J'ai voulu construire cette méthodologie avec le plus de
réalisme possible, c'est-à-dire en me posant des questions, en me
demandant en permanence pourquoi je fais ça, pourquoi je dois poser
cette question, pourquoi j'observe chaque détail, chaque situation, au
point de les comptabiliser, les classer, les trier puis les photographier dans
ma mémoire ? Cette méthodologie est une sorte de miroir me
permettant ainsi d'aller vers mon analyse de contenu qui a pour objectif
d'essayer de répondre à mon questionnement principal de ce
mémoire « Le projet collectif de la
« mini-entreprise » au sein de l'E2C répond t-il
aux attentes, en termes d'apprentissage, pour ce type de public
? »
Chapitre 4
8 Le projet de la mini-entreprise du point de vue de
l'institution
8.1 Comprendre les
rapprochements entre les institutions
La responsable d'EPA m'accorde un entretien pour parler du
projet de la mini-entreprise. Avant de rentrer dans le vif du sujet, il me
semblait important de faire le rapprochement entre le projet de la
mini-entreprise et la CCI (Chambre de Commerce et des Industries) ; EPA
(Entreprendre pour Apprendre) et enfin le MEDEF (Mouvement des Entreprises de
France). Car lorsque l'on me parlait de la mini-entreprise, tantôt on me
disait le projet du MEDEF, tantôt le projet EPA ou encore le projet de
l'association et quelques fois ce fut le projet de la CCI. Bref, j'avais
franchement du mal à m'y retrouver et comprendre qui faisait quoi. C'est
alors que j'obtins la réponse par l'association EPA.
La responsable m'accueillait dans son bureau pour
répondre à mes interrogations.
EPA : « Moi je suis
salariée pour le MEDEF et détachée pour une partie de mon
temps sur l'association EPA donc Entreprendre pour Apprendre en Lorraine qui
met en place les mini-entreprises. C'est moi qui gère au quotidien toute
les mini-entreprises, il y en a 18 cette année en
Lorraine... » «.... (L 8-11)
Je comprends alors son rôle lorsqu'elle dit
« c'est moi qui gère ». J'en déduis
que les E2C sont tributaires de l'association en terme d'outils
pédagogiques.
Puis, elle me résuma l'historique de la mini-entreprise
en me donnant un fascicule dans lequel figure le contexte et les objectifs du
projet de la mini-entreprise. Décrit dans le chapitre 2.
Mes recherches sur Internet confirmaient désormais que
ce projet provenait d'Outre-Atlantique et qu'il était vieux de plus de
70 ans. Ce projet est donc né d'une réflexion de chefs
d'entreprises américains, soucieux de recruter des étudiants en
fin de cycle et affranchis au monde de l'entreprise. Ce début
d'entretien me permettait maintenant d'approfondir le sujet et d'en comprendre
les enjeux.
EPA : « Donc,
ça a commencé par se développer par quelques grands chefs
d'entreprises aux Etats-Unis et comme ça marchait bien, ça s'est
importé dans les années 70 en Europe. A aujourd'hui, il y environ
25 pays en Europe qui participent au projet. » (L21-23)
Je comprends également à travers notre entretien
que ce projet se veut comme une méthode. Le projet est axé sur la
pédagogie du projet, or nous avons vu dans le chapitre 3, que la
pédagogie du projet est tout le contraire de ce projet dans sa pratique
à l'E2C. Lorsqu'elle parle de méthode, elle sous entend une
action de la part des apprenants sans pour autant me donner la signification
exacte.
EPA : « Des chefs
d'entreprise américain dans les années 30 se sont
dit ...» L16-17
« ...on va mettre en place une méthode
pratique pour expliquer aux jeunes, qu'est ce que c'est le monde de
l'entreprise » (L20-21)
Je suppose que lorsque la responsable EPA parle de
méthode pratique, cela signifie méthode pédagogique
basée sur : « Apprendre en Faisant » Il me
semble important à ce moment là de comprendre ce que
méthode signifie pour un spécialiste comme Philippe MEIREU.
Philippe MEIREU nous dit que :
« l'expression « méthode
pédagogique » recouvre des réalités bien
différentes : « On parle aussi bien de la
« méthode globale » pour l'apprentissage de la
lecture que des « méthodes actives », ou bien encore
de la « méthode des situations à
problèmes » En réalité, la notion de
méthode exprime trois réalités différentes mais qui
se situe en continuité les unes avec les autres. En premier lieux, elle
désigne un courant pédagogique caractérisé par les
finalités qu'il cherche à promouvoir et par l'ensemble des
pratiques qu'il préconise d'utiliser pour y parvenir : c'est ainsi
que l'on peut parler par exemple de la « méthode
FREINET » : l'élève ou le stagiaire
« apprend en étant actif dans un travail qui a du sens pour
lui ». L'autre méthode plus restreinte est
caractérisé par des outils qu'elles mettent en oeuvre par exemple
« l'enseignement assisté par ordinateur »
est aussi une méthode pédagogique. « Cela peut
favoriser la socialisation ». Et la troisième
réalité : « au sens plus étroit, on
peut parler de méthode pédagogique pour désigner une
activité précise, un outil identifié, un moyen très
pointu pour faire apprendre un contenu de savoir
déterminé ». L'auteur nous donne un
exemple : « Tel un bon tuteur en entreprise aura
répété les gestes exactes qui, à un moment
précis, permet d'accéder au tour de main, qui permettra de
remettre une pièce parfaite ».29(*)
Cette introduction me permet de mettre à l'aise mon
interlocutrice et d'ouvrir le débat en toute confiance.
8.2 Une rencontre,
un projet, des enjeux
Mes investigations se poursuivirent pour essayer de saisir
comment ce projet était arrivé à l'E2C et quels enjeux
institutionnels et politiques pouvait-il y avoir derrière. Ces derniers
sont en effet importants, car il s'agit, selon les dires de mon interlocutrice,
d'un projet à grande échelle telle que la France et ses
Régions, mais également de l'Europe toute entière. La
responsable m'annonce clairement la couleur en argumentant son discours
par des exemples significatifs.
Ce projet s'est développé en Lorraine
grâce au MEDEF. Il en garantit le bon déroulement et se porte
garant, quant à sa réussite. Les enjeux politiques d'EPA France
dépassent le territoire Français et se doivent de donner une
bonne image à l'ensemble des partenaires.
EPA : « Bon, il y a
un lien fort entre le MEDEF et EPA, parce qu'en Lorraine c'est le MEDF qui a
impulsé la mise en place des mini-entreprises en
Lorraine ». (L11-12)
« C'est EPA France qui porte le projet de la
mini-entreprise et s'assure d'être dans les clous au niveau
Européen, parce qu'on participe au concours Européen concernant
les lycées et les collèges et on travaille en collaboration avec
eux, et c'est EPA France qui a traduit le projet en français, l'a
adapté pour l'Education Nationale, les Ecoles de l'Insertion (E2C),
missions locales, les CFA, » (L 24-29)
Il semblerait que le concours Européen marque une
finalité et justifie le fait même que ce projet doit continuer ou
pas d'exister. D'autre part, elle souligne le fait que ce projet a
été traduit en Français et adapté pour l'Education
Nationale, les écoles de l'insertion etc. Donc je décide d'en
connaître un peu plus ; et là, mon interlocutrice m'annonce
un « Scoop ». Et pas le moindre !
EPA : « EPA France
vient de signer une convention à l'horizon 2011 avec l'Education
Nationale stipulant que toutes les régions de France devront
obligatoirement faire les mini-entreprises, y compris les DOM-TOM Donc
là euhhh, il y a un gros développement pour toutes les
régions, parce que l'année dernière il y avait une dizaine
de régions et cette année on est déjà à 16
et chaque région va créer son association régionale et la
gère en toute indépendance, parce qu'au niveau des
collaborations, on travaille ensemble uniquement au niveau des fascicules pour
les championnats.» (L30-36)
Cette déclaration confirme bien que les enjeux sont
d'ordres institutionnels et politico-économiques, car il s'agit
d'éduquer les élèves au monde économique de
l'entreprise. Les associations EPA sont créées et
financées par les Régions dont l'objectif est de
développer ce concept dans le maximum de régions en France. Mais,
qu'en est-il de l'E2C ? Car l'Education Nationale n'est pas l'E2C, et il
me semble que ce projet finalement, s'adresse à la base aux
lycées, collèges et à l'enseignement supérieur. Mon
hypothèse se vérifie car il s'appuie uniquement sur une
expérience menée par le MEDEF, ce qui a permis de convaincre la
Région pour le financement de l'association « EPA »
en Lorraine.
EPA : « Mais, c'est
vrai, qu'en Lorraine, c'est le MEDEF qui a impulsé l'idée
à la région. En 2007 nous avons réalisé un test
avec 5 mini-entreprises réparties dans les lycées et comme
ça super bien marché, du coup, le 30 septembre 2008 la
région a créée l'association EPA ».
(L38-41)
C'est alors que je veux comprendre comment la CCI a
intégré le projet dans les E2C. Le responsable de formation de la
CCI m'avait effectivement confirmé lors de notre entretien qu'une
rencontre provoquée dans un salon s'était faite entre avec une
formatrice de l'E2C de Nancy et la responsable de
« EPA ».
CCI : « Alors, il y
a plusieurs raisons, ça vient d'une rencontre entre une formatrice
nancéenne sur un salon qui a entendu parler du projet
« Mini-Entreprise. Derrière des contacts ont été
pris entre cette formatrice et « Entreprendre pour
Apprendre » des contacts opérationnels, des contacts entre
techniciens dans un premier temps, sachant que les infos sont rapidement
remontées au niveau de la hiérarchie, c'est-à-dire au
niveau de la direction...... » (L7-12)
EPA confirme les dires du Responsable de formation CCI.
EPA : « C'est eux
qui ont entendu parler de nous, parce que l'année dernière nous
étions que sur les collèges, les lycées et les
écoles privées et on n'a pas fait de démarche plus que
ça. De mémoire, c'est une dame de l'E2C de Nancy qui m'a
contacté et voulait savoir comment l'on pouvait travailler ensemble.
Donc je l'ai invitée sur plusieurs salons pour venir voir les
démarches à réaliser, et puis après, comme l'E2C de
Nancy était très, très intéressée, c'est
remonté au réseau E2C, enfin la CCI et, du coup, c'est parti pour
toutes les E2C. Finalement, c'est un peu le hasard. Et c'est vrai que c'est
remonté sur toute la France ». (L43-49)
Enfin je saisissais comment ce projet fut implanté dans
les E2C. Selon le discours du responsable formation CCI, je compris
également qu'il y avait des intérêts entre ces deux
institutions.
CCI : « .......on
s'est rendus compte qu'il y avait un pont entre la CRCI, donc la Chambre
Régional de Commerce et de l'Industrie et le MEDEF par rapport à
ça, ça a reçu un écho très favorable de la
part de la présidence de la CCI, ça a reçu un écho
favorable de la part du réseau régional de l'E2C et ça a
reçu un écho favorable des responsables de
pôles ». (L12-15)
Ces informations me permettent de faire le lien entre les
institutions, mais également de comprendre comment le projet de la
mini-entreprise s'est implanté en Lorraine, et qui plus est, dans les
E2C. Cette rencontre hasardeuse, au détour d'une allée d'un
salon, a permis à la CCI de renforcer sa position en tant que partenaire
avec le MEDEF, et pour le coup, la Région Lorraine qui participe au
financement des E2C.
CCI :
« .........développement du réseau, par la force
des choses....... » (L27)
8.3 Les objectifs
d'apprentissage visés par l'institution et ses limites
Comprendre d'où vient le projet et quels en sont les
enjeux est indispensable pour continuer mon investigation. Car il s'agit pour
moi maintenant de vérifier si le projet de la mini-entreprise est un
projet qui a été adapté aux E2C.
Il est vrai que mes deux entretiens avec la CCI, puis EPA,
m'ont permis d'avoir des indications précieuses quant à ma
réflexion sur le projet. Mais, une question me vient à
l'esprit : « pourquoi les stagiaires de L'E2C d'Epinal,
où j'effectue mon stage, éprouvent-ils des difficultés
quant à sa mise en oeuvre ? »
Tout en m'expliquant les objectifs pédagogiques et
sociaux, le responsable de formation CCI me dit qu'il s'agit là, d'une
pédagogie de projet.
CCI : « Ok, dans un
premier temps, travailler sur la pédagogie de projet, travailler sur une
action créative pour les stagiaires, développer toute leur
créativité, Je parle des objectifs stagiaires, je ne parle pas
des objectifs formateurs, donc, développement de l'autonomie, prise
d'initiative, connaissance du fonctionnement d'une
entreprise........... » (L23-26)
J'en déduis donc que ce discours ne reflète pas
la réalité du terrain de la part du responsable, car mes
observations et mon analyse sur ce thème montrent bien qu'il ne s'agit
pas à mon sens d'une pédagogie de projet.
Dans un extrait tiré du livre de Jean Vassileff,
« Histoire de vie », le magasine de science Humaine
explique : « En pédagogie du projet à
destination de publics en insertion, l'activité du formé est de
travailler son projet : le rechercher, l'élaborer, le tester,
acquérir les compétences qu'il requiert, le socialiser, le
modifier... Ce projet lui appartient entièrement. Nul autre que lui ne
peut le créer, ni le contester ou le remettre en
cause ».30(*)
Effectivement, je constate que la mini-entreprise n'est pas en
fonction du projet professionnel ou personnel des apprenants, mais plutôt
en fonction d'une volonté institutionnelle désirant apprendre
à des stagiaires la façon dont on crée une entreprise en
préconisant comme outil pédagogique : « la
pédagogie de projet ».
Les stagiaires éprouvent des difficultés
à s'approprier ce projet, car les étapes du guide
pédagogique ne leurs font pas sens. Ils ne font pas de rapprochement
entre créer une entreprise et l'apprentissage ou encore leur projet
professionnel et personnel. La formatrice elle-même considère que
ce projet n'est pas adapté aux stagiaires.
La réponse précédée d'un blanc me
donne le sentiment que la formatrice hésite à dire que ce projet
est inadapté. Puis, elle confirme que sur le fond ce projet reste
difficile pour les stagiaires. Mais elle déclare finalement,
après réflexion, que ce projet sur le fond n'est pas
adapté à l'E2C.
Formatrice :
« Alors c'est vrai que sur le fond, si on répond
réellement à la question, alors la question serait
« non » puisque tel qu'il existe là, il n'est sans
doute pas adapté à notre public ».
(L 38-39)
Pour comprendre les difficultés que les apprenants
éprouvent à travers ce projet, j'ai intégré dans
cette partie un exemple qui permet de comprendre pourquoi c'est difficile pour
les apprenants.
Il s'agit d'un bilan de fin de semaine que les apprenants
remplissent. C'est une façon pour l'E2C d'avoir des retours sur chaque
stagiaire, dont leur état d'esprit. On peut comprendre à travers
ces documents que l'apprenant ne trouve pas sens à ce projet, car le
décalage entre ce qu'il sait, ce qu'il est, ce qu'on lui demande de
faire et d'être, montre bien qu'il n'y a probablement pas eu d'analyse
sur les besoins et surtout les pré-requis de la part de l'institution
pour les apprenants. L'idée de faire découvrir le monde de
l'entreprise est certes intéressante, mais pour autant, il me semble que
créer une entreprise et être chef d'entreprise ou directeur
marketing est disproportionné par rapport aux pré-requis des
stagiaires de l'E2C. Lorsque l'on parle de guide non adapté, c'est bien
sûr des compétences que n'ont pas les stagiaires pour remplir les
étapes demandées et ceci, que ce soit dans leur comportement,
leur état d'esprit en général, la façon dont ils
s'expriment à l'écriture ou à l'oral. Il ne s'agit pas de
dénoncer ou de critiquer mais bel et bien de constater le
décalage entre le prescrit et le réel.
Document:
On peut voir au travers de ce document les difficultés
de l'apprenant, la façon dont il écrit et ce qu'il pense. Mais on
peut aussi constater une difficulté à raisonner et à
construire des phrases.
La responsable EPA me disait que la CCI était
ambitieuse quant à ce projet pour ce type de public.
EPA : « Maintenant, je pense que la
CCI a vu ou plutôt je trouve qu'ils sont très ambitieux, par
rapport à ce projet. Il aurait été
préférable de réfléchir et de voir les autres
régions en France pour que ce type de projet soit plus euhhh, j'dirais
en harmonie avec le public des E2C ». L 236-239
En effet, voici une des étapes du projet que l'on
demande de réaliser aux apprenants :
Cette étape fait partie des sept autres, alors oui, je
comprends désormais que ce projet n'a pas fait l'objet d'une analyse de
la situation. (Voir page 35 analyse du projet)
La responsable EPA confirme les propos de la formatrice en les
minimisant.
EPA : « Oui au
départ, c'est vrai que c'est plus adapté aux collèges, aux
lycéens et aux BTS ..................blanc. Aujourd'hui, on voit que sur
les E2C ça marche, il faut juste adapter les paramètres, mais
c'est vrai que ça demande des ajustements par rapport à la base
qu'on a de départ » (L51-54)
Je comprends que la responsable EPA hésite, mais bon
finalement elle ne trouve pas ça trop grave, car il suffit d'ajuster.
Oui mais, ajuster quoi et comment ? Lorsque l'on regarde le niveau des
stagiaires (voir contexteE2C page 18), il faudrait que les apprenants
puissent acquérir des savoirs fondamentaux en français, en
mathématiques, en informatique etc..., avant même de s'engager
dans ce type de projet. Car, le guide tel qu'il est conçu à
aujourd'hui, ne peut se passer de ces savoirs fondamentaux pour la mise en
place de ce projet. De ce fait, il me paraît difficile d'ajuster quoi que
ce soit dans ce guide sans même avoir fait au préalable une
analyse de situation, non pas en fonction de l'E2C, mais en fonction des
stagiaires qui désirent effectuer ce projet. C'est pourquoi, à
aujourd'hui la formatrice me demande souvent de faire l'administratif à
la place des apprenants, et dans ce cas, je constate que nous ne sommes plus
dans une pédagogie de projet, ni même dans un projet
pédagogique. Cela devient contre-productif et pour le coup, un non sens
pour les apprenants, finalement ce n'est plus un projet au sens
pédagogique du terme, me semble t-il.
La stagiaire DA (directrice administrative) confirme qu'elle
trouve cela trop difficile.
DA: « Bof, ça va
mais c'est difficile j' trouve ». (L6)
« Ouais mais on ne savait pas, enfin moi
ch'savais pas que c'était aussi dur. Y a trop de
papiers... » (L52)
Il suffit de regarder le document plus haut pour comprendre la
stagiaire lorsqu'elle dit que c'est dur et qu'il y a trop de papiers. Je
constate derrière son discours que la DA (directrice administrative) se
pose des questions pour lesquelles l'institution n'a peut-être pas
réellement réfléchie aux réponses. Elle a le
sentiment de ne pas avoir compris, je ressens une culpabilité de sa
part, elle semble gênée de la situation. Voici un autre exemple
auquel l'apprenant doit faire face, sans aucune connaissance
préalable.
Ce tableau comptable est à des années
lumières de la réalité des apprenants. Alors oui, c'est
très difficile pour eux de trouver un sens à ce projet et de se
l'approprier.
La formatrice semble dire que le problème vient du fait
que ce projet est trop difficile et n'est pas concret pour les apprenants.
Formatrice : « Ce
qu'ils ne voient pas ou en tout cas c'qu'ils n'ont pas compris ou ce qu'ils
perçoivent peut-être mal, parce que évidemment on leur a
donné toutes les informations mais ils disent
« oui » mais alors après quand ça arrive et
qui faut faire, c'est autre chose... ». « ...c'est
difficile pour eux car ce n'est pas du concret. Ils savent qu'il faut passer
par là, que c'est une étape obligatoire de la mini, mais le faire
c'est autre chose, ça fait appel pour eux quand même à
quelque chose encore de très scolaire finalement, hein ! Et
ça, ils ne veulent plus de ça ». L19-26
La question qui se pose est : « pourquoi
les stagiaires n'ont pas compris ? » Suffit-il de donner
des informations pour considérer que c'est une formation ?
Lorsqu'elle dit que ce n'est pas concret pour eux, elle parle de
l'administratif et des connaissances qu'il faut avoir pour les réaliser.
Les stagiaires n'en perçoivent pas l'utilité, car ce sont des
papiers à remplir, oui mais, qui leur montrent leur manque de
connaissances et les difficultés qui ne peuvent pas résoudre.
C'est du virtuel pour eux, me semble t-il.
Le responsable de formation de la CCI se dégage de
toute responsabilité, car ce n'est pas lui qui a décidé de
ce projet, c'est la présidence. Et pour le coup il m'explique que ce
projet est scolaire :
CCI :
« Pour moi c'est un projet qui a été
monté par rapport à l'institution scolaire traditionnelle,
puisque c'est un projet qui est destiné à des jeunes
collégiens et des jeunes lycéens dans la mesure où nous,
nous sommes sur des parcours de formation de sept mois en alternance avec
d'autres contraintes que l'institution scolaire, oui il faut
réadapter ! » (L88-91)
Certains stagiaires ont pris conscience que ce projet est
difficile pour eux. C'est le cas du stagiaire PDG de la mini-entreprise, qui
revendique au préalable une préparation pour ce type de
projet.
PDG : « Et ben
ouais, ça aurait été pas mal euhh franchement ça
aurait vraiment été intéressant si par exemple à
coté de la mini entreprise on avait des cours en parallèle pour
euhh par exemple tout c'qui est par exemple gérer un budget euhh, par
exemple en cours de maths avoir un cours par exemple qui nous permet de
gérer un budget ou un en informatique, pour certaines personnes qu'ont
des lacunes, justement pour combler les lacunes et voir si possible apprendre
certaines choses par rapport à tout c'qui est «papiers »
(L50-55) ».
Pour conclure cette première analyse, je constate que
tous s'accordent à dire que ce projet n'est pas tout à fait
adapté aux E2C. Or, la responsable EPA avait soulevé le
problème à la direction CCI lors de leur rencontre, mais
apparemment selon les dires de mon interlocutrice EPA, la CCI n'a pas voulu
prendre en compte certains aspects du projet qui mettent en difficulté
sa mise en oeuvre.
EPA : « Alors c'est
vrai que j'ai fait des réunions d'informations avant le début de
l'année, , pour les formateurs pour voir ce sur quoi on pouvait adapter.
J'ai proposé en fonction des parcours des stagiaires, de faire un projet
plus court, même si les stagiaires n'arrivent pas à
concrétiser la vente des produits, l'idée était qu'ils
aient une première approche concernant la création d'une
entreprise. Ce qui m'a été dit, c'est que non..... Même si
des stagiaires quittaient l'E2C, on en recruterait d'autres, donc euhhh,
finalement on resterait sur les mêmes bases que le projet initial sans
rien changer avec les difficultés que ça engendre. Que ça
soit en termes de rentrées et de sorties des stagiaires, leurs
difficultés personnelles etc » (L64-71)
De plus, la responsable EPA estime qu'il y a des choses
à revoir dans le projet, mais que les formateurs n'ont pas
été concertés pour réfléchir à ce
projet.
EPA : « alors que
c'est vrai, que bon, les formateurs, eux n'ont pas vraiment eu l'occasion de
s'exprimer, voilà donc, la CCI, nous a demandé de mettre ce
projet en place, et je le vois, c'est vrai ça créé un
stress pas possible au niveau des formateurs. » L 241-243
Cette décision de la part de la CCI, pose un certain
nombre de questions. « Les enjeux politiques sont-ils
prioritaires à ceux des apprenants ? »
« N'aurait-il pas fallu réfléchir plus longuement
sur un tel projet ? » Comme le dit la responsable EPA,
c'est avant tout un projet créé et adapté pour les
Collèges, les Lycées et les BTS. Il ne s'agit pas de dire que les
personnes de l'E2C ne sont pas capables d'entreprendre, mais faut-il pouvoir
encore, leur en donner les moyens. Or, lors de notre discussion avec le
responsable de formation concernant l'évaluation de ce type de projet,
il m'indique que la priorité de l'institution est de faire du
quantitatif plutôt que du qualitatif.
CCI : «...On arrive
aujourd'hui à poser du quantitatif avec du résultat, du
placement, maintenant les éléments qualitatifs, c'est peu
travaillé, ce n'est pas dans notre culture, et ce n'est pas ce qui est
attendu par des financeurs, ni par les institutions, en tout
cas... » (L100-102)
C'est à partir de cette réflexion que je
décide alors de m'intéresser aux apprenants et la façon
dont ils se débrouillent avec ce projet imposé par la CCI, et
ce, dans toutes les E2C de Lorraine. Pour ce faire, mon analyse sera de
comprendre comment les apprenants mettent ce projet en place au sein de l'E2C
et découvrir ce qu'ils en pensent. Quelles sont les difficultés
rencontrées ? Cette étape me permettra d'enchaîner
vers ce qui est pour moi l'essentiel d'un projet c'est-à-dire :
« l'apprentissage », celui des apprenants à travers
ce projet, et qui est le coeur de ma problématique.
Le poids de l'institution dans un tel projet peut-il mettre en
danger l'apprentissage des apprenants ? Car je constate selon les dires du
responsable CCI (voir plus haut) qu'il s'agit d'enjeux
politico-institutionnels et le quantitatif l'emporte sur le qualitatif. En
effet, il existe dans ce projet une obligation de résultats ; car
un Concours faisant office d'évaluation d'une portée
Européenne, Française et Régionale a été mis
en place par, et pour les institutions ; et par conséquent, pour
les apprenants. Or, ces derniers sont-ils suffisamment préparés
pour les atteindre ?
9 La mise en oeuvre du projet et l'apprentissage au sein de
l'E2C
9.1 Les
difficultés de la mise en oeuvre du projet
Le projet de la mini-Entreprise provient donc d'une rencontre
entre le MEDEF, EPA et la CCI. Séduit par ce concept cette
dernière (CCI) la met en place au sein des E2C de Lorraine. L'objectif
pour les acteurs du projet comme pour la formatrice, est de respecter le
travail prescrit par l'institution c'est-à-dire les étapes. Or,
il se trouve que la réalité est tout autre.
Travail prescrit ou travail réel
« Travail réel : activité concrète
mobilisée par un individu pour faire face aux impératifs de la
tâche. C'est en quelque sorte le travail tel qu'il est, ou tel qui se
réalise. A l'inverse du travail prescrit, il n'est pas écrit,
formalisé, et ne se répète quasiment jamais à
l'identique ».31(*)
L'organisation des séances de travail pour les
apprenants comme pour la formatrice se fait en fonction des
disponibilités de chacun. Il semblerait que l'alternance des stagiaires
désorganise le projet et les apprenants ont du mal à raccrocher
lorsqu'ils rentrent de stage. De plus, ils éprouvent des
difficultés à gérer le projet dans le temps et la masse
administrative reste très difficile pour eux. Je décide donc
d'interroger les stagiaires de la mini-entreprise, la formatrice et les
institutions pour essayer de comprendre les difficultés
rencontrées pour la mise en oeuvre du projet. Le PDG me dit que
l'alternance les coupe dans leurs élans.
PDG : « et ben le
problème c'est que on a avec notre système de stage, une fois
qu'on est bien lancés, on est coupé par le stage, c'est que on
est obligé de revenir pendant les semaines de stages, et ben là,
j'vois euhh par exemple aujourd'hui on est pendant la période de stage
et on est venu euhh mais euhhh, le problème c'est qu'un projet collectif
euhhh et ben on est quand même désavantagé par rapport,
parce que le projet, le concours, présentent aussi des écoles,
les collèges les lycées, et eux le truc c'est qui n'ont pas de
stage à effectuer, donc nous euhh on a une période de trois
semaines de stage après deux semaines de centre, ou quoi q'ce soit, donc
c'est gros travail fourni sur une assez courte période, c'qui peut
mettre la pression quand même ». L 102-110
Le PDG remet en question le travail prescrit de ce projet au
sein de l'E2C. De plus, il le compare avec les collèges et les
lycées et il estime que les E2C ne sont pas avantagés par rapport
à eux et au concours qui aura lieu. Cela crée une pression
supplémentaire pour l'organisation du projet. Le concours est
omniprésent dans les esprits. J'observe une tension palpable de sa
part.
Tandis que la directrice administrative me dit
également que la mise en place du projet est difficile, pour cause, les
stagiaires n'arrivent pas à se mettre d'accord. Le réel prend le
dessus.
DA : « C'est dur et
en plus, et ben déjà faudrait que tout le monde soit d'accord, y
en à qui peuvent pas venir ou c'est comme quand on avait dit de se voir
le mercredi après midi, y en a et ben : non moi j'ai si, j'ai
ça, je peux pas venir, donc euhhh comment voulez-vous faire ? Si
tout le monde ne met pas du sien on peut pas y arriver. On le voit bien
là, on gros c'est chacun pour soit........................Blanc. En plus
on aura, enfin y faut aller vite, y a le concours euhh, enfin moi j'm'en fous
j'y s'rais pas ». L56-60
La responsable EPA admet qu'il fallait prendre en compte les
spécificités du fonctionnement des E2C et l'avait
proposé dès le départ à la CCI, qui n'a pas voulu
changer le dispositif.
EPA : « ...il faut
prendre en compte les entrées et les sorties, un public particulier,
avec un emploi du temps particulier, ce n'est pas comme un lycéen qui
est là tous les jours de l'année ». L 56-58
La directrice administrative (DA) que j'ai interviewé
me tient le même discours, elle a le sentiment que le projet stagne et
qu'il est difficile de s'organiser entre les stages, les cours et le projet.
Cela donne du travail en plus.
DA : « .... En plus
ça fait 2 à 3 semaines qu'on a rien fait, chacun pense que
ça suit pas en fait. En plus, on a les stages, les cours, en fait
ça fait un truc en plus, la mini ». L 15-16
9.2 Le projet reste
trop scolaire et prend trop de temps sur le parcours du stagiaire
Lorsque j'ai interrogé le responsable de la CCI,
celui-ci semble parfaitement conscient des soucis d'organisation, tant pour les
stagiaires que pour la formatrice. Il met en avant que ce projet est lourd et
prend du temps à la formatrice et sur le parcours du stagiaire.
CCI : « il y a la
mise en oeuvre, il faut pouvoir, articuler ce projet là, avec le
dispositif, c'est-à-dire dans le parcours de formation du stagiaire,
mais cela pose des problèmes en termes de timing, parce que, parce que,
euhhh, c'est un projet qui prend énormément de temps,
énormément de temps sur les heures du stagiaire, ça prend
énormément de temps pour le formateur
référent ». L 66-70
En effet, le temps est compté selon le responsable de
la CCI, mais il me semble que le responsable éprouve des
difficultés à parler du temps et de la mise en oeuvre, car aucune
analyse de ce projet n'a été réalisée au
préalable.
Tandis que la formatrice m'explique que ce qui pollue
l'organisation et la mise en oeuvre du projet, c'est encore une fois toute la
masse administrative car ce n'est pas concret pour les stagiaires de l'E2C,
elle dénonce le fait que les stagiaires ne veulent plus faire comme
à l'école.
Formatrice :
« ...La masse administrative, par exemple, c'est difficile pour
eux car ce n'est pas du concret. Ils savent qu'il faut passer par là,
que c'est une étape obligatoire de la mini, mais le faire c'est autre
chose, ça fait appel pour eux quand même à quelque chose
encore de très scolaire finalement, hein ! Et ça, ils ne
veulent plus de ça. Ils veulent tout de suite être dans le concret
donc toutes ces phases administratives qui sont indispensables mais qui sont
longues, elles sont difficiles à faire pour eux »
L22-28
Finalement tous les stagiaires le disent :
« c'est trop long et pas concret ». Ils
considèrent l'administratif comme un poids et non concret dans ce
projet. Ils voudraient passer directement à la fabrication du
produit.
DA : « euhhh ben
c'est pas comme quand on, enfin tant qui y a pas, tant quand fait pas le
produit, c'est pas concret pour moi et aussi pour les autres enfin ouais c'est
s'qu'on s'dit tous parce que euhh, beaucoup de monde le dit. C'est trop long,
faut vraiment y croire, c'est ça l'truc. En plus le truc c'est que on
gère pas vraiment euhhh de toute façon on peut pas sinon on se
casse la binette ». L51-54
Le PDG dénonce également cette charge de travail
qu'est l'administratif. Néanmoins il considère que pour lui ce
n'est pas trop grave car il n'a pas beaucoup de papiers à faire. Or,
c'est tout simplement qu'il ne lit pas vraiment les étapes et se repose
sur les formateurs. A chaque fois que je lui demande s'il a fait le point sur
ces étapes il me dit « non » mais qu'il
allait le faire.
PDG : « C'est le
papier, c'est la paperasse j'crois c'est pour n'importe quelle entreprise
j'crois que c'est les papiers. Moi ch'sais qu'en tant que PDG dans la
mini-entreprise j'ai pas tellement de papier à effectuer, mais j'vois
par exemple le service administratif, que c'est vachement important quoi. Quand
je vois le travail qui donne quoi ». L39-42
En même temps, la formatrice m'explique que les
stagiaires de l'E2C ne sont pas comme des élèves en classe et
qu'ils n'ont pas les mêmes rythmes et les mêmes méthodes de
travail. Et cela représente un frein pour la mise en oeuvre.
Formatrice :
« j'pense que ils n'y mettent pas l'investissement que quelqu'un
qui est déjà dans un processus scolaire, qui est
déjà dans un dispositif d'apprentissage quotidien, ils ont
déjà des méthodes de travail, des habitudes de travail,
des habitudes d'être dans des cours de 8h du matin à 18h, ces
choses-là, nous, on les a pas ici, nos jeunes ici ne les ont pas. C'est
aussi pour ça qu'ils sont là d'ailleurs et, ça pour eux
c'est difficile ». L28-33
Puis elle pense que les stagiaires ne se sont pas
approprié le projet, car ils n'ont pas compris.
Formatrice : «
alors moi je pense qu'ils ne se sont pas appropriés du tout le projet
comme ça. Je pense que y eu donc la réunion d'informations qu'on
leur a donné ici et les informations que j'ai eu moi, en amont, par le
réseau sur la mini-entreprise. Y a eu ensuite la réunion avec la
responsable qui fait partie « d'entreprendre pour
apprendre » qui est venue expliquer réellement le
fonctionnement de la mini, tous les enjeux etc aux jeunes et ensuite, c'est
seulement à partir de ce moment-là qu'on a démarré
la mini. Je ne suis pas certaine qu'ils se sont réellement
appropriés le projet à proprement dit, je veux dire, l'histoire
des étapes ils l'ont découverte au fur et à mesure du
déroulement de la mini. Ils n'ont pas compris au moment où on
leur a expliqué la mini, je pense, ils n'ont pas compris
ça ».L43-51
La responsable EPA considère que les difficultés
se retrouvent également dans les zones prioritaires, mais finalement
elle reconnait que ce n'est pas la même approche avec les E2C
EPA : « On le retrouve,
mais dans une moindre mesure, c'est vrai que cela se retrouve dans les zones
prioritaires où les élèves sont à la limite du
décrochage, mais,.........blanc, c'est vrai qu'ils ont, euhhh, entre
parenthèse, la chance d'avoir toute l'année pour réaliser
ce projet, tandis que les E2C, avec le système d'entrée et de
sortie permanente, leur stage en entreprise qui dure 3 semaines, euhhh, c'est
pas euhhh, comment dire, c'est pas la même approche. En fait, on ne peut
pas vraiment comparer ».L114-119
Je comprends désormais cet état de stress que
j'ai ressenti lorsque j'ai rencontré la formatrice pour la
première fois. Les étapes obligatoires du projet, me semble-t-il,
relèvent plus du « déclaratif » que du
« procédural » et ne conviennent pas aux
stagiaires de l'E2C qui veulent du concret. Or, sans connaissance
déclarative, le projet ne peut pas se faire. De plus, on voit bien que
la formatrice s'inquiète de la mise en oeuvre du projet, elle observe
ces jeunes se « dépatouiller » comme ils peuvent
avec leurs stages, les cours et les étapes du projet qui finalement
perturbent tout le monde. Ils veulent du concret tout de suite. La formatrice
se trouve coincée entre l'institution qui lui demande de porter le
projet au bout, et les apprenants qui finalement ont des difficultés
à mettre en oeuvre la mini-entreprise. Je constate que les stages en
entreprise, les cours, le projet mettent les apprenants en surcharge cognitive
et la formatrice dans une angoisse permanente. Alors, il est difficile pour
elle de ne pas faire à la place des apprenants. Car elle n'a rien
demandée. C'est pour elle « du travail en
plus » me dit-elle.
Formatrice : « Donc
ça pose des difficultés de gestion de planning, c'est autant de
temps passée là que l'on ne passe pas ailleurs, hein. Le travail
de formateur, c'est un travail où l'on nous demande déjà
beaucoup de choses, beaucoup de choses, et on a déjà du mal
à faire toutes ces choses là dans notre temps impartie Alors euhh
quelque chose qui prend autant de temps. Qui n'est certainement pas le cas dans
un collège ou un lycée hein. A mon avis, les mini entrepreneurs
sont beaucoup plus autonomes, parce qu'ils ne sont pas dans le même mode
de fonctionnement ». L291-298
Le responsable de la CCI se rend bien compte que les
difficultés sont énormes. Avant de parler d'apprentissage, il y a
un travail d'adaptation au projet me dit-il.
CCI : « le fait
qu'on soit contraint sur une démarche pédagogique qui soit
très ficelée, ça nécessite de s'adapter d'abord
à la méthodo proposée, ensuite de la réadapter,
donc, il y a tout un travail par rapport à ça, et ensuite de la
mettre en oeuvre c'est aussi un gros boulot pour le formateur ».
L73-76
Sauf que la formatrice ne peut pas tout faire comme elle le
dit plus haut. J'ai l'impression que le projet ressemble à une
« patate chaude ». Chacun donne sa vision et chacun doit se
débrouiller avec. De plus, la responsable EPA pense, outre que
l'alternance pose problème dans la mise en oeuvre du projet, mais que
les stagiaires ont également des problèmes d'égo et donc
l'organisation s'en fait ressentir :
EPA : « Moi ce que
j'ai pu voir dans les autres E2C, c'est qu'il y a un gros problème
d'égo de la part de certains stagiaires. Quand l'un propose une
idée et que l'autre n'est pas d'accord, euhhh, et ben voilà, euhh
le stagiaire dit j'arrête le projet, euhh, ils le sentent à chaque
fois comme une agression, le fait que les autres ne valident pas, ça
crée des conflits entre eux. Voilà, euhh il y a vraiment une
crainte de la part de certains de se faire rejeter par le groupe, alors
certains préfèrent quitter avant de se faire rejeter par le
groupe. Et donc j'ai des groupes comme ça, qui se sont amenuisés
comme une peau de chagrin à une vitesse grand V. Un autre groupe, par
exemple, s'est complètement dissous, parce qu'une partie du groupe
voulait imposer une idée de produit, du coup le reste du groupe a
abandonné le projet. J'avais beau leur dire qu'il ne fallait pas prendre
cela comme une agression, mais rien n'y faisait, mais voilà, ils le
vivent comme une agression personnelle et c'est vrai qu'il y a beaucoup de
paramètres comme ça qu'il faut
gérer »L88-99
Ces remarques montrent bien finalement que ce projet n'a pas
été réfléchi, c'est un projet dans la
théorie, mais pas dans la pratique, en ce qui concerne les E2C. Il est
difficile pour les apprenants, et ce dans ces conditions, de mettre le projet
en oeuvre et de se l'approprier. Les obstacles que sont les stages en
entreprise, les cours au Centre et le projet trop lourd à gérer,
font que ce projet est un calvaire pour chacun d'entre eux. Certes, ils se sont
portés volontaires pour ce projet mais il ne provient pas d'un
besoin32(*)
identifié « Le projet lui-même est le
résultat d'un besoin, d'un désir, c'est-à-dire d'un
intérêt mais aussi d'une confiance en soi et dans les
autres », ils n'ont pas mesuré l'investissement qu'ils
allaient devoir faire. Ils ont pris cela comme une activité de plus, et
non pas comme un réel apprentissage. Or, l'institution n'a pas tenu
compte des conditions dans lesquelles les apprenants pouvaient réaliser
ce projet. Pourtant, elle en était consciente, car l'E2C a un
fonctionnement très réglé avec des objectifs
quantifiés et temporels pour le parcours des stagiaires, et qui ne
laisse pas beaucoup de place pour un projet de ce type. (Voir contexte). De
plus, le fait que la masse administrative, qui plus est, est compliquée
pour les stagiaires, pollue le projet, montre également que
l'institution n'a pas tenu compte des pré-requis. Face à ces
difficultés, je ressens une démotivation de la part des
stagiaires. A partir de ces entretiens, je me demande, comment les apprenants
peuvent apprendre ? Et qu'apprennent-ils vraiment ? Quels sens
donnent-ils à ce projet qui se veut comme une situation de travail
formatrice? Dans l'ouvrage : « Pédagogie de
l'alternance »33(*) les auteurs nous disent à propos du
sens : « qu'il y a trois conditions majeures à
l'attribution du sens »:
« Voir le résultat de son action comme
contribution à la procédure globale »
« Etre reconnu comme appartenant à
l'entreprise (au projet)
« L'intérêt intrinsèque du
travail »
9.3 L'apprentissage
des apprenants
Alors que l'institution confirme que le projet, dans son
contenu, n'est pas vraiment adapté aux stagiaires de l'E2C, que
l'alternance pose de réels soucis d'organisation pour l'école et
pour les stagiaires, du coup, la mise en oeuvre du projet se fait dans un
état d'urgence permanente. A ce stade, je me pose la question
essentielle de mon étude : « Le projet
collectif de la « mini-
-- entreprise » au sein de l'E2C
répond t-il aux attentes, en terme d'apprentissage, pour ce type de
public ? »
Les objectifs d'apprentissage de la CCI en terme
d'apprentissage sont tout d'abord de travailler sur une pédagogie de
projet, or nous l'avons vu, ce projet n'est pas, me semble t-il une
pédagogie de projet ni un projet pédagogique. Mais l'objectif
pédagogique visé par l'institution est de développer chez
les stagiaires, leur coté créatif, leur autonomie, la prise
d'initiative et connaître le fonctionnement de l'entreprise. Les savoirs
être et faire sont le coeur de ce projet en terme d'apprentissage. Or, la
formatrice me dit lors de notre entretien qu'il faut de solides connaissances
pour réaliser ce projet.
« Si l'apprentissage est un processus personnel,
on admet aujourd'hui qu'il doit être soutenu par un formateur qui
facilite les acquisitions et assure la médiation entre le savoir
scientifique et le savoir construit par l'apprenant ».34(*)
La formatrice me dit que l'apprentissage n'est pas le
même que celui des collèges ou des lycées
Formatrice :
« Après,......qu'est-ce qu'on entend derrière
apprentissage. L'apprentissage chez nous à l'E2C et ben ce n'est pas le
même que celui du collège d'à côté ou de
lycée, hein. Moi, je n'entends pas l'apprentissage la même
manière, ici, on leur apprend pas les mêmes choses. On travaille
beaucoup les savoirs être, on travaille aussi, je vais dire, les sur de
la remise à niveau, les acquis on essaie de compléter les acquis
scolaires mais au bout du compte le plus gros boulot, c'est quand même
l'insertion sociale et donc c'est les savoirs être. Je pense que
ça apporte quand même, en même temps, ça apporte
aussi ben là, le respect de la hiérarchie par rapport au
fonctionnement de l'entreprise, qu'ils comprennent bien que tous les postes
sont clés.... ».L142-150
a) Les contradictions relevées chez les uns et
les autres.
Formatrice : « Et
après, il y a toute la partie administrative, apprentissage qui
nécessite des connaissances de base quand même assez solides,
beaucoup d'autonomie. Ca c'est des choses que la plupart de nos jeunes n'ont
pas hein !, donc le projet de « ....la mini- en lui-même,
monter la mini, faire une entreprise » L13-17
Il semblerait que le projet développe, malgré le
fait qu'il ne soit pas adapté, le savoir être chez les stagiaires
du point de vue de la formatrice ».
Formatrice :
« l'apprentissage il est plus au niveau des « savoir
être » parce que ça va être construire quelque
chose en groupe, tenir compte de l'avis des autres, sans se fâcher, sans
critiquer, avoir un regard toujours positif, entendre les autres, statuer,
prendre une décision, commune, aller dans le même sens, tous,
trouver, trouver un juste milieu, faire des compromis» L109-113
Or, j'observe que la communication entre la formatrice et les
apprenants reste difficile car le PDG me dit que certains se sentent
« largués ».
PDG : « Et ben XXX
elles se sentent larguées.... parce qu'ils s'demandent s'qui font, bien
qu'au début ils étaient motivés ou quoi q'ce soit, le fait
qui en aient beaucoup, euhhh vu qui en a qui avancent euhh par exemple on est
tous dans le même wagon mais le problème c'est qui y en a euhhh,
qui changent de wagon qui accélèrent les choses et y en a qui
sont encore à l'arrière qui s'disent euhh on est largués
euhhh pour nous euhhh qu'est c'qu'on fait là euhh ou quoi q'ce soit.
Alors que bien au contraire euhhh on a toujours besoins d'eux
euhhh ». L80-85
EPA pensent également que l'apprentissage dans ce
projet est plus axé sur le savoir être. Mais ce sont
« ses » attentes.
EPA : « Mes
attentes pour ce projet, alors c'est de leur apporter des valeurs qu'ils n'ont
pas, ou qu'ils n'ont plus, voilà, de leur redonner confiance en eux,
euhhh qu'ils prennent un minimum d'initiatives, de les valoriser un maximum,
donc on est plus, dans le savoir être que dans le savoir faire,
concernant ce public » L78-81
Mais lorsque je pose la question aux stagiaires, ces derniers
sont en désaccord, ils n'arrivent pas à s'entendre. Les attentes
des institutions ne sont pas les attentes des stagiaires, me semble t-il.
DA : « Parce que
là euhh au début c'était euhh, on été tous
ensemble après chacun on avait notre truc à faire et après
c'était plus du euhh ouais euhh comme par exemple, j'avais tous les
trucs à faire euhh par exemple mon assistante me disait ouais toi ta
tous les trucs à faire moi je suis là pour rien, les trucs comme
ça en fait. En fait chacun fait ses trucs et puis après ça
c'est dégradé et puis les assistants ne servaient plus à
rien en fait ». L8-13
Il y a derrière ce discours une réalité
propre à chacun des apprenants. En effet, lors des séances, j'ai
pu observer que des clans se faisaient selon les humeurs de chacun et les
rancoeurs des autres. Exemple : Un jour nous étions en
séance pour faire le point sur les étapes à accomplir,
soudain, une rixe éclata entre trois mini-entrepreneurs. Il s'agissait
de remboursement d'essence. Le conducteur avait fait crédit à une
stagiaire qui n'avait pas encore selon ses dires reçue son salaire que
lui attribue le conseil régional, or il semblait que cette stagiaire
mentait, car l'une d'entre elle l'avait rencontrée en ville avec des
sacs remplis d'achats et l'avait rapporté au conducteur à qui
elle devait de l'argent. Pour le coup, cette situation a provoqué le
chaos dans la salle et plus personne ne voulait travailler. Chacun prenait la
défense de l'autre, puis cela a dégénéré par
des insultes entre eux. La formatrice cria plus fort que les stagiaires pour
finalement les calmer, mais le mal était fait. A la pause, certains ne
voulaient plus travailler avec un tel ou un tel. Ils disaient que de toute
façon, ils y en avaient dans ce projet qui ne « servait
à rien ». Ceci est une des anecdotes parmi tant d'autres. Je
tiens à préciser que l'ambiance dans ce projet était
constamment sur le fil du rasoir. Autant les stagiaires rigolaient entre eux,
autant deux minutes plus tard, ils étaient prêts à
« se taper » dessus. Il régnait une
instabilité permanente entre les stagiaires que l'on peut effectivement
et en partie expliquer par l'effet du projet non analysé.
Finalement la DA me dit que beaucoup de stagiaires sont
découragés et que certains ne pensent qu'à partir à
Paris au concours :
DA : « Et puis
c'est qui en a beaucoup qui sont découragés parce que on n'est
pas beaucoup qui travaille en fait, on n'est pas tous dans l'même truc.
Par exemple, euhh ben, ils n'ont pas la même envie chacun euhh, enfin
chacun fait un peu comme il veut. Y en a qui pensent qu'à partir
à Paris et en fait euhh y en a beaucoup pour eux c'est une obligation.
À force ça démotive
quoi...................................Blanc » L40-44
Je comprends que derrière ce discours se cache une
sorte de détresse et d'incompréhension pour cette stagiaire qui
finalement abandonnera le projet pour des raisons médicales.
Je relève des contradictions permanentes chez la
formatrice notamment sur les objectifs :
Formatrice : « Leur
objectif, c'est mener leur projet à terme, c'est voir ce qu'ils vont
pouvoir fabriquer et sans doute aller au salon régional,
déjà, hein ». L119-120
Et tout de suite derrière elle me dit le contraire.
« Je ne suis pas intimement persuadée que
c'est ça, que le salon soit l'objectif principal, je pense que pour eux
vraiment l'objectif, c'est pouvoir mener ce projet à
terme ». L120-123
Dans l'ouvrage du « formateur
d'adultes »35(*)
les auteurs nous rappellent que : « l'essentiel pour
apprendre, n'est pas le produit final de l'activité mais le processus
mis en oeuvre pour y parvenir ».
Je dois dire que c'est assez déstabilisant pour moi.
J'ai du mal à suivre son raisonnement qui est sans doute dû
à un stress et à un manque d'assurance pour ce projet. J'ai ce
sentiment fort qu'elle a pris le rôle de chef de groupe dans le projet et
veut à tout prix emmener ses stagiaires au bout de ce projet. Elle
voudrait qu'ils fassent par eux mêmes, mais d'un autre coté, elle
pense, outre le fait que ce projet ne soit pas adapté et ce dans tous
les sens du terme, que les apprenants ne sont pas sûrs d'eux :
Formatrice : « parce
qu'ils sont frileux quand même, c'est des jeunes qui n'ont pas confiance
en eux, ils ne sont pas certains que leur produit euh et que leur
manière de travailler va faire la différence hein avec un autre
groupe. Ils en sont pas sûrs ça. Par contre, ils sont certainement
sûrs de pouvoir mener ce projet à terme. Et pour eux, ça
sera déjà une très grande réussite, c'est pour
ça que je parle plutôt en « savoir
être » L122-126
Mais, la formatrice pense que les apprenants sont sûrs
d'emmener le projet à terme or, je remarque lorsque je suis en stage que
les apprenants ne se sont pas appropriés le projet, ils sont
démotivé et non soudés.
b) Ce que les stagiaires me disent en entretien sur
leur apprentissage dans ce projet.
PDG :
« Franchement, ben oui le fait d'avoir un projet comme la
mini-entreprise ça permet, comme je l'avais déjà
expliqué pour l'assemblée générale, ça
permet de prendre conscience le fonctionnement d'une entreprise, voir comment
se déroule une mini-entreprise, comment on établi un produit,
comment on le revend, on s'imagine pas tout le travail qui a à faire
quoi. Et euhh, ça permet aussi euh prendre euh enfin nous en tant que
stagiaire d'avoir certaines responsabilités, surtout pour les personnes
qui ont peu confiance en eux, ou qu'on pas eu de poste à
responsabilité, de prendre conscience que en gros euhhh chaque personne
est importante dans l'entreprise quoi ». L10-17
Oui mais, lorsqu'il parle de l'assemblée
Générale, il oublie de dire que c'est la formatrice qui l'a
préparée à sa place. Il a tendance à ne pas
vraiment s'intéresser à l'administratif. Il considère que
ce n'est pas vraiment son travail. Car il est PDG de la mini-entreprise et
occulte tout naturellement ce qui ne l'intéresse pas ou ce qu'il ne peut
pas faire.
La directrice administrative (D.A) me dit qu'elle apprend des
« trucs » mais éprouve d'énormes
difficultés à me les communiquer :
DA : « Et ben j'ai
appris des trucs en informatique, des trucs que je savais pas faire et ben
comment fonctionne une entreprise euhhh blanc » L19-20
« ........ et ben par exemples des trucs comme qu'on
j'dois enregistrer des dossiers, euhhh par exemple des trucs sur la clé
USB......... » L22-23
Puis elle me dit que finalement ça ne sert à
rien et ne comprend pas vraiment à quoi ça sert tous ces papiers,
elle ne trouve pas de sens à tout ça:
DA : « Des papiers
en fait qui, en fait qui servent à rien enfin qui servent quand
même mais euhhh............... Des trucs pour la mini. Mais bon j'aime
bien mais des fois c'est chiant, on comprend pas vraiment pourquoi y a tout
ça. Enfin si, on sait qu'on est obligé de faire ça pour
comme quand on fait une entreprise.
Blanc...................... » L23-26
Mais là aussi, je relève une contradiction
lorsque je lui demande ce qu'elle aime dans le projet
DA : « J'aime bien
euhh c'est comme quand on est directrice de l'administrative, on voit un peu de
tout, c'est pas comme quand on fait un seul truc euhh, et ben comme Aurore tout
c'qui est technique. Sinon euhhh.....................Blanc, ch'sais pas quoi
dire de plus ». L34-36
J'ai le sentiment que les stagiaires n'osent pas tout me dire
car ils se sentent enregistrés et ne sont vraiment pas à l'aise.
Mais de temps en temps, lorsqu'ils oublient l'appareil qui enregistre notre
interview, ils se lâchent et disent ce qu'ils ont sur le coeur. La
directrice administrative m'avoue la démotivation de certains.
DA : « Et ben euhh
c'est pas euhh y a pas d'entrain ouais euhh on a l'impression que ... Ouais
c'est pas concret, ça n'avance pas euhhh en fait c'est du boulot en
plus. Y en a pour qui c'est une corvée euhh j'vous dis ça
clairement ».L46-48
La responsable EPA me dit que finalement ils vont
acquérir des savoirs faire même s'ils ne vont pas jusqu'au bout.
Alors que les apprenants eux, éprouvent des difficultés dans la
gestion et revendiquent un apprentissage au préalable.
EPA : « Même
si le savoir faire finalement, ils vont en acquérir, parce qu'une
étude de marché, même s'ils ne vont pas jusqu'au bout, ils
auront quand même appris quelque chose. C'est pareil gérer un
budget, gérer ses comptes, alors c'est vrai qu'ils n'auront
peut-être pas acquis l'ensemble des savoir faire
proposés ». L81-85
Oui mais :
PDG : « ...Et ben
ouais, ça aurait été pas mal
euhh ».......... « Si par exemple à coté
de la mini entreprise on avait des cours en parallèle pour euhh par
exemple tous c'qui est par exemple gérer un budget »
................. « j'vois par exemple pour la euhh enfin tout
c'qui a un rapport avec la finance par exemple »...............,
« il aurait fallu un apprentissage à coté et elles
l'auraient su quoi ». L50-63
Tandis que la responsable EPA me dit que l'objectif est
également l'occasion dans ce projet de tester un métier.
EPA : « l'objectif
aussi que j'explique et sur lequel on travaille beaucoup avec les
troisièmes et qui fonctionne bien aussi sur les E2C, j'trouve que c'est
un moyen de se tester pour eux sur un métier, on croit souvent quand on
est jeune avoir des qualités ou des affinités pour le coté
financier ou le coté commercial et puis via la mini, on se rend compte
finalement que le commerce ça demande d'aller vers les autres et que
ça peut être effrayant pour certaines personnes qui l'on choisi
dans la mini. Alors je leur explique aussi en début d'année
lorsque j'interviens, voilà, n'hésitez pas à vous
positionner sur un métier, soit sur lequel vous avez vraiment envie d'y
aller pour valider votre choix, ou soit sur lequel vous n'auriez jamais
pensé à y aller, et sur lequel vous allez découvrir de
nouvelles choses ».L141-160
Oui, l'idée serait intéressante mais dans le
cadre de l'E2C, les apprenants n'ont pas à aujourd'hui un projet
professionnel orienté vers la finance ou encore vers un poste de
direction. Il me semble qu'elle tient un discours en rapport avec les
collèges et les lycées.
Mes interviews montrent bien depuis le début qu'il y a
un fossé entre le prescrit et le réel. Le projet parle
« d'apprendre en faisant » pour les apprenants, mais en
aucun cas parle des besoins des apprenants. Cette contradiction permanente est
difficile pour moi. Car, je suis sur le terrain, et j'observe ce que veut la
formatrice et ce que désirent les stagiaires. D'ailleurs,
désirent-ils quelque chose ? Je dois en permanence m'adapter aux
uns et aux autres. Il n'y a pas de cohérence dans ce projet mis à
part le fait que l'objectif est d'aller au bout. A ce propos je pose la
question aux stagiaires sur leurs objectifs concernant le projet.
c) Les objectifs des stagiaires
Lorsque je demande à la directrice administrative de me
dire ce qu'elle changerait dans le projet, elle semble déjà
ailleurs, car effectivement elle est enceinte et n'est plus dans « le
jeu » du projet institué, mais dans la réalité,
la sienne...
DA : « Et ben de
toute façon on est obligé de faire les papiers avant, c'est
ça que j'trouve enfin c'est difficile parce que c'est pas concret. En
plus ça sert à rien si on regarde au fond, c'est comme qu'on veut
nous faire croire que et ben euhh on pourra faire une entreprise tout seul,
c'est pas possible y faut des sous, j'ai déjà du mal pour faire
manger, pour mes enfants et puis même, maintenant j'ai plus de voiture,
et la banque m'a refusé le crédit pour m'en acheter une autre.
C'est pas pour demain que j'vais faire une entreprise (rire). Moi j'men suis
toujours sortie toute seule mais bon euhh, j'préfaire quand même
travailler pour quelqu'un. Bon maintenant c'est plus pareil, j'suis enceinte,
il faut que je pense aux enfants ». L62-69
Elle préfère travailler pour quelqu'un et
considère que l'E2C veut leur faire croire à quelque chose, qui
finalement ne l'intéresse pas le moins du monde. Ses objectifs sont de
s'en sortir toute seule comme elle a l'habitude.
Tandis que pour le PDG lui, se sent en compétition dans
ce projet :
PDG : « Et ben moi
le truc c'est qu'j'ai déjà un esprit de compétition, donc
moi si euhh y a un truc à faire euhh j'ai toujours voulu être le
meilleur dans c'que j'voulais faire, mais après ch'sais que dans le
groupe enfin en général, c'est plus l'ambition d'aller euhhh de
se présenter au concours et d'aller à Paris
quoi ». L 75-78
Il me dit que finalement le concours intéresse plus les
autres que lui. Or, à l'approche du concours Régional, et
après ne plus avoir donné de nouvelles pendant presque deux
semaines, il est réapparu se proclamant comme PDG. Les produits
étaient fabriqués par les trois stagiaires qui étaient
encore là, et devaient être vendus sur le marché d'Epinal.
Pour le coup, le PDG a eu l'idée de faire valoir son rôle
auprès de « ses employés ». Encore une fois,
c'est lui qui devait organiser l'action commerciale avec le directeur
commercial. Mais, les deux compères n'étant pas présents,
c'est la formatrice qui organisa cette action commerciale. Finalement, partir
à Paris serait une récompense pour lui :
PDG : « Et ben si
demain on est sélectionné pour le salon c'est une certaines
reconnaissance du travail qu'on a fourni euhh quand même. Parce que c'est
quand même euhhh on a pas euhh, c'est vrais que quand on est simple
consommateur on s'imagine pas justement c'que les entreprises fournissent comme
travail, quoi. Et le fait d'euhhh, si on est sélectionnés
justement au concours régional voire même à Paris,
ça s'rait quand même une certaine reconnaissance pour le travail
qu'on a effectués quoi ». L87-92
d) L'autonomie
Le terme d'autonomie provient de « auto-nomos = (se
donner) soi-même ses lois ». Selon Alain Rieunier : « Si un
individu doit apprendre à sauter, c'est lui qui doit sauter, pas son
entraîneur »36(*)
Développer l'autonomie chez les stagiaires est sans
doute l'un des points le plus important dans le projet pour l'institution. Or,
lorsque je demande à la formatrice jusqu'où peut-on laisser les
stagiaires dans leur autonomie d'apprentissage concernant ce projet ? Elle
me donne une réponse qui me semble être à l'inverse de ce
que le projet doit leur apprendre. Mais encore une fois, elle est dans les
étapes, et considère qu'on ne peut pas les laisser en autonomie.
Le formateur qui veut développer l'autonomie des stagiaires doit,
à mon sens, susciter le questionnement qui est le moteur même de
l'autonomie. Un stagiaire autonome est un stagiaire qui se pose et pose des
questions à son entourage. Le formateur doit se préoccuper des
intérêts des stagiaires.
Formatrice : « :
Justement, je pense que ça sa pose problème dans la mini, telle
qu'elle est faite aujourd'hui, par rapport à notre public hein, c'est
que l'autonomie, ils l'on pour ainsi dire pas ! Ou en tout cas dans un
temps très limité.... » L245-247
« ...Alors on peut décider de tout
laisser faire en autonomie, sauf que là, on risque de griller les
étapes hein ! Ne pas faire tout ce qui est demandé, et
à ce moment là quand on va présenter la mini au salon
régional... » L254-256
« ...Donc la c'est ce en quoi
précisément, la mini n'est pas adaptée au public, c'est
que nous nos jeunes, il faut qu'on soit derrière, ils ne sont pas
à l'E2C pour rien, ils sont justement à l'E2C, parce que il y
besoin pour ces jeunes là, qui est quelqu'un derrière eux, qui
les accompagnent, et ça pour tout. Hein. Je dirais qu'à ce moment
là, il faudrait démarrer la mini quand les jeunes sont en fin de
parcours et que tous est acquis en amont, ce qui est inconcevable et
infaisable ». L260-265
La directrice administrative me dit que ce qui est difficile,
c'est d'être en autonomie :
DA : « Et ben
des fois quand on nous laisse en autonomie euhh et quand on nous dit fais
ça, fais ça euuhhh mais des fois on n'est pas censés
savoir c'qui faut faire enfin parce que euhh ben ch'sais pas ».
L38-39
Le PDG lui considère finalement qu'il apprend une
certaine autonomie, même si les formateurs interviennent pour ce qu'il
appelle « mettre un grain de sel »
PDG : « Ouè
on a quand même une certaine autonomie et euh, enfin même si par la
fois certains formateur mettent leur grain de sel ou quoi que ce soit dans
notre euhh, dans notre projet on a quand même une certaine autonomie
quoi, c'est pas le formateur qui décide justement de s'qu'on va faire et
comment faut faire ainsi de suite. Ces qu'on à les démarche
à effectuer et c'est à nous, enfin c'est, enfin c'est à
nous, enfin on a le gros plan et c'est à nous de finaliser le tout en
fait. C'est vraiment euhhh une certaine autonomie la
dessus »L26-31
Pour conclure cette partie, je dirais que les objectifs
d'apprentissage prescrits par l'institution pour ce projet ne sont pas en
accord avec la réalité du terrain. La formatrice subit une
pression pour atteindre l'objectif principal, celui d'aller au bout du projet.
Les stagiaires eux, suivent sans vraiment comprendre ce qu'ils doivent faire.
Le concours est une sorte de terre promise qui validera l'apprentissage des
apprenants aux yeux de l'institution. Or, les étapes sont faites le plus
souvent à « l'arrache » par la formatrice et
moi-même. Par conséquent, il est impossible pour les apprenants de
s'approprier ce projet car ils dépendent du formateur et dans ce cas,
ils ne peuvent pas apprendre l'autonomie.
10 Les rôles et les statuts dans
le projet de la mini-entreprise
10.1 Le rôle du formateur
Le rôle du formateur dans le cadre d'une
pédagogie de projet doit permettre au stagiaire d'aller au bout de ses
erreurs, sans prendre sur soi la responsabilité de cet échec. Le
formateur soutient et confronte, mais n'agit pas à la place du
stagiaire, aussi tentant que cela puisse parfois l'être. Travailler dans
une pédagogie de projet demande au formateur une grande souplesse, de
même qu'une grande confiance en la capacité de ses stagiaires
à se prendre en main. Il s'agit de guider et d'animer plutôt que
d'instruire, d'organiser et de planifier. Le formateur joue un rôle de
coach, de médiateur, de tuteur et parfois d'arbitre.
Lors de mes entretiens avec la formatrice, elle me dit que le
projet tel qu'il est conçu ne permet pas aux stagiaires de se prendre en
main.
Formatrice : « Et
c'est des jeunes qui sont capables de faire dix pas en avant dans un mois mais
qui vont en faire vingt le mois d'après EN ARRIERE. Tout ça c'est
des choses dont il faut tenir compte pour faire avancer ce projet là,
hein. Tel qu'il est conçu aujourd'hui, le projet là ne permet pas
ça, je pense. Il faut toujours aller de l'avant, il faut toujours les
stimuler ». L97-101
Là, je commence à comprendre que le projet,
certes n'est pas axé à mon sens sur une pédagogie de
projet ni même sur projet pédagogique, provoque chez la formatrice
un manque de confiance envers les stagiaires. Cette réaction est
légitime car elle est consciente que ce projet n'est pas celui des
stagiaires mais celui de l'institution, et par conséquent, elle se donne
comme mission d'être constamment derrière les stagiaires pour les
« pousser ».
Formatrice :
« Effectivement avec tout ce que l'on vient de dire là, il
faut bien un moment se..... Se mettre en face des réalités, et ce
dire que la mini peut-être menée, même en autonomie à
condition qu'il y est toujours quelqu'un derrière qui soit là et
qui, qui dirige les axes prioritaires et qui vérifie quand même
que tout est fait. Qui vérifie en tout cas de loin mais qu'il le fait
quand même » L267-271.
Seulement comme les stagiaires ne sont pas impliqués
dans le projet, pour les raisons déjà évoquées, non
seulement il faut vérifier le peu que les stagiaires veulent bien faire
et ce en fonction de leur présence, mais il faut également
corriger et faire à leur place. Ce qui n'est pas le rôle du
formateur dans ce type de projet. Le responsable CCI me répond, lorsque
je lui pose la question sur le rôle du formateur :
« Le formateur doit s'adapter à son
public et doit adapter le projet dans la mesure de ce qui peut-être
adapté ! » L118-119
Cette réponse ambigüe reflète, me semble
t-il, un détachement vis-à-vis de ce projet. Conscient des
difficultés, j'ai eu le sentiment qu'il me disait :
« vivement que ce projet se finisse ».
La responsable d'EPA convient que le formateur doit
s'impliquer plus qu'un enseignant :
EPA : « les profs
souvent lorsqu'ils rentrent de vacances au bout de 15 jours, ils nous disent
souvent que c'est dur de raccrocher les élèves, car ils sont un
peu déconnectés. Alors j'imagine les E2C, qui ne sont pas
là pendant 3 semaines, ce n'est pas évident et c'est vrai que
ça demande de la part du formateur, peut-être plus d'implication
dans ce projet pour le mener à terme. » L58-62
« ... Le rôle du formateur est important,
il doit être là pour dédramatiser... ».
L103-105
Lorsque je demande à la responsable EPA de me donner
les limites du projet, elle me dit que les limites sont les
formateurs :
EPA : « Alors, je pense
que ce qui fait la limite dans ce projet, c'est surtout l'équipe qui
encadre., il faut il faut absolument que l'équipe, les formateurs soient
là, les encadrent, les obligent à faire les choses en temps et en
heure et qu'ils ne laissent pas trainer les étapes, parce que c'est un
projet sur lequel on n'a pas de temps à perdre, l'année passe
vite, et c'est vrai il faut veiller à ne pas être trop
laxiste ». L164-168
Oui mais, on ne peut pas obliger quelqu'un à
apprendre ! Mais il vrai que l'on peut obliger quelqu'un à faire.
Mais s'il n'est pas motivé, il fera mal. Cette déclaration
m'amène encore une fois à penser que l'objectif est au
détriment de l'apprentissage. Sachant que ce projet n'est pas
adapté aux E2C, le rôle du formateur est de se débrouiller
pour aller jusqu'au bout. Car, elle nous dit que : « on n'a
pas de temps à perdre, l'année passe vite »
Mais lorsque je lui pose la question des pistes
d'amélioration pour ce projet dans le cadre de l'E2C en fin d'interview,
elle reconnait que l'administratif décourage les stagiaires. Ce que je
considère à mon sens comme une limite.
EPA : « Moi
j'allègerais sur certaines, sur certains points administratifs,
notamment l'étude de marché, parce qu'on sait très bien
que si ce n'est pas fait dans les règles de l'art, ça ressemble
pas souvent à grand-chose et puis l'assemblée
générale etc, etc, etc. C'est souvent compliqué et
ça décourage énormément les stagiaires, donc
voilà, moi j'allègerais cette partie là. Parce qu'on
remarque que lorsqu'ils commencent à fabriquer, ça y est il y a
du concret ». L209-214
Finalement elle ne me dit pas la façon dont elle
allègerait le dispositif, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle est
pleinement consciente des difficultés qu'éprouvent les
apprenants.
10.2 Les statuts et le rôle des apprenants dans la
mini-entreprise
Il me semble important de parler des statuts et rôles
des apprenants dans ce projet. Car la mini-entreprise oblige les stagiaires
à endosser la casquette de PDG, directeurs etc...
Selon EPA : « les
élèves de collèges ne veulent pas toujours s'engager,
parce que dire que l'on est PDG à son meilleur copain qui lui n'est
qu'ouvrier, c'est pas euh toujours simple. Bon c'est vrai que ça
stigmatise, mais bon, il faut leur expliquer que chaque rôle est
important. Alors c'est vrai que dans les E2C c'est multiplié par dix
mais voilà c'est une problématique qu'il faut gérer,
enfin, voilà, le formateur doit pouvoir l'expliquer. Alors en même
temps, certains se mettent volontairement dans des postes moins importants,
parce qu'ils sont quelques fois trop timides, ou ils n'ont pas envie qu'on leur
pose des questions, ils se mettent volontairement en retrait ».
L120-127
La formatrice me dit qu'effectivement cela peut poser des
problèmes.
Formatrice : « et
on leur a donné des statuts, parce qu'il faut donner des statut dans la
mini entreprise et ils n'ont pas tous, c'est ben, j'veux dire par exemple le
commercial dans la vrai vie, quelqu'un qui est au service commercial, c'est
quelqu'un qui à une vrai fibre commerciale au départ, il n'est
pas là par hasard, alors que nous, nos jeunes sont choisis par hasard
pour la mini, il se sont nommés eux, mais non pas forcément la
fibre commerciale et les compétences hein, après les rôles
ont été distribués d'un commun accord entre eux, mais pour
autant, ils n'ont pas forcément euh un profil qui pourrait aller dans ce
service là. Alors peut-être qu'effectivement ils peuvent se sentir
dépassés par ça. En même temps c'est plutôt
bon signe ça veut dire qu'ils prennent ça au sérieux. Et,
il faut aussi relativiser. Ça je pense que oui, ça peut exister
surtout quant un moment, ils sentent un peu qu'on leur bourre le mou là,
on leur dit là, attention il faut réellement bosser cette
étape la, sinon vous allez vous mettre en difficulté, vous ne
serez pas dans les temps, etc., et la du coup, ça leur met une pression,
peut-être que, cet état de fait, va engendrer par cette pression
là. Hein ou alors des personnes fragiles psychologiquement, comme par
exemple, (le PDG) qui est quelqu'un de bipolaire, qui a de gros, gros
problèmes de personnalité, forcément pour lui ça
peut poser un problème ».L 226-241
Le PDG, lui, éprouve des difficultés à se
faire entendre et respecter :
PDG : « Y en a
qu'on s'fréquente à coté de l'E2C et on se
fréquente aussi à la fois à l'intérieur et une fois
qu'on a la mini entreprise parfois au niveau de l'autorité c'est pas
trop enfin on arrive parfois à avoir de l'autorité mais c'est
pas neutre eh avec quelqu'un qu'on fréquente régulièrement
on a du mal à lui donner un ordre par exemple avec beaucoup plus de
fermeté que si c'était par exemple comme dans une entreprise eh
ben t a pas de contact ou de lien euhh entre l'employeur et ses
subordonnés quoi » L 19-24
La responsable EPA pense que le formateur doit faire attention
aux dérives des stagiaires et me dit que les statuts obligatoires ne
leur donne pas le pouvoir sur l'autre.
EPA : « Là aussi le
rôle du formateur est important, il doit, faire attention qui en ait pas
un qui prenne le pas sur l'autre, que finalement malgré les statuts
qu'ils sont obligés d'endosser, ils sont tous au même niveau.
C'est pour ça que le formateur est important surtout pour ce type de
public, il doit vérifier, cadrer être toujours présent,
parce que si la secrétaire ne remplit pas les courriers par exemple, et
ben tout le groupe sera pénalisé
forcément ».L108-112
Je profite de ce sujet pour raconter un
événement que j'ai vécu lors d'une séquence avec
les stagiaires pour la mini-entreprise. En effet, après 6 semaines
d'absence, j'avais pour mission dès mon arrivée au sein de
l'école, d'accompagner les stagiaires de la mini-entreprise. L'objectif
premier de cette matinée était de passer à l'étape
2 de la procédure imposée par le projet qui consistait à
trouver le futur Nom de la mini-entreprise. L'étape 1, à laquelle
j'étais présent, était la mise en place du projet dans ses
grandes lignes. Après avoir informé les stagiaires sur le
déroulement de la matinée, je les laissais s'organiser entre eux
tout en restant dans la salle. Pour ce faire, ils décidèrent de
réfléchir en groupe et de noter leurs idées sur une
feuille. Après quelques minutes d'hésitation de leur part, face
à leur feuille blanche, je décidais d'intervenir afin de leur
proposer une méthode plutôt bien adaptée à mon sens,
pour ce type de recherche ; et qui fait appel à la
créativité de chacun des protagonistes. Donc, je pris la parole
en leur proposant de faire un Brain Storming de façon à produire
une dynamique de groupe ceci afin que chacun donne un maximum d'idées.
Tout allait bien, jusqu'au moment où, je me lançais dans
l'explication et la méthode du Brain Storming. Subitement, le PDG de
l'entreprise m'agressa verbalement. Je cite : « de quoi vous
mêlez-vous, c'est notre entreprise, vous n'avez pas à nous casser
les couilles, ce n'est pas vous qui décidez pour nous. Vous n'êtes
qu'un stagiaire». Aussitôt, je voulais réagir et prendre
la parole afin de m'expliquer, car il ne s'agissait pas pour moi de parasiter
qui que ce soit, ou quoi que ce soit, mais plutôt de les aider à
démarrer leur activité. Impossible de placer un mot, il
étouffait ma voix à chaque fois que je voulais prendre la parole,
en criant de plus en plus fort et en me menaçant de démissionner
si j'intervenais encore une fois. Je cite : « si vous nous
cassez encore les couilles, je démissionne et vous vous démerdez
tout seul ». Le PDG avait parlé ! Son
positionnement vis-à-vis de moi et du groupe était clair ;
il a, je pense, voulu montrer que son statut lui donnait une
légitimité d'homme responsable et respectable, car après
tout, il avait postulé pour ce poste et c'est bien le groupe et
l'institution qui avaient validé son statut de PDG de la
mini-entreprise.
Quelques minutes après, il se leva brusquement de table
et alla au tableau en disant : « Ok, on va le trouver ce
Nom, mais c'est moi qui écrit au tableau ». Il reprit sa
place de PDG, mais en s'inscrivant dans une démarche non pas de vaincu,
mais de vainqueur. Car encore une fois, c'est lui qui décida de
reprendre les rênes, en allant au tableau. Il m'avait fait prisonnier
d'une situation et voyant que les rôles s'inversaient, il anticipa sa
fuite en emmenant le groupe avec lui. Tel le monarque, ses serviteurs et ses
généraux, à l'aube d'une révolution imminente.
Puis il tourna son regard vers moi et me dit : « c'est quoi
votre Brai, machin truc ? »
Après avoir expliqué ce qu'est le Brain
Storming, chacun participa activement, pour finalement trouver le Nom de leur
société « Mots' Délice ».
Pour conclure, je pense avoir bien réagi en laissant le
conflit s'atténuer. Dans ces moments là, la colère
aveugle celui qui la porte en lui. La patience reste la meilleure solution et
aide à la réflexivité.
Il y avait dans cette situation de conflits, une
volonté de retranchement derrière un pouvoir officiel qui
mettait en péril tout un système. En effet, il y avait en face de
moi un stagiaire E2C devenu PDG et légitimé par l'institution.
Or, face à ce dernier et de son point de vue de PDG, il y avait un
stagiaire formateur « étranger à l'E2C » et
qui plus est, en formation. Cette confusion de rôle et de positionnement
instituée, ressemblait à un labyrinthe dans lequel, aucune
entrée et sortie n'avait été prévue.
Le recul m'a permis de comprendre qu'une situation de travail
de ce type (le conflit) n'est pas prescrite dans un guide. Il n'y a pas cette
possibilité d'organiser l'imprévisible. Le réel, dans ce
cas de figure, prend toute sa dimension lorsque le rapport à l'humain
devient conflictuel. En effet, mon intention ce jour là d'aider le
groupe à trouver le nom de leur entreprise, en prenant mon
expérience comme référence, a créé une
tension chez le PDG qui, de par mon intervention de professionnel, a
perçu cette situation, non pas comme un accompagnement ou une aide, mais
comme une prise de pouvoir de ma part, engendrant ainsi un
déséquilibre hiérarchique vis-à-vis du groupe et
provoquant une remise en cause de sa crédibilité, en tant que
PDG.
Comme le cite Mireille CIFALI dans sa conférence sur
« les limites de l'accompagnement » du 22 novembre
2002 : « le professionnel vient avec ses outils, ses
techniques, ses médiations, ses dispositifs ; c'est un
professionnel bien intentionné qui voudrait que l'autre se transforme,
évolue, quitte ses difficultés »37(*).
Mais pour autant, pour prétendre aider l'autre
suffit-il d'avoir des outils, des techniques etc, permettant ainsi de se
positionner en tant que professionnel, pouvant ainsi anticiper les
éventuels conflits ? A mon sens la réponse est
« non » car, il n'y a pas que l'aspect
matériel et technico-professionnel qui programme le bon
déroulement d'une situation d'apprentissage ; mais il y a l'humain,
avec toute sa complexité, dont l'humeur et l'état d'esprit du
moment doit être pris en compte avec le milieu dans lequel la situation
d'apprentissage se déroule. Accompagner l'autre, c'est aussi essayer de
comprendre la situation dans laquelle on se trouve avec l'autre, ici et
maintenant. J'ai compris dans cette situation, que des paramètres
extérieurs non convoqués ce jour là, se sont
infiltrés dans l'environnement de travail, provoquant ainsi un double
déséquilibre entrainant, pour le coup, un conflit violent. En
effet, outre le fait que le statut du PDG avait était remis en cause
devant le groupe par mon intervention et ce, sans le vouloir de ma part, j'ai
découvert avec le recul et lors du module « Relation, entre
travail et formation », qu'une jalousie non justifiée amplifia
la colère du PDG et donc, le conflit.
En effet, il se trouve, comme je le précise dans le
texte, que la directrice administrative de la mini-entreprise est
également la « petite copine » dudit PDG. Or, ce
dernier a sans doute, à mon sens, imaginé une concurrence entre
nous et pour le coup, interprété mes attitudes et mon
comportement que je qualifie d'attentionnés envers les autres, comme
provocateurs.
Je comprends aujourd'hui d'où vient ce conflit. En
effet, j'ai occulté sans le vouloir l'individu et son statut dans le
projet de la mini-entreprise. Rajouter à cela sa jalousie et mon manque
d'expérience en terme d'accompagnateur, cette situation réelle
m'a apprise que mon désir d'aider l'autre doit être
également partagé réciproquement.
Rogers dit concernant le facilitateur :
« Il ne peut participer comme membre du groupe que lorsqu'il sent
réellement que lui-même et ses étudiants se trouvent sur un
pied d'égalité en tant qu'apprentis ».38(*)
Mais pour autant, je comprends que si le statut et le
rôle ne sont pas clairement identifiés dès le départ
par les individus dans une situation de travail, le risque de confusion peut
engendrer un conflit de pouvoir entre ces derniers. Mon statut de stagiaire en
formation au sein de l'E2C a eu un effet « Boomerang ». Je
n'étais qu'un stagiaire avec un statut inférieur, au regard d'un
autre stagiaire devenu officiellement PDG, grâce à la magie d'un
projet collectif organisé par l'institution.
« Accompagner, c'est être sur cette
tangente où l'on risque de basculer d'un coté ou de
l'autre...... » « ..................or il faut permettre
à l'autre de s'opposer à nous pour se retrouver ».
Nous dit Mireille CIFALI dans sa conférence sur « les
limites de l'accompagnement » du 22 novembre 2002.39(*)
Le projet collectif de la mini-entreprise doit être
préparé et organisé certes, avec des outils
pédagogiques adaptés à ce type de public. Mais, ce projet
doit faire également l'objet d'une réflexion d'un point de vue
sociologique. Car, créer un dispositif, (la mini-entreprise) avec
un public en difficultés, dans un dispositif
(l'E2C) destiné à resocialiser ces derniers, demande quant
à sa mise en oeuvre, une réelle réflexion de la part de
l'institution, du formateur mais aussi des apprenants. Or, le projet de la
mini-entreprise tel qu'il est prescrit aujourd'hui, impose un double statut aux
apprenants : celui de stagiaire en insertion
à l'E2C, et celui d'entrepreneur (PDG, Directeur
etc) dans l'E2C. Cette situation qui au départ
ce veut : « apprentissage, découverte de
l'entreprise » créé chez certains apprenants une
confusion psychologique dans ladite situation. Cependant, la
réalité que j'ai vécue montre bien qu'il suffit d'un
élément déclencheur (la jalousie, l'intervention du
formateur) pour que l'apprenant mette le feu aux poudres et se proclame
maître de la situation.
Pourquoi cette confusion ? Il est important
à mon sens de faire une différence non négligeable
concernant le statut et le rôle dans ce type de projet. Parce que,
dès la mise en place d'un tel projet, l'apprenant se voit dans
l'obligation d'opter pour un statut tel que celui de PDG par exemple. Or, par
rapport à un système social, l'entreprise est forcément
impliquée elle-même, dans son propre système
socio-économique réel. Donc, l'apprenant se doit également
d'assumer un rôle en tant que PDG. Par conséquent, ce rôle
englobe les attitudes, les valeurs et les comportements que la
société lui assigne. La question que je me pose est :
« comment le stagiaire au statut de PDG, peut-il remplir son
rôle, alors que, que l'institution lui fait comprendre que ce
rôle, n'est finalement qu'un jeu ? ». Or, cette
même institution proclame paradoxalement, que ce projet « la
mini-entreprise » n'est pas un jeu et qu'il s'agit ici, d'un
apprentissage réel ; avec des statuts réels ; dans les
conditions réelles à la création d'entreprise.
Par conséquent, je peux en déduire par rapport
à mon expérience vécue dans cette situation, que ce
conflit a pris naissance non pas uniquement pas parce que j'étais dans
la position d'un stagiaire formateur, face à un stagiaire PDG et qui
plus est jaloux, mais que ce conflit aurait pu, sans aucun doute éclater
avec un formateur référent et à n'importe quel moment. Car
le rôle du formateur comme celui du stagiaire PDG, n'a pas fait l'objet
d'une réflexion commune, pouvant ainsi instaurer un cadre de travail
basé sur la confiance.
Mon positionnement par rapport à cette situation est
sans équivoque. Je me dois en tant que formateur dans l'accompagnement
et dans l'insertion, être attentif à l'apprenant à qui je
demande de s'impliquer dans un tel projet. On ne peut pas inventer un jeu
où, le seul gagnant est celui qui prend le pouvoir sur l'autre.
Autrement dit, un projet ne doit pas instaurer une hiérarchie dans une
hiérarchie sans que les apprenants et les formateurs soient au clair sur
les rôles de chacun. Qui fait quoi ? Comment et où ? Le
cadre doit être posé au préalable.
Rappel : Jean Vassileff nous explique que dans le cadre
d'une pédagogie de projet « le concept de
propriété de l'espace-temps formation40(*) » peut se
concevoir uniquement si un état d'esprit de confiance et de
liberté s'instaure entre le formateur et le
formé. « Se projeter dans l'ici et maintenant de la
formation, donner du sens par sois même à ses actes dans
l'espace-temps immédiat de la formation, tout cela suppose que cet
espace-temps soit considéré par les formés comme leur
propriété ».
Puis il rajoute concernant le concept de droit
pédagogique que : « La question de la
propriété de l'espace-temps formation pose le problème de
l'organisation des pouvoirs dans les rapports sociaux entre formateurs et
formés, c'est-à-dire, le problème du Droit qui va
régir ces rapports. Comme il existe un droit Civil, un droit
Commercial, un droit du travail, etc., il y a lieu d'élaborer un droit
pédagogique : quels sont les droits pédagogiques des
formés ? Quels sont les droits pédagogiques des
formateurs ? Quels sont les obligations qui en
découlent ? »
Par rapport à la prescription de ce projet,
théorique déclaré par l'institut comme :
« Pédagogie du Projet » et la réalité
de sa mise en oeuvre, il existe à mon sens, un écart beaucoup
trop important pour que l'apprenant puisse apprendre dans de bonnes conditions.
Car d'une part, l'aspect sociologique n'a pas suffisamment était pris en
compte par rapport à ce type de public et d'autre part, dans le cas de
la mini-entreprise, j'ai le sentiment qu'il ne s'agit pas d'une
pédagogie de projet. En effet, la mini-entreprise s'appuie sur un
concept clé en main, un guide dans lequel les stagiaires (et les
formateurs) doivent obligatoirement suivre le cursus et remplir les objectifs
prescrits par l'institution et non négociables. Ce projet qu'est la
mini-entreprise ne laisse pas vraiment aux stagiaires l'initiative, et qui plus
est, de par l'obligation d'endosser un statut, il (le projet) enferme le
stagiaire dans un rôle ambigu et qui ne lui permet pas d'avoir un
certain recul face à la situation ; même si ce dernier se
porte volontaire dans ce type de projet. Ce n'est pas le projet du stagiaire,
c'est le projet prescrit par une institution qui veut, paradoxalement, redonner
des valeurs et des principes à des personnes en difficultés.
10.3 L'évaluation des apprenants dans le projet
Ce projet est soumis à une évaluation sommative
lors du concours régional et National. Sauf que, les apprenants n'eurent
pas accès à leur note et encore moins à des commentaires.
Ce qui me semble, en tant que formateur, ne pas être une
évaluation. Il se trouve que j'ai assisté aux évaluations,
car deux écoles de la deuxième chance sur neuf ont pu participer
à ce concours régional qui se déroulait à Metz. Les
deux écoles sont : Nancy et Epinal. Parmi les sept autres
écoles, certaines ont abandonné tandis que d'autres non pas pu
participer au projet, et ce, pour des raisons que j'ignore. Mes entretiens
furent menés bien avant le concours, c'est pourquoi je relaterai
certains faits vécus, en parallèle avec les entretiens que j'ai
menés avec EPA et la CCI sur ce sujet. Finalement, l'E2C d'Epinal est
allée jusqu'au bout du projet comme le voulait la formatrice. Les
étapes ont été remplies comme le désirait EPA. Les
deux seuls prix uniques de l'insertion ont été distribués.
Le premier prix fut pour l'école de Nancy, qui disputera le concours
National à Paris au mois de juin et le deuxième prix pour Epinal.
Il n'y avait pas de troisième prix prévu. Cela tombait bien, si
j'ose dire, puisque seules deux écoles se sont
présentées.
Le responsable de la CCI considère que
l'évaluation dans ce type de projet aurait du être
préparé en amont, lorsque je lui ai posé la
question : « Si ce projet n'est pas adapté, comment
peut-on évaluer l'apprentissage des apprenants ? »
CCI :
« Alors déjà, pour
évaluer, il aurait fallu envisager une évaluation en amont,
c'est-à-dire poser des indicateurs, pour moi qui doivent être plus
qualitatifs que quantitatifs, ça nécessite de reposer un certain
nombre de choses sur un référentiel pour avoir les mêmes
bases de travail, que l'on travaille sur les mêmes bases que
l'école de Nancy, d'Epinal ou Forbach, donc il faut travailler sur
évaluation en amont, maintenant ça pose la problématique
de l'évaluation qualitative » L 94-99
Il souligne le fait que toutes les écoles devraient
finalement être sur le même diapason. Or, ce n'est pas le cas. Je
confirme ces propos, car ce n'est pas la CCI qui évalue, c'est bien
l'association EPA. Il y aurait pu, si le projet le permettait, y avoir des
évaluations formatives mais cela aurait, aux dires de l'institution,
ralenti le projet.
Lors de mon entretien avec EPA, je voulais vérifier,
à l'époque, si le concours était considéré
comme une évaluation et comment cela allait se passer. La responsable
m'explique donc, tout le déroulement :
EPA : « alors, au
niveau du salon, du championnat, on va leur poser certaines questions qui sont
en rapport avec l'entreprise, mais c'est vrai que c'est difficile, surtout pour
les groupes qui sont en alternance. Il va falloir qu'il prépare un
rapport écrit sur ce qu'est leur entreprise, sur ce qu'ils ont fait,
d'où vient l'idée du produit, du nom des slogans, c'est quoi une
entreprise, comment ça fonctionne, quel est votre chiffre d'affaires,
qu'est-ce qu'une étude de marché, comment ils l'ont
réalisée, comment ils ont établi leur budget
prévisionnel etc. Donc il y aura un jury qui passera sur chaque stand,
avec un questionnaire et sur lequel toute une batterie de question leur sera
posée. Voilà ce sera l'évaluation qui leur permettra de
décrocher un prix, en fonction de tous ces paramètres. Donc, il
faut qu'il y en est au moins un dans la mini, qui puisse répondre c'est
là que le jury pourra savoir si les notions ont été
intégrées ou pas ». L246-256
Effectivement cela s'est passé de cette façon,
or les stagiaires ont été évalués sur des points
qu'ils ne maitrisaient pas, car le rapport d'étapes par exemple, c'est
la formatrice et moi qui l'avions réalisé, pour les trois quart.
La synthèse de l'étude de marché, c'est moi qui l'ai
réalisée dans sa totalité, car les stagiaires de l'E2C ne
voulaient pas la faire parce que c`était compliqué selon le
Directeur Commercial. Finalement, les stagiaires sont venus au concours, ils
ont eu le deuxième prix sur les deux. La formatrice était
satisfaite du résultat. Sauf que, les stagiaires eux, voulaient aller
à Paris, ils étaient déçus et juraient de ne plus
jamais faire un concours. Parmi les quatre stagiaires, trois n'ont pas
accepté la défaite. Ils voulaient être les premiers pour
aller à Paris. L'autre s'en moquait. L'une des formatrices de l'E2C
d'Epinal me disait le lundi en rentrant à l'école, qu'une des
stagiaires l'avait appelé en pleurant et en lui disant que tout ce
qu'elle faisait dans sa vie ratait. Elle ne voulait plus venir au Centre. La
formatrice en question est venue me voir en colère et en me disant que
ce projet était une foutaise. Ce projet a été mis en place
selon ses dires : « pour satisfaire les besoins de
l'institution » et que cela faisait plus du bien à la CCI
qu'aux stagiaires. Elle me disait que, de son point de vue, ce projet a mis ses
apprenants encore une fois en échec. Elle me disait que maintenant il
allait falloir rattraper « les conneries » des
autres ». Le projet professionnel a été mis de
côté pour réaliser ce projet, pour le coup elle se
demandait comment elle allait faire. Quant à moi, et pour l'avoir
vécu en direct sur le terrain de stage, je pense que les apprenants ont
trop été conditionnés pour atteindre les objectifs au
détriment d'un réel apprentissage.
Il semblerait que ce projet pourrait conduire à un
échec pour les apprenants selon le discours d'une des formatrices. Mais
il en est tout autre selon la responsable EPA elle y voit un avantage
réel.
EPA : « Voilà
donc l'avantage, c'est de pouvoir un moment donné dans ce type de
projet, c'est de se projeter, voilà donc c'est de dire on est dans un
projet cadré, vous risquez rien, vous vendez, vous ne vendez pas, il n'y
aura pas de sanction derrière, à aucun moment dans la mini, parce
que quelqu'un qui se trompe, il n'y aura de sanction. Donc jetez-vous à
l'eau, testez-vous, testez vos envies, c'est vraiment j'dirais un p'tit cocon
tranquille pour pouvoir se tester sur tous les plans possibles en
fait ».155-161
Ceci dit, elle reconnait que les pistes d'améliorations
seraient de ne pas faire le salon, car elle dit que c'est utopique.
EPA : « Pour l'E2C,
qu'est ce que je changerais, ..........petit blanc, je ne sais pas vous me
prenez à court là moi déjà, je ne mettrais pas le
salon régional comme une finalité, parce que ceux qui lancent la
mini, les jeunes mini-entrepreneurs, finalement on en retrouve peu au salon,
c'est un objectif utopique voilà L203-207
Oui, mais en fin d'interview, elle me dit quand même que
le salon est une récompense même si certains n'obtiennent pas de
prix
EPA : « tout
à fait, mais je pense que déjà arriver au salon, c'est
déjà une belle récompense ».L269
La grille d'évaluation est la même pour tout le
monde, catégorie insertion ne veut pas dire évaluation
insertion.
Conclusion du chapitre
4
J'ai essayé au travers de mes entretiens de comprendre
le projet de la mini-entreprise au sein de l'E2C d'Epinal, de vérifier
si effectivement le projet, tel qu'il est présenté par les
institutions, était basé sur une pédagogie de projet.
L'objectif principal étant de savoir si un tel projet répond aux
besoins des apprenants en termes d'apprentissage
Selon A. MUCHIELLI41(*) :"Le besoin est un état de tension
insatisfait lié à une nécessité (biologique,
psychologique ou sociologique) existentielle, orienté vers une
catégorie d'objets satisfacteurs, qui pousse l'individu à
rechercher un état d'équilibre plus satisfaisant par l'atteinte
d'objets appartenant à un certain ensemble ».
Il s'agira donc dans la conclusion générale, de
répondre à mes hypothèses de départ en ayant un
regard critique et constructif, proposant ainsi de nouvelles pistes de
réflexion. Et pour finir, je me positionnerais professionnellement en
faisant référence à mes neuf mois de formation continue au
sein du NUFC et à mon terrain de stage.
Conclusion
Générale
a) Retour sur hypothèses
J'ai eu la chance de suivre ce projet collectif du
début à la fin. Mes observations et mes participations
régulières dans ce projet, en tant que stagiaire en formation
professionnelle, m'ont permis d'être au coeur de ce projet et par
conséquent, au coeur de mon étude. J'ai essayé le plus
sincèrement possible d'aborder ma problématique en y mettant de
la distance, c'est-à-dire en ayant un regard critique sur ce projet et
ses acteurs. Il est vrai que lorsque l'on m'a posé la question, à
savoir si ce projet était intéressant pour les stagiaires, je
n'ai pas hésité une seconde à dire un
« Oui » franc et massif. Mais, dès la
première séance avec les stagiaires et la formatrice, j'ai pu
constater que les apprenants éprouvaient certaines difficultés
quant à la mise en oeuvre de ce projet. J'ai pu également
ressentir un stress permanent de la part de la formatrice qui était en
charge de ce projet.
Ma question centrale a fait l'objet pour moi d'une
réflexion permanente tout au long de mon étude. Lorsque j'ai
réalisé mes interviews, mon objectif était de me
positionner en tant que chercheur mais aussi en tant que futur formateur
professionnel. Pour cela, j'ai pris le temps d'écouter et de comprendre
mes interlocuteurs et ce, sans jamais avoir de préjugés sur ces
personnes. Mon intention était de vérifier mes hypothèses
de départ.
Aujourd'hui, et au travers de mes apports théoriques
appris à NUFC, de mes observations sur le terrain et de mon analyse des
entretiens que j'ai menés tout au long de cette période, on peut
dire que ma première hypothèse se vérifie :
- Le projet collectif de la mini-entreprise pourrait
être contre-productif car inadapté aux stagiaires de l'E2C. De
plus, l'institution n'a pas, me semble t-il, tenu compte des besoins des
stagiaires, c'est le projet de l'institution et non celui des stagiaires.
Les institutions n'ont sembleraient-ils pas
réalisé d'analyse de la situation quant à ce projet au vu
de son déroulement à l'E2C d'Epinal. Elles n'ont sembleraient-ils
pas pris en compte les éléments tels que :
« les contraintes, les ressources de l'environnement, les
dysfonctionnements et les problèmes observés, l'auteur (sujet,
groupe, institution,...) son histoire, ses désirs, ses aspirations, ses
inclinaisons, ses besoins et ses pré-requis »,
débouchant ainsi, sur un diagnostic pouvant créer une grille
d'observation qui prend en compte : « les manques, les
carences, les zones d'incertitude, les insuffisances, les dysfonctionnements
observés, les contraintes et les obstacles ». De plus, le
contenu du guide pédagogique proposé aux collèges, aux
lycées et aux E2C ne fait aucune différence avec les
compétences antérieures des formés au sein de l'E2C. Par
conséquent, le travail administratif et sa mise en oeuvre
demandés et imposés par l'institution ont été pour
les trois quarts réalisés par le formateur, ce qui finalement
montre l'aspect contre-productif en termes d'apprentissage pour les apprenants.
De plus, l'association avait proposé à la CCI d'alléger le
projet pour les stagiaires de l'E2C et ce en fonction de leur parcours. Or,
cela a été refusé, quitte à remplacer les
apprenants au fur et à mesure des abandons et autres. Ce qui montre que
ce projet n'est pas celui des stagiaires.
EPA : « Alors c'est
vrai que j'ai fait des réunions d'information avant le début de
l'année, pour les formateurs pour voir ce sur quoi on pouvait adapter.
J'ai proposé en fonction des parcours des stagiaires, de faire un projet
plus court, même si les stagiaires n'arrivent pas à
concrétiser la vente des produits, l'idée était qu'ils
aient une première approche concernant la création d'une
entreprise. Ce qui m'a été dit, c'est que non..... Même si
des stagiaires quittaient l'E2C, on en recruterait d'autres, donc, finalement
on resterait sur les mêmes bases que le projet initial sans rien changer
avec les difficultés que ça engendre ».L64-70
La deuxième hypothèse se vérifie
également :
- La pédagogie du projet utilisée comme outil
pédagogique par les institutions ne l'est que dans sa théorie,
concernant ce projet pour les stagiaires de l'E2C.
On peut dire que l'outil, qu'est la pédagogie du
projet, voulu par l'institution dans ce projet n'a pas été
utilisé comme tel, au sein de l'E2C. En effet, l'objectif final fut au
détriment d'un processus d'apprentissage et les apprenants n'ont pas pu
s'emparer et n'ont pas oeuvré pour ce projet, car ils n'y ont pas
trouvé de sens. De ce fait, les objectifs institués non
négociables ont créé des obstacles pour l'apprentissage
des apprenants. En effet, le formateur a dû prendre la place de chef de
projet, et faire à la place des stagiaires.
La troisième hypothèse se vérifie
également :
- Le guide pédagogique, clé en mains
conçu par EPA, s'adresse aussi bien aux lycées, aux
collèges qu'aux E2C. Son contenu ne tient pas compte des écarts
de niveau qui pourraient être abyssaux pour les stagiaires de l'E2C.
Les éléments cités dans mon
mémoire en termes d'apprentissage et les critères sur la grille
d'évaluation nous montrent nettement que certains objectifs ne sont ni
en rapport avec ceux de l'E2C, ni avec le niveau initial (Voir contexte E2C)
des stagiaires tels que : « Savoir établir des
prévisionnels : Budget prévisionnel et stratégie
commerciale, Assemblée Générale, statuts, capital de
départ etc... ».
De plus, il n'y a pas eu, et ce tout au long de la
période de ce projet, d'évaluations formatives permettant de
gérer et de suivre l'évolution des apprentissages de chacun des
apprenants. D'autre part, en ce qui concerne l'évaluation sommative des
stagiaires, lors de la compétition entre les E2C de la région,
elle n'a fait l'objet d'aucun commentaire et n'a pas non plus été
remise aux stagiaires lors de la compétition.
Mon analyse me conduit donc à confirmer que ce projet
ne répond pas aux attentes des apprenants de l'E2C d'Epinal, en termes
d'apprentissage.
Jean Paul MARTIN et Emile SAVARY42(*) nous disent
que : « évaluer c'est donner des repères
pour apprécier les effets produits par l'action de formation. Aux
apprenants, l'évaluation permet de prendre conscience des acquisitions
réalisées, de mesurer leur progression, de définir des
points à travailler » « Au formateur, elle
fournit des indications sur le travail réalisé, les
apprentissages effectués, les difficultés rencontrées, les
ajustements à mettre en oeuvre à propos du rythme, du
dispositif ».
Or, aucun de ces éléments qui me semblent
fondamentaux en tant que formateur, lorsque l'on veut faire apprendre, n'a
été utilisé dans l'évaluation des stagiaires. Ils
sont partis comme ils sont venus, c'est-à-dire sans vraiment
« savoir (s) ».
Alors qu'ont-ils appris ?
Comme le dit mon guidant lors de nos entretiens, et je suis
d'accord avec ses propos, on apprend toujours quelque chose ! Oui mais
quoi ? Outre le poids de l'institution et les enjeux sociopolitiques,
l'urgence d'arriver au bout de ce projet, montre que les objectifs quantitatifs
ont été réalisés au détriment d'un processus
d'apprentissage qualitatif.
Ma conclusion sur la question :
« Le projet collectif de la mini-entreprise au
sein de l'E2C répond t-il aux attentes, en termes d'apprentissage, de
ce type de public ? » se vérifie et ce, tout au
long de mon étude, car ce projet qui n'en est finalement pas un, n'est
pas adapté. Par conséquent, les apprenants n'ont pas pu se
l'approprier et donc il n'a pas répondu à leur besoins et aux
attentes en termes d'apprentissage. Lorsque que j'ai interviewé les
personnes responsables de ce projet, elles me confirmaient que le projet
devrait être adapté ou encore allégé pour ce type de
public de l'E2C. Certes, mais pour quel objectif ? Finalement, les stages
en entreprise que font les stagiaires durant leur parcours de 7 mois au sein de
l'E2C, ne suffisent-ils pas à leur faire découvrir le monde de
l'entreprise?
Ce mémoire a eu pour objectif de vérifier si ce
projet répondait aux attentes, en termes d'apprentissage, pour ce type
de public. Mais je me rends compte que cette question en ramène d'autres
dont une qui me parait essentielle c'est-à-dire :
« la création d'une mini-entreprise est-elle un
moyen suffisant pour faire apprendre ce qu'est le monde de l'entreprise
à des individus en insertion ? ». Je pense
que la question de l'apprentissage pour la création d'une entreprise est
sans doute complexe car il n'y a pas une seule et unique méthode
d'apprentissage. Au même titre que, il n'y a pas une seule ou unique
méthode lorsque l'on désire créer une entreprise. Il y en
a plusieurs naturellement et ce, en fonction des objectifs de chacun. Reste
à définir lesquels !
b) Mon positionnement
Voilà, il est temps pour moi de conclure mon
mémoire. Mon travail de réflexion mené dans le cadre de
mon étude, me fait prendre conscience qu'un tel projet doit faire
l'objet d'une analyse de situation afin de voir si ce dernier peut être
réalisé. Il me semble que l'E2C qui se veut être, je
cite : « un espace de progression individualisée et ceci
afin de répondre aux besoins d'un public de jeunes et de jeunes adultes
de faible niveau de formation initiale et de faible niveau de
qualification », devrait à mon sens repenser ce type de
projet pour ses stagiaires. Le projet et ses outils pédagogiques tels
que la pédagogie du projet sont des outils pédagogiques que le
formateur doit utiliser pour répondre à des besoins
identifiés chez des apprenants et non selon les désirs des
institutions. Quelque soit le projet, il doit être
réfléchi, négocié avec les acteurs,
c'est-à-dire les institutions, les formateurs et les apprenants et ceci,
en organisant des réunions formelles afin de favoriser les
échanges et de les faire progresser. Ce projet axé sur la
création d'entreprise est à ce jour non adapté au public
de l'E2C. Mais pour autant peut-on adapter un projet si l'on ne fait pas
d'analyse de la situation ? En ce qui me concerne, la réponse
est : « Non » car il y a non sens.
Mon étude me permet désormais de me positionner
quant à la mise en oeuvre d'un projet. En effet, en tant que futur
formateur, je refuse catégoriquement de me laisser emporter dans ce type
d'action sous prétexte qu'un projet est intéressant. Cela ne
suffit pas, pour faire apprendre, il ne suffit pas d'inventer un projet et dire
que des apprenants vont pouvoir apprendre et devenir autonome. Le projet n'est
pas une porte de secours, un idéal, ou encore une vitrine pour
l'institution, le projet doit être pour, et ou, celui de l'apprenant. Je
me rends compte désormais au travers de mon étude que, lorsque je
suis arrivé sur mon terrain de stage et que l'on m'a posé la
question si ce projet été intéressant, j'ai dit
« oui », mais j'ai dit
« oui » pour moi, j'ai dit
« oui » parce que je regardais ce projet par
rapport à mon expérience et de mon point de vue, mais pas celui
des apprenants. Aujourd'hui, et ceci grâce à ma formation à
NUFC et à mon étude, j'ai appris à me poser des questions
lorsqu'il s'agit de formation et par conséquent, je ne dirais plus
« oui » sans pouvoir comprendre à qui
s'adresse ce « oui » et
« pourquoi ? ».
Lorsque je suis arrivé à NUFC, mon projet
professionnel était de devenir formateur dans le domaine de
l'entreprise. Je voulais transmettre mes connaissances à des individus
désirant créer leur entreprise individuelle. Aujourd'hui, mes
motivations sont multiples, car j'ai découvert lors de mon stage, le
métier de l'accompagnement et de l'insertion. Finalement, ce
métier ne me paraît pas si éloigné que cela de mon
projet professionnel qui évoluera en permanence. Je suis convaincu, de
par mon expérience professionnelle, que je serai plus utile dans
l'accompagnement des personnes en difficultés vers le monde de
l'entreprise que je connais bien. Seulement, j'utiliserai mon expérience
comme ressource pour les apprenants, et non comme exemple.
Dans mon introduction, je disais que ma formation à
NUFC et mon expérience sur le terrain de stage, m'a permis de
savoir : « qui je suis aujourd'hui » et
« qui je ne veux pas être demain » dans le
monde de la formation, mais aussi en dehors, c'est-à-dire dans la vie de
tous les jours.
Maintenant que mon étude arrive à sa fin, je
vais tenter d'y répondre. Seulement pour y répondre, je vais
d'abord vous raconter une histoire vraie qui est la mienne.
Lorsque j'étais enfant, j'observais les cailloux que je
croisais sur le trajet de mon école. Je ne comprenais pas pourquoi ils
étaient là, et pourquoi ils n'avançaient pas comme moi.
« Que font-ils là ? Qui les avait posés à
cet endroit ? » me disais-je à chaque fois que je les
observais. Je me retournais souvent pour les voir s'éloigner de moi.
Lorsque je rentrais de l'école, j'avais pris l'habitude de regarder si
certains cailloux observés le matin étaient toujours au
même endroit. Et souvent, j'avais pu les revoir. Le lendemain, je
refaisais le même trajet et je vérifiais attentivement si les
cailloux avaient bougé. Cette observation a duré quelques temps.
Les matins en sortant de mon lit douillé, j'étais
déjà tout excité de savoir si j'allais revoir les cailloux
de la veille, à la même place. Je connaissais leur position et
leur nombre exact, car j'avais pris le soin de les sélectionner
visuellement en fonction de leur grosseur et de leur couleur. Un jour, comme la
question qui était pour moi de savoir pourquoi les cailloux ne
bougeaient pas, je décidais de donner un coup de pied dans un caillou
mais qui ne faisait pas partie de ceux qui, finalement, m'appartenaient. Et
là, croyez-moi ou non, ce fut une énorme découverte pour
moi. Je venais de découvrir que j'avais le pouvoir de les faire avancer.
Pendant longtemps, je crus que ma mission était de faire voyager les
cailloux que je rencontrais sur mon chemin, de les faire bouger, de les emmener
ailleurs. Au fur et à mesure des semaines qui passaient, c'était
devenu pour moi une sorte de devoir, car je pensais que j'étais le seul
à pouvoir le faire. A chaque fois que j'en rencontrais un, et qui me
semblait vouloir aller plus loin que là où il se trouvait, je
donnais un grand coup de chaussure dedans et je le regardais valdinguer
jusqu'à ce qu'il s'arrête. De temps en temps, j'en traînais
un avec moi jusqu'à l'école. En arrivant devant le portail, je
prenais le soin de le cacher dans un petit recoin. Le soir, je le reprenais et
lui faisait faire le chemin inverse et ce, jusqu'à ce que je sente qu'il
en avait assez de se promener avec moi ou l'inverse. Quelques temps plus tard,
je surpris un de mes camarades à « shooter » lui
aussi dans un caillou. Et là, sans rien dire, je compris que je
n'étais pas le seul à vouloir faire voyager les cailloux. Au fil
du temps, je remarquais que finalement tous les enfants de mon âge
faisaient la même chose. Sur le coup, j'étais déçu,
mais après réflexion, je me suis dit « tant
mieux », de cette façon ça me soulagerait un peu, car
des cailloux, il y en avait beaucoup sur mon chemin, et souvent j'arrivais en
retard à l'école. Tandis que ma mère qui ne comprenait pas
comment mes chaussures pouvaient s'abîmer aussi vite, elle aussi serait
soulagée, mais d'un point de vue financier. Des années plus tard,
et encore aujourd'hui, lorsque j'observe des gamins qui
« shootent » dans les cailloux, je me demande si
finalement, eux aussi veulent les faire voyager comme je le faisais. Cela
expliquerait peut-être pourquoi certains enfants donnent des coups de
pieds dans les cailloux et pourquoi leurs chaussures s'abiment aussi vite.
Aujourd'hui, je suis un homme, un futur formateur qui pense,
et ceci grâce ma formation à NUFC, que rien n'est figé dans
l'éternité lorsqu'il s'agit d'accompagner un individu dans son
apprentissage et de faire bouger les choses. C'est-à-dire changer de
représentation. Il suffit d'essayer, d'oser et d'y croire fortement,
pour que l'apprenant face à vous, lui aussi pense qu'il peut essayer,
oser, et y croire. Apprendre, c'est être libre, c'est l'un des projets
qui vous conduit vers ce que vous êtes ou ce que vous désirez
être. Apprendre, c'est comme donner un coup de pied dans un caillou et
construire son histoire qui va avec. Voilà le formateur que je veux
être aujourd'hui et demain. Celui qui, un jour, étant enfant, a
osé donner un coup de pied dans un caillou parce qu'il ne comprenait
pas pourquoi ils n'avançaient pas.
Désormais, je peux dire que ma formation au NUFC m'a
permis d'apprendre à aller plus loin dans ma réflexion,
l'apprentissage et sur ce qu'est mon métier de formateur. Les formateurs
du NUFC, m'ont appris, si j'ose dire, à donner un coup de pied dans un
caillou, oui mais, cela de façon différente, plus précise,
plus réfléchie et plus organisée. J'ai appris mon nouveau
métier parce que mes représentations ont changé. J'ai
appris à être libre et à ne pas me cacher pour apprendre.
J'ai appris à comprendre comment j'apprenais et pourquoi j'apprenais.
J'ai appris qu'il y avait des hommes et des femmes, c'est-à-dire les
formateurs que j'ai rencontrés à NUFC, qui prenaient le temps
d'écouter, d'expliquer et de regarder les individus à qui, ils
apprenaient à apprendre. J'ai observé que ces mêmes
formateurs n'étaient pas simplement là pour nous raconter leur
histoire mais pour nous aider à construire la nôtre et nous faire
prendre conscience de ce qu'est un « vrai » formateur. Je
crois que j'ai compris, en fait, il n'y a pas de « vrai »
formateur. Cela n'existe pas. Il y a simplement des hommes et des femmes
formateurs qui ont une envie de partager, de transmettre des savoirs et de dire
aux apprenants qu'il faut essayer, oser et croire que les cailloux ne sont
jamais immobiles. Trop de personnes et notamment les jeunes en insertion n'ont
plus confiance en eux et ne croient plus au lendemain. Moi, je les aiderai
à y croire, mais avec leur projet d'apprentissage et leur histoire qui
va avec.
Pour finir mon mémoire, ce que « je ne veux
pas être demain », c'est un formateur qui dit
« oui » à tout et ceci sans réfléchir
aux conséquences dramatiques que cela engendre pour l'apprenant. Je ne
veux pas être un formateur qui accepte qu'on lui dise au sujet d'un
apprenant : « que ça ne sert à rien de
lui apprendre, qu'il ne comprend rien », ou encore que :
« cet apprenant est bête et ne s'en sortira
jamais ». Je refuse.
Le formateur que je serai demain sera celui qui permettra aux
apprenants à croire en eux.
BIBLIOGRAPHIE
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Dunod, édition 1999. 370 p.
Célestin FREINET, Les techniques Freinet de
l'école moderne : Edition A. Colin, 1973. 144 p.
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Sociale Lyon 5eme édition 2008. 360 p.
Didier NOYER - Jacques PIVETEAU, Guide pratique du formateur
édition : INSEP CONSULTING PARIS 2002. 212 p.
Henri WALLON, L'évolution psychologique de
l'enfant : Edition. A. Colin 2002. 187 p.
Jean VASSILEFF, La pédagogie du projet en formation
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Marc BRU et Louis NOT, Où va la pédagogie du
projet ? Toulouse, Éditions universitaires du Sud, 1987. 303
p.
PELLETIER, NOISEUX, BUJOLD, Les approches en orientation
professionnelle. Développement Vocationnel et Croissance
Personnelle : Mac GRAW-HILL Editeurs, 1974.
MUCCHIELLI Alex, Les motivations : Paris. PUF. 2003. 127
p.
Pédagogie de l'alternance, Editeur HACHETTE
collection 1991. 95 p.
RIEUNIER Alain, Préparer un cours : ESF
éditeur, 2e édition, Paris 2004. 328 p.
ARTICLES
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Poitou-Charentes. 79 p.
SCIENCES HUMAINE 1996 numéro12. Hors série
interview de Philippe MEIREU sur les méthodes pédagogiques. 89
p.
EDUCATION PERMANENTE 1986 Projet formation-action n° 86.
158 p.
EDUCATION PERMANENTE 1987 Projet formation-action n° 87.
183 p.
Références utilisées :
Modules étudiés à NUFC (Nancy-Université
Formation)
Module : Apprentissage
Modules : Différenciation des stratégies
d'apprentissage et d'évaluation
Module : Les approches en orientation professionnelle
« Les influences de l'orientation éducatives
Module : Outil du formateur étudié au CNUF
(Nancy-Université Formation Continue)
Module : Relation Travail Formation
Adresses Internet
43
http://entreprendre-pour-apprendre.fr/lire/index.php?rubid=3.
Consulté le 15 mai 2010
Mots clés : EPA, entreprendre, apprendre,
entreprendre pour apprendre, CCI Lorraine, MEDEF.
43
http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9dagogie_de_projet.
Consulté le 25 mai 2010
Mots clés : pédagogie, projet,
pédagogie du projet.
43
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sciences_humaines_et_sociales.
Consulté le 25mai 2010
Mots clés : pédagogie, projet,
pédagogie du projet.
ANNEXE 1
Entretien
Exploratoire
ANNEXE 2
Guide Pédagogique de
la mini-entreprise
Le projet collectif de la Mini-Entreprise au sein
de l'E2C d'Epinal
Répond t-il aux attentes,
En termes d'apprentissage, pour ce type de public
?
Créer une entreprise pour découvrir le monde de
l'entreprise, serait-il un moyen facilitant l'insertion des jeunes de 16
à 25 ans en difficultés sortis du système scolaire trop
tôt?
La mini-entreprise est l'un de ces projets proposé par
l'association EPA (Entreprendre pour Apprendre). Ce projet a été
créé à la base pour des élèves de
lycées et de collèges et qui est axé sur la
pédagogie de projet.
La CCI (Chambre de Commerce et de l'Industrie), par le biais
de L'E2C (Ecole de la Deuxième Chance) expérimente cette
pédagogie de projet qui pourrait, me semble t-il, être contre
productive car inadaptée au public de l'E2C.
Selon J.P BOUTINET : « Le projet permet
à l'acteur d'effectuer une transformation de son rapport au monde ;
plus qu'une adaptation à ce monde, il se veut recherche d'une insertion
locale qui pour l'acteur ait un sens ».
Mais pour autant, peut-on créer des projets à
tout va et invoquer l'acteur à trouver un sens à ces
projets ? Sachant que ces dernier n'ont pas été
pensés ni même réfléchis pour, et par l'acteur
lui-même.
De quoi parle t-on, lorsqu'il s'agit de pédagogie de
projet ? Et de qui parle t-on lorsqu'il s'agit d'apprentissage ?
Mots clés :
Pédagogie ; apprentissage ; projet ;
pédagogie de projet ; entreprise ; EPA ; CCI ;
E2C.
|
* 1Jean Vassileff. 1991. La
pédagogie du projet en formation page 8. Lyon : Chronique Sociale /
132pages
* 2 Module NUFC Les approches
en orientation professionnelle « Les influences de l'orientation
éducatives
* 3 Module NUFC
« Les approches en orientation professionnelle » PELLETIER,
NOISEUX, BUJOLD : Développement Vocationnel et Croissance Personnelle.
Mac GRAW-HILL Editeurs, 1974.
* 4 Guide pratique du
formateur 2002 page 99 : édition : INSEP CONSULTING PARIS
Didier Noyer - Jacques PIVETEAU 212 pages.
* 5
http://entreprendre-pour-apprendre.fr/lire/index.php?rubid=3.
Consulté le 15 mai 2010/ Mots clés : EPA, entreprendre pour
apprendre.
* 6 Formateur d'adultes. Jean
Paul MARTIN, Emile SAVARY. Page 185 Chronique Sociale Lyon 5eme édition
2008 Nombre de page : 363
* 7
http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9dagogue.
Page vue le 23 mai 2010
* 8 Modules NUFC :
outils du formateur, différenciation des stratégies
d'apprentissage et d'évaluation
* 910 Sciences humaine 1996
numéro12 hors série page 5 L'apprenant, le savoir et le
formateur
* 11
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sciences_humaines_et_sociales
Consulté le 25mai 2010 Les sciences humaines et sociales sont un
ensemble de disciplines scientifiques étudiant les aspects sociaux des
diverses réalités humaines. Selon les définitions
simplifiées des dictionnaires, les sciences humaines ont pour objet
d'étude ce qui concerne les cultures humaines, leur histoire, leurs
réalisations, leurs modes de vie et leurs comportements individuels et
sociaux, tandis que les sciences sociales auraient pour objet d'étude
les sociétés humaines, entités distinctes regroupant les
humains pour des motifs divers
* 12
http://fr.wikipedia.org/wiki/Projet.
Consulté le 25mai 2010
* 13 Jean Vassileff. 1991.
La pédagogie du projet en formation page 35. Lyon : Chronique
Sociale / 132pages
* 14
http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9dagogie_de_projet.
Consulté le 25 mai 2010
* 15 John Dewey née
le 20 octobre 1859 à Burlington dans le Vermont est un
philosophe américain spécialisé en psychologie
appliquée et en pédagogie.
* 16 Célestin Freinet
est un pédagogue français, né le 15 octobre 1896
à Gars dans les Alpes-Maritimes, mort le 8 octobre 1966. Les
techniques Freinet de l'école moderne. Edition A. Colin, 1973 143
pages
* 17 Jean William Fritz
Piaget, (9 août 1896 à Neuchâtel - mort le
16 septembre 1980 à Genève), est un psychologue,
biologiste, logicien et épistémologue suisse connu pour ses
travaux en psychologie du développement et en
épistémologie avec ce qu'il a appelé
l'épistémologie génétique.
* 18 Henri Wallon, né
le 15 juin 1879 et mort à Paris le
1er décembre 1962, est un philosophe, psychologue,
neuropsychiatre, pédagogue et homme politique français. A
écrit à ce sujet : L'évolution psychologique de
l'enfant. Edition. A. Colin, 2002 187 pages
* 19 Module outil du
formateur étudié au CNUF (Nancy-Université Formation
Continue)
* 20 La pédagogie du
projet. Jean VASSILEFF page 39. LYON Edition Chronique Sociale. 131 pages.
* 21 Module d'apprentissage
à NUFC
* 22 La zone proximale de
développement est : « la distance entre le niveau de
développement actuel, tel qu'on peut le déterminer à
travers la façon dont l'enfant résout les problèmes seul
et le niveau de développement potentiel, tel qu'on peut le
déterminer à travers la façon dont l'enfant résout
les problèmes lorsqu'il est assisté d'un adulte ou collabore avec
d'autres enfants plus avancés ».
* 23 Lev Semionovitch
Vygotski, (né le 17 novembre 1896 mort le
11 juin 1934) est un psychologue russe connu pour ses recherches en
psychologie du développement et sa théorie historico-culturelle
du psychisme.
* 24 La pédagogie du
projet 1991. Jean VASSILEFF page 57 « l'acquisition des
connaissances ». Edition Chronique Sociale. 131 pages.
* 25 Marc Bru et Louis Not
Où va la pédagogie du projet ? 303 pages Toulouse,
Éditions universitaires du Sud, 1987
* 26 Education
permanente1987 Projet formation-action n°87 page 11
* 27 Education
permanente1987 Projet formation-action n°87 page 13
* 28 Module NUFC :
Outils du formateur, différenciation des stratégies
d'apprentissage et différenciation des stratégies
d'évaluation
* 29 Sciences humaine
numéro12 hors série page 23 interview de Philippe MEIREU sur les
méthodes pédagogiques.
* 30 Sciences humaine
numéro 1996 N°12 hors série page 33 Thème sur
« Projet et Insertion »
* 31 Pédagogie de
l'alternance 1991Editeur HACHETTE collection : Partie 3
* 32. Extrait du magasine de
science humaine hors série n°12 page 41Thème :
Apprendre à apprendre.
* 33 Pédagogie de
l'alternance. 1999. page 70HACHETTE éducation 95 pages
* 34 Sciences humaine
numéro1996 12 hors série page 6 Thème sur
« l'apprenant, le savoir et le formateur »
* 35 Formateur d'adultes.
Jean Paul MARTIN, Emile SAVARY. Page 241 Chronique Sociale Lyon 5eme
édition 2008 Nombre de page : 363
* 36 RIEUNIER Alain :
Préparer un cours, page 12. ESF éditeur,
2e édition, Paris 2004
* 37 Les cahiers de
l'accompagnement. Edition CARIF 2002 Poitou-Charentes
* 38 Carl ROGERS :
Liberté pour apprendre. Paris : Dunod, édition 1999, p162
* 39 Les cahiers de
l'accompagnement. Edition CARIF 2002 Poitou-Charentes
* 40 La pédagogie du
projet 1991. Jean VASSILEFF page 39. Edition Chronique Sociale. 131 pages.
* 41 Muchielli
Alex. Les motivations. Paris. PUF. 2003
* 42 Formateur d'adultes.
Jean Paul MARTIN, Emile SAVARY. Page 271 Chronique Sociale Lyon 5eme
édition 2008 Nombre de page : 363
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